Saint Valentin.
« Oh non ! », Se dit Kyoko en lisant le carton d'invitation reçu avec le courrier du matin, « nous sommes d'astreinte pour organiser le bal de notre président pour la Saint Valentin. »
« Pas question ! » Répondit Kanae, en décachetant à son tour son invitation.
« La barbe ! » Grommela Chiori en enfouissant son enveloppe dans son sac, mais honnêtement cette année je suivrais les instructions. Pas moyen de revisionner ces dramas moisis !
« Ça ne devrait pas être si terrible », dit Kanae, « on doit juste aller à la soirée pour être aimées… je me demande bien ce que ça cache… venant du président cela n'augure rien de bon. »
Kyoko était silencieuse elle pensait à la Saint Valentin précédente. Comment n'avait-elle pas compris alors que Ren l'aimait… il l'avait embrassée pour la remercier. Elle rougit en y pensant et secoua la tête pour prêter attention à la discussion. Apparemment elles avaient rendez-vous dans le bureau du président à la fin de la journée, au moins elles seraient fixées sur leur rôle dans cette soirée !
Kyoko se changea, salua ses amies et sortit pour aller à son cours d'art dramatique. Au moins pendant deux heures elle ne songerait pas à la soirée fatidique.
« A plus tard les filles, on verra bien. Bonne journée ! ». Et elle sortit de la salle de la love me section.
Alors qu'elle se dirigeait vers la sortie, elle aperçut la haute silhouette de Ren, venant à sa rencontre. Accompagné de son manager, Yashiro San, il remontait le couloir dans sa direction.
Bien qu'il lui eût avoué ses sentiments depuis plus de 6 mois maintenant, ils gardaient une relation kouhai-Sempai pour le moment. Elle n'était pas encore prête pour devenir la fille la plus haïe du Japon. Elle trouvait qu'elle n'était pas encore digne de lui, pourtant son rôle dans son dernier film lui avait permis d'acquérir une certaine notoriété et les gens commençaient à parler d'elle. Elle avait même gagné un surnom, le caméléon, pour son aptitude à se glisser dans la peau de ses personnages. Bref sa carrière décollait.
Mais Ren était si inaccessible, elle n'en revenait toujours pas qu'il l'eût choisie elle ! Malgré sa relation supposée avec Kana San, il restait le célibataire numéro un de l'archipel. Et chacune de ses apparitions frôlait l'émeute. Or si ses fans n'acceptaient pas Kana San comment pourraient-elles accepter une fille aussi ordinaire qu'elle…
« Bonjour Kyoko Chan. » Les deux hommes la regardaient bizarrement et elle se reprit aussitôt.
« Bonjour Tsuruga San, bonjour Yashiro San, comment allez-vous ? » Sourit-elle en s'inclinant respectueusement.
« As-tu reçu l'invitation pour le bal de la Saint Valentin, Kyoko Chan ? » S'enquit Yashiro San.
« Oui, la love me section est convoquée ce soir pour l'organisation, connaissant le président je ne suis pas tranquille ! » Elle se tortillait les mains sans oser regarder son sempai. C'est donc Yashiro qui lui répondit.
« Ne t'inquiète pas Kyoko Chan, le président veut juste vous mettre en avant. Ce sera bon pour vos carrières. »
« C'est bien ça qui m'inquiète », gémit *Kyoko.
Elle leva les yeux pour regarder Ren qui lui souriait doucement. Cela lui donna du courage.
« Vous serez à cette soirée Tsuruga San ? » Lui demanda-t-elle.
« Oui j'y suis invité, comme la moitié du monde du show biz » lui répondit-il tranquillement. « C'est une belle opportunité pour booster votre carrière Mogami San. Quoi que le président ait en tête, faites-lui confiance. »
Sur ce, il la salua, lui adressa un dernier sourire puis il disparut à la suite de son manager vers le bureau de ce dernier. Kyoko resta un moment à regarder les deux jeunes hommes s'éloigner en souriant bêtement. Puis elle secoua la tête encore une fois et couru pour rattraper son retard. Le prof d'art dramatique n'était pas commode.
« Vous voulez sérieusement qu'on porte ça ? » Chiori s'était à moitié levée sous l'effet de la colère. Kanae était consternée et Kyoko écarlate.
Elles étaient toutes les trois dans le bureau du président en compagnie de Muse-Sama, la styliste préférée du président. Celle-ci leur avait présenté des robes de soirée rose bonbon, toutes plus sexy les unes que les autres.
« Vous allez être magnifiques, les filles. Vous Chiori San, vous allez porter cette robe avec un dos nu, Kanae vous porterez cette robe fendue et Kyoko je t'ai préparé cette robe longue comme tu les aimes. Allez ne faites pas cette tête ! » Muse Sama les poussa dans une pièce attenante, le dressing de cosplay du président pour être exacte, pour les essayages.
Les filles en ressortirent quelques instants plus tard. Muse Sama avait vu juste ces robes, quoique d'une couleur hideuse, leur allaient à merveille. Chiori pouvait cacher la cicatrice de sa nuque grâce au nœud de la robe, Kanae qui était la plus grande des trois dévoilait une de ses cuisses musclée (sans doute de courir après tous ses neveux) et Kyoko paraissait plus mature dans une robe qui mettait en valeur sa poitrine ferme. Jamais elle n'avait porté de robe si dévoilante mais le résultat n'était pas pour lui déplaire.
« Vous êtes parfaites ! Tout ce que vous aurez à faire est de sourire et de vous faire des contacts. Un bon réseau est la clef du succès dans ce métier. » Lory rayonnait, ses love me girls avaient fait bien du chemin depuis un an. De plus il imaginait très bien la réaction de son acteur préféré devant le décolleté plongeant de sa Kouhai. Pendant que les filles se changeaient il eut un petit rire diabolique ! Ces deux-là finiraient par s'aimer il en mettait sa main au feu ! Quel beau jour que la Saint Valentin !
« Bon allez, on sourit, tant pis si nos robes sont de cet horrible rose ! » Kanae avait attaché ses longs cheveux en un savant chignon et semblait prête à surmonter cette épreuve.
« Rappelle-toi », dit elle a Kyoko, « c'est grâce à nos uniformes si nous avons été castées pour notre première publicité. »
« On peut dire que ça fonctionne », pleurnicha Chiori, « tous les yeux sont braqués sur nous ! Kyoko ça va ? »
Kyoko remerciait le ciel de porter du maquillage car elle devait être livide. En effet les gens se retournaient sur leur passage, certains amusés, d'autres outrés par ce rose abominable qui caractérisait leur section.
Elle reconnut quelques acteurs et actrices célèbres. Mais elle était perdue et morte de honte à l'idée de porter cette robe rose si décolletée.
« Allons vers le buffet », ordonna Kanae que le stress rendait affamée. Elles se glissèrent dans la foule mais une main retint le bras de Kyoko. Attaché à cette main un très élégant jeune homme la dévisageait avec horreur.
« C'est quoi cette tenue », siffla-t-il dans un sourire méchant, « je savais que tu aimais les contes de fées mais là tu dépasses les bornes Kyoko ! »
« Shotaro ! Dégage et déjà lâche moi ! » Kyoko était furieuse, à cause de lui elle avait perdu ses amies de vue.
« Comment peux-tu porter une robe si impudique ? Va te changer ! »
« Si tu veux me faire une scène alors allons dans le jardin. J'ai déjà bien assez honte de cette robe sans avoir à gérer tes mouvements d'humeur Sho. » Rétorqua telle.
« Bonne idée ! » Il lui reprit le bras et l'entraina dans le jardin.
Il faisait froid dans ce jardin mais la splendeur des lieux ravit Kyoko. Il y avait même une piscine avec des fleurs flottant sur l'eau. Les réceptions du président étaient toujours fastueuses. Kyoko tremblait légèrement mais elle ne savait pas si c'était de fureur contre Sho ou bien l'air froid du mois de février.
« Je porte ce que je veux ! Ça ne te regarde pas Baka Shotaro. » Lui cria-t-elle en se détachant de lui.
« Tu es à moi, bien sûr que ça me regarde ! » Cria à son tour Sho.
« Pour l'amour du ciel, Sho, je ne suis pas à toi », souffla Kyoko exaspérée. « De toute manière c'est trop tard. J'ai un petit ami. » Dit-elle en relevant le menton.
Bon pour être franche elle avait embelli la vérité, mais après tout, Ren lui avait demandé d'être son copain, alors ce n'était qu'un demi-mensonge.
Elle le regardait de ses grands yeux d'ambre pour voir s'il comprenait. Il était furieux. Il s'approcha d'elle et instinctivement elle recula. Puis tout alla vite, elle se senti poussée en arrière et ferma les yeux. Sho allait encore la ridiculiser.
Ren souriait au réalisateur devant lui, il ne se rappelait plus son nom et essayait de se sortir de ce mauvais pas le plus rapidement possible. Il était sur la terrasse du premier étage et de là, il pouvait voir entrer tous les invités. Il l'avait vue entrer avec ses deux amies et mourait d'envie de fausser compagnie à cet illustre inconnu pour aller retrouver sa Kyoko.
Kanae et Chiori apparurent près du buffet à quelques mètres de lui mais il ne voyait pas Kyoko. Il s'approcha du balcon pour regarder l'entrée et vit sa Kouhai dans le jardin en pleine discussion avec Sho. Même si Kyoko lui avait avoué ses sentiment, il ne pouvait s'empêcher d'être jaloux. Ce mec avait une connexion particulière avec la femme qu'il aimait.
Il s'excusa auprès du directeur et s'apprêtait à descendre quand Sho poussa Kyoko dans la piscine. Tout se figea, les gens, le temps et même les battements de son cœur. Instinctivement il sut que quelque chose n'allait pas, Kyoko ne remontait pas à la surface. Il jeta sa veste de smoking à Yashiro et plongea dans la piscine glacée.
En quelques secondes les invités s'étaient attroupés au bord de la piscine. Le spectacle de Ren Tsuruga plongeant du premier étage dans la piscine les laissa sans voix. Les journalistes se précipitèrent, appareil photos en mains en vue du scoop de la soirée.
L'eau était glacée, ça lui coupa le souffle. Elle essaya de remonter à la surface mais sa robe était coincée. Elle se débâtit, perdit ses chaussures mais ne parvint pas à se détacher. La panique la submergea, alors elle allait mourir comme ça, noyée devant des centaines de gens.
L'oxygène commençait à lui manquer, elle sentait toutes les cellules de son corps lutter contre le froid et l'hypoxie. Non c'était trop bête, elle ne pouvait pas mourir comme ça. Elle avait encore tant de projets, elle avait ses amis, elle avait Ren… Ren je t'aime pensa-t-elle, ma dernière pensée sera pour toi.
Elle cessa de se débattre et se laissa envahir par le regret de ne pas lui avoir dit qu'elle l'aimait. Son cerveau fonctionnait au ralenti, elle allait fermer les yeux quand elle le vit. Il était si beau avec ses cheveux flottant autour de son beau visage. Elle délirait mais fut heureuse de le revoir une dernière fois. Elle sourit, laissant s'échapper sa dernière bouffée d'air…
Soudain elle se sentit tirée vers la surface, de grandes mains déchirant sa robe. Des bras l'encerclèrent et elle émergea enfin. Ce fut comme une deuxième naissance, ses poumons s'emplirent d'air frais, son cœur se mit à battre plus vite et tout son corps se raidit dans un sursaut de vie. Elle n'était pas morte, elle respirait, elle était en sécurité dans les bras de Ren. Il la maintenait contre lui, lui maintenant la tête hors de l'eau pour qu'elle puisse reprendre son souffle. Elle posa sa tête sur son épaule. Il était si grand qu'il avait pied, elle s'agrippa à lui de toute ses forces. Il était là, il lui avait sauvé la vie. Sans y penser elle lui glissa à l'oreille : « je t'aime. »
Il sourit. C'était la première fois qu'elle lui avouait son amour et il en fut touché. Elle avait l'air bouleversée et on le serait à moins. Néanmoins il leur fallait sortir de cette eau glaciale, une troupe de curieux les regardaient du bord de la piscine, des flashs crépitaient. Cela le mit en colère, comment pouvaient ils prendre des photos à un moment pareil, Kyoko avait bien failli se noyer !
« Kyoko, il faut sortir de l'eau », lui dit-il en lui prenant le visage dans ses grandes mains. « Écoute-moi, c'est très important, il faut que tu me fasses confiance, tu me fais confiance ? »
Elle secoua la tête par l'affirmative et posa son front sur son épaule, elle était épuisée et ne sentait plus son corps tant elle avait froid.
« Kyoko, je veux que tu endosses un rôle, je veux que tu joues ma petite amie… Je veux que tu sois fière, belle, sexy et confiante, tu crois que tu peux le faire ? »
Elle acquiesça une nouvelle fois mais le fixait avec des yeux hésitants. Elle commençait à reprendre le sens des réalités et à noter les badauds autour d'eux. Elle le regarda fixement et secoua la tête avec plus de conviction. Oui elle pouvait le faire !
« OK, C'est bien ma chérie, on va sortir de l'eau, rappelle-toi, hot et sexy ! » Et il l'entraina vers les escaliers du bassin en écartant au passage les compositions florales qui flottaient autour d'eux.
« Prête ? Allez, on y va. »
Il commença à gravir les marches en lui tenant la main. Elle sentit les yeux braqués sur elle et se sentit immodeste, entre son décolleté plongeant et sa robe déchirée à mi-cuisse et lui collant au corps, elle se sentait particulièrement nue. Elle se reprit néanmoins, il lui avait dit de jouer sa petite amie sexy, elle inclina légèrement sa tête et sourit à la façon de Natsu… Soyez jalouses, femmes du Japon, il est à moi !
Yashiro était descendu en courant, la veste de Ren dans les mains. Le président aussi s'était précipité pour voir ce qui se passait. Ce qu'ils virent les figea sur place.
Ren sortait de l'eau, magnifique avec ses cheveux mouillés et sa chemise épousant chaque muscle de sa poitrine, il avait l'air en colère. Derrière lui, lui tenant la main venait Kyoko, elle était métamorphosée. Yashiro ne l'avait jamais vu comme cela. Elle irradiait de confiance et de sex appeal, elle souriait de façon coquine et marchait d'une démarche féline derrière Ren. Sa robe dévoilait plus qu'elle ne cachait sa plastique parfaite. Yashiro en resta bouche bée. Où était la lycéenne timide et modeste qu'il connaissait ? Cette jeune femme était décidément bien surprenante !
En voyant la tête du président et de son manager, Ren comprit que Kyoko était dans la peau de son personnage. Il ne prit pas la peine de se retourner, mais sourit. Un sourire de fierté et de défi, il avait la plus belle fille de la soirée au bout de son bras. Les flashs crépitaient… Ils feraient la une de tous les journaux demain matin.
Yashiro reprit ses esprits et se précipita vers eux. Ren lui prit sa veste des mains et en couvrit Kyoko. Elle avait toujours cette aura de femme fatale mais ses lèvres étaient violettes et elle tremblait légèrement.
« Merci », bredouilla la jeune femme, elle lâcha la main de Ren pour enfiler la veste qu'il lui tendait, reconnaissante de pouvoir se couvrir un peu devant tout ces gens.
Sho, qui était resté figé sur place, vint à leur rencontre.
« Kyoko… comment… tu vas bien ? … je suis désolé… » il ne parvenait pas à trouver ses mots tant la créature magnifique qui se tenait devant lui était intimidante.
Ren le regarda et il fit un pas en arrière. Si les regards pouvaient tuer alors il serait mort à l'heure qu'il est. Il recula encore d'un pas, sans voix alors que l'acteur se rapprochait de lui. Cette fois ci il avait l'air vraiment fou de rage. Cependant Ren s'arrêta et se retourna vers Kyoko, elle lui avait pris le bras et le tirait à elle. Elle le regardait en souriant et lui dit :
« Viens, ne fais pas attention à lui, j'ai froid, rentrons. »
Elle avait l'air si naturelle en disant ça que Sho eut du mal à reconnaître son amie d'enfance. Qui était cette jolie femme ? Il recula encore et fut rejoint par sa manager qui le tira encore plus en arrière dans la foule qui se massait maintenant autour de la piscine.
Ren regarda Kyoko et ne put cacher sa surprise. Elle lui souriait rayonnante et confiante, sûre d'elle et de ses charmes. Elle était irrésistible et il eut du mal à ne pas l'embrasser ici devant tout le monde. Toute la rage qu'il il avait éprouvé pour Sho se dissipa aussitôt, il était envoûté. Il se ressaisit néanmoins et se laissa entraîner par le bras loin de Sho Fuwa à travers la foule en direction du vestiaire.
Kyoko marchait pieds nus, avec sa robe mouillée et déchirée et portant une veste d'homme mille fois trop grande pour elle. Pourtant elle dégageait une telle grâce et une telle aura que la foule murmurait sur son passage. Qui est-elle ?
Yashiro fendait la foule devant ses protégés, le président les suivait et fermait la marche. Personne ne semblait avoir remarqué pour le moment, mais Ren avait perdu ses lentilles colorées dans l'eau et si il faisait sombre dans le jardin ce soir, les flashs des appareils photos ne laisseraient pas de doutes sur la couleur des yeux du jeune homme. Est-ce que Kuon était prêt pour cette révélation ? Il voulait en parler à Ren le plus tôt possible.
Quand ils arrivèrent à l'entrée, il prit Ren a part et lui fit part de ses réflexions. Ren paraissait calme, ce qui était un bon signe, seule Kyoko avait ce pouvoir sur lui.
« Ren tu as perdu tes lentilles, ton identité va être exposée… » pour une fois le président était sérieux, même s'il portait une toge, un arc et des flèches dont les pointes était des cœurs.
Ren regarda l'homme qui lui avait sauvé la vie autrefois et lui sourit calmement.
« Je suis prêt », lui dit-il simplement. « Ne vous en faites pas Boss. Je vais amener Kyoko à l'hôpital, elle doit être en hypothermie et en état de choc. Je vous appelle dès que j'ai du nouveau. »
Puis il prit le manteau que Yashiro avait récupérer pour lui et l'enfila prestement. Alors seulement il réalisa qu'il était gelé, lui aussi. Vite Il devait mettre Kyoko au chaud. Il jeta un regard vers elle, ses amies l'avaient retrouvée et la serraient fort dans leurs bras. Il vit avec soulagement qu'elle aussi avait récupéré son manteau et qu'elle commençait à reprendre des couleurs. Mais elle avait les pieds nus et grelottait. Il s'approcha d'elle, lui prit la taille et s'excusa auprès de ses amies.
« Je vais emmener Kyoko Chan à l'hôpital. Je préviendrai le président. Bonne soirée. »
Et sans plus de cérémonie il souleva Kyoko dans ses bras pour lui faire traverser le parking jusqu'à sa voiture.
L'humidité de leurs vêtements et le chauffage mis à fond dégageait une moiteur qui embuait les vitres de la voiture de sport.
Ren roulait vite, les yeux rivés sur la route. Kyoko n'avait pas ouvert la bouche, il entendait ses dents claquer. Il accéléra.
« Tu vas trop vite », lui dit-elle, « Ren je ne veux pas aller à l'hôpital, j'aimerais rentrer chez moi et prendre un bain brûlant. »
« Tu as failli te noyer, laisse-moi te déposer à l'hôpital pour un contrôle. »
« Je t'en prie, Ren, je veux juste rentrer chez moi. »
« OK mais tu téléphones à tes logeurs pour qu'ils te fassent couler un bain chaud. Nous y serons d'ici 20 minutes. Et quand tu seras réchauffée, il faut que je te parle. »
« A propos de tes yeux ? » La voix de Kyoko s'était faite toute douce.
« Oui », soupira-t-il, « à propos de mes yeux ». Il jeta un regard vers elle, elle ne semblait pas fâchée. Il fixa la route et se mordit la lèvre.
Kyoko le regardait en silence. Après toutes les émotions de la soirée, elle savourait simplement sa présence. Peu importe qu'il soit Ren, Corn ou je ne sais qui d'autre, elle l'aimait et il l'aimait en retour. Elle se sentait en sécurité près de lui. A regret son regard se détacha de lui et elle fouilla dans son sac à la recherche de son portable. Elle composa le numéro et sa logeuse décrocha à la première sonnerie.
« Mochi mochi. Kyoko Chan, comment vas-tu ? Je suis très inquiète, les images tournent en boucle à la télé. Es-tu à l'hôpital ? »
« Non, je vais bien. Je veux juste rentrer à la maison. Pouvez-vous me faire couler un bain chaud s'il vous plaît ? Nous serons au Darumaya dans 15- 20 minutes. »
« Pas de problème Kyoko Chan. Tu es sûre que ça va ? »
« Oui tout va bien. A tout à l'heure. »
Elle raccrocha et se tourna vers Ren. Il avait l'air tendu et se mordillait la lèvre inférieure. Elle n'aurait pas dû mais elle le trouva sexy… ses cheveux était coiffés en arrière et sa mâchoire était saillante. Dans la pénombre de l'habitacle elle ne pouvait distinguer la couleur de ses yeux, mais elle savait qu'ils étaient verts ce soir. Il a dû perdre ses lentilles de contact dans l'eau pour me sauver, pensa-t-elle. Il risque sa réputation pour moi… Elle commençait à se torturer et à culpabiliser quand la grande main de Ren vint se poser sur son bras.
« Tout va bien Kyoko. Tout va bien ! »
Le chef du Darumaya n'avait pas l'air content et Ren avala sa salive avec difficulté. En fond sonore, la chaîne d'info diffusait la séquence de la soirée. Il jeta un coup d'œil à l'écran pour voir deux demi-Dieux sortir de l'eau… il fut captivé par l'image de Kyoko, elle était tout simplement divine.
Hum hum…
Ren déglutit une nouvelle fois et fixa son attention sur l'homme courroucé devant lui. Il remercia le ciel que le restaurant soit fermé et que le chef n'ait pas un de ses couteaux à la main.
Kyoko avait été prise en main par sa logeuse dès leur arrivée, le laissant seul face à cet homme impressionnant.
« Puis je aller me changer, monsieur ? J'ai des habits dans le coffre de ma voiture… et J'aimerais parler à Kyoko dès qu'elle sera réchauffée… et… monsieur ? » Devant l'air furieux du logeur de Kyoko il baissa les yeux, penaud…
« Va te changer et après on parlera toi et moi. J'aimerais bien quelques explications sur cette soirée. »
« Laisse le tranquille », dit sa femme en tendant une serviette à Ren, « il lui a sauvé la vie ! Ren San, vous pouvez vous changer dans la pièce des invités. »
Une fois changé et bien au chaud, sa serviette autour du coup, Ren s'assit à une table du restaurant. Le chef s'était remis en cuisine pour leur préparer une soupe de nouilles chaude. Des pas se firent entendre dans l'escalier et une Kyoko en pyjama fit son apparition, une serviette enroulée autour des cheveux.
Ren n'en revenait pas, la femme fatale qui passait en boucle à la télé était à mille lieux de cette jeune fille fragile en pyjama ! Elle méritait bien son surnom.
Kyoko lui sourit timidement et s'assit en face de lui. Le chef apporta deux grands bols de soupe fumante et Ren réalisa qu'il avait faim. Ils mangèrent en écoutant la télévision, les journalistes étaient surexcités. Ils se demandaient bien qui était cette jeune femme séduisante au bras de Ren Tsuruga. Et ils se demandait aussi pourquoi les yeux de l'acteur était devenus vert… Ils avaient interviewé le président qui leur avait fait un vague discours sur les lois de l'amour… Yashiro avait dû se sauver, pensa Ren, il allait falloir qu'il lui parle.
Après le repas, Ren appela le président pour lui faire part de la situation. Ils conclurent que deux agents de sécurité viendraient garder le Darumaya pour quelques temps. Quand il raccrocha, trois paires d'yeux était braquées sur lui.
« C'est une longue histoire… » fit-il dans un soupir.
Il n'avait jamais eu aussi peur de sa vie, d'abord de perdre Kyoko dans cette satanée piscine puis de la perdre en lui révélant son identité. C'est sûr qu'elle allait le détester une fois la vérité sue.
Il déglutit laborieusement, qu'aurait-il donné pour un verre de whisky, puis il s'élança.
« Mon vrai nom est Kuon Hizuri, je suis né à Los Angeles et j'ai tué mon meilleur ami. »
Les trois paires d'yeux le regardèrent perplexes, Kyoko avait les larmes aux yeux…
« Tu es le fils de Kuu Hizuri ? »
« Oui… et je suis Corn aussi. Je ne pensais pas te retrouver un jour Kyoko Chan. »
« Tu as tué quelqu'un ? »
« Mon meilleur ami Rick a été tué en voulant me sauver. Il a été renversé par une voiture en courant après moi. Il est mort à ma place. »
« Tu ne l'as pas tué, c'était un accident. »
« Tu as raison mais je porte sa mort dans mon cœur. Après sa mort, je me suis laissé mourir à mon tour. Mon père a appelé Boss à l'aide et il m'a emmené au Japon afin que je renaisse sous les trais de Ren Tsuruga. Personne, mis à part Boss et mes parents, ne connaît ma vraie identité. Même pas Yashiro San. »
Kyoko resta un long moment à regarder ses mains. Elle réfléchissait à toute allure. Ren était Corn et Corn était Kuon. Tout faisait sens. La part sombre de Ren, c'était ce traumatisme dont elle sentait qu'il souffrait encore. N'avait-il pas dit qu'il avait tué son ami ? Était-ce pour ça qu'il se refusait à être heureux ?
Elle leva les yeux et fixa les grands yeux verts. Elle put y lire la peine, la honte et la peur. Alors instinctivement elle lui prit la main, se pencha par-dessus la table et déposa un tendre baiser sur ses lèvres.
« Il faut te pardonner maintenant, tu m'as sauvé la vie… Une vie pour une vie. »
