Voilà la suite (enfin, oui xD) !
Bon, on en a bientôt fini avec les révélations, et il y aura un peu d'action à la fin de ce chapitre. Ca commence à bouger =D !
Enjoy !
Claudia et Selene étaient montées se coucher ; ne restaient plus, dans le petit salon, qu'Ezio et Maria. La vieille femme caressait le rebord de sa tasse de thé, les yeux perdus dans le fond du récipient où il y avait encore un peu de liquide sucré.
« Qui lui dira, Ezio ? »
L'homme se gratta le menton avant de répondre :
« Je le ferai, si vous voulez ».
Maria acquiesça d'un signe de tête.
« Elle me fait de la peine, soupira-t-elle. Elle est si heureuse de bientôt retrouver son père ; elle dormira certainement peu cette nuit encore. Tu aurais dû la voir, mon garçon, ajouta la dame avec un sourire compatissant, lorsqu'elle est entrée ici, avant-hier. Timide, gênée, mais en même temps euphorique. Elle sera tellement déçue… Tellement triste… »
Ezio s'enfonça dans son fauteuil et rejeta la tête en arrière. L'arrivée de Selene avait fait rejaillir des souvenirs qu'ils avaient tous enterrés profondément dans leur cœur. L'idée de raconter à son tour qui était Federico ne l'enchantait guère, bien que ce fût pour lui rendre hommage. Il se mordit la lèvre en se demandant comment il allait aborder le décès de son frère, et, surtout, comment le lui expliquer. Fallait-il lui dire la vérité, ou demeurer silencieux à propos des Assassins, de la Confrérie, des Borgia ? Ezio hésitait. Détenir le secret signifiait forcément être impliqué, et c'était une lourde responsabilité.
Mais il n'était pas encore temps. Il avait encore quelques heures pour s'y préparer. La nuit porte conseil, dit-on ; et bien, à l'aube, il aviserait.
Ezio vint rendre visite à Selene un peu avant midi. En cette fin de matinée, il avait opté pour une tenue simple d'individu masculin « normal » et sans histoires, c'est-à-dire une culotte et des bottes sombres, ainsi qu'une chemise de lin clair. Il gardait une dague et trois petits couteaux de lancer attachés à un fin baudrier rouge, habilement dissimulés sous une cape bleu nuit élégamment posée sur ses épaules. Il avait aussi pris un soin tout particulier à se raser la barbe, et avait remarqué avec une pointe d'ironie que cela le rajeunissait de quelques années.
Le but, en changeant son habillement et l'allure de son visage, n'était pas de paraître plus séduisant (bien qu'il eût une petite pensée narcissique en se jaugeant dans le miroir), ni de passer pour un oncle exemplaire en prenant soin de lui, mais de se fondre dans la foule. Être méconnaissable, ou, du moins, ne pas attirer immédiatement l'attention. En quittant ses attributs d'assassin et l'apparence qu'il arborait habituellement, il espérait détourner le regard des sbires fidèles aux Borgia et, plus que tout, préserver sa nièce. Par précaution, il avait tout de même relevé sa large capuche sur son front. Ce qui n'était pas suspect, en cette la saison. Car l'illusion ne serait que temporaire ; on finirait par se rendre compte de la supercherie et par l'attaquer. La prudence était donc de mise.
La Rose Fleurie ne lui semblait pas le bon endroit pour discuter et, à plus forte raison, annoncer la mort d'un parent.
« Je te propose une ballade. Ça te dirait de visiter les ruines romaines ? »
Il eut honte. Quel imbécile. « Une ballade », Ezio, pour l'amour du Ciel, tu ne pouvais pas trouver mieux ? C'était atrocement vieux jeu, d'une maladresse déconcertante et une preuve accablante d'un malaise qui ne s'était pas dissipé depuis la veille. Il dut se mordre l'intérieur des joues pour ne pas rire de lui-même. L'homme avait du mal à se comporter en oncle et, honnêtement, ne se sentait pas capable d'appréhender ce rôle avec quelqu'un qui lui était encore inconnu. C'était trop tôt. Beaucoup, beaucoup trop tôt.
La jeune femme avait toutefois accepté cette « ridicule » invitation avec une joie véritable. Son éducation lui avait donné l'amour des vieux livres et des vieilles pierres cela la fascinait.
« Vous vous rendez compte ? Tous ces gens qui ont marché sur nos pas, avant nous, entre ces colonnes de marbre abîmé. Une femme éplorée a-t-elle pleuré son mari ou son enfant appuyée à celle-ci ? Ou peut-être un homme trop saoul a-t-il terminé sa nuit au pied de celle-là. Il y aurait de jolis poèmes à écrire sur toutes ces vies, réelles ou pas ; après tout, on ne sait pas ».
Ezio l'écoutait avec un plaisir grandissant tandis qu'ils marchaient tous les deux vers le Quartier Antico. Cette façon de s'extasier sur l'architecture, sur les beautés de Rome, d'imaginer ces saynètes aux coins des rues ! C'était rafraîchissant, et il se surprit, lui aussi, à se prendre au jeu et à apercevoir, déambulant parmi les passants, des fantômes de contes oubliés.
Ezio l'observa à la dérobée pendant qu'elle parlait. Elle était belle, sa nièce, ses longs cheveux lâchés et sa cape bordée de fourrure sur le dos. Parce qu'elle lui parlait de ce qu'elle aimait, ses yeux verts pétillaient et ses joues se teintaient de rose. Ou était-ce la fraîcheur de l'air qui colorait ainsi sa figure ? Peu importait. Les jeunes garçons et les hommes plus mûrs ne manquaient pas de lui adresser un compliment du regard, tantôt lascif, tantôt poli. Ezio riait intérieurement : Federico avait fait du bon travail en perpétuant la tradition de la famille, soit celle de mettre au monde de sublimes créatures.
Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait bien. Personne ne l'avait encore reconnu. Il savourait ce court répit généreusement offert par l'anonymat retrouvé, et ce temps précieux où des liens se créent entre deux êtres humains, rapprochés par l'idée commune de famille et de fraternité.
Selene, au fur et à mesure qu'elle débitait ses impressions et ce qu'elle avait appris sur les monuments avec son professeur, craignait d'importuner son oncle. Sa fascination était sincère, mais peut-être ennuyeuse. Elle choisit de se taire alors qu'ils bifurquaient pour atteindre les champs. Ezio fut déçu, ne comprenant pas très bien pourquoi elle s'était arrêtée dans un monologue aussi intéressant sur la construction du Colisée, qu'on apercevait, là-bas, au loin. Mais Selene ne voulait qu'une chose : une réponse. Et derrière ces tirades savantes tirées de livres épais, elle y glissait son impatience. Qu'attendait-il, « bon sang ! » se répétait-elle. Après quelques pas dans l'herbe et entre les arbres, elle n'y tint plus :
« Parlez-moi un peu de mon père ».
Ezio s'humecta longuement les lèvres. Enfin, il prit une grande inspiration. C'était le moment. Ne sachant pas trop par où commencer, il décida de suivre le fil de ses pensées.
« Federico était un garçon impétueux, et pas vraiment ce que l'on peut appeler un grand frère modèle ».
Ils avancèrent jusqu'au forum de Trajan et s'assirent sur le roc ancestral. Ezio reprit :
« C'est lui qui m'a entraîné à escalader les murs, à courir et sauter de toit en toit quand j'avais une quinzaine d'années. Mère aurait sans doute été folle, si elle avait su ça à l'époque ! »
Selene souriait. Elle buvait les paroles de son oncle, pouvant enfin voir son père autrement que sous les traits d'un amant trompeur. Son cœur battait à toute vitesse.
« Il n'en était pas moins très courageux. Un jour, où mon père, Giovanni Auditore, s'était absenté, il a défendu la maison d'une troupe de... »
Il hésita, réfléchit vite.
« De voleurs. Oui, c'est ça, d'une troupe de voleurs. ».
Selene était pleine d'admiration.
« C'était quelqu'un d'intelligent. Mais, comme tous les jeunes garçons de vingt ans, son esprit futé se laissait facilement distraire par la compagnie des jeunes filles et d'une carafe de bon vin toscan. Il m'a transmis cette passion avec tout l'amour qu'engendre la fratrie. »
La jeune femme gloussa, réellement amusée.
« Ton père était un véritable coureur de jupons ! »
L'enthousiasme de Selene commença brusquement à décroître. Elle venait de remarquer que son oncle parlait au passé. Tout le temps au passé.
« Tu vois ceci ? » continua l'homme en passant un doigt sur la cicatrice qui fendait sa bouche. Il lui raconta l'épisode de Ponte Vecchio.
« J'en ai gardé cette marque. Une anecdote comme une autre ce n'était pas la première bataille à laquelle on se livrait corps et âme. Au plus grand désespoir de nos parents. »
Les souvenirs refoulés affluaient dans sa tête. Trop vite. Trop vifs. Comme un fleuve qui, libéré de son barrage, se déverse avec violence sur les plaines arides. Il en eut la nausée.
« Giovanni avait commencé à lui enseigner le métier de banquier. Chose qu'il ne prenait pas au sérieux du tout, et il se permettait des farces qui lui valaient de sacrées remontrances. Il paraissait aussi insouciant que moi, pourtant de trois ans mon aîné. C'était un bonheur qui aurait dû durer... ».
Le sourire de Selene s'effaça complètement.
« J'aimais beaucoup mon frère. »
Par pitié.
« Je me rappelle, quand j'étais petit et que Claudia venait de naître... »
Ezio s'arrêta les mots devenaient difficiles à prononcer d'une voix sûre. Il ne put poursuivre, la gorge nouée. Un flot de larmes sous les paupières, il réalisa qu'à quarante-deux ans, il n'avait toujours pas fait son deuil.
C'était un luxe qui ne lui avait pas été permis. Dépassé par les événements, il n'en avait jamais pris le temps sa soif de vengeance l'avait soumis à la colère, et non au chagrin et au recueillement. Il eut soudain très envie de pleurer, et s'étonna lui-même d'avoir gardé un cœur de glace pendant toutes ces années.
Selene, consciente de son trouble, posa une main réconfortante sur son épaule et lui demanda dans un souffle :
« Dîtes-moi seulement où il est. »
Ezio ferma les yeux. La main de la jeune femme était chaude, le parfum fruité de sa chevelure pénétrait ses narines. Dans quelques secondes, elle déverserait sa tristesse et son amertume à sa place, catharsis inespérée. Et lui demeurerait impassible.
Il se tourna vers elle et prit ses mains entre les siennes.
« Je suis désolé, Selene. Mais Federico est mort depuis très longtemps. »
La bouche de la jeune femme se tordit, son corps tout entier se mit à trembler.
La disparition de son père était une éventualité à laquelle Selene avait évidemment songé sans vraiment y accorder crédit. Lorsqu'elle avait quitté San Gimignano, c'était certes en redoutant le pire, mais non sans avoir la certitude de voir son père vivant, vieilli, mais bien vivant. Et, pourquoi pas, ramener à sa mère le mari qu'elle avait toujours voulu, toujours aimé, toujours attendu. A quoi Federico Auditore ressemblait-il ? Qui était cet homme qui avait enivré sa mère ?
Selene avait maintes fois imaginé leurs retrouvailles. Emu, Federico l'aurait serrée contre lui devant sa grande maison. Le soir, ils auraient parlé d'eux des heures entières, jusqu'au lever du soleil peut-être ! Elle lui aurait conté sa vie à la boutique de tissus qui avait beaucoup changé. Il lui aurait expliqué pourquoi il avait abandonné sa mère après plusieurs mois d'amour, et aurait avoué l'aimer encore. Ils auraient alors fait le voyage du retour ensemble, le père et la fille, puis seraient revenus à Rome avec Concetta pour y fêter l'ouverture un deuxième magasin. Et auraient enfin vécu heureux, comme une vraie famille.
Mais son père restait et resterait incontestablement sans visage et sans voix. Presque irréel.
Seigneur ! Tout basculait. Tous ses espoirs, tous ses rêves et toutes ses idées sur lui tombaient en mille morceaux, les uns après les autres. Non, c'était impossible, pas après s'être donné tout ce mal, pas après avoir fait tout ce chemin !
Découragée, elle se laissa choir contre la poitrine de son oncle. Il resserra ses bras autour d'elle, doux et protecteur, et la berça tendrement, durant un temps qui lui parut une éternité.
« Je suis désolé, Selene. Tellement désolé... »
Elle sanglotait silencieusement, blottie contre lui, accrochée à sa chemise. Du mouvement sur la gauche attira soudain l'attention d'Ezio. Il réalisa avec horreur qu'une troupe de soldats, la main sur la garde de leur épée, marchaient vers eux d'un pas assuré. Il comprit : il éveillait les doutes
Il brisa violemment leur étreinte et, avant de s'éloigner à grandes enjambées, lança sèchement à sa nièce :
« Va-t-en d'ici, Selene. Va-t-en et ne te retourne pas ».
La jeune femme, le visage baigné de larmes, le héla plusieurs fois, ce qui confirma à ses poursuivants l'identité de l'assassin. Sans pouvoir rien faire, elle les regarda, terrifiée, courir après son oncle en proférant des menaces de mort.
« Arrêtez ! C'est un malentendu ! »
Un soldat, occupé à faire une ronde, observait la scène de loin, ne jugeant pas utile de prendre part au combat. Selene se précipita vers lui.
Vincenzo était un homme plein d'ambition, ce qui ne coïncidait pas du tout avec sa couardise non avouée. C'était un pleutre qui essayait au maximum d'éviter les situations dangereuses, exactement comme celle qui se déroulait sous ses yeux et qu'il faisait mine de ne pas avoir vu. En tant que novice, il demeurait assigné aux rondes, un bon moyen d'éviter de se frotter aux lames, surtout dans ce coin tranquille. Il y a quelques mois de cela, il s'était engagé, faute de mieux ; les avantages de la fonction l'attiraient plus que d'endosser l'habit religieux. « Je suis soldat, moi ! » aimait-il répéter, fier comme un coq. Son orgueil le rendait antipathique ; il n'était pas très apprécié de ses camarades, ni de ses connaissances en général. C'était, en somme, un personnage assez détestable, mais Selene projetait sur lui l'image naïve de la force, de la justice, de la bonté. Et elle se hâtait en sa direction.
« Messere ! Aidez-moi, s'il vous plaît ! »
Vincenzo ne savait pas s'il fallait répondre ou lui dire de passer son chemin sa propre sécurité était-elle en jeu ? La jeune femme paniquait :
« Là-bas ! » articula-t-elle en reprenant son souffle. Elle tendit un bras vers Ezio, qui se défendait comme il pouvait avec sa petite dague, face à ses assaillants lourdement armés.
« C'est mon oncle ! C'est une affreuse méprise ! »
Le regard de Vincenzo pétilla. Selene venait de faire une erreur.
« Il est innocent ! »
Vincenzo se retint de tomber à genoux et de remercier Dieu avec ferveur. Sa promotion, il l'avait devant lui ! On le ferait soldat de la garde du Vatican, il serait respecté de tous, admiré, et surtout, il inspirerait la crainte.
« Faîtes quelque chose, je vous en supplie !
-Evidemment, signorina, mais suivez-moi d'abord. Il faut vous éloigner de tout ce chahut ».
Il lui empoigna fermement le bras et la força à le suivre.
Ezio était parvenu, tant bien que mal, à maîtriser le corps de garde. Passé l'étonnement et la confusion, il était maintenant focalisé sur les mouvements de ses adversaires, au déloyal nombre de cinq contre un ; l'environnement ne comptait plus. Armé de sa dague, qui faisait évidemment pâle figure face aux hallebardes et aux épées plus lourdes, Ezio bondit sur un soldat et lui trancha la gorge d'un coup net et gracieux. Le sang gicla, tâchant ses vêtements et son visage. Il en reçut sur les lèvres et, de dégoût, cracha dans les yeux d'un deuxième soldat. Titubant, ce dernier prit une seconde pour nettoyer la salive qui l'aveuglait, mais ce fut une seconde de trop : la lame d'Ezio s'était profondément enfoncée dans sa nuque et l'avait à moitié décapité. Il était mort avant même de toucher le sol, la tête branlante et rattachée au corps par quelques morceaux de chair.
Devant la sauvagerie dont l'homme faisait preuve et l'horreur du cadavre qui les fixait de ses yeux vitreux, les trois soldats restants reculèrent de quelques pas. Ezio fit un geste de la main :
« Allez-vous en, je serai clément envers ceux qui fuient ».
Un premier ne se le fit pas dire deux fois ; un autre hésita puis déguerpit ; le dernier se jeta sur lui en hurlant. Ezio soupira et se prépara à encaisser l'attaque. Mais dans l'angle qu'avait formé ce bras levé, prêt à s'abattre sur lui, il aperçut Selene que l'on traînait de force sur le sentier. Son cœur rata un battement.
Une vive douleur lui fit reprendre ses esprits : l'épée adverse lui avait profondément entaillé le bras et avait dérapé sur sa poitrine, deux parties fragilisées sans leurs habituelles protections. Ezio serra les dents le sang imbibait la tunique, qui se collait aux plaies. Mais il devait agir vite. Son ennemi souriait, satisfait d'avoir touché sa cible, et se voyait déjà ramener la tête de l'assassin en trophée. Il se défendait mieux que les autres, contrant les coups avec habileté. Il porta un nouveau coup à Ezio, mais, le manquant, l'épée se contenta de glisser sur le flanc. L'homme, qui n'avait pu s'empêcher de regarder vers Selene, avait une fois de plus baissé sa garde. Il rugit en sentant le fer déchirer la chair. Son corps s'enflamma, et le sang coula abondamment.
« Je vais te tuer, assassino ! Et l'on me récompensera pour ça »
Le soldat n'aurait jamais du oublier à qui il avait affaire. Car, malgré ses blessures, Ezio se montra le plus fort une nouvelle fois. Rapide et agile, luttant contre la douleur qui lui transperçait le corps, ses pensées focalisés sur sa nièce, il esquiva une feinte, cassa en deux le bras tendu du garde contre son genou et lui planta sa dague profondément dans l'arrière du crâne. La lame pénétra l'os dans un craquement affreux.
Sans prendre le temps de récupérer son arme, Ezio s'élança vers la jeune femme que l'on maltraitait. Il fit le plus vite qu'il put, une main sur le côté afin, croyait-il, d'atténuer l'hémorragie. Dans sa course mal assurée, il s'en voulut : Selene n'aurait rien dû savoir, Selene n'aurait pas dû subir une telle violence. Mais du fait de sa trop grande assurance et sa négligence, il l'avait mise en danger. Elle allait tout découvrir, et ne serait alors plus en sécurité nulle part. Il eut soudain l'abominable vision du corps de sa nièce se balançant au bout d'une corde. Alors qu'il n'était plus qu'à quelques mètres d'eux, il stoppa net et saisit un couteau de lancer.
Selene fit quelques pas auprès de Vincenzo avant de comprendre qu'il n'interviendrait pas en faveur de son oncle.
« Qu'est-ce qui va arriver ?
-La justice jugera » répondit Vincenzo d'une voix mielleuse.
La jeune femme risqua un coup d'œil par-dessus son épaule et poussa un cri en voyant des coups d'épée s'abattre sur Ezio, et le sang jaillir.
« Seigneur ! Ils vont le tuer ! »
Elle eut un mouvement vers lui, mais Vincenzo l'attrapa et la maintint fermement.
« On va rester tranquille, ma petite dame, et me suivre !
-Non ! Lâchez-moi !
-Je pense que les Borgia auront quelques questions à te poser »
Selene, prise de panique, commença à se débattre entre les bras puissants du soldat, mais en vain. Ce n'était pas en lui mordant les doigts ou en lui lacérant les joues de ses ongles qu'elle pouvait espérer s'en sortir. Vincenzo la calma d'une gifle et la fit marcher devant lui, la pressant de temps en temps d'une légère tape dans le dos. Selene, forcée d'obtempérer, leva les yeux au ciel et murmura une courte prière. Dans quoi s'était-elle embarquée ? Pourquoi était-on en train de massacrer son oncle, là-bas ? Et qu'avait-elle à voir avec les Borgia ?
Selene entendit soudain le garde trébucher derrière elle. Elle se retourna et vit Vincenzo boiter et retirer un petit couteau fiché dans sa cuisse. Il pâlit en réalisant que c'était lui qu'on attaquait. La jambe meurtrie, il dégaina son épée et lança un regard apeuré autour de lui.
« Malédiction ! Qu'est-ce que… »
Il hurla. Un des couteaux s'était planté dans son œil gauche. Le sang dégoulinait sur son visage. Selene plaqua ses mains sur sa bouche, autant pour étouffer ses cris de peur que pour éviter de vomir. Terrorisée, elle ne pouvait détacher ses yeux du malheureux qui, tombé à terre, gesticulait en tout sens et suppliait qu'on lui vienne en aide. La jeune femme ne trouva même pas la force de bouger.
Ezio se félicita intérieurement ; il avait visé juste. Le garde s'étala sur le sol il bondit sur lui et retira le couteau de l'orbite, en emportant le globe. Vincenzo hurla de plus belle. Ezio siffla entre ses dents :
« Que ta mort serve d'exemple : celui qui la touche périt ».
Et il lui trancha la gorge Vincenzo mourut dans un gargouillis atroce. Ezio lui ferma les paupières avant de se relever et d'épousseter sa culotte.
« Requiescat in pace ».
Puis il se rendit compte, revint à la réalité, et regretta amèrement. Selene restait en retrait, chancelante, abasourdie par la scène à laquelle elle venait d'assister. Il était essoufflé, dans un état pitoyable, les vêtements écarlates et en lambeaux. Et il venait de faire preuve d'une immense cruauté, s'étant laissé submerger par la colère et la peur, ayant oublié ses maux du même coup. Ils demeurèrent ainsi quelques minutes, à se fixer, perdus.
Une mare de sang grandissait sous Vincenzo, recouvrant de sa chaleur et de sa teinte sombre l'herbe verte et élastique.
