Hop, hop, la suite ! Merci à Masse Noire et BTS pour leur fidéliteyyyy :p Et à EADF pour tenter de la lire avec Google Translate ;)...
Au programme, le pourquoi du comment de Benozzo Gozzoli, huhuhu...
Florence, 1493.
Benozzo Gozzoli remontait en toute hâte la rue qui menait au Palais des Medici. Il avait quitté ses couleurs et ses pinceaux pour répondre à la missive de son protecteur, Pietro di Lorenzo de' Medici, qui l'avait demandé en urgence. Dérangé en plein travail, Benozzo pestait, mais ses plus gros jurons restèrent coincés dans sa gorge ; insulter le fils de son grand ami défunt n'était pas correct, bien que le jeune duc du Florence fût absolument détestable.
Lorsqu'il arriva au Palais, il s'annonça, et on le fit patienter dans un couloir. Soupirant, Benozzo s'assit sur un petit banc et regarda passer les courtisans du nouveau duc que l'on surnommait, à tort ou à raison, lo Sfortunato. Ils lui semblèrent confus, tendus, et leurs yeux affolés ne laissaient rien présager de bon. Benozzo reconnut certains visages, blafards dans le peu de lumière qui filtrait à travers les petits occuli. Ils avaient juré allégeance à Pietro mais à leur expression, Benozzo sut qu'ils regrettaient la mort du Magnifique.
Une porte s'ouvrit et des talons, légers, claquèrent sur le plancher étincelant. Le peintre se leva en apercevant Pietro.
« Monseigneur ! le salua-t-il avec respect malgré sa profonde antipathie.
-Bienvenue, Benozzo. »
Le duc replaça son bonnet sur le haut de son crâne et l'invita à le suivre. Ils pénétrèrent dans une autre salle immense et bondée, et se frayèrent un chemin afin de rejoindre une autre petite porte.
« Excuse le désordre, dit Pietro alors qu'ils traversaient la foule. C'est néanmoins nécessaire.
-Que se passe-t-il ? » l'interrogea l'artiste, intrigué par tant d'agitation.
Vivre à la campagne avait l'avantage de la tranquillité mais l'inconvénient d'ignorer le plus souvent les évènements qui se déroulaient en ville.
« Par ici » répondit simplement Pietro en s'engouffrant dans le passage étroit.
Ils se retrouvèrent dans un petit cabinet, et le duc expliqua à Benozzo les raisons de sa venue.
« Charles VIII marche sur Florence ».
Benozzo écarquilla les yeux. La guerre prenait soudain une certaine réalité. Elle n'est rien et n'existe pas lorsqu'on ne l'entend pas par-dessus les collines.
« Nous avons l'intention de nous rendre afin d'éviter un bain de sang » continua le jeune duc, semblant fier de choisir ainsi la paix.
Le peintre pensa au temps de Lorenzo, où les choses ne se seraient pas passées de cette façon. Même si les raisons de Pietro paraissaient nobles, Benozzo y décela une certaine lâcheté. Là où son père aurait combattu pour défendre sa cité, sa chère et belle Florence, lui la livrait sur un plateau d'argent à l'ennemi avare. Ces doutes se confirmèrent lorsque le duc reprit la parole.
« Nous faisons les derniers préparatifs. Nous partons bientôt. »
Ce dernier se racla la gorge.
« Et la signora Orsini, comment réagit-elle à ces terribles nouvelles ? demanda le peintre avec une bonhomie hypocrite. La pauvre, elle a le cœur si fragile… »
Pietro hocha la tête.
« Clarisse est déjà à la campagne, précisa-t-il. Elle a jugé préférable de s'éloigner de ce tumulte. Et c'est justement à propos d'elle que je dois te parler ».
Benozzo fronça les sourcils.
« C'est elle qui m'a fait t'appeler. A propos de la Pomme… »
L'artiste eut un frisson.
« Je sais que tu es dans la confidence, reprit Pietro, l'air grave.
-Peut-être, rétorqua Benozzo d'une voix éraillée. Mais je ne veux pas être impliqué.
-Tu ne peux pas faire autrement, lui dit le duc. Tu ne peux pas refuser, c'est tout. »
Benozzo s'avoua vaincu.
« Bien. Qu'attendent-ils de moi ? »
Pietro croisa les mains et prit une profonde inspiration. Il jeta un coup d'œil prudent autour de lui et baissa d'un ton ; son statut de dirigeant lui intimait de faire attention : les murs ont des oreilles, et les portraits des yeux.
« Clarisse a peur que les français découvrent tout…. Elle a brûlé tous les documents, les livres, les notes, les lettres. Un accès de frayeur, vois-tu…. Mais elle sait que tu sais, et il faut tout de même laisser une trace.
-Je ne vois pas où vous voulez en venir, Monseigneur.
-Clarisse souhaiterait que tu peignes des toiles avec des indices, des codes que sa famille interprétera facilement.
-Les Templiers sauront comprendre aussi, remarqua Benozzo.
-Bien sûr, bien sûr. Mais il n'est pas question que tu montres ces tableaux. Pour l'instant, cache-les. Les Orsini garderont le secret, aussi longtemps qu'ils le pourront. »
Le duc se retourna et saisit la poignée de la petite porte ; puisque Benozzo savait désormais ce qu'il avait à faire, la conversation était terminée.
« Prions simplement pour qu'il ne meurt jamais. »
