Je résume donc. Tu as été dans onze autres familles en plus de la nôtre et l'organisme a décidé de te mettre en orphelinat pour avoir changé de famille d'accueil autant de fois, c'est bien ça ?

Kise acquiesça en sirotant son café.

- Ryouta… Tu es sûr que c'est la bonne solution ?

Le jeune homme regarda sa sœur un moment avant de poser sa tasse.

- Ecoute Leiko, il n'y a plus d'autres choix, l'organisation a fait tout ce qu'elle pouvait, mais il semblerait que la situation soit plus compliquée que prévue. Leur règlement interdit un nombre d'adoption supérieur à douze, sûrement pour une question d'argent, d'éthique, ou qu'en sais-je encore ! C'est déjà bien qu'ils m'aient trouvé un orphelinat dans cette ville.

La jeune fille grimaça et baissa la tête vers sa collation : un petit gâteau accompagné d'un chocolat chaud, à peine entamés. Elle marmonna :

- Pourquoi dois-tu passer à travers tout ça ? Personne ne devrait avoir à lutter comme tu le fait. Surtout pas toi…

- Ne te torture pas pour moi Leiko.

Il lui sourit pour la rassurer mais cela eu l'effet inverse. Elle se leva et dans un même mouvement, fit le tour de la table et le prit dans ses bras.

- Comment est-ce que tu peux penser que je ne m'inquiéterais pas pour toi ? Imbécile de petit frère.

- Je ne sais pas qui est le plus bête dans l'histoire…

- Comment ça ?!

La blonde desserra son étreinte en fronçant les sourcils avant de lui donner une pichenette sur le front. Elle mit une main sur sa hanche et dit d'un ton faussement colérique :

- Ose me le redire encore une fois…

Kise se leva en riant, régla l'addition avant de partir sans attendre sa sœur.

Il ne savait plus à quel moment il avait commencé à la considérer comme sa propre sœur, mais il tenait à elle, il était dur de nier ce fait.

- Ryouta ! Att… Eh ! Attends-moi !

Il ralentit son allure avec un sourire narquois. Elle arriva à sa hauteur et prit son bras, les mettant bras dessus, bras dessous.

- Quand est-ce que tu dois y arriver ?

- A l'aube au plus tard.

- Je t'accompagne ?

Kise le regarda et acquiesça en souriant.

- Si tu veux.

Ils partirent tous deux en direction de son nouveau foyer, dans lequel il n'aurait pas à rester longtemps. Il ne lui restait plus que deux ans avant qu'il n'atteigne enfin la majorité.

Ils discutèrent de tout et de rien sur leur chemin. Kise était content d'avoir pu retourner dans sa petite ville, après avoir passé plus de trois ans à l'extérieur chez d'autres familles. Le seul désavantage à présent, c'est qu'il allait devoir assister à une rencontre organisée où tous les vampires de sang supérieur de la ville étaient invités.

En vérité, le mot « invité » était peut-être mal choisi car il était extrêmement mal vu de ne pas y aller. Pour être honnête, Kise se fichait bien de ce qu'on pouvait penser de lui, mais il souhaitait toujours bénéficier des avantages qu'il possédait alors… Autant y aller une petite heure pour l'apparence avant de s'échapper vite fait.

- Il va falloir que tu y aille.

Kise se retourna vers sa sœur avant d'acquiescer. Il soupira, prit son sac de voyage qu'il balança par-dessus son épaule. Il fit un clin d'œil à Leiko en lui promettant qu'ils iraient faire les boutiques ensembles pour dénicher une belle robe pour le bal puis se dirigea vers le secrétariat de l'orphelinat.

Un homme se tenait au bureau. Kise se présenta en tendant tous les papiers administratifs nécessaires et on le prévint qu'il était justement attendu. Le secrétaire fit signe à l'un de ses collègues en pause de le remplacer avant de demander au blond de le suivre. Ils arrivèrent devant une immense salle, servant apparemment de salle de repos dans laquelle se trouvaient des enfants et adolescents de tout âge.

Kise grimaça face au bruit soudain. Ils continuèrent vers un couloir et montèrent ensuite trois étages avant de s'arrêter devant une porte. Là, l'homme se tourna vers Kise et lui dit :

- Voici les clés de ta nouvelle chambre. Prend le temps de t'installer, je t'enverrais un de tes nouveaux camarades d'ici une heure pour te faire visiter un peu les lieux.

Le blond opina de la tête et l'homme lui sourit avant de retourner à son poste. Le jeune vampire ouvrit tranquillement la porte et fut surprit par la taille de la chambre. Elle était incroyablement… Petite. Il faut dire qu'il avait toujours vécu avec des familles ne manquant pas d'argent ni de place dans leurs maisons. Il fit rapidement le tour de la pièce et comprit également que les douches étaient communes.

Génial…

Il commença par ranger toutes ses affaires ce qui ne lui prit même pas quinze minutes. Il avait du temps à tuer là. Il se plaça donc devant la fenêtre en attendant, patientant comme il pouvait pour tuer le temps.

Ses pensées dérivèrent vers ces six dernières années. Il avait été qualifié « d'enfant à problème » et l'organisation l'avait finalement mis à la porte après autant de cas rapportés. Il avait menti à Leiko, concernant les soi-disantes « règles » qu'ils devaient respecter. Kise avait juste poussé le bouchon un peu trop loin.

D'aussi loin qu'il se souvienne, il y avait eu des femmes strictes, libertines, riches, d'autres en recherche de pouvoir, en manque d'amour, des jeunes, des filles pleines d'espoir, il avait eu tellement d'amantes qu'il ne se souvenait plus de toutes. Il se rappelait cependant cette seule fois où il avait eu une aventure avec un jeune homme. Cela n'avait duré qu'un mois, mais il avait senti le poids de la lourde armoire d'ébène en lui à cette époque devenir bien plus supportable. Il regrettait un peu cette relation, qui lui avait permis pendant un court laps de temps de tout oublier.

Il passa sa main sur son visage et sentit soudain une odeur alléchante. Cela éveilla sa curiosité et lui amena l'eau à la bouche. Les sens aux aguets, il entendit des pas se rapprocher, puis s'arrêter devant sa porte avant que trois coups secs retentissent. Il l'ouvrit avec réticence, découvrant une jeune femme qu'il estima avoir environ dix-neuf ans. Elle avait les yeux fermés et ne sembla, par conséquent, uniquement troublée par la beauté de Kise.

Elle se présenta sous le nom d'Akane, mais Kise retint surtout le fait qu'elle soit humaine. Merde ! Qu'est-ce que c'était que cet orphelinat ?! Le dernier boulot de l'organisation et ils n'avaient pas été fichus de l'envoyer dans un lieu pour vampire ?

Au moins cet orphelinat était majoritairement composé de créatures surnaturelles étant donné le fait qu'il n'ait pas senti d'odeurs humaines auparavant, mais il n'était pas sûr de savoir parfaitement se contrôler en présence d'un être humain.

Pour le moment, il bloqua juste toute pensée qui pourrait nuire à la santé de la dénommée Akane, évitant tout contact visuel avec elle. Il devinait de toute manière qu'elle ne s'en rendrait même pas compte étant donné qu'elle était aveugle.

Une proie facile… Lui criait son instinct.

Il ne fit que l'écouter, en remarquant qu'elle connaissait parfaitement les lieux au vu de l'aisance de sa démarche, sans canne pour se repérer. Il secoua sa tête pour se reconcentrer, enregistrant les différentes informations primordiales comme les règles des lieux communes à tous, le chemin pour aller aux pièces importantes, les horaires d'utilisation des douches, bref, tout ce qui pouvait être utile.

Elle lui expliqua également que les règles dépendaient énormément des occupants et que tout nouveau devait avoir un dossier déposé dans sa chambre l'informant de sa propre charte à suivre.

Ce n'était pas étonnant étant donné la diversité ethnique se trouvant en ces lieux. Comment faisaient-ils pour gérer la soif des vampires dans un tel endroit ?! Il le découvrirait bien assez tôt de toute manière.

C'est bien dans ces moments-là qu'il regrettait de ne pas avoir eu une vie stable. Lorsqu'un vampire naissait, il lui fallait un constant apport de connaissance sur son self-control et de contact humain, et si cela se passait bien, vingt-cinq ans -âge légal pour ne plus avoir besoin de tuteur- suffisaient à pouvoir se retenir en face d'un être humain avec un minimum de respect pour ne pas éveiller les soupçons.

L'âge de la majorité approchait pour Kise, mais il n'avait pas reçu l'éducation nécessaire, et lorsque la fille le laissa enfin devant sa porte, sans qu'elle ne dise un mot de plus, Kise rentra en précipitation dans sa chambre et ouvrit la fenêtre en grand, respirant l'air extérieur au maximum pour éviter de faire chemin arrière pour boire ce…

Le blond s'ébroua et entendit le bruissement des feuilles. Comme Akane l'avait souligné, le dossier du règlement était déposé sur son bureau. Cela lui changerait les idées alors il décida de le feuilleter en s'installant le plus proche possible de la fenêtre.

« Règle n°1 : Ne pas aller dans les quartiers des autres étudiants sans autorisation spéciale.

Règle n°2 : Horaire de sortie en semaine de 6 heures à 10 heures et de minuit à 10 heures pour le week-end.

Règle n°3 : Interdiction d'entretenir des relations plus qu'amicales au sein de l'établissement.

Règle n°4 : Interdiction de ramener quelqu'un de l'extérieur sans avoir consulté le personnel de l'orphelinat au préalable.

Règle n°5 : Interdiction de blesser une personne sous le toit de l'orphelinat, aussi bien le personnel que la personne placée en ces lieux, et les invités.

Règle n°6 : Présentez-vous obligatoirement à 23 heures à la salle 05. Toute dérogation sera sévèrement punie sauf sur autorisation spéciale.

Règle n°7 : Vous avez pour obligation d'assister aux cours de minuit à six heures tous les jours sauf week-end.

Règle n°8 : […] »

Kise comprit immédiatement que les règles étaient toutes écrites de façon claire et implicite de sorte que même un humain normal ne puisse se douter de la cohabitation de plusieurs espèces en ce lieu. Elles étaient tout de même rédigées en insistant sur les mots pour désigner quelles étaient les règles du lieu.

Il avait juste deux ans à tenir. En attendant, il pourrait sûrement s'habituer à la cohabitation en intérieur avec les êtres humains. Dans la rue, de nuit, rares étaient les humains à se balader, et en extérieur, leurs odeurs et les tentations diminuaient grandement. Mais sous un toit, bloqué entre quatre murs, la situation était tout à fait différente.

Il avait encore une heure à tuer avant que 23 heures ne sonnent et il remarqua un papier qui avait sûrement volé quand il avait ouvert la fenêtre.

« A l'attention de Kise Ryouta :

Vous êtes convoqués en salle 001 à 22 heures afin d'évaluer votre niveau de connaissance.

Veuillez-vous présenter avec votre pass et cette convocation. »

Allons bon, un test maintenant ? Génial, il était en retard en plus ! Il espérait au moins que l'enseignant serait conciliant. Il venait tout juste d'arriver, et il n'avait pas réellement étudié pendant huit ans.

Il prit sa veste par réflexe et descendit vers la salle. C'était devenu une habitude de prendre son manteau. Il ne savait jamais quand est-ce qu'il allait être contraint de quitter son domicile et il ne voulait pas qu'on le prive de cette seule possession dont il refusait de se séparer. Il mit sa main dans sa poche et la toucha, se rassurant au contact du papier.

Il passa dans la salle récréative où Kise fut presque soulagé de remarquer que la majorité des odeurs présentes étaient masquées par l'odeur ténue de loups-garous. Il en conclut d'ailleurs qu'ils étaient bien plus que le nombre d'humains et de vampires mélangés. C'était bien le seul avantage qu'il pouvait trouver à la cohabitation avec ces chiens de quartier.

Le blond en croisa d'ailleurs un ou deux groupes qui le fusillèrent du regard, lui faisant clairement comprendre que c'était eux qui faisaient la loi. Il renifla avec dédain avant de rentrer dans la salle indiquée après avoir préalablement frappé à la porte. N'oublions pas les bonnes manières dont ces cabots ne devaient même pas soupçonner l'existence.

Là se trouvait une salle de cours tout à fait banale et un homme était assis au bureau de l'enseignant. Il était plutôt costaud, malgré sa petite taille et il dégageait une aura de confiance absolue. Un vampire pour l'entretien d'un vampire. Enfin une chose plus logique dans cet orphelinat. Il se leva en voyant le blond rentrer et le salua d'une forte poignée de main, se présentant comme le professeur Bleon Danish. Sa voix était excessivement grave et cela le troubla.

Il l'invita ensuite à s'asseoir à une chaise près du bureau d'enseignant, lui demanda sa convocation avec son pass que Kise lui présenta immédiatement. Le professeur le vérifia sommairement, pour la forme, puis il prit un dossier dans son attaché-case, qu'il ouvrit ensuite.

- A compter d'aujourd'hui, je serai ton professeur principal, mais aussi ton tuteur au sein de cette structure. S'il y a un quelconque souci, n'hésite pas à venir me voir. Nous allons passer quelques tests de scolarité, et je vais aussi te poser quelques questions sur ta vie auparavant. Cela me permettra de prendre les mesures nécessaires si un problème se passe au sein de cet établissement. Si la question est trop difficile, tu as le droit de me le dire, on verra ça une prochaine fois. Cependant, ne me ment pas. Il est préférable pour nous deux de se faire mutuellement confiance. On peut commencer quand tu te sentiras prêt.

Kise fit un signe de tête pour donner son accord. Comme s'il avait d'autres choix de toute manière.

L'enseignant lui tendit trois feuilles recto-verso et lui expliqua les règles. Il avait deux heures pour tout remplir. Elles mélangeaient les niveaux et les matières pour mieux pouvoir le tester.

Le blond soupira, prit la première feuille et commença. Ces deux prochaines années ici allaient être très longues.

- J'ai terminé.

Une heure plus tard, Kise posa son crayon. Il avait répondu aux questions qu'il connaissait, toutes issues des livres qu'il avait lu dans son perpétuel ennui. Quant aux autres, il n'allait pas inventer les réponses qu'il ne connaissait pas.

Le professeur le regarda avec étonnement en fronçant les sourcils. Il prit ses feuilles et lu ses réponses. Dix minutes passèrent pendant lesquelles ses réactions passèrent de la surprise à l'air interrogateur. Il posa ensuite le paquet et se pinça l'arête du nez en enlevant ses lunettes.

- Dis-moi Kise, quand as-tu arrêté ta scolarité ?

La question étonna le blond. Il ne pensait pas avoir pris autant de retard…

- Depuis mes quinze ans monsieur, j'ai eu quelques professeurs particuliers mais ils ont très rapidement cessé de me donner cours ou alors je suis parti avant…

- Je vois, cela éclaire certains points en effet.

- C'est si catastrophique ?

- Comment dire… Ton niveau est extrêmement hétérogène. Ton niveau d'anglais est excellent, ton niveau en langue est d'ailleurs tout à fait honorable. Je remarque que les sciences ne sont pas tellement ton fort cependant, hormis peut-être en physique. Je devine que tu as dû lire plusieurs livres bien différents concernant l'histoire et la culture générale. Tu vas devoir suivre des classes différentes adaptées à ton niveau.

Oh… Alors ce n'était que cela ? Tranquille dans ce cas. Il s'attendait déjà à cette remarque de toute manière. Il se reposa confortablement dans sa chaise pendant que l'adulte notait deux trois choses sur une feuille.

Son écriture était horrible. Kise grimaça alors qu'il tenta de décrypter à l'envers les hiéroglyphes du brun mais il n'eut pas le temps de commencer à traduire. Le professeur releva la tête, le regarda dans les yeux et lui dit :

- Très bien, passons à la partie question maintenant. Comme je l'ai dit plus tôt, j'aimerais que tu ne me mentes pas, et si une question est trop compliquée, n'y répond pas.

Kise acquiesça et l'homme se racla la gorge.

- Très bien, alors commençons par cela. Peux-tu te contrôler aux côtés d'un être humain ou pas ?

- Si vous voulez dire par là « et ne pas éveiller de soupçons », alors non. Je suis à peine capable de me retenir, sauf en espace ouvert.

L'enseignant prit note et continua :

- Il me semble pourtant que tu ne t'es pas jeté sur la jeune Akane ?

Ces enfoirés ! Est-ce qu'ils … ?!

- Vous vouliez me tester ? Si je l'avais attaquée qu'est-ce que vous auriez fait ?! Et qu'est-ce qui se serait passé si elle s'était rendu compte que…

- Calme-toi petit, tu étais sous surveillance. Quelqu'un serait intervenu si tout avait dérapé. De plus, elle est malheureusement au courant de notre existence. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle est ici. Mais je constate au moins que les lois sont respectées avec toi, c'est bien.

Pour qui le prenait-il au juste ? Le brun recapta d'un coup son regard et Kise sembla se calmer presque immédiatement. Il se racla la gorge, puis reprit la parole.

- Passons ensuite à la question suivante. Qu'est-il arrivé pour qu'un vampire de sang noble comme toi atterrisse à cet endroit ? Ce n'est pas comme si je critiquais l'endroit où je travaille, mais on ne peut pas vraiment dire que ce soit vraiment digne de ton rang.

Kise haussa des épaules et lui répondit :

- Il me semble avoir marqué quelque part dans mon dossier qu'il s'agissait d'un problème comportemental non ? Si je dois rajouter quelque chose, alors je dirais juste que aucun autre orphelinat voulait de moi dans cette ville, et il était hors de question que j'aille autre part encore une fois.

Le professeur leva un sourcil avant de lui répondre :

- C'est effectivement ce que tu as marqué, mais tu n'as pas l'air d'être de ce genre.

- C'est si étonnant ?

Kise sourit ironiquement en mettant ses mains dans les poches de sa veste avant de reprendre.

- Par ailleurs, est-ce que vous auriez la bonté de cesser d'utiliser ce pouvoir que vous avez ? Je pourrais tout aussi bien arrêter de vous regarder dans les yeux, mais ce serait très énervant pour nous deux.

Le brun sursauta avant de sourire puis de se mettre à pouffer.

- C'est la première fois qu'on me sort ça ici ! Je n'en attendais pas moins du gamin dont j'avais entendu parler ! Cependant, je suis désolé de devoir t'annoncer que ça ne va pas être qu'un simple problème de comportement qui te permettra de te faire virer d'ici. Moi vivant, tu resteras jusqu'à ta majorité ! Mais tu as raison, je n'utiliserais plus ma capacité sur toi, cela à l'air de te faire l'effet inverse. Passons maintenant à ta troisième question. Quel est ce « problème comportemental » ? Tu frappes ? Tu réponds ? Tu fais quoi pour qu'aucune de ces familles toutes si différentes ne t'aient pas accepté ?

- Ils ne sont pas ma « famille ». Je n'ai pas ma place chez eux. La plupart ne cherchaient à adopter que pour pouvoir gagner un peu de puissance, de bonne réputation, pour faire de la charité ou encore pour faire de moi un objet d'exposition, sexuel, ou qu'en sais-je encore. Non, il était hors de question que je respecte ces personnes. C'est tout ce que vous avez besoin de savoir.

Sa façon d'esquiver la question fit sourire l'enseignant qui acquiesça, semblant tout à fait comprendre, même s'il avait légèrement tiqué à l'entente d'un mot, qu'il songea ou espéra avoir mal compris.

- Tu as dit un peu plus tôt qu'il était hors de question que tu ailles dans une autre ville. Pourrais-je en connaître la raison ?

Le blond réfléchit un instant à la façon de le formuler avant de voter pour la simplicité.

- Je ne voulais pas m'éloigner trop loin du cimetière.

Le professeur releva la tête de sa feuille à l'entente de ce mot puis posa son crayon.

- Veux-tu en parler ? Cela peut être dur et je sais que…

Kise secoua vivement la tête. Si un jour il en parlait, il ne pourrait plus jamais s'arrêter, et toutes ses émotions qu'il cachait si précieusement seraient relâchées. Il ne pouvait plus se confier maintenant de tout manière. Cela faisait trop longtemps, ce serait trop dur d'ouvrir cet immense bloc de béton. L'enseignant devant lui prit un papier de la poche de son portefeuille avant de le lui tendre. Il s'agissait là d'une petite carte de visite.

- Je souhaiterais que tu prennes tout de même quelques séances de consultations avec ce psychologue. Il pourra très sûrement t'aider à te sentir mieux.

- Mais je vais tout à fait bien.

Le professeur posa la carte que Kise refusa de prendre et lui dit :

- Le but n'est pas d'aller bien, je vois bien que ce n'est pas le problème. Ce qui est alarmant, c'est ce que je vois que tu ressens au fond de toi. Va le voir quand tu seras convaincu que ça pourra t'aider.

- Très bien.

Il l'a pris plus pour faire plaisir à l'enseignant que pour réellement l'utiliser un jour. Enfin, si, elle lui sera utile. Elle ferait un très bon marque page pour ses futures lectures.


Kise s'observa dans le miroir avant d'apercevoir sa sœur derrière lui. Elle se précipita sur lui et se pendit à son cou en regardant son reflet :

- Tu es trop beau ! Je savais que ce costume t'irait à merveille ! Avec ça, personne ne pourra te détrôner !

Kise releva un sourcil avant de la taquiner en lui disant :

- Tu plaisantes j'espère ? Tu vas faire tomber les hommes de cette soirée mondaine avec ta robe !

Et comment ne pas être plus dans le vrai que lui à cet instant ? Ils s'étaient mutuellement choisi une tenue de soirée pour le rassemblement de vampire qui allait commencer dans une heure. Et le blond avait mis tous les moyens pour que Leiko soit la plus belle ce soir. Et elle était ravissante.

- Petit flatteur va ! Viens par-là !

Se rapprochant d'elle, elle lui prit d'un coup le bras, l'installant avec force sur une chaise.

- On ne bouge pas jeune homme.

- Quel jeune ? Je te ferais voir que nous sommes du même âge !

Elle lâcha soudain la main dudit jeune homme et lui lança un regard satisfait.

- Nah ! Voilà ! Au lieu de ronchonner, laisse-moi faire le même boulot de l'autre côté.

Kise resta un instant figé en regardant son poignet. Un magnifique bouton de manchette s'y trouvant accroché. Il sourit en voyant ses initiales « K.R » écrites de façon élégante sur un rehaussement d'or finement réparti. Il n'aimait pas tellement ce genre de chose, mais il savait qu'il allait en prendre soin. Sa sœur ayant fini, elle regarda son travail, et sourit, l'air enchantée du résultat. Le blond ne savait plus où se mettre.

- Leiko, je…

- Tch ! N'en dis pas plus ou ça va pas le faire ! Allez hop ! Viens, ou on va être en retard !

- Mais je…

Le regard noir que lui lança la blonde le fit s'arrêter. Mon dieu, ce que les femmes savent être têtues quand elles s'y mettent ! Il poussa un soupir et la suivit, bien heureux qu'elle ait choisie de venir le voir lui et non pas de rester auprès de ses parents.

Ils se rendirent à la salle de réception en voiture et présentèrent bien sagement leurs invitations sachant de toute façon pertinemment qu'ils seraient reconnus immédiatement étant donné leurs habits et leur prestance.

Arrivés à l'intérieur, Kise décida de suivre sa cavalière tout du long, en profitant pour se forger deux ou trois relations amicales au passage. A un moment seulement, il se stoppa net, le faisant perdre la trace de Leiko parmi la foule.

Deux yeux rouge écarlate le fixaient dans l'assistance, l'ensorcelant presque sous son regard. Il eut à peine le temps de se diriger vers cette divine personne qui semblait pourtant vouloir qu'il se rapproche. Kise se fit bousculer par quelqu'un ce qui lui fit tourner la tête. L'instant d'après, il se sentit projeté au sol. Une voix forte et bourrue retentie dans l'assemblée.

- Kise Ryouta ! Toi ! Raclure, enfoiré ! Qu'est-ce que tu viens foutre là sale vermine !

Une odeur d'alcool saturait l'atmosphère. Alors même un vampire de haut rang pouvait devenir saoul s'il le voulait ? Cela signifiait sûrement qu'il y avait à cette réception de l'alcool pour vampire.

Relevant la tête, le blond reconnut immédiatement la personne l'ayant interpellé. Un mari de l'une de ces anciennes amantes. Ne serait-il pas tranquille un jour ? Alors que le pauvre vampire commençait à l'injurier de tous les noms en l'accusant d'avoir détruit sa vie, Kise se souvint de la personne qui l'avait bousculé une minute plus tôt. Il se releva avec grâce et se félicita de son réflexe de copie, qui lui avait servi tellement de fois au cours de sa vie.

Le brun en face de lui lui lança un regard mauvais, et tenta d'attaquer. Kise, lui, ne fit qu'activer son pouvoir. Il chuchota :

- Tu vas t'excuser, dire que tu ne te sens pas bien, que tu t'es trompé de personne, puis sortir de cette soirée.

L'homme s'arrêta immédiatement dans son élan. Le blond releva la tête, et le brun changea immédiatement d'attitude. Il ne fit pas cela de bonne grâce, mais il obéit, repartant vers la sortie.

Kise bénit son pouvoir et son habitude de copier tout pouvoir à portée de la main quand il en croisait un. Cela l'avait encore une fois sorti d'une situation périlleuse.

- Ryouta ! Oh mon dieu, Ryouta, tu n'as rien ?!

Le blond se tourna vers sa sœur et lui sourit.

- Ne t'inquiète pas, tout va bien, rassure-toi. Il s'était simplement trompé de personne.

Le regard d'inquiétude de la petite le fit froncer les sourcils, mais il allait vraiment bien, pas de quoi s'alarmer. Des murmures se levèrent dans l'assistance, et tous se dispersèrent. Il en reconnut cependant certains mots qui ne lui plurent pas, mais qui ne faisaient que dépeindre la vérité.

Cet homme qui venait réclamer justice pour sa famille à présent déprisée pour une histoire d'adultère. Kise trouvait cela tellement risible qu'ils tiennent tant que ça au pouvoir et à la gloire. Mais pour les trois-quarts des personnes dans l'assemblée, c'était le plus important, et un homme qui pouvait décimer le travail de plusieurs milliers d'années est un homme dangereux de qui il faut s'éloigner comme la peste.

Mais il ne pensait pas être aussi connu. Il reregarda autour de lui, comprenant qu'en restant auprès de sa sœur, il risquait de lui faire plus de mal qu'autre chose. Il avisa la sortie, et lui dit d'un air tranquille :

- Je n'ai plus envie de rester. Tu me raconteras la fin de la soirée ?

La blonde le regarda bizarrement. Un air sombre passa sur son visage avant qu'elle ne lui sourisse et lui dise :

- Bien sûr ! On se recontacte comme d'habitude !

Kise lui fit un clin d'œil et déguerpit en vitesse, prenant le chemin du retour. Mais alors qu'il atteignait la sortie, une personne le héla, d'un air si impérieux et sans appel que le blond se tourna d'office.

Son regard se confondit dans celui d'un rubis sage de son interlocuteur. Il était plus petit que lui, ses cheveux étaient tout aussi écarlates que ses yeux, et Kise le savait, il aurait dû le craindre. Mais à l'inverse, il en fut fasciné. Il écarquilla les yeux quand il se rendit compte de son impolitesse, les détournant immédiatement, ne sachant plus où se mettre. Il balbutia un « monsieur ? » qu'il eut bien du mal à articuler et se vit répondre d'une voix omnipotente :

- Dis-moi, que penses-tu du concept de famille ?

Mon dieu, s'il avait pu se planquer sous terre, il l'aurait fait ! Était-ce ça le pouvoir d'un vampire de sang pur ? Était-ce là toute la suprématie qu'un homme pouvait posséder ? Il lui avait posé une question. Il fallait qu'il y réponde. Aaah… Mais pourquoi une telle question ? Et pourquoi à lui ?! Un majordome -un homme aux cheveux verts- se rapprocha de l'être suprême, pour l'informer de leur départ imminent.

- Akashi-sama, il faut y aller, nous allons être en retard.

- Je te suis, Shintaro.

Le vampire passa à côté du blond, et se stoppa deux pas derrière.

- Songe à ma question. Je te la reposerais la prochaine fois que nous nous reverrons. J'espère que tu auras une réponse d'ici là.

Kise sortit soudain de sa transe, se retourna d'un coup, bouche ouverte, mais il était déjà trop tard. Qu'est-ce qu'il avait dit déjà ? Qu'il comptait le revoir ?

Mon dieu, il s'était attendu à tout sauf à ce qu'un vampire d'une telle carrure vienne lui parler. Il sortit, le cerveau embrumé, avec l'impression d'avoir été secoué dans un manège à sensation. Il se dirigea dans cet état vers l'orphelinat, incapable de raisonner convenablement, se laissant porter par le doux vent d'automne.


Alors que la nature fêtait son renouveau, laissant le givre et la glace fondre pour céder place au parfum des fleurs, une femme blanche comme la neige se déplaçait avec grâce, provoquant l'admiration des rares passants encore dehors en cette froide soirée de printemps.

Elle était heureuse. Elle avait réussi ! Elle allait enfin venger son amie !

Elle replaça ses longs cheveux roux en arrière alors qu'elle frappa trois coups secs à la porte. On vint lui ouvrir, avant de la diriger vers une grande salle de juridiction. On lui demanda d'attendre à sa barre, le temps d'aller chercher l'accusé.

Il n'aura aucune chance ! Pour une plainte portée devant le juge des vampires, il ne pourrait échapper à une lourde sentence.

Oh, mais qu'elle en jubilait d'avance !

Puis, il entra. Cette abomination angélique se trouvait devant elle. Oh, elle le voyait, toujours aussi inexpressif qu'à l'instant où elle l'avait vu pour la première fois, devant la fenêtre de sa maison.

Elle se tourna vers la barre à témoin et y vit son amie, elle qui avant était si belle et rayonnante de bonheur. Elle vit plus loin, sa fille et son ancien mari. Ils avaient osé l'abandonner, ils n'avaient même pas cherché à connaître la vérité dans cette affaire.

Mais elle, elle était sûre que le diable se cachait en cet homme ! La preuve en était, toutes ses amantes qui avaient accepté de témoigner contre lui étaient ici aujourd'hui. Les seuls témoins qui étaient du côté de l'accusé étaient la fille et l'ancien mari de son amie. Ces traîtres. Tant pis pour eux, ils s'étaient rangés du mauvais côté de la justice.

Les trois juges entrèrent dans la salle avec prestance, inspirant le respect. Ils s'installèrent, puis jaugèrent l'assistance se trouvant devant eux, tous de concert.

Le juge central leva la main, et le silence se fit encore plus profond. On pouvait juste entendre les gazouillis des moineaux s'évertuant dans leurs chants, dehors.

- Masume Kigumi. Vous êtes ici pour porter plainte contre l'accusé ici présent, de son premier nom, Kise Ryouta. Si je ne me trompe pas, vous souhaitez le punir pour avoir causé plusieurs adultères qui ont terminés en divorces ou même catastrophe familiale. Est-ce bien cela le problème ?

- Oui Monseigneur.

Le vampire regarda le démon avec intensité, avant de revenir sur la rouquine.

- Votre grâce, je suis là pour porter plainte à la place de mon amie ici présente, Kyuna Riziku. Vous devez déjà savoir ô combien il est difficile de faire cela de sa propre personne. S'il vous plaît, écoutez son recueillement, il lui a fait des choses tellement horribles !

Le beau diable à la barre des accusés sembla trembler à l'entente de ses mots et referma sa prise sur ses genoux. Le juge de droite dit avec une voix caverneuse :

- Nous acceptons de vous écouter Kyuna Riziku. Qu'as-tu à nous dire ? J'espère-là n'y voir la vérité, et absolument que cela.

La femme aux cheveux d'un noir ébène se leva et s'avança devant les juges, tremblante et pâle.

- Votre honneur, ce que dit là Masume est vrai. Il m'a forcé, et je n'ai pas eu d'autre choix que de l'accepter. Il ressemble à un ange, mais c'est un vrai démon qui se tapit en lui. Toutes les femmes réunies en ces lieux en tant que témoin sont victimes de sa perfidie et ont toutes subies la même humiliation que moi. Vous n'aurez pas besoin de toutes les interroger. J'agis en leur nom en vous rapportant les preuves qu'elles ont toutes récoltées.

Des larmes coulèrent de ses yeux alors que, fébrile, elle tendit une enveloppe aux juges qu'elle tenait depuis le début du jugement avec un magnétophone à côté. Les trois hommes se concertèrent, ouvrirent ensuite l'enveloppe et en regardèrent le contenu. Une fois fait, ils se tournèrent vers la brune accablée, la scrutant.

Ils écoutèrent ensuite ce qui se trouvait sur le magnétophone et froncèrent les sourcils. Le témoignage que la brune avait préparé fut encore plus poignant, et il ne fit aucun doute de la véracité des propos au vu de combien il lui en coûtait d'en parler. Un accord sembla se faire entre les trois juges sans même qu'ils eurent besoin de dire un mot et le juge du milieu dit avec éloquence :

- Les preuves et le témoignage sont acceptés. Le témoin peut retourner à sa place.

Oh, la rouquine pouvait sentir le blond fulminer sur sa chaise d'accusé. Justice sera rendue ! Tu verras ! Pour toutes les violences physiques et morales que tu as faites, tu le paieras, surtout pour avoir mis Kyuna dans un tel état !

- Ecoutons l'accusé à présent. Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?

Le blond était tétanisé. Il ouvrit la bouche, ferma les yeux. Il se mordit ensuite la lèvre avant de se lever en rouvrant les yeux.

- Monseigneur, je m'excuse de vous importuner ainsi en cette magnifique soirée de printemps, mais il me semble que tout cela soit un peu exagéré. Pour le peu que je sache, je n'ai jamais forcé qui que ce soit à entretenir des relations avec moi. Je dois avouer avoir su que les femmes que j'ai pu avoir l'honneur de fréquenter étaient toutes consentantes, bien que je ne puisse pas dire la même chose de leurs maris. Est-ce pour cela que je suis traduit en justice ? Parce que j'ai bien voulu accorder un peu de mon bon temps avec ces magnifiques demoiselles ? Cela me semble un peu exagéré. Tous les hommes devraient se présenter en tribunal dans ce cas. De mon côté, je n'ai pas dix femmes à appeler à témoigner pour moi, mais deux personnes qui ont vécu à mes côtés, qui ont été les premiers à m'accueillir lorsque mes parents sont décédés.

Le blond se tourna vers eux, et il dit avec douceur :

- Eux connaissent la vérité que vous réclamez.

Les juges semblaient quelque peu perdus. Quel discours remplis par la puanteur du mensonge ! La rouquine vit rouge. Elle savait que les juges usaient de leur pouvoir pour obtenir la vérité. Ce dernier était faible, c'est pour ça qu'ils étaient trois, mais il semblait être si léger qu'il ne put plus discerner le venin de cette vile créature. Les vampires étaient bien tous en train de perdre leurs pouvoirs un par un.

- J'en appelle au premier témoin. Qu'il s'avance.

Leiko fit un pas en avant. Ah, cette douce et brave petite. Ensorcelée par le diable en personne, il devait la mener par de belles et vaines promesses qui lui faisaient miroiter un si beau paradis.

- Votre honneur, je connais à présent Kise Ryouta depuis près de huit ans maintenant. Lorsque j'étais encore jeune, il m'est arrivée de ne pas comprendre pourquoi ma mère se rapprochait autant de mon frère. Dès qu'il est arrivé à la maison, elle lui lançait des regards insistants. J'ai fait semblant de ne pas m'en apercevoir. J'ai tout ignoré, et je le regrette encore. Mais là n'est pas la question puisque Kyuna -La brune se raidit à l'entente de son prénom prononcé par sa fille l'ayant toujours appelé maman- est ici aujourd'hui en tant que témoin. Pour jouer mon rôle de témoin, je dirais que ce n'était pas elle la victime de cette mascarade qui s'est déroulée il y a huit ans de cela.

La petite fit un mouvement de tête, avant de faire un pas en arrière. Le juge à gauche se mordit la lèvre et somma le deuxième et dernier témoin à s'avancer. Akihido… Avait toujours été l'homme de droiture et d'honneur par excellence. Le fait qu'il ait choisit de témoigner à l'encontre de son ancienne femme au lieu de la soutenir avait fait douter une demi-seconde l'écossaise avant qu'elle ne se reprenne. Il avait tort, c'était un fait indéniable.

- Votre grâce, malgré tout ce que l'on peut dire, l'adultère est un fait grave. Voici là un bien triste fait indéniable. Que dire pour la défense de ce petit qui a tant subis ? -Il s'éclaircit la voix avant de reprendre- Je n'ai pas tellement connu Kise quand il était dans notre maison, et je le regrette amèrement. J'ai loupé beaucoup de signaux d'alarme que me lançait ce petit. Je vais être clair pour vous messieurs les juges, autant que je suis honnête et droit avec toutes les personnes que je rencontre. Accuser cet enfant de viol et d'abus envers d'autres est une aberration que je n'ai en tout cas pas vu naître sous mon toit venant de sa part.

Les mots crus employés par le vampire firent soulever des murmures dans toute l'assistance. Mais ce n'était pas elle que l'homme d'affaire essayait de toucher. Il regarda les juges qui se concertaient entre eux. Est-ce que les deux partis disaient la vérité ?

Puis, d'un seul coup, un sanglot résonna dans l'assemblée. Les arbitres de ce jeu aux apparences de tribunal se tournèrent vers sa provenance pour voir Kyuna s'effondrer sur elle-même.

- Ma dame, que se passe-t'il ? Allons, reprenez-vous…

- Je… Je m'excuse messieurs, je… Je ne peux pas supporter que justice ne soit pas rendue à un tel homme. Quelles preuves possède-t'il pour dire que j'étais soi-disant consentante ? Vous avez vu les photos ! Je… Je veux juste que la justice fasse ses preuves et punisse ce vampire.

Elle tressauta alors qu'elle essayait de se reprendre. Les juges hochèrent leur tête alors que Masumi savait qu'ils avaient gagné ce procès, et à grande vitesse. La vérité était plus forte de ce côté-ci.

Le juge central frappa trois fois la table avec son marteau pour regagner le silence de la salle qu'il obtint rapidement. Le regard du démon était sans espoir.

- Il semblerait que la sentence soit tombée. Y-a-t'il une objection à condamner ce criminel ?

Cessez cette mascarade ! Aucune main ne se lèverait pour ce…

- Votre honneur, je souhaiterais offrir une dernière chance à ce jeune vampire.

Qui ose ?! La rouquine se retourna d'un bond, et son cœur rata un battement alors que tous retinrent une respiration. La voix était impérieuse et sans appels. Il ne l'avait proposé que pour la forme, mais le fait qu'il soit absolu lui accordait le droit de donner cette chance par le simple fait de la désirer.

Les juges se stoppèrent immédiatement dans leur démarche de condamnation. Le juge au centre fit un mouvement de la main pour l'inviter au milieu de la cour, et l'homme y entra comme si rien ne pouvait le gêner.

- Je souhaiterais garder ce jeune vampire à mes côtés, et qu'il me serve. Bien entendu, il sera puni dix ans pour sa conduite afin que ces jeunes femmes puissent s'en sentir mieux. Cela suffira-t'il pour rétablir votre honneur ?

Kyuna et les femmes derrière elles frissonnèrent alors que le nouveau venu, vampire aux yeux rouge sang si bien connu dans notre belle ville, s'adressait à elles. Comment oser dire non ? Elles hochèrent toutes la tête et les juges rendirent leur sentence, sans que l'accusé n'ait pu caser un mot. Pas comme s'il avait quoi que ce soit à dire de toute manière.

- Très bien, alors messieurs les juges, l'affaire me semble close. Si vous voulez bien m'excuser, je souhaiterais à présent partir avec mon dû.

- Je vous en prie votre excellence, faites !

Akashi Seijuro -le vampire gouverneur actuel de cette ville- fit un signe de tête au démon à l'apparence si charmante qui comprit qu'il devait le suivre immédiatement. Il partit rapidement sur ses pas, échappant à une sentence bien plus terrible.

Oh… Kise Ryouta. Petit diable dans le corps d'un vampire. Tu ne perds rien pour attendre !