Ce texte a été écrit pour la 169e Nuit du FoF autour des thèmes « encore », «baston» et « second ». Le FoF est un forum ouvert à tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou participer à des jeux. Le lien est dans mes favoris !


Les nouveaux

« Nan, mais, franchement, tu vas pas me dire… Qu'est-ce qu'ils sont nuls ! brama Clint Delamare d'un air réjoui.

– Tu dis ça à chaque fois, objecta Cunningham qui flottait à côté de lui au premier rang des gradins. C'est normal que les candidats soient pas au top dès le départ. Ça vous servirait à quoi d'avoir de l'expérience, s'ils étaient déjà au même niveau que vous ? »

Clint lui lança un regard torve. Dans l'éclatant soleil de septembre, le fantôme était presque invisible, mais pas muet pour autant.

« On dirait Hugo, remarqua le gardien, boudeur. Comme si on avait pas assez d'un seul père-la-morale… Je veux bien qu'on exagère un peu, mais quand même ! Même toi, t'étais pas aussi nul ! »

Les joues fantomatiques du batteur décédé se colorèrent d'une délicate nuance gris perle.

« J'étais pas nul ! répliqua-t-il vivement, vexé. J'avais du mal à gérer la pression, nuance !

– C'est vrai, reconnut Clint qui, à l'époque, avait largement contribué à maintenir ladite pression. Alors qu'eux, ils sont carrément nuls.

– Ouais, enfin… Faut dire qu'on nous facilite pas la tâche », risqua derrière eux une voix timide.

Leurs deux têtes pivotèrent vers le garçon assis au deuxième rang : Lance Warrington, nouvellement recruté au poste d'attrapeur de l'équipe de Serpentard. Petit maigrichon de quatrième année, il possédait une carrure bien différente de celle de son prédécesseur, Angus McLaggen, et donc plus conforme à l'image traditionnelle de l'attrapeur. Ses essais avaient prouvé qu'il était rapide et adroit, mais pas assez pour éviter un Cognard balancé par Tani la Teigne, comme en attestait le coquard qui ornait l'un de ses yeux.

« De quoi tu te plains, le moustique ? répliqua Clint. T'as été pris, non ? »

Vu la façon dont elle s'était développée, continuer à donner du « crevette » à Brewster n'aurait pas eu grand sens ; aussi n'était-il pas mécontent de pouvoir se rabattre sur un autre gringalet, quoique celui-ci semblât bien moins coriace.

« Ouais, enfin bon, j'ai quand même failli me faire arracher la tête, moi, marmonna Lance à voix basse. J'étais venu participer à des essais, pas à une baston !

– Une baston, tout de suite ! s'exclama Clint en levant les yeux au ciel. Si t'es pas capable d'encaisser plus que ça en gardant le sourire, tu risques de pas tellement apprécier ton premier entraînement, petit.

– Je confirme, approuva Cunningham. Sans parler des matches. »

Morose, Lance haussa les épaules avant de reporter son attention sur ce qui se passait sur le terrain où se succédaient les candidats au poste de second batteur. Ils avaient pour tâche de désarçonner Giv tout en protégeant Tommy de l'unique Cognard qui revenait immanquablement comme un boomerang après chaque coup de batte. Hugo volait à leur hauteur, examinant avec beaucoup d'attention la prestation de chaque aspirant dans l'espoir de dénicher la perle rare.

« Hé, Brewster, t'en dis quoi ? lança soudain Clint. Ils sont archi nuls, ou juste nuls, à ton avis ? »

Seul le silence lui répondit. Assise un peu plus loin, Tani affichait un visage sinistre qui aurait tenu à distance un crétin plus suicidaire que le gardien de Serpentard : elle n'encaissait pas de s'être fait virer du terrain après les essais des attrapeurs.

« L'idée, c'est de trouver une nouvelle recrue, lui avait sévèrement rappelé Hugo en la renvoyant sur le banc. Pas de décourager les vocations en démolissant systématiquement tous les candidats qui se présentent.

– Il exagère, avait soufflé Clint. Si la Teigne avait vraiment voulu les démolir, elle les aurait démolis, point barre. »

Cunningham partageait cet avis, mais il pensait comprendre pourquoi le capitaine s'était montré si rigoureux. Après les attrapeurs venaient les batteurs, et, si Tani avait durement testé les premiers, il était évident qu'elle ne ferait aucun cadeau aux seconds. Or, si brillante Brewster soit-elle, l'équipe n'en avait pas moins besoin d'un batteur sur l'aile droite, et ce n'était pas en dégommant les postulants qu'elle en trouverait un.

« Elle va faire la gueule longtemps, tu crois ? murmura Lance à Clint tout en surveillant Tani du coin de l'œil.

– C'est bien parti pour, confirma le gardien qui ne se souciait pas de baisser la voix. Surtout si Hugo lui demande pas son avis. Et je pense pas qu'il le lui demandera, maintenant. Que veux-tu ? C'est ça, d'être caractérielle », soupira-t-il avec emphase.

Tani lui jeta un regard assassin.

« Il y en a des pas mauvais, quand même, risqua Cunningham qui suivait des yeux le ballet des silhouettes virevoltantes au-dessus du terrain de quidditch.

Des pas mauvais ? explosa soudain Brewster en bondissant du banc. Tu te fous de moi ! C'est rien que des grosses patates qui volent comme des manches ! Qu'est-ce que tu veux que j'en fasse, moi, de ces Snargaloufs sur pattes ?

– Faut quand même pas exagérer ! protesta Lance. Toi aussi, t'as été nouvelle, non ? Toi aussi, t'as commencé par apprendre ! »

L'audace du nouvel attrapeur laissa Tani sans voix ; même Clint en fut impressionné. Pour oser contredire la Teigne quand elle était en rogne, il fallait être sacrément courageux – ou sacrément inconscient.

« Dis donc, toi, gronda finalement Tani en agitant sa batte d'un air menaçant, depuis quand t'y connais quelque chose, aux batteurs, microbe ?

– Tu sais que si tu déglingues notre nouvel attrapeur, Hugo sera encore plus furax contre toi, observa Clint d'un ton décontracté.

– Qu'est-ce que tu veux que ça me foute ? répliqua-t-elle. De toute façon, le microbe aura largement le temps de se remettre d'ici le premier match.

– Hé, ça va… J'ai quand même le droit de donner mon avis, non ? argua faiblement Lance tandis que Tani s'avançait vers lui, batte levée.

– Cherche pas à la raisonner, moustique, conseilla Clint à mi-voix. À tous les coups, elle a encore ses ragnagnas. »

PAF !

« Aïeuh ! »

La batte de Tani s'abattit avec violence et Lance poussa un couinement. Projeté au sol, Clint tomba dans l'herbe en se tenant le crâne à deux mains. Aussi rapide qu'un Vif d'or, Brewster avait pivoté sur ses talons, renforçant l'effet de son coup ; heureusement pour lui, le gardien s'y attendait et avait reculé sa tête pour éviter le choc, manœuvre qui n'avait réussi qu'à moitié.

« Faut vraiment croire que t'aimes ça, lança Tani d'un air dégoûté à Clint qui se tordait sur le sol.

– C'est tout le temps comme ça, indiqua posément Cunningham à l'attrapeur effaré. Tu t'y feras.

– BREWSTER ! »

Sa robe verte aussi impeccable que s'il n'avait pas passé une heure à voler sur un balai, Hugo Landis venait d'atterrir devant les gradins. Sous ses cheveux blonds à peine décoiffés, ses sourcils se fronçaient dangereusement.

« Il m'a encore sorti une remarque sexiste ! se défendit Tani. J'allais quand même pas lui dire merci !

– J'en ai rien à faire, trancha Hugo d'une voix sèche. Et toi, arrête de geindre, enjoignit-il au gardien. Un peu d'attention, s'il vous plaît : nous avons un nouveau batteur. »

À la droite du capitaine, Giv affichait un air amusé ; Tommy, lui, regardait Tani avec circonspection. Il s'écarta un peu pour dévoiler la silhouette qui se tenait derrière lui, les mains serrées sur sa batte : grande, massive, les pieds en dedans, avec de grosses joues rouges et des cheveux bruns ébouriffés. Clint cessa aussitôt de gémir.

« Attends, t'es sérieux, là ? s'écria-t-il en se redressant pour mieux dévisager la nouvelle recrue.

– Les essais ont parlé, déclara Hugo d'un ton ferme. Vous l'auriez vu si vous aviez regardé au lieu de faire les cons – encore.

– Bravo, Daisy, bien joué ! » s'exclama Cunningham tandis que Lance applaudissait poliment.

Écarlate, Daisy Bulstrode parcourut du regard ses nouveaux coéquipiers avant de s'arrêter sur Tani. Impassible, la batteuse gauche de l'équipe de Serpentard se contenta de la toiser sans rien dire, ses yeux d'un bleu glacial luisant d'une lueur malveillante.