Petit mot de l'auteure : il n'y a pas Edith dedans mais comme ça parle beaucoup d'elle, je l'ai placé dans ce recueil.
écrit pour l'anniversaire de Charles Edwards
Robert avait beaucoup hésité à recevoir Michael Gregson. Non pas qu'il ne l'aimait pas ; Michael était un homme aimable, instruit, ambitieux. Cela ne l'empêchait pas de ne pas vouloir de lui à Downton Abbey ce jour-là. Il n'avait en effet aucun doute sur la raison de sa venue : il voudrait lui demander la main de Edith.
Et Robert n'avait pas envie d'avoir cette conversation, pour la simple et bonne raison qu'il ne savait pas vraiment quoi répondre à cette question. Encore une fois, Michael était un homme bien. Mais était-il digne de sa fille ? Il n'en était pas sûr. Il avait entraîné Edith dans une liaison adultère. Sa femme était peut-être folle, et même si Robert le plaignait sincèrement d'être piégé dans une telle union, il n'en été pas moins marié. Depuis, Michael avait réussi à obtenir le divorce, mais cela n'effaçait pas la tâche apportée à Edith.
Malgré toutes ses réserves, Robert avait finit par accepter de voir Michael : il ne pouvait pas ouvertement le dédaigner avec un refus. Il était toutefois bien décidé à faire part de ses réticences. C'est pourquoi, sitôt le prétendant de sa fille assis, il prit la parole :
- Je sais pourquoi vous êtes là.
- Vraiment ? Demanda Michael.
- Oui. Et je ne puis répondre favorablement à votre demande. Edith...
Là, Michael fit une chose que peu avez osé faire : il l'interrompit.
- Monsieur Crawley, je crois qu'il y a méprise.
- Vous ne venez pas me demander la main de Edith ?
- Non, répondit l'homme en souriant. Du moins, pas vraiment. En vérité, je viens vous informer que je vais lui demander sa main. Je vous avertis par politesse, tout simplement. Mais la réponse ne dépendra que d'elle.
Robert se sentit alors fulminer. Perdant le contrôle de lui-même, il se leva dans un mélange de colère et d'indignation.
- Mais pour qui vous prenez vous ?
- Je sais que je suis bien présomptueux, mais... je sais ce qu'il s'est passé avec Anthony.
Le nom figea Robert. Malgré toutes ces années, le terrible échec de ces noces continuaient de le hanter. Il était persuadé d'avoir agit de la bonne manière pour Edith et pourtant les larmes de sa fille adorée avaient meurtris à vie son cœur. Il se rassit, décidé à au moins écouter Michael. Celui-ci, le voyant légèrement calmé, reprit son discours :
- Je me suis battu pour elle. Je sais que vous connaissez mon passé avec ma première épouse. Je suis allé à l'étranger, dans un pays que la politique rend dangereux. J'ai plusieurs fois songé à renoncer, tant l'instabilité était présente. Mais j'ai persisté, m'accrochant au fol espoir de pouvoir un jour lui demander sa main. C'est pourquoi je ne compte pas vous demander une quelconque permission. Je suis désolé si cela vous dérange, mais je vais l'épouser, si elle l'accepte. Car je n'ai pas affronté un pays en guerre, mon passé, mon épouse, l'administration impitoyable et des gouvernements pour que vous agissiez avec moi comme vous l'avez fait avec Anthony. Je sais que vous avez fait ce qui vous semblait être juste. Égoïstement, je devrai être heureux de la fin de son histoire avec Anthony puisque cela me permet de la connaître aujourd'hui. Mais je sais que Edith en a été profondément blessée. Je ne veux pas qu'une telle situation se reproduise. Si elle doit m'éconduire, qu'elle le fasse, je respecterai sa décision. Mais c'est bien là tout l'enjeu : il faut que se soit sa décision à elle, vous comprenez ?
Trop chamboulé par ce rappel pour arriver à parler, Robert se contenta d'hocher la tête.
Oui, il comprenait. Il comprenait que Michael aimait Edith comme personne ne l'avait jamais aimé. Il s'était battu pour elle, n'avait pas renoncé, était prêt à affronter sa belle-famille, et malgré tout ça, était déterminé à écouter et respecter la décision de Edith, quoi qu'elle choisisse. C'était plus qu'il n'en avait jamais fait. Réaliser ceci lui procura une grande tristesse. Il avait toujours rêvé d'être le héro de ses filles. Avec Edith, il avait manifestement échoué. Mais peut-être n'était-il pas trop tard pour qu'elle trouve un autre héro ; cela ne serait tout simplement pas lui.
Il se racla la gorge, essayant tant bien que mal de ne pas se laisser aller devant Michael.
- Bien. Je... vous avez raison. Et je vous remercie d'avoir fait la démarche de me... prévenir.
Prévenir.
Au lieu de demander.
Cette idée restait difficile à accepter.
Mais ce fut tout de même avec une profonde sincérité qu'il sourit à Michael pour lui dire :
- J'espère vraiment qu'elle acceptera votre demande. Vous êtes un homme bien, Michael Gregson.
