Disclaimer : L'univers de Kuroko no Basket que vous reconnaitrez aisément appartient à Fujimaki Tadatoshi. L'auteur me le prête très aimablement pour que je m'amuse avec et je ne retire aucun profit de quelque nature que ce soit de son utilisation si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue.
Note de l'auteur : Je veux remercier du fond du cœur ma béta-lectrice, Futae qui s'est servie de son "Eagle Eye" (fallait que j'la case celle-là ! ^^) pour corriger cette histoire et me conseiller. C'est grâce à son enthousiasme, ses encouragements et son sens de l'analyse et de la critique sans détour, que cette histoire a pu voir le jour.
Note importante : j'avais décidé de retirer toutes mes histoires de ce site suite à ce que je pense être un piratage. Je me suis laissée convaincre de les remettre, mais malheureusement ce site fonctionne tellement mal que je n'ai pas pu toutes les récupérer. J'ai donc décidé de les reposter. Si vous les lisez et qu'elles vous plaisent, n'hésitez pas à le dire, ça me fera plaisir et ça me remontera le moral même si les commentaires ne seront pas les mêmes qu'à l'origine.
Le roman de notre histoire
Chapitre 12
Plus que quelques jours avant de changer d'année. Les fêtes étaient un moment particulier et chargé d'émotions. On se retrouvait en famille ou entre amis pour manger et boire, se rappeler les bons et moins bons moments des mois écoulés. C'était aussi l'occasion d'offrir et de recevoir des cadeaux. Leur valeur n'avait pas une réelle importance. Le geste comptait bien davantage. Himuro avait passé trois jours avec ses parents à Yokohama (1) et il venait de rentrer chez lui. Il rangea ses affaires et prit une douche. Rafraichi, il s'affala sur son canapé et envoya plusieurs SMS. Il se leva et s'étira comme un chat. Il alluma son ordinateur et consulta ses mails sur ses différentes adresses. Un message de Takao attira son attention. Il y avait juste écrit : "Je l'ai." Il attrapa son téléphone si vite qu'il faillit lui échapper des mains.
— Allo?
— T'es sérieux ?
— Hein?
— Tu l'as trouvé ?
— Mouais… J'ai utilisé tes programmes, celui qui te transforme en composante et celui pour traquer l'empreinte.
— Et il est où ? demanda-t-il, le cœur battant.
Ils avaient eu tellement de mal à resserrer la zone de recherche que là, savoir qu'enfin ils allaient voir leur acharnement récompensé, c'était jouissif à souhait. Ils ne l'avaient pas fait pour les mêmes raisons, mais la satisfaction était identique.
— Sur l'ile de Shikoku à Matsuyama. L'hôtel Dogo Onsen Funaya. Si t'as le temps, viens chez moi et tu pourras assister à son arrestation en direct dans un peu moins d'une heure, déclara Takao avec un accent de fierté dans la voix.
— Pour de bon ? J'arrive !
Himuro sauta dans ses fringues, mit son ordinateur dans son sac ainsi qu'une petite boite emballée dans un joli papier cadeau et sortit en claquant brutalement la porte. Les transports en commun l'amenèrent chez son ami en une trentaine de minutes, mais il était si excité que le bus semblait rouler au ralenti. Et il était impatient de revoir Takao.
Ils travaillaient ensemble depuis plusieurs semaines. Ils étaient devenus proches et s'entendaient très bien. Himuro avait commencé à ressentir une attirance pour lui. Quelque chose de vague, de flou qui s'est précisé au fil des jours. Ce n'était pas tant son physique qu'il appréciait que son esprit. Takao était vif, il comprenait vite et réagissait encore plus vite à n'importe quelle situation. Il cernait un problème sous tous les angles à fois et pouvait l'observer de plusieurs points de vue. Il avait un code d'honneur, le même que le sien : fouiller, chercher, découvrir, mais ne pas nuire. Après, il y avait les trafiquants en tout genre qui ne s'occupaient que de leurs affaires et pour finir, les cyberterroristes qui gagnaient leur vie en monnayant leurs compétences en informatique au plus offrant et peu importaient les conséquences. Comme Itsmine.
Takao n'avait rien fait de mal si ce n'est d'être un hacker puisque, théoriquement, c'est une infraction. La loi ne le tolère pas. Itsmine avait réussi à copier sa façon de faire et à se l'approprier. Lorsque certaines banques furent piratées, les autorités prévenues de manière anonyme, bien évidemment, ne purent que conclurent à la culpabilité du hacker HawkEye. Il fut condamné aux deux ans de prison ferme prévus par la législation et à une amende de quatre millions de yens. Elle était prise directement sur son salaire, car le juge, dans un moment de clairvoyance, lui avait offert le choix de travailler pour la police afin d'éviter l'incarcération et éventuellement de poursuivre avec elle après sa mise à l'épreuve terminée s'il était tenté. De plus, il avait réduit la pénalité de moitié. Encore quatre mois et douze jours, avant de redevenir un honorable citoyen. Avec un casier judiciaire, certes, mais en ayant payé sa dette envers la société.
Himuro entra chez son complice et le rejoignit dans le salon. Il le trouva assis devant son ordinateur en train de pianoter à une vitesse folle.
— Viens ! l'invita-t-il sans le regarder.
— C'est quoi ? s'enquit Himuro en s'approchant de la table.
— J'suis branché sur la caméra individuelle d'un flic. Ils ont investi l'hôtel et j'ai désactivé la vidéosurveillance…
— … et comme ça, il ne verra rien s'il est connecté. T'es un chef !
— Hé hé…
— T'as trouvé son identité ?
— Ouais… Haizaki Shogo est Itsmine.
— Comment t'as fait ?
— J'ai passé des nuits blanches à le traquer. Je l'ai repéré quand il était à Fukuoka et j'avais mis des alertes sur les systèmes de vidéosurveillance. Si y en avait un qui était désactivé, ça m'envoyait un signal.
— Y devait y en avoir des tas, non ? fit Himuro, pour le coup admiratif.
— T'as pas idée du nombre de gens qui essaient de couper des caméras de surveillance, fit Kazunari avec un petit rire. C'est sa signature qui l'a perdu.
— Et tu l'as retrouvé à Matsuyama.
— Sauf que j'avais fait des enregistrements des hôtels avant qu'il coupe tout. À Fukuoka il a réussi à effacer les vidéos où il apparaissait, mais là, il n'a pas eu le temps. Et j'ai eu… son visage !
— T'as tout enregistré ? Mais ça doit être colossal comme volume de données !
— Dix-neuf serveurs que j'ai réquisitionnés au nom de la police de Tokyo. Ensuite, j'ai écrit un algorithme pour chercher certaines infos. J'ai cru devenir fou… J'ai connecté tout mon service pour que les gars puissent tout voir en direct.
— Tu m'impressionnes… Si j'étais resté, t'aurais peut-être pu le coincer plus vite, s'excusa presque Himuro.
— Dis pas d'bêtises. Fallait bien que t'ailles voir tes parents, non ?
— Au fait…, fit l'informaticien en sortant de son sac la petite boite qu'il avait emportée.
— Regarde ! Ils vont entrer…, fit Takao un sourire euphorique sur le visage en s'avançant vers l'écran surdimensionné comme s'il allait mieux voir l'arrestation.
Épaule contre épaule, les yeux rivés sur l'immense moniteur de Kazunari, ils virent la brigade d'intervention défoncer la porte avec un bélier. Ils pénétrèrent dans la chambre, arme au poing en visant un homme qui avait bondi sur ses pieds et avait levé les mains.
— Éloignez-vous de l'ordinateur ! À genoux ! Mains sur la tête !
— Mais... que se passe-t-il? demanda Haizaki, dans l'espoir illusoire de calmer les policiers et d'obtenir une réponse.
— Haizaki Shogo, vous êtes en état d'arrestation pour piratage informatique et cyberterrorisme, l'informa le policier en lui passant les menottes.
Le cri de victoire que poussa Takao fit trembler tout l'immeuble. Il se leva, sauta en l'air, piétina le sol, sauta encore sous le rire d'Himuro qui applaudissait quand brusquement, il planta ses yeux dans ceux de son comparse. Un regard brillant d'excitation pour l'un comme pour l'autre, mais plein d'incrédulité également. Avaient-ils bien vu ? Avaient-ils bien entendu ? Venaient-ils d'être les témoins du résultat de leur collaboration ? De leur complicité ? Leur respiration était hachée, comme après un sprint. Soudain HawkEye prit le visage de Tatsuya et l'embrassa. Il s'écarta et le regarda.
— Dis-moi que t'es pas un mirage, malgré ton pseudo, murmura Kazunari sans trop savoir comment réagir maintenant qu'il s'était jeté à l'eau.
— Non je… j'suis pas un mirage…, j'suis pas un mirage…, souffla Tatsuya en secouant la tête et parcourut d'un tremblement de la tête aux pieds.
Ils échangèrent des baisers voraces comme s'ils s'autorisaient à libérer enfin un désir trop longtemps contenu. Cette pause dans leur collaboration avait mis en évidence des sentiments forts qu'ils ne pensaient pas être partagés par l'autre.
— On a réussi… on a réussi, martelait Takao, le visage crispé, humide de larmes essuyées d'un revers de main brusque et le front collé à celui d'Himuro.
— Oui, on a réussi…, confirma ce dernier, le cœur battant.
— C'est quoi cette boite ? finit par demander Kazunari afin de reprendre un peu ses esprits, toujours frissonnant d'excitation.
— Ouvre. Petit cadeau de fin d'année.
— Fallait pas… J'ai rien pour toi, et tu mérites largement un beau présent, s'excusa-t-il en dépiautant l'emballage sans aucune délicatesse.
— Doucement, t'arraches tout ! rit Tatsuya. Mais non, j'ai besoin de rien, tempéra le hacker.
Du carton déchiqueté, il sortit un mug noir avec le code de la Matrice en vert imprimé dessus. Il rit de bon cœur et remercia son complice en l'embrassant à nouveau. Puis brusquement, comme un barrage qui cède sous la pression d'une énorme masse d'eau trop longtemps retenue, il se mit à pleurer. Ces épaules étaient secouées de sanglots à vous arracher le cœur. Himuro le serra dans ses bras et attendit qu'il se calme.
La tension induite par cette traque depuis plusieurs semaines venait de retomber de façon brutale. La haine nourrie à l'égard d'Haizaki durant toutes ces années avait enfin une bonne raison de s'envoler. Il ne lui pardonnerait jamais, c'était un fait, mais désormais il allait pouvoir se remettre à faire des projets. Il ne ployait plus sous le poids de la sanction judiciaire qu'il portait depuis presque deux ans. Certes, il n'était pas innocent, mais il n'était pas un criminel comme Haizaki ou ce Seto Kentaro qu'il avait réussi à faire arrêter quelques mois plus tôt. Il se sentait enfin libre, apaisé et également fier de lui, de son travail et de sa persévérance. Et ce sont ces mots qu'Himuro était en train de lui murmurer pour atténuer toutes ces émotions. Sans parler de l'adrénaline qui s'était déversée dans leurs veines en regardant cette arrestation.
Pour les deux hommes, c'était l'aboutissement d'un long travail de fourmi, une activité menée de concert et pour laquelle il n'y aura pas de félicitations pour Tatsuya, mais nul doute que Takao saura faire ce qu'il faut pour le remercier. Et il en tirera la joie d'avoir pu aider Kagami. Il faudra aussi qu'il dise à son ami qu'il avait probablement trouvé quelqu'un avec qui il comptait faire un bout de chemin. La vibration du téléphone de Takao mit un terme aux baisers qu'ils échangeaient depuis plusieurs minutes.
— Oui, patron ? dit-il en prenant l'appel.
— Tu peux venir au bureau?
— Tout d'suite ?
— Tu ne pas veux pas être félicité?
— Si, mais…
— Rapplique en vitesse, j'ai une surprise pour toi.
— Très bien, j'arrive.
— Dépêche-toi, lui sourit Tatsuya qui avait entendu la conversation. Ils vont peut-être te remettre une médaille.
— J'en sais foutre rien. Tu m'attends ici ? J'reviens aussi vite que possible.
— Je reste là.
Takao disparut derrière la porte de son appartement après un dernier baiser. Himuro en profita pour appeler Kagami. Il devait tout lui raconter. Ils étaient peut-être parfois amants, mais ils étaient avant tout amis. Des vrais. Toujours là, l'un pour l'autre ce qui ne les empêchait pas de se faire du bien. Et cette amitié, le hacker y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Mais Takao avait su véritablement gagner son cœur, ce que le romancier n'avait jamais réussi à faire, ou peut-être ne lui avait-il pas laissé une chance de le conquérir. Et tout était très bien ainsi.
— Salut, Tatsuya!
— Tu vas bien ?
— Ça va, et toi?
— Merveilleusement bien.
— On dirait, ma foi. T'as besoin de quelque chose?
— Taiga… On l'a eu… Il vient d'être arrêté, y a vingt minutes…
Il y eut un silence de plusieurs secondes à tel point qu'Himuro crut qu'ils avaient été coupés. En fait Kagami était juste en train d'assimiler la nouvelle.
— C'est vrai? C'est pas une blague?
— Tu crois que j'plaisanterais avec ça ?
— Non, excuse-moi. C'est… Wouaw! Je sais pas quoi dire! Faut qu'tu passes à la maison. J'invit'rai Furihata également, on fêt'ra ça! s'emballa l'écrivain dont la joie perçait dans la voix.
— Ce serait génial… Ça te dérange si… si je viens avec quelqu'un ? tenta Himuro, un peu hésitant.
— Quelqu'un au courant de cette histoire? s'enquit malicieusement Kagami certain de savoir de qui il s'agissait.
— Oui, t'inquiète pas…
— Ce s'rait pas un dénommé HawkEye par hasard?
— C'est lui… Taiga… Je crois que… enfin on s'est embrassé et j'en avais envie depuis longtemps. C'est un gars génial, il est adorable. Je suis sûr que tu l'aimeras.
— J'demande pas mieux. T'as l'air bien dans ta peau et j'l'entends dans ta voix.
— Ça me fait plaisir que tu dises ça… Je savais pas trop comment tu le prendrais…
— Quoi? T'as cru qu'j'allais t'faire une scène de jalousie? Jamais de la vie! Eh, tu veux que j'te confie un truc?
— Bien sûr…
— Tu connais pas mon correcteur, mais… Y m'fait craquer… Quand j'écris, c'est lui qu'je vois. Mon personnage principal lui ressemble de plus en plus…
— Wow ! À ce point ? T'es mordu, on dirait…
— J'sais pas trop encore…, Ouais on dirait bien…, j'peux pas m'empêcher de penser à lui… C'est plus fort que moi… Y m'plait ça c'est sûr… Bref… Dis-moi quand vous êtes dispo tous les deux et on s'fait un truc à la maison.
— Faut d'abord que j'lui d'mande, mais j'te tiens au courant. Appelle Furihata pour lui annoncer la bonne nouvelle.
— Son agresseur court toujours, mais ça lui fera du bien. Merci Tatsuya. Du fond du cœur, merci à vous deux.
— Je t'ai déjà dit qu'les amis, ça sert à ça. On s'rappelle ?
— OK. Salut.
Allongé sur le canapé, Himuro posa son smartphone sur sa poitrine. Il souriait, heureux, léger comme une plume, prêt à conquérir le monde. Le monde du cyberespace. Les nouvelles technologies — qui portaient ce nom depuis tellement longtemps qu'elles devraient plutôt s'appeler vieilles technologies — avaient ça de fascinant qu'elles se renouvelaient sans cesse. Du coup, vieilles ou nouvelles, ça n'avait plus vraiment d'importance sinon qu'on savait de suite qu'il s'agissait de techniques liées au numérique, aux ordinateurs, à Internet, à la téléphonie mobile et ses applications et tout ce qui regroupait le cyberespace dans son ensemble. Et Himuro avait ce monde à portée de main. Pas que lui, mais il savait depuis longtemps que la part grappillée depuis de nombreuses années par l'imagination et le génie des informaticiens et de tous les métiers qui se raccrochaient à cette activité devenait de plus en plus prépondérante dans la vie de tout un chacun. Et celui qui parviendrait à se faire une place dans cet univers assurerait son avenir.
Takao grimpa directement dans le bureau du commissaire Matsumoto (2). Il frappa à la porte et entendit plusieurs voix à l'intérieur.
— Entrez ! Ah Takao !
— Bonjour monsieur. Y a un problème ?
— Pas du tout. Félicitations pour l'avoir enfin mis hors d'état de nuire et pour nous avoir permis d'être aux premières loges.
— Merci. Je n'ai fait que mon travail.
— Assieds-toi. Je te présente les lieutenants Fukui et Murasakibara (3). Ils viennent d'être transférés de Fukuoka là où a séjourné Itsmine.
— Nous avons eu accès à un des serveurs qu'utilisait Haizaki, expliqua Fukui en repoussant une mèche de cheveux châtains derrière son oreille. Malheureusement, tout est codé.
— Nous avons besoin de vos compétences pour craquer le cryptage, poursuivit Murasakibara d'une voix trainante et particulièrement agaçante, tout en piochant dans son sachet de chips.
— Euh… d'accord, mais le cryptage n'est vraiment mon domaine de prédilection. Ça risque de me prendre du temps, opposa Takao, impressionné par taille du tueur de chips qui en était à son troisième paquet en moins de dix minutes et qui semblait avoir une jolie réserve dans son sac.
— Vous ne connaitriez pas quelqu'un qui saurait, par hasard ? demanda le lieutenant dont la taille devait atteindre et même dépasser les deux mètres.
Takao les regarda à tour de rôle. Que devait-il répondre ? Qu'il avait été aidé de manière parfaitement illégale par un autre hacker ? Et que sans ça, peut-être serait-il encore en train de courir après Haizaki ?
— Si c'était le cas, il faudrait que cette personne soit accréditée comme moi, non ? Puisqu'il s'agit de données piratées…
— Effectivement, mais si je l'explique au juge, je ne pense pas qu'il refuse, affirma Matsumoto en se renfonçant dans son fauteuil
— Vous permettez que je lui demande si elle est disposée à nous aider ?
— Bien sûr, mais il ne faut pas trainer, dit le géant en ouvrant un paquet de bonbons.
— Nous sommes bien d'accord pour l'accréditation, insista Takao qui ne voulait surtout pas mettre Himuro en danger.
— Absolument, je te donne ma parole.
— Bien. Je lui envoie un SMS.
Himuro ne s'attendait pas à recevoir un tel message. Craquer le cryptage d'un serveur de façon parfaitement officielle avec accréditation et tout ? Et comment qu'il allait accepter ! Il ne lui fallut pas longtemps pour peser le pour et le contre.
— Il est d'accord, mais n'oubliez pas que c'est quelqu'un qui a un emploi. Sa disponibilité sera dépendante de ses horaires de travail.
— Je m'occupe du juge, confirma Matsumoto.
— S'il est accrédité, nous pouvons le réquisitionner. Son employeur ne s'y opposera pas (4), fit l'inspecteur en prenant un bonbon dans le paquet que tenait son coéquipier, comportement qui lui attira un regard meurtrier de la part de ce dernier.
— Alors c'est d'accord, accepta Takao.
— Je vous envoie les accès du serveur sur votre téléphone, reprit Fukui en tapotant sur le sien, vous les lui donnerez.
— Très bien. Je vais lui transmettre tout ça.
— Takao, j'ai encore une petite chose à te dire.
— Oui, monsieur ?
— Quand tu as commencé à travailler sur cette affaire, j'ai demandé au juge un geste bienveillant si tu parvenais à coincer ce Haizaki. Il a accepté d'arrêter ta mise à l'épreuve.
— Quoi ? sursauta l'informaticien. Mais… il ne restait que quelques semaines…
— Justement. Tu t'es conformé strictement à ce qui t'a été imposé sans jamais dévier. C'est une récompense tout à fait méritée. Si tu n'avais pas réussi, eh bien tu aurais attendu jusqu'à la fin. Tu es libre, Takao.
Sans dévier, hein ? Si seulement le commissaire savait… Mais il fallait prendre les cadeaux de la vie sans hésiter. Elle n'en faisait pas souvent et pas d'aussi beau. Les larmes aux yeux, il remercia chaleureusement son patron. Un bonheur n'arrive jamais seul, dit le proverbe. Il repensa à son mug Matrix et sourit…
De retour chez lui, Takao expliqua la situation à son compagnon puisque c'est ce qu'était désormais Tatsuya. Himuro avait commandé des pizzas et le livreur arriva à point nommé. Ils avaient vraiment de quoi se réjouir. Takao était enfin libre, Himuro allait être accrédité par la police pour travailler sur ce serveur et le plus important, depuis quelques heures, ils formaient un couple. Ils mangèrent tranquillement en se donnant parfois la béquée en riant et savourant ces premiers moments ensemble. Takao but sa bière dans son nouveau mug et ils discutèrent de tout, mais pas de rien. La conversation tourna surtout autour de l'agrément de Tatsuya par les autorités et du serveur d'Haizaki. Kazunari fut soulagé d'apprendre que son compagnon se sentait à la hauteur de la tâche même si celle-ci allait prendre un certain temps. Pour ce qu'il en avait appris avant de quitter le poste de police, l'interrogatoire d'Itsmine n'avait rien donné. Il continuait à dire qu'il ne savait rien et qu'il ignorait de quel code il s'agissait. Mais les preuves à charges étaient assez accablantes pour le condamner sans aucun problème même sans les informations du serveur. Il ne faisait que reculer l'inévitable. Himuro lui parla de l'invitation de Kagami que Kazunari accepta avec plaisir. Il était curieux de rencontrer le meilleur ami de son petit ami. Et une chose en entrainant une autre, ils finirent par se retrouver dans la chambre, à se déshabiller mutuellement pour enfin assouvir le désir qui les taraudait impitoyablement depuis leur premier baiser. La nuit fut belle, torride et passionnée...
Aomine avait été voir ses parents pour les fêtes. Ils avaient passé quelques jours ensemble et leur fils les avait accompagnés au temple pour leurs vœux. Il leur rendait visite aussi souvent que possible. Tous les deux étaient cadres supérieurs, sa mère dans une banque et son père dans le service des ressources humaines d'une entreprise d'import-export de machines-outils, et ils avaient repris le travail au lendemain du Premier de l'an. Comme d'habitude à chacune de leurs retrouvailles, sa mère se plaignait gentiment de ne pas être encore grand-mère. Connaissant l'orientation de son fils, elle savait que c'était possible à condition de rencontrer la bonne personne et ne pas être trop pressé pour une adoption. Son père ne disait rien, mais il n'en pensait pas moins. Les choses évoluant dans le bon sens pour les couples de même sexe, ils gardaient l'espoir que leur fils leur fasse un jour cette joie. Ça n'avait pas été facile de l'accepter lorsqu'il leur en avait parlé. C'est toujours surprenant et inattendu pour des parents de découvrir qu'il n'aurait pas de belle-fille mais plutôt un beau-fils. Puis, ils avaient fait la connaissance d'Haruka. Mais par-dessus tout, ils avaient vu et ressenti le chagrin et la douleur de leur rejeton après le décès de son compagnon et l'acharnement avec lequel il avait suivi sa rééducation pour penser à autre chose qu'à son chagrin. Mais plus que tout, ils étaient reconnaissants d'avoir encore leur enfant. Ils n'oublieraient jamais la peur qui leur avait broyé le ventre en recevant l'appel qui les avait avertis de l'accident.
Ils avaient compris que, quelle que soit la personne qui partage votre vie, l'amour reste l'amour. Inutile de lutter. Aomine avait lentement refait surface, pourtant aujourd'hui encore, il ressentait profondément cette perte. Mais peut-être avait-il trouvé quelqu'un qui pourrait non pas la lui faire oublier, mais en faire un souvenir moins triste ou moins douloureux. Rien n'était sûr, mais il y avait de la lumière au bout du tunnel.
Au volant de sa Toyota C-HR rouge foncé (5), il regagnait son appartement. Il avait laissé Corail aux bons soins d'un cat-sitter, et le chat facile à vivre, préférait certainement son humain à un étranger, aussi gentil fût-il. À mesure qu'il approchait de chez lui, ses pensées déviaient souvent vers Kagami. Ils ne s'étaient pas vus depuis plusieurs jours ni même parlé en visio et ça lui manquait. Cette distance avait mis en évidence l'importance de la place que le romancier avait prise dans sa vie. Pas uniquement à cause de son livre qui n'avançait pas aussi vite que tous les deux l'auraient voulu, mais tout simplement parce qu'il était de plus en plus attiré par cet homme bouillonnant et créatif à titre privé et non plus seulement professionnel. Soudain une publicité retint son attention. Il s'arrêta sur un parking et fit une recherche Internet sur son téléphone. Un sourire éclaira son visage et il se remit en route.
Corail se frotta à ses jambes lorsqu'il pénétra dans son appartement. Tout était impeccablement rangé et le cat sitter avait fait correctement ce pour quoi il avait été payé. Le chat se portait bien. Il le prit dans ses bras et le câlina longuement, ce que l'animal apprécia en ronronnant comme un diésel. Il défit son sac de voyage et regarda celui qu'il avait posé sur le canapé. Il sourit, certain que ça lui ferait plaisir, pourtant, il se demandait encore s'il avait bien fait. Étaient-ils assez proches l'un de l'autre pour qu'il se permette un tel geste ? Comment allait-il le prendre ? S'offrir un petit cadeau entre collègues de travail qui s'apprécient, ce n'est pas rare après tout. Mais qu'étaient-ils ? Des collègues ? Un patron et son employé ? Des collaborateurs ? Oui, ce dernier terme lui convenait. Ils collaboraient à l'écriture d'un roman, même si lui se contentait de donner des conseils, des idées, des interprétations possibles. Il n'était pas celui qui avait eu l'idée et encore moins celui qui écrivait. Tant pis. C'était fait.
Après une douche rapide, il vérifia ses mails. Un message de Kagami retint évidemment son attention. Il lui parlait de l'arrestation du cybercriminel lié à l'affaire Rakuzan et de la petite soirée qu'il avait l'intention d'organiser pour fêter ça. Il comptait sur sa présence et lui donnera la date exacte quand elle sera définie. Honnêtement, il ne comprenait pas pourquoi il était invité. Après tout, il n'avait fait que retirer un bénéfice énorme de cette histoire pour Touou : Kagami et son roman. Néanmoins, il ne s'en plaindrait pas, ça lui faisait plaisir que l'auteur ait pensé à lui. Vraiment très plaisir. La journée tirait à sa fin et demain il retournait au bureau pour poursuivre ses corrections. Il avait hâte de le voir à nouveau même si c'était par écrans interposés. Ce roman, il en rêvait…
Le père de Kagami s'était libéré pour passer trois jours avec son fils dans sa nouvelle maison qu'il n'avait pas encore vue. Contrairement à la croyance populaire, diriger le service financier d'une entreprise n'était pas de tout repos, en particulier quand on est en sous-effectif suite à une restructuration. Il n'avait pas tari d'éloges sur la décoration d'époque, en féru d'histoire qu'il était. Il était fier de son gamin et il lui disait souvent que sa mère l'était également, où qu'elle soit. Le romancier lui avait fait lire quelques passages de son nouveau livre avec une certaine appréhension et contre toute attente, il avait apprécié. Lui, le fou d'histoire du Japon, aimait cette idée de Science-Fiction basée sur l'histoire de la Rome Antique transposée au XXVIe siècle, à des années-lumière de sa passion pour l'histoire nippone. Et il avait bien compris quel rôle important avait joué et jouait encore le correcteur. De toute évidence, ils formaient une bonne équipe. Et peut-être même un peu plus, mais cette réflexion, il la garda pour lui. Taiga lui en parlerait si ça s'imposait. Ça ne le gênait pas que son fils aimât autant les hommes que les femmes. Il fallait chercher pour trouver chaussure à son pied, non ? Après tout, sa supérieure était mariée à une femme et elles avaient eu deux enfants par insémination artificielle. Et elle dirigeait le service de main de maitre menant sa vie professionnelle et sa vie de famille de front sans négliger ni l'une ni l'autre. Ou sans privilégier l'une par rapport à l'autre, au choix. Elle avait trouvé le bon équilibre parce qu'elle avait trouvé la bonne personne.
Ils en avaient profité pour aller dans un restaurant français en souvenir de ce voyage qu'ils avaient fait des années plus tôt. Père et fils s'étaient ensuite rendu dans un grand centre commercial et avaient fait du shopping comme deux copines qui se retrouvent et qui viennent de toucher leur paye. Ils s'entendaient bien et ils profitaient l'un de l'autre à chaque fois que leurs emplois du temps le leur permettaient. Mais toutes les bonnes choses ayant une fin, ils durent se séparer sans avoir eu le temps de rendre au temple pour formuler leurs vœux. Kagami promit à son père d'y aller dès que possible s'il faisait la même chose de son côté.
Le temple Gotoku-Ji, situé dans l'arrondissement de Setagaya au sud-ouest de Tokyo, était, comme tous les temples à cette époque de l'année, très fréquenté. Les gens y venaient seuls, en famille ou avec des amis pour déposer leurs vœux, rituel incontournable de la nouvelle année. Son principal intérêt était le petit pavillon de prières rempli de millier de statuettes du Maneki-Neko, qui avaient même débordé sur l'extérieur, ce chat qui salue en levant la patte. Il fallait en acheter un auquel on associait un vœu et si celui-ci se réalisait, on ramenait la statuette au temple en témoignage de gratitude et de remerciement. Et tous ces chats auraient donc exaucé un souhait ? Ça faisait rêver…
Il était donc établi que ce temple était dédié aux petits félins ou du moins à ce chat qui salue. La légende dit qu'un jour d'orage, un groupe d'hommes — étaient-ils de simples voyageurs, nobles ou samouraïs ? — passa près du temple et qu'ils furent intrigués par un chat qui levait la patte comme pour leur dire d'approcher. Ils avancèrent et la foudre s'abattit à l'endroit même où ils se trouvaient l'instant précédent. Ils furent reconnaissants à l'animal qui leur avait sauvé la vie, volontairement ou pas, en faisant de nombreux dons au temple qui devint l'un des plus prospères de la ville. (6)
En bon historien, Kagami connaissait la légende et comme il adorait les chats, il était donc tout naturel pour lui de venir dans celui-ci pour faire un vœu ou plusieurs. Pour ça, il acheta trois "ema" de petites plaques en bois, dont l'un des côtés était décoré à l'image du dieu du temple, le chat en l'occurrence, et l'autre côté était vierge pour écrire le vœu. Sur la première, il demanda la santé pour son père, ses proches, lui-même et son chat. La seconde concernait sa réussite professionnelle, et la troisième, il fit le souhait de trouver la personne qui partagera sa vie jusqu'au bout. Il accrocha ses trois tablettes sur l'un des panneaux votifs et flâna dans le sanctuaire. Il faisait gris, mais il ne pleuvait pas. Il y avait du monde, sans être la grosse affluence des premiers jours de janvier. L'endroit était paisible, il se sentait bien et respirait à pleins poumons cet air qui semblait différent de celui à l'extérieur. Un peu comme si en entrant, le visiteur était passé dans une autre dimension faite de tranquillité et de sérénité. Un lieu qui invitait à la méditation. Et pourquoi pas ?
Il s'assit en tailleur sur un banc et ferma les yeux. Personne ne viendrait le déranger. Il était normal de s'adonner à ce genre d'exercice dans un temple. Ça n'avait rien de ridicule, bien au contraire. Les gens qui le voyaient, comprenaient qu'il profitait du calme de l'endroit pour se recentrer sur lui-même, se purger des mauvaises influences, faire le point sur l'année écoulée, tenter de visualiser celle qui commençait et pour tout un tas d'autres motifs qui ne regardent que lui-même.
Le premier qui lui vint à l'esprit fut son roman. Il visualisa l'histoire, sa trame, les personnages, le contexte historique, politique et économique. Il revint sur les raisons d'une telle transformation de la civilisation humaine, les conséquences de décisions nécessaires, mais dont les tenants et les aboutissants avaient eu de graves répercussions. Il songea à ses personnages, il les voyait défiler dans son esprit, ils écrivaient cette histoire avec lui, il la vivait avec eux. Il termina en se concentrant sur le personnage principal, Spartus, dont on disait qu'il était le descendant d'un gladiateur célèbre dont l'industrie cinématographique avait fait un très beau film avec l'acteur Kirk Douglas, "Spartacus". Il se révolta contre l'ordre établi des prisonniers et des esclaves qui combattaient dans les arènes pour divertir la noblesse. Il leva une armée d'environ quarante mille hommes et marcha vers le nord de l'Italie où il savait qu'ils pourraient vivre libres. Mais il inquiéta bien trop Rome et il fallut la puissance des légions de Crassus et Pompée pour stopper Spartacus et ces hommes. Dans un véritable bain de sang, ce qui n'était pas un pléonasme lorsque l'on connaissait la violence et la rudesse de la vie à cette époque.
Et là, au XXVIe siècle, la Rome Antique renaissait de ses cendres sous la plume d'un écrivain à l'imagination plus que fertile. Sauf que le romancier ne s'attendait pas à être inspiré par son correcteur lui-même et encore moins à ce que son personnage lui ressemble de plus en plus. Il devait faire face à la réalité. Il voyait Aomine en Spartus. Avec un physique un plus massif peut-être, mais c'était lui. Un homme avec un code d'honneur, un homme qui se battait pour ses idées. Un guerrier farouche et puissant qui ne baissait jamais les bras. Aomine n'abandonnerait jamais ce roman ni son auteur. Il en était intimement convaincu.
Il avait involontairement intégré des changements dans son caractère pour le rapprocher du correcteur. Modifications heureusement progressives, mais totalement inconscientes. Il ouvrit soudainement les yeux dans un sursaut de panique. Et si Aomine s'en était aperçu ? Comme un fait exprès, au même instant, il croisa un regard bleu cobalt qui le dévisageait. Il eut l'étrange sensation qu'il avait lu dans ses pensées.
— Je suis désolé, je n'voulais pas vous déranger, s'excusa le correcteur avec un sourire timide et dont le cœur battait à tout rompre.
Assis là, à méditer, il l'avait trouvé fascinant. Surtout qu'il ne s'y attendait pas du tout. En arrivant au bout de l'allée, il crut qu'il se trompait, que c'était un homme qui lui ressemblait. À mesure qu'il avançait, son cœur se mit à battre d'excitation et de joie. Il était irrésistiblement attiré comme le papillon par la flamme. L'image d'Haruka se délitait dans son esprit, lentement remplacée par celle de Kagami. Jamais il n'oubliera son premier amour, mais il avait compris que, désormais, le moment de le laisser partir et de continuer son chemin était arrivé. Il venait de l'admettre à l'instant. L'évidence s'imposa à lui comme le soleil qui revient toujours après la pluie. Il chérira éternellement son souvenir, mais il devait suivre sa route. Et si c'était Haruka qui le lui avait envoyé pour qu'il vive enfin en regardant devant lui et non plus derrière ? Ce serait bien son genre de faire un truc pareil. Est-ce que cet écrivain était son avenir ? Et lui, était-il le sien ?
— Vous n'me dérangez pas, sourit le romancier en se levant. Vous êtes venu pour déposer vos vœux ?
— Comme tout le monde. C'est un rite que j'aime respecter. Si ça ne fait pas de bien…
— … ça ne peut pas faire de mal, sourit Kagami en terminant la phrase. C'est aussi pour ça que je suis là.
— On y croit sans y croire. Et puis… c'est un chat.
— Exact, c'est un chat, opina l'auteur, confirmant par là qu'ils étaient bien d'accord sur l'animal qu'ils aimaient tous les deux.
Ils échangèrent un sourire entendu et se mirent à marcher tranquillement, en silence, côte à côte.
— Il semble y avoir un peu moins de monde, je vais y aller, déclara Aomine sans grande conviction.
Il ne voulait pas s'éloigner de Kagami. Son cœur battait vite et sa présence provoquait une sorte de bien-être doux et apaisant qui le faisait agréablement frissonner. Il devait continuer à lui parler, lui sourire, le regarder. Pourtant, il allait bien falloir qu'il achète ses "ema". Et il n'avait toujours pas décidé quels seraient ces vœux.
— J'peux vous accompagner ? Je vous attendrai à l'entrée du pavillon.
— Euh… oui… Bien sûr… Pourquoi pas ? hésita le correcteur qui resta interdit face à cette proposition.
Les deux hommes se dirigèrent vers la boutique et Kagami poursuivit jusqu'à l'entrée, laissant Aomine sacrifier au rituel. Il n'en revenait pas de l'avoir rencontré ici. Quel était le pourcentage de chance pour que ça arrive ? Une sur dix mille ? Sur cent mille ? Son vœu avait-il été entendu ? La divinité féline du temple était-elle en train de jouer avec son destin pour l'exaucer ? Il secoua la tête et se morigéna. Allons, un peu de sérieux. Il était aux commandes de sa vie et comptait bien le rester. Il observa son correcteur se diriger vers la boutique. Il avait vraiment belle allure. Grand, bien bâti, une démarche souple et athlétique, un peu chaloupée. Quelques jeunes femmes se trouvaient non loin et elles ne se gênaient pas pour le suivre d'un regard approbateur. Elles appréciaient le spécimen à n'en pas douter. Kagami sentit à nouveau l'aiguillon sournois de la jalousie le titiller. Il eut un sourire mental. Qu'avait dit Himuro déjà ? Mordu ? Ça se pourrait bien, et peut-être même un petit peu plus que ça.
Il réalisa brusquement qu'une fois qu'Aomine aura suspendu ses "ema", ils allaient devoir se séparer. Rentrer chacun chez soi. Non. Il n'en avait aucune envie. Il voulait rester davantage avec lui, être près de lui, l'observer en silence. Se gaver de sa présence. Inconsciemment, il sourit. Un vrai sourire, lumineux, éclatant. Et quel meilleur moyen que de l'inviter chez lui pour parler du roman. C'était décidé. Il le regarda s'avancer et tomba encore un peu plus sous le charme.
L'un de vœux d'Aomine était de rencontrer celui qui saura prendre son cœur comme Haruka l'avait fait. Là encore, il songea que ça pouvait être cet écrivain qui lui tenait tête et discutait chacun de ses avis, de ses conseils, de ses points de vue. Et il adorait ça. C'était ainsi qu'il arrivait à tirer le meilleur d'un auteur, en le renvoyant toujours dans les cordes pour l'obliger à se dépatouiller et s'en sortir. Avec Kagami, il semblait avoir trouvé le pire de tous. Le plus têtu, le plus borné et le plus pointilleux avec qui il n'avait jamais travaillé. En plus il était séduisant, un physique de rêve, de l'humour et ce qui le faisait gentiment craquer, c'était un goinfre ! Il avalait des quantités astronomiques de nourriture. Lorsqu'il l'avait invité à rester chez lui pour diner, il avait cuisiné du katsudon. Il en avait repris trois fois. Pourtant, il ne semblait pas avoir de kilos en trop. Peut-être avait-il un métabolisme hyper rapide qui lui permettait d'éliminer tout ce qu'il ingurgitait. Et à cet instant, en le rejoignant devant l'entrée du temple, il comprit qu'il était en train véritablement d'en pincer pour lui. Tout bêtement.
— Tenez, fit-il en tendant une petite statuette de Maneki-Neko à Kagami. Vous n'en avez pas acheté. Si l'un de vos vœux se réalise, il faudra la ramener ici en signe de gratitude, expliqua -t-il devant l'incompréhension qu'affichait le romancier.
— Oh… c'est juste, j'n'y avais pas pensé… Merci
— Vous avez avancé sur le roman ?
— Pas mal. Je fignole un peu ce week-end et j'vous envoie ça, déclara Kagami.
Tout en discutant de tout et de rien, ils retournèrent au parking pour récupérer leur véhicule.
— Attendez ! l'interpella l'auteur avant qu'il ne monte dans sa voiture. Et si vous passiez maintenant à la maison ?
Il perdait ses moyens devant cet homme et il avait horreur de ça, ça lui tapait sur les nerfs. D'ordinaire il n'était pas si empoté. Mais pourquoi ne parvenait-il pas à tenter une approche plus intime ? Combien de temps allait-il rester dans l'incertitude ? Pour écrire de telles scènes érotiques entre deux hommes, il en avait obligatoirement fait l'expérience. C'était la seule explication. Donc il aimait les hommes. Et certainement les femmes aussi. Alors quoi ? Aomine savait comment s'y prendre, non ? Sauf qu'il se débattait avec ses sentiments sans réussir à les identifier. Il était comme un adolescent qui vient de voir passer la plus belle fille ou le plus beau gars du lycée. Son ventre se nouait, ses mains devenaient moites et il était à la limite de bégayer s'il devait parler. Il ne voulait rien précipiter, mais depuis maintenant des mois qu'il se posait toutes ses questions, il fallait avancer. Il devait savoir si quelque chose pouvait exister entre eux. Il n'était pas pressé, mais il devait en avoir le cœur net.
— Eh bien…
— Je suis désolé, vous avez peut-être quelque chose à faire, se rétracta Kagami un peu gêné.
— Non, rien, se hâta-t-il de répondre. J'ai rien d'prévu. J'vous suis…
L'année 2029 ne commençait pas trop mal, non ?
À suivre…
(1) Je n'ai rien trouvé sur la famille d'Himuro. Dans cette histoire, il n'a jamais vécu aux États-Unis et il est originaire de Yokohama où résident ses parents.
(2) Matsumoto Yukinori entraineur de Seiho
(3) Fukui Kensuke Murasakibara Atsushi Lieutenants de la brigade de lutte contre le cyberterrorisme.
(4) Pure spéculation de ma part. J'ignore si c'est faisable, mais en 2029 pourquoi pas ?
(5) Toyota C-HR d'Aomine
(6) Le temple Gotoku-Ji = merci Internet.
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