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Alfonso Scalabrino était mort ; le trio avait prouvé au Mentor qu'il avait eu raison de leur faire confiance.
Malgré le succès, Thomas et Helena reprochaient à Selene de n'avoir pas suivi le plan à la lettre, même si, en y réfléchissant bien, sa méthode à elle s'était révélée meilleure que celle prévue au départ, car plus discrète ; mais que valait ce plan, que valait le travail d'équipe sinon ? Ils n'en avaient pas informé Ezio, mais n'avaient pas manqué de la mettre en garde : une telle surprise pouvait compromettre une mission et la Confrérie. Et si elle avait perdu la trace du mercenaire dans la foule ? S'il avait eu le temps de s'échapper ? D'avertir une patrouille, ou pire, de rentrer au Château, de raconter son passage à tabac et de décrire leurs visages ? Dans l'histoire de la Confrérie, les exemples d'erreurs de ce type ne manquaient pas, et l'on pouvait remonter jusqu'au grand Maître Ibn La'ahad lui-même. Selene jura qu'elle ne recommencerait plus.
Dans l'espoir d'être épargné, Scalabrino leur avait révélé presque tout ce qu'il savait. Tout d'abord la liste des noms de mercenaires qu'il était parvenu à rallier, ainsi que le nombre d'hommes qui composaient chacun de leurs petits groupes. Tous avaient juré de servir les Borgia en échange d'un poids important d'écus, ce qui allait mener à une augmentation imminente des impôts pour « l'effort de guerre » et un mécontentement général de la population contre le Pape et sa famille, que les Assassins pourraient utiliser. Ainsi, les voleurs avaient du travail, et des hommes à surveiller.
Scalabrino révéla aussi pourquoi Cesare Borgia cherchaient tant d'alliés auprès d'armées moins conventionnelles. Le conflit pour le Royaume de Naples, entre les Espagnols et les Français, était définitivement réengagé et, bien que du côté de Louis XII, le duc du Valentinois commençait à vouloir étendre son pouvoir. Et le Royaume de Naples était une part du gâteau particulièrement appétissante.
Cependant, il lui faudrait rester discret et mielleux. Car une petite troupe d'hommes se préparait, dès l'arrivée du printemps, à partir en « visite » à Paris. Scalabrino ignorait pourquoi. Après un coup de poing bien placé, il s'était souvenu d'un ami, qui allait faire partie du voyage, et qui avait évoqué, croyait-il, le Louvre et Notre-Dame. « Quelque chose comme ça ».
Scalabrino, que la seule vue des deux jeunes Assassins vengeurs avait traumatisé, n'avait certainement pas menti. Du moins, c'est ce qu'estimait Ezio. L'identité des mercenaires impliqués demandait à être vérifiée, mais pour le reste, le Mentor croyait à ces paroles. Elles confirmaient la présence de la Pomme d'Eden à Paris, la prochaine expédition de Cesare Borgia pour la récupérer, et l'énigme du bâtiment inconnu dessiné sur les tableaux se trouvait résolue.
Ezio était content. Il savait à présent où chercher. L'ennemi avait peut-être eu de un temps d'avance, mais c'était désormais terminé. Les Assassins avaient rattrapé leur retard, et il ne leur restait plus, à eux aussi, qu'à monter à Paris.
Quant à Selene, elle était devenue un bourreau de travail, d'abord pour s'empêcher de penser, et ensuite parce qu'elle nourrissait l'espoir de tuer Cesare Borgia de ses propres mains. Pour cela, aucune autre solution que celle de s'entraîner toujours plus, jusqu'à être capable d'affronter et de battre un général aussi expérimenté.
Lorsqu'elle avait tué ce soldat dont elle ne connaîtrait d'ailleurs jamais le nom, elle en avait été ébranlée, bien qu'elle fût consciente de ne pas avoir d'autres choix. Elle regrettait cette mort, elle était celle d'un innocent qui ne faisait que son travail pour gagner sa vie. Mais lorsqu'il lui avait fallu assassiner le condiottero, ce foutu Scalabrino, elle avait éprouvé un certain plaisir couplé à l'adrénaline. Elle avait aimé jouer avec lui pendant que le poison coulait dans ses veines. Elle s'était sentie puissante, telle la Main armée de la Justice. Une fois de plus, elle s'effraya un peu, mais avec au fond de son cœur le sentiment de faire le bien.
Dès lors, il lui était apparu tout à fait clair qu'elle devait aider, plus que tout, la Confrérie à éradiquer les Borgia. Les Auditore les combattaient pour libérer Rome et l'Italie, et leur motivation, animée par une vendetta personnelle, demeurait vivace. Et Selene avait à présent mille raisons de vouloir les voir morts.
Alors elle martyrisait les mannequins de paille sagement alignés dans la cour des baraquements d'Alviano, révisant chaque point vital, répétant chaque frappe à la lame secrète, à l'épée et au poignard. Elle s'épuisait volontairement, frappant encore et encore jusqu'à en tomber ivre de fatigue mais satisfaite, pour s'écraser sur son lit la nuit venue et plonger aussitôt d'un sommeil sans rêve.
oOo
Après avoir une énième fois planté la lame de son épée dans le cœur de paille d'un pauvre mannequin, Selene songea enfin à s'arrêter. Revenue à la réalité, elle vit que le soleil avait disparu, caché par d'épais nuages gris, et que la neige s'était mise à tomber.
A bout de souffle, la jeune femme rejeta son capuchon, accueillant avec soulagement la fraîcheur des flocons sur son front trempé de sueur. Elle s'accroupit sur le sol glacé, la respiration sifflante, afin que les battements de son cœur se calment. Les oreilles bourdonnantes, elle n'entendit pas Ezio qui s'approchait d'elle.
« Tu t'entraînes beaucoup », constata-t-il.
Selene bondit sur ses pieds. Son oncle la regardait, les yeux pétillants et un sourire en coin.
« Montre-moi ce que tu sais faire, lui dit-il. Je suis curieux ».
Il sortit son épée lentement ; l'acier chanta en glissant hors du fourreau. Et il se mit en garde.
Selene était fatiguée ; son corps quémandait du repos, mais elle voulait relever le défi. L'homme qui l'avait si souvent sous-estimée méritait bien une petite démonstration, et tant pis si au final, il lui faudrait mordre la poussière.
Elle ramassa son arme et se lança vers Ezio. Qui l'esquiva d'un pas sur le côté et la gratifia d'un coup de coude dans le dos. La jeune femme tomba à genoux.
« C'est tout ? » lui lança l'Assassin en riant.
Selene sentit la colère lui monter à la tête. Ezio se moquait d'elle et s'amusait comme un petit fou. Elle récupéra son épée qui gisait dans les cailloux et se releva lentement. Souple, l'homme attendait l'attaque ; Selene comprit qu'il ne lui porterait aucun coup. Peut-être son ego était-il, à ce moment-là, trop gonflé pour qu'il s'abaisse à cela.
Alors elle se jeta sur lui de nouveau, et chaque coup fut paré aisément. Pire encore : plus elle frappait, plus elle reculait. Ezio, d'un calme insolent, maîtrisait complètement la situation, semblant anticiper chaque mouvement. Mon Dieu, était-elle encore si prévisible ?
Mais l'Assassin n'était pas concentré. Ce petit combat était un jeu pour lui, lorsqu'il était un vrai exercice pour elle. Selene finit par le remarquer, et prit conscience de s'épuiser contre un mur. Jamais elle ne percerait la défense du Mentor, mais elle pouvait profiter de son orgueil et, malgré tout, faire une petite entorse aux règles de l'escrime.
La jeune femme porta un dernier coup par-dessous et, utilisant toutes ses forces, parvint à écarter la lame d'Ezio vers la gauche. Pendant la seconde où l'ouverture se présenta, Selene prit son élan et percuta violemment le torse de l'Assassin en criant. Surpris, celui-ci perdit l'équilibre, et ils tombèrent à la renverse dans la fine couche de neige qui commençait à recouvrir le sol.
Incrédule, Ezio dévisagea sa nièce. Elle se tenait à califourchon sur lui, haletante, la lame secrète pointée sur sa gorge. Son regard brillait ; lumineuse, elle était fière d'avoir remporté cette première victoire.
« Rester toujours concentré, récita-t-elle. C'est le maître mot ».
Vexé de s'être ainsi fait avoir par une recrue, Ezio tenta de se redresser, arme au poing, mais Selene demeurait impassible. Alors il leva les mains, laissa sa tête tomber en arrière et, de la neige plein les cheveux, éclata de rire.
« D'accord, je me rends. Tu as gagné. Bravo ! Tu es maligne ».
Et digne d'être une Auditore, pensa-t-il. Mais il garda cette idée pour lui-même.
La neige tombait plus drue et le froid s'intensifiait. Un frisson parcourut le corps de Selene, mais ce fut un frisson agréable et chaud. Elle avait rangé la lame secrète, sans s'en apercevoir, mais n'avait pas bougé. Couché sous elle, Ezio serrait les dents. Et aucun d'eux ne tentait un geste pour se relever ou changer de position.
Tout ressurgit. Le bal, l'alcool, la nuit, le baiser. Et la tension sexuelle, permanente, qui s'était installée entre eux. Depuis, c'était une guerre continue dans leur esprit il n'était plus possible de le nier. « Comment a-t-on pu en arriver là ? » songeaient-ils parfois. Ils se savaient tout au bord d'un précipice, celui au bord duquel un souffle de vent peut vous pousser et vous faire tomber.
Le baiser du bal avait été une bêtise, une bêtise monumentale, certes. Et la furieuse envie de recommencer qui avait suivi cet instant, rendu délicieux par la fête, une simple passade. Du moins l'avaient-ils pensé. Lorsque Selene était partie pour San Gimignano avec la permission de visiter sa mère, ils avaient cru que la séparation serait bénéfique, qu'elle suffirait à remettre les choses dans l'ordre, tout plongés qu'ils étaient dans le travail. Et Selene était revenue malgré tous leurs efforts, malgré le soin tout particulier qu'ils avaient mis à s'éviter l'un l'autre, ils avaient été forcés d'admettre que le désir ne s'était pas tu.
S'ils succombaient maintenant, il n'y aurait plus le vin pour les excuser. Alors ce serait la chute libre, et ils souffriraient tous les deux atrocement.
Mais il était trop tard. Il fallait en finir avec cette obsession. Chaque jour un peu plus, les barrières avaient cédé. Car que valent mille conseils face à la tentation du péché ?
Ezio glissa ses mains sur les hanches de Selene, et celle-ci se pencha vers lui pour l'embrasser sur les lèvres. Le rideau de neige, complice, les cacha du regard du monde.
