Stiles peinait à marcher, à suivre le rythme pourtant lent que lui « imposait » Malia. Disons qu'elle essayait de s'adapter au sien… Et que celui-ci fluctuait. Elle avait davantage l'impression de porter l'humain que de simplement l'aider à avancer tant ses pas étaient incertains, peu assurés… Tant il dodelinait de la tête, l'air ailleurs. Préoccupée, la coyote chercha simplement à s'assurer qu'il était présent en lui posant des questions simples, auxquelles il répondait avec un peu de latence. Sa voix pâteuse laissa Malia penser qu'il avait sans doute fait un sérieux malaise avant qu'elle ne vienne le voir… Elle en vint donc à la conclusion qu'il fallait le laisser tranquille, au moins pour quelques minutes. C'est d'ailleurs ce qu'elle indiqua aux autres, lorsqu'elle réussit à sortir de la bâtisse. On se précipita vers elle, on s'empara de Stiles, on l'installa assis, contre le tronc d'un arbre – et il se laissait faire. Lydia posa sa main sur son front, le sentit fort froid. Pourtant, Stiles ne frissonnait pas… Mais il avait ce teint trop pâle, que l'on pouvait juger blafard, qui inquiétait. Il inquiétait parce que l'humain ne leur avait jamais paru aussi blanc.
Malia fit part de son hypothèse – sans parler du reste – à tout un chacun et l'on jugea celle-ci possible, vraisemblable. En bonne amie, Lydia fit boire Stiles et resta auprès de lui tandis que Scott s'en allait le remplacer à l'intérieur. Il s'inquiétait, lui aussi, mais… Il le savait bien entouré et n'avait pas la moindre intention d'arrêter la mission ici. En soi, personne n'avait subi la moindre attaque et les loups restant dehors surveillaient les alentours en permanence. En somme, tout allait bien et Stiles… N'était juste pas en forme. Puis Scott connaissait sa tendance à tout prendre trop à cœur, à se monter la tête lorsqu'un détail le titillait. En l'occurrence, il n'aimait pas cet endroit, le leur avait tous fait savoir et avait sans doute dû laisser son ambiance vieillotte et abandonnée le gagner. Scott lui-même reconnut, en traversant certaines pièces du manoir, que l'endroit n'était pas des plus rassurants… Mais ça allait. Il demanda à Malia où Stiles était allé lorsqu'il avait fini par se sentir mal. Elle lui indiqua la bibliothèque. Scott s'en alla l'inspecter, ne sentit ni ne trouva rien d'anormal.
L'inspection reprit son cours.
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- Ça va, ça va… Soupira Stiles en se pinçant l'arête du nez.
Lydia ne cessait de lui envoyer des messages, de l'appeler pour prendre de ses nouvelles et cette fois-ci, l'hyperactif avait eu le malheur d'enfin décrocher. Il appréciait la préoccupation de son amie à son égard, mais… Il se sentait fatigué, nauséeux et se retrouvait affublé d'un mal de crâne conséquent. Déjà plusieurs heures que la banshee l'avait ramené chez lui. En voyant que son état n'évoluait que peu, ou trop lentement à son goût, elle avait décidé que Stiles, loin d'être indispensable pour l'inspection du manoir abandonné, pouvait rentrer. Le trajet avait été court et ce, même si Lydia n'avait pas roulé vite.
Et maintenant, le voilà paresseusement allongé sur son lit dont il adorait le fait qu'il soit large – la position de l'étoile de mer qu'il lui permettait de faire était ainsi celle qui lui faisait le plus de bien à l'heure actuelle.
- Dis-moi plutôt où vous en êtes, fit-il, pour changer de sujet.
- Ils continuent d'inspecter le manoir, finit par lui dire Lydia, même si son ton laissait entendre que ce changement de sujet ne lui plaisait pas.
- Encore ? S'étonna l'hyperactif.
Il décida de mettre le haut-parleur et de poser le téléphone à côté de lui. Il avait la flemme de continuer de le tenir et… Il fallait avouer que rester en étoile de mer, immobile, ça lui faisait du bien. Il avait aussi légèrement baissé le volume de l'appel, histoire de percevoir les aigus de Lydia avec moins de puissance. De toute façon, il comptait raccrocher bientôt tant ses paupières étaient lourdes. L'hyperactif se passa une main sur le visage : son amie lui avait dit qu'il n'avait pas de fièvre, et pourtant… Il avait véritablement l'impression d'en avoir et c'était loin d'être agréable. S'il avait retrouvé la pleine possession de ses moyens, de son corps et son esprit, il se savait peu en forme… Comme s'il avait attrapé un coup de froid récemment.
- Le manoir est vraiment immense… Plus qu'on ne l'imaginait au départ. Derek en est sorti il y a une demi-heure : il a dit qu'à certains endroits, c'est facile de s'y perdre, un peu comme dans un labyrinthe. Il est même sûr qu'il y a des pièces cachées.
- Tu m'aurais parlé d'un autre endroit, je t'aurais dit que c'est super intrigant, mais cet endroit… Je le trouve glauque.
Pour une raison obscure, il s'y était senti fort mal à l'aise : nul doute qu'il aurait à nouveau la boule au ventre s'il y retournait à cet instant. Il avait beau l'avoir découvert en même temps que tout le monde, Stiles n'avait pas réussi à le sentir. A l'idée d'aller à l'intérieur, quelque chose en lui s'était tout de suite alarmé et son instinct, complètement emballé. Ce qui l'embêtait à l'heure actuelle, outre le fait d'y être allé alors qu'il n'en avait pas envie, ç'avait été… De faire cette espèce de malaise. Pour être honnête, Stiles ne savait pas ce qu'il s'était passé. Il avait pénétré dans cette bibliothèque, et… Avait eu un moment d'absence, avant de revenir lentement à lui, complètement ailleurs, nauséeux, faible… A vrai dire, il s'était lui aussi demandé s'il ne s'était pas trop pris la tête, si son mal-être n'était pas dû à son entêtement à vouloir voir ce manoir comme un endroit mauvais. Stiles se connaissait : il lui arrivait parfois de se persuader d'une chose de façon si intense qu'il la croyait. Mais qu'y pouvait-il ? Comment lutter contre son propre esprit, dont la tendance à se torturer tout seul était de l'ordre de l'habitude ?
- Je ne le trouve pas très rassurant non plus, concéda Lydia, mais… Ça va. Si les garçons disent que c'est sans danger, qu'il n'est pas près de s'effondrer de sitôt… Je les crois.
- C'est pas juste le problème d'un potentiel effondrement, je… C'est l'ambiance. Je ne saurais pas comment te l'expliquer, mais je ne veux pas y retourner. Si Scott ne veut pas que je lui fasse un nouveau malaise, il n'a pas intérêt à me rappeler ici.
Au bout du fil, Lydia rit doucement. Connaissant fort bien son ami, elle le savait capable de simuler, ne serait-ce que pour embêter leur alpha qui avait la fâcheuse tendance à ne pas utiliser ses sens le concernant, comme si Stiles avait un passe-droit… Ce qui lui permettait bien évidemment de lui mentir. S'il s'agissait d'une chose que Lydia ne cautionnait que peu, elle n'allait certainement pas rapporter ce fait à Scott, considérant que le devoir de faire attention à son meilleur ami lui revenait avant les autres.
- De toute façon, je ne le laisserai pas faire. J'entends ta voix, Stiles.
- Je sais, soupira le concerné.
Il avait des oreilles et percevait sa propre fébrilité, notifiait avec agacement la façon dont il mâchait ses mots… Et la vitesse à laquelle il s'essoufflait. Le coup de froid ne faisait, selon lui, plus de doute – quoiqu'il ne reniflait pas, ne toussait pas non plus, ni ne ressentait le besoin de se moucher. Ça, plus son malaise… Non, Stiles ne se sentait définitivement pas très bien, mais savait la chance qu'il avait d'être chez lui à l'heure actuelle. A ce sujet, il remercia d'ailleurs à nouveau la banshee, qui, après un léger rire, lui indiqua qu'elle devait mettre fin à l'appel. Néanmoins, elle ne raccrocha pas avant d'avoir à nouveau pris de ses nouvelles et s'être assurée qu'il n'avait besoin de rien. Son père se trouvant encore au poste à l'heure actuelle, Stiles était seul chez lui.
Raccrocher lui fit un bien fou car si la préoccupation de Lydia lui faisait du bien et lui rappelait qu'il n'était pas qu'une aide pour la meute, se retrouver dans le silence le plus complet diminuait la puissance des tambours dans sa tête. Pourtant, Stiles aimait le bruit, l'agitation, les mots : mais il savait faire la part des choses. Chaque chose en son temps, lui répétait sa défunte mère chaque fois qu'il avait été malade. Si le principe de ce proverbe lui coûtait, il ne pouvait que lui donner raison. Les yeux fermés, il apprécia la tranquillité, profita de ce silence des plus complets dont la moindre interruption rappelait à sa mémoire la raison pour laquelle il n'avait même pas mis de musique.
Patraque et quelque peu faiblard, il se glissa sous ses draps et profita de ce temps libre que sa probable maladie lui accordait. Dans un sens, elle l'arrangeait et lui avait évité de passer davantage de temps dans cet endroit dont la moindre pensée lui donnait des frissons. Enfin bon, il semblait être le seul à le considérer aussi durement. Techniquement, si aucun des loups de la meute n'avait trouvé ou senti quelque chose d'anormal… Cela signifiait que ça allait et il le savait.
Il s'était juste définitivement monté la tête pour rien.
