Dum, dum, dum, honey, what have you done?
Dum, dum, dum, it's the sound of my gun
Dum, dum, dum, honey, what have you done?
Dum, dum, dum, it's the sound

Janie's got a gun
Janie's got a gun
Her whole world's come undone
From lookin' straight at the sun

En règle générale, c'est pas bon signe de rentrer chez vous et d'y trouver quelqu'un que vous n'attendiez pas, parce qu'il y a une grosse chance que ça finisse par vous coûter du fric dont vous avez un besoin urgent ou que vous vous fassiez casser la gueule. Mais les riches sont sensés avoir des systèmes de sécurité, non ? Des chiens, ou des alarmes, ou même des vigiles, quelque chose, quoi.

Rien que la vue de l'armoire à glace – ce gars doit faire dans les deux mètres, il plaisante même pas, Jason est sûr que son poing est plus gros que sa propre tête – donne envie de se planquer, mais bizarrement, c'est lui le moins terrifiant de la paire indésirable.

Ça saute aux yeux que l'autre homme est le patron du mastard, vu la façon dont il se tient – comme s'il a le droit d'être ici, que c'est un privilège pour Wayne de trouver un intrus dans sa propre maison. Il est rudement petit pour un homme, au minimum trente centimètres de moins que son gorille, et il a des cheveux gris sur les tempes ainsi que des rides entamant profondément son visage brun, rendues encore plus prononcées par la façon dont il pince la bouche.

Normalement, un petit vieux ne devrait pas avoir l'air aussi menaçant. C'est tant que vous ne croisez pas son regard, parce que ces yeux ont la couleur, la chaleur et l'innocence des déchets nucléaires, le genre qui vous réduit à vomir du sang pendant que le cancer vous bouffe les boyaux.

Jason en a vu d'autres quand il était à la rue, quand Willis était à la maison plutôt qu'en prison, mais la proximité de ce type lui donne envie de tomber dans les pommes, et vu la façon dont Nana se raidit à côté de lui, il parie n'importe quoi qu'elle se sent aussi mal que lui. Il y a que Damian qui reste indifférent, occupé à ronfler tranquillement dans les bras de sa sœur.

Wayne a l'air furieux, et un type aussi costaud que lui, ça devrait être mauvais signe, mais du moment que sa rogne reste dirigée contre le vieux bonhomme, Jason peut vivre avec.

« Ra's » feule-t-il, et dans sa bouche, ça sonne comme une insulte, mais si c'en est une, Jason est incapable d'identifier ce que c'est supposé insulter.

Le vieux bonhomme n'a pas l'air impressionné.

« Détective » il répète, « je me demande si vous êtes réellement un bon choix pour élever mes petits-enfants. »

Heu. Quoi ?

Jason est sûr d'avoir les oreilles à peu près propres, mais ce qu'il vient d'entendre, c'est…

Sauf que Nana ne dit rien pour démentir. Nana qui a la peau brune et le type arabe comme son frère, et tous les deux ont aussi les yeux verts, et ils sont vraiment pas gros pour leur âge.

Ben merde, alors.

Tout à coup, Jason comprend encore mieux pourquoi Nana était si nerveuse à l'idée que son père ne puisse pas récupérer sa garde, si elle doit se coltiner un grand-père pareil. Même un nigaud fini du genre Brucie Wayne vaudrait mieux, il a l'air trop distrait pour essayer de vous cogner sérieusement.

Sauf que voilà, le grand-père est dans la même pièce que les gamins, et Nana se cramponne à Damian comme si elle avait peur qu'il parte en fumée, ses yeux agités comme pour chercher une issue de secours, et il est certain qu'elle a fait un ou deux petits pas pour se placer dans l'ombre de Wayne.

À son tour, Jason effectue un pas discret pour se placer devant les deux autres gamins et barrer la vue aux intrus. Il doute pouvoir leur casser la figure à lui tout seul, mais il peut au moins les emmerder.

« Votre approbation ne m'importe guère » déclare Wayne, qui semble à deux doigts de péter un câble, et Jason se rappelle toutes les rumeurs et les fois où la Chauve-Souris a tabassé quelqu'un au point que les docteurs ont sérieusement pensé contacter le croque-mort pour une arrivée imminente. « Ils sont mes enfants, et ils resteront chez moi. »

C'est dit avec la certitude de qui annonce que le soleil se lèvera demain. Malgré ça, le vieux bonhomme arbore l'air finaud du gars météo qui planque une éclipse dans son sac.

« Un père a certainement ce droit sur sa progéniture. Mais ce droit peut être contesté, si les devoirs d'un père ne sont pas remplis correctement. N'est-ce pas l'une des lois de votre gouvernement, Détective ? »

« Cela reste à voir » gronde Wayne, visiblement rendu encore plus furieux – si c'est possible – par l'accusation. « Et je pense sincèrement avoir davantage pris soin d'eux en quelques mois ou vous en plusieurs années. »

« Dans ce cas, vous feriez bien de perpétrer cet état des choses si la tutelle de vos enfants vous tient tant à cœur. Ce serait une grande déception d'avoir à reprendre en charge un fardeau dont on se croit délivré, mais s'il me faut répondre aux exigences du rôle de patriarche, croyez bien que je m'y résoudrais. »

Oh le… ! Jason ne trouve pas les mots tellement il est furieux, le sang lui est monté si vite au visage que ça lui étrangle la langue.

« Ce sera difficile si vous êtes mort, non ? »

Silence. Apparemment, personne ne réussit tout à fait à croire que Nana vient de proférer cette phrase, et pourtant, ce filet de voix est perché trop haut pour ne pas venir de l'unique fille présente dans la pièce.

Elle cligne des yeux, subitement vide de la terreur de tout à l'heure, comme si une autre émotion vient de la remplacer sans ménagement.

En face d'elle, le vieux bonhomme semble contrarié.

« Il semblerait que ma petite-fille a oublié mon rapport avec la mort. »

« Pas du tout, grand-père. Votre longévité est aussi exceptionnelle que depuis toujours, mais votre santé n'en souffre pas moins de se faire planter un couteau dans la gorge. »

Heum. Elle… elle vient de dire ça. Wayne inhale de travers, Jason a mal aux paupières tellement il écarquille les yeux, et le vieux bonhomme se fait encore plus contrarié.

« Tu oserais menacer ton grand-père ? » demande-t-il, d'un ton froid qui ressemble à Willis sur le point de se mettre dans une rogne noire.

Nana… ne sourit pas, mais elle montre certainement les dents pendant qu'elle rajuste sa prise sur Damian.

« J'oserais protéger mon frère. Entre lui et vous, je sais lequel des deux je verrais plutôt vivre, et si l'autre doit mourir, cela ne m'empêchera pas de dormir la nuit. »

Il y a du venin dans ce regard vert, et Jason frissonne. À la place du vieux, il se sentirait mal à l'aise.

Sauf que le vieux prend l'air nostalgique. C'est quoi le problème avec cette famille ?

« Sais-tu combien tu ressembles à ta grand-mère, en cet instant ? Elle ne m'a jamais défié que sur le sujet de notre fille, et dans cette discussion, je gagnais rarement. À ma plus grande surprise. »

Vu la façon dont les sourcils de Nana sursautent sur son front, elle ne s'attendait pas à entendre ça, mais elle a quand même l'air flattée.

« Cette conversation est terminée » intervient Wayne, foudroyant le vieux bonhomme du regard.

« En ce cas, je ne vous importune pas plus longtemps, Détective » s'incline l'autre avant de tourner les talons et de s'en aller, son gorille suivant de près derrière.

Eux partis, la pièce se vide de tension à un tel point que Jason voit des paillettes noires valser dans son champ de vision, et il est sûr que Wayne est prêt à dégringoler sur le tapis moelleux.

Le truc, c'est qu'il a pas le temps de le faire avant que Nana lui fourre Damian dans les bras et se mette à convulser.

Janie's got a gun
Her dog day's just begun
Now everybody is on the run
Because Janie's got a gun

Pour ce chapitre, vous avez droit à Janie's Got a Gun par Aerosmith.