Me voilà de retour pour la suite des aventures de Guzi et son incapable de père !

J'essaye de me remettre à écrire et poster, je sais qu'il n'y a pas grand monde qui passe par là, mais si j'ai un-e lecteur-ice : merci à toi pour ta patience, et des bisous doux !

Merci à Moira pour sa correction, elle déchire!

Bonne lecture !


Lang Qianqiu avait rendez-vous à quatorze heures pour une séance de cinéma. Il n'y était pas allé depuis longtemps. Il n'avait pas grand monde avec qui s'y rendre, à vrai dire ; Shi Qingxuan était trop occupée avec sa petite amie. Il n'avait plus de contact avec de nombreux amis qu'il avait tant aimés, autrefois. An Le… Il préférait ne pas y penser trop. Xie Lian ? Encore moins !

Avec le décès de sa mère, quelques années plus tôt, Lang Qianqiu avait connu un sentiment très violent et très dur qu'il n'avait fait qu'effleurer avant : la solitude. À défaut de trouver un véritable coupable à toute cette douleur - que ce soit l'accident qui avait causé son statut d'orphelin maternel, ou la disparition soudaine du tout premier amour de sa vie - il avait cristallisé toute sa haine sur la personne de Qi Rong.

C'était idiot, hein, sans doute. Parce qu'il n'avait fait "que" le malmener un peu, au collège. Grand lycéen de son fait, Lang Qianqiu se souvenait de l'avoir méprisé pour quelques insultes lancées. À cette époque persuadé que sa vie serait douce, Lang Qianqiu n'avait pas tant que cela été touché par ces mots. Puis, sa vie avait été chamboulée, et Qi Rong n'avait pas changé. Xie Lian était parti, et Qi Rong était devenu pire. C'était bête comme la méchanceté décérébrée de ce type avait été son seul socle stable durant les années parmi les plus difficiles de son existence.

Puis, un jour, quelque temps avant son examen de fin d'études, Qi Rong avait disparu aussi.

Lang Qianqiu ignorait encore à ce jour s'il l'avait plus détesté pour les insultes ou pour son départ. C'était comme perdre son dernier repère ; c'était comme un phare explosé sur une côte rocheuse. Ok, c'était un guide merdique. Mais c'était un guide quand même.

Quand Lang Qianqiu l'avait vu sur Tinder, il n'y avait pas trop cru. Il avait fixé le profil longtemps, et avait matché un peu par hasard. Par accident. Il était curieux de savoir ce que ce gars qu'il avait… détesté ? Méprisé ? Peu importe - devenait. Il était d'autant plus curieux au sujet de cet enfant sur toutes les images, et de la recherche de Qi Rong d'une mère pour ce petit bout qui ne ressemblait absolument pas à son père.

Le jeune homme avait supposé un long moment que ce petit garçon était issu d'un kidnapping, sincèrement. Quand Qi Rong lui avait répondu tout naturellement que Guzi était dans sa vie depuis sa naissance, Lang Qianqiu s'était senti… Bizarre.

À vrai dire, dès qu'il l'avait vu, il s'était senti bizarre. Lui qui avait prévu de lui expliquer pourquoi il était une personne abominable qui ne mériterait jamais le bonheur… Lang Qianqiu s'était retrouvé tout penaud et perdu. Qi Rong était plus grand. Plus masculin. Plus beau, d'une certaine façon. Toujours cet air méchant - mais pas aussi proche de l'attaque d'un chien enragé qu'à l'école - et toujours cette vulgarité et maintenant cette dégaine de… bref. Mais… Aussi cette espèce de douceur quand il parlait de son fils ? Cette fierté qu'il ne cherchait pas à dissimuler ? Cette sincérité désarmante ?

Ou peut-être que Lang Qianqiu cherchait une excuse pour ses goûts douteux. Peut-être qu'il cherchait une excuse pour un béguin de longue date. Peut-être, peut-être. Sa vie n'était qu'excuses et peut-être, alors un peu plus ou un peu moins…

Enfin. Il pensait sans doute trop, là. De fait, il avait rendez-vous au cinéma, et Qi Rong lui avait envoyé un SMS ; il serait en retard, la babysitter était "supère relou ste pute" ou quelque chose comme ça. Lang Qianqiu devait donc choisir un film. Ils se parlaient beaucoup, mais surtout de Guzi ; et à vrai dire, le jeune homme passait plus de temps à regarder Qi Rong qu'à l'écouter. Quel con. Mais, connaissant quand même un peu son… ami ? Sa date ? Oh non il allait encore trop réfléchir. Non non non. Donc, connaissant… Qi Rong. Connaissant Qi Rong, le film d'amour serait trop niais pour lui. Les films d'action aussi, sans doute. Il se renseigna sur le synopsis d'une histoire d'horreur particulièrement prenante : il en avait un peu entendu parler sur internet, une longue histoire basée sur des jumpscares et des fantômes. Le truc parfait pour Qi Rong, en somme.

Lang Qianqiu acheta les places, et attendit patiemment.

OoO

Qi Rong n'aimait pas les films d'horreur.

Ok. Il avait l'air d'un super gros con, là tout de suite. Et il était un énorme con ! Parce qu'il aurait sans doute dû le dire qu'il pouvait pas blairer ça, les films d'horreur. Et quand il disait "pas blairer", il voulait dire qu'il les dégueulait de peur, les films d'horreur. Un truc de malade. Il était revenu de la séance en tremblant - mais on était en décembre alors c'était pas anormal pour lui de cailler ses grands morts et c'était passé comme une lettre à la poste pour ce gros débile de A-Qiu.

Enfin. Il espérait. Parce que peut-être qu'il avait tenu la main de Lang Qianqiu comme si sa vie en dépendait - mais, hé ! Pour sa défense, à ce moment-là, il était persuadé que sa vie en dépendait vraiment.

Quand il avait rejoint Guzi à dix-sept heures, il était toujours tremblant, mais persuadé que ça irait après une bonne nuit de sommeil. Sauf que là, il était trois heures du matin, Guzi dormait contre lui sur le canapé en cuir troué - depuis quand il s'était posé là ? Il allait chopper la mort, cette petite merde de gamin, putain ! - et lui tremblotait toujours dans un gros plaid. Le chauffage n'était pas allumé - enfin, sauf dans la chambre du gamin, de fait - parce que ça coûtait une blinde, alors il tremblait encore plus. Puis, même avec tous les volets fermés et les rideaux tirés et les lumières allumées - TOUTES. Même celle du cagibi à l'entrée, c'était vital. Bref, même avec tout ça, il flippait. Son téléphone entre ses doigts, Qi Rong se sentait… Un peu triste. Mais surtout terrifié. Et c'était putain de débile ! C'était pas comme si quelqu'un allait entrer, ou quelque chose, ahahahahah !

Il ne savait pas trop pourquoi, mais il sentait de grosses larmes sur ses joues, et les tremblements étaient de pire en pire. Il usa de toute sa force pour se redresser, secouer un petit peu Guzi pour le raccompagner dans sa chambre chauffée - il ne pouvait pas le porter seul parce que, euh… Guzi était trop lourd. Pas qu'il manque de force, hein ! Jamais.

L'enfant était trop endormi pour noter l'état de son père, et c'était tant mieux. Cette petite chiure serait restée toute la nuit pour veiller sur lui, alors que ce n'était pas son job, et c'était ridicule. Il retourna dans le salon, non sans manquer de tomber et avec ses yeux qui chialaient tout seuls. C'était débile ! C'était le truc le plus débile du monde, et personne allait rentrer chez eux et les tuer et tout, mais…

Sans trop y réfléchir, il chercha dans ses contacts le numéro de A-Qiu, et appela.

Trois sonneries, puis une voix ensommeillée qui lui répondit.

"Quoi…? Il se passe quoi…?"

Qi Rong essaya de parler. Mais à la place, il sanglota.

"Guzi, c'est toi ? Y'a un problème ?

-Il- Il pionce, connard !"

Qi Rong renifla brutalement.

"... Wow." Il semblait réveillé, d'un coup, cet enculé ! "Ça va aller ?

-À ton avis, abruti ?"

Qi Rong l'entendit bouger un peu, de l'autre côté du fil. Enfin, c'était pas un fil. Y'avait pas de fil. Et heureusement, parce que s'il y avait eu un fil, les fantômes auraient pu le couper et - l'idée était terrible et ses sanglots reprirent de plus belle. Il peina à chuchoter quelque chose comme :

"Ils vont v'nir… On va crever, A-Qiu. On va crever.

-Qu'est-ce que tu racontes ?

-T'es sourd ?! On est morts."

Lang Qianqiu semblait perdu. Néanmoins, il réagit plus ou moins vite.

"Ok, envoie-moi ton adresse, j'arrive."

Qi Rong lâcha un bruit qu'il qualifia mentalement de "super chelou".

"Tu vas pas me laisser !

-Je t'ai dit que j'arrivais !

-Tu restes au téléphone !"

A-Qiu semblait… Semblait quelque chose. Qi Rong était pas sûr, et là tout de suite, il en avait rien à foutre. Il avait peur.

"Okay, okay. Donne-moi ton adresse, j'arrive."

Qi Rong se plaça près de la porte d'entrée. Il entendait A-Qiu se lever pour s'habiller, et attraper des clés - puis, insulter les clés qui tombaient au sol et qu'il devait ramasser, vraisemblablement.

Ça le rassurait un peu. Pas qu'il avait besoin d'être VRAIMENT rassuré, mais là peut-être quand même. Mais juste un chouïa hein !

"Il s'est passé quelque chose ? Tu as encore énervé des gens ?

-... T'as raison, ça doit être la vieille peau du dessous. Cette grosse pute."

A-Qiu eut un rire. Qi Rong pouvait l'entendre souffler dans son téléphone, puis il entendit le bruit de la portière de sa voiture. L'homme souffla l'adresse de son appartement, et il entendit le bruit du moteur de la voiture. Et A-Qiu qui ne raccrochait pas. A-Qiu qui parlait un peu, même s'il semblait stressé - sans doute d'être pris en flagrant délit par des flics.

Il chuchota dès qu'il arriva devant l'immeuble - Qi Rong le supplia de ne pas sonner. Ça pourrait alerter les connards. Il déverrouilla la porte à distance via son interphone, et entendit les pas de Lang Qianqiu dans les escaliers. Il déglutit, vérifia quatre fois le judas, et une fois à peu près sûr, ouvrit la porte.

A-Qiu referma doucement la porte. Il était décoiffé. Mal habillé. Ses chaussures étaient inversées. Qi Rong s'effondra contre lui.

La suite était un peu floue. Juste, il avait eu peur. Il avait beaucoup pleuré, genre. Beaucoup. Puis, il s'était endormi sur son canapé, contre une espèce de chauffage portatif.

Ce fut l'une des meilleures nuits de sa vie.