Jane et Lisbon sortirent de la caserne et entrèrent dans la Citroën de location. Lisbon était en train de réfléchir à toutes les informations qu'ils avaient pu récolter et Jane regardait droit devant lui en soupirant.

- Tu as remarqué ? Commença Lisbon, c'est la seule personne qui va dans le sens du légiste. Elle a sous-entendu qu'Elia s'était bien suicidée.

- Elle avait l'air un peu paniquée quand on a évoqué que nous étions du FBI.

- On n'a pas vu le mystérieux pompier de l'Est, peut-être qu'il ne travaille pas dans cette caserne. Dit Teresa.

- Il y en a d'autre ?

- Oui, ici c'est un peu la centralisation des casernes de la région.

Le silence s'installa, nos deux agents prirent le temps de la réflexion, il faut dire que la matinée arrivait à son terme et qu'elle avait été riche en émotions.

- Pourquoi les chiens de Barry ? Pourquoi avoir posé cette question ?

- Je ne sais pas encore chérie, j'essaie plusieurs pistes. La question à se poser maintenant, c'est pourquoi mettre des roses blanches sur la tombe d'une collègue qui n'était pas une amie.

- Cela t'intrigue ces roses…

- Oui beaucoup. Dans cette histoire les roses blanches ne collent pas.

Teresa connaissait son mari mieux que personne, les chiens de Barry jouaient un rôle dans cette histoire et les roses feraient partie du dénouement mais, comme dans la plupart des cas, elle ne le saurait qu'à la fin de l'enquête quand Jane l'aura résolu. Elle changea de sujet.

- Il est midi passé, on déjeune ? demanda Lisbon.

- Je peux t'inviter à manger un morceau sur la plage. On va pouvoir réfléchir au grand air et recharger les batteries.

Soudain elle avait l'air enjouée et radieuse.

- C'est une super idée Jane, tu es incroyable.

- Je sais… dit-il avec une fausse modestie.

Il démarra le véhicule et prit le chemin de la plage. Jane prit de quoi grignoter au petit restaurant balnéaire puis rejoint sa femme assise sur le sable. Il lui tendit son plat et sortit une bissons de sa poche.

- C'est un sandwich composé de steak et des frites avec une tonne de ketchup, tout pour satisfaire une femme enceinte.

Lisbon lui sourit. Depuis que Jane savait qu'elle était enceinte il était très prévenant et ça lui plaisait.

- Tu vois Teresa, je pense sincèrement qu'on devrait faire 3 chambres dans notre maison.

- Trois ?

- Oui … tu ne crois pas ?

Elle le regarda en secouant la tête d'exaspération.

- Je ne veux pas me retrouver avec 3 enfants

- Pourquoi trois ? Ah ok, j'ai compris !

- Mais on pourrait avoir une chambre d'amis c'est plutôt une bonne idée. Proposa t-elle.

- Oui c'est juste que notre chambre sera un peu plus petite… Alors qu'une chambre d'enfant c'est un peu plus facile à caser…

Lisbon observa la mer en mangeant son déjeuner, un voilier blanc apparaissait au gré des vagues. Elle observa Patrick du coin de l'œil. Sa façon subtile de lui dire qu'il voulait une grande famille était touchante. Elle se dit en elle-même qu'elle devra faire des concessions dans leur mariage et faire passer sa famille avant son travail. Lorsqu'elle eut fini, elle se tourna vers son mari et dit en souriant :

- Tu sais Jane…

Il se tourna vers elle

- Comme tu veux absolument avoir un garçon je vais faire un deal avec toi. Lui proposa-t-elle

- Continue ça m'intéresse.

- Si c'est bel et bien un garçon, tu choisiras le prénom et je n'aurai pas de droit de véto.

Patrick, très étonné de ce marché, tendit sa main en guise d'accord. Elle poursuivit en le menaçant de son doigt :

- Mais attention, si c'est une fille, c'est moi qui choisirai et je choisirai aussi celui du deuxième. Tu joues gros Jane.

- Du deuxième ? Alors tu envisages quand même qu'on en ait plusieurs ?

- Jane, je ferai mon possible pour te rendre heureux.

- Je… Je n'ai pas de frère ou de sœur, ni vraiment de famille sauf mes amis forains, c'est toi ma famille maintenant.

- Moi j'en ai eu trois et … elle marqua un temps d'arrêt. Je suis très contente de les avoir.

- On devrait peut-être les voir plus souvent, tes frères. Je ne suis pas contre en tout cas.

- Je te remercie.

Jane sourit, il ne pensait pas un jour renouer avec le bonheur d'une famille et de projets avec une femme. La vie peut être généreuse quelque fois et donner une seconde chance.

Il serra la main de Teresa pour sceller leur accord et elle l'embrassa tendrement.

- Tu es de nouveau d'attaque ? demanda Jane

Elle fit un signe de tête lui signifiant que oui. Jane se leva et l'aida à se lever.

- J'ai bien envie d'un thé, pas toi !

- On va en ville ?

Il lui donna son bras en guide d'appui pour marcher dans le sable.

Une fois en centre-ville, Jane choisit un dinner qui servait thé, café et collations. Il entra et la porte fit un « ding » caractéristique, ils allèrent s'installer au bar et Jane commanda du thé. Lisbon, elle, prit un chocolat chaud.

- Pourquoi cet endroit Jane ?

- C'est un moyen comme un autre de savoir ce qui s'est passé dernièrement dans une ville, tu vas voir !

La serveuse leur apporta leurs boissons et Jane entama la conversation en faisant semblant de parler à Lisbon :

- Tu vois chérie, cette ville est tranquille je ne vois pas pourquoi tu t'inquiètes.

- Hum…

Teresa entra dans le jeu de son partenaire tant bien que mal car elle fut prise au dépourvu.

Ce n'est pas ce qu'on m'a dit, d'après mon père, il fait beaucoup d'intervention dans le secteur en tant que pompier.

- Madame pouvez-vous rassurer mon épouse s'il vous plait ? Je veux acheter une maison dans le quartier. Dit-il en s'adressant à la serveuse qui s'occupait d'eux.

- Oh oui, c'est un quartier calme, quelques délinquants de la route mais à part ça. Je peux vous le dire, mon père est policier, il n'y a pas eu de fait marquant ces derniers temps.

Jane vit un homme à côté d'eux sur le bar qui ne semblait pas d'accord, sa tête faisait du balancier de droite à gauche en signifiant que la serveuse ne disait pas la vérité. Patrick attendit qu'elle s'éloigne.

- Vous n'avez pas l'air d'accord monsieur.

L'homme d'une cinquantaine d'années, barbu et de forte corpulence ressemblait à un chauffeur livreur ou à un routier. Jane le regardait avec insistance afin qu'il réponde à sa question. Il dit en chuchotant.

- Un enfant est mort, il y a un bon mois. Les secours sont arrivés trop tard pour le sauver, il s'est étouffé.

- C'était dans le coin ? demanda Jane

- Pas loin, à 5 ou 6 kilomètres du centre. Mais ce n'est pas un crime, c'était un accident.

- Pourquoi les secours sont-ils arrivés trop tard ? demande Lisbon.

- Je ne sais pas, mais c'est en train de faire polémique et personne n'en parle en ville.

- Pourquoi nous en parler alors ? dit Patrick.

- Je ne l'aime pas. Il désigne la serveuse de la tête et poursuit. Elle dit que des conneries cette pétasse.

Les deux agents se regardèrent et décidèrent qu'ils avaient assez embêté cet homme.

- Jane, on va devoir regarder le planning de garde du jour de cet incident, mon instinct me dit que c'est lié. Dit-elle en chuchotant.

- Allez ! On s'en va.

Il se levèrent et sortirent du dinner. Ils rejoignirent leur véhicule et Lisbon s'installa au volant de la voiture sous l'œil médusé de son mari.

- Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-il.

- C'est moi qui conduis ; dit-elle sur un ton qui n'admettait pas de discussion.

- Et où va-t-on?

- Il nous faut un pompier pour savoir ce qu'il en est de cette histoire d'enfant mort et j'en connais un qui nous aidera.

- Un ami de ton père ?

- Oui, je t'emmène voir Danny.

Elle démarra le véhicule après avoir mis sa ceinture. Elle se dirigea vers l'Est et ouvrit les vitres pour avoir un peu d'air. La température était douce pour la saison et le vent dans ses cheveux lui faisait du bien, elle qui avait un peu la nausée après ce chocolat. Dieu qu'elle aurait tué pour un café.

Jane en profita pour jouer avec le vent en mettant son bras par la fenêtre. Il pouvait voir un peu les paysages et se dit que le coin était joli avec son bord de mer dans l'estuaire et le désert qui s'en suivait. On était loin d'Austin et du Texas.

- Tu as du sacrément t'amuser dans le coin pendant ton adolescence ? lui demanda Patrick.

- Oh oui, on en a fait des virées avec les copains. Tu ne me parles jamais de ton enfance Jane ; je me dis qu'on pourrait peut-être partager quelques souvenirs de temps en temps.

- Que veux-tu savoir ? dit Jane en se fermant un peu.

Teresa sentit qu'elle avait franchi une limite, mais tant pis, elle voulait en savoir plus sur son mari, c'était légitime.

- Je ne sais pas, je me dis que tu as dû avoir une adolescence aussi toi ? Tu as bien dû rentrer ivre chez tes parents ? Casser des choses, entrer par effraction dans des maisons hantées, des trucs d'ado…

Jane pris un air sérieux et répondit :

- Je n'étais pas quelqu'un de bien Teresa, je mentais pour de l'argent, je volais, je cambriolais, et pas pour voir des fantômes. J'ai trahi et roulé dans la farine tellement de gens que je me croyais au-dessus des lois. J'étais connu comme un petit escroc notoire et j'ai été tellement loin que j'ai provoqué un tueur en série et ai perdu…

- Ok, j'ai compris Jane, ça va. Dit-elle en faisant signe de la main. Tu peux arrêter, je n'aurais pas dû te poser cette question, pardonnes moi !

- Tu veux savoir, je te dis chérie, ne vient pas te plaindre si la réponse ne te convient pas.

- On arrête, d'accord, je n'aurais pas dû.

Après un court silence, Jane jeta un œil vers elle et poursuivit afin de s'expliquer sur son refus d'évoquer son passé :

- J'ai passé tellement de temps à essayer d'oublier mon passé pour arrêter de regretter que j'ai décidé que le Jane d'avant n'avait tout simplement pas existé ; considérant que ma vie n'a commencé que le jour où je me suis rendu compte de qui j'étais vraiment. Le jour où John le rouge a tué ma famille, je suis mort et tu m'as fait revivre bien des années plus tard. C'est toi ma vie maintenant, et notre enfant aussi.

Il marqua une pause et continua :

D'ailleurs, à ce propos j'aimerais que notre enfant ne sache rien de mon passé et de ma vie d'avant car pour moi, cet homme-là est mort et n'existe plus.

Elle se tourna vers lui quelques secondes pour ne pas quitter la route des yeux trop longtemps. Elle croisa son regard, elle ne l'avait pas vu depuis longtemps ce regard sincère et triste qu'il avait quand on parlait de sa famille, enfin de son ancienne famille. Teresa regrettait un peu cet échange, mais elle suivrait son choix de na pas divulguer cette partie de Jane qu'elle ne connaissait que trop bien. Elle acquiesça en silence. Patrick la regarda, il avait peut-être été un peu sec, il lui prit la main et la serra, elle répondit à ce geste. Le reste du voyage se fit dans le silence. Un moment de calme nécessaire pour reprendre une conversation saine plus tard.

Teresa tourna sur un chemin forestier qui conduisait à un chalet sur une colline. L'endroit était isolé et la maison, en bois, ressemblait un peu à la cabane de Jane, l'étang mis à part.

Un chien attaché à une chaine les accueillit, Lisbon s'arrêta devant la maison. Avant de sortir, Patrick posa un baiser sur la joue de sa femme et lui murmura un « je t'aime » comme pour clore le chapitre de cette conversation qui l'avait mise mal à l'aise. Il allait sortir mais elle le retint par le bras et l'attira à elle pour l'embrasser, elle fit passer dans ce baiser tout l'amour qu'elle pouvait. Puis, en se détachant de lui, elle murmura « je t'aime aussi » et descendit de la voiture.

Un homme sortit de la maison, il avait une cinquantaine d'années et portait une veste de bûcheron à carreaux rouges et noirs. Lisbon alla à sa rencontre et lui dit :

- Salut Danny.

Il la prit dans ses bras pour la saluer.

- Teresa, quel plaisir de te voir ! Tu n'as pas changé ma belle.

Elle se retourna et présenta Jane.

- Voici mon mari, Patrick.

Les deux hommes se serrèrent la main.

- Que me vaut cette visite les amis ?

- On vient te voir au sujet de cet enfant mort étouffé.

- Je ne comprends pas, dit l'homme un peu sur la défensive.

- Peut-être qu'on devrait vous expliquer devant une bonne tasse de thé. Proposa Jane.

- Ah, ça c'est une excellente idée. Entrez !

Les trois protagonistes entrèrent dans le chalet. Celui-ci ressemblait à une maison de vieux garçon. Une vraie maison de bûcheron canadien avec de vieilles scies en guise de décoration. C'était un bien atypique. Jane remarqua qu'aucune femme ne semblait vivre ici, il n'y a pas une seule touche féminine. La bouilloire siffla et Danny leur servit le thé, ils s'installèrent tous trois dans le salon.

- Vous vivez seul ? lui demanda-t-il.

- Oui je n'ai jamais été marié. Répondit Danny.

Qui voudrait vivre avec un homme des bois ? Dit-il en plaisantant.

- On était venu pour clarifier les circonstances du suicide d'Elia. On a entendu dire en ville qu'un jeune garçon était mort étouffé et que les secours n'étaient pas arrivés à temps alors qu'ils étaient tout près. Je sais que tu es toujours pompier et j'aimerais que tu nous dises qui était de garde le jour où cet enfant est mort s'il te plait. Demanda Lisbon.

- Qu'est-ce que la mort d'Elia a à voir avec l'accident de ce garçon ?

- Danny, je suis flic, je sens quand quelque chose est louche. Dans une si petite ville, deux décès sont fréquemment liés, surtout si ceux-ci incriminent les mêmes personnes. On apprend qu'un jeune garçon est mort avant que les secours n'arrivent et, un mois plus tard, la personne chargée des interventions se suicide. Il n'est nul besoin d'être fin limier pour sentir que ce n'est pas une coïncidence. Tu me suis ?

- Hum… ok, je vais vérifier le nom de la personne de garde dans le logiciel. Attends-moi deux minutes.

Il pianota sur son ordinateur portable et revint vers eux avec celui-ci dans les mains.

- C'était Costa ce soir-là.

- Le commandant Costa ? s'étonna Jane.

- Oui, lui-même.

- Ok, dit Lisbon.

- Vous le connaissez ?

- On l'a rencontré ce matin, dit Jane.

- C'est un homme bien ce commandant, il dirige bien ses hommes et est loyal envers eux.

- Je peux emprunter votre PC Danny ? demanda Jane.

Il y inséra la clé USB d'Elia et ouvrit le tableau des casernes dans son hypothétique version initiale.

- Danny, aidez-moi je souhaite savoir quelle caserne couvre le secteur où cet enfant est mort. Demanda Jane.

- Alors… commença Danny en regardant le document. C'était la caserne de San Rafael secteur 2, donc c'est la caserne de Dimitri, si je me souviens bien.

- Qui est Dimitri ? demanda Teresa

- Le Colonel Dimitri Antonov.

Patrick regarda sa femme en entendant le nom à consonance slave et tous deux se comprirent.

- Si je comprends bien, c'est la caserne d'Antonov qui a pris l'intervention d'après ce document, mais c'était Costa au central qui était de garde. Ce n'est pas possible que ce soir-là Costa ait été appelé pour cet accident. Expliqua Teresa à son mari.

- C'est peut-être une version ancienne du tableau que tu as sur cette clé ? Ce n'est pas à jour, la caserne pour ce secteur a peut-être été modifiée à la suite d'une demande de la hiérarchie. Dit Danny.

- Ou on a modifié le logiciel des gardes. Proposa Jane.

- Oui, en tous cas ce n'est pas cohérent, il y a un fichier qui est faux. Je crois que ton document n'est pas à jour Teresa.

Jane commença à comprendre et à remettre les morceaux du puzzle dans l'ordre.

- Tu crois qu'il pourrait mentir pour se couvrir d'une faute professionnelle ? Demanda la jeune femme.

- Qui ? Costa ? Non, lui il ne ment jamais ; c'est un mec bien.

- Et Antonov?

- Je ne le connais pas assez, désolé.

- Merci beaucoup Danny, tu nous as vraiment aidé. Dit Lisbon pour clôturer la conversation.

Jane et Lisbon finirent leur thé et se dirigèrent vers la sortie, Danny les accompagna jusqu'à la voiture. Il sentait que ces deux agents allaient mettre leurs nez là où il ne fallait pas.

- Soyez prudent les amoureux.

La voiture s'éloigna sur le chemin forestier.