... Je sais, je sais, et je vous entends déjà : "Enfin !" xD
Pour ma défense, je suis victime d'un terrible manque d'inspiration.
Cela dit, je tiens à remercier EADF, toujours là pour me soutenir et me lire malgré les affres de Google Translate, Chris122, et mes nouveaux lecteurs V-Nott, Lieutenant Licorne et Olimpia :) ! Merci à vous, un petit commentaire et des encouragements ça fait plaisir à tout le monde.
Au programme : et bien même s'il ne se passe pas grand chose, ce chapitre est nécessaire... Vous comprendrez pourquoi. Bonne lecture !
Vittorio Vitelli revint à Rome le lendemain. Il arriva discrètement au quartier général peu après midi, le bras en écharpe et le teint pâle, pas encore tout à fait remis en dépit de l'assurance qu'il mettait dans sa démarche. Ugo fut le premier à l'accueillir à la descente des marches. Il le gratifia d'une accolade amicale et s'enquit de son état :
« Mon épaule me lance encore un peu, mais je vais bien, le rassura Vittorio dans un murmure afin de ne pas troubler le calme de la Confrérie. Je survivrai » ajouta-t-il en riant.
Ugo eut un sourire troublé ; la plaisanterie était là mais le ton railleur de Vittorio s'était tu. Après ces nombreux jours d'absence, il était heureux de retrouver Vittorio, mais celui-ci semblait triste et songeur. Ugo se mit à redouter qu'il soit arrivé quelque chose aux Barietti.
« Je vais prévenir le Mentor de ton retour, dit alors Ugo. Repose-toi un moment ».
Vittorio hocha la tête et alla s'installer dans une pièce au coin du feu pour soulager ses courbatures. Il poussa un soupir, porta une main prudente vers son épaule et grimaça. Il entendit la porte s'ouvrir derrière lui et s'apprêtait à voir le Mentor, mais le visage de Selene se pencha vers lui.
« Il signor Ubaldi m'a dit que vous seriez ici ».
Ils se serrèrent la main.
« Vous avez l'air fatigué, mais je suis soulagée de voir que vous allez enfin mieux, dit Selene.
-Grâce au talent d'Ugo et à la bonté de vos amis, répondit simplement Vittorio.
-Comment se portent Nino et Sara ?
-Bien, du moins lorsque je les ai quittés la semaine dernière ».
Une ombre presque imperceptible passa sur le visage de Vittorio.
« Comment se passe votre initiation ? » l'interrogea-t-il pour changer de sujet.
La jeune femme s'apprêtait à répondre mais n'en eut pas le temps. La porte s'ouvrit de nouveau, et Ezio entra, accompagné d'Ugo. Vittorio observa avec inquiétude la figure de Selene devenir livide à la vue du Mentor :
« Excusez-moi » bredouilla-t-elle.
Elle baissa la tête et les dépassa. Ezio l'ignora totalement et s'avança vers sa recrue avec bienveillance.
« Bienvenue chez toi, Vittorio ».
oOo
L'entraînement à l'épée fut particulièrement éprouvant pour Selene cette après-midi-là. C'était la première fois qu'elle croisait Ezio depuis l'incident ; elle avait laissé les émotions telles que la honte et la crainte la submerger, avait perdu la face devant ses camarades, et s'était retirée comme une fautive, ignorée et méprisée.
Profondément blessée, la jeune femme s'en voulait énormément, et la colère se sentait dans ses coups et ses feintes : elle y mettait de l'agressivité mal gérée. Elle frappa avec force mais un des mercenaires de Bartolomeo, son adversaire à ce moment, esquiva à temps ; Selene fut déséquilibrée et tomba lamentablement dans la poussière. L'épée de bois rebondit à quelques mètres de là. Machiavelli, qui comptait bien lui faire regretter de s'être absentée la veille, s'avança et l'invectiva malicieusement :
« Debout ! Remue-toi, ou faut-il que je t'envoie un coup de pieds aux fesses, Auditore ? »
Machiavelli retint un petit sourire lorsqu'il se rendit compte qu'il proférait des menaces au nom respecté du Mentor. Il trouva cela excessivement drôle.
Selene se releva et s'essuya la commissure des lèvres d'un geste rageur. Un goût métallique se posa sur sa bouche dans sa chute, elle s'était mordue la langue, et le sang s'était mêlé au sable qu'elle avait avalé. Le tout désignait en saveurs l'amertume et le dégoût qu'elle ressentait après une telle humiliation.
Son intervention sarcastique n'ayant laissé personne indifférent, Machiavelli dut remettre de l'ordre dans les rangs. La leçon put reprendre. La vue brouillée par la fureur, la jeune femme fit de nouveau preuve d'une maladresse dangereuse et d'un manque évident de concentration. Le mercenaire en face d'elle commençait à se faire du souci devant le comportement distrait de la recrue. Niccolo, qui les observait à distance, interrompit le combat en saisissant brusquement la jeune femme par l'épaule et lui demanda de le suivre à l'écart du groupe. Le ton était sec, et ne présageait rien de bon.
« Ne laisse jamais tes émotions prendre le dessus ! Est-ce que c'est bien clair ? » siffla-t-il.
Selene hocha confusément la tête. Le sermon lui éclaircissait peu à peu les idées : c'était la deuxième fois qu'elle perdait le contrôle d'elle-même aujourd'hui. Le conseil de Niccolo arrivait à point.
« Ton attitude est inadmissible, poursuivit Machiavelli. Tu disparais une journée d'études entière, tu ne te contrôles pas pendant l'entraînement et tu vous mets en danger, toi et ton adversaire. Tu as de la chance qu'Ezio te couvre, car si ça ne tenait qu'à moi, je t'aurais renvoyée dans ta satanée Toscane depuis longtemps ! »
Retourner chez elle aurait été le plus beau châtiment qui soit. Les plaines, les collines et les cyprès de son pays lui manquaient, tout comme sa vie d'avant, tranquille, sereine, son unique souci étant les commandes en retard. Son amour pour San Gimignano grandissait tandis que ses déboires attisaient sa haine pour Rome. Elle eut une pensée coupable pour sa pauvre mère abandonnée au village, sans nouvelles, le portrait de son défunt amour pour seule compagnie. Selene ne pouvait cependant que subir, espérer que tout ceci se termine rapidement et que son oncle lui donne alors la permission de quitter la cité. Et pour cela, il lui fallait faire preuve d'assiduité. On ne lui demandait pas grand-chose : juste de savoir se défendre.
« Je vous demande pardon » s'excusa la jeune femme.
Machiavelli sembla se radoucir devant ses excuses et son air contrit.
« Sois attentive, lui recommanda-t-il. Je sais que tu es ici contre ta volonté, mais c'est indispensable ».
Selene se mordit la lèvre. Le philosophe l'encouragea :
« Tu apprends vite, tu te bats déjà bien. Continue tes efforts et tu nous quitteras bientôt ».
Cette perspective lui redonna un peu de vigueur. L'entraînement se poursuivit calmement, sous les recommandations et les corrections encore nombreuses du professeur avisé.
oOo
Après l'entraînement, Niccolo partit à la recherche du Mentor, qui n'avait pas non plus donné signe de vie la veille. Leur absence simultanée et la distraction de Selene n'étaient peut-être pas le fruit du hasard. Lorsqu'il atteignit le quartier général, il ne manqua pas de saluer Vittorio Vitelli d'un signe de tête amical ; le retour d'une recrue blessée leur procurait de la joie et de l'espoir à tous.
« Eh bien, te revoilà » lança-t-il en s'approchant du bureau d'Ezio.
Celui-ci, le front dans la main, avait l'air épuisé et soucieux. Une plume était posée sur une feuille de papier ; l'encre sur la pointe avait goutté et y avait dessiné de petites tâches noires. On avait apparemment écarté l'idée d'écrire quelque chose. Face au silence de son interlocuteur, Niccolo reprit :
« Comment s'est passée ta soirée chez les Orsini ? Je n'ai pas pu te le demander, je ne t'ai pas vu depuis ».
Ezio leva lentement les yeux vers lui et ignora le reproche habilement caché dans la question.
« Une réussite, articula-t-il d'une voix faible. Octavien nous a raconté une histoire passionnante, et je crois que nous tenons une piste.
-Dis-moi tout » le pressa le philosophe.
Ezio se montra hésitant ; malgré l'importance cruciale de l'information, il n'y avait plus vraiment réfléchi. Le visage de Machiavelli se ferma ; le silence d'Ezio fit naître les soupçons. Le philosophe commençait à s'interroger à propos de ce Mentor tout fraîchement nommé, et qu'il avait d'ailleurs peut-être eu tort de choisir si tôt. Le poids du statut n'était probablement pas pour le dos fragile d'un homme comme lui.
« Laisse-moi un peu de temps pour me rappeler » lui demanda alors Ezio en se massant les tempes.
Le manque de sommeil engourdissait sa réflexion. En vérité, il n'avait aucune envie de se souvenir de cette maudite soirée.
« Aurais-tu abusé du vin avec ton précieux baron ? » le questionna Machiavelli, qui ne voyait pas d'autre explication à sa soudaine perte de mémoire.
Silence éloquent. La bouche de Niccolo se tordit en une grimace qui traduisait la colère et les regrets. Il secoua gravement la tête :
« Ne me faîtes pas regretter de vous avoir donné les rênes de la Confrérie, Ezio Auditore.
-Ce que nous a dit le Baron colle parfaitement avec ce qu'a entendu Leonardo à propos de la Pomme d'Eden en France, et ce que m'ont décrit Ugo et Vittorio, lâcha Ezio avec impatience non dissimulée face aux provocations d'un Machiavelli courroucé. A présent, je dois rencontrer Francesco Orsini avec quelques tableaux pour qu'il m'aide à les comprendre. Il est détenteur de certains secrets que nous ne connaissons pas.
-Avons-nous une longueur d'avance sur Cesare ? » demanda Niccolo.
Ezio se mordit la lèvre avant de répondre :
« Je l'ignore complètement ».
Il chercha une nouvelle feuille de papier et saisit sa plume. Il la trempa délicatement dans l'encrier et se pencha sur sa lettre :
« A propos, quel jour sommes-nous, Niccolo ? »
Le philosophe leva un sourcil devant l'absurdité de la question :
« Le 31 décembre. Pourquoi ?
-Merci. C'est bien ce qu'il me semblait ».
Et il se mit à griffonner. Niccolo comprit que la conversation était terminée et qu'il ne pourrait plus rien tirer du Mentor sur le déroulement de la mission et encore moins sur la raison de son absence. C'est alors que Selene traversa le hall, et le grattement de la plume s'arrêta subitement. Il jeta un œil par-dessus son épaule et remarqua que le regard d'Ezio glissa, le temps d'une seconde, sur le corps de Selene. Niccolo fronça les sourcils, mais s'éloigna sans faire de commentaire.
oOo
Dans sa petite chambre, Selene préparait ses affaires et sa tenue de voyage à la lumière de quelques bougies. Le Mentor leur avait annoncés, à elle, Ugo et Thomas, qu'ils partaient pour San Gimignano dès les premières lueurs de l'aube. Selene et Ugo avaient été désignés d'office car ils connaissaient tous les deux le village et l'emplacement des tableaux de Gozzoli. Thomas, élève prometteur, s'était simplement porté volontaire pour les aider.
La jeune femme empaquetait donc le strict nécessaire, un goût amer au fond de la gorge. Elle referma violemment son sac et tira sur les lanières, extériorisant sa rancœur sur le cuir. Encore une fois, c'était le Mentor qui avait parlé, et non pas l'oncle qui avait promis de ne l'impliquer en aucune façon. Une seconde fois, il lui avait menti, il l'envoyait en mission, et elle ne pouvait retenir cette petite appréhension en réfléchissant à la situation dans laquelle l'avait mise la première. Qu'allait-il arriver de terrible, cette fois-ci ? Ses yeux verts se posèrent sur la dague posée sur son lit, glissée dans son fourreau. Elle espérait secrètement ne pas avoir à s'en servir : elle se savait encore maladroite et était la seule du petit groupe à n'avoir encore jamais manié l'acier. Elle se rassura en se répétant qu'Ugo serait là en cas de problème, et que Thomas était déjà capable de se débrouiller avec une épée. Et puis, il n'y aurait pas de problèmes, n'est-ce pas ? La peur lui tordit le ventre et elle eut du mal à respirer ; il fallait qu'elle sorte prendre l'air. Le quartier général était peut-être chaud et confortable, mais elle étouffait autour de ces murs de pierre aux fenêtres minuscules.
Alors qu'elle traversait d'un pas rapide le hall quasiment vide à cette heure avancée de la nuit, une voix la cloua sur place :
« Selene ? »
La jeune femme frémit au son de la voix d'Ezio. Elle le sentit, de plus en plus proche, son regard noir fixé sur sa nuque. Il avait rendossé son costume d'oncle.
« Tu te demandes pourquoi je t'ai nommée, n'est-ce pas ? ».
Selene ne répondit pas. Elle serra simplement les poings, enfonçant ses ongles dans ses paumes; elle devait éviter de s'enfuir devant cet homme qui ne cessait de la terroriser. Au prix d'un effort considérable, elle se retourna pour lui faire face, et Ezio tendit la main pour la poser gentiment sur son épaule. Elle recula d'instinct, refusant un simple contact qu'il lui en aurait rappelé d'autres. Elle ne voulait pas qu'il la touche. L'assassin tiqua, replia les doigts, et justifia calmement sa décision, largement influencée par ce qu'il avait entendu dire à propos du cours d'escrime aux baraquements d'Alviano :
« J'ai pensé que tu aurais aimé retourner à San Gimignano. Ta mère doit te manquer ».
Selene se détendit lorsqu'il énonça Concetta. Un faible sourire fendit son visage à l'idée de retrouver même un court instant sa mère tant chérie, son foyer, et sa boutique aux couleurs chatoyantes. Cela atténua un peu son angoisse. Elle s'encouragea à lever la tête vers Ezio pour lui souhaiter bonne nuit, mais ne parvint pas à lui parler.
Le regarder dans les yeux était une première erreur. S'attarder sur sa bouche en était une deuxième. Cela raviva des sensations agréables ; un doux frisson courut le long de son dos. Elle sentit de nouveau ses lèvres sur les siennes, puis dans son cou, et le frottement de la barbe naissante contre ses joues, caresses fantômes sur sa peau. Et elle réalisa qu'entre eux, désormais, plus rien ne serait jamais comme avant.
Ce qui s'était produit le soir du bal et le lendemain lorsqu'ils s'étaient retrouvés dans le même lit, leurs corps brûlant d'un désir coupable, avait tout changé. Tout ce qui avait été tenté et difficilement construit était définitivement détruit. Il n'était plus possible de retourner en arrière, rien ne serait oublié, et tout ne serait plus qu'hypocrisie. Le sujet serait dorénavant soigneusement évité lors de leurs rares dialogues. Ezio le savait aussi bien qu'elle et sembla lire dans ses pensées, car son visage se ferma.
Il inclina la tête en guise de salut et se retira en silence.
