Disclaimer : L'univers de Kuroko no Basket que vous reconnaitrez aisément appartient à Fujimaki Tadatoshi. L'auteur me le prête très aimablement pour que je m'amuse avec et je ne retire aucun profit de quelque nature que ce soit de son utilisation si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue.

Note de l'auteur : Je veux remercier du fond du cœur ma béta-lectrice, Futae qui s'est servie de son "Eagle Eye" (fallait que j'la case celle-là ! ^^) pour corriger cette histoire et me conseiller. C'est grâce à son enthousiasme, ses encouragements et son sens de l'analyse et de la critique sans détour, que cette histoire a pu voir le jour.

Note importante : j'avais décidé de retirer toutes mes histoires de ce site suite à ce que je pense être un piratage. Je me suis laissée convaincre de les remettre, mais malheureusement ce site fonctionne tellement mal que je n'ai pas pu toutes les récupérer. J'ai donc décidé de les reposter. Si vous les lisez et qu'elles vous plaisent, n'hésitez pas à le dire, ça me fera plaisir et ça me remontera le moral même si les commentaires ne seront pas les mêmes qu'à l'origine.


Le roman de notre histoire

Chapitre 13

Kagami avait arrêté la date des réjouissances à son domicile au vendredi 19 janvier. C'était suffisamment éloigné pour que ses invités puissent bloquer leur soirée. Malheureusement, Kuroko et Ogiwara avaient déjà pris un autre engagement et ne pourraient pas être présents. Qu'à cela ne tienne, une petite fête, on pouvait toujours en refaire une.

Il avait décidé de faire appel à un traiteur, de cette façon il pourrait rester avec ses amis sans être coincé aux fourneaux. Il aimait cuisiner, certes, mais il voulait surtout passer un maximum de temps avec eux et en particulier avec Aomine puisqu'il avait terriblement envie de voir comment il réagirait s'il se montrait davantage audacieux. Il ferait preuve de subtilité en espérant ne pas se faire éconduire.

Le traiteur arriva avec sa fille vers dix-huit heures trente et se mit immédiatement au travail, tandis que son père — puisqu'il s'agissait d'une entreprise familiale — s'activait aux fourneaux. La jeune femme dressa la table à l'occidentale et non pas à la façon japonaise où tous les convives seraient agenouillés tout autour.

La soirée s'annonçait froide. Dehors, de la brume s'élevait du bassin des carpes à cause de l'eau plus chaude que l'air créant une atmosphère étrange où l'on s'attendait à voir surgir un être effrayant digne d'un film d'horreur. Bien que la végétation soit en sommeil à cette saison, le jardin n'en restait pas moins magnifique, invitant à la détente et à la relaxation. Son coin de paix et de sérénité, comme disait Kagami.

Vers dix-neuf, Furihata fut le premier à se présenter au domicile emmitouflé dans un gros manteau avec une écharpe et un bonnet. Son ami s'occupa de lui mettre une boisson dans les mains tout en l'installant au salon. Koki lui offrit un carillon furin en verre qui tintait au moindre souffle de vent. Les Japonais disaient que ce son très doux et apaisant éloignait les mauvais esprits.

— On en a eu assez des mauvais esprits, non ? lui confia-t-il en pensant à Rakuzan.

Kagami fut très touché et le remercia chaleureusement. De son côté, il avait acheté un jeu de pinceaux pour le dessin et la calligraphie. Il savait que Koki était très doué pour cette activité. Himuro et Takao arrivèrent ensemble tout aussi chaudement habillés que l'auteur de polars. Tatsuya fit les présentations et Kagami noya les deux informaticiens sous toute sa gratitude ainsi que celle de Furihata, qui était à l'origine de cette histoire.

— Nous avons fait ce que nous pouvions, fit Takao, modeste.

— Vous avez fait bien plus, insista Koki. Vous avez permis que de nombreux écrivains ne soient plus dépouillés par Rakuzan. Tenez, en remerciements.

Furihata offrit à chacun un "omamori" (1) jaune pour attirer l'argent dans la réussite professionnelle. Ils acceptèrent un peu confus.

— Et moi je vous donne un "daruma" (2), sourit Kagami en leur tendant la poupée, pour la persévérance dont vous avez su faire preuve et les résultats que vous avez obtenus grâce à elle.

— Taiga, c'est trop, protesta Himuro, gêné de recevoir tant d'attention et bien conscient que Takao était encore plus mal à l'aise que lui. Nous, on vous a juste porté des omamori pour la chance, expliqua-t-il en leur remettant les petits sachets.

— Merci, mon ami. Asseyons-nous pour célébrer tout ça ! les invita Kagami.

Takao était resté un peu en retrait. Il ne connaissait personne, mais qu'à cela ne tienne, il fallait qu'il s'intègre. Leur hôte lui avait fait une excellente impression et il comprenait pourquoi Himuro ne tarissait pas d'éloges à son sujet. Il percevait en Kagami quelqu'un de solide, de foncièrement honnête et loyal en amitié. Pour preuve, Tatsuya et lui se comportaient tels des amis de longue date et non pas comme les amants qu'ils furent occasionnellement. Il n'y avait aucune ambiguïté dans leur attitude, leurs gestes ou leurs paroles. Et Kazunari trouva ça rassurant. Lors de leur arrivée, Kagami et Himuro s'étaient donné une franche accolade et c'est à cet instant que Takao prit la pleine mesure de ce qu'il éprouvait pour son compagnon. Il avait été un tantinet jaloux. Mais à peine.

Il avait des sentiments très forts qui s'étaient développés au fur et à mesure des moments qu'ils avaient vécu ensemble sur cette affaire, sans qu'il le réalise d'emblée. Il avait laissé faire pour brusquement se retourner et s'apercevoir qu'il voulait passer le plus de temps possible avec Tatsuya. Sa présence lui était devenue indispensable. Mirage s'était insinué dans son cœur tout en douceur. Et pour l'instant, la vie lui semblait magnifique.

Le dernier invité daigna enfin faire son apparition. Kagami était sur le point de l'appeler quand le carillon de l'entrée retentit. Il se précipita pour lui ouvrir.

— Désolée pour mon retard, j'étais pris dans les embouteillages en sortant du bureau, expliqua Aomine en suivant son hôte jusqu'à l'intérieur.

— J'allais vous envoyer un message, je commençais à m'inquiéter, rétorqua Kagami visiblement soulagé, incapable de s'arrêter de sourire.

— Pourquoi donc ?

— J'veux pas vous porter la poisse, mais un accident est si vite arrivé…

— Vous n'avez pas tort…

— Venez, mes amis sont au salon, lui proposa-t-il en remarquant qu'il était vêtu d'un costume sport de couleur bleue sous un trois quarts en cuir noir.

Kagami présenta son correcteur après que celui-ci eut posé sa sacoche sur l'un de fauteuil encombré de vestes, blousons et autres sacs.

— Vous vous occupez essentiellement de Science-fiction, demanda Furihata dont le prochain roman policier pourrait bien faire une incursion dans ce genre littéraire.

— Tout à fait. Ce que j'aime c'est voir jusqu'où un auteur peut aller pour créer l'univers de son récit, sachant qu'il peut inventer tout ce dont il a besoin à condition que ce soit logique, crédible, avec une explication qui tienne la route.

— Avec Kagami vous devez avoir du boulot, sourit l'écrivain.

— Ça, c'est sûr, mais c'est ça qui est génial et que j'adore.

— Ça veut dire quoi, ça ? fit semblant de s'offusquer leur hôte.

— Que quand vous êtes lancé comme un bulldozer, il faut s'accrocher pour que vous restiez sur la bonne trajectoire, rétorqua son correcteur en le défiant du regard. Et c'est mon rôle.

— Et vous le faites très bien, tempéra l'auteur avec un sourire désarmant. Il est possible que Koki fasse appel à vos compétences, dit le romancier en se rasseyant après avoir mis de la musique.

Il avait choisi une compilation de mélodies d'ambiance jazz (3). D'après lui, il n'y avait rien de mieux que ce style pour tranquilliser et donner une atmosphère détendue et relaxante. Elles étaient de celles qu'on entend sans les écouter et qui apaisaient les sens. Ou les exacerbent, c'était selon l'instant. Il y avait plusieurs heures enregistrées, de quoi couvrir tout le temps que durerait la petite fête.

— Je serai très heureux de le superviser. Et… vous êtes ceux qui ont permis l'arrestation de ce hacker qui a monnayé ses talents pour Rakuzan ? demanda-t-il en se tournant vers les informaticiens.

— Je travaille avec la brigade de lutte contre la cybercriminalité et Himuro m'a aidé… officieusement.

— Oh… Je vois… Motus et bouche cousue, dit Aomine. En tout cas vous avez fait un super boulot. Dès que Kagami l'a appris, il a été plus détendu et plus productif, sourit son correcteur en regardant le romancier.

Et quel sourire ! Kagami en fut tout retourné. Jamais il n'avait vu une expression aussi séduisante sur le visage d'Aomine. Comment résister à un homme qui vous dit clairement que vous êtes à son goût sans même ouvrir la bouche ? Avec juste… un sourire ?

— J'ai eu l'impression qu'on m'avait enlevé le mont Fuji des épaules ! avoua-t-il en détournant les yeux. Je m'suis senti pousser des ailes, répondit-il, faisant rire ses invités. Et si on passait à table !

Ce que chacun approuva. Le repas se composait de plats classiques, mais d'une remarquable qualité. Kagami ne s'était pas trompé en faisait appel à ce traiteur. C'était délicieux, tous les convives furent d'accord sur ce point, et c'était copieux. Avant d'accepter le client, le chef était venu voir à quoi ressemblait la cuisine pour anticiper le matériel qu'il devait apporter. Il avait félicité Kagami pour l'équipement dont il s'était doté. Et, aidé de son commis, il travailla dans d'excellentes conditions.

Les conversations allaient bon train et ceux qui ne se connaissaient pas au départ en étaient à plaisanter ensemble. Aomine avait ri de bon cœur en entendant l'histoire d'Himuro piratant le serveur de la fac ou celle des rangers pointure trente-six. Furihata, bien que de nature réservée, se laissa prendre à cette ambiance bon enfant. Quant à Kagami, assis à côté de son correcteur, il ne cessait de l'épier du coin de l'œil. Il était content de voir qu'il se sentait à l'aise et détendu. Il espérait qu'il ne partirait pas trop tôt. Il avait prévu de lui offrir un cadeau, mais il voulait le faire sans témoin pour apprécier et mémoriser l'expression de son visage si viril. Il sursauta quand Aomine lui prit la main pour observer la bague qu'il portait à l'auriculaire droit. Un frisson monstrueux remonta le long de son bras pour dégringoler en mode coulée de lave incandescente de sa nuque à ses reins.

— Elle est superbe. Bijou de famille ?

La main était chaude et ferme. Elle avait de la force. Il l'avait vu tellement de fois bouger dans tous les sens lorsqu'il lui exposait une idée ou un point de vue, qu'il ne s'attendait pas à ça. Elle semblait savoir faire preuve de douceur également, et de délicatesse comme lorsqu'elle avait caressé Jade. Puis il se rappela qu'il avait joué au basket et qu'il fallait des mains puissantes pour manier le ballon.

— Elle appartenait à mon grand-père maternel, et peut-être même mon arrière-grand-père, commença à raconter Kagami pour ne pas se laisser hypnotiser par ce contact et pour ne surtout pas le rompre. Ma mère était fille unique et il la lui a donnée quand elle s'est mariée. Elle devait m'la remettre le jour de mon mariage. Elle est décédée j'avais deux ans, j'crois qu'je vous en ai parlé, et mon père m'l'a donné quand j'ai eu mon diplôme à la fac. À chaque fois que j'vais voir mon grand-père, il embrasse cette bague.

— C'est un rubis ?

— Non, un grenat taillé en cabochon.

— Elle a une très grande valeur, ne la perdez surtout pas, intima le correcteur en plongeant dans ses yeux.

— J'ai du mal à l'ôter, elle ne risque pas de tomber, montra-t-il en tirant légèrement dessus alors qu'il était parcouru d'une vague de chaleur sous ce regard perçant où il lui sembla déceler quelque chose de mystérieux, quelque chose de voilé qu'il ne s'expliquait pas. Pas encore.

Il avait décidé d'être un peu plus téméraire, de voir de quel bois était fait Aomine et il se faisait devancer. Les œillades qu'ils avaient échangées jusqu'à présent étaient assez parlantes sans être trop bavardes non plus. Elles démontraient juste ce qu'il fallait d'intérêt pour que chacun comprenne qu'il y avait entre eux une certaine attraction autre que professionnelle. Voilà qui lui convenait parfaitement,

Kagami se resservit encore une fois des divers plats sous le regard bienveillant et ravi du traiteur de voir sa cuisine ainsi honorée. Aomine avait fait le premier pas. Cette bague lui avait offert l'excuse idéale pour effleurer les doigts de son hôte. Il l'avait senti réagir à ce contact qui passait pour être tout à fait anodin. Rien ne laisser présager qu'il s'agissait là d'un geste volontaire depuis longtemps prémédité. Le toucher autrement qu'en lui serrant la main pour lui dire bonjour ou au revoir. Le toucher hors du cadre professionnel. Le toucher pour forcer la porte du domaine privé. Le toucher. Ce n'était que ses doigts, mais c'était un début. Il avait bien vu le trouble que cela avait provoqué chez l'écrivain. Pas une attitude de rejet, plutôt un tressaillement de surprise, une réaction d'attrait comme s'il attendait ça depuis longtemps. Il y avait presque du soulagement dans le sens "Enfin, il m'a touché".

Il n'était donc pas réfractaire à un rapprochement. À force de voir défiler des personnages imaginaires aux caractères bien trempés et particulièrement bien mis en scène par leurs créateurs, Aomine avait fini par développer une sorte de sixième sens pour décrypter le langage des humains, les vrais. Et là, il venait d'avoir la preuve presque irréfutable qu'il ne lui était pas indifférent. Ce n'était qu'un début, mais il en était certain. Maintenant, il fallait poursuivre avec sagacité pour ne pas se prendre un râteau. Il y avait toujours un risque qu'il se trompe, mais il était infime, même pas quantifiable.

— Taiga ! Tu vas exploser ! le chambra Himuro en riant.

— Ben quoi, c'est super bon !

— Ne faites pas une indigestion, appuya Aomine avec un clin d'œil à Tatsuya.

— Dis celui qui mange presque autant qu'moi, se défendit le romancier en impliquant son correcteur.

— Non, pas tant, vous exagérez !

— En fac, je me souviens que tu avalais huit ou dix hamburgers sans problème avec deux maxi milkshakes à chaque repas.

— Qu'est-ce que tu veux qu'j'te dise ? J'ai un métabolisme rapide, c'est tout !

— Et sinon, ton foie, ça va ? le taquina Furihata à son tour.

— Koki, tu vas pas t'y mettre toi aussi ! Takao, soutiens-moi s'te plait ! Ah… désolé, je t'ai tutoyé

— C'est pas grave, sourit ce dernier. Mais j'avoue qu'le volume de c'que t'ingurgites est impressionnant. Reste quand même prudent.

La tablée s'amusa encore un peu au détriment de Kagami qui fit semblant de bouder parce qu'ils s'étaient ligués contre lui, les faisant rire davantage. Aomine remarqua qu'ils étaient les seuls à se vouvoyer. C'était normal, mais beaucoup moins convivial pour le coup. Ça maintenait une certaine distance entre eux, un écart qu'il aurait aimé réduire. Il ne désespérait pas y parvenir. Cette soirée avait été riche en information et bientôt, lorsqu'ils seront tous les deux, il lui offrira le cadeau qu'il avait prévu pour la nouvelle année.

— Bien, j'vous propose un digestif chinois, fit Kagami en se levant de table pour aller prendre une bouteille d'un saké de cinquante-quatre degrés, le Mei Kuei Lu Chiew

— Tu veux nous achever ! plaisanta Koki.

— Ce saké est un délice, déclara Aomine. C'est celui parfumé à la rose ?

— Absolument, une merveille pour les papilles, confirma Kagami

— Il est effectivement excellent après un repas copieux, entérina le correcteur.

— Et il est costaud aussi, souligna Takao.

Tandis que les convives étaient passés dans le salon pour siroter le digestif, le traiteur s'employa avec son commis à nettoyer la cuisine de fond en comble comme s'il n'y avait jamais eu personne. Il interpella Kagami qui régla le solde de la prestation plus une gratification pour la qualité des mets et du service.

Il ne leur fallut que deux ou trois coupelles cul sec pour capituler. Himuro riait pour un rien, Furihata ne parlait plus et paraissait somnoler, seul Kazunari semblait encore tenir la distance. Kagami et Aomine s'en sortaient plutôt bien. Peut-être que leur gabarit plus imposant leur permettait de mieux résister à l'alcool.

Ce diner s'était vraiment bien passé et Kagami était content de voir ses amis sourire. Si au début, l'ambiance fut un peu tendue parce que tous ne se connaissaient pas, le délicieux repas et l'alcool aidant, tout le monde s'était relaxé et avait sympathisé. Koki avait préféré appeler un taxi pour regagner son domicile et Takao, qui n'avait presque rien bu, prit sur lui de ramener Himuro qui n'était plus très frais. Il ne restait qu'Aomine qui ne semblait pas décidé à rentrer chez lui. Après avoir refermé sa porte sur le nouveau couple, il revint et changea de playlist. Son choix se porta à nouveau sur du jazz, mais pas n'importe lequel (4). Un son langoureux et pénétrant, avec une consonance intimiste et débordante de sensualité. Une musique qui parlait aux sens et les préparait progressivement à la folie douce.

— J'vous sers encore un peu de saké ? demanda Kagami en s'approchant d'Aomine qui regardait les étagères de la bibliothèque.

— Non, merci. Par contre, j'ai quelque chose à vous donner.

— Vous m'intriguez.

Le correcteur récupéra le sac qu'il avait posé sur un fauteuil. Il revint dans le bureau et le lui tendit. Kagami, un peu gêné, s'en empara non sans effleurer la main de son invité au passage pour bien vérifier que ce contact l'électrisait à chaque fois. Il jeta un coup d'œil et en sortit une belle boite qui émit un glouglou caractéristique. Il regarda Aomine en fronçant les sourcils de curiosité. Il ouvrit l'emballage et découvrit une bouteille de cognac (5) absolument superbe. Arrondie avec un travail du verre qui faisait penser aux rayons du soleil, elle abritait un liquide ambré magnifique. Fine Champagne, Cognac Rémy Martin XO, un des meilleurs cognacs français. Kagami écarquilla les yeux et resta sans voix.

— J'me suis souvenu que vous en aviez dégusté lors de votre voyage en France avec votre père, expliqua Aomine.

— C'est… J'sais pas quoi dire… Merci beaucoup, j'm'y attendais pas, bredouilla le romancier qui ne cacha pas sa surprise et sa joie.

Aomine n'avait pas raté une miette de tous les sentiments qui s'étaient affichés sur le visage de son hôte et il savait qu'il venait de remporter une manche. Séduire quelqu'un passe aussi par un présent lié à une émotion forte ou un souvenir précieux.

— Je suis content qu'vous appréciiez... Mais j'avoue que j'pensais pas m'tromper...

— Ça m'fait vraiment très plaisir surtout que, vous allez rire… dit-il en ouvrant la porte d'un petit meuble pour y prendre une boite emballée dans un joli papier cadeau.

— J'ai fait du shopping avec mon père quand il est venu m'voir pour les fêtes, reprit-il, et je suis passé devant une boutique de spiritueux. En voyant cette bouteille dans la vitrine, j'ai tout de suite pensé à vous.

— À moi ? Pourquoi ? s'enquit le correcteur qui ne comprenait pas le rapport entre la bouteille (6) qu'il tenait à la main et lui, un saké Ken Daiginjo, l'un des meilleurs du Japon.

— La bouteille est bleue, sa boite aussi, c'est une couleur que vous portez souvent, comme ce soir, et qui vous va bien. Il y a des reflets bleus dans vos ch'veux et… vos yeux sont bleus aussi…

Le temps sembla arrêter sa course. Leur regard allait des bouteilles qu'ils tenaient dans leurs mains aux yeux de l'autre. Kagami venait d'abattre une paire d'as. La bouteille et l'explication de la couleur. Il attendait la réaction d'Aomine qui s'était figé et ne le quittait plus du regard. Lui aussi avait une paire d'as. Le cognac et la raison de son choix. Au poker il n'y a pas de cinquième as. Il allait falloir sortir une autre paire pour remporter la main sinon les gains seraient partagés.

— Je… je suis très touché par votre geste… Merci beaucoup…

Ni l'un ni l'autre ne savait plus comment se comporter. La situation était embarrassante au possible. Handicapés des rapports humains ? Sans blague ! Pour deux types dans la trentaine bien tassée et expérimentés, ils faisaient figure d'adolescents à leur premier rendez-vous. Mais là, il s'agissait de bien plus que de relations sociales. Chacun venait d'avouer qu'il était attiré par l'autre et même davantage, sans dire un mot. Cette déclaration était passée par un simple échange de cadeaux avec une signification bien établie. Donc, l'interprétation serait décisive. Encore ne fallait-il pas décrypter de travers. Le cognac en souvenir du voyage en France que Kagami lui avait raconté était la preuve qu'Aomine se souvenait de tout ce récit en détail. Qui se souviendrait d'une telle histoire s'il n'était pas attentif à la personne qui la relate ?

La bouteille de saké et sa boite bleue en rapport avec la couleur des vêtements et des yeux du correcteur démontraient bien que ces choses, auxquelles il ne prêtait aucun intérêt, avaient marqué Kagami. Qui serait attentif à ce genre de détails s'il n'observait pas cet homme à chaque fois qu'il le voyait ? La seule et unique raison de leur comportement aussi nigaud était pourtant simple. Ils ne souhaitaient pas gâcher ce moment. Ils voulaient le rendre important. Inoubliable ? Significatif de leur ressenti ? Pour commencer, il allait très certainement redéfinir la suite de leurs rapports professionnels. Allaient-ils pouvoir continuer à travailler ensemble maintenant qu'ils s'étaient plus ou moins avoués qu'ils étaient attirés l'un par l'autre ? Le style des textes n'allait-il pas créer des tensions et des quiproquos entre eux ? Voire même une transposition de personnages à eux-mêmes qu'il sera difficile de ne pas confondre ?

Kagami désirait Aomine comme correcteur et Aomine voulait être le correcteur de Kagami. Et le monde pouvait bien brûler.

En réalité, l'un comme l'autre craignait de faire une bourde. Un geste inapproprié, un mot mal employé et tout ce qui était en train d'éclore entre eux pouvaient retourner au néant. Mais alors quoi ? Ils restaient là debout l'un en face de l'autre à se regarder indéfiniment dans le blanc des yeux ?

— Vous voulez qu'on les goûte ? proposa enfin Kagami qui venait de retrouver sa capacité à communiquer avec des mots.

— Est-ce bien raisonnable ?

N'était-ce pas là une question piège qui en appelait d'autres, plus ambiguës ? Était-ce bien raisonnable de faire des mélanges ? Avec l'alcool ce n'était pas conseillé encore moins lorsque cette musique vous caressait sensuellement le creux de l'oreille. Était-ce bien raisonnable de boire encore un peu et de rester si près l'un de l'autre quand cette mélodie invitait au rapprochement pour une danse lente et lascive ? La boisson était bien connue pour faire tomber toutes les inhibitions. Était-ce bien raisonnable de tenter le diable afin de voir où il vous conduit à condition d'être prêt à toutes les éventualités ? Ce son n'en terminait plus d'instiller dans leurs veines un poison suave qui accélérait les battements de leur cœur et qui leur agaçait délicieusement le ventre. Le jazz était vraiment une musique tentatrice au possible.

— On pourra goûter l'cognac quand vous repasserez à la maison, suggéra le romancier qui avait fini par retourner s'asseoir sur le canapé pour se donner une certaine contenance…

— Vous voulez que j'revienne ? demanda Aomine en prenant place dans un fauteuil individuel et poussant plus avant ce léger atout que lui avait fourni son cadeau.

— Bien sûr… N'importe quand… demain… après-demain… si votre emploi du temps vous laisse un peu d'liberté…

Voilà, c'était ce qu'il fallait faire. Ramener la conversation sur un terrain moins glissant. Parler du travail, c'était parfait. Pas d'ambivalence dans les propos ou les sujets abordés.

— J'avoue qu'j'ai du boulot en retard, mais j'retiens l'invitation. Je rapporterai le saké.

— D'autres auteurs à superviser ? demanda le romancier sans relever l'allusion à la boisson qui les aurait replongés dans une discussion qu'il souhaitait éviter.

— C'est ça, mais j'ai presque terminé. Il ne m'en reste qu'un. J'n'aurai bientôt plus qu'à m'occuper exclusivement de vous.

Il l'avait fait exprès. C'était obligé ! Comment peut-on sortir ce genre de phrase sans avoir réfléchi à son double sens ? Sans avoir attendu le bon moment ? Ce diable de correcteur était un manipulateur infernal.

— Ce qui n'semble pas être aisé, fit Kagami avec une petite moue d'excuse sans relever une fois de plus l'allusion. J'vous donne du fil à retordre...

— Vous êtes probablement l'écrivain le plus difficile avec qui j'ai travaillé je l'reconnais... J'adore vous pousser à bout parce que j'sais qu'vous pouvez faire toujours mieux...

— Une telle confiance, ça motive... Qu'en dit votre patron ?

— J'ai carte blanche pour vous presser comme un citron, plaisanta Aomine.

Kagami eut un petit rire et baissa la tête quelques secondes avant de regarder à nouveau son correcteur.

— Très bien. Exhortez-moi à me dépasser. Faites ressortir c'qu'il y a de mieux en moi, dans mon esprit. Bousculez-moi, secouez-moi ! Stimulez-moi ! le provoqua Kagami, sans plus trop savoir s'il parlait de son imagination ou de tout autre chose.

Il n'alla pas jusqu'à dire "Excitez-moi", bien que ça lui traversa inexorablement l'esprit. Parce que d'abord, cela aurait été déplacé, ensuite parce qu'il l'était assez comme ça. Et si Aomine l'avait pris au mot ? Avec l'alcool qui brouillait ses sens, il n'aurait pas refusé. Cela aurait risqué de gâcher toutes ses chances de commencer quelque chose de beau. Les circonstances devaient être réunies pour mettre tous les atouts de son côté. Tout devait se faire naturellement, comme coulant de source. Et en maitre des mots qu'il était, il ne cessait de prononcer des phrases pleines de sous-entendus. Sauf qu'à son grand étonnement, Aomine entra dans son jeu.

— Vous en êtes sûr ? J'peux aller très loin…, déclara ce dernier avec un regard de défi.

— C'est c'que vous faites depuis le début, non ? Et ça fonctionne très bien... Continuez...

— Vous n'savez pas jusqu'où j'peux aller quand j'crois en une œuvre et son auteur, rétorqua Aomine avec une lueur presque inquiétante dans les yeux.

— Eh bien, à partir d'aujourd'hui, vous allez me montrer de quoi vous êtes capable... Je serai toujours invivable, ne vous y trompez pas... Malgré tout, je reste persuadé qu'ça va marcher...

— J'en suis également convaincu. Bien, j'vais rentrer, il se fait tard.

— J'espère que vous avez passé une bonne soirée...

— Oh oui… Excellente…

— Tant mieux… Moi, pareillement…

Aomine récupéra ses affaires et se dirigea vers le genkan pour remettre ses chaussures.

— J'vous aurais bien suggéré de dormir ici, comme vous avez un peu bu, mais j'sais que votre chat vous attend…, déclara Kagami en brulant sa dernière cartouche.

— C'est juste… Corail va m'faire la tête si j'remplis pas sa gamelle, rétorqua le correcteur avec un petit rire et une pointe de regret dans la voix. Merci pour cette excellente soirée...

Il enfila son trois-quart en cuir et sortit ses clés de voiture de la poche. Kagami lui ouvrit et l'accompagna jusqu'au portail.

— Soyez prudent en conduisant, lui intima son hôte.

— Bien sûr…

Aomine effleura son bras en un geste qui aurait pu passer pour de la gratitude pour ses agréables heures et ce savoureux repas. Sauf qu'il la laissa glisser mollement jusqu'à sa main où leurs doigts se crochetèrent quelques secondes. Un dernier regard appuyé, débordant de merveilleuses promesses, d'intenses envies retenues, et le contact fut rompu. Kagami considéra son invité qui monta dans sa voiture et démarra. Il avait encore le faible espoir qu'il fasse marche arrière, mais il disparut au premier virage. Il revint à l'intérieur et la maison lui sembla bien vide et silencieuse. Jade fit son apparition, occupée qu'elle fût à se tenir loin de ces humains bruyants qui avaient envahi son canapé attitré. Leurs odeurs étaient partout, c'était dégoutant. Elle opta pour le fauteuil du bureau et s'enroula comme un coquillage pour commencer sa nuit.

Kagami se servit un dernier shot de saké et monta se coucher après une bonne douche. Madame Yoshino aurait un peu de travail lundi pour tout ranger, mais ce n'était pas non plus le gros bazar.

Il repensait sans cesse à ce qui s'était passé avec Aomine. Il n'avait pas rêvé. Il savait désormais qu'il y avait quelque chose entre eux. Et s'il voulait être honnête, depuis longtemps. Toutes leurs entrevues avaient été progressivement constellées de sous-entendus, de double sens, de regards équivoques jusqu'à ce soir où tous ces signes s'étaient concrétisés sans l'ombre d'un doute par leurs deux mains qui s'étaient agrippées. Pourquoi n'avait-il pas poussé les choses plus loin ? Pourquoi n'avait-il pas tenté de l'embrasser ? Aomine n'aurait pas refusé, il le savait dans toutes les fibres de son corps comme une incandescence impossible à apaiser. Il lui aurait suffi de s'approcher, c'était si simple. Alors pourquoi ne l'avait-il pas fait ?

Parce qu'il était respectueux. Ce n'était pas dans la mesure où les choses avaient si bien avancé entre eux qu'il devait se jeter sur lui. C'était encore le meilleur moyen de se faire renvoyer dans les cordes pour manque de subtilité. Il était soupe au lait, il démarrait au quart de tour, oui certainement. Mais en matière de sentiments, il était délicat et attentionné. Il n'imposait pas son désir, il attendait de voir s'il était accepté. Sauf que là, tout était partagé. Absolument tout. Donc, pourquoi ? Aurait-il dû faire un geste équivoque pour qu'il comprenne qu'il n'était pas contre un contact plus agréable ? Et pourquoi lui avait-il parlé du chat ? Il aurait peut-être consenti à rester et alors… et alors ? Zorro est arrivé ? Mais non ! Il y aurait eu une chance que les choses se passent tout à fait différemment. Deux mains qui se frôlent, un baiser léger puis plus ardent, carrément sauvage et une nuit torride à rendre fou de jalousie le dieu de l'amour en personne.

C'était bien la première fois que Kagami prenait autant de précautions avec quelqu'un qui lui plaisait. Pourquoi Taiga ? Pose-toi la bonne question ! Qu'est-ce qui distinguait ce type de tous les ceux avant lui ? Il ne lui tombait pas dans les bras au premier regard langoureux. Voilà ce qui le différenciait des autres. Il ne se considérait pas comme un séducteur, très loin de là. Mais pour être honnête, il n'avait jamais vraiment eu besoin de sortir le grand jeu pour conquérir quelqu'un. Il était très bel homme et c'était suffisant pour lui garantir des moments particulièrement agréables. Il se rappela de la vétérinaire de Jade, il n'avait rien fait de spécial si ce n'est prononcer quelques phrases à double sens.

En réfléchissant davantage, il avait bien noté la façon dont Aomine l'avait observé tout au long de cette soirée. De toute évidence, il le regardait parce qu'il lui plaisait, ça, c'était un fait. Mais il y avait autre chose. La même que lors de leur première rencontre dans le bureau d'Harasawa, le PDG de Touou. Il se souvenait l'avoir vu se raidir une infime fraction de seconde et son visage s'était durci. Ce soir, c'était cette même expression qu'il avait parfois eu dans les yeux. Que cachait-elle ? On aurait dit que par moment il était en colère contre lui pour une obscure raison. Ou bien il semblait lui reprocher une chose dont il ignorait tout. Et à d'autres moments, il paraissait apprécier ce qu'il voyait. Aomine avait-il un secret qu'il fallait découvrir pour comprendre cet homme ? Et pourquoi pas ?

Puisqu'il lui plaisait bien plus qu'aucune autre personne avant lui, pourquoi ne pas essayer de mieux le connaitre ? Il en crevait d'envie. Il voulait tout savoir de lui jusqu'à la marque de sa première couche-culotte. Mordu ? Et ce n'était rien de le dire à en juger par le plaisir qu'il venait d'éprouver en pensant à Aomine et à toutes les questions sans réponses qui lui trottaient dans la tête. Mais qui donc est capable d'avoir un orgasme en se demandant ce genre de choses ? Les interrogations ne font pas fantasmer en principe. Eh bien, Kagami, lui, il y était parvenu. Bien plus que mordu. Carrément accro ! Il finit par sombrer dans un sommeil peuplé de rêves bleus qui viraient au rouge sang dans des spatioarènes enfermées dans des bulles d'antigravité en orbite autour de planètes belles et dangereuses…


Lorsqu'il se retrouva face au portail du parking de son immeuble, Aomine aurait été bien incapable de dire comment il était arrivé là. Il ne se souvenait de rien depuis qu'il était monté dans sa voiture devant chez Kagami. Il avait fait le trajet d'une bonne demi-heure en mode télécommandé. Ce qui était particulièrement dangereux quand on sait que nombre d'accidents surviennent sur des parcours habituels. Une fois garé, il resta dans son véhicule perdu dans ses pensées. Que s'était-il passé ce soir ? Rien. Justement. Strictement rien. De toute façon, qu'aurait-il dû se passer ? Qu'aurait-il pu se passer ? Devait-il regretter que rien ne se soit produit ? Ou au contraire, devait-il s'en réjouir ? Ce n'était même pas un rendez-vous. Juste une soirée entre personnes qui s'appréciaient pour fêter un évènement auquel elles avaient été mêlées de près ou de loin. Et lui en était le plus éloigné. Rien ne le rattachait à Rakuzan. Si ce n'était qu'il s'agissait d'un concurrent plutôt coriace des éditions Touou.

Malgré tout, ces quelques heures passées à se détendre lui avaient fait un bien fou. Pas spécialement parce qu'il avait vu Kagami entouré de ses amis, telle une porte entrouverte sur l'homme alors qu'il ne connaissait que l'écrivain. Non, parce qu'il s'était senti accepté. À aucun moment, il n'avait éprouvé la solitude de celui qui n'est pas à sa place, qui débarque comme un cheveu sur la soupe. Il ne connaissait personne et tout le monde l'avait accueilli comme un membre à part entière de leur petit cercle. Il ne s'était plus senti aussi intégré depuis qu'il avait fait partie de l'équipe de basket à la fac. Il prit alors conscience que sa vie privée était bien morne. Les seules personnes qu'il voyait étaient celles avec qui il travaillait, quatre ou cinq tout au plus, et les écrivains qu'il supervisait. Sinon, il ne pouvait pas se targuer d'avoir un cercle d'amis en dehors de ceux-ci. Ni même un meilleur ami. Ce n'étaient que des collègues de boulot. Peut-être était-il un peu plus proche d'Himayoshi et Kise, mais c'étaient les seuls.

Ce soir, il avait retrouvé la sensation de faire partie d'un tout. Grâce à Kagami qui ne l'avait pas lâché d'une semelle. Craignait-il qu'il se sente isolé ou bien avait-il une raison plus égoïste ? Comme profiter de l'occasion pour se lier davantage à lui. De toute évidence, les choses se déroulèrent ainsi. Ils avaient renforcé la relation qui les unissaient déjà d'un point de vue professionnel. Là, ça s'apparentait à quelque chose de plus intime, comme devenir des amis. Ou des copains. Oui, c'est ça, des copains c'est plus que des collaborateurs, non ? C'est mieux. Pendant toutes ces heures où il l'avait regardé évoluer autour de ses invités, il n'avait pu s'empêcher de le comparer à Haruka dont la ressemblance s'estompait de plus en plus dans son esprit. Sa façon de marcher, de parler, le ton de sa voix, certains gestes ou expressions du visage, tous ces signes se superposaient à l'image de son souvenir non pas pour l'effacer, mais pour le recouvrir et le préserver dans les tréfonds de sa mémoire.

Il n'avait toujours pas lâché prise. Il n'avait pas laissé Haruka s'en aller. Il le fallait pourtant. Sinon pourquoi aurait-il rencontré cet homme ? Pour souffrir encore à cause d'un fantôme ou au contraire pour avancer enfin et tourner la page ? Pourquoi ? Il était le seul à pouvoir donner une réponse à cette question. Mais était-il prêt à le faire ? N'avait-il pas frissonné en touchant sa main au moment de partir tout à l'heure ? N'avait-il pas eu envie de l'embrasser ? Juste effleurer ses lèvres sans aller plus loin, sans rien demander de plus. N'avaient-ils pas tous les deux éprouvé le même désir au même instant ? Et s'il l'avait déçu de n'avoir rien tenté ? Tout ça tournait et retournait dans sa tête comme un ouroboros, le serpent qui se mord la queue.

Pris d'une envie soudaine, il remit le contact et ressortit du parking en direction de Kabukicho, le quartier chaud de Tokyo. Si dans la journée, le lieu était parfaitement fréquentable par tout le monde, le soir venu, l'atmosphère était tout autre avec ses bars à hôtes et ses love-hôtels. Aomine connaissait l'endroit. Pas qu'il s'y rende souvent, non, mais il savait ce qu'il y trouverait. Un peu de chaleur humaine qui apaiserait temporairement le feu du désir qui lui brulait les entrailles. À trop réfléchir à ce qu'il éprouvait envers Kagami, sa chair avait répondu pour lui. Et quand son corps était dans cet état d'excitation sexuelle, la seule chose à faire était d'aller à Kabukicho pour rencontrer quelqu'un avec la même envie que lui. Ce n'était pas la première fois qu'il effectuait un détour par le quartier chaud de Shinjuku, il savait à quoi s'en tenir. Il avait besoin d'évacuer cette tension qui menaçait de lui faire commettre un acte impardonnable : imposer son désir à quelqu'un qui ne le souhaitait peut-être pas encore. Et là, il le perdrait à tout jamais. Alors, autant chercher un palliatif en attendant de lever le voile sur le mystérieux trésor qu'était Kagami.

C'était ainsi qu'il le voyait, comme un coffre dont il fallait dénicher la clé pour découvrir quels fabuleux secrets il renfermait tel que la passion qu'il décrivait dans ses scènes érotiques, la sensualité dont ses personnages débordaient, la force inhérente à Spartus, le spatiogladiateur, sa droiture et son code d'honneur. Son honnêteté et sa fidélité. Son charme irrésistible et son charisme qui lui avait permis de rallier tant d'hommes et de femmes sous sa bannière. Sa volonté inébranlable qui faisait trembler la République Interstellaire.

C'était en pensant à tout ça qu'il finit par trouver ce pour quoi il s'était rendu dans ce quartier. Un homme, un peu plus jeune que lui avait immédiatement accroché son regard. Dans ces cas-là, les mots étaient presque superflus. "Salut. Comment tu t'appelles ? Tu viens souvent ? Tu cherches quoi ? Tu veux qu'on s'isole ?" Pas besoin de plus. Tout se passait entre adultes consentants. Ce gars lui ressemblait. Un physique athlétique, mais plus fin, les mêmes cheveux avec des reflets auburn, des yeux à la couleur indéfinie sous les lumières faiblardes du lieu.

Sur le lit de cette chambre du love-hôtel dans lequel ils s'étaient rendus, Aomine sentait son amant se tortiller d'excitation sous ses assauts comme un vers au bout d'un hameçon. Il était délicat, jamais égoïste dans ses liaisons d'un soir. Ce n'était pas son genre de prendre son plaisir sans penser à l'autre. Il ferma les yeux tout le temps de leur rapport pour ne pas voir que ce n'était pas lui. Pas lui, mais un autre. Pas lui, pas encore. Il éprouva de la jouissance sauf que ça n'était rien, loin de ce qu'il attendait, de ce qu'il savait être possible pour l'avoir déjà vécu une fois. Si ça avait été lui, une supernova aurait fait figure d'un pétard mouillé à côté du plaisir qu'il aurait ressenti et surtout, celui qu'il aurait donné. Il ne prétendait pas être une bête de sexe, mais il savait comment s'y prendre. Pour preuve, les gémissements ininterrompus de son amant de l'instant.

Ce soir, il avait accepté un challenge. Jusqu'à présent, il s'était montré plutôt mesuré dans sa façon de conseiller l'écrivain même si parfois, ils avaient eu de belles disputes. Il pouvait aller beaucoup plus loin. Il avait obtenu le feu vert de son patron, il y avait déjà quelque temps, mais plus crucial, il avait désormais celui de Kagami. Et ce dernier n'avait pas la moindre idée de ce qu'il venait de déclencher.

Il revint de Kabukicho environ deux heures plus tard et, tout juste déshabillé, il s'écroula sur son lit après avoir rempli la gamelle de Corail. Le petit félin s'attendait à son câlin habituel quand son humain rentrait, mais là, il dut s'en passer. Papa Daiki était sur autre planète à se battre contre des spatiolégions qui voulaient stopper la rébellion de Spartus et de son armée de gladiateurs…

À suivre…


(1) Omamori = petit sachet de différentes couleurs contenant une prière. Le jaune symbolise un sac d'or pour apporter la prospérité à celui qui le reçoit. La réussite professionnelle est une forme de prospérité.

(2)Daruma=figurine japonaise, traditionnellement en papier mâché, qui ne possède ni bras ni jambes. Elle est facilement reconnaissable avec sa couleur rouge (même si elle peut être de couleur différente), ses moustaches et ses grands yeux ouverts. Dans la culture japonaise, cette figurine est un porte-bonheur qui symbolise la persévérance, la chance et le succès. Pour plus d'info, Google est votre ami. ^^

(3) Italian Riviera' JAZZ — Enchanting Piano Music with the Soothing Sounds of the Ligurian Sea Waves pendant le repas et la soirée.

(4) Relax Music – New Orleans Dreams – Smooth Jazz Trumpet Lounge Music quand Kagami et Aomine se retrouvent seuls. Une musique qui parle de sensualité exacerbée et de douceur. Copier le lien et écouter sur YouTube.

(5) Fine Champagne Cognac Rémy Martin XO 40 %. Merci Google.

(6) Saké Ken Daiginjo un des meilleurs du Japon. Merci Google.