Dernier chapitre de l'année 2023.
Merci à tous de me suivre et à bientôt en 2024!
Bonne année et bonne lecture.
Atlantis
Les subtilités de la politique ouman'shii lui échappaient encore largement.
Ainsi, Ilinka n'avait pas réalisé qu'en négociant avec les Athosiens, c'était la ruche de Silla qu'elle avait avantagée. C'était ce qu'elle avait appris dès le retour de Delleb.
Le gollium étant rare et les ingénieurs capables de le raffiner pour le rendre utilisable encore plus, ils se retrouvaient soudain à la tête d'un quasi monopole. Les Ouman'shiis partageaient entre eux leurs connaissances en matière de réparation et d'hybridation de la technologie lanthienne, mais faute de matériaux pour produire certaines pièces clés, tout le monde en était réduit à récupérer ce qui pouvait l'être sur des épaves. Parmi ces pièces très demandés, se trouvaient les cristaux de contrôle, courants mais trop prompts à griller pour ne pas être un bien précieux. Et soudain, voilà qu'une concession sur une mine de gollium dont ils ignoraient tout quelques semaines auparavant donnait à la ruche de Silla les moyens de produire de nouveau cristaux en quantité presque industrielle !
Rosanna avait aussitôt lancé des opérations d'extraction et de raffinage, et c'est sans attendre que l'artiste était partie négocier ressources, territoires et vaisseaux en échanges desdits cristaux auprès des populations alliées.
Après ce succès éclatant – quoiqu'un peu involontaire –, Ilinka se retrouva à jongler entre ses différentes leçons et de plus en plus de missions de tous genres, allant d'une conciliation entre deux scientifiques se disputant l'utilisation d'une machine de laboratoire, à la négociation de biens de consommation courante, en passant par la résolution de problèmes logistiques divers.
Ces tâches avaient l'immense avantage de lui permettre d'échapper un peu à l'étouffante salle du trône et aux griffes de Delleb, mais avaient le terrible défaut de s'accompagner d'un lot angoissant de responsabilités.
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Vallel'kan gronda, découvrant ses dents avec dépit, alors que le berger grinnaliden mécontent continuait d'agiter sous son nez le demi-cadavre d'un jeune hunr massacré nuitamment.
Depuis quelques semaines, un ou plusieurs prédateurs aussi malin qu'adroit s'infiltrait la nuit venue dans les pâturages et les étables alentour pour y semer le chaos et la mort. Les bêtes, sans doute enhardies par leurs succès, étaient passées d'un animal toutes les quelques semaines, à de véritables massacres presque chaque nuit.
En plus du jeune hunr à la fourrure grise à demi-dévoré, c'étaient quatre autres animaux que le berger avaient perdu, les bêtes ayant été tellement blessées qu'il avait dû abréger leurs souffrances.
« Vous devez faire quelque chose ! C'est votre travail ! » tempêta l'homme, jetant la carcasse aux pieds de Vallel'kan, qui siffla.
« Nous sommes là pour vous protéger vous, humains. Pas vos bêtes… » siffla le patrouilleur.
« Ce monstre a égorgé mon hunkar ! Le pauvre, sa tête ne tenait plus que par un peu de chair. Si cette saleté peut tuer un hunkar comme le mien, elle peut tuer un homme! Et je ne parle même pas des femmes et des enfants ! Depuis que cette chose rôde, je ne laisse plus mes gosses sortir ! Mais nous sommes bientôt aux moissons. Je suis censé faire quoi ? Choisir entre les laisser mourir de faim cet hiver, ou être dévorés par ce monstre ? » gesticula l'homme, désignant une énorme carcasse dont le crâne et le dos étaient hérissés de plaques osseuses et cornues.
La plupart des hunrs dépassaient à peine la taille d'un gros chien mais ce hunkar faisait la taille d'un petit taureau. Difficile de réfuter les arguments du berger.
Visiblement son maître en était arrivé aux même conclusions.
« Hey, le nabot ! » l'apostropha-t-il en wraith.
« Oui, maître ? »
« Il paraît que tu as fait ton pré-apprentissage auprès d'un traqueur. »
« Oui. »
« Tu saurais trouver cette bête ? »
« Je peux essayer de la pister, si c'est votre question. »
D'un geste du menton, le guerrier le mit au travail. Zen'kan se tourna donc vers le berger.
« Pourriez-vous me montrer l'endroit de l'attaque ? »
En grommelant, l'humain l'emmena à une étable voisine, encore pleine du reste de son troupeau – dont la terreur de la nuit empuantissait l'air. Les bêtes avaient tellement piétiné partout qu'il n'y aurait rien à trouver là-dedans. Il jeta un rapide coup d'œil à la porte. Elle était en bois solide, fermée par une lourde barre.
« Vous savez par où ça a pu entrer ? » s'enquit-il.
De la tête, le Grinnaliden lui fit signe de le suivre, l'emmenant à l'arrière de la bâtisse, et lui désigna une grosse plaque coincée par une énorme pierre.
Dégageant la réparation, Zen'kan mit à jour une planche vermoulue, dans laquelle des dents effilées avaient creusé un trou d'à peine trente centimètres de diamètre. Ça lui paraissait vraiment étroit pour laisser passer quelque chose capable d'égorger un animal comme le grand hunkar.
« Vous êtes sûr que c'est par là que la bête est passée ? »
« Certain. Vous voyez bien les marques de dents ?! »
Il opina, puis sous le regard de l'homme, se mit à décrire des cercles de plus en plus larges autour du coin de l'étable. Il lui fallait une trace, une seule, pour lui donner une idée de quoi chercher et dans quelle direction.
Il allait renoncer, lorsqu'il avisa une étrange empreinte dans la terre meuble d'un potager voisin. D'un geste de la main, il appela le berger qui s'approcha.
« Cette empreinte appartient-elle à un animal domestique ? » s'enquit-il, désignant à l'homme la marque nette d'une patte à trois doigts.
Le berger l'examina un instant, puis secoua la tête.
« Ça n'appartient à aucun de nos animaux, ni à aucune bête sauvage que je connaisse. » répondit ce dernier.
« Bon, alors c'est probablement une empreinte de notre prédateur. » siffla Zen, partant en quête d'autres marques, dans la direction générale de cette première trace.
Quinze minutes plus tard, il ignorait toujours s'il avait affaire à plusieurs animaux de tailles différentes, ou à une seule avec plusieurs paires de pattes de différentes dimensions. Ce qui était certain, c'est que ça ne pesait, proportionnellement, pas bien lourd. Trente, quarante kilos, maximum.
Arrivé au bord d'un ruisseau, il fit signe au guerrier et à ses deux frères – qui le suivaient en silence – de ne pas bouger et, attentif à ne pas glisser sur la glaise humide, se mit à longer la rive en direction de l'aval. Après une petite centaine de pas, il traversa le ru d'un bond et remonta le courant, à la recherche de nouvelles traces.
Alors qu'il passait devant ses trois congénères qui l'observaient sur l'autre rive, la Balafre lui adressa un sourire moqueur, alors que Grande-gueule ricanait à une remarque qu'il n'avait pas entendue.
Zen'kan les ignora. Ce genre de moquerie, il avait bien dû s'y faire. Les sujets ne manquaient pas pour ses aînés. Qu'il s'agisse de sa taille, de son âge ou de son éducation humaine, tout était bon à prendre pour eux.
Se concentrant sur sa tâche, il continua son examen des berges.
Il revenait vers eux, se voyant déjà bredouille, lorsque le bruit caractéristique de deux coups, suivi de grondements de douleur surprise, lui fit relever la tête.
« Vous vous permettrez des commentaires quand vous aurez plus d'utilité que des humains crevés, les larves ! » siffla Vallel'kan à l'adresse de ses deux aînés qui, piteux et soumis, baissèrent le nez.
Ravalant un sourire, Zen'kan les imita. Ce n'était pas le moment de se faire gronder.
Avec une exclamation surprise, il leva brusquement le pied, manquant perdre l'équilibre. Comment avait-il pu louper cette empreinte ?!
La bête n'avait pas traversé le ruisseau, mais avait presque rebroussé chemin, et était repartie en arrière, vers l'amont.
Reprenant la piste, il fit signe aux autres de le suivre.
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« Alors ma chérie, tu as pu réfléchir un peu ? »
Perplexe, Ilinka finit d'avaler sa bouchée avant de demander :
« Réfléchir à quoi ? »
Rosanna sourit.
« Le projet de calendrier, pour les congés et les vacances. »
« Ah ! Oui ! Oui, j'y ai réfléchi. » bafouilla-t-elle, repoussant son assiette pour allumer la tablette qui ne la quittait plus. « Le problème, c'est de faire un système qui fonctionne pour tout le monde. Mais chaque planète a son propre calendrier, lié à sa vitesse de rotation, et les vaisseaux, ils n'ont par essence pas de calendrier naturel. On pourrait bien sûr se baser sur le calendrier oumanet. Mais ce serait injuste pour les autres mondes, et très bizarre. Ils ont des années de quatre-cent vingt-trois jours. C'est juste un chiffre qui n'a aucun sens si on le détache d'Oumana. Du coup, je pense que le plus simple est de faire un calendrier ouman'shii qui ne soit lié à rien. Comme ça, il est simple, régulier, sans années bissextiles ou quoi, et les temps de repos et de vacances sont indexés dessus. Tu en penses quoi ? »
« Pas mal. Pas mal. Mais comment tu concilies ça avec les calendriers planétaires ? Et quelle durée tu donnes à ton calendrier ouman'shii ? » s'enquit sa mère.
« Mmmh, je sais pas trop. Cinq-cents jours par année ? Ou c'est trop long, selon toi ? Et pour les calendriers planétaires, faudrait proposer des équivalences. Genre tout le monde doit avoir vingt pourcent de jour de congé, ou quelque chose comme ça ? »
« En somme, peu importe que ta semaine fasse trois ou trente jours, tout le monde a le même pourcentage de jours de congé ? » reformula Rosanna.
Ilinka opina.
Fronçant les sourcils, l'artiste réfléchit un peu. « C'est une bonne idée. Et j'aime beaucoup ton idée d'un calendrier commun à tous les Ouman'shiis – ça simplifierait tellement la diplomatie, le commerce et les échanges en général ! »
« Cinq-cents jours, c'est un chiffre rond, on pourrait faire facilement dix mois de cinq semaines de dix jours chacun, mais... je me demande quelle est la durée moyenne d'une année planétaire ouman'shii... » musa l'adolescente.
Avec un petit claquement de langue, Rosanna dégaina son communicateur.
« Jû'reyn, j'ai un travail pour Rorkalym. »
« Ma reine, il est à votre disposition. »
« Vous me le mettez au bout du fil ? »
« Pardon, Madame, mais je n'ai pas compris votre requête. »
« Donnez-lui votre communicateur ! »
« Bien, Majesté. »
« Allô, Mme Gady ? »
« Bonjour, Rorkalym. Tu peux continuer à m'appeler Rosanna, tu sais. »
Il y eut un instant de silence.
« Je ne préfère pas... dans le cadre professionnel. » répondit le jeune mâle.
Rosanna sourit.
« Fais comme tu veux. J'ai besoin que tu me trouves quelle est la durée moyenne d'une année sur les mondes ouman'shiis. Et, pendant que tu y es, celle d'un jour. Pas besoin des chiffres détaillés : juste la moyenne générale. Tu penses pouvoir faire ça rapidement ? »
« Je devrais pouvoir vous le fournir d'ici deux ou trois jours, le temps de finir le travail pour le comm... »
Il y eut un sifflement mauvais, un bruit mat, puis un genre de larsen. Ce fut le commandant qui reprit la parole.
« Vous aurez ces chiffres dans deux heures, maximum, ma reine. Votre ordres sont prioritaires aux miens, bien entendu. » susurra-t-il, mielleux.
« Ce n'est pas si urgent ! Mais merci à vous deux. » répondit Rosanna, avant de couper la communication.
Inquiète, Ilinka tendit son esprit vers celui de son ami. Le commandant lui avait sèchement tiré les cheveux, mais il allait bien. Elle ne put que le réconforter d'une pensée.
« Bon, en attendant d'avoir ces chiffres, finissons de dîner. Delleb doit déjà t'attendre, et j'ai planté les ingénieurs pour venir manger, mais ils ont besoin de mon aval pour terminer les améliorations des hyperdrives, et je ne veux pas les faire attendre... » nota sa mère, se resservant avec autorité d'une généreuse portion de viande rôtie.
Ilinka opina.
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D'une pensée, Zen'kan intima le silence à ses congénères, alors qu'à croupetons, il rampait à couvert d'un grand arbre. Vingt mètres devant eux, somnolant au soleil dans la poussière de l'entrée d'un grand terrier, sa proie surveillait mollement sa progéniture.
La bête était immonde. Le croisement malheureux d'une fouine, d'un caméléon et d'une lamproie. Elle avait deux pattes avant plus massives que les autres, clairement conçues pour creuser, tandis que les quatre autres, petites et agiles, soutenaient son corps tout en longueur. Enfin, trois petits yeux vicieux, aux pupilles octogonales, observaient les environs.
« C'est quoi ce truc ? » pensa-t-il à la cantonade, transmettant ce qu'il voyait à son maîtres et à ses deux frères.
Ils n'en savaient pas plus que lui.
Vallel'kan fit remonter l'information plus loin, jusqu'à des wraiths présentement au contact de Grinnaldiens, qui pourraient peut-être les renseigner.
Ils attendirent, observant l'animal et ses petits, versions miniatures et plus laides encore de cette dernière.
« Personne ne sait ce qu'est cette chose. Les ordres sont de la ramener avec ses larves, morts ou vifs, pour examen. » leur indiqua télépathiquement le guerrier, envoyant ses deux aînés se positionner de part et d'autre de leur proie.
« Compris. » opina-t-il.
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« Me voilà. Allez-y, je vous écoute. Souvenez-vous juste que je ne suis pas une scientifique. » lança Rosanna, rejoignant la vaste salle technique en queue du vaisseau.
Les trois ingénieurs s'inclinèrent bien bas.
« Nous avons installé les nouveaux régulateurs, et interphasé les deux modules lanthiens que vous voyez là-bas. » expliqua le chef, pointant un bras en direction d'un amoncellement d'acier et de chair.
Rosanna opina, détaillant les deux énormes tubes de métal brillant qui juraient un peu dans les entrailles noires de la ruche.
« Grâce à cela, nous avons pu augmenter d'un facteur dix la distance parcourable en un seul saut d'hyperespace. » poursuivit son second.
« Fois dix. C'est impressionnant. Mais concrètement, ça veut dire qu'on peut faire quelle distance ? » demanda-t-elle.
Les scientifiques échangèrent un regard.
« La Terre est techniquement... accessible. » lâcha l'ingénieur en chef.
« Techniquement accessible ? »
« En une centaine de cycles, si on compte les pauses de régénération. Il ne nous faudrait plus qu'une soixantaine de sauts pour l'atteindre. »
Rosanna hocha la tête. C'était une prouesse en soi, mais il avait déjà été prouvé depuis des années qu'avec la bonne combinaison de technologie wraith et lanthienne, un voyage bien plus rapide était possible. Et dans tous les cas, cela restait pitoyable face aux deux semaines à peine dont étaient capables l'Utopia et certains vaisseaux terriens.
« Si je comprends bien, ce n'est pas tant la vitesse en hyperespace le problème, mais les dégâts que cela cause à la ruche ? »
« C'est exact, Mme Gady. »
« Mmmh. Qu'est-ce qui abîme autant la ruche, exactement ? »
« C'est une... combinaison de facteurs. La vitesse et l'échauffement par rayonnement sur la coque, mais aussi la surchauffe interne des moteurs, et la surcharge énergétique sur les canaux de transmission. »
« Et si on utilisait un hyperdrive totalement lanthien et des boucliers énergétiques pour protéger la coque ? »
Les trois scientifiques échangèrent un regard.
« C'est une excellente idée, Madame... »
Rosanna soupira.
« Non, visiblement, elle est stupide. Expliquez-moi pourquoi, je vous prie. »
« Non, ce n'est pas stupide. Ce serait une excellente idée sur... un vaisseau plus petit... Pour... pour propulser la ruche, il faudrait au moins les hyperdrives de trois cités lanthiennes, et au moins autant de boucliers – si ce n'est plus. Et donc... des sources d'énergies en conséquence... » bafouilla le maître ingénieur.
« Sachant qu'ils ont besoin de minium deux E2PZ pour faire voler Atlantis, je vois d'ici le portrait... » maugréa-t-elle.
Les scientifiques hochèrent piteusement la tête.
Elle claqua dans ses mains, les faisant un peu sursauter.
« OK... Ce que vous avez fait est déjà très impressionnant. Finalisez l'installation, faites tous les tests nécessaires, et ensuite concentrez-vous sur la réduction des dégâts. Internes et externes. Je ne sais pas, peut-être qu'aller plus lentement en hyperespace permettrait de réduire significativement les temps de pause ? »
La moue des ingénieurs lui indiqua que c'était peu probable.
Elle eut un sourire pincé.
« N'hésitez pas à penser en dehors de la boîte. Peut-être qu'en déplaçant des éléments, ou en changeant certaines choses, on peut gagner un peu par-ci, par-là... » suggéra-t-elle.
Le trio opina avec empressement.
Elle se retint de leur suggérer d'aller demander de l'aide à Léonard. L'ingénieur de l'Utopia était sans doute la personne la plus à même de résoudre leur problème, mais ce n'était certainement pas bon pour le moral des troupes. Les ingénieurs de Silla peinaient encore à se remettre du passage du génie à leur bord, quinze ans plus tôt, lorsqu'elle l'avait chargé de rénover la ruche pour la remettre à niveau.
« Envoyez-moi vos propositions de modifications avant toute mise en chantier. Et bon travail ! » les salua-t-elle.
Les trois ingénieurs rayonnèrent de fierté, alors qu'ils la saluaient avec respect.
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Le message de Rory illumina brièvement un coin de son écran, détournant son attention de Delleb, occupée à décrire à grand renfort de gestes comment elle était censée imposer son autorité à une autre reine d'un simple regard.
Ça faisait à peine une heure et demi, et il avait déjà terminé ses statistiques !
Cachant l'appareil de son bras, elle ouvrit subrepticement le message. Année moyenne : quatre-cent-trois jours. Journée moyenne : vingt-cinq heures et quarante-sept minutes.
« Je vous dérange, peut-être ? » siffla la grande régente.
Ilinka éteignit précipitamment l'écran.
« Non, désolée. »
Delleb rugit, terrifiante.
« Arrêtez de vous excuser ! » beugla-t-elle.
Ilinka se ratatina sur son siège, tétanisée.
« Bien. Reprenons... » siffla la reine millénaire, continuant son exposé comme si de rien n'était.
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« Cette chose est morte. » nota platement le scientifique de Delleb, envoyé pour récupérer leurs proies.
Vallel'kan lui rendit un sourire glacial. « En effet. »
« Vivante, les analyses auraient été plus complètes. »
« La prochaine, vous n'aurez qu'à la capturer vous-même. » siffla le guerrier, mauvais.
La morsure sur la jambe de Grande-gueule n'avait pas encore cicatrisé. Quelque chose dans la salive de la créature semblait freiner sa régénération naturelle, et cela énervait leur maître au plus haut point. Ils étaient ses apprentis, et personne à part lui n'avait le droit de leur faire du mal !
« On a réussi à capturer un des petits vivants... » intervint Zen'kan, désignant du menton la caisse en métal dans laquelle ils l'avaient enfermé – caisse qui, sporadiquement, tressautait en sifflant.
« Ah ! Pourquoi ne pas l'avoir dit tout de suite ? » s'éclaira le biologiste.
Vallel'kan gronda.
« Prenez vos spécimens, et allez-vous en. » grinça-t-il.
Le scientifique sembla réaliser qu'avec une tête de moins, et aucun entraînement martial, il ne risquait pas de rivaliser avec le guerrier. Avec un petit raclement de gorge gêné, il s'empressa de ramasser les carcasses, envoyant d'une pensée un des deux drones qui l'accompagnaient récupérer la caisse et la charger à bord du petit transporteur qui l'avait amené.
« On fait quoi maintenant ? » s'enquit Zen'kan, alors que le vaisseau décollait.
« Comment vas-tu ? » demanda leur maître à Grande-gueule.
«Ça va, monsieur. »
«Vraiment ? Lâche-le. » ordonna-t-il à la Balafre, qui le soutenait d'un bras passé sous son épaule.
Avec un hoquet de douleur, Grande-gueule s'effondra par terre, alors que du sang bouillonnait sur le cuir de son pantalon.
« Pour une grande gueule, tu es une grande gueule. Tu n'es en état de rien du tout. Vous deux, ramassez-le, il doit être soigné. » siffla leur maître, ouvrant la voie à grands pas.
Soulevant chacun le jeune guerrier par une épaule, ils suivirent.
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« Voilà mon projet ! » s'exclama Ilinka, plaquant un peu trop brutalement sa tablette sur la console devant sa mère qui, souriant à son enthousiasme, prit le temps de lire.
« Quatre semaines de dix jours par mois, dix mois par an, et des journées à vingt-six heures. Pourquoi changer aussi la durée des journées ? » demanda Rosanna.
« En moyenne, sur les planètes, les journées durent vingt-cinq heures et quarante-sept minutes. J'ai arrondi, mais logiquement, c'est une durée qui devrait convenir au plus de gens possible... » répondit la jeune wraith.
« C'est malin. Et ton système est simple. Clair. Facile à retenir. Comment structurerais-tu les temps de repos là-dessus ? »
Ilinka verdit un peu.
« J'ai demandé de l'aide à Rory. Pour avoir aussi une moyenne des temps de repos. Il n'y en a tellement pas sur les ruches, que c'est ridicule. Mais du coup, je me dis que deux jours de repos par semaine, et un mois par an de vacances, c'est bien pour commencer, non ? »
« Huit jours de travail, deux jours de repos. Bonne chance pour convaincre les wraiths de prendre « autant » de pauses ! » sourit sa mère.
« Tu crois que c'est trop ? »
« Moi non. Mais les autres... »
« Mais tu es la reine de la ruche... Tu peux pas l'imposer ? »
« Aux fils de Silla, oui. Mais l'idéal, ce serait que tout le monde adopte ce système. Surtout le calendrier. Ça faciliterait tellement les choses ! »
Ilinka se dégonfla un peu.
« Oh... »
« Et ça, ça va être ton boulot. »
« Pardon ? »
« C'est ton projet, c'est toi qui vas aller le présenter aux autres Ouman'shiis. Convaincs-les d'adopter ton calendrier comme tu m'as convaincue. »
« Quoi ?! Mais j'y arriverai jamais ! »
« Bien sûr que si. Commence par le conseil d'Estain, et les Grinnaldiens. Ils seront sûrement les plus faciles à persuader. »
« Maman ! » supplia-t-elle.
« Rien du tout. C'est ton projet, tu vas le porter jusqu'au bout. Tu t'y es engagée auprès de ce capitaine de vaisseau. Ne l'oublie pas. »
Elle soupira. Sa mère avait raison, évidemment.
« Oui, maman. »
