Petit mot de l'auteure : écrit pour la chaine de drabble du FOF : une brune, le mot force, les personnages sont en danger
- Non, non, non...
Le mot était répété, comme une litanie infernale. D'ordinaire, Mary Crawley aimait peu ce genre de redondances. Pourtant, à ce moment très précis, elle ne chercha pas à reprendre Marigold. Le même « non » était répété, encore et encore. Mais comment aurait-elle pu faire autrement que d'adresser cette supplique, alors que sa mère se vidait de son sang ? Elle était si médusée qu'elle ne parvenait pas à croire à la réalité de la scène. Elles étaient allées écouter un trompettiste de jazz avec lequel Rose avait reprit son histoire ; elles souhaitait tant revoir leur cousine que sortir un peu. Mais alors qu'elles rentraient à l'appartement de Edith, un malfrat les avait attaquées, sûrement attiré par leur richesse extérieure. Elles avaient donné tout leur argent mais, quand le brigand avait menacé Marigold, l'enfant bougeant trop à son goût à cause de sa frayeur, Edith s'était interposée. Il avait fui en la voyant s'effondrer, comme s'il réalisait seulement que s'attaquer à une noble pouvait lui porter préjudice.
- Non, maman... non ! répéta encore une fois l'enfant.
Mary, elle, était silencieuse. Elle avait bien évidemment alerté des passants qui eux-mêmes étaient allés chercher les secours. Elle se retrouvait néanmoins maintenant submergée par l'émotion, le fantôme de Sybil en sang surplombant le corps tremblant de Edith. Devait-elle éloigner Marigold ? Tenir la main de sa sœur ? La rassurer ?
Finalement, elle opta pour ce qu'elle avait toujours fait avec Edith : elle mordit.
- Je t'interdis de mourir, tu m'entends ? lui murmura-t-elle férocement à l'oreille. J'ai des choses bien plus importantes à faire que de devoir te gérer. Alors tu vas me faire plaisir et tenir bon jusqu'à l'arrivée des secours. Et ne t'avises pas de me faire croire que tu ne peux pas. Je t'ai toujours dit que tu étais faible mais... tu as une force phénoménale. Plus que moi, peut-être. Sûrement, même. Tu es la personne la plus puissante que je connaisse. Alors ce n'est pas le moment de jouer à la demoiselle en détresse, tu m'entends ? Pas quand tu as passé ta vie à me prouver qu'une femme pouvait être indépendante et fière.
Comme elle aurait dû s'y attendre, Edith n'eut aucune réaction notable. Sauf, peut-être, que d'esquisser un léger sourire, qui aurait pu être beau s'il n'était pas perlé de sang.
Sentant qu'elle n'aurait sûrement plus jamais d'autre occasion pour dire ces mots qu'elle n'avait jamais prononcé à moi haute, elle embrassa la joue de Edith.
- Je t'aime, petite sœur.
