Disclaimer : L'univers de Kuroko no Basket que vous reconnaitrez aisément appartient à Fujimaki Tadatoshi. L'auteur me le prête très aimablement pour que je m'amuse avec et je ne retire aucun profit de quelque nature que ce soit de son utilisation si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue.

Note de l'auteur : Je veux remercier du fond du cœur ma béta-lectrice, Futae qui s'est servie de son "Eagle Eye" (fallait que j'la case celle-là ! ^^) pour corriger cette histoire et me conseiller. C'est grâce à son enthousiasme, ses encouragements et son sens de l'analyse et de la critique sans détour, que cette histoire a pu voir le jour.

Note importante : j'avais décidé de retirer toutes mes histoires de ce site suite à ce que je pense être un piratage. Je me suis laissée convaincre de les remettre, mais malheureusement ce site fonctionne tellement mal que je n'ai pas pu toutes les récupérer. J'ai donc décidé de les reposter. Si vous les lisez et qu'elles vous plaisent, n'hésitez pas à le dire, ça me fera plaisir et ça me remontera le moral même si les commentaires ne seront pas les mêmes qu'à l'origine.


Shadow : le chapitre 12 est bien en ligne, mais le site tombe en ruine, donc il peut y avoir parfois des soucis ou des retards d'affichage. Oui, cette histoire est terminée et on est tout juste à la moitié. Koki va effectivement se trouver un compagnon, et il y a encore d'autres petites surprises. J'espère que ce sera à la hauteur de ta fidélité et que tu ne seras pas déçu. Je te laisse avec ce nouveau chapitre. ^^


Le roman de notre histoire

Chapitre 16

Furihata poursuivit sa tournée de dédicaces en librairies commencée fin janvier. Il en était à sa troisième semaine et s'il y avait moins de monde, c'était parce que les points de vente étaient moins importants que les premiers. Le succès était toujours au rendez-vous et il était heureux. Bien plus qu'il ne l'avait jamais été. Kasuga, le policier de la scientifique, avait trouvé un appartement et les deux hommes se voyaient très souvent. À tel point que, parfois, ils dormaient l'un chez l'autre. Si Ryuhei avait considéré Koki comme son ami, il se rendit bientôt compte qu'il éprouvait des sentiments plus profonds et d'une nature très différente. Il ne voulait pas reproduire les mêmes erreurs, et donc il entoura l'écrivain de toute l'affection dont il était capable sans pour autant être trop envahissant. Mais en voyant qu'ils passaient de plus en plus de temps ensemble lorsqu'ils étaient libres et que leur travail le leur permettait, il s'autorisa à espérer que Furihata pourrait bien ressentir quelque chose pour lui. Il n'était pas pressé, il souhaitait juste que les choses se fassent naturellement, mais en les aidant un peu quand même.

Une fois encore, il put se libérer à la pause déjeuner et rejoignit Koki dans une petite librairie, non loin d'un Maji Burger. Il embarqua son ami et les deux hommes s'y rendirent à pied. Kise qui veillait toujours sur l'auteur espérait lui aussi la venue de quelqu'un. Un policier de la brigade financière qui lui avait tapé dans l'œil le premier jour de la tournée. Ils s'étaient revus à trois reprises durant les dédicaces, et l'un comme l'autre avait senti que le courant passait plutôt bien entre eux.

— Vous êtes seul aujourd'hui ?

Cette voix ! Kise se retourna, un sourire si lumineux aux lèvres qu'il aurait ébloui un aveugle. Son cœur accéléra et ses yeux mordorés se mirent à briller.

— Kasamatsu ! Ça m'fait plaisir d'vous voir, répondit-il en serrant peut-être un peu trop longtemps la main qui lui était tendue.

— Où est votre poulain ?

— Il mange avec son ami au Maji Burger. Vous travaillez dans le coin ?

— Euh… Oui, c'est ça.

— J'peux vous inviter à déjeuner si vous n'êtes pas trop occupé ? proposa Kise

— Volontiers, affirma très vite le policier avant que le blond n'ait dans l'idée de se rétracter en prétextant un truc du genre qu'il ne devait pas quitter le stand tant que Furihata n'était pas revenu.

Kise attrapa son manteau, son téléphone, son portefeuille en moins de temps qu'il ne fallut pour le dire, prévint le gérant qu'il sortait et suivit Kasamatsu. Les journées étaient moins froides, mais un petit vent espiègle et persistant forçait les gens à se couvrir. Kasamatsu connaissait bien la ville. Même pour un policier comme lui qui n'était pas dans les rues à patrouiller, elle n'avait aucun secret. Kise lui demanda conseil et il proposa un restaurant de sushis si minuscule qu'il n'y avait pas plus de dix clients au maximum dans la salle. Mais c'était un véritable délice et le promoteur ne se gêna pas pour le dire à maintes reprises. Une sorte de jeu du chat et de la souris s'était établi entre eux. Ils étaient de plus en plus à l'aise et de temps à autre un sous-entendu plus explicite se glissait dans la conversation. Ou une phrase à double sens. Et pour quelqu'un qui maniait les mots comme Kise, c'était un pur bonheur. Pourtant, il sentait que parfois, Kasamatsu était moins ouvert, que sa timidité reprenait le dessus et du coup, ses paroles étaient plus abruptes. Le temps fuyait à une vitesse folle et l'employé de Touou sursauta en regardant l'heure sur son téléphone.

— Déjà quatorze heures passées ? Faut qu'j'y retourne !

— Quatorze heures ? Moi aussi, j'dois y aller !

— Ah lieutenant…, soupira Kise, vous me faites perdre la notion du temps, l'accusa-t-il d'une voix faussement réprobatrice.

— Vous exagérez un peu, non ? rétorqua Kasamatsu un peu gêné.

Ils se séparèrent sur le trottoir et le blond sut, avec une certitude inébranlable, que parvenir à dérider le policier allait s'avérer plus difficile qu'il ne l'avait cru au départ. Kasamatsu soufflait le chaud et le froid. À un moment, il était charmant et très réceptif, la seconde suivante, il fuyait son regard et le ton de sa voix était plus sec. Furihata n'était revenu que depuis quelques minutes lorsqu'il entra dans la librairie et la file d'attente était déjà conséquente.

— Alors, ce repas avec Kasuga ? s'enquit-il de façon très professionnelle en posant ses affaires dans le petit espace aménagé à cet effet dissimulé par un paravent.

— Génial et ça détend, répondit Koki. Et le vôtre avec Kasamatsu ? demanda-t-il malicieusement.

— Comment savez-vous ?

— Le gérant vous a vu partir… Et voilà, je suis très content que vous n'ayez pas trouvé l'assassin plus tôt dans l'histoire sinon j'aurais raté mon coup, déclara l'écrivain en souriant à la dame dont il venait de dédicacer le livre. Alors, ce déjeuner ?

— Génial et ça détend, répliqua-t-il de la même manière et ravi de voir que Furihata était de plus en plus à l'aise avec ses lecteurs

Ils se regardèrent et rirent de bon cœur. Furihata lui confia que Kasuga viendrait le chercher à la fermeture et Kise passa l'après-midi, la main dans la poche de son pantalon sur son téléphone à se demander s'il devait l'inviter au restaurant pour un vrai rendez-vous ou pas. Les heures s'étirèrent et la file d'attente se termina avant que le commerce ne ferme ses portes.

Après avoir rangé et remballé le matériel dont Kise et Furihata s'étaient servis ces jours-ci, ils se donnèrent rendez-vous à la librairie suivante. Le vendredi était plus mouvementé en général, aussi Koki n'était pas mécontent de voir approcher la fin de la semaine. Kasuga arriva à l'heure dite. Ce gars avait dû avaler un réveil comme le crocodile de Peter Pan tant il semblait avoir la ponctualité chevillée au corps. Kise monta dans sa voiture, et décida que s'il ne provoquait pas un peu le destin, il allait certainement le regretter. Il prit son téléphone et appela Kasamatsu.

Kise? Quelque chose ne va pas?

— Vous aimez la cuisine italienne ?

Euh… J'en n'ai pas souvent mangé, mais j'en garde un bon souvenir. Pourquoi ça?

— Vous accepteriez de diner avec moi demain ?

Kasamatsu eut un instant d'hésitation. Pas parce qu'il cherchait une excuse pour décliner, bien au contraire. Il se demandait simplement pourquoi il ne dirait pas oui. Était-ce normal de s'interroger sur ce genre de chose ? Pourquoi refuser ? Pourquoi se poser la question ? Demain, vendredi, donc. Après une journée à regarder des chiffres, des relevés bancaires, des factures, des pages pleines de rapports financiers, pourquoi est-ce qu'il dirait non ? Mais était-ce bien raisonnable ? Kise semblait un peu trop "fêtard", trop joyeux par rapport à lui qui était d'un naturel plus sombre, ce qui s'accordait bien avec son métier. Toute la journée il était confronté à des gens malhonnêtes, voleurs, escrocs. Heureusement qu'il avait le plaisir de voir revenir un sourire sur le visage de personnes qui avaient été spoliées de leurs biens et qui les retrouvaient, tout ou partie, grâce à lui et aux policiers de sa brigade. Mais pas assez souvent à son goût.

Avec grand plaisir, répondit-il en espérant que le ton de sa voix ne trahisse pas son hésitation.

— Je vous envoie l'adresse par SMS. Ça ne vous dérange pas qu'on se retrouve sur place ?

Pas du tout... Ce sera plus simple.

— Vers vingt heures trente, ça vous convient ?

C'est parfait.

— À demain soir, alors…

Le bruit de la coupure de la communication mit un certain à se faire entendre, un peu comme s'ils avaient du mal à raccrocher. Kasamatsu reprit son souffle et posa son téléphone sur la table basse de son salon. Un tintement l'avertit d'un message. C'était l'adresse du restaurant situé dans le quartier de Shinjuku. Une rapide recherche l'informa que l'établissement était particulièrement bien noté. Kise ne faisait pas les choses à moitié. Décidément, cet homme ne cessait de le surprendre. Et Kasamatsu était curieux de voir où tout ça allait les mener.


Madame Yoshino venait de terminer son service et n'en finissait plus de remercier son employeur. Elle allait s'absenter quelques jours pour le mariage de sa fille et elle se sentait presque coupable de laisser Kagami tout seul. C'était un grand garçon qui était tout à fait capable de s'occuper de lui, mais elle avait développé un sentiment maternel à son égard et elle avait l'impression de l'abandonner. Elle savait qu'il avait vécu en solitaire longtemps, qu'il se débrouillait très bien, mais c'était comme ça, elle n'y pouvait rien. Et en plus, il offrait un cadeau aux mariés.

— Vous n'êtes pas obligé, voyons, protestait-elle depuis plusieurs minutes.

— Je le sais très bien, mais ça me fait plaisir et le jeune couple en aura besoin.

Il venait de lui donner un shugibukuro. Il s'agissait d'une petite enveloppe avec de l'argent à l'intérieur. Elle était richement décorée avec un petit nœud en corde de papier doré et argenté impossible à défaire puisqu'il symbolisait l'union éternelle. Avec une très belle calligraphie, il avait écrit son nom dessus et elle serait déposée dans une petite corbeille spécialement placée à cette attention lors de la cérémonie. Comme il ne s'y rendrait pas, il l'avait donné à la mère de la mariée.

— Je ne sais vraiment pas quoi vous dire…

— Alors, ne dites rien. Vous allez rentrer chez vous et préparer votre voyage. C'est un jour important, il ne faut rien laisser au hasard.

Elle finit par s'en aller, mais Kagami sentait bien qu'elle n'était pas tranquille et il s'en voulait un peu. Si elle pensait à lui pendant son séjour avec sa fille, est-ce que ça ne le lui gâcherait pas un peu ? Ella partait avec son fils qui était le témoin de sa sœur et elle devait se concentrer sur cet évènement. Mais une mère reste une mère et il n'était que son employeur même s'ils avaient beaucoup d'affection l'un pour l'autre. Pour lui qui n'avait jamais connu la sienne, il ignorait ce que l'on pouvait ressentir lorsqu'on en avait une, mais il la considérait comme une parente éloignée pleine de sagesse et de douceur.

Il entendit un petit miaulement et vit Jade en se retournant. Un coup d'œil à sa gamelle lui fit comprendre les raisons de ce rappel à l'ordre tout mignon, mais impérieux. Eh oui ! Le chat se fiche bien du reste du monde tant que le sien tourne rond. Il ne faudrait quand même pas l'oublier, humain. Il lui servit sa pâtée au saumon, excusez du peu, et regagna son bureau. Il n'arrêtait pas de penser à Aomine et à cette séance de travail pour le moins spéciale. Mais où avait-il donc été chercher des idées pareilles ? C'était efficace, certes, mais il aurait préféré qu'il lui explique avant d'être mis devant le fait accompli. Mais quoi ? Ne pouvait-il refuser ? Ce n'était plus un gosse à qui on dit d'obéir sans discuter. Alors pourquoi s'était-il prêté à cette mascarade ? Par curiosité ? Oui. Par défi envers lui-même ? Probablement. Parce qu'il était heureux de voir débarquer Aomine chez lui ? Mais bien évidemment ! C'était même la raison principale. Il aurait quand même pu dire non à ses méthodes, mais ils se seraient encore engueulés à n'en pas douter et son correcteur aurait mis les voiles. De plus Kagami n'aurait pas écrit cette scène qui lui avait valu des compliments à n'en plus finir d'Aomine après qu'il l'ait lu. Ils n'auraient pas goûté le saké et le cognac et ils n'auraient pas été si… proches ? Sur le point de s'embrasser ? De se sauter dessus et d'arracher leurs vêtements ?

Et merde ! L'écrivain n'arrivait plus à se le sortir de la tête. C'était bien plus qu'une attirance physique, il fallait qu'il l'admette une bonne fois pour toutes. Ce démon s'était insinué dans son cœur insidieusement comme un serpent sournois et silencieux. Lui qui n'était jamais tombé amoureux, se demandait si c'était vraiment ce qu'on éprouvait ? Il l'avait pourtant raconté dans certaines de ses œuvres historiques, mais avait-il réellement bien décrit ce sentiment si fort qu'il ressentait à l'égard de son correcteur ? Comment cela pouvait-il arriver sans que l'on ne s'en rende compte ?

Taiga?

— Salut Tatsuya. J'te dérange pas ?

C'est rare que tu m'appelles le matin. Qu'est-ce qui s'passe?

— Ça fait quoi d'être amoureux ?

Hein? C'est quoi cette question?

— T'es épris de Takao et j'ai besoin que tu me décrives ce que tu ressens, pour une scène de mon roman, mentit-il ouvertement. Ça t'gêne pas ?

Ben tu sais pas c'que ça fait? demanda son ami, plutôt surpris par sa requête.

— Tatsuya, je suis jamais tombé amoureux comme toi. Même quand on était ensemble… Te méprends pas, j't'adore ! se reprit-il précipitamment, mais je crois pas t'avoir aimé comme t'aimes Takao aujourd'hui. Et toi non plus tu m'as pas aimé comme ça. Tu comprends ?

Kagami sentait qu'il avait dit une bêtise et il comptait bien qu'Himuro ne lui en veuille pas de sa maladresse. Il se gifla mentalement. Il avait vraiment l'art de mettre son quarante-sept fillette dans le plat.

C'est assez personnel, mais c'est pas non plus un secret d'État. Si c'est un coup de foudre, j'vais pas pouvoir t'aider.

— Comment ça ?

Pour moi, c'est venu progressivement, j'm'en suis pas rendu compte. Et quand j'ai réalisé, c'était trop tard, j'étais accro comme un malade.

— C'est exactement ce qu'il me faut. Mes persos n'ont pas eu le coup de foudre justement, expliqua-t-il en mettant son téléphone en main libre pour enregistrer la conversation sur son ordinateur.

Ce que je ressens… J'ai constamment envie d'être avec lui, de l'embrasser, de le toucher… pas forcément pour faire l'amour, mais juste passer mes doigts sur les siens, poser ma main sur son épaule… Si j'sais pas où il est, s'il est en r'tard, j'm'inquiète comme un malade, j'ai l'cœur qui bat à deux-cents à l'heure et s'il tarde trop, je commence à avoir peur. J'veux sans arrêt le voir sourire ou rire… le protéger de tous les malheurs du monde, qu'il ne souffre jamais, qu'il ne soit jamais triste… quand on s'prend la tête, y en a toujours un qui fait l'premier pas pour qu'on s'réconcilie… Je peux pas concevoir qu'un jour il ne soit plus à mes côtés. J'ai les larmes aux yeux, la gorge qui se serre, du mal à respirer… j'me sens… perdu… alors j'essaie de pas y penser…

— J'imagine, murmura Kagami après quelques secondes, c'est assez incroyable… Et très beau…

J'ai pu t'aider? s'enquit Himuro qui avait bien perçu le trouble de son ami. T'es sûr que ça va, toi?

— Oui… Oui, absolument, tu m'as super bien dépanné, je vais pouvoir être plus précis dans la narration… Sinon, comment ça va vous deux ? Votre projet avance ?

Kagami avait préféré embrayer sur un autre sujet. Himuro le connaissait trop bien sinon il n'aurait pas posé cette question. De plus, il savait que son correcteur lui plaisait, il le lui avait dit clairement et l'informaticien, qui avait oublié d'être idiot, n'aurait pas manqué d'additionner deux plus deux. Or, pour l'instant, l'écrivain ne voulait répondre à aucune interrogation. Il fallait d'abord que lui-même sache où il en était avant de pouvoir en parler.

On va bien. Kazu s'prend la tête avec un hacker qu'il aimerait coincer avant d'quitter la police et moi, j'mets tout doucement en place la structure de notre entreprise. Et j'bosse en même temps.

— Pas trop compliqué ?

Un peu, mais on sait où on va et c'qu'on veut faire...

— Vous passez à la maison quand vous voulez, quand vous avez un moment, tu l'sais…

Oui, t'inquiète... On f'ra peut-être un saut ce week-end...

— Génial… Merci pour ton aide…

Pas d'souci... À plus…

Kagami venait de se prendre un mégatsunami en pleine tête. Presque tout ce que lui avait décrit Himuro, il le ressentait et plus encore. Bien sûr, il n'était pas naïf au point de croire que tout le monde éprouvait la même chose, chacun est unique par définition, mais dans les grandes lignes, c'était ça. Désir de le voir, de le faire sourire et rire, rechercher sa présence, rester avec lui le plus longtemps possible en visio ou en live, ne pas le décevoir et écrire quelque chose qui lui plaise à lui d'abord et au reste du monde après, la réconciliation après les engueulades où l'un et l'autre font des concessions pour repartir sur de meilleures bases. À bien y réfléchir, leur relation écrivain-correcteur s'apparentait un peu à celle d'un couple à quelques – gros – détails près.

Comment avait-il fait pour ne pas s'en apercevoir ? Il aurait dû s'en douter quand son personnage de Spartus avait commencé à ressembler de plus en plus à Aomine. Que celui-ci était devenu sa source d'inspiration érotique ? Et pas seulement érotique, car par la suite, s'il se faisait plaisir à écrire ce roman, jamais il n'aurait songé un instant que quelqu'un puisse avoir envie autant que lui de découvrir cette histoire. De la voir s'écrire et se dérouler sous ses yeux et même de participer activement à son élaboration. Il avait toujours écrit seul jusqu'à présent et que quelqu'un s'implique autant que lui alors que ce n'est pas lui l'auteur, c'était tout nouveau et extrêmement motivant. Mais il n'y a vraiment pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir, c'était bien connu.

Et pourquoi ? Avait-il peur de ses sentiments ? Oui, évidemment, il n'avait jamais aimé comme ça, mais il n'était pas le premier à qui ça arrivait et il ne serait pas le dernier. Aimer ? Il se figea sur son siège une fraction de seconde. Était-ce bien le mot auquel il avait songé ? Et il en revint à cette crainte, cette peur de l'inconnu. Non, il n'avait pas peur d'aimer, il avait peur de perdre le contrôle de lui-même pour une raison X ou Y, qu'importe. La voilà, sa peur. Celle de la violence qu'il gardait en lui, bridée, maitrisée, enchainée et que l'agression de Furihata avait bien failli libérer. Que se passerait-il si ça arrivait ? S'il le blessait – dans l'éventualité où les choses avançaient dans le bon sens et qu'ils soient en couple ou même s'ils ne l'étaient pas –, il ne se le pardonnerait jamais. Et lui, lui pardonnerait-il ? Peu de chances… Maintenant qu'il avait compris la nature de ses sentiments, il réalisa qu'il était fou d'Aomine. Il ne voulait que son bonheur, le rendre heureux lui-même ou avec ses livres et également avec son corps. Il ne pensait qu'à lui lorsqu'il écrivait les scènes érotiques du Prix de la Liberté, il était son inspiration, sa muse. Il décrivait ce qu'il imaginait qu'il pourrait se passer entre eux pendant ces instants de communion aussi intense qu'intime.

Il posa ses coudes sur le bureau et pris son visage entre ses mains. Le voilà bien, monsieur-j'aime-trop-ma-liberté-pour-m'engager-sérieusement. Mais si ses souvenirs étaient bons, Himuro avait dit quelque chose dans le genre pour justifier le fait qu'il ne voulait pas se mettre en couple. Mais en couple avec lui. Raison pour laquelle leur relation n'avait pas vraiment fonctionné. Jusqu'à ce qu'il rencontre Takao, la personne qu'il lui fallait, celle qui le complétait à la perfection. La dernière pièce du puzzle qui manquait à son motif pour le terminer. Aomine serait-il son complément ? Sa pièce de puzzle ? Celui qui ferait de lui un être entier ? Formeraient-ils une unique entité bicéphale ? Un seul être avec deux corps et surtout deux cerveaux pour faire fonctionner le tout de manière optimale. Un tout. C'était donc ça aimer ? C'était ça… l'amour ?

Il désirait plus que tout que ce soit ça. Il tombait amoureux pour la première fois et il trouvait ça absolument merveilleux. Et compliqué. S'il voulait vraiment concrétiser ce sentiment, il allait devoir être certain qu'il était partagé. Il savait qu'il plaisait à son correcteur, mais peut-être que celui-ci ne l'aimait pas. Peut-être ressentait-il tout bonnement une attirance physique qui ne les mènerait pas bien loin. Comment savoir s'il éprouvait quelque chose de plus profond ? Et dans l'éventualité où ce ne serait pas le cas, pourrait-il le séduire et se faire aimer ? Parce qu'Aomine n'était pas tombé de la dernière pluie. C'était un adulte expérimenté et il faudrait de la subtilité, beaucoup de finesse, même si les précédents évènements en date laissaient largement entrevoir qu'il y avait plus qu'une simple envie de s'envoyer en l'air. Ils n'étaient plus des adolescents et leurs hormones étaient sous contrôle. La plupart du temps. Mais ils restaient des êtres humains normalement constitués, mais avant tout des hommes, et une stimulation mal gérée ou involontairement trop poussée pouvait vite mettre le feu aux poudres. Et là, adieu contrôle des hormones ! Bonjour soupirs, râles et vêtements en lambeaux !

Il bascula son fauteuil en arrière et posa les pieds sur son bureau. Il y avait de quoi s'arracher les cheveux. Une idée complètement saugrenue lui traversa l'esprit. Il alla sur le site internet des éditions Touou et ne trouva rien de mieux que de regarder la photo du responsable du département Science-Fiction, Aomine Daiki. Il cliqua sur la l'image et il le vit en gros plan sur son écran. D'un geste inconscient, il passa ses doigts sur la joue et le contour du visage. Il croisa les bras sur son bureau et posa son menton dessus. Et il le contempla. Il grava le moindre trait de sa physionomie dans sa mémoire. Il observa les lèvres fines et se demanda quel goût elles pouvaient avoir. Quel était le son de sa voix lorsqu'il ressentait du plaisir ? Était-il brusque ou bien plutôt sensuel ? Sensuel, c'était certain. Il se rappelait encore de cette main qui caressait Jade et elle ne s'était pas plainte la minette. Et ses yeux, si bleus et si expressifs. Il faisait passer beaucoup d'émotions et de sentiments par son regard. Même là, sur cette photo, il voyait cette ombre tapie. Qu'était-elle ? Quel mystère dissimulait-elle ? Sera-t-il un jour assez en confiance pour lui en parler ?

La confiance. Il s'était laissé tomber dans ses bras sans la moindre hésitation lors de cet exercice surprenant alors que lui avait eu un doute même s'il s'était estompé par la suite. Et il le lui avait bien fait remarquer en disant qu'il avait plus confiance en lui que lui-même en Aomine. Sur le moment, il n'y avait pas prêté attention, mais maintenant, la phrase avait un goût nettement plus âpre. Himuro avait confiance en Takao et inversement. Chacun remettait sa vie dans les mains de l'autre. Serait-il capable d'un tel sentiment ? D'un tel abandon ? Il effaça la photo de son écran et se renfonça dans son fauteuil. À présent qu'il avait pris conscience de tout ça, il fallait continuer d'avancer. Il n'avait pas le choix. Les évènements se succèderaient et il les gérerait les au coup par coup. Qu'y avait-il d'autre à faire ? S'il insistait ainsi à se torturer l'esprit, il allait finir en dépression. Pour l'instant, il était dans le flou le plus total et la logique voudrait qu'il attende que l'horizon s'éclaircisse un peu. Oui, c'est ce qu'il devait faire, se calmer. Il fallait qu'il se concentre sur son roman et qu'il donne tout pour coucher sur son clavier le meilleur de lui-même. C'est ce qu'Aomine faisait en tant que correcteur. Donc, c'était le moins qu'il devait faire lui aussi. Être parfait.


Ce vendredi soir, c'était leur premier vrai rendez-vous. Ils s'étaient vus à plusieurs reprises à l'occasion de la tournée de Furihata pour la plus grande joie de Kise. Si Kasamatsu s'était montré un peu distant au début, le blond l'avait bien senti et ça lui convenait pleinement que ça n'aille pas trop vite. Les choses avaient suivi leur cours et ils étaient beaucoup plus à l'aise l'un avec l'autre désormais. Le lieutenant lui plaisait énormément et il savait que la réciproque était vraie. À chacune de leurs rencontres, il était davantage tombé sous son charme. Il était persuadé que le policier appréciait sa compagnie, sinon il ne serait pas revenu à la librairie, et il aimerait bien que ça évolue vers des instants plus chaleureux, plus intimes.

Il avait revêtu un costume gris perle à l'aspect satiné, une chemise blanche, des chaussures noires, un trois-quarts marron foncé en cuir au col en fausse fourrure et il n'avait emporté que son portefeuille et son téléphone. Après tout, il n'avait besoin de rien d'autre. Il alla jusqu'au restaurant où ils devaient diner et fut le premier à s'asseoir à la table qui leur était réservée. Il avait préféré arriver en avance pour accueillir son rendez-vous. Il s'amusait à imaginer ce qu'il pouvait porter et à chaque fois, il n'avait pas été déçu. Kasamatsu savait se mettre en valeur même avec une simple tenue de travail comme un jeans, des baskets, un pull et un blouson, et Kise aimait ça. Alors ? Comment serait-il vêtu ce soir ? Pantalon à pinces anthracite avec un polo blanc et une veste noire aussi ? Ah ben raté ! Il voyait s'avancer vers lui, un homme diablement sexy avec un simple jeans, ah ! un point pour le polo qui était blanc, et le veston sport d'un bleu électrique sous un manteau en laine gris plomb. Il se leva et sourit.

— Bonsoir Kasamatsu, l'accueillit-il.

— Bonsoir, désolé je suis un peu en retard, répondit le policier acceptant la poignée de main. Un truc à finir au bureau…

— C'est pas grave, j'viens d'arriver aussi… Alors, votre journée ? Dites-moi tout…

À contre-pied de sa timidité apparente, c'était Kasamatsu qui avait fait le premier pas en proposant à Kise de déjeuner avec lui. Pas un diner, trop rapide pour une première entrevue. Et l'employé de Touou, qui était instantanément tombé sous le charme de ses yeux trop bleus pour être réels, mais qui pourtant l'étaient bel et bien, avait accepté immédiatement, sans même un temps d'hésitation. Maintenant, ils étaient là, dans ce restaurant italien terriblement romantique de Shinjuku. Cette fois, c'était Kise qui l'avait invité.

— J'aimerais vous demander quelque chose d'un peu… disons un peu gênant, mais j'voudrais pas que vous le preniez mal, commença Kise, légèrement tendu.

— Dites toujours, c'est l'seul moyen d'savoir, l'encouragea Kasamatsu.

— Eh bien… on s'connait depuis quelque temps, on a déjeuné ensemble à plusieurs reprises, et… J'me disais qu'on pourrait… se tutoyer…, termina-t-il dans un murmure à peine audible qui ne ressemblait pas du tout à sa personnalité joviale.

— Eh bien… Pourquoi pas ? hésita le policier, ce qui n'avait pas échappé à son compagnon.

— C'est trop tôt, vous pensez ? s'enquit timidement le promoteur, persuadé qu'il venait de faire une grosse erreur.

Kasamatsu le regarda droit dans les yeux pendant un temps qui sembla incroyablement long, à tel point que Kise commença à se sentir mal à l'aise.

— Après tout t'as pas tort, c'est plus convivial.

La réponse du policier eut pour effet d'accrocher un sourire absolument désarmant sur le visage de Kise. À croire qu'il ne ferait plus que ça toute sa vie. Certes, ils n'en étaient pas encore à s'appeler par leur prénom, c'était bien trop tôt dans leur rapport, mais déjà c'était un immense progrès. Ça donnait l'impression à leur relation d'avancer. Pas qu'une impression, d'ailleurs. L'un et l'autre sentaient bien qu'il y avait quelque chose entre eux, quelque chose qui se construisait petit à petit. Kasamatsu remarque l'air réjoui de son compagnon alors qu'il regardait à sa droite. Il tourna la tête et vit deux hommes qui dinaient comme eux, mais l'un caressait les doigts de l'autre et leurs sourires en disaient long sur le lien qu'ils devaient certainement entretenir.

— Ça te choque ? demanda Kise en revenant vers son invité.

— Pas du tout. Tant que ça reste discret…

— Ça te gêne qu'ils montrent leurs sentiments ? Leur relation ?

— Non, j'te l'ai dit, mais la vie privée doit rester privée quelle que soit l'orientation des gens…

— Je vois… Donc, si je comprends bien, à chaque fois qu'il se passait quelque chose dans les vestiaires après le sport quand tu étais au lycée ou à la fac, tu leur disais de faire ça ailleurs ? se moqua gentiment le promoteur avec un sourire canaille.

— Non… Mais… non, je tournais simplement la tête… parce que ça ne me regardait pas…

— Ne me dit pas qu't'as pas eu des occasions de t'amuser toi aussi dans les douches, j'te croirai pas, affirma Kise en piquant dans sa salade.

— Si… ça n'a jamais était plus loin que quelques baisers… pour savoir comment c'était…

— Et c'était comment ? insista le promoteur qui s'amusait de la gêne de son interlocuteur.

— T'es trop curieux, rétorqua le policier en plongeant dans son assiette.

— Aller ! Raconte !

— Et toi tu faisais quoi dans les vestiaires ?

— Pareil, des baisers… des caresses, mais à la fac c'est dev'nu plus… chaud, on va dire…

— Quoi ? T'as… dans les vestiaires ?

— J'étais plus âgé, des envies plus difficiles à contenir, j'vais pas t'faire un dessin… Et toi à la fac, t'as continué à détourner les yeux ?

Kise se régalait à le mettre en boite. Il voyait bien que c'était un sujet qui le déconcertait. Mais n'avait-il pas décidé de forcer le destin ? Il ne voulait pas une aventure d'un soir avec Kasamatsu, il désirait bien plus. Encore fallait-il qu'il parvienne à le faire sortir de sa coquille. Il le trouvait un peu trop sérieux. Lui arrivait-il de s'amuser ? Vraiment ? Genre boire un coup, faire un karaoké, aller danser en boite, voir un film au ciné ? Rire aux éclats. Kise songea qu'il ne connaissait pas le son de son rire. Juste des petits gloussements témoignaient qu'il trouvait un mot ou une situation amusante. Il décida de revenir sur un terrain moins glissant.

— Tu faisais quoi comme sport ?

— Basket…

— Sérieux ? Moi aussi ! s'exclama Kise tout sourire et bien content de ce hasard. Comment ça se fait qu'tu m'en aies pas parlé depuis l'temps qu'on s'voit ?

— C'est pas v'nu dans la conversation…

— Ça alors… J't'imagines bien avec un joli ballon orange entre les mains ! reprit Kise d'une voix plus taquine.

— Tu jouais à quel poste ?

— Ailier droit. Et toi ?

— Meneur et… capitaine, murmura Kasamatsu.

— Ben, ne dis pas ça comme si c'était une honte. Faut que j't'appelle capitaine alors… J'aime bien…, fit-il d'une voix enjôleuse.

Le serveur leur apporta le plat suivant, interrompant momentanément leur conversation. Kise réajusta sa serviette sur ses genoux et goutta à ses Spaghettis au basilic.

— Ne confonds pas avec le grade, poursuivit le policier, je n'ai pas droit de me faire appeler comme ça…

— Oui lieutenant, bien lieutenant ! le charria Kise.

— T'es toujours aussi insouciant ?

— Je suis pas insouciant, j'm'amuse… Je passe une excellente soirée avec une personne que j'apprécie beaucoup alors j'en profite, c'est tout… T'as pas l'air emballé toi, par contre, observa le promoteur, un peu tristement.

— Si… Je passe une très bonne soirée avec toi…

— Alors, raconte-moi les vestiaires à la fac, reprit Kise en retombant sur ces pattes.

— Mais pourquoi tu veux tant savoir ? demanda-t-il en posant ses mains de chaque côté de son assiette de Piccata de poulet au citron et fettucine.

— J'vais te confier un secret… Ma première fois avec une fille, je m'en souviens plus trop parce que j'étais un peu bourré et celle avec un mec, c'était le photographe pour qui je posais pour des clichés de mode dans des magasine étudiants pour me faire un peu d'argent… Il était trop craquant et… Wouaaah… fabuleux !

Le gémissement de Kise à ce souvenir électrisa Kasamatsu. À cet instant précis, l'homme face à lui dégageait une telle sensualité qu'il était impossible de ne pas tomber sous le charme. Et s'il se laissait tenter ? Inutile. Il était déjà tombé et depuis longtemps, mais il ne voulait pas se l'avouer.

— À ce point ?

— J'ai eu d'la chance… C'était quelqu'un de très attentionné… Alors, j'peux t'appeler capitaine ?

— C'est quand même mieux un lit que des vestiaires, tu crois pas ?

— Bien sûr… C'est mille fois mieux et nous le savons tous les deux… l'aguicha davantage Kise. Alors ?

— Bon, t'arrêteras pas tant qu'j'aurai rien dit…

— T'as tout compris… J'écoute…

Kise posa le bout de ses doigts sur ceux de Kasamatsu qui, contre toute attente, ne les retira pas. C'était doux, délicat, électrisant. Ils se regardèrent, se perdant dans les yeux de l'autre. L'un se noya dans cet océan d'un bleu lumineux et l'autre se consuma irrémédiablement à la flamme qui dansait dans le flot mordoré.

— C'était pendant un camp d'été. On était deux par chambres, commença le policier en jouant machinalement avec les doigts longs et fins qui s'entrelaçaient aux siens, et je me suis retrouvé par hasard avec le gars qui me plaisait.

— De suite avec un mec ? Pas de fille avant ?

— Si, mais, comme toi, rien d'extraordinaire. T'as fait des photos de mode ? s'enquit soudainement Kasamatsu en sautant du coq-à-l'âne.

— Juste pendant la fac, ça payait pas trop mal. Et donc ? s'obstina Kise qui ne perdait pas le nord.

— Je savais pas que j'lui plaisais aussi et… ce qui devait arriver arriva… C'était en première année… Il a déménagé à la rentrée suivante…

— Et depuis ? Pas de rencontre qui a compté ?

— Pas vraiment, mais c'est un peu plus compliqué pour nous, non ?

— C'est sûr, mais les loups se reconnaissent entre eux…

— Les loups ne se mangent pas entre eux, rectifia Kasamatsu en fronçant les sourcils, surpris qu'un homme de lettres comme lui se trompe.

— Je sais, je sais… Mais on sent presque immédiatement si l'autre à la même orientation, c'est ce que je voulais dire…

Kise piqua une cuillère du dessert de Kasamatsu qui avait choisi, un "Zuccotto" (1) et il proposa son "Spumone" (1) aux fruits des bois au policier qui se laissa donner la béquée. Bien qu'il trouvât ce geste un peu trop intime, la lueur aguicheuse qu'il vit briller dans le regard de son compagnon lui cravacha les reins. Il devait avoir de drôles d'idées à l'esprit pour le provoquer ainsi.

— Trop bon ton machin ! s'extasia Kise en fermant les yeux pour savourer le goût sans remarquer – ou pas – l'ambiguïté de sa phrase ni la tête du policier qui, lui, ne l'avait pas loupée.

Il le gratifia d'une œillade accusatrice et observa les alentours en espérant que personne n'avait entendu. Sauf que les deux hommes à la table à côté les regardèrent en souriant. Une expression de satisfaction s'afficha sur leur visage, heureux de voir qu'ils n'étaient pas seuls à oser sortir en public. Un sourire sans jugement, approbateur qui disait "On se cache de moins en moins".

— Furihata avait l'air aux anges à chaque fois que j'suis passé t'voir à la librairie, déclara Kasamatsu.

— Je croyais que c'était lui qui t'intéressait, fit Kise avec un sourire désarmant.

— Tu croyais mal, sinon je s'rais pas ici avec toi, rectifia le lieutenant d'un ton un peu plus sec qu'il n'aurait voulu, en mangeant une bouchée de son dessert pour cacher son trouble.

— Je suis flatté… J'avoue que j'attendais tous les jours que tu viennes voir Koki, murmura l'animateur qui n'avait pas encore abandonné.

— On prend un digestif ?

Le ton était un peu bourru. Kise ne savait plus sur quel pied danser. D'abord, il l'avait cru réceptif à son charme, et là, c'était à peine s'il ne l'avait pas envoyé bouler.

— J'conduis pas... Si un flic m'arrête et m'fait souffler dans l'ballon, je risque le retrait d'permis, fit le promoteur d'un ton respectueux des lois, surtout qu'il n'avait pas sa voiture.

— On peut appeler un taxi… Moi non plus, vaut mieux pas que j'conduise. On n'est pas ivre, mais entre l'apéritif et le vin, je crois qu'on dépasse le taux légal d'alcoolémie…

— J'en suis même sûr… Va pour l'digestif et l'taxi…

Pendant que Kise réglait l'addition, Kasamatsu avait appelé un taxi. Ils n'attendirent pas plus de dix minutes que le véhicule arrive. Ils montèrent à l'arrière et Kise proposa au policier de donner son adresse pour qu'ils le déposent chez lui en premier.

— J'ai passé une excellente soirée, dit celui-ci en souriant

— Moi aussi, faudra qu'on recommence…

— C'est moi qui invite alors…

— Si tu veux…

Le reste du chemin, qui dura moins de trente minutes, se fit dans le silence. Le chauffeur conduisait très bien, très souplement et sans à-coups. Ils arrivèrent au pied d'un immeuble d'aspect moderne. Kasamatsu y était propriétaire d'un petit appartement au neuvième étage. Le salon était équipé d'une kitchenette, il y avait deux chambres et les sanitaires. Ils descendirent du véhicule et le promoteur régla la course.

— Mais comment tu vas rentrer, maintenant ? demanda-t-il surpris.

— Ben en fait… Ne m'en veux pas… commença Kise. Ma voiture est garée juste là et j'ai pris un taxi pour aller au restaurant., expliqua-t-il en se rapprochant de Kasamatsu. J'ai appelé ton coéquipier qui m'a donné ton adresse.

— Mais pourquoi t'as fait ça ? C'est idiot !

— Tu lui avais parlé d'moi ?

— Ben oui, pourquoi ? Sinon, il t'aurait rien dit…

— J'me sens important du coup…

— Parce que tu l'es… Mais pourquoi ?

— J'avais envie de t'raccompagner jusque chez toi… J'étais certain qu'on conduirait pas…

— Mais… je comprends rien…

— C'est c'que je vois…, grommela-t-il avec un petit rire. Si j'étais reparti avec le taxi, j'aurais pas pu faire ça…

D'un pas, Kise combla l'espace qui les séparait et saisit le visage de Kasamatsu entre ses mains et vers lequel il se pencha. Il déposa un baiser très léger sur les lèvres de son compagnon qui, surpris, eut un bref sursaut, puis répondit au baiser d'abord timidement puis un peu moins. Il était d'une étonnante douceur. Kasamatsu n'était pas habitué à ce que quelqu'un prenne des initiatives comme ça. Il se sentait un peu empoté. Mais il n'était pas non plus inexpérimenté. Quand l'employé de Touou se mit à caresser sa bouche avec sensualité, ses bras parurent animés d'une volonté propre lorsqu'ils enlacèrent la taille de l'homme qui était en train de lui faire perdre la tête bien malgré lui.

— J'en rêve depuis la première fois où je t'ai vu, susurra Kise avant de glisser un baiser sous l'oreille qu'il venait de faire frissonner.

— On s'est pourtant vu plusieurs fois en tête à tête… T'as rien tenté…

— J'attendais peut-être que tu l'fasses…, répondit-il d'une voix plus rauque.

— Je crois que… si ce soir t'avais rien entrepris, c'est moi qui aurais engagé les hostilités, soupira Kasamatsu quand ce frisson lui dévala l'échine tout schuss.

— Les hostilités ? On va se battre ? susurra Kise un sourire dans la voix, et jouant toujours de ses lèvres sur la peau très réactive du cou du policier qui avait renversé la tête pour lui laisser plus de place.

— C'est du jargon de flic… ou de militaires...

— J'avais compris… C'est très sexy…

Le baiser s'enhardit et devint nettement plus enflammé. Tout doucement, Kise avait poussé le brun contre la porte de son immeuble et avait collé son corps au sien. Aucun des deux ne pouvait plus ignorer le désir qui leur raidissait les reins et Kasamatsu s'en voulut de leur faire prendre une douche froide.

— Écoute-moi…

— J'fais qu'ça… marmonna Kise en jouant de ses lèvres sur tous les coins de peau qu'il trouvait.

— Non, sérieusement…, se reprit Kasamatsu en s'éloignant un peu de son compagnon. Demain tu bosses et il est déjà presque deux heures, lui dit le policier en se reculant légèrement.

— Hein ? Mais non, c'est rien, c'est pas grave…

— Tu vas passer des heures dans cette librairie…

— Je vais encore piétiner toute la journée, je l'reconnais, acquiesça l'animateur, mais je peux venir chez toi après… enfin, si t'es d'accord…

— Ou c'est moi qui viens chez toi…

— Vraiment ?

— J't'aurais rien dit sinon… Mais tu seras crevé, non ?

— Une bonne douche et ça ira…, le rassura Kise en déplaçant une mèche de cheveux du front de Kasamatsu. On commandera des pizzas pour rester en Italie ?

— Ça me plairait bien d'y aller un jour… J'aime bien l'histoire de la Rome Antique…

— C'est passionnant et magnifique…

— Tu connais ?

— À travers les livres et les documentaires…

— Comme moi… Demain soir chez moi, vingt heures ? confirma le policier.

— Vingt et une heures. La librairie ferme à vingt heures, c'est samedi.

— C'est juste… vingt et une heures alors…

Ils échangèrent encore quelques baisers et sentirent bien qu'ils avaient du mal à se séparer. Curieusement, ce fut Kise le plus raisonnable, alors qu'il avait passé la soirée à essayer de le séduire. Et avec succès, il fallait le dire. Il s'arracha à la bouche et aux bras de Kasamatsu pour s'engouffrer dans sa voiture avant de ne plus en avoir la volonté. Ce dernier regarda le véhicule s'éloigner et rentra dans son immeuble. Il ne savait pas trop quoi en penser. Cet homme lui plaisait comme aucun autre avant lui. Il avait de l'esprit, il était cultivé et d'une élégance et d'une aisance à faire pâlir un top model. En même temps, il avait été mannequin. Peut-être pas sur les podiums des grands couturiers, mais il avait une certaine expérience. Il rayonnait de l'intérieur. Mais il ne regrettait pas. Il avait déjà éprouvé un sentiment similaire quelques années plus tôt, mais pas de manière aussi intense. Ce souvenir du camp d'été revint se promener dans sa tête et il sourit. Il aimait ce qu'il ressentait. Il venait d'entamer une relation avec un homme extraordinaire et demain soir le quartier tout entier risquait de passer en alerte tremblement de terre…

À suivre…