Selene commença son initiation les jours qui suivirent son retour à Rome.
L'enseignement consistait tout d'abord à apprendre et interpréter le Credo, après avoir symboliquement juré sur celui-ci ; Machiavelli s'en chargeait dans la salle des cérémonies. Les recrues volontaires rêvaient déjà de l'instant où, dans cette même salle, le Mentor les consacrerait Maître Assassin.
« Rien n'est vrai, tout est permis » répétait Machiavelli.
Tandis que tous les novices scandaient docilement ce qu'ils considéraient comme un axiome, la jeune femme fixait le mur devant elle, esprit et oreilles fermés. Un jeune garçon aux boucles dorées et à l'étrange regard bleu la bouscula gentiment d'un petit coup de coude.
« Quelque chose ne va pas ? » demanda-t-il, inquiet et aimable.
Selene émergea. L'individu parlait avec un léger accent.
« Oh, non, tout va bien » bafouilla-t-elle, terriblement gênée d'avoir été ainsi surprise dans sa rêverie.
Souriant, il s'occupa des présentations :
« Je m'appelle Thomas Rochester.
-Piacere ! Vous n'êtes pas d'ici, je me trompe ?
-Exact, je viens d'Angleterre, expliqua Thomas, le torse bombé d'une fierté toute patriotique.
-Un pays lointain et que l'on dit bien gris. Est-ce vrai ? »
Mais Thomas ne répondit pas et s'enthousiasma à propos d'un tout autre sujet :
« Vous êtes bien la nièce du Mentor, alors ? »
Selene le dévisagea, interloquée. Elle n'avait même pas pris la peine de se présenter, cependant la nouvelle avait déjà fait le tour chez les nouveaux venus. Ce ne fut qu'un murmure que l'ouïe fine des futurs assassins n'avait pas manqué : de nombreux visages intrigués se tournèrent vers elle, ainsi que celui, courroucé, de Machiavelli.
« Je suis désolé » s'excusa Thomas, confus et rougissant.
Une fille qui se tenait derrière Selene pouffa, amusée par la maladresse de l'Anglais. L'incident passa.
Durant les jours qui suivirent, Selene remarqua que beaucoup des recrues qui l'accompagnaient dans son initiation lui adressaient des sourires et des hochements de tête plein d'humilité. Cela la gênait terriblement, d'autant plus qu'elle était mise à l'écart du fait de cette parenté avec le Mentor : dans les groupes d'amis qui se formaient, elle n'avait pas sa place. La seule compagnie qu'elle avait était celle Ezio quand il avait le temps et avec qui elle avait fini par nouer une entente cordiale, Maria et Claudia lors de ses rares passages à la Rose Fleurie, et Ugo qui lui apportait des nouvelles de Vittorio ; apparemment, celui-ci ne tarderait pas à revenir. Mais cela ne comblait pas le vide qu'elle avait dans le cœur, et cet enseignement forcé n'en était que plus difficile à supporter. Ezio l'avait remarqué, mais ne disait rien.
Cette solitude lui pesait tellement qu'un matin, alors qu'elle croisait quelques initiés qui réitéraient le manège, elle ne put se contenir et invectiva :
« Arrêtez ! Je n'ai rien à voir avec eux ! »
Les autres s'en allèrent d'un pas précipité. Thomas, qui avait assisté à la scène, s'approcha d'elle et posa une main compatissante sur son épaule. Attristée, Selene n'eut pas la force de s'en dégager.
« Je suis désolé de constater que vous n'êtes pas appréciée à votre juste valeur ».
Selene pinça les lèvres et lui lança un regard noir : il avait été le premier à lui parler pour confirmer la rumeur et la mettre dans cette situation. Mais Thomas, à présent, regrettait.
« Je vous demande pardon.
-Ce n'est rien, le rassura la jeune femme, soulagée de recevoir des excuses et d'entamer une conversation.
-Peut-être pourrions-nous étudier ensemble ? proposa-t-il. Je pense que nous devrions creuser plus profondément notre maxime. A vrai dire, je n'ai pas totalement saisi… »
Selene eut un petit rire. Au début de leur formation, la devise de la Confrérie était plus ou moins confuse pour tout le monde. Elle accepta avec joie, et ils se rendirent dans la salle d'études.
Thomas déblatérait avec passion. Sur les parchemins poussiéreux qu'ils déchiffraient ensemble et qui récapitulaient le Credo, les préceptes énoncés lui apparaissaient aussi fondamentaux que ceux de la Bible pour un évêque.
« A l'extérieur, disait-il, on nous prend pour des meurtriers. Les gens ne comprennent pas nos desseins, et se rangent du côté de ceux qu'ils devraient haïr ! »
Selene se sentit rougir, et repensa aux paroles d'Ugo : « Ce n'est pas ma faute si vous ne comprenez rien ». Sans le savoir, Thomas discutait avec une de ces personnes incultes.
« Tu ne verseras pas le sang d'un innocent, lut-il à haute voix, surlignant la phrase du bout du doigt. Nos assassinats sont purement politiques, nous libérons le peuple des dirigeants indignes, et lui donnons les moyens de construire un avenir meilleur ».
Thomas était une recrue, mais il récitait ces choses avec une âme de meneur, comme l'aurait fait un Maître. Et Selene, qui avait pourtant l'habitude de ne pas écouter Machiavelli, l'écoutait lui. Il ne faisait que reprendre des éléments que Selene n'avait jamais daigné entendre.
« Rien n'est vrai, tout est permis…
-Sais-tu ce que cela signifie ? » lui demanda Thomas sur le ton de la confidence.
Selene secoua la tête.
« Dire que rien n'est vrai, récita-t-il tout bas, c'est prendre conscience que les fondements de la société sont fragiles, et que nous devons guider nos civilisations. Dire que tout est permis, c'est comprendre que nous sommes les architectes de nos actes, que nous devons en assumer les conséquences. Qu'elles soient glorieuses, ou tragiques ».
Selene écarquilla les yeux devant cette tirade apprise par cœur.
« Comment tu sais tout ça ? »
Thomas lui répondit avec la même moue étonnée :
« Mais, Selene, ce sont ce que nos professeurs nous racontent tous les jours depuis le début ».
A partir de ce moment-là, Selene décida de faire un peu plus attention à ce qui allait se dire entre les murs de la Confrérie.
« Je sais, poursuivit Thomas, ce n'est pas facile à interpréter. Il nous faudra du temps pour le comprendre entièrement, au gré de nos voyages, de nos expériences, de nos missions… C'est une méditation permanente.
-Tu as l'air d'en savoir plus que toutes les recrues ici » l'interrompit-elle, curieuse et fascinée.
Thomas eut un sourire malin :
« Il est vrai que je triche un peu, chuchota-t-il. Mon père était un assassin, et glorifiait souvent nos actions.
-Alors pourquoi avoir quitté ton pays pour rejoindre l'Italie ?
-Il est mort, ce qui m'a poussé à partir. Et je voulais commencer mon éducation auprès du célèbre Ezio Auditore. Sa renommée a dépassé les frontières… »
Selene hocha la tête, signifiant qu'elle le comprenait.
Une fille rousse, les cheveux coupés à la garçonne, vint les interrompre en anglais :
« Dis donc, Thomas, tu raterais l'entrainement pour séduire les femmes !
-Tu es bête ! lui répondit-il dans la même langue, avant de reprendre en italien. Selene, je te présente ma petite sœur, Helena.
-Molto lieta ! » fit Helena et en tendant la main à Selene, feignant ignorer son statut.
Selene lui en fut reconnaissante. Ils s'enveloppèrent de manteaux d'hiver, dissimulant leurs tuniques et le symbole des assassins sous le tissu épais. Leur terrain d'entraînement n'était autre que la cour du camp des mercenaires, alliés des assassins parmi tant d'autres. Lorsqu'ils sortirent, ils furent étonnés de voir que quelques flocons tombaient, et qu'une fine couche blanche recouvrait le pavé. Rabattant leur capuche sur leur tête, ils resserrèrent le col de leur cape ; ils avaient du chemin à faire.
« Le mois de décembre reprend ses droits », murmura rêveusement Helena.
Leurs semelles firent craquer la neige, et ils ne purent s'empêcher de rire comme des enfants à la vue de leurs empreintes. Le sourire aux lèvres, ils se dirigèrent vers la campagne, prêts à apprendre à tuer.
oOo
Machiavelli et Bartolomeo unissaient leur savoir pour leur enseigner au mieux les rudiments de l'escrime. Aidés par quelques mannequins, ils désignèrent rapidement les principaux points vitaux du corps humain, aussi utiles à connaître en cas de combat à mains nues, avant de les équiper de petites épées de bois et de passer à la pratique. Les recrues apprirent quelques passes, comment parer puis désarmer, sous les regards amusés des mercenaires qui s'étaient arrêtés quelques instants dans leurs affaires afin de profiter du spectacle des débutants maladroits et hésitants.
Les recrues étaient tellement concentrées sur leur entraînement, luttant contre le froid mordant et le verglas qui les déséquilibrait, qu'elles n'avaient pas remarqué que le Mentor avait passé le porche et se tenait à quelques pas. Il les observait avec un sourire, les mains derrière le dos. Quand une épée de bois sauta de la main d'un novice dépité et qu'elle tournoya dans les airs avant de retomber lourdement dans la neige à ses pieds, Ezio applaudit et éclata d'un grand rire.
« Magnifique ! Vous êtes doués, je suis fier de vous ».
Les apprentis sursautèrent et, les uns honteux de leur défaite, les autres l'orgueil gonflé par leur victoire, s'inclinèrent pour saluer le Maître. Celui-ci s'approcha d'un jeune garçon las et déçu de lui, et posa une main bienveillante sur son épaule.
« Reprends courage, lui dit Ezio, droit dans les yeux. Un jour, tu seras un grand assassin, cela ne fait aucun doute ».
Un sourire fendit le visage du garçon, soudain ragaillardi. Si le Mentor croyait en lui, alors il serait capable du meilleur.
« Laisse nos frères se reposer, ajouta Ezio en s'adressant à Machiavelli. J'ai à te parler ».
Tandis qu'ils s'éloignaient du camp, Ezio croisa le regard de Selene, et ils échangèrent un signe de tête poli.
« Niccolo, commença Ezio, as-tu reçu des nouvelles de Zita ? »
Le philosophe réfléchit un instant. Zita Zanovelli avait été promue Assassin depuis peu, et n'était pas encore rentrée de Naples.
« Je crois que sa mission prend plus de temps que prévu » répondit simplement Niccolo en haussant les épaules.
Ezio fronça les sourcils ; il n'aimait pas lorsque les choses traînaient.
« Les informations doivent être difficiles à récolter, la défendit Niccolo en remarquant l'impatience d'Ezio, et la cible doit bénéficier d'une bonne protection. Les Français sont coriaces, nous ne nous débarrasseront pas d'eux facilement » commenta-t-il, alors qu'une patrouille française arborant sa couleur bleue rejoignait justement son campement un peu plus loin sur la route, le Baron de Valois à leur tête.
Ezio la suivit des yeux jusqu'à ce que les portes se referment sur le dernier soldat.
« Qu'ils restent, si tel est leur désir. Ils ont encore beaucoup de choses à nous apprendre, dit-il, énigmatique. Fabio est venu me voir ce matin.
-Comment va-t-il ? s'enquit Machiavelli, qui n'ignorait pas la situation difficile de leur camarade assassin.
-Il survit, soupira le Mentor. Obéir aux ordres des Borgia n'est pas toujours simple… Mais il se sait utile car au cœur de l'action. D'ailleurs, il m'a apporté des nouvelles qui pourraient nous intéresser.
-Qu'est-ce qu'il t'a dit ?
-Les Orsini donnent un bal masqué le vingt-neuf décembre, dans quelques jours, annonça Ezio. Leurs relations avec le pouvoir sont au plus bas, ils se trahissent : ils ont influencé les condottieri de Cesare et les ont incités à comploter contre lui. Malheureusement, cela s'est su. Certains surveillent désormais leurs arrières…
-Je vois.
-Cette réception n'est rien d'autre qu'une tentative de réconciliation avant une autre fête le trente-et-un, au château de Sinigaglia. Dans sa bonté, Cesare lui-même a convié tous les traîtres.
-Et en quoi cela nous concerne-t-il ?
-Le Baron de Valois, en tant qu'allié des Borgia, est forcément invité chez les Orsini. J'ai demandé à Fabio de m'apporter une invitation, je compte m'y rendre afin de le questionner à propos de cette Orbe, en France.
-Tu crois vraiment qu'il te répondra ? ricana Machiavelli, pour qui l'idée était parfaitement saugrenue.
-Pendant les fêtes parfois les gens se livrent. Sinon, j'écouterai. Mais j'ai besoin d'être accompagné pour que la couverture soit parfaite.
-Tu pensais à Zita ? » comprit alors Niccolo.
Ezio hocha la tête.
« Elle a l'œil vif et l'ouïe fine, elle me serait d'une grande aide.
-Abandonne l'idée, et trouve quelqu'un d'autre. Si elle ne revient pas, tu ne seras pas prêt. »
Ainsi le plan d'Ezio tombait à l'eau. Et il fallait faire vite.
« Qui reste-t-il au repaire ? demanda-t-il, visiblement très contrarié.
-Quelques apprentis. Nous n'avons pas beaucoup de femmes parmi nos rangs à Rome, tu les as toutes envoyées ailleurs ».
Ezio se maudit et se jura de faire plus attention, à l'avenir, au genre des assassins qu'il enverrait en mission.
« Et parmi ces apprentis, qui me conseilles-tu ? Tu les côtoies plus que moi en ce moment.
-Nous avons Helena Rochester, proposa Machiavelli, la jeune Anglaise à côté de ta nièce. Elle est attentive et agile, bien qu'elle ne sache pas encore se battre, comme tu as pu le constater. Mais si jamais la situation tourne mal, je pense qu'elle saura s'enfuir.
-Non, refusa Ezio, catégorique. Son accent et ses cheveux éveilleraient les soupçons. Elle est coiffée comme un homme !
-Il y a Selene » essaya le philosophe.
Ezio siffla entre ses dents et lui lança un regard sévère.
« Hors de question, répondit-il sèchement.
-Bien, bien » fit Niccolo en haussant les épaules et en se retournant vers les recrues.
La conversation s'arrêta là, et l'entraînement aussi les apprentis grelottaient de froid, transis après l'effort, et la nuit commençait à tomber. Seul dans la pénombre, Ezio se mordillait la lèvre d'un air pensif. Il avait à reconsidérer ses plans, et il lui restait trois jours pour le faire.
Du coin de l'œil, il vit une silhouette s'approcher de lui ; son instinct d'assassin le fit se raidir et poser la main sur la garde de son épée. Ce n'était que Selene qui s'avançait, un sourire timide sur les lèvres.
« Mon oncle, le salua-t-elle.
-Bonsoir, Selene.
-Vous paraissez préoccupé.
-Certaines choses ne se passent pas toujours comme prévu ».
Selene baissa la tête ; elle en savait quelque chose.
« Qu'as-tu appris aujourd'hui ? lui demanda-t-il alors qu'ils faisaient quelques pas dans la neige.
-Thomas et moi avons médité sur le Credo et les préceptes.
-C'est bien. Ton opinion change-t-elle ? » demanda l'homme avec prudence.
-Oui, répondit Selene. Je commence à comprendre. Cependant… Il existe quelques incohérences entre ce que vous dîtes et ce que vous faîtes.
-Explique-moi.
-Vous dîtes vouloir la paix, mais vous l'achetez avec du sang, murmura la jeune femme. Vous ne prenez pas la vie d'innocents, mais vous tuez des soldats ».
Ezio sourit ; il lui semblait avoir déjà lu ces réflexions dans le Codex, écrit de la main de son ancêtre Altaïr, et fut heureux d'entendre Selene arriver à cette conclusion toute seule. Cependant, cette dernière remarque rappela aussi à Ezio la promesse qu'il avait faite à Cristina il y avait de cela des années, alors qu'elle le suppliait d'épargner les gardes qui ne faisaient qu'obéir aveuglément aux ordres de quelque supérieur cruel ou ignorant. Et Ezio avait promis, les doigts croisés derrière le dos... Il s'éclaircit la gorge avant de répondre :
« Je reconnais cette première absurdité. Mais, de temps à autre, il est nécessaire de prendre la vie de quelques-uns afin d'en épargner beaucoup. C'est ce que nous faisons.
-Le peuple les regrette-il ? l'interrogea-t-elle.
-C'est arrivé quelques fois, se souvint l'homme. Mais nous ne pouvons le blâmer : il ne peut voir comme nous voyons ».
Selene entortilla une mèche de cheveux autour de son index, l'air dubitatif. Supposer en savoir plus que le peuple était un peu prétentieux.
« Et au sujet des soldats ?...
-Tu sembles n'avoir retenu qu'un précepte malgré tes méditations, poursuivit Ezio en lui lançant un regard réprobateur. Dis-moi quels sont les deux autres ».
Selene, qui n'avait jamais beaucoup écouté, dut reconnaître qu'elle n'en savait rien. Devant son silence, Ezio eut un sourire et secoua la tête :
« Montre-toi, mais reste invisible, récita-t-il. Puis, le dernier : tu ne mettras jamais la Confrérie en danger. Réfléchis : les trois sont liés. En étant le plus discret possible, en glissant comme une ombre, tu ne compromets ni la Confrérie ni toi-même. Et si personne ne te repère, tu n'as à pas à tuer à part ta cible. Comprends-tu, maintenant ? »
L'esprit de Selene était désormais plus clair.
« Mais, puisque tu ne comptes pas rester parmi nous, tout ceci ne te concerne pas, pas vrai ? lança alors Ezio, l'œil brillant de malice.
-En effet, répondit Selene d'une voix assurée. Dès que je serai capable de manier convenablement une épée, je vous quitterai ».
Leurs pas les avaient conduits à l'écurie. Selene soupira d'aise, il faisait chaud à l'intérieur. Ezio saisit son cheval par la bride et ce dernier émit un petit hennissement, visiblement fâché qu'on puisse l'arracher à sa botte de foin pour retourner dehors.
« Je vais à la Rose Fleurie. Tu m'accompagnes ? »
Selene eut un sourire ravi. Voir des visages familiers n'était pas de refus après ces longues journées passées dans les salles de la Confrérie.
« D'accord »
Ezio se mit en selle, et Selene s'installa devant lui. La jeune femme eut un frisson en sentant l'armure glacée de son oncle contre son dos. Ezio talonna son cheval, et ils prirent le chemin de la maison close, leur capuche sur la tête pour se protéger de la neige qui recommençait à tomber doucement.
oOo
La veille de la fête, Zita Zanovelli n'était toujours pas revenue, et on manquait de nouvelles. Inquiet, Ezio avait dépêché des espions il craignait une perte au sein de la Confrérie.
Quand Fabio Orsini et Machiavelli vinrent le trouver en fin d'après-midi, ils tombèrent sur un homme fatigué et soucieux.
« Ezio, l'appela Fabio, le tirant de ses pensées. J'ai ce que tu voulais ».
L'assassin hocha la tête et prit le carton d'invitation que l'infiltré lui tendait. Il lut le nom à voix haute : « Licata… Pas mal ! Grazie, Fabio ».
Le jeune homme lui sourit.
« Tu as trouvé quelqu'un ? s'enquit Niccolo.
-Non.
-Peut-être devrais-tu y aller seul, suggéra le philosophe.
-Peut-être, en effet ».
Ezio se mordillait la lèvre, le regard perdu dans le vide. Puis il s'écria :
« Pour l'amour du ciel, n'y a-t-il plus une seule femme ici ? »
La lourde porte d'entrée grinça et se referma dans un claquement. On descendit d'un pas léger le grand escalier, et Selene apparut, loin de se douter qu'elle arrivait précisément au mauvais endroit au mauvais moment.
« Mon oncle, commença-t-elle en se découvrant de sa capuche, visiblement contente. Le signor Vitelli, il… »
Tel un seul homme, les trois assassins se retournèrent vers Selene et la dévisagèrent, le regard lourd de sens. La dernière, la seule, l'unique solution s'était matérialisée devant eux, au plus grand désarroi d'Ezio. Devant sa mine déconfite, elle comprit.
Selene poussa un gémissement et cacha son visage dans ses mains.
