Hello, hello.

Encore un texte écrit pour le discord Festumsempra, sur le thème des sept péchés capitaux.

Prompt : Orgueil - Il est fier de sa droiture morale, ça ne signifie pas que les autres le perçoivent comme ça.

Personnage imposé : Daphné Greengrass

Inspiration musicale : Tainted Love, Soft Cell

.

(titre par The National, as always)

.


Your ghost

.

I don't want to be your ghost

I don't want to be anyone's ghost

But I don't want anybody else

.


.

Tu me murmures des mots doux et je frissonne. Dommage. Je voudrais pleurer et ne plus te croire. Trop tard. Les intonations graves et suppliantes de ta voix me font réagir des orteils jusqu'au bout des doigts. La force de l'habitude. Je ne sais plus comment me passer de toi.

Tu continues de parler, mais je n'écoute même plus. Les yeux fermés, la tête renversée en arrière, j'accepte de me perdre.

Qu'importe la suite. Qu'importe que ce soit agréable, presque insupportable. Je ne peux plus partir. C'est plus fort que moi… Je t'aime.

Cela fait une éternité que tu ne t'attardes plus auprès de moi ; comme si tu regrettais immédiatement la tendresse que tu me donnes.

Tu as déjà quitté la pièce et tu fais face au miroir, réajustant tes boucles blondes, les replaçant autour de ton visage en une science millimétrée, parfaitement maîtrisée, que nous connaissons tous les deux par cœur. Je les préfère désordonnées et rebelles mais tu ne m'as jamais demandé mon avis. Cela ne servirait à rien de te l'avouer maintenant.

Tu te détournes et attrapes ta veste, celle à carreaux, celle que j'ai toujours trouvé hideuse et que tu portes presque tous les jours. Parfois, je me demande si tu ne le fais pas exprès pour m'énerver. Mais je ne dis rien. Je ne veux plus te fâcher.

Ça y est.

La porte est claquée, sans même un regard, ni un au revoir. Que t'importe que je sois là, prête à me damner pour toi. Tes amis t'attendent, je ne peux plus lutter avec eux.

Oh, bien sûr, je sais comment cela se passera, tout à l'heure, quand tu me reviendras enivré et troublé. Tu arriveras les mains ouvertes, les joues couvertes de larmes, me jurant que je suis la prunelle de tes yeux et que je t'ai manqué.

Mais, vois-tu, je ne peux plus te croire. Je sais ce qu'est le manque et, crois-moi, si mon absence creusait un aussi grand vide dans ton cœur que celui que tu viens combler en moi, tu ne t'éloignerais jamais.

Tes amis ne pourraient rien pour toi.

.

Je me demande parfois ce que tu leur racontes et ce qu'ils disent de nous lorsque tu n'es pas là.

Pas seulement eux d'ailleurs.

Que dira-t-on de nous plus tard ?

.

Lorsque le temps se sera écoulé, que les larmes se seront asséchées, les plaies cicatrisées, quand les rides vallonneront ton front et tes mains, que retiendra-t-on de notre amour ?

Y aura-t-il encore des gens pour se souvenir des débuts ? Les cours de sortilège où je rougissais quand tu effleurais ma main, les déclarations et les poèmes que tu griffonnais sur mes parchemins en arithmancie, les rendez-vous diurnes dans les salles vides et la ferveur avec laquelle tu m'embrassais.

La naïveté avec laquelle nous nous aimions.

Si j'avais le choix, ce serait cette vision que j'offrirais à la postérité : l'amour innocent et brûlant entre deux adolescents qui ne se souciaient pas d'être Né-Moldu et Sang-Pur.

Une époque si pure, si belle que j'en pleurais parfois… Mais je ne veux plus me faire d'illusion, je sais très bien qu'elle tombera dans l'oubli et que l'on racontera plutôt la suite, quand la guerre a grondé et que ton égo a pris le dessus. Quand tu as commencé à me détruire.

Tu avais mis tant d'efforts et de passion à me courir après… je n'aurais jamais cru que tu serais capable de me rejeter si facilement par la suite. Repenses-tu parfois à cette après-midi de décembre où tu avais laissé les larmes geler sur mes joues ?

Convictions différentes, m'avais-tu dit, semblant peu te soucier de la violence avec laquelle tu piétinais mon cœur. La vérité, c'est que des convictions, je n'en avais aucune, et toi beaucoup trop.

Un Né-Moldu et une Sang-Pur, c'est risible, affirmais-tu. Étrange comme, soudainement, la prétendue nature de notre sang comptait. Triste comme tu ne l'as jamais oubliée depuis ce jour.

Pas même cette nuit orageuse de juillet où tu m'as trouvée, ivre dans un bar de Kensington, où nous avons dansé en nous dévorant des yeux, où tu m'as ramenée chez toi comme si tu ne m'avais jamais répudiée, et où nous avons couché ensemble pour la première fois, comme si je ne t'offrais pas une part de moi que je ne récupérerais jamais.

C'est à ce moment que j'aurais dû m'enfuir, que j'aurais pu me sauver… mais mes jambes et mon cerveau avaient refusé. Même mon cœur - ce traître - ne pouvait s'empêcher de battre pour toi. Tes lèvres sur les miennes ont toujours été plus puissantes que toutes les drogues du monde.

Et pourtant, à ce moment déjà, même avec le sang gorgé d'alcool, je l'avais lu dans ton regard et dans la manière dont tes mains dansaient sur ma peau. Ce n'était pas moi que tu aimais, c'était ce que je représentais. Le plaisir que tu exprimais dans ce lit, ce n'était pas moi qui te le donnais, c'était le futur. Tu savais ce que je ferais de toi : un héro.

Tu en étais déjà un, bien sûr, ton cœur porte encore les cicatrices de la guerre et de tes pertes, mais cela ne voulait rien dire. Tout le monde est un héro de guerre à notre époque. Ce n'était pas assez pour toi. Tu as toujours aimé être meilleur que les autres et c'est là que tu avais besoin de moi.

Le Né-Moldu et la Sang-Pur… après la guerre, c'était impossible, sauf pour nous, sauf pour toi, Justin, le champion du pardon, le bourreau des préjugés. Que t'importait ce que ma famille et mes proches avaient tenté de faire aux tiens. Tu étais au-dessus de tout cela. C'est ce que tu as montré à tous en tout cas.

Comme tu étais fier de t'afficher avec moi, m'exposant à ton bras à toutes les soirées mondaines, chantant mes louanges - en public en tout cas. Et je t'avais imité. J'avais fait semblant d'y croire moi aussi, je riais à tes blagues et j'acquiesçais quand tu parlais d'avenir. J'avais pris ta main et accepté de me jeter dans le vide avec toi, comme si nous avions une chance, comme si nous ne savions pas déjà que tu me briserais une nouvelle fois le cœur.

Tu disais à tes amis que tu m'épouserais et je me souviens avoir pensé qu'il n'y avait que toi de suffisamment cruel pour plaisanter sur un sujet pareil. Car tu n'as jamais vraiment voulu que je sois ta femme et moi, je n'ai jamais cessé d'être hantée par ce mariage, ces enfants que tu me faisais miroiter.

Ironique n'est-ce pas ?

Astoria m'avait prévenue pourtant. Les Nés-Moldus et les Sang-Purs ne se mélangent pas. La guerre n'a rien changé, a tout empiré même. Ce n'est pas une question d'impureté, d'infériorité. C'est simplement que les contes de fées n'existent pas, que les gens comme nous n'ont pas droit au Prince Charmant et à la fin heureuse. Ni pardon, ni rédemption.

Un Né-Moldu et une Sang-Pur. Absurde.

Astoria avait raison. Comment ai-je pu croire que tu serais celui qui viendrait me libérer ?

Cela fait quoi ? trois ans que nous nous sommes retrouvés ? Je ne me suis jamais sentie aussi faible, misérable et captive qu'auprès de toi.

Bien sûr, tu as embelli la prison, mais n'aie pas le culot de nier la réalité : je suis ta prisonnière. Toutes tes marques d'affection n'y feront rien : tu n'as jamais été mon amant, tu n'es que mon geôlier.

Même si tu m'aimes… que tu me le dis en tout cas… J'ai lu les livres et les poèmes. Je ne crois pas que l'amour ressemble à cela.

Te souviens-tu de notre quatrième année ? Je m'étais achetée une nouvelle paire de chaussures pendant l'été. Je les avais arborées dès le premier jour de l'année, fière d'arpenter les couloirs avec ces souliers vernis, jaune fleuri. Elles t'avaient fourni le prétexte pour m'aborder. Rougissant mais déterminé, tu m'avais complimenté de ce choix audacieux pour une Serpentard. Nous avions parlé de champs de jonquilles, de safran, de rayon de soleil et, moi, j'étais tombée amoureuse de ton sourire.

Un simple compliment, des simples chaussures trouvées sur l'étal d'un marché, et mon destin était scellé.

Je ne pouvais plus t'échapper.

Te souviens-tu combien je les aimais ces petits souliers ? Je les portais tout le temps, et je savais que tu souriais en me voyant passer, je me réjouissais d'être, par le simple bruit des talons sur le sol, responsable de l'apparition de tes dents blanches.

Je les enfilais chaque jour, sans me soucier des ampoules qu'elles me faisaient aux pieds, j'avançais sans grimacer, malgré les pansements qui se décollaient et m'arrachaient lentement la peau. Je n'osais pas aller voir Mme Pomfresh pour qu'elle m'apprenne des sortilèges anti-blessures, j'avais peur qu'elle se moque, qu'elle me dise de jeter ces chaussures qui m'abîmaient les pieds. Je ne voulais pas les quitter. C'était ma paire préférée, la seule que je voulais porter.

Tu ne t'étais pas laissé abuser, tu avais vu plus loin que mes airs détachés et je t'avais avoué la vérité, te montrant honteusement un bout de ma peau ensanglantée.

Tu avais ri, te moquant de la tragique condition des femmes, prêtes à souffrir chaque jour, simplement pour la coquetterie de chaussures belles à leurs pieds.

Mais ensuite tu m'avais embrassé plus tendrement que jamais.

Je n'ai jamais jeté cette paire couleur jonquille mais tu ne m'as plus jamais embrassé ainsi.

Tu me blesses chaque jour Justin.

Je t'aime.

.

.

Je me dis parfois que j'aurais dû parler de ma douleur, t'imiter et me plaindre auprès de mes proches, les laisser me dire que je devrais partir. J'aurais dû leur avouer que rien n'avait changé, que j'étais toujours aussi douée pour sourire à travers la peine, mais que, cette fois, la douleur était un peu plus forte que celle d'une ampoule au pied. Pas grand chose… juste des petites piques, rien que des frêles coupures de papier. Seulement, voilà, un milliard d'entailles ont fini par me tuer.

J'aurais dû leur dire, mais je ne suis pas comme toi, je n'ai jamais réussi. C'était trop impensable de les regarder et de parler de ma souffrance. Surtout avec Blaise. Je savais très bien ce que m'auraient répondu ses yeux : « Si seulement tu ne l'avais pas choisi lui, comme tu aurais pu être heureuse avec moi. Je t'avais offert mon cœur, tu l'as dédaigné et pourtant, il t'aurait tant aimé. »

C'est sûrement ma punition pour la peine que je lui ai causée. On ne peut briser le cœur des gens et s'en sortir impunément.

Sauf le mien, apparemment.

Ils s'en tous allés maintenant, tu m'as coupé de tous. Même Astoria. Je ne les reverrais jamais et c'est peut-être mieux ainsi. Toi et moi, Justin, en enfer pour l'éternité.

Je ne vois pas pourquoi tu t'obstines encore à nier.

L'horloge du salon sonne deux heures. J'ai beaucoup de mal à voir passer le temps, mais de cela je suis sûre, tu es parti depuis si longtemps.

Reviens-moi.

Mais reviens-moi vraiment.

Ne reviens pas seulement pour un moment, pour m'offrir de la tendresse uniquement parce que tu es ivre, que tu te sens coupable et seul. Reviens-moi de tout ton être et que tout redevienne comme avant.

Regarde-moi comme avant, quand tu disais que j'étais la personne la plus belle, la plus intéressante, la plus drôle, la plus émouvante que tu connaisses. Touche-moi comme avant, de tes doigts délicats et hésitants, comme si j'étais bien trop précieuse, toujours sur le point de se briser.

Mais plus que tout, pitié Justin, parle-moi comme avant. Écris-moi des poèmes, demande-moi comment je vais, comment était ma journée, raconte-moi ton travail, confie-moi ce qui te pèse sur le cœur.

Offre-moi des fleurs.

Cours te réfugier dans mes bras.

Laisse-moi te couvrir de baisers.

Aime-moi Justin, aime-moi comme avant.

Je ne peux pas être la seule à souffrir. Je ne peux pas être la seule qui voudrait revivre les dimanches matins où nous traînions dans le lit en nous chamaillant, les samedis pluvieux à lire côte à côte sous une couverture, les promenades dans les rues de Londres où tu faisais tout pour ne jamais avoir à me lâcher la main, les soirées avec tes amis où je leur parlais à peine parce que j'étais trop occupée à te regarder.

Ne me mens pas Justin, je sais que toi aussi, parfois, tu rêves de cette époque où nous prétendions que notre amour ne pourrait jamais dérailler.

Je t'ai tant donné, tant sacrifié pour nous sauver… Mais ce n'est jamais assez pour toi Justin. Il n'y a pourtant plus rien que je puisse faire. Il n'y a que toi désormais qui puisses nous rendre vie.

Alors, pitié, reviens-moi.

.

.

Répondant à mes supplications, j'entends le bruit de tes clés dans la serrure. Comment peux-tu encore nier ce lien - plus fort que tout - entre nous ?

Je n'ai même pas besoin de sentir ton haleine, ton regard quand tu franchis la porte me suffit. Tu as bu. Autant, peut-être même plus que d'habitude. Tu t'approches d'un pas trébuchant et je peux voir que tu as pleuré. La seule chose que je voudrais savoir, c'est si tes larmes ont coulé sur son épaule à elle. Si son odeur flotte sur tes vêtements, si elle a essuyé les pleurs sur tes joues, si elle a tenté de te réconforter pendant que tu te lamentais. Si elle t'a dit une nouvelle fois que tu devrais partir.

Que leur as-tu dit cette fois ? Que je suis folle, jalouse et geignarde ? Que tu me hais ?

As-tu le courage de leur avouer toutes les déclarations, toutes les promesses que tu me fais encore ? Certains jours… quand tu me dis que tu ne supportes plus cette situation et que je te menace de m'en aller. Leur révèles-tu, qu'inévitablement, tu finis toujours par te jeter à mes pieds, en pleurant et en me suppliant de rester ?

Culotté de ta part quand tu es celui qui, le premier, a tenté de m'abandonner. Tu peux raconter ce que tu veux sur ma sanité d'esprit, je n'ai rien inventé, le parfum d'Hannah imprégnant tes vêtements, tes regards fuyants, tes lèvres distantes, nos disputes incessantes… Je sais que je n'ai pas rêvé. Cette nuit, où tu n'es pas rentré avant le petit matin, alors que je t'appelais de tout mon être, alors que je te suppliais de venir me sauver… avant qu'il ne soit trop tard... je ne l'ai pas inventée. Par pitié, cesse de me mentir, je sais que tu te préparais à partir, à me quitter une fois de plus. Aurais-tu seulement le courage de me regarder dans les yeux et de me démentir ? De m'affirmer que je me trompe et que tu ne t'imaginais pas une vie loin de moi, de mes sautes d'humeur, de mes larmes et de mon amour absolu pour toi.

Seulement le monde ne fonctionne pas ainsi Justin. Tu as promis.

Cette nuit d'été, tu m'avais promis que tu m'aimerais. J'avais pleuré dans tes bras et tu avais essuyé mes larmes, t'excusant de m'avoir tant blessé, m'assurant que tu prendrais soin de moi. Lorsque tu m'avais embrassée, tu m'avais certifié que mes lèvres étaient les seules que tu connaîtrais.

Lorsque tu m'avais serré contre toi, nous nous étions juré Justin. Toi et moi. Contre le monde entier. Pour l'éternité.

L'éternité Justin, pas seulement deux ans, pas vingt, ni même cent.

Tu ne peux pas me quitter.

Qu'importe que tu me haïsses.

Moi aussi, je te déteste parfois.

Mais notre amour revient toujours. C'est dommage, mais c'est ainsi.

.

.

Tu t'es encore approché de moi. Les larmes maculent tes joues. Tout comme tu as laissé les miennes geler, je regarde les tiennes couler. Je lève la main mais ce n'est pas pour les essuyer. J'effleure tes boucles dorées… Comme je voudrais d'un geste brusque les bousculer, leur donner la vie qui nous a désertés.

Tu te tiens si près de moi et je te vois frissonner.

Justin… Que nous est-il arrivé ?

.

Tes yeux parlent tout seul. Ils me crient que tu m'aimes encore, cela je le sais bien. Mais nous savons bien que tu ne m'as jamais aimé assez.

Je suis sûre que les autres te rassurent, te certifient que ce n'est pas ta faute, que tu n'as rien à te reprocher, que j'étais folle.

Ils te mentent Justin.

Tu m'as tuée cette nuit-là. Tout aussi sûrement que si tu avais enfoncé le poignard dans mon cœur.

.

Tu ne frissonnes même pas lorsque ma main traverse ta poitrine, ivresse ou habitude, le froid ne te fait plus réagir. Tu restes impassible tandis que je cherche à saisir ton cœur. Évidemment, je ne sens rien, mais, toi, tu es si immobile que je me demande si tu es encore vivant ou si nous ne sommes pas deux fantômes, hantés par le souvenir des battements effrénés de leurs cœurs amoureux.

Tes lèvres remuent, et sans même me concentrer, je devine les mots silencieux qu'elles articulent.

« Va-t-en… Pitié… Cesse de me hanter. »

Je ne peux pas, Justin. Je t'ai tout donné.

Il n'y a que toi pour moi. Pour l'éternité.