Ils dormirent peu jusqu'au soir. Pour ne pas céder au découragement, chacun avait échafaudé un plan plus ou moins farfelu dans sa tête : la capture de Georges d'Amboise, la mise à sac de Notre-Dame, le meurtre et le vol de la Pomme aux Borgia une fois que ceux-ci auraient mis la main dessus, au risque de déclencher une guerre plus violente encore que le simulacre belliqueux que Louis XII menait contre eux... Maintenant que le sommeil avait porté conseil, ils se taisaient, et leurs idées conçues par des demi-rêves s'étaient rangées dans un coin de leur tête.
Ils s'accordèrent pour poursuivre les fouilles, faute de pouvoir faire mieux pour le moment.
Cette fois, Selene monta au sommet de la cathédrale avec un peu moins d'appréhension.
Les émanations des bouquets de fleurs fraîches lui frappa les narines lorsqu'elle s'approcha de nouveau des chapelles. Au-dessus d'elle, dans les tribunes, Ugo s'impatientait devant leur impuissance à tous les quatre, devant Notre-Dame insondable. Même les notes qu'il avait prises avec lui ne l'aidaient pas. Il avait soigneusement dessiné les symboles du tableau de Gozzoli dans un petit carnet, lors de sa dernière nuit au Repaire. Aucune annotation : juste des symboles simples. Depuis sa modeste couche, il s'était persuadé qu'ils seraient utiles, qu'ils lui montreraient une voie : si le peintre en avait fourni son tableau, alors ils les retrouveraient sur le lieu-même. Pourtant, aujourd'hui, ces symboles ne parlaient pas. Peut-être ne s'agissait-il qu'une fantaisie d'artiste, ou qu'avec les temps, on les avait oubliés.
Et le Maître qui, sans doute, avait quitté Rome pour les rejoindre ! Que dirait-il si ses précieux élèves se présentaient à lui les mains vides ?
Ugo balaya cette pensée. Valentino et Vittorio s'étaient replongés dans leur mutisme habituel. Valentino, usant de ses talents d'acrobate, examinait les arcs en ogive et les briques du plafond, prétextant qu'il était idiot qu'un artefact aussi terrible que la Pomme d'Eden fût placée à hauteur d'homme.
Selene évitait de le regarder, il lui donnait le vertige. À la lueur du cierge, elle étudia soigneusement la disposition des statuettes, des vases, les aspérités de la pierre et du grès... Elle les déplaça, tenta de soulever les plateaux qui surplombaient autels et tombeaux, gratta les plaques commémoratives, frappa des phalanges sur les blocs de pierre pour vérifier s'ils sonnaient creux...
Mais rien n'y fit.
Notre-Dame ne livrerait pas facilement ses secrets. Il ne restait plus qu'à prier pour qu'un éclair de génie leur traversât l'esprit, ou qu'un coup de chance monumental leur tombât dessus.
Selene posa le cierge sur une dalle, s'accroupit et se frotta les yeux. Quelques minutes de pause, et elle passerait à la chapelle suivante...
… lorsque le chant retentit de nouveau.
Selene rouvrit les yeux et arrêta de respirer, afin d'écouter mieux. Oui, c'était bien la voix éthérée, lointaine, douce et inquiétante, la même qu'elle avait perçu quand elle était entrée dans la cathédrale pour la première fois.
Elle interpella ses compagnons :
— Vous entendez ?
Ils tendirent l'oreille. Ils crurent que quelqu'un venait ; ils reculèrent dans l'ombre, prêts à bondir.
— Qu'y a-t-il ? chuchota Ugo.
— J'entends une chanson. Quelqu'un chante, quelque part, dit-elle.
— Alors il est temps de nous en aller.
— Non. Je l'ai déjà entendue.
— Quand ?
— Quand nous sommes venus, avant-hier.
— Pourquoi tu n'as rien dit ?
— Parce que je croyais que quelqu'un annonçait le début de la messe. Mais il n'y a personne.
— Et pourquoi nous n'entendons rien, nous ?
— Je l'ignore, Ugo.
Selene se releva, marcha lentement dans le déambulatoire, puis dans la nef, cherchant d'où provenait le son. À peine audible, le chant continuait. Quelqu'un, quelque part, délivrait un chant mélodieux qui ne se terminait jamais ; aussi cette personne ne semblait jamais respirer. Elle fredonnait une chanson, dans une langue incompréhensible, avec des notes qu'elle n'avait jamais entendues.
De connu, il n'y avait que ce sentiment, celui du fervent chagrin des chants religieux, qui vrillait l'âme.
Selene prit peur. C'était impossible. Comment pouvait-elle entendre quelque chose dont personne n'avait jamais eu connaissance ? Et quelque chose qui, pour les autres, n'existait pas ?
Elle plaqua les mains contre ses oreilles la chanson lui parvenait encore. Alors, c'était bien dans sa tête ?
Ugo l'observait, les sourcils froncés. Vittorio, qui n'avait rien dit depuis longtemps, s'agaçait du comportement de la jeune femme :
— Selene, gronda-t-il. Ce n'est pas drôle. Arrête.
— Je ne comprends pas.
Il n'y avait rien à comprendre, hormis qu'elle devenait folle. L'espace d'un instant, elle pensa qu'il y avait alors une chance, même infime, qu'elle eût complètement rêvé et que son idylle avec Ezio n'eût jamais existé.
Et si, pour de bon, il l'avait éloignée de lui à cause de ses élucubrations ?
Et si elle avait réellement mis le Mentor dans un embarras tel que la Confrérie elle-même avait vacillé ?
Et si, à cause d'elle, la crédibilité d'Ezio Auditore avait été entachée à tout jamais ?
Selene sentit un frisson d'horreur lui parcourir tout le corps.
— Je crois que tu devrais rentrer, Selene, lui dit Ugo. Tu es fatiguée.
Elle comprit que ses délires gênaient l'inspection des lieux. Lui proposer de regagner son lit était une façon polie de lui dire de dégager.
Le front baissé sur sa honte, Selene se hissa au niveau du vitrail. Elle s'immobilisa avant de se faufiler par le passage.
Le chant gagnait en intensité.
— Attendez !
Les autres levèrent la tête vers elle. Elle pointa du doigt les ogives.
— Cela semble venir d'en haut.
Les trois hommes soupirèrent.
— Au plafond ? demanda Valentino. Il n'y a rien.
— Non, plus haut. Au-dessus. Dans le toit ?
La curiosité d'Ugo fut piquée ; il ravala son agacement et écouta ce que Selene avait à dire. Aucun d'eux n'avait pensé à jeter un œil dans la charpente, protégée entre les pierres et les tuiles.
Ugo pria pour qu'ils tinssent enfin une piste. Le seul problème résidait dans le fait qu'ils ignoraient comment atteindre les combles de Notre-Dame.
Valentino devina leur souci. D'un geste de la main et avec une courbette élégante et exagérée, il les invita à sortir.
— Je vous emmène.
Retrouver l'air frais du dehors ne fit pas taire le chant. Malgré le vent qui sifflait dans ses oreilles, Selene entendait toujours distinctement la voix éthérée. Les contours gothiques de la cathédrale, dessinés sous la pâle lumière du clair de lune, n'avaient plus, grâce à la mélodie, l'air aussi lugubre qu'alors. Selene lui trouva une troublante beauté.
Elle trembla un peu en hauteur, bien que ce fût l'été, il faisait froid. Les nuits de Paris n'avaient rien de la torpeur des nuits italiennes. Elle resserra sa cape autour de son cou. Valentino les mena jusqu'au toit il les fit grimper, agiles, sur la tour Nord.
En passant le long des ouvertures de la tour, Selene distingua les silhouettes arrondies des deux énormes bourdons, rutilants dans la clarté blanche de la lune. Les cloches de Notre-Dame dormaient paisiblement, insensibles à la présence des Assassins qui rampaient sur la pierre comme de petits insectes noirs.
Selene tendit une main timide pour les toucher. Les bourdons étaient froids et lisses, impossibles à faire bouger d'une simple poussée. Fascinée par leur envergure, la jeune femme resta quelques secondes à les admirer. Dans quelques heures, ces tonnes de fer s'ébranleraient et réveilleraient tout Paris de leur rugissement métallique.
Elle résista à l'envie de monter sur la tour Sud et de regarder par les interstices : ses compagnons l'attendaient, en équilibre sur la toiture dont l'inclinaison importante, elle s'en rendait compte, aurait découragé les plus téméraires.
L'intensité du chant augmentait au fur et à mesure qu'ils s'approchaient du toit. Un rapide regard à ses compagnons lui indiqua qu'ils n'entendaient rien.
Mais pourquoi, bon sang, était-elle la seule à l'entendre ?
— C'est ici, dit-elle en désignant la toiture bleue. La voix vient d'ici. C'est sûr.
Les trois Assassins doutaient toujours de la santé de Selene et avançaient avec réticence, mais son délire était la seule piste qu'ils avaient. Valentino fut le premier à sauter sur le toit.
— Et maintenant, plaisanta Ugo, après avoir découpé du vitrail, tu vas soulever des tuiles ?
Valentino prit une posture des plus acrobatiques et, calé sur les rares aspérités du toit, se pencha pour leur montrer une faille dans la pierre :
— Tu ne crois pas si bien dire.
Cramponnée aux fioritures du toit, Selene avait le vertige. Il lui sembla qu'à tout moment les semelles de ses bottes allaient glisser sur les tuiles et qu'elle se briserait en contrebas.
Elle observait Valentino pour se distraire de son mal. Celui-ci se coucha à plat ventre, rampa au bord du toit et pencha la moitié dans le vide.
— Il vous faudra être souple, les amis, dit-il. Le passage est juste en dessous. C'est un peu étroit, mais par chance nous avons tous un peu maigri pendant le voyage...
D'une adroite galipette, il disparut. Ugo s'aplatit à son tour, tâtonna contre le mur, chercha des prises, puis disparut à son tour, suivi par Vittorio. Il ne resta plus que Selene, occupée de lutter contre cette soudaine peur de tomber. A son tour elle s'allongea sur les tuiles glacées, se traîna jusqu'au bord du toit et tendit les bras ; de la paume des mains elle chercha le trou dans la pierre, et se demanda comment diable elle allait y pénétrer.
Pour ses compagnons, entraînés à une telle gymnastique depuis des années, c'était un jeu d'enfants. De nouveau, elle se sentit faible et inutile, quand elle sentit deux mains lui attraper gentiment les avant-bras. La voix d'Ugo retentit ; tout agacement en avait disparu. Elle était bienveillante et elle rassura la jeune femme, qui se trouvait alors la tête renversée dans le vide, et les yeux, effrayés, braqués sur les pavés.
— On va t'aider, Selene.
Selene sentit qu'on l'attirait avec douceur. Lorsqu'elle fut enfin de nouveau debout, elle se sentit mieux. L'endroit qu'ils avaient atteint était plongé dans le noir, ainsi ne distinguait-elle qu'à peine ses compagnons. Ils ne virent pas son regard empli d'une gratitude gênée ; elle n'osa pas dire merci.
L'endroit était plongé dans l'obscurité, la lumière de la lune qui déclinait, bientôt avalée par l'aube, n'en éclairait que l'entrée. Au froissement de plumes et aux faibles roucoulements que suscitait leur présence, Selene comprit que la cachette abritait une multitude d'oiseaux.
— Bienvenue dans la Forêt, les amis, murmura Valentino. Dommage que vous ne la voyiez pas.
— Où sommes-nous ? demanda Vittorio.
— Au cœur de la charpente de Notre-Dame. Tendez-les mains, touchez les poutres : chacune vient d'un chêne différent. C'est un miracle de charpenterie...
Selene tendit la main, effleura le bois tiède. La matière avait gardé la chaleur de la journée pas étonnant que les volatiles de Paris fussent nombreux à avoir élu domicile ici.
— L'entends-tu encore, Selene ? La voix ?
Elle acquiesça. Oui, elle l'entendait, et le son s'était intensifié depuis qu'ils étaient là. Elle fit quelques pas en avant, à l'aveuglette, s'étonna de l'entendre plus fort, toujours plus fort, jusqu'à ce que les voix de ses compagnons fussent complètement recouvertes par le chant.
Les mains tendues devant elle, Selene avançait vers ce qu'elle pensait être la source de la voix. Mais personne, hormis eux, ne se trouvait sous la charpente. N'était-ce vraiment qu'une illusion ?
Elle effleura doucement les poutres, pour ne pas se cogner pendant sa progression. Elle n'entendit pas Ugo qui lui parlait, sourde à tout sauf à cette mélodie qui lui emplissait jusqu'à l'intérieur de la tête.
Soudain, elle sentit une vive chaleur irradier sa paume. Elle sursauta, posa ses deux mains sur le bois. Elle appela les autres, ne s'entendit pas appeler, ni expliquer qu'il y avait quelque chose fichée dans la poutre, que c'était de là, précisément, d'où venait l'étrange musique.
Elle déclencha sa lame secrète et commença à tailler dans la poutre, faisant jaillir des morceaux de bois, qui laissèrent apparaître de curieux éclats de lumière. Vittorio, croyant comprendre de quoi il s'agissait, se mit à l'aider.
Bientôt, un objet magnifique apparut, rond, luminescent, gravé de signes, enfoncé dans le cœur de la poutre.
Le Fragment d'Eden.
Les quatre Assassins prirent un moment pour l'admirer, des larmes de joie au bord des yeux, à la fois subjugués par sa beauté et sidérés de l'avoir trouvé d'une façon aussi... simple ?
Le chant se tut. Le Fragment avait accompli sa mission : guider Selene jusqu'à lui.
Quelle bonne idée les Orsini avaient eue ! Dissimuler la Pomme au milieu d'une forêt... la peinture de Gozzoli prenait son sens, désormais.
Après un long moment de contemplation, la question redoutée se posa : qui allait la toucher ? Qui prendrait le risque d'être corrompu ? Ils auraient dû attendre le Maître, car il n'y avait que lui pour la saisir, mais le temps pressait, et le Mentor tardait.
Tous les regards convergèrent vers Selene, hypnotisée par l'artefact. C'était grâce à elle qu'ils l'avaient découverte quand la tâche semblait irréalisable. Une question subsistait : pourquoi la Pomme s'était-elle adressée à la jeune femme, et à elle uniquement, pour leur montrer le chemin ?
— Selene, dit Ugo, il n'y a que toi qui puisses la prendre.
— Pourquoi ?
— C'est à toi qu'elle s'est adressée.
— Je ne comprends pas...
Pour Ugo, cela paraissait pourtant évident :
— Tu es une Auditore. Tu es la nièce du Prophète. C'est tout.
La jeune femme, incrédule, continuait de fixer la Pomme, la gorge sèche. Alors, il en était ainsi. Le sang des Auditore, qu'elle avait longtemps considéré comme une malédiction, lui permettait de s'emparer de l'un des artefacts les plus puissants et les plus convoités au monde.
Selene tendit la main, et la prit.
Une grande lumière inonda l'endroit pendant un court moment, la Pomme leur montra la Forêt, toute illuminée d'or. Les oiseaux, surpris par cette soudaine et puissante clarté, s'envolèrent dans un tourbillon de plumes, frôlant les têtes des Assassins. Quand l'obscurité et le silence revinrent enfin, que la Pomme se calma entre les paumes de Selene, ils reprirent leurs esprits.
— Alors ça y est, c'est fini, souffla Vittorio.
— Notre séjour à Paris est déjà terminé, soupira Valentino, un peu déçu.
— Ne tardons pas, fit Ugo. L'ennemi saura vite que nous l'avons en notre possession s'il nous voit quitter la capitale. Il faut disparaître, maintenant.
Selene, sonnée, écoutait les autres et ne trouvait pas la force de donner son avis. Elle suivrait, c'était tout. Ce qui venait de lui arriver était incroyable.
Elle était heureuse. Ils allaient pouvoir rentrer à Rome, le Mentor serait fier d'eux. Elle gagnerait de nouveau l'estime d'Ezio ; s'il ne la détestait pas, peut-être lui resterait-il un peu d'affection.
— Rentrons à l'auberge et préparons-nous, dit Ugo.
Selene, empaquetant ses affaires, prit quelques minutes pour réfléchir. Au Repaire, elle avait entendu Machiavelli, Leonardo et Ezio converser sur la dangerosité de la Pomme, sur sa façon de manipuler les esprits les plus faibles et avides de pouvoir. Pourtant, depuis qu'elle la possédait, elle ne se sentait pas différente. Elle pouvait la tenir au creux de sa main, n'éprouver ni désir de l'utiliser ni soif de pouvoir. Par ailleurs, elle ressentait sa puissance inouïe, et elle songea que si l'artefact tombait entre de mauvaises mains (celles de Cesare Borgia, par exemple), ce serait une catastrophe.
Heureusement, cela n'arriverait pas.
Une heure plus tard, ils saluèrent Susanne et Jacquemin (désolés de les voir partir si tôt), et leur bagage sur l'épaule, se rendirent aux écuries. Quand huit heures du matin sonna, ils terminaient de seller leurs chevaux. Valentino tendit les rênes de sa monture apprêtée à Selene :
— Peux-tu me la garder un moment ? J'aimerais dire au revoir à Paris de là-haut.
« De là-haut ». La jeune femme comprit que Valentino souhaiter admirer Paris une dernière fois depuis les sommets jumeaux de Notre-Dame.
Car Valentino savait, maintenant que le Fragment avait été récupéré, qu'il ne reviendrait plus en France pendant un moment. Pour qu'il revienne, il n'avait plus qu'à souhaiter que la guerre s'éternisât, ce qui n'était pas vraiment dans ses vœux les plus chers.
Il embrassa du regard une dernière fois l'immense ville de Paris, étincelante dans la lumière blanche du soleil à son zénith. En contrebas, trois petites silhouettes regardaient dans sa direction. Il leva la main, signalant qu'il redescendait.
Sur la place, ses trois amis l'attendaient, sans impatience, suivant des yeux Valentino qui glissait sur la pierre avec aisance. Ils lui accordaient cette ultime faveur avec plaisir ; après tout, ils devaient bien ça à leur guide. Ils avaient trouvé la Pomme grâce au don inexpliqué de Selene, mais elle n'aurait jamais pu l'exploiter si Valentino ne leur avait pas montré le chemin.
Soudain, une flèche siffla au-dessus de leurs têtes. Ugo et Selene levèrent les yeux, et virent avec horreur le trait frapper Valentino dans le dos.
Valentino s'arqua, lâcha la tête de la gargouille à laquelle il s'était accroché, et s'écrasa sur le parvis.
Ugo et Selene poussèrent un cri d'horreur. Ugo fit faire demi-tour à sa monture et s'apprêtait à la lancer au galop quand une flèche l'atteignit au flanc. Son cheval se cabra sous la surprise et il chuta lourdement.
Selene, le Fragment dans la poche, avait du mal à contenir sa peur. Tout s'était passé en une fraction de seconde ; elle avait à peine eu le temps de comprendre que Valentino était mort et Ugo à terre.
Autour d'eux, une vingtaine des cavaliers de la Garde Française jaillirent des rues alentours pour les encercler. Ugo retira le trait de sa blessure, celui-ci s'étant fiché maladroitement dans la chair ; un flot de sang s'écoula sur le pavé sec.
La paume des mains appuyée sur sa plaie, Ugo, les yeux emplis de larmes de colère et de chagrin, vit son meilleur ami s'avancer dans le rang des ennemis.
— Vittorio...
— Maudits chiens italiens ! brailla le lieutenant. Vous êtes en état d'arrestation pour complot contre la France !
Selene fit un geste pour dégainer son épée mais elle fut aussitôt arrêtée dans son geste : les gardes français l'attrapèrent par les jambes et par la ceinture, la forçant à descendre de son cheval. La jeune femme se débattait et hurlait de toutes ses forces pendant qu'on la tirait au sol :
— Vittorio ! Le Mentor te retrouvera, tu le paieras !
Le traître gardait la tête baissée, le visage dissimulé dans l'ombre de sa capuche.
Selene reçut un violent coup derrière le crâne et perdit connaissance.
