Malgré toute l'émotion du moment , Emma ne s'en tira pas indemne surtout après qu'elle eut informé sa mère du petit arrangement qu'elle avait avec Monsieur Gold. Regina était soudainement devenue rouge de colère et elle eut du mal à ne pas crier tant elle était folle de rage, non pas contre sa fille mais contre ce vil renard qui avait profité de la situation – comme à son habitude.
La punition tomba donc : jusqu'à nouvel ordre, Emma était privée de toute sortie. Le matin, elle prendrait le bus pour se rendre à l'école et, le soir, après être passé par la boutique de l'antiquaire, elle devrait se rendre directement à la mairie où elle attendrait, dans une salle à part, tout en faisant ses devoirs, que sa mère ait terminé sa journée.
Il fallait avouer qu'il n'y avait pas énormément d'aspect sur lesquels l'enfant pouvait être punie en dehors de sa liberté mais la brune avait bien l'intention de lui faire comprendre sa leçon.
Fini les balades à vélo après l'école. Terminé les sorties à l'épicerie pour s'acheter des friandises ou des magazines. Adieu les virées sur la plage pour permettre à Rex de se défouler. La fillette allait avoir un planning pensé à la minute, non, à la seconde près et au moindre petit retard, elle verrait sa punition s'allonger et se durcir.
Emma n'était pas très enthousiaste en imaginant le rythme de vie qu'elle aurait pour les prochaines semaines mais elle n'avait d'autre choix que d'accepter les sanctions. Elle avait beaucoup trop tiré sur la corde cette fois-ci, se mettant en danger et inquiétant toute la ville au passage, alors elle devait se racheter, surtout auprès de sa mère.
Le lendemain matin, la nouvelle organisation de la journée débuta. Le week-end arrivant n'y changea rien.
Regina réveilla donc sa fille, tôt dans la matinée, et elles prirent le petit déjeuné ensemble, dans un silence apaisant. La petite blonde avait pris l'habitude de rester plus longtemps au lit les samedis alors ses paupières eurent du mal à rester ouvertes, son corps lui criant de retourner s'allonger pour partager un énième câlin avec sa peluche qui lui faisait de l'œil. Malgré la fatigue qui se voyait bien sur son visage, elle lutta pour ne pas piquer du nez devant sa tasse de choco-cannelle fumante.
Une fois toutes les deux prêtes, elles quittèrent le manoir et s'en allèrent à pied. Elles marchèrent de longues minutes, passèrent par le Granny's où la brune se prit un café mais aussi une part de brownie au beurre de cacahouète qui avait été promis au tracassin.
L'ambiance dans le diner était tendue, dès qu'elles y mirent les pieds, les discussions cessèrent et tous les regards se tournèrent dans leur direction. Tous les faits et gestes de la mairesse étaient épiés par des dizaines de paires d'yeux, ils étaient tous à la recherche d'un indice, d'un élément accusateur, d'une marque de violence qui prouverait sa culpabilité. Evidemment, le fait qu'elle ait giflé sa fille la veille avait déjà fait le tour de la ville et elle n'osait imaginer ce qui avait été dit sur sa personne.
Comme quoi, que ce soit à StoryBrooke ou dans la forêt enchantée, les habitants ne rataient jamais une occasion de médire à son sujet.
« Alors, comment est-ce que tu vas ma grande ? » Lança Granny, qui se voulait innocente, tout en emballant la viennoiserie.
« Maman m'a fait un bon chocolat ce matin alors je suis en pleine forme ! » Affirma Emma avec un large sourire.
Elle se doutait bien que la veille dame ne cherchait pas à mal en lui posant cette question, bien au contraire, grand-mère Lucas avait toujours été profondément gentille avec elle et sa mère. Seulement, contrairement à elle, toutes les autres personnes présentes dans le petit restaurant attendaient avec impatience un détail croustillant qui pourrait alimenter les conversations de la journée. Les habitants de StoryBrooke n'étaient pas particulièrement mauvais, bien au contraire, mais ils avaient une passion un peu trop poussée pour les ragots ce qui avait toujours mis l'enfant mal à l'aise.
En même temps, Regina avait mis un point d'honneur à lui faire comprendre à quel point il était mal de parler sur quelqu'un en son absence alors comment aurait-elle pu adhérer à leur comportement ? Ça allait tout simplement à l'encontre de l'éducation qu'elle avait reçu depuis sa plus tendre enfance.
Quoi qu'il en soit, une fois que sa mère eut récupéré son gobelet fumant, elle attrapa le sachet de viennoiserie avant de s'en aller, un immense sourire toujours plaqué sur le visage. Dès qu'elles furent à l'extérieur, elle ne put s'empêcher de regarder en direction de la brune qui avançait sans un mot, elle se doutait bien que celle-ci devait être blessée par le comportement des villageois mais elle était encore trop jeune pour savoir ce qu'il fallait dire dans ce genre de situation alors elle se contenta d'attraper sa main et de marcher à sa hauteur.
Dans le silence, elles remontèrent la rue jusqu'à la petite boutique d'antiquité qui n'avait pas encore ouvert ses portes aux public même s'il y avait déjà du mouvement à l'intérieur. Elles contournèrent alors la devanture pour se rendre sur le côté, au niveau de la porte de secours que le tracassin ne tarda pas à venir leur ouvrir.
« Brownie au beurre de cacahuète. » Annonça joyeusement la fillette en lui tendant l'emballage.
« Voyez-vous cela, j'apprécie grandement quand un contrat est respecté. » Dit-il avec un sourire en coin.
« Une promesse est un promesse ! »
« Si tous les habitants de StoryBrooke pouvaient avoir ta mentalité, j'aurais bien moins de soucis à me faire. » Soupira Rumple avant de reprendre : « Dis-moi, est-ce que tu pourrais passer le balais dans la boutique pour que je puisse ouvrir ? »
Emma hocha la tête et se glissa à l'intérieur sans demander son reste. Malgré la punition qu'elle avait reçue, elle était heureuse de pouvoir aider Monsieur Gold, après tout, il lui avait quand même été d'une grande aide dans la résolution de sa quête alors elle comptait bien lui rendre la pareille autant que possible.
« Votre Majesté. » Souffla le ténébreux qui savait pertinemment que son élève devait fulminer à l'idée qu'il ait passé un contrat – bien qu'insignifiant – avec sa fille chérie.
« Je reviens la chercher dans une demi-heure. Trente minutes, pas une de plus et ne t'avises pas de tenter quoi que ce soit sinon... »
« Sinon quoi ? Enfin, je ne suis pas un monstre ! » Assura l'homme avec un sourire malicieux.
Regina leva les yeux au ciel et lui tourna le dos. Elle n'était pas du tout rassurée à l'idée de laisser son enfant avec l'antiquaire, elle le connaissait suffisamment pour savoir à quel point il représentait un danger. Le ténébreux, celui qui terrorisait des royaumes entiers rien que par son nom, prenait toujours un malin plaisir à s'immiscer dans la tête des êtres les plus purs pour les noircir petit à petit et elle refusait, catégoriquement, de le laisser faire une chose pareille à la fillette.
Elle avait bien essayé de la convaincre de ne pas y aller, elle lui avait même proposé d'alléger sa punition en échange mais Emma s'était montrée ferme sur ses positions. Elle voulait, plus que tout, tenir parole même si, pour cela, elle devait rester punie plus longtemps.
D'un côté, la brune ne pouvait s'empêcher d'être fière puisque son comportement résultait directement de l'éducation qu'elle lui avait donné. Elle lui avait transmis de bonnes valeurs et, malgré son jeune âge, sa fille faisait déjà en sorte de les mettre en pratique ce qui ne pouvait que la rendre heureuse mais, d'un autre côté, elle aurait vraiment préféré que Rumple n'ait aucun lien avec ladite promesse.
N'ayant d'autres choix, elle revint sur ses pas pour s'éloigner de la petite boutique. Elle sirota son café qui avait déjà refroidu tout en laissant l'air frais balayer ses cheveux en arrière.
Comme tous les jours depuis un certain temps, Marco était perché sur son escabeau en bois pour réparer la devanture du magasin de verrerie. Ruby, vêtue de son short le plus court, se faisait enguirlander par sa grand-mère parce qu'elle avait, une nouvelle fois, passé la nuit à faire des folies sans penser au service de la matinée qui l'attentait – sans grande surprise, elle était épuisée et refusait d'assurer son poste. Arrivant au bout de la rue, Regina s'arrêta quelques instant afin de laisser passer Archie qui promenait Pongo pour leur balade matinal – encore une fois, il souligna à quel point la journée était belle avant de s'en aller. Puis ce fut au tour de Mary-Margaret d'entrer en jeu.
Le week-end était arrivé et pourtant l'institutrice courait déjà partout, elle devait se rendre à l'hôpital où elle faisait du bénévolat et, sur le chemin, elle avait tendance à être bien trop perdue dans ses pensées pour faire attention au monde qui l'entourait. Combien de fois la mairesse l'avait-elle percutée de plein fouet, elle-même plongée dans sa contemplation de la ville ? Bien trop souvent, beaucoup trop même, alors elle se décala d'un pas et porta son intérêt sur un stand de fruit où elle acheta une pomme, bien rouge, le temps de voir passer son ennemie de toujours qui trébucha un peu plus loin sur ses propres lacets défaits.
La vie était d'une beauté incontestable lorsque tout se déroulait selon ses plans. Chaque action de chaque habitant arrivait à point nommé, ils n'étaient rien de plus que des marionnettes et elle était la marionnettiste. Ils répétaient inlassablement les mêmes actions, les mêmes discussions, les mêmes erreurs sans en prendre conscience.
Au fond, étaient-ils toujours pourvu de conscience ? La brune s'en fichait éperdument, le temps avait beau filer et pourtant, elle s'amusait toujours autant à les voir répéter, jour après jour, la même chorégraphie comme un mécanisme bien huilé.
Pourtant aujourd'hui, elle allait perturber le rythme de ce spectacle quotidien. Elle allait modifier les pas de danse d'un de ces bouffons tout en espérant que cela n'ait aucune incidence sur le reste de la troupe.
Sans attendre, elle entra donc dans le garage où régnait déjà un vacarme assourdissant. Entre la musique de fond, le bruit des machines et les jurons qui valsaient, elle se demandait sincèrement comment les deux hommes faisaient pour ne pas perdre l'audition. D'ailleurs, dès qu'ils s'aperçurent de sa présence, ils s'empressèrent d'aller éteindre la radio.
« Madame le maire ? Un problème avec votre voiture ? » Lança Billy.
« Pas le moins du monde, je suis venue pour m'entretenir avec Monsieur Tillman. » Annonça-t-elle froidement.
« Que puis-je faire pour vous ? » Fit l'homme qui s'approcha presque timidement.
« Où sont Ava et Nicholas ? » Questionna-t-elle en les cherchant du regard.
« Granny a bien voulu me les garder pour que je puisse venir au travail mais je suppose que vous n'êtes pas là pour parler des jumeaux. »
« Vous supposez bien, je veux que vous passiez un moment avec ma fille. » Dit-elle de but en blanc.
« Je vous demande pardon ? »
« Je veux que vous emmeniez Emma au parc ou à la plage, comme bon vous semble, et que vous passiez un moment avec elle. Vous n'avez qu'à lui apprendre à jouer au football. » Grommela la brune.
« Je sais jouer au baseball mais c'est tout. » Souffla Michael qui pensa à voix haute.
« C'est dangereux ? Elle pourrait se blesser ? » Questionna la jeune femme, les sourcils froncés.
« Eh bien, non, pas vraiment. »
« Très bien, faites donc alors. Vous devez aller la récupérer chez Gold dans un quart d'heure et vous me l'amènerez à la mairie pour l'heure du déjeuner, ne soyez pas en retard. »
Regina lui tourna alors le dos, prête à rebrousser chemin pour enfin se rendre à son bureau où une immense pile de dossier l'attendait mais ce fut sans compter sur l'homme qui l'arrêta dans son élan en lui agrippant le bras. Elle n'était pas du genre à apprécier les contacts physiques, bien au contraire, elle les avait en horreur. Elle détestait le simple fait d'être touché, elle avait besoin que son espace personnel soit respecté et ce garagiste à la tenue sale venait clairement de piétiner sa zone ce qui l'agaçait au plus haut point.
« Je suis désolé mais ça ne va pas être possible. Comme vous pouvez le voir, on a énormément de boulot aujourd'hui, je n'ai pas le temps de m'occuper de mes propres enfants alors d'Emma ? »
« Billy, dites-moi, est-ce que cela pose réellement un problème si cet homme prend sa matinée pour passer du temps avec ma fille ? » Lança-t-elle en direction du gérant qui se cachait, tant bien que mal, derrière une carrosserie en piteux état.
« Non, bien sûr que non ! Il peut même prendre sa journée si vous le voulez madame le maire ! » Assura-t-il, bien trop peureux à l'idée de ce que la femme pourrait lui faire s'il avait le malheur de ne pas aller dans son sens.
« Très bien alors, maintenant, je vais vous donner un petit conseil Monsieur Tillman. Si vous voulez garder vos enfants une journée de plus, vous avez intérêt à aller chercher Emma dans quinze petites minutes à la ridicule boutique d'antiquité que tient Monsieur Gold, il vaut mieux pour vous qu'elle ait passé un excellent moment lorsque vous me la ramènerez sinon je vous jure que j'userais de toutes les procédures légales pour vous retirer les jumeaux. Est-ce que j'ai été suffisamment clair ? » Fit doucement la brune pour qu'il soit le seul à l'entendre.
« Oui Madame. » Marmonna l'homme sans oser soutenir son regard.
