Petit mot de l'auteure : Ce texte a été écrit en une heure pour la 122e nuit du FoF sur le thème "Taroupe". Pour ceux qui ne connaissent pas (c'est à dire à peu près tout l'univers... merci yoh-nee pour ce thème de la mort), "taroupe" ce sont les poils qu'on a entre les sourcils, dans la zone appelée glabelle.

Le présent texte n'est pas vraiment une suite de l'OS précédent, mais comme il s'inscrit dans cette temporalité et y fait écho, je l'ai placé à sa suite.

Je remercie Marina, JessSwann, AvaTarbleu, Maya et Zofra pour leurs review sur l'OS précédent !


Seule face au miroir, Mary s'observe longuement.

Anna a encore fait des merveilles sur son visage. Elle a beau traquer méticuleusement le moindre défaut, elle ne parvient à en trouver. Ses cernes ont été habilement dissimulées, les quelques poils de la glabelle soigneusement épilés, ses cils subtilement recourbés. Elle peut se dire objectivement belle et elle sait que ce soir, tous les invités de leur gala de charité diront de même. Ils se retourneront sur son passage, s'étonnant de voir cette aussi désirable femme non remariée, la loueront pour sa beauté. Mais cela, il ne le diront que parce qu'ils ne l'auront pas observé. Il l'admireront, mais ne la regarderont pas.

Mary, elle, se regarde. Elle se livre au jugement impartial et impitoyable du miroir – et celui-ci lui renvoi une image qui lui déplaît bien qu'elle sait être la sienne. Sous son maquillage, elle voit les rides nées précocement de ses éclats de colère furieux. Elle voit les cernes causées par ses nuits à pleurer et à rester éveillée de culpabilité.

Elle voit son visage se creuser de fissures créées par ses manigances et méchancetés. Et elle sait que plus que le temps, elle ne doit qu'à elle même l'altération de sa jeunesse, à sa jalousie, à sa colère, à son amertume. Elle est broyée par une machine qu'elle a elle-même lancée, comme un train dont elle se serait elle-même précipitée sous les roues.

Cela doit cesser.

Cela doit cesser, et non pour ça beauté envolée. Cela doit cesser car comme si s'auto-détruire ne suffisait pas, elle détruit ceux qui sont proches d'elle.

Les mots d'Edith hantent encore son esprit alors qu'elle réalise cela.

Tu n'es qu'une pétasse. Tu es une pétasse égoïste.

Je te connais. Tu ne peux pas me tromper.

Mary non plus ne peut plus se tromper. Alors qu'elle se dévisage méticuleusement, elle ne peut plus ignorer qu'Edith avait raison dans chacune de ses insultes. Elle est égoïste, méchante, mesquine et cela ne peut plus durer. Car outre les mots d'Edith, ses larmes et la douleur dans sa voix reviennent à sa mémoire.

Elle a trop longtemps fermé les yeux sur le mal qu'elle causait, s'inventant mille excuses. Mais maintenant qu'elle s'est confrontée au jugement du miroir, elle ne peut plus ignorer ce qu'elle est. Tout comme elle ne peut ignorer la voix en elle lui disant qu'elle n'est pas fière de cette image. Qu'elle voudrait que le miroir lui renvoie un autre reflet.

Alors Mary se détourne de la glace pour prendre le téléphone. Lorsqu'elle entend son interlocuteur décrocher, elle manque de faillir de peur et de regret, mais elle se reprend. Elle a des choses à réparer.

- Allo Bertie ? C'est Mary Crowley.


Note (de fin) : pour ceux que ça intéresse, Marina a écrit un très joli (et bon) missing moment qui retrace l'appel entre Mary et Bertie. N'hésitez pas à aller lire cet OS : Coup de fil et rédemption (OS né de la foire aux prompts de Bibliothèque de fictions, n'hésitez pas à m'envoyer un mp si cela vous intéresse!)