Petit mot de l'auteure : écrit pour la 158e nuit du FoF sur le thème "Sujet"


Edith se rendait au bureau quand un passant lui rentra dedans.

- Pardon, madame ! s'excusa l'homme en continuant son chemin.

Edith n'eut même pas le temps de lui dire qu'il n'y avait pas de mal que l'homme avait été avalé par la foule. Cette interaction la laissant pantoise. À Downton Abbey, les choses ne se seraient jamais passées ainsi. Si un villageois ou un domestique l'avait bousculé ainsi, il se serait excusé pendant de longues minutes, désolé d'avoir touché quelqu'un du domaine. De toute manière, il y aurait eu peu de chance pour qu'une telle bousculade ne se produise ; tous se seraient écartés d'elle, saluant avec une distance respectueuse une représentante de la famille Crawley.

Mais Londres n'était pas Downton Abbey.

Ici, dans l'immensité de la ville, elle n'était pas une lady aux yeux des passants. Même si ils auraient su son identité, le nom de Crawley n'aurait rien dit à la plupart d'entre eux. Autrement dit... à Londres, elle n'était personne.

Et cela lui convenait très bien.

Car paradoxalement, c'était en n'était personne qu'elle avait enfin pu devenir quelqu'un.

À Downton Abbey, tout lui était dû. Parce qu'elle avait eu la chance de naître dans la bonne famille, elle était respectée, saluée, parfois crainte. Mais à Londres, elle n'avait personne ou presque pour l'appuyer ; si elle voulait s'en sortir, elle devrait le faire par elle-même, grâce à son travail, ses compétences, sa détermination. Autrement dit, elle avait cessé d'être « la fille de », prise dans cette masse informe qu'était la famille Crawley. À la place, elle était simplement devenue Edith, une personne à part entière.

Alors Edith ne prit pas ombrage de cette légère bousculade, au contraire : les rapides excuses de cet inconnu ne faisaient que lui rappelait qu'elle était enfin devenue le sujet principal de sa propre vie.