Hop ! Reprise graduelle de l'écriture après un (très long) moment d'absence.

Pour mon retour, un petit chapitre qui en laisse présager un plus grand rapidement : j'ai préféré couper un gros chapitre en deux plutôt que de servir plusieurs pages qui mélangent deux sujets.

Bref. Pour ceux qui continuent à me lire malgré mon rythme de publication chaotique, et à ceux qui ont encore la patience de me reviewer, je vous remercie du fond du cœur ! Et pour les autres... Je vous comprends xD


Selene s'était évanouie dans les bras d'Ezio, moins par lassitude que par besoin de fuir une réalité trop cruelle. Celui-ci l'avait portée jusqu'à une chambre, où Claudia et Maria l'avaient déshabillée afin de laver sa tunique sanguinolente et la crasse qui souillait sa peau. Ezio avait attendu dans le hall, dans un petit fauteuil aux coussins parfumés. Enfin, sa petite sœur était venue le rassurer : leur nièce n'était pas blessée. Ses vêtements salis étaient imbibés du sang de quelqu'un d'autre.

Après quelques temps, lorsque Maria et une courtisane eurent terminé de s'affairer autour de Selene, Ezio se décida à monter. La jeune femme n'avait encore rien dit, et sa curiosité était particulièrement attisée. Pourquoi était-elle revenue couverte de sang ? A présent que la panique était retombée, tous, comme lui, étaient avides de savoir.

Il entrouvrit doucement la porte de la chambre de Selene, et vit Claudia qui veillait. D'un signe de tête, elle fit comprendre à son frère que tout allait bien. Selene dormait profondément, la figure tournée vers la fenêtre. Elle paraissait frêle et minuscule, recouverte d'un amas de couvertures. En silence, Ezio vint s'asseoir près de sa sœur.

« Elle n'a pas bougé, et elle n'a pas parlé non plus, chuchota-t-elle. Elle ne réagit plus à rien. Il est inutile de lui demander quoi que ce soit pour le moment ».

Ezio hocha la tête, pensif.

« Je n'aurais jamais dû lui permettre de rester là-bas. J'ai encore commis une grosse erreur, souffla-t-il.

-Tu pensais bien faire, le rassura-t-elle. Qu'elle puisse rentrer un peu chez elle était tout ce qui pouvait lui faire plaisir, et tu as eu raison. Mais tu ne pouvais pas savoir que ça tournerait mal ».

Elle passa un bras autour des épaules de son grand frère, que la culpabilité ne quittait plus depuis qu'il avait dix-sept ans.

« Arrête de te croire coupable de tout ce qui arrive à notre famille. Ou ça te tuera ».

Devant la bienveillance de sa petite sœur, Ezio ne put que sourire. Il l'enlaça affectueusement à son tour ; les démonstrations d'amour fraternel étaient rares, parfois timides, mais tellement précieuses.

« Notre nièce est sous le choc » dit soudain Claudia.

Ezio hocha la tête, pensif.

« Elle finira par s'en remettre. Comme nous tous ».

Claudia baissa tristement les yeux, les doigts perdus dans les plis de sa robe. Les larmes lui brûlaient les paupières.

« Te rends-tu compte que tout ce qui nous relie à notre passé est soit détruit, soit brisé ? »

Sa voix tremblait.

« Federico est mort, et ce qui reste de lui se meurt aussi.

-Selene est toujours là, répondit Ezio. Une partie de lui subsiste encore.

-C'est différent. Il y a son visage, ses manies, mais pas d'histoire. Pas de souvenirs. Juste un fantôme qui disparaît tous les jours un peu plus ».

Accrochée à lui, elle se mit à pleurer. Ezio lui caressa doucement les cheveux. Une vague de tristesse lui submergea le cœur : Claudia avait raison. Tout ce qui concernait les Auditore brûlait à petit feu. Et c'était terrifiant.

Selene remua entre les draps. Claudia sursauta, s'essuya rapidement les joues d'un revers de main et se pencha sur la jeune femme.

« Oh, Selene, tu es réveillée ! »

Elle prit ses mains dans les siennes, humides.

« Comment te sens-tu ? »

Il n'y eut pas de réponse. Selene était perdue dans un coin de son âme et il n'était pas encore possible de la retrouver. Elle semblait regarder dehors, mais ses pupilles étaient vides. C'était l'aurore ; les oiseaux commençaient à chanter timidement.

Claudia parut déçue et triste.

« On dirait Mère » s'étrangla-t-elle.

Ezio se leva et la força à se détacher du lit.

« Va te reposer, tu n'as pas fermé l'œil de la nuit. Je te remplace à son chevet ».

Claudia acquiesça mais sortit à regret. Lorsque la porte claqua derrière elle, Ezio eut un frisson.

Il ignorait ce qu'il était arrivé à San Gimignano, mais savait qu'il devrait encore attendre pour obtenir des réponses. Selene ne parlerait pas de tout ceci avant longtemps. Pour l'instant, elle semblait morte, ainsi immobile et toute blanche dans ses draps. Et c'était insupportable à regarder.

oOo

Ezio avait à faire, et cela lui changea les idées pour un temps. Cesare Borgia avait assassiné les barons de la lignée Orsini dans son château à Senigallia, le soir du trente-et-un décembre, au milieu d'un banquet qui devait réconcilier les deux familles. Ennemies depuis très longtemps, celles-ci ne s'étaient jamais entendues. La papauté achetée de Rodrigo Borgia avaient d'abord accentué les vieilles haines, et ses prétentions sur le Fragment d'Eden déclaré la guerre ouverte. La tyrannie instaurée avait finalement amené les Orsini et leur proche entourage à ourdir la conjuration de Magione ; malheureusement, ils avaient été découverts. Alors Ezio restait perplexe : pourquoi Francesco s'était-il rendu à cette réception ? Avait-il vraiment cru à la possibilité d'une trêve ? Avait-il été à ce point endormi pour ne pas flairer le danger ?

Pour déchiffrer les peintures, Ezio ne pouvait plus compter que sur Fabio. Son père, le condottiero Paolo Orsini, avait été massacré ce même soir. Peu après avoir appris la nouvelle, il l'avait fait venir sur l'île Tibérine, en premier lieu pour le protéger de Cesare qui aurait très bien pu le faire tuer à son tour par crainte des représailles. Le fils Borgia n'ignorait pas que Fabio Orsini était contraint par la force de combattre pour lui ; cependant, il n'avait pas l'intention de se débarrasser du jeune homme. Au contraire, le garder à ses côtés en l'obligeant à le servir était une humiliation pire que la mort.

« Je tuerai ce fils de pute ! avait crié le mercenaire, les yeux secs d'avoir trop pleuré. Je le jure sur la Confrérie entière, Ezio, que ce bastardo ne passera pas l'année ! Je commande la Garde Pontificale, l'a-t-il seulement oublié ? »

Le Mentor s'était agenouillé afin d'être à la hauteur de Fabio effondré :

« Si tu veux te venger, mon ami, alors aide-nous à rattraper Cesare. Et il n'y a qu'un Orsini qui puisse y arriver ».

Fabio avait promis de revenir et de passer autant de nuits que nécessaire à étudier les trois tableaux.

Au sein de la Confrérie, Fabio n'était pas le seul à être frappé par la perte d'un parent. Parmi les victimes de cette terrible nuit figurait le condottiero Vitellozzo Vitelli. Ugo avait trouvé Vittorio fou de rage aux campements d'Alviano, à genoux dans la paille, déchiquetant à mains nues un mannequin d'entraînement, et hurlant des malédictions à l'encontre des Borgia, des Assassins et de sa propre personne.

L'Ordre faisait son deuil.