Titre : Le Fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient
Pairing et personnages pour ce chapitre : Shura x Angelo, (Aiolia x) Marine, Shaina, Saga, Simon
Rating : T
Note : Bonjour à vous, tous mes vœux pour cette nouvelle année 2024 ! J'espère que la précédente s'est bien finie et que celle-ci a bien commencé. Une grosse pensée pour tous ceux pour qui cela n'a pas été le cas à travers le monde.
Merci aux fidèles lectrices et commentatrices, grand soutien pour moi ! Merci aux ajouts divers, variés et… silencieux.
Mini-Chan : je te réponds Ngikhona comme tu me l'as demandé et comme il est correct de répondre à ta salutation. J'espère que tu as passé de merveilleuses fêtes de fin d'année avec les animaux, la nature, la magie de ce monde sauvage. J'ai pensé à toi car j'ai regardé un magnifique et bouleversant documentaire, le César du meilleur documentaire 2022, la Panthère des Neiges, réalisé par Vincent Munier et sa compagne. Je ne m'en suis toujours pas remise. Je ne sais pas si tu en as la possibilité, mais je te conseille vivement de le voir. Avec une telle sensibilité et un tel amour des animaux et de la nature que tu possèdes, il est impossible qu'il ne te parle pas. Ce documentaire 'était un peu mon cadeau de Noël, une merveilleuse découverte. Pour le chapitre précédent, je suis heureuse que tu aies tant aimé, merci pour chacun de tes mots. Je ne peux peux malheureusement pas répondre à ta question sur la tolérance à l'homosexualité féminine avec précision, je n'ai pas eu le temps de faire des recherches plus approfondies. De ce que je sais, il n'y avait pas vraiment de notion d'homosexualité et d'hétérosexualité, mais un ensemble de pratiques sexuelles qui étaient évaluées selon la citoyenneté de l'individu, sa place dans la société, son âge… mais il est vrai qu'on parle pas beaucoup des relations entre femmes. Le fait est que la pédérastie éducative telle qu'institutionnalisée dans la Grèce antique était considérée comme utile à la société, à la bonne marche de la cité, puisque les hommes, mariés ou non, éduquaient/initiaient les adolescents et les adolescentes. Alors que les relations entre femmes n'apportaient rien de particulier. Et la pédérastie éducative étant très codifiée et réglementée, je ne pense pas que des femmes pouvaient se poser en initiatrice ou éducatrice des jeunes dans ce domaine. Merci encore à toi, et précision inutile, mais je comprends très bien ton français, il n'y a aucun problème. Merci de faire cet effort. A bientôt, prends soin de toi surtout !
Un petit coucou à ViMIki : encore merci pour ta review précédente, merci de continuer ta lecture, mais aussi et surtout bonne reprise et bon courage pour les études ! Tous mes vœux pour 2024, dont la réussite !
Le chapitre était beaucoup trop long, je l'ai donc coupé en deux pour une meilleure lecture et appréciation de chaque scène. Il peut ainsi paraitre un peu court après deux semaines de pause et je m'en excuse, mais le prochain arrive dimanche prochain, voire même plus tôt, si je peux ! J'avais des choses à aborder avant l'anniversaire d'Aioros que je ne voulais pas laisser en suspens. Pour les fans de Saga et d'Aioros, promis, le prochain chapitre sera pour vous.
Bonne lecture à tous !
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Le Fil rouge du Destin
Chapitre Trente-neuf : C'est dans l'absence que l'on découvre l'intensité de l'amour, ou ses ravages.
(Tahar Ben Jelloun)
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Treizième temple
Salon azur
Soirée d'anniversaire de Milo
8 novembre 1989
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Avisant Marine et Shaina assises autour d'une des tables installées le long des murs, à discuter, Angelo décida de les rejoindre car cela faisait un moment qu'il n'avait pas parler avec elles.
Il fit deux légers détours sur le chemin, l'un pour passer derrière Shura, dont il caressa rapidement la main que celui-ci avait tendu en arrière en le sentant ou voyant arriver, sans cesser sa discussion avec Hyoga et Mu, et un deuxième vers le buffet de boissons.
- Je dérange pas ? demanda-t-il en arrivant enfin auprès d'elles.
- Pas du tout ! assura Marine en souriant à Angelo. Assis-toi.
- Ça aurait été encore mieux si t'avais ramené à boire… l'accueillit Shaina de son côté.
Le Cancer sortit une bouteille de vin de derrière son dos qu'il posa devant elle.
- Tu crois que j'te connais pas, la Vipère alcoolique ?
- Toujours aussi agréable…
- C'est méchant, surtout, désapprouva Marine en frappant le bras d'Angelo.
Celui-ci tira une chaise et s'installa à côté d'elle.
- C'est taquin et véridique. La bouteille est pas restée sur la table plus de deux secondes, t'es déjà en train de te servir.
- Vu qu'apparemment, t'allais pas le faire… se défendit-elle en remplissant le verre de Marine, puis le sien.
- Tu m'as même pas laissé le temps de m'asseoir ! Hey, tu sers pas le ravitailleur ? protesta-t-il en la voyant reposer la bouteille en ignorant son verre tendu.
- Non.
- Tchhh… grimaça-t-il en attrapant la bouteille de vin.
- C'est un peu mérité, approuva Marine.
- Parmi tout ce que j'aurais pu prendre sur la table qui déborde, j'ai choisi de ramener un Naoussa Grande Réserve, et c'est ton vin préféré, la Vipère, mais continuons de faire comme si tu l'avais pas remarqué ! Et toi, poursuivit-il en se tournant vers Marine, au lieu de soutenir ta copine, dis-moi plutôt, la Tanzanie, Ashura, le volcan, tout ça, c'était comment ?
Marine et Aiolia s'étaient mariés mi-octobre, lors d'une grande cérémonie au Sanctuaire au cours de laquelle ils avaient reçus la bénédiction d'Athéna, mais avaient aussi organisé une cérémonie civile à Athènes.
Le décès d'Aiolia, comme celui des autres Chevaliers tombés lors de la Guerre Sainte contre Hadès, n'avait pas été signalé aux administrations municipales, car Athéna avait eu très tôt le projet et la détermination d'exiger leur retour à la vie.
Il était donc toujours un citoyen actif de la cité.
Par respect - ou pour se faire bien voir, le taquinait Angelo - Aiolia avait tout de même demandé l'avis de Rhadamanthe.
Celui-ci lui rappela seulement qu'à sa mort, tout s'effacerait des registres municipaux et de la mémoire des personnes qui interviendraient ce jour-là. Comme ce serait sûrement le cas bien avant son décès, cela n'avait aucune importance.
Même s'il était fort à parier que les employés allaient se souvenir quand même longtemps de cette cérémonie réunissant un nombre réduit de personnes, mais toutes plus belles, élégantes, troublantes les unes que les autres, hommes et femmes confondues.
Individuellement, aucun d'eux ne passait inaperçu, alors en groupe, c'était encore autre chose.
Au-delà du physique, ils dégageaient tous quelque chose qui faisait immédiatement reconnaître au commun des mortels qu'ils étaient en présence d'une personne importante, différente, noble mais non dans le sens aristocratique, mais plutôt de la pureté de l'âme et du cœur.
Mais aucun des Chevaliers n'avait prêté attention, ils étaient concentrés sur le jeune couple qui, enfin, concrétisait l'un de leurs rêves.
Et eux-mêmes n'avaient chacun d'yeux que pour l'autre.
Ils avaient ensuite attendu l'anniversaire de Dokho et la fête de départ pour pouvoir s'envoler à leur tour pour leur lune de miel : un séjour en Tanzanie avec safari inclus pour 15 jours.
Ils en étaient revenus deux jours plus tôt, seulement.
- T'es vraiment mordu, toi, se moqua gentiment Marine.
Le Cancer haussa un sourcil, perplexe.
- De quoi tu m'causes ?
- Tu vois ta moitié partout. Ce n'est pas A -Shura, le nom de la ville, mais Arusha.
- Tchhh, c'est pas grave, tu m'as compris, non ? grommela Angelo en fusillant Shaina du regard, car elle se moquait ouvertement de lui.
- Parler du nom de Shura me rappelle qu'il est bien le plus cosmopolite de nous tous, et c'est peu dire.
Le Quatrième gardien reporta son attention sur Marine qui croquait une grosse olive verte, sur laquelle son regard ne put que s'attarder.
En effet, c'était une Bella di Cerignola, la plus grande variété au monde, qu'il avait lui-même ramené d'Italie, rappelant ce record avec fierté à chaque occasion.
Mais pas cette fois-ci, puisque Marine avait parlé de Shura..
- Qu'est-ce que tu racontes, encore ?
- Tu as dû le remarquer, Shura est espagnol…
- Nan, jure ?
Elle lui frappa le bras une nouvelle fois sans ménagement, le faisant rire, même s'il recula tout de même pour ne pas se prendre un deuxième coup.
Les serres de l'Aigle étaient suffisamment dangereuses pour s'en méfier.
- Je disais donc qu'Il est espagnol, il a un nom inspiré de la tradition hindou, Ashura, justement, son attaque Excalibur est issue d'une grande légende française, et sa constellation évoque la chèvre grecque Amalthée.
- Et il se tape un bel Italien, le meilleur cru de la Sicile...
- Mais par Athéna, pourquoi tu gâches toujours tout ! s'exaspéra Marine en tapant du plat de la main sur la table.
- Tu poses vraiment la question ? ricana Shaina.
- C'était pas à toi qu'elle la posait, en tous cas ! intervint le Cancer. Ok, disons que sa moitié d'orange est italienne, ça te va, comme ça ?
- C'est un peu tard, Angelo…
- Tu l'as dit toi-même, j'suis mordu, donc de toute façon, tu sais bien que ça n'a rien de péjoratif ou de réducteur !
- Quand même, ce n'est pas une façon de parler.
- Ok, je m'excuse… Alors, raconte plutôt la Tanzanie ! Tu me dois bien ça, après les heures que t'as passé à m'en parler… C'était comme tu voulais ?
- Comme on le voulait tous les deux, Aiolia et moi, répondit-elle avec un grand sourire qui montait jusqu'aux yeux.
- Vous avez vu ses copains ?
- Ses copains ?
- Le roi de la savane avec son rugissement tonitruant et sa crinière de feu !
- Dans le parc Arusha, ce ne sont pas les lions qu'on voit le plus. Et nous ne rêvions pas d'y aller pour pour ça, Angelo.
- Je sais, tu voulais voir les flamants roses et les singes bleus.
- Et les plus belles vues sur le Kilimandjaro, ajouta Shaina. Sans forcément y monter.
- Mais par contre, tu voulais crapahuter avec ton petit Chaton sur le volcan de quoi, 4000 mètres ?
- Le Mont Meru fait 4566 ou 68 mètres, je ne sais plus exactement. Et on a fait les deux, au final ! Une excursion au Kilimandjaro et une visite du volcan et du cratère Ngurdoto.
- À tes souhaits…
Marine tira la langue à son aîné et poursuivit.
- On a aussi vu de magnifiques oiseaux exotiques, il y en a beaucoup dans ce Parc. Il est moins connu que celui où on a fait notre safari photos, pourtant, je l'ai autant apprécié. Aiolia est du même avis. Il y avait aussi beaucoup moins de monde. Nous avons vraiment passé des moments magiques, tous les deux, je ne savais même pas qu'on pouvait être si heureux, et je n'imaginais pas qu'on pouvait s'aimer encore plus fort…
- C'est vraiment dommage qu'on soit à moitié crevé à l'intérieur, tu seras sûrement revenue avec un joli petit lionceau dans le tiroir, voire deux…
- Angelo ! protesta Shaina en tapant du poing sur la table.
- Quoi ? J'ai pas besoin de ménager Marine, c'est pas une petite nature et j'lui ai toujours dit franchement ce que je pensais, que ça fasse mal ou pas !
- Et je t'en remercie, lui répondit-elle justement. J'apprécie. Ne t'inquiète pas, Shaina, cela ne me peine pas et Angelo le sait. Vous le savez tous les deux. Après avoir vécu sans Aiolia pendant des mois, sans jamais réussir à accepter sa mort, le retrouver a été comme si moi-même je ressuscitais. Il n'y a rien, au monde, aujourd'hui, que je ne désire plus que d'être à ses côtés. Est-ce que j'aurais voulu être mère ? Peut-être, mais uniquement de ses enfants, seulement avec lui. Je préfère renoncer à cela que de renoncer à lui. Le sens de ma vie, c'est d'être sa femme, pas une mère.
- Les deux auraient été parfaits pour toi, mais puisqu'il a fallu faire un choix, moi, j'suis content que t'aies pu faire celui qui te convenait le mieux ! Tu profiteras mieux de ton Chaton sans un mioche dans les pattes !
- De mieux en mieux… soupira Shaina.
Angelo la fusilla du regard, mais ne releva pas.
- Le principal, c'est que t'aies bien profité avec lui de votre voyage.
- C'est le cas, vraiment, pleinement. Les photos sont en cours de développement, on vous les montrera dès que possible pour que vous voyez à quel point nous avons apprécié.
- Tant mieux. Dommage que vous n'ayez pas pu rester plus longtemps, on était plus parti sur trois semaines que deux pour notre cadeau commun.
- Et on vous en remercie encore. Mais on devait être là pour l'anniversaire de Milo, ce soir. Et je voulais absolument découvrir la Tanzanie en automne. Trop repousser nous aurait sorti de la meilleure période. Mais ce n'est pas grave, nous comptons bien retourner en Afrique, il y a tant de pays magnifiques à découvrir ! Ce monde sauvage, authentique et préservé est fascinant ! Ce sera sûrement plus modestement, car ce sera à nos frais, cette fois-ci, mais peu importe !
- Nous, on a voulu faire les choses en grand pour votre lune de miel, mais en vrai, vous pouvez vous passer de tout le chichi des voyages organisés, fit remarquer Angelo entre deux gorgées de vin. Vous risquez absolument rien dans la savane, surtout que le Chaton, pour le coup, il pourra vraiment jouer au roi des animaux. Y en a pas un qui va broncher dans les fourrés, s'il gonfle une simple seconde son cosmos flamboyant.
- Il n'a pas tort, approuva Shaina. Quand on est parti au Kenya avec Chiara, on a eu aucun souci en dormant à la belle étoile. Les animaux étaient là, mais aucun ne nous a approché. Contrairement aux mecs bien lourds dans les zones habitées…
- Si c'était des hyènes, c'est normal, elles allaient pas s'en prendre à leur cousine…
- Chiara va apprécier.
- Je parlais pas d'elle.
Shaina écrasa son talon de huit centimètres sur les orteils d'Angelo, que le cuir de la chaussure ne protégea pas, et qui faillit donc recracher sa gorgée de vin.
Il protesta d'une longue tirade en italien que Marine peina à comprendre, où apparemment il était question d'un talon aussi pointu que la langue était fourchue…
- Et sinon, Angelo, reprit-elle pour tuer dans l'œuf tout début de dispute, avec tout ça, on a jamais eu l'occasion d'en reparler, alors que ça commence à dater…
- De quoi tu veux causer ? demanda-t-il en portant son attention sur son amie, après un dernier regard noir à Shaina.
- Au final, comment cela s'est passé avec Saga à ton retour de la Clinique, quand Simon a été blessé ? Tu as réussi à te calmer facilement au sujet de cette histoire de tuteur légal ?
- Oh ! Ça… Bah oui, j'avais pigé le truc, quand même, j'suis pas débile…
- Faut le dire vite…
Angelo ignora Shaina, alluma une cigarette sous son regard désapprobateur et replongea dans ses souvenirs.
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Flash-back
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Le Sanctuaire
19 octobre 1989
Fin d'après-midi
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Au retour de la Clinique, Angelo confia Simon à Marine et Shaina pour se rendre au Treizième temple et faire son rapport à Saga.
Shura le laissa monter seul et s'arrêta chez lui.
A peine frappa-t-il à la porte du bureau que la voix grave et chaleureuse de Saga résonna, l'invitant à entrer.
Ce qu'il fit sans tarder.
- Grand Pope, le salua-t-il avant de refermer la porte.
Saga était debout devant un grand meuble à dossier.
Il se tourna vers lui et lui fit signe de s'asseoir.
- On est que tous les deux, mais dans ton bureau quand même, et t'as ton chiton long, du coup, je dois mettre un genou à terre ou c'est bon ?
- Assis-toi, lui répondit Saga en prenant lui-même place derrière le bureau. Étant donné que tu es énervé contre moi, ce geste serait déplacé d'un côté comme de l'autre. Quand tu fais les choses à contrecœur, elles en deviennent presque des insultes.
- T'en vouloir pour quelque chose me dispensera jamais du respect que j'te dois, répliqua Angelo en tirant le siège pour s'asseoir. C'est aussi valable pour Aioros. Comme ça l'a été pour Shion, et le Vieux Maître.
- C'était pourtant un peu difficile avec Shion, à notre retour, au début de votre relation.
- On a pas la même, toi et moi. Ni le même passé.
- C'est vrai, lui accorda Saga. De ce fait, aucun de vous n'aura besoin de nous témoigner la déférence que l'on observait envers Shion et Dokho, lorsque nous serons en privé et dans un cadre non officiel. Les titres et les courbettes ne seront nécessaires qu'en Salle du Trône, sur le Domaine si nous ne sommes pas seuls, éventuellement à Rodario ou tout autre déplacement. Et évidemment, en présence de notre Déesse.
- Oui, vous avez bien insisté là-dessus. Ça va juste prendre un peu de temps pour s'habituer.
- C'est autant une liberté que nous vous accordons qu'une demande de notre part. Mais nous savons, Aioros et moi, que nombre d'entre vous aurons bien du mal à la mettre en pratique.
- C'est évident, ricana Angelo. Je compte déjà plus le nombre de fois où t'as repris Shura qui te sert du « votre Éminence » a chaque mot qu'il t'adresse, même en privé.
- Il arrive à se contenter d'un Grand Pope, parfois. Même si son « Grand pope » n'est pas le tien.
- C'est sûr… Mais j'sais bien que quand c'est moi qui le dit, ça sonne un peu ironique, comme si j'me moquais… C'est pas le cas, on est d'accord, hein ? voulut s'assurer le Cancer en se penchant légèrement en avant.
- Disons, pas toujours… nuança Saga. Quand tu es énervé, justement, tu me le jettes un peu à la figure, reconnais-le.
- J'm'en cache pas. Désolé pour ça. Tu me connais, j'suis un sanguin.
- Et toi aussi, tu me connais, Angelo. Tu sais que je n'ai jamais voulu te piéger, concernant Simon. Ni aucun de nous, car la décision ne venait pas de moi, mais je l'ai vivement approuvé.
- Le truc, c'est que personne m'en a parlé... C'est ça, qui m'énerve !
- Pourquoi, Angelo ? L'idée que l'on puisse suffisamment te connaître, aujourd'hui, pour savoir que tu ne t'y serais pas opposé est si difficile à accepter ?
Angelo croisa les bras et s'enfonça dans son siège en grommelant.
- Nous aurions effectivement dû te le dire, reprit Saga en retenant un sourire. Ce n'était pas intentionnel de notre part. La décision nous a paru si logique que, sûrement, nous avons chacun pensé qu'il n'était pas nécessaire d'en discuter avec toi, puisque tu serais d'accord.
- Comment vous avez pu savoir que je dirai oui, alors qu'au début, j'voulais même pas de sa charge ! fit valoir le Cancer en se redressant. J'ai accepté à contrecœur !
Saga ne répondit rien et se contenta de longuement regarder Angelo, qui finit par, à nouveau, s'enfoncer dans sa chaise.
- Arrête de faire ton Grand pope !
- Ce serait dramatique pour tout le monde, si je t'écoutais, répliqua Saga avec un petit sourire en coin.
- Tchhh…
- Angelo, à la seconde où tes yeux se sont posés sur Simon, on a tous entendu ton âme et ton cœur résonner d'un même cri.
- Lequel ? ricana amèrement le Cancer. Au secours ? Foutez-moi la paix ? Sauvez ce pauvre gosse, éloignez-le de moi ?
Comme Saga le regardait une nouvelle fois en silence, posant seulement sur lui ses yeux qui voyaient si loin et parfaitement en lui, Angelo se leva pour faire quelques pas dans la pièce.
- Allons, reviens t'asseoir, Angelo. N'en parlons plus. Je sais comment tu fonctionnes, tu réagis à chaud, puis tu réfléchis. Je ne doute donc absolument pas que tu aies compris que nous n'avions aucunement agi à ton encontre.
Le Quatrième gardien revint s'asseoir face à son Pope.
- J'vois bien qu'en m'occupant de Simon, en l'entraînant, il peut se blesser, j'peux être amené à le conduire quelque part où on me demandera qui j'suis pour lui. J'ai pas tellement envie de passer pour un kidnappeur de gosse ou un pédophile…
- Évidemment que non. Tout est donc clarifié, n'est-ce pas ?
- Ouais… pardon, oui, Grand pope.
Et il n'y avait aucune ironie, juste du respect.
- Alors dis-moi, maintenant, comment cela s'est passé, à la Clinique ? demanda-t-il ensuite en reprenant le dossier qu'Angelo avait posé sur le bureau en entrant. Tu m'as rassuré à distance rapidement, tu as plus de détails ? Notamment sur son traitement et la vigilance qu'on doit observer à son égard.
- J'suis déjà passé à la pharmacie récupérer les médocs et son attelle, commença à expliquer Angelo. Je peux le garder chez moi, mais ça lui fera pas mal d'escaliers à gérer. Kiki s'est proposé de le téléporter pour qu'il aille à l'école et qu'il assiste aussi aux entraînements, de chez moi ou du Premier, Mu est d'accord pour veiller sur lui. J'peux aussi le porter sur mes épaules et le déposer. Shaina est aussi prête à l'héberger chez elle pour éviter les escaliers.
- Que de solutions nous sont offertes ! se réjouit Saga. C'est une belle solidarité.
- Oui, mais je sais pas vraiment laquelle est la plus adaptée. J'ai l'impression que toutes se valent. Enfin, laisser Shaina le gérer seule, c'est peut-être un peu ambitieux.
- Elle en est capable.
- J'dis pas le contraire. Mais c'est peut-être beaucoup pour elle, c'est pas comme si elle n'avait pas déjà plein de responsabilités. Et puis, c'est mon élève...
- Donc, il devrait rester avec toi, traduisit Saga.
- Je pense que ce serait mieux, acquiesça Angelo en regardant le mur plutôt que son Pope.
- Cela ne va pas perturber ta vie de couple ? le taquina celui-ci, tout en étant sérieux malgré tout. Il a déjà dormi chez vous, mais là, ce sera de manière continue pour plusieurs jours.
Angelo grimaça et reporta son attention sur lui.
- T'en fais pas pour ça. On en a discuté avec Shura, sur le retour, y aura pas de souci.
- Très bien, Angelo. Je ne vois aucun inconvénient à ce qu'il s'installe chez toi, le temps de sa convalescence. Aioros sera sûrement du même avis. J'en informerai Athéna lorsque nous lui rapporterons l'incident. Je pense que Simon aurait choisi cette option, lui aussi, mais je te laisse quand même lui poser la question. S'il veut plutôt rester avec Kiki au Premier, tu me préviendras.
- Bien, Grand pope. C'est vrai que ce serait peut-être aussi bien qu'il passe du temps avec Kiki. Il ne remplacera pas son ami Elrik, mais ça pourrait lui faire du bien d'avoir quelqu'un de presque son âge à qui parler, et pour jouer, plutôt que rester toujours avec des vieux cons.
- Il vous adore, Shura et toi.
- Ce sera peut-être plus le cas après deux semaines avec nous...
- Bien sûr que si, je pense qu'il vous en aimera même que davantage. Et concernant Elrik, d'ailleurs, Simon l'a appelé, hier en fin de journée. Je ne sais pas si tu es au courant.
- C'est vrai ? se réjouit Angelo. Non, je ne savais pas. Ça s'est bien passé ?
- Je pense que oui. Ils sont restés plus d'une demi-heure à discuter.
- Bonjour la facture !
Saga balaya la réflexion d'un élégant geste de la main.
- Ce n'est qu'un détail, en ce qui les concerne. Ils auraient bien pu rester plusieurs heures, mais les règles de l'orphelinat sont assez strictes, malgré la souplesse qu'ils nous accordent.
- J'avais pas vu Simon depuis hier midi, alors je sais pas trop comment il est sorti de cet appel... D'après toi ?
-. C'est difficile pour eux, répondit Saga en joignant ses mains sous son menton. Ils s'aiment vraiment beaucoup. Ils me rappellent un trio de chenapans qui ne supportaient pas qu'on les sépare trop longtemps...
- C'est loin, tout ça, Grand pope.
Angelo se leva et s'étira, puis fit quelques pas dans la pièce, observant les portraits des Popes précédents accrochés au mur sans réel intérêt.
- Vos sentiments n'ont pas tant changé, ils se sont simplement développés et intensifiés. Et révélés, pour Shura et toi.
- Simon n'est pas amoureux d'Elrik.
- Il n'en est peut-être pas encore conscient.
- Beaucoup d'enfants ont des amoureux ou des amoureuses, très tôt. Si c'était son cas, il l'aurait dit. Et il m'a assuré que non. Je lui ai dit qu'à son âge, j'aimais Shura très fort sans savoir que c'était plus que comme mon meilleur ami.
- Et qu'a-t-il répondu à cela ?
Angelo eut un petit rire nerveux en se tournant vers Saga.
- J'avais décidé de ne pas te rapporter cette discussion avant un moment, j'voulais pas que t'en fasses toute une histoire. Surtout qu'on a géré le truc, avec Milo, Mu et Aldé.
Saga haussa un sourcil.
- Qu'est-ce qui s'est passé, qu'avez-vous eu à gérer ?
Le Cancer s'adossa contre le grand buffet qui courrait le long du mur face au bureau.
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Flash back
Gorges de Lépida, Mont Parnon
Jeudi 6 octobre 1989
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- On va s'entraîner ici, cet après-midi, annonça Angelo en posant son sac face à la cascade.
- D'accord, Maître Angelo. C'est trop beau ! Et ça sent bon…
- C'est plus fort en été, mais oui, ça sent l'origan, y en a partout. On en ramènera au Sanctuaire, si on oublie pas.
- Je m'en souviendrai ! promit Simon. On commence par quoi, Maître ?
- On se pose encore cinq minutes, t'as pas mangé ta pomme. Et j'ai besoin d'une clope.
Simon s'assit sur un rocher, sortit sa pomme et la frotta, alors qu'Angelo s'éloignait un peu pour fumer là où le vent porterait son concentré de cancer loin de l'enfant.
- T'as eu des nouvelles d'Elrik, dernièrement ? lui demanda-t-il, comme il était resté à portée de voix.
- Non, pas trop, Maître Angelo.
- Pourquoi ?
Simon haussa les épaules et croqua dans sa pomme.
- T'as pas osé demander à lui téléphoner ? Tu sais que t'as le droit, autant que tu veux !
- Oui, mais à quoi ça sert ?
- Comment ça, à quoi ça sert ? tiqua Angelo en recrachant sa fumée. Y a besoin que ça serve à quelque chose de parler à son meilleur pote ?
- Non, mais de l'appeler… On va plus se voir, alors vaut mieux que je l'oublie, non ?
Personne n'avait encore dit à Simon que Saga et Aioros étaient en pleine procédure pour adopter. Elrik, pour ne pas ajouter un déçu à l'équation, si cela s'avérait impossible.
- Et tu crois pouvoir faire ça, P'tit crabe ?
- Je ne sais pas, Maître…
- Et bien moi j'te le dis, c'est non. De ce que je sais, vous vous aimez beaucoup, tous les deux, très fort, hein ?
- Oui. On voulait pas être séparé. Je sais que c'était mieux comme ça, mais… c'est pas facile. On peut plus être ensemble, maintenant. Alors, ça sert à rien de lui parler au téléphone, parce qu'après, quand on raccroche, ça fait encore plus mal. Là, dans la poitrine, ça fait comme un trou et j'ai envie de pleurer, précisa-t-il en posant sa main sur son cœur. Et il faut pas pleurer, hein, Maitre Angelo ? Un Chevalier, ça ne pleure pas, normalement…
- Dis ça aux Bronzes, tiens, ils font que chialer !
- C'est vrai ? s'étonna Simon.
- Non, ils font pas que ça, mais ça leur arrive pas mal... Quoi, que, moins, maintenant. Mais faut les comprendre, ils ont vécu des choses très dures, très jeunes.
- Ils ont fait la guerre, oui !
- Et pas qu'une… Mais nous aussi, tu sais, on pleure. ´fin, pas tous. Le truc, c'est pas qu'un Chevalier doit pas pleurer, c'est juste qu'on vous apprend à ne pas pleurer pour le moindre coup, la moindre blessure. Parce que vous risquez fort d'en prendre plein, dans votre vie de combattant et protecteur, alors faut vous endurcir pour pas que vous creviez au premier combat. L'ennemi profitera de la moindre faiblesse, mentale et physique. Parce que ça passe aussi par le mental, P'tit crabe., tu comprends ?
- Oui, Maître Angelo.
- Tu peux pleurer si t'as mal, mais faut que tu te relèves et que tu reprennes le combat, malgré la douleur. Et plus tu te persuaderas que la douleur n'est rien, que tu peux la dominer, même si ton visage est baigné de larmes et de sang, tant que tu te dresses face à l'ennemi, c'est ok, tu pourras accomplir ton devoir. A un moment donné, tu verras, t'auras pas à t'en convaincre, c'est ce que tu ressentiras, et même avec les jambes brisées, tu pourras rester debout. Tu vois ?
- Oui, Maître Angelo.
Angelo jeta son mégot et se rapprocha pour prendre sa gourde d'eau.
- Après, en temps de paix et dans ta vie de tous les jours, pour tes amis, et plus tard, la personne que t'aimeras… si t'as envie de pleurer, pleure !
- Vous pleurez, vous, Maitre ? Et quand vous étiez petit, vous pleuriez souvent ?
Angelo se frotta l'arrière du crâne.
- C'est pas pareil, gamin. C'est bien pour ça que j'te dis de pleurer, si t'as envie. Pour pas que tu deviennes tout sec comme moi à l'intérieur…
Simon fronça les sourcils au-dessus de ses beaux yeux bleus.
- Mais vous n'êtes pas sec, Maitre, vous n'êtes pas une plante...
- Façon de parler, gamin, rit Angelo à cette image. Pour en revenir à toi, si Elrik te manque trop et que t'as envie de pleurer après lui avoir parlé au téléphone, bah pleure un bon coup, ça ira mieux après ! Tu crois pas ?
- C'est pas mieux de pas appeler du tout ?
- C'est vraiment ce que tu crois ?
- Oui... C'est pas comme ça, Maitre Angelo ?
- Je ne sais pas s'il y a une méthode, ça dépend peut-être des gens... Mais si tu l'appelles plus, sa voix va finir par te manquer aussi et le trou dans ton cœur va grandir. Moi, je sais que quand j'avais ton âge, je supportais pas de pas parler à Shura plus d'une journée. Ça me rendait complètement dingue !
- Mais Shura, c'est votre amoureux, c'est normal.
- On savait pas qu'on était amoureux, quand on était gosse. On a compris plus tard, en grandissant.
Le front de Simon se plissa sous son intense réflexion, et Angelo résista à l'envie d'appuyer dessus avec son doigt pour le lisser.
- Ça veut dire que je suis amoureux d'Elrik, mais que je ne le sais pas encore ?
- Ce sera à toi de trouver la réponse, gamin, j'en sais rien, moi !
- Mais Achille a dit…
Il s'interrompît et son visage vira au rouge tomate, alors qu'il se mordait la lèvre.
- Bah alors, qu'est ce qui se passe ? s'en amusa le Cancer. A quoi t'as bien pu penser, d'un coup ? Qu'a dit Achille, encore ?
L'un des aînés des apprentis, avec Kiki et Nikolaï, était d'apparence très calme et réfléchi, mais c'était loin d'être le cas. Il pouvait faire ou dire des bêtises aussi énormes que la statue d'Athéna qui dominait le Domaine sacré.
- Et bien…
- Allons, crache le morceau ! T'as peur de mes pinces ? le taquina-t-il en faisant mine de le pincer avec ses doigts.
Cela fonctionna, Simon rit et se détendit, prêt à se confier.
- Il a dit que pour savoir si on était amoureux de quelqu'un, il fallait se demander si on avait envie de faire des bisous sur la bouche, et aussi, là, en bas...
Angelo, qui était en train de boire de l'eau, recracha sa gorgée loin devant lui.
Il se tourna vers Simon, les yeux ronds, et s'essuya la bouche.
- De quoi ?
- Je dois vraiment répéter, Maitre ?
- J'ai besoin d'être sûr, Simon, je suis désolé de te demander ça, mais, en bas, c'est… là ? insista-t-il en posant sa main en dessous de sa ceinture.
Il se sentait vraiment mal à l'aise à avoir ce geste devant un enfant, mais il n'avait pas vraiment le choix, et il ne l'y laissa pas longtemps.
Simon hocha la tête, mais évita lui aussi de regarder la main d'Angelo, ou de croiser son regard.
- Mais d'où ça lui est venu ? Il vient d'avoir 10 ans, il est né hier, par Athéna ! A qui d'autre il parle de ça ? Il a dit autre chose du même genre ?
- Il y avait tout le monde quand il a parlé, je crois…
- Il vous a jamais dit de le faire, j'espère ?
- Non.
Angelo s'accroupît pour être à sa hauteur et posa ses mains sur ses épaules, l'air grave.
- Simon, tu dois me le dire, si c'est le cas, c'est très important.
- Non, promis, Maître Angelo, il l'a pas fait. Il a dit que c'était comme ça que les adultes faisaient… Mais que juste avoir envie ou pas être dégoûté de le faire sur quelqu'un, ça voulait dire qu'on était amoureux, parce qu'on fait ça qu'à son amoureux ou à son amoureuse, normalement, c'est trop dégoûtant pour le faire si on aime pas très fort quelqu'un. Et Nikolaï, il a dit pareil, lui aussi.
- Va falloir causer avec ces deux-là rapidement ! grimaça Angelo en se redressant. Minchia !
- Maître Angelo, ne les disputez pas, s'il vous plaît !
- Faut juste qu'on parle avec eux, c'est important, Simon. Ce genre de sujet, c'est pas quelque chose dont vous pouvez parler tous seuls, à votre âge, tu comprends ?
- Oui, je pense. Je sais bien que c'est important et grave, vous m'appelez par mon prénom depuis que je vous ai dit pour les bisous… Vous faites ça que quand vous êtes fâchés ou quand c'est important. Là, ce sont des choses d'adulte qu'on doit pas voir ni savoir...
- Pas sans adulte pour vous expliquer, si cela arrive, en tous cas.
- Mais est-ce que quelque chose d'important, c'est aussi quelque chose de grave ? l'interrogea Simon. Est-ce que c'est vraiment pas bien ce qu'ils ont fait ? Je crois qu'Achille voulait juste m'aider, parce que Sacha se moquait de moi, elle me disait que je m'étais disputé avec mon amoureux parce que je parlais plus trop d'Elrik, et moi je répondais que c'était pas mon amoureux, et elle m'a dit que si, j'ai dit que non, et je sais plus qui a dit qu'on pouvait pas savoir, et Achille a dit que si et il a parlé des bisous, et après…
- Hey, respire, Petit crabe, tout va bien… le rassura le grand crabe en passant sa main dans ses cheveux. On va juste clarifier les choses avec Achille, parler avec lui pour savoir où et auprès de qui il a appris tout ça, parce que comme je te l'ai dit, ces sujets-là, c'est pas de votre âge. Et si vous avez des questions, c'est avec un adulte qu'il faut voir ça, pas entre vous. Et si c'est un adulte qui lui a raconté tout ça, on doit savoir qui c'est, parce que ce n'est pas bien. D'accord ?
- Oui, Maître Angelo. Mais…
- Quoi ? Vas-y, parle, je t'ai déjà dit que tu pouvais et même devais poser les questions pour pas les laisser te pourrir la tête.
- Oui, Maître... Je voulais juste savoir… Ce qu'il a dit, Achille, c'est vrai quand même ? C'est comme ça qu'on sait si on est amoureux ?
- Non. Enfin… c'est vrai que tu ne fais pas de bisous à n'importe qui, quel que soit l'endroit... Faut déjà que t'en aies envie, personne doit jamais te forcer, c'est clair ? Même sur le nez ! Non, c'est non ! Et tu ne dois jamais forcer personne non plus, compris, Simon ? Même si un grand te demande de le faire à quelqu'un d'autre, ou pour jouer. Ce n'est absolument pas un jeu ! Tu viens nous en parler, si ça arrive, je compte sur toi.
- Promis, Maître Angelo.
- Bien. Pour le reste, si t'es amoureux, t'as pas à te poser ce genre de questions à ton âge. Être proche d'Elrik, t'inquiéter pour lui, vouloir tout lui raconter, et être triste parce qu'il te manque, c'est suffisant. Votre relation grandira en même temps que vous et tu te poseras d'autres questions, en temps et en heure. Et crois-moi, il va y en avoir ! Pas besoin de prendre de l'avance.
- D'accord. Mais je ne pense pas être amoureux d'Elrik quand même, ajouta Simon après un court silence. Pas juste à cause des bisous… C'est juste que… j'aime bien les filles, moi… Surtout Aglaé, et Thalie, aussi.
Angelo lui fit un grand sourire.
- Ouais, j'ai vu que Thalie t'aimait bien, elle aussi… Elle venait pas voir les entraînements, avant que t'arrive, elle restait à la cuisine avec son père !
Simon rougit un peu et balança ses pieds, entre gêne et nervosité.
- Elle est vraiment très jolie, Thalie, j'aime bien quand elle fait une natte avec ses cheveux… Mais j'ose pas trop lui parler, quand on est tout seul… Dites, vous pouvez m'apprendre ça aussi, Maitre Angelo, ou vous devez juste m'apprendre à devenir un Chevalier ? demanda-t-il soudain en le regardant avec espoir.
Le sourire taquin d'Angelo se transforma en grimace.
- Tu sais que j'suis pas ton paternel, hein ?
- Bah oui… répondit l'enfant avec une pointe de tristesse à peine perceptible, mais qu'Angelo saisit au vol.
Il tapota sur la tête de son élève.
- Je veux bien essayer, mais tu devrais plutôt demander à des tombeurs comme Aiolia ou Milo… Shura aussi, mais oublie-le, j'veux pas l'entendre parler de ses exploits en couche-culotte…
- Quoi ?
- Non, rien… Finis ta pomme, on arrive au bout de la pause.
Simon croqua dans son fruit, avala, puis releva les yeux vers Angelo.
- Maître, dites, c'est quoi, un tombeur ?
Angelo grimaça à nouveau.
C'était pas trop son domaine, mais il allait faire du mieux qu'il pouvait…
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Fin du flashback
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- Simon m'a dit qu'il était sûr de ne pas aimer Elrik comme un amoureux, parce qu'il n'avait jamais eu envie de lui faire des bisous en bas.
- En bas ? répéta Saga, à des lieues d'imaginer ce à quoi cela faisait référence.
Angelo pointa le dessous de sa ceinture du doigt rapidement en grimaçant.
- Comment ? s'exclama alors le Gémeau en bondissant de sa chaise. Je te demande pardon ?
- Ouais, j'ai eu la même réaction. Je lui ai demandé de me montrer plus ou moins c'était où, en bas, histoire de pas sonner l'alarme générale pour rien. Résultat, y avait bien une sonnette d'alarme à tirer.
- Par Athéna et tous les Dieux de l'Olympe, mais d'où lui est venue une telle idée ?
- Pas de moi, je te le répète, j'étais aussi choqué que toi ! Enfin, peut-être un peu moins…
- Est-ce qu'il vous aurait vu, Shura et toi ?
- Jamais de la vie ! se défendit immédiatement Angelo en revenant vers le bureau. J'ai quand même vérifié en scannant ma mémoire, par acquis de conscience, mais on a jamais fait d'erreur, avec Shura ! C'est à peine si j'le touche, quand Simon est à la maison…Bon, j'suis pas difficile à convaincre, au final, Shura sait y faire, mais on prend mille précautions, vraiment !
- J'ai confiance en vous. Alors comment… ?
- Achille.
- C'est Achille qui lui a parlé de cela ? Mais la question reste la même, Angelo, cela sort d'où ?
- On l'a un peu travaillé, gentiment, il a fini par nous avouer qu'il était entré avec Nikolaï dans le baraquement des gardes et qu'ils avaient trouvé des magazines dans une chambre désormais vide.
- Par Athéna ! Quelle négligence !
- La personne qui a nettoyé ne devait pas être au courant de la manie de certains de planquer des trucs cochons sous le matelas.
- Mais la literie a été changée, je ne comprends pas comment c'est possible...
- Milo s'est fait la même réflexion. Achille et Nikolaï ont pris le matelas pour le mettre par terre parce qu'ils voulaient se faire un coin à eux, et en le retournant, ils ont trouvé les magasines scotchés.
- Les magazines ?
- Y en avait deux. On les a évidemment récupérés, ils ont juré qu'il n'y en avait pas plus. On a refait le tour de tout le baraquement, depuis, y a plus rien qui traîne.
- Et ces magazines, ils étaient très explicites ?
- J'aurais aimé te rassurer en te disant qu'il n'y avait que des nanas à poil, mais non… J'imagine qu'il y a pire, mais c'est clairement pas à mettre entre les mains de gosses de 10 ans. Achille et Nikolaï ont au moins eu l'intelligence, si on peut dire ça comme ça, de ne pas les montrer aux plus jeunes. Ils auraient aussi dû la fermer, mais en même temps, c'est parce qu'ils ont parlé qu'on a fini par le savoir, donc…
Saga était atterré.
- Et qu'ont dit Achille et Nikolaï ? Ont-ils compris ce qu'ils ont vu ?
- Comme des gosses, Grand pope. Achille a dit que c'était dégoûtant, mais que c'était ce que faisaient les gens amoureux quand ils devenaient grands. Je lui ai demandé comment il savait, pour vérifier qu'il n'avait pas vu quelque chose en vrai, sait-on jamais…
- Très bon réflexe.
- Il a répondu qu'il n'y avait que des adultes, sur les magazines. Je t'ai dit, ils analysent comme des gosses. C'est pareil avec Simon. Il lui a parlé de ça en toute innocence, avec des mots d'enfant et pour l'aider. Si tu veux faire un truc aussi dégoûtant que faire des bisous en bas, c'est sûr que t'es amoureux et que tu le feras quand vous serez adultes. Quelque chose dans le genre…
Saga se laissa retomber dans sa chaise.
- Et vous vouliez garder cette histoire sous silence ?
- Temporairement. Y avait pas le feu au lac, je t'ai dit, on a géré. On a longuement discuté avec eux, sans crier, sans pression, en expliquant bien les choses.
- Même avec les plus jeunes ?
- On a eu un discours adapté à chaque âge, t'en fais pas, on les a pris par petits groupes.
Il y eut un court silence, puis...
- Cela remonte à quand, Angelo ?
- Une quinzaine de jours, peut-être un peu plus… Tu sais, c'était le jour où Simon a appris pour Deathmask...
- Ah oui, ce fameux jour où tu as eu la bonne idée de l'emmener au Mont Pelion.
Angelo grimaça.
Saga n'avait pas vraiment apprécié son initiative. Pas plus que Shion, encore présent, à ce moment-là.
Mais ils ne l'avaient pas jugé et ne l'avaient pas accablé, après l'avoir longuement écouté.
Ils avaient compris l'enchaînement de pensées et d'événements qui les avait conduit à ce moment précis, pourquoi Angelo avait pris cette décision.
Ils avaient aussi entendu sa détresse, sa peur à l'idée d'avoir blessé Simon, d'avoir brisé quelque chose de leur relation si forte et fragile à la fois et qu'il n'imaginait pas déjà si précieuse.
Sa peur de l'avoir perdu.
Et de le perdre bientôt si ce n'était pas encore le cas, quand l'enfant aurait pris l'entière mesure du monstre qu'avait été son maître qu'il avait idolâtré jusque là.
- Pour cette fois, je ne dirai rien, Angelo. La période était un peu compliquée et chargée, et je sais que cela partait d'un bon sentiment. Mais à l'avenir, si un incident de ce genre ou autre devait arriver, vous devez impérativement nous en référer en premier lieu. Nous déciderons ensuite de vous confier ou non sa résolution. Si tout le monde décide dans son coin que telle situation peut être gérée et attendre avant de nous en parler, le chaos va rapidement s'abattre sur le Domaine. Cela ne nous aidera en rien. Sans compter le fait que nous ne pouvons être tenus éloignés de ce genre de situation. Tu es bien conscient de cela, n'est-ce pas ?
Le ton de Saga n'avait que légèrement varié, mais Angelo se redressa immédiatement, reprenant une posture moins décontracté et bien plus formelle.
- Bien sûr, Grand pope, toutes mes excuses... Évidemment qu'on ne prendra pas d'initiative individuelle sur des sujets aussi graves. C'était comme tu dis, une période compliquée et on voulait pas en rajouter, on a longuement discuté entre nous. On a juste fait en sorte que ça puisse attendre un peu, après la fête, pas plus tard...
- J'ai entendu et compris, répondit Saga avec un regard appuyé.
- Moi aussi, assura Angelo face à ses yeux qui ne cillaient pas.
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Fin du flash-back.
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- En conclusion, cela s'est plutôt bien passé, aussi bien pour l'affaire des magazines et concernant Simon et le tutorat. C'était cela qui m'inquiétait le plus, tu peux être tellement borné, parfois.
- Quand bien même, y avait pas de raison que ça se passe mal, Marine. On finit toujours par se comprendre, même si on fait parfois des détours un peu énervés.
- Si t'apprenais enfin à réfléchir un peu avant de gueuler, aussi... soupira Shaina.
- Oh tu peux parler, t'es aussi sanguine que moi ! On a la même terre dans les veines, je te rappelle !
- La tienne est plus volcanique, il sicilliano, fils de l'Etna. Et surtout, on a pas le même nombre de neurones dans le cerveau !
Angelo se pencha vers sa compatriote.
- Y a un moment dans ta vie où tu vas te décider à respecter tes aînés ou c'est pas au programme ?
- Je dis seulement la vérité, Monsieur le Cancer.
- Alors pourquoi j'ai l'impression que tu m'insultes à chaque mot ? Là encore ? Tu dis Monsieur le Cancer comme si tu parlais de la maladie et pas de ma Constellation !
- Et toi, quand tu me jettes tes La Vipère à la figure, tu crois que ça sonne comment ? se défendit-elle rageusement.
- C'est affectueux, c'est toi qui prends tout de travers ! T'es tellement pas habituée à être appréciée que tu vois plus la différence ! J'appelle tout le monde par son signe, à un moment ou un autre !
- Et depuis quand la Vipère est une constellation ?
- Micchia ! Y a pas de Chaton non plus dans le ciel, que je sache ! Aiolia me fait pas un procès à chaque fois ! Et il pourrait se vexer, un lion orgueilleux pourrait se sentir rabaisser de se faire appeler chaton ! Mais lui, il a l'intelligence de comprendre que ce n'est pas une insulte, ni un dénigrement !
- Ce n'est pas la même chose !
- Bien sûr que si !
- Non ! insista-t-elle. Tu ne penses pas réellement d'Aiolia que c'est un chaton, on est d'accord. Mais quand tu m'appelles la Vipère, ça sort de tes tripes, tu penses vraiment que j'en suis une ! Tu m'as souhaité bonne fête cet été, le jour de la fête internationale des serpents !
Angelo soupira, même s'il avait été très fier de sa petite pique, ce jour-là, en effet, et de la tête qu'avait fait Shaina.
- Mais bordel ! Ça arrive, oui, à des moments où t'attaques sévère pour blesser, parce que tu vises toujours juste ! C'est vrai, t'as une sacrée langue de vipère, parfois… Mais c'est plus comme avant, j'le reconnais ! T'as changé, toi aussi, et ce serait quand même un monde que moi, je t'accorde pas ça !
- T'as peut-être changé, mais tu restes quand même un sale con, parfois ! asséna Shaina.
- Et bah voilà, c'est pareil pour toi ! T'es plus une saleté de vipère venimeuse comme avant, mais t'as la langue encore bien fourchue, parfois et les crochets plein de venin !
- Vous faites vraiment la paire, tous les deux, soupira Marine.
Elle les avait laissés à leur échange de tirs, guettant le moment de bascule, le mot de trop où elle devrait peut-être intervenir pour calmer le jeu, s'ils ne le faisaient pas seuls.
Mais c'était habituel, entre les deux Italiens au fort caractère, ils se provoquaient souvent, se cherchaient, se trouvaient, leur échange souvent sur le fil du rasoir prêt à prendre le ton d'une dispute à tout moment.
Mais de plus en plus souvent, ils redescendaient tous les deux avant d'en arriver là.
Angelo finit par lever son verre devant Shaina, qui fit tinter le sien contre après quelques secondes de réflexion, et ils burent une gorgée en se défiant toujours du regard.
- J'espère que vous vous tiendrez tranquilles, à l'anniversaire d'Aioros.
- Comme si Saga laisserait la moindre petite perturbation arriver ! ricana Angelo. S'il sent la plus petite variation de cosmos qui ne lui plait pas ce jour-là, tu peux être sûr que la personne concernée finira coincée dans une autre dimension jusqu'au lendemain, minimum !
Les deux jeunes femmes acquiescèrent en souriant.
- Et si jamais tu fais la moindre vague et contrarie Saga, je ne donne pas cher de ta peau, ajouta Marine.
Angelo grimaça.
- J'ai pas tellement envie de savoir jusqu'où Shura est prêt à me punir, si ce genre de chose arrivait... C'est clair que ça pourrait vraiment faire mal et pas d'une façon agréable, cette fois…
- Épargne-nous les détails de ta vie intime, par pitié…
- Désolé, ça doit être dur quand on en a pas…
- Mais tout se passera bien, ce jour-là, il n'y a pas de raison ! intervint Marine pour les empêcher de repartir sur une nouvelle joute verbale.
- C'est clair ! assura Angelo. Et si je dois t'éviter toute la soirée pour être sûr, la Vipère, j'hésiterais pas une seconde !
- Parfait, fais donc ! J'aurais au moins l'assurance que je passerai une bonne soirée !
Marine leva les yeux au plafond en retenant un soupir.
Mais au fond, elle n'avait aucune inquiétude, au moins pour l'anniversaire d'Aioros.
Ils étaient tous bien décidés à rendre cet événement parfait en tous points, et tout le monde suivait scrupuleusement les directives de Saga et d'Athéna pour se faire.
La fête d'anniversaire du héros du Sanctuaire, qui n'aurait jamais dû pouvoir fêter ses 30 ans, devait forcément être grandiose.
Et elle allait l'être, assurément.
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A suivre...
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Merci d'avoir lu ce chapitre.
L'anniversaire d'Aioros n'y a été que teasé, mais vous aurez bientôt la suite et un chapitre consacré entièrement à lui.
Je le dis depuis un moment, mais c'est vrai, la fin approche. J'ai dû diviser certains chapitres qui, au final, étaient trop longs, ce qui a rallongé la publication, mais le terme de cette histoire est bien à portée de vue. Cela va être difficile pour moi de leur dire au revoir, mais il va bien falloir.
Bonne continuation à vous, prenez soin de vous et à dimanche prochain normalement (le 14) au plus tard.
Lysanea
