Tout d'abord, désolée pour le retard ! Ce chapitre a mis beaucoup de temps pour arriver, par manque de temps et aussi d'inspiration. J'avoue avoir vraiment eu du mal à écrire ce chapitre, qui j'espère vous plaira quand même. En attendant que ma muse veuille bien faire son boulot, j'ai updaté plusieurs anciens chapitres, apporté des corrections et supprimé des passages un peu lourdingues. Je précise, je ne vous demande pas de tout relire… MDR

Une petite précision encore : les noms des membres de la Confrérie sont pour la plupart tirés du jeu. Ugo Ubaldi par exemple :3 J'aime bien leurs têtes alors je les garde…

Au programme : un chapitre exclusivement centré sur Selene !

Bonne lecture, et n'hésitez pas à me laisser une review, ça fait toujours plaisir et surtout, ça motive !


Sa cape sur le dos, le bagage sur l'épaule, Selene était prête pour le voyage du retour. Elle descendit jusqu'au hall, voilant sa figure de ses cheveux lorsqu'elle dépassa un soldat ému par le décolleté d'une courtisane. Maria l'attendait au pied de l'escalier, un paquet recouvert d'un tissu épais dans les mains. Elle l'accueillit avec un sourire :

« Avant que tu t'en ailles, j'aimerais t'offrir ceci ».

La vieille femme le lui tendit. Selene fit un geste pour l'ouvrir :

« Non, pas maintenant, fit Maria en lui prenant les mains. S'il te plaît, ne regarde pas maintenant. Lorsque tu seras chez toi, avec ta mère ».

Selene hocha la tête :

« Qu'est-ce que c'est ?

-Un portrait de Federico, le seul que j'ai pu sauver des deux attaques, expliqua Maria. L'image de mon enfant restera à jamais dans ma mémoire, je n'en ai pas besoin. Ainsi, tu connaîtras le visage de ton père, que tu as mis tant d'ardeur à venir chercher ».

La jeune femme serra le tableau contre elle.

« Grazie mille ».

Maria eut soudain l'air gêné :

« Quoi qu'ai pu dire mon fils par ressentiment, tu seras toujours la bienvenue ici ».

Elle prit sa tête entre ses mains et lui baisa le front.

« Ma petite fille… »

Claudia et Maria, dans leur bonté, la retenaient, mais Ezio l'intimidait. Elle ne se sentait plus capable de l'affronter après cette dispute, si violente dans les mots l'homme l'avait profondément intimidée. Et, à cause de lui, Rome n'était plus sûre ; San Gimignano serait son refuge, au fin fond de la campagne. Avec un peu de chance, les Borgia perdraient sa trace. A la fois apeurée et triste, Selene lui en voulut. Une pensée terrible lui traversa l'esprit : si seulement il avait pu mourir à la place de son père !

« Prends soin de toi » recommanda Maria avec bienveillance.

Selene acquiesça d'un signe de tête.

« Addio, Selene.

-Addio, Maria ».

Selene attacha le tableau à son bagage et prit la direction des écuries. C'était l'aube ; la ville, encore enveloppée d'une pénombre bleue, était recouverte d'une fine couche de brume. La jeune femme frissonna, resserra le col de sa cape et s'enfonça dans le brouillard.

Rome était angoissante. Selene glissait tel un fantôme entre les ruelles, encore peu fréquentées. Les boutiques ouvraient à peine, gueules de lumière jaune cernées de gencives de bois. Elle se pressa, et, enfin, bifurqua vers les écuries. Sa jument l'accueillit en secouant la tête, les oreilles dressées, visiblement heureuse de la revoir.

« Une longue route nous attend, ma belle. On rentre à la maison ».

Elle harnacha l'animal, accrocha ses affaires à la selle en gardant cependant le tableau sur son dos, et entreprit de quitter la ville. La jument tenue par la bride la suivit docilement.

Le soleil pointait à l'horizon lorsqu'elle atteignit la porte au nord. Selene réalisa alors, déçue, qu'elle s'en retournait au point de départ. Elle se refusa de penser qu'elle avait fait tout ça pour rien.

« Il aurait peut-être mieux fallu que je continue à imaginer Papa et tous les autres » songea-t-elle tristement.

Le bonheur est dans la perspective. Elle ne savait plus quel abruti de philosophe avait dit ça, mais il avait cruellement raison.

Elle se hissa sur son cheval et partit au galop. Lorsqu'elle ne fut qu'un petit point sur l'horizon, Ugo et Vittorio se mirent en route à sa suite.

La première journée de voyage, Selene ne fit qu'une halte loin du sentier, afin que son cheval puisse se reposer après ces longues heures passées à avaler la route. Elle n'avait croisé qu'un chariot de marchandises depuis qu'elle avait quitté la cité. Elle n'était pas tranquille, au milieu de ce chemin mangé par la brume ; on ne pouvait voir ni devant ni derrière soi. La jeune femme, toujours en alerte, sursautait et tressaillait au moindre bruit ; son imagination travaillait sans relâche. Un caillou qui roule, le bruissement des feuilles, une brindille brisée sous le poids d'un quelconque animal, tout signifiait pour elle la présence de sbires lancés à sa poursuite afin de la tuer froidement. Cette idée la terrifia.

Le soir venu, Selene s'arrêta dans un petit village qui bordait la route, s'offrant un lit confortable dans une auberge. Elle se glissa sous les couvertures, apaisée par la chaleur réconfortante du lieu, et effaça sa crainte dans le sommeil.

Le lendemain, Ugo et Vittorio attendirent avant de suivre Selene qui s'en allait dans le petit matin, restant sur leurs gardes et guettant les alentours tandis qu'elle s'éloignait. En remarquant son cheval attaché devant l'auberge, ils avaient compris et décidé eux aussi de passer la nuit dans ce petit village perdu entre la route et la forêt.

« J'étais tout de même loin de me douter que le Mentor avait une nièce, commença Ugo.

-C'est la première fois que l'on m'envoie secourir une demoiselle en détresse, commenta Vittorio, un sourire moqueur sur les lèvres.

-Surveille tes mots, ce n'est pas n'importe qui.

-Je sais. Elle n'est pas Assassin mais risque d'en payer le prix tout de même… »

Un vieil homme rachitique, édenté et au teint jaune, jubilait à côté d'eux et attira l'attention de Vittorio. Celui-ci s'approcha lentement du misérable ; il tenait une bourse au creux de sa main maigre, et riait aux éclats, tel un fou. Arrivé à sa hauteur, Vittorio attrapa la bourse malgré les protestations de l'homme, l'ouvrit et en sortit une pièce d'or, qu'il examina dans un rayon de soleil naissant. Puis, furieux, il le saisit à la gorge et s'exclama :

« Qu'as-tu fait, vieillard ? »

Il le jeta à terre et lança les pièces aux badauds arrêtés dans leurs affaires par leur trop grande curiosité. Ugo se précipita vers lui :

« Qu'est-ce qui te prend ?

-Il l'a vendue ! s'écria Vittorio, hors de lui. Elle été dénoncée par ce sale… ce sale pezzo di merda !

-Ne le blâme pas, nous aurions peut-être fait la même chose si nous mourrions de faim ».

Ugo tenta de le raisonner, mais la confusion le gagnait. S'ils échouaient, le Maître perdrait de l'estime pour lui, et ils auraient le sort d'une innocente sur la conscience.

« Il faut faire vite, une troupe attend certainement pour lui barrer la route »

Ugo se mit en selle. Avant de l'imiter, Vittorio murmura au vieil homme :

« Si jamais il est trop tard, je te promets que je reviendrai te chercher ici, et que je te tuerai de mes propres mains ».

Il cracha aux pieds du vieillard gémissant, recroquevillé dans la poussière, mort de peur.

« Vittorio, gronda Ugo, l'air sombre. Laisse-le. Le mal est fait, mais il est peut-être encore temps de le réparer ».

oOo

Selene avait à présent moins d'une dizaine de lieues à parcourir avant d'arriver à San Gimignano. Le crépuscule tombait, et elle se rendait soudainement compte à quel point la peur l'avait stimulée.

Brusquement, sa jument s'immobilisa puis se mit à piaffer, visiblement alarmée par une présence tapie dans l'obscurité. Son sang ne fit qu'un tour ; Selene lança l'animal au grand galop, dépassant les cinq gardes à peine sortis des fourrés, avant qu'ils aient eu le moyen de se mettre en travers de son chemin et de la sommer de s'arrêter. Les Borgia la voulait vivante et capable de parler, mais ils étaient tout de même armés jusqu'aux dents.

Ce fut la panique. Selene hurlait et appelait à l'aide. Ses cris continuaient d'effrayer sa monture qui hennissait et cavalait à une telle vitesse qu'elle sembla bientôt s'envoler. Et Selene, malgré sa bonne assiette, peinait à l'accompagner ; elle se hissa sur ses étriers et, le cou à l'encolure frémissante, se laissa transporter. Les crins de l'animal s'agitaient devant ses yeux baignés de larmes.

« Cours, cours ! Eloigne-les de moi, je t'en supplie ! »

Elle espérait un miracle, un renfort inattendu, mais rien ne vint à son secours hormis l'insulte d'Ezio : « Pauvre lâche ! »

« Il a tort » songea la jeune femme avec mépris.

Et il avait tellement tort que Selene trouva du courage juste par désir de le contredire. Elle ne serait pas lâche, non, pas cette fois.

Elle entreprit alors de se tirer d'affaire toute seule.

La jeune femme sécha ses pleurs d'un revers de main, refoula sa honte et tenta de se concentrer. Elle réfléchit. L'environnement n'était ni pour ni contre elle : autour d'eux, la forêt devant eux, la route, droite et longue. Aucune échappatoire. S'enfoncer dans les bois serait une erreur, les branchages et les obstacles dissimulés sous les feuilles et la mousse l'auraient ralentie ou piégée ; après tout, elle n'avait pas d'armure pour se protéger des branches et des ronces. La seule chose à faire, c'était de prendre assez d'avance et d'entrer dans San Gimignano. Là, elle aurait l'avantage, elle pourrait se terrer dans les recoins du village, dans ces cachettes qu'elle connaissait si bien pour les avoir explorées des dizaines de fois lors de ses jeux d'enfants.

Elle talonna son cheval et s'en remit à Dieu.

Les deux assassins, un peu plus loin sur le sentier, se rendirent compte de l'agitation. Vittorio mit sa main en visière et détailla l'horizon. Il vit les soldats bondir sur la jeune femme, et cela ne le surprit pas :

« Ils sont là, faisons vite ! »

Leurs montures, soigneusement sélectionnées parmi les plus rapides, eurent vite fait de se rapprocher de la troupe et de Selene. Ils laissèrent une distance raisonnable, assez pour voir sans se faire remarquer. Les autres étaient de toute manière trop occupés pour vérifier leurs arrières.

-Nous n'agissons qu'en cas d'extrême nécessité, rappela Ugo. Il n'y a encore aucune raison d'intervenir ».

Le vent sifflait dans les oreilles de la jeune femme, et ses yeux s'embuaient de larmes alors que l'air glacé giflait ses paupières. Au loin, les remparts de San Gimignano s'élevaient fièrement son salut. Selene se rappela alors un sentier quelques mètres en amont, maladroitement dessiné dans la verdure et qui continuait jusqu'en haut d'une colline. Il était rarement fréquenté, peu entretenu, mais il lui serait aisé à pratiquer elle empruntait souvent ce raccourci et son cheval y était habitué. Elle prendrait l'avantage, la garde se bousculerait tandis qu'elle filerait pour les semer.

Elle n'hésita plus quand un carreau d'arbalète siffla sur sa droite et s'encastra dans un tronc d'arbre. Des morceaux d'écorce s'éparpillèrent sous le choc. Il ne s'agissait que de l'intimider ; cette attaque fit l'effet d'un coup de fouet qui piqua sa monture blanche d'écume, mais résolue à ne pas mourir aujourd'hui.

« Rattrapez-moi cette garce ! » hurla le capitaine de la garde, furieux de voir son futile stratagème échouer.

Derrière eux, un soldat s'écroulait ; ils ne virent rien.

Le carreau d'arbalète fut un « cas d'extrême nécessité ». Ugo et Vittorio étaient d'accord avant même se s'adresser un regard. Habile, Vittorio lâcha les rênes, banda son arc et visa la nuque du soldat qui fermait la marche. La flèche fendit l'air et atteignit sa cible la victime s'effondra sans émettre un son, le projectile fiché en travers de la gorge. Ils le dépassèrent sans y prêter attention.

Ugo s'arrêta à la naissance du chemin. Selene et les poursuivants avaient disparu.

« On ne les suit plus ? » s'étonna Vittorio.

Ugo secoua la tête.

« Impossible. Ce côté-ci est trop escarpé. Nous serions ralentis et certainement repérés. Ce n'est pas ce que le Mentor veut. Continuons, nous finirons bien par tomber sur eux de nouveau »

Vittorio acquiesça : son compagnon connaissait la région mieux que lui.

« J'ai confiance, dit-il. C'est une habile cavalière ».

Selene gravissait la colline avec confiance car son plan fonctionnait elle les distançait toujours plus sur cette petite route sinueuse. Ils montèrent ainsi jusqu'à un plateau, nu de végétation. En contrebas, on apercevait distinctement San Gimignano et les lumières que l'on commençait à allumer, petites flammes rougeoyantes dans la pénombre.

Rusée, Selene encouragea sa monture à reprendre de la vitesse, et emmena les traqueurs vers un passage à flanc de colline, étroit et inhabituel, au bord d'un précipice vertigineux. Et, ignorants, ceux-ci la suivaient.

C'était ce danger que la jeune femme comptait transformer en atout. Elle s'engagea sans tressaillir. Les soldats étaient, quant à eux, moins tranquilles. Leurs chevaux, apeurés et alourdis par les bagages et le poids des hommes casqués et armés, progressaient moins rapidement, les sabots gauches et hésitants. L'un d'eux, le plus près du bord, trébucha malencontreusement en pleine course, glissa sur les cailloux blancs, et se précipita dans le vide avec son cavalier. Un hurlement épouvantable se répercuta sur les parois de la colline ; la garde s'arrêta, glacée d'effroi.

Selene avait pris une avance considérable : enfuie à toute allure, elle n'était plus visible nulle part. Désemparé et furibond, le capitaine dû se rendre à l'évidence : ils avaient perdu. Et la punition de Cesare Borgia serait terrible.

Ils remarquèrent alors qu'ils n'étaient plus que trois.

« Roberto vient de tomber, dit l'un deux. Où est Manfredo ? »

Personne ne répondit ; on avait constaté l'absence de Manfredo dès l'entrée dans les bois, mais on n'avait pas osé la signaler.

« Les chasseurs sont chassés » conclut simplement le capitaine.

D'épais nuages noirs s'étaient amoncelés autour du sommet de la colline ; il se mit à pleuvoir.

Plus tard, lorsqu'ils s'en seraient retournés, penauds, sur la grande route, et qu'ils auraient retrouvés Manfredo étalé dans la boue, la mort les frapperait eux aussi, subitement, silencieusement.

oOo

Selene passa enfin les portes du village ; une immense joie l'envahit. Elle jeta un dernier regard par-dessus son épaule et se sut sauvée. Les rares badauds qui s'étaient attardés sous cette froide pluie d'hiver jaugèrent avec inquiétude la jeune femme essoufflée, les yeux brillants, ses cheveux noirs et humides collés sur son front et ses joues ; elle avait l'air d'une folle. Elle était arrivée si vite qu'elle leur avait semblé pourchassée par le démon lui-même. Ils ne savaient pourtant pas que, pour elle, démons ou soldats, c'était la même chose.

Il n'était toutefois pas question de se reposer maintenant. Elle conduisit sa jument épuisée jusqu'à l'écurie et courut vers la boutique de tissus, le tableau serré contre elle pour lui éviter la pluie. Dès qu'elle avait senti les premières gouttes d'eau sur sa tête, elle n'avait plus tenu les rênes que d'une main, se servant de l'autre pour protéger le portrait de son père. Elle souhaitait que celui-ci ne soit pas trop abîmé.

A la lucarne de sa maison brillait une faible lumière. Selene s'en réjouit, et cela lui réchauffa le cœur. Elle frappa à la porte et lorsque Concetta lui ouvrit, à la vue de ce beau visage doux et aimant, elle tomba à genoux et éclata en sanglots. Accablée par la fatigue et l'émotion, la jeune femme cacha sa figure éplorée dans la jupe de sa mère et s'exclama :

« Oh, Maman, si tu savais tout ce qui m'est arrivé ! »