Bonjour à tous !

Nouveau chapitre, comme promis, et celui là était particulièrement attendu (du moins pour ma part).

Merci encore pour les reviews, je vous réponds immédiatement dès que j'aurai publié.

Aussidagility : Merci pour ton commentaire ! Tu verras si c'est effectivement le cas dans ce chapitre ;)

Trèves de bavardages, je vous souhaite une bonne lecture !


Le village de Pré-au-lard sommeillait dans la légère brume qui s'installait. La nuit n'était pas encore avancée, et en d'autres temps, les badauds nombreux auraient pu flâner le long de ses ruelles partiellement éclairées par les lumières émises depuis les devantures des commerces qui terminaient de fermer. Certains hommes, déjà abrutis par l'alcool, auraient pu trouver un point de chute dans les auberges qui ne manquaient pas dans cet endroit, d'autres une petite collation avant de rentrer après une dure journée de travail. Les couples se seraient retrouvés autour d'un petit repas copieux, le tissu de leurs chemises légèrement tiré vers l'avant par un estomac lourd et repu, discutant des derniers potins ou des problèmes survenus dans leur train-train quotidien.

Il fallait en particulier assister à une soirée au sein de l'auberge de Madame Rosmerta pour se rendre compte de l'activité qui ne cessait jamais à Pré-au-lard, des beuveries jusque tard dans la nuit, des parties de cartes sur le bois collant d'une table mouillée par les commandes journalières des clients qui ressortaient toujours satisfaits des collations prises entre les murs de l'établissement, du sourire avenant de la propriétaire des lieux un brin provocante et aguichante envers les clients les plus à son goût, des rires qui résonnaient jusque dans la rue où l'auberge se trouvait, des plus jeunes qui, à défaut de pouvoir toucher à une goutte d'alcool, se rabattaient sur les bièraubeurres dont on ne tarissait pas d'éloges.

En temps normal, et à cette heure de la soirée, il n'aurait ainsi pas été étonnant de voir cette activité bourdonner à travers tout le village. Mais comme Harry s'en était rapidement rendu compte lorsque son cheval avait posé ses sabots sur le sol pierreux du village, les boutiques avaient rapidement baissé les stores, les portes s'étaient fermées à clé et les lumières s'étaient subitement éteintes à l'arrivée du curieux contingent qui continuait à grossir à mesure que le temps passait. Pré-au-lard n'avait probablement pas connu une telle agitation depuis bien longtemps, mais les responsables étaient encore davantage étonnant ; Il fallait après tout remonter à plusieurs siècles pour voir des soldats français fouler du pied le sol écossais, et il était difficile de déterminer si ceux-là venaient avec les mêmes intentions amicales que ceux qui, autrefois, avaient débarqué pour soutenir la rébellion du roi Jacques V contre celui d'Angleterre.

- L'Empereur ne lésine pas sur les moyens, commenta à côté de lui le général Pajol tandis que six canons de type Gribeauval passaient devant eux en direction de l'entrée du village.

- En effet, concéda Harry en regardant à présent les chariots contenant les boulets accompagner l'artillerie. J'espère que nous en aurons l'usage et que nous n'avons pas acheminé tout ceci pour rien.

- Je l'espère pour vous, dit-il. Je n'ose imaginer le fiasco que ce serait si nous avions fait fausse route. Ce n'est pas faute que l'Empereur se soit à ce point investi pour faciliter l'envoi de ces troupes en territoire ennemi en diffusant de fausses proclamations, l'humiliation qui en résulterait serait catastrophique pour vous comme pour moi. Je prie sincèrement pour que votre informateur ne se soit pas joué de vous, Monsieur.

Harry l'espérait aussi, mais dans le doute, il devait laisser au destin décider des bonnes intentions de Dumbledore et avoir foi en sa parole. Le mot reçut quelques minutes plus tôt était bref, sans formule allégorique ou grandiloquente, et l'informait simplement qu'un contact avait été établi avec leur cible, que la première phase de leur plan était un succès et qu'il allait désormais entamer la seconde. La suite? C'était à lui d'agir, de parfaire le plan conçu par les soins du vieillard et de permettre l'anéantissement des forces de Voldemort en une seule attaque.

La réussite de leur plan était en tout cas essentielle s'il souhaitait s'en sortir sans embûche pour la suite ; Le simple fait d'amener un aussi gros contingent d'hommes de troupe dans un territoire hostile n'ayant pas donné son aval pour un tel mouvement brisait en soit les règles instaurées sur l'utilisation de la magie en temps de crise, un échec risquait d'aggraver encore davantage les relations entre le Royaume-Uni et la France et provoquer dans le pire des cas une nouvelle guerre entre les deux nations rivales. L'attaque devait être brève, décisive et ne pas avoir de répercussions gravissimes pour apaiser rapidement les tensions pouvant survenir.

Comme il le lui avait promis et après lui avoir facilité à sa façon ses moyens d'action, l'Empereur lui avait donné le commandement de ces quelques centaines d'hommes qui allaient se battre ce soir sans savoir vraiment pour qui, pour quelle raison et contre qui. Les soldats s'aventuraient désormais en terre écossaise, loin de leurs foyers, à des centaines de kilomètres de leur patrie, en empruntant pour nombre d'entre eux un moyen de transport qui ne leur était pas familier et en n'ayant pu étudier plus longuement le terrain sur lequel ils livreraient bataille dans les prochaines minutes. Beaucoup semblaient déboussolés lorsqu'ils passaient devant l'état-major d'officiers qui entouraient Harry, d'autres arboraient une mine revêche à l'idée de livrer à nouveau un combat dans lequel leur vie était en jeu, mais cette perspective était depuis longtemps devenue une formalité pour la plupart. Seul importait l'obéissance et le respect à avoir envers ses supérieurs, et s'il fallait se battre, même de l'autre côté du globe, alors on pouvait aisément considérer que ces hommes pourraient s'y rendre sans sourciller ni s'y opposer.

Le dernier chariot avait depuis longtemps traversé le portail lorsque celui-ci commença à trembler, à rétrécir progressivement avant de finalement disparaître brutalement. Le son strident qu'il émettait jusqu'alors disparu avec lui, et le calme retomba sur le petit village de Pré-au-lard de la même façon qu'un couperet sur le coup gracile d'une victime.

La rue principale était éclairée sur toute sa longueur par des hommes en uniforme tenant de lourdes torches afin d'avoir un meilleur aperçu de celle-ci, et qui accompagnaient les troupes au rythme des tambours des musiciens de l'armée impériale jouant un air militaire. La scène aurait presque pu paraître distrayante si les enjeux n'étaient pas aussi importants pour eux.

- Et maintenant? Argua le général avec impatience.

- Notre informateur doit amener la cible vers les plaines au sud du village, déclara Harry tout en guidant son cheval à la suite de la colonne de cavaliers qui empruntait le même chemin. Le terrain sera propice à une charge frontale contre les rangs ennemis qui ne s'y attendront pas.

- L'artillerie se positionnera sur le centre du dispositif, là où le terrain est le plus élevé, lui confirma le désormais colonel Vanhoeven. Les voltigeurs accompagneront la charge au signal, et les deux ailes suivront le mouvement. Nous ne pourrons cependant poursuivre les fuyards en raison de la spécificité de la forêt qui entoure la zone, les chevaux risqueraient de se prendre les pattes dans les racines et de désarçonner leurs cavaliers.

Harry hocha sa tête aux explications du colonel, ravi du choix qu'il avait pris de confier à ce brillant stratège la planification de leur attaque.

- Les voltigeurs? Répéta Pajol d'un air incrédule. Je n'ai pourtant vu personne…

- Ils sont arrivés avant nous et ont pris position plus loin en attendant nos ordres, l'informa son ancien élève tout en observant les rideaux de certaines fenêtres bouger furtivement à mesure qu'ils passaient devant elles. Ils assureront notre sécurité en temps voulu.

- Vous ne m'aviez pas informé de la présence de ces troupes lors de nos réunions, nota avec une désapprobation manifeste son supérieur. Pouvez-vous nous assurer de leur soutien lors de l'assaut?

- Je puis vous assurer que cette milice saura tenir son rang quand la situation l'exigera, lui affirma Harry. Elle est dirigée par les personnes en qui j'ai la plus grande estime et la plus grande assurance. Je sais qu'elle ne nous fera pas faux bond.

Pajol ne semblait pas particulièrement convaincu, mais il ne dit rien de plus et continua de l'accompagner dans sa course vers leur point de ralliement. Malgré lui, Harry sentait monter la tension à mesure qu'il prenait conscience de l'inéluctabilité de leur mission, et de la pression qu'il pouvait sentir sur ses épaules quant à la réussite de celle-ci. L'échec n'était pas permis car il entraînerait une série de conséquences irrémédiablement fâcheuses pour lui comme pour les siens, un déshonneur qui le suivrait partout où il irait jusqu'à la fin de sa vie et le souvenir amer d'une folle soirée d'octobre où il s'avéra incapable de se montrer sous son meilleur jour, de démontrer ses qualités de chef de guerre et son talent pour les armes. Revenir penaud et bredouille de cette affaire serait pire que d'y laisser la vie, et quitte à choisir, il préférait la mort à la honte qui s'ensuivrait.

Ce n'était certainement pas par hardiesse ou par aplomb qu'il avait choisi de garder ces états d'âme pour lui, par crainte de montrer une fois encore les tourments qui pouvaient l'habiter en pareilles occasions ou d'afficher aux yeux des autres ce qu'il considérait comme de la faiblesse, mais bien par choix de succomber avec eux si les choses tournaient à son désavantage et ne pas laisser de lui l'image d'un jeune homme indécis et fébrile devant l'adversité. Pour cette soirée seulement, il était le meneur, le chef de toute cette troupe qui allait mener à la mort des hommes qui n'avaient aucune idée de ce pourquoi ils se battaient… Et cette perspective l'angoissait. L'Empereur se tourmentait-il ainsi lui aussi lorsqu'une bataille approchait? Se rendait-il lui aussi compte du poids des vies qu'il avait entre ses mains et de l'influence que ses décisions pouvaient avoir sur elles? Ces questions le hantaient depuis qu'il avait eu sous les yeux les quelques régiments de sorciers affrétés par Napoléon pour mener à bien la tâche qu'on lui confiait.

Son shako lui semblait soudainement lourd sur le sommet de sa tête, son uniforme l'étouffait et il pouvait sentir le fourreau de son sabre se cogner à sa hanche en accompagnant le trot de sa monture. Nerveux, il sortit un mouchoir de sa poche de pantalon pour s'éponger le front tout en fixant résolument le bout de la rue où le gros des troupes bifurquaient pour se diriger sur la gauche et prendre position.

Une explosion soudaine dans le ciel les arrêta brièvement, et plissant légèrement les yeux, Harry crut voir des étincelles rougeâtres finissant de se consumer dans le ciel devenu noir et obscur au dessus de Pré-Au-lard.

- Voilà le signal, les informa d'ailleurs Vanhoeven. L'ennemi est au point de rendez-vous. Je dirigerai le côté droit de la formation. Vous le gauche comme nous l'avons prévu. Nous tenterons de prendre nos ennemis en tenaille pour les empêcher de se réfugier dans la forêt. Une partie du détachement restera en position pour protéger l'artillerie, mais je ne pense pas qu'elle court le moindre risque à moins que nos ennemis en aient également.

- Je m'en charge, argua un sous officier derrière eux. À la différence des campagnes de l'Empereur, nous pourrons à loisir utiliser la magie sans craindre d'avoir à nous restreindre de crainte que l'on nous voit.

- à la bonne heure, se réjouit un autre d'un ton satisfait.

Le petit groupe d'officiers que dirigeait pour l'occasion Harry se retrouva bientôt derrière les premières lignes de cavalerie, et tout en formant une large bande recouvrant une bonne partie du terrain, ils s'avançaient inexorablement vers leur destin, les mines fermées et les sourcils tellement froncés pour certains qu'ils disparaissaient sous leurs casques. Au loin, il pouvait voir quelques silhouettes isolées sur une sorte de corniche, occupées à observer les alentours avec des lunettes tandis que le bruit des milliers de sabots qui claquaient sur le sol sec de l'espace à leur disposition résonnait bruyamment tout autour d'eux.

Devant eux s'étendait une vaste plaine délimitée en contrebas par les premiers arbres de la forêt interdite. La zone n'était pas aussi plate qu'il l'espérait, et des monticules de terre ou de pierre pouvaient de temps à autre s'élever de quelques centimètres risquant de les ralentir dans leur course, mais globalement il était satisfait de l'endroit choisi. Un trait de lumière crée par la rangée de porte-flambeau donnait un curieux spectacle à la zone, et de leur position, Harry supposait que les mangemorts devaient être intrigués par cette soudaine apparition.

- Ils sont là-bas, les informa la sentinelle qui se trouvait la plus proche de lui.

Chacun suivit du regard l'endroit qu'elle pointait avec son doigt, et avec une pointe de satisfaction, il eut sous les yeux un groupe assez important et grossissant à vu d'œil se trouvant déjà à portée de tir.

- Dumbledore n'a pas menti, dit-il en souriant tandis que Vanhoeven s'éloignait déjà en direction de la formation qu'il commanderait.

- Rappelez-vous pourquoi vous êtes là et rien d'autre, l'avertit froidement le général Pajol. Artilleurs, préparez vos canons ! Le tonnerre va sous peu s'abattre sur ces fils de chiens !

Des cris de joie se firent entendre parmi les hommes s'affairant autour des bouches à feu qui sous peu s'abattraient sur les rangs ennemis.

- Parlez-leur Monsieur Bourbon, lui intima alors son supérieur. Vous ne pourrez vous assurer de leur fidélité qu'en vous montrant suffisamment convaincant, en levant les doutes qui les animent et en leur promettant ce que seul l'Empereur est capable de leur promettre : La victoire, la gloire, le salut éternel !

Puis désignant les premiers rangs qui semblaient attendre les ordres sans joie, il ajouta :

- Ces hommes ne savent pas pourquoi ils sont là, pourquoi même ils se battent pour vous. Ils sont là sur l'ordre d'un seul homme, leur bien aimé chef. Ils ne vous connaissent pas, ne savent pas s'ils peuvent vous faire confiance ou faire confiance en vos capacités à les diriger. Montrez vous faible, indécis, peu assuré, et vous pourrez êtes certain qu'ils se débanderont à la première déconvenue. Soyez l'homme que je vois en vous, prouvez leur que vous en êtes capable, et ce soir, nous saluerons dans les ministères à Paris l'éclatante victoire de Gabriel de Bourbon, officier de l'Empereur.

Harry hocha sa tête, mais la salive qu'il avalait lui semblait subitement difficile à évacuer de sa gorge. Sa respiration devint courte, irrégulière, et il garda de longues secondes les yeux baissés sur un talus d'herbe sauvage sans oser rencontrer le regard de ceux qui allaient le servir le temps d'un soir. Lentement, il sortit des rangs, fit faire quelques pas à son cheval tandis qu'il cherchait ses mots… qui ne venaient pas. Le trac, le stress, la tension… Chaque terme pouvait aisément définir ce qu'il ressentait et pouvait être allégrement utilisé sans qu'il ne puisse en dire quoi que ce soit d'autre qu'un accord net et entier à ce sujet, car à la vérité oui, il ne craignait définitivement pas de se battre mais bien de gagner la confiance de ces hommes, nombreux, prêts à risquer leur vie pour cette cause et qui n'attendaient plus qu'un ordre pour s'élancer aux devants de Voldemort et de ses mangemorts.

- Beaucoup d'entre vous ne me connaissent pas, commença t-il après avoir finalement porté la pointe de sa baguette magique contre sa gorge. Certains pourraient même douter de mes capacités en raison de mon âge, du manque d'expérience ou du fait que ma panse n'ait pas autant été troué que la leur. À ceux-là je leur réponds qu'en effet, si j'osais prétendre avoir autant de cicatrice qu'eux, alors je serais probablement déjà mort et enterré.

Il passait à présent au trot devant les quelques rangées de cavaliers, et sentait qu'à mesure qu'il s'adressait à eux, son angoisse disparaissait, sa confiance revenait et qu'il lui était plus facile d'ordonner le train des pensées qui virevoltaient dans son esprit.

- Comme vous j'ai connu bien des batailles, et malgré mon âge, j'ai pu voir de mes propres yeux la fantastique armée de notre bien aimé Empereur terrasser les forces coalisées à Austerlitz, écraser les prussiens à Iéna, marcher sur les russes au son des milliers de sabots remuant la terre d'Eylau, et finalement anéantir nos ennemis sur les rives de la Alle à Friedland. Comme vous je pensais que la guerre serait terminée, que l'on pourrait rentrer dans nos foyers tranquillement où nos familles nous attendaient bien sagement. Comme vous je pensais pouvoir raconter nos glorieux faits d'armes à nos proches, discourir longuement sur les horreurs de ces maudites guerres et espérer des lendemains meilleurs. Comme vous, j'ai perdu des amis, des frères d'arme, tombés au champ d'honneur pour la gloire de la France et de ses sujets…

Par un effet du hasard, sa course s'arrêta à ce moment là près de Juliette, et si son amie semblait s'être remise de la perte de Nicolas, le souvenir de leur camarade était encore vivace par delà les iris de la jeune femme.

- Mais ce soir, voilà que nous nous trouvons ici, sur cette terre d'Écosse que nombre d'entre vous découvrent pour la première fois de leur vie. Comme il y a un an, lorsque sa majesté nous faisait quitter les rivages de Boulogne pour nous précipiter vers l'Autriche, voilà que nous errons sans savoir pourquoi, sans savoir ce qui nous attend là, par la seule volonté d'un homme qui, de sa seule bouche, en a décidé ainsi. Et pourquoi? Parce que c'est là notre devoir, le devoir d'un soldat de la glorieuse armée de l'Empereur !

- Vive l'Empereur ! Scandèrent alors quelques hommes rapidement repris par l'ensemble de l'armée.

Un sourire s'esquissa sur ses lèvres, mais maintenant qu'il était lancé, Harry n'avait pas encore envie de terminer son petit discours :

- Avons-nous interrogé sa majesté lorsqu'elle voulut traverser le pont d'Arcole? Jamais ! S'est-on questionné sur ses mouvements de troupe au pied des pyramides lorsqu'il fallut affronter les mamelouks ottomans? Non ! Devions-nous douter de ses ordres lorsqu'elle décida de laisser aux austro-prussiens le plateau de Pratzen à Austerlitz? Voyez comme nous fumes victorieux ce jour-là ! Mes frères d'épée ! Ce soir, croyez-vous qu'il faille pour la première fois nous défier de notre Empereur? Que ceux qui le pensent restent en arrière, nous saurons alors distinguer les couards des braves de la Grande Armée !

Aucun ne se retira, et redoublant de vigueur, les hommes hurlaient à plein poumons, le sabre brandi prêt à s'abattre sur la première tête qui se trouverait à portée. Au même moment, un nuage de fumée apparut parmi la masse des fidèles de Voldemort, et à mesure que le temps passait, la brume épaisse s'élançait dans les airs telle une colonne. Un visage, particulièrement horrible aux yeux noirs et à la bouche entrouverte, surgit de la fumée et accompagnait sa lente montée vers les cieux en poussant un râle sinistre et sonore pouvant probablement être entendu à des centaines de mètres à la ronde. Harry n'avait aucune idée de ce dont il s'agissait, mais par déduction, il pensa immédiatement à Dumbledore ou à Voldemort comme les possibles coupables.

- Pour l'Empereur ! Hurla t-il en pointant son sabre vers eux, son autre main occupée à envoyer une gerbe d'étincelles en l'air.

- Pour l'Empereur ! Répétèrent en chœur le reste des troupes.

- Feu !

Des détonations retentirent près de lui, mais déjà il s'élançait vers ses cibles au galop. Les hussards, les dragons, les lanciers et autres chasseurs à cheval se précipitaient à sa suite vers Voldemort dans un grondement tonitruant à tel point que l'on se demandait si le tonnerre ne s'abattait pas autour d'eux. Les premiers boulets de canon firent immédiatement mouche dans les rangs des ennemis, et des volutes de poussière se répandaient parmi les troupes en désordre du seigneur des ténèbres qui ne semblaient pas savoir comment réagir.

- Protego ! S'exclama t-il lorsqu'il vit les premiers maléfices sortir des rangs des mangemorts pour fondre sur eux.

Au même instant une ombre passa au dessus de lui, et il n'eut à peine qu'à lever la tête pour avoir sous les yeux la silhouette de sa mère, assise en amazone sur un balai, et qui lançait à son tour le même sortilège pour assurer sa protection pendant la charge. D'autres sorciers, arrivés également, en faisait autant et formaient une longue ligne de défense sur toute la longueur du dispositif. Devant eux, les boulets continuaient à clairsemer les rangs de leurs adversaires et à soulever d'épais nuages qui masquaient leur progression fulgurante dans leur direction. Les maléfices continuaient de pleuvoir sur eux, mais la plupart étaient heureusement déviés ou absorbés par le mur de protego qui assurait leur sécurité. Quelques malheureux n'avaient pas autant de chance, et l'on pouvait entendre de temps en temps le hennissement plaintif d'un cheval frappé de plein fouet et son cavalier être désarçonné dans un cri de surprise avant d'être écrasé par la masse de chevaux continuant son périple.

L'impact arriva finalement plus vite qu'on n'aurait pu le croire, et déjà les premiers coups de sabre venaient se loger dans les crânes flétris des cadavres en mouvement du seigneur des ténèbres. Le moment de surprise passé, tous s'affairaient à trancher, découper, démembrer les carcasses qui se jetaient sur eux pour s'en saisir, tenter de les mordre et dévorer sur place les chevaux qui les bousculaient comme des poupées de chiffon. Pénétrer les rangs des inféris fut une formalité, mais même leur lenteur ne les empêchait pas par moment de réussir à faire tomber de sa monture un cavalier pour le plaquer à terre et commencer à le manger. Les mangemorts continuaient eux à les attaquer à distance, mais la cohue générale les empêchait de pouvoir viser efficacement, la promiscuité de pouvoir utiliser des sorts dévastateurs sans risquer de toucher un camarade, et la fuite s'avérait vaine pour ceux qui tentaient de s'échapper par les airs. Les traînées de fumée noire si distinctives de leur manière de déplacement pouvaient aisément être visibles au dessus d'eux, mais chaque fois, un sorcier ou une sorcière, depuis son balai, prenait en chasse le fuyard qui essayait vainement de le semer en zigzaguant entre les arbres. Harry eut d'ailleurs la vision brève de son parrain pourchassant l'un d'eux dans les airs, mais l'agitation était telle là aussi qu'ils se perdirent dans les nuées constantes qui se battaient sans relâche dans le ciel d'un noir de jais cette soirée.

Lui continuait inlassablement de donner des coups de sabre à tout ce qui se trouvait sur son chemin. Vivant comme mort s'écroulaient dans l'herbe dans un long râle d'agonie ou des grognements sinistres, le sang se répandait en grande traînée d'hémoglobine au beau milieu des cadavres et des agonisants, et les cris de rage mêlés à ceux de douleur trouvaient un écho dans l'entrechoquement des armes ou des petits sons émis par les maléfices qui fusaient dans tous les sens et ne faisaient pas toujours mouche.

- Gabriel ! S'exclama alors une voix quelque part près de lui.

Tournant la tête dans tous les sens, il finit par tomber sur la silhouette de Dumbledore essayant vainement de se cacher derrière une souche alors que les combats continuaient autour d'eux. Harry nota au passage qu'il s'adressait à lui de son nom d'adoption, par crainte probablement que son serment au marteau et l'enclume ne puisse être rompu au beau milieu de cette foule nombreuse, un détail qui le fit malgré lui sourire. Le vieil homme lui demeurait relativement calme, mais d'un geste, il lui intimait de le suivre et de s'enfoncer dans la forêt avec lui.

Ce qu'il fit aussitôt.

- Où est-il? Le questionna t-il immédiatement alors qu'ils commençaient à s'enfoncer dans la forêt.

- Par ici, lui indiqua Dumbledore pendant que sa baguette pointait d'elle-même dans une direction. Mon sortilège de traçage semble fonctionner, et il ne s'en est même pas encore rendu compte…

- Quand le lui avez-vous lancé? S'étonna Harry.

- Au moment où j'ai détruit son horcruxe, lui indiqua t-il en lui montrant au passage le diadème dont la plus grosse pierre était fendue en deux. La douleur devait être telle qu'il n'a même pas réagi lorsque je l'ai lancé sur lui.

- C'était donc cela ce curieux nuage effrayant apparu juste avant que je lance la charge…, marmonna t-il plus pour lui-même que pour Dumbledore.

L'ancien directeur de Poudlard le lui confirma d'un hochement de tête.

- Deux mangemorts l'ont aidé à s'éloigner dès l'instant où il a compris qu'il était tombé dans un piège, reprit Dumbledore alors que le bruit des combats se faisait de plus en plus lointain à mesure qu'ils progressaient dans la forêt. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de lui depuis. Cependant il lui faudra beaucoup de temps avant de trouver un endroit propice pour transplaner. D'ici là, j'ose espérer que nous l'aurons rattrapé.

- Nous devions détruire l'horcruxe plus tard, lui rappela durement Harry. Quel était donc l'intérêt de préparer un plan d'action durant toute une semaine si vous ne respectez pas les consignes?

- En définitive, cette idée nous aura davantage servi que l'inverse, argua patiemment le vieil homme. Voldemort s'est retrouvé affaibli l'espace d'un instant, incapable de commander ses troupes et obligé de fuir pour reprendre ses esprits. Si combat il doit y avoir, alors nous nous retrouverons face à un ennemi ayant perdu en puissance.

- Sauf qu'il fallait le détruire à ce moment là, répliqua t-il. Ce petit moment de flottement nous aurait servi à lui porter le coup de grâce.

Chacun campait dans ses positions, et même si effectivement le prix de la bataille qui se jouait encore derrière eux serait très certainement moins élevé que prévu, Harry avait malgré tout l'impression que la partie s'avérerait plus compliqué face à Voldemort lui-même.

Subitement, il heurta du pied quelque chose qui manqua de peu de le faire tomber, et baissant sa baguette sur l'objet en question, il découvrit la forme immobile et recouverte d'une épaisse cape de voyage d'une personne dont il ne pouvait pour le moment voir le visage.

- On dirait bien que Voldemort s'est débarrassé de sa garde rapprochée, commenta t-il alors qu'il faisait rouler la forme avec son pied pour se retrouver nez à nez avec un masque de mangemort.

L'autre se trouvait quelques mètres plus loin, lui aussi la gorge tranchée et probablement mort sur le coup.

- Tiens toi prêt, l'avertit Dumbledore alors que lui aussi visait lentement les alentours avec sa baguette, inquiet sans doute de voir surgir de derrière un arbre ou un buisson un seigneur des ténèbres rendu fou par son dernier geste.

Dos à dos, les deux avançaient plus lentement, les sens en alerte et le regard passant rapidement d'une cachette à une autre. La baguette de Dumbledore continuait à leur indiquer la même direction, par delà un énorme talus qu'il fallait escalader précautionneusement et que la végétation rendait glissant. Derrière se trouvait un petit espace délimité par les arbres et qu'un éclat de lumière éclairait en traversant leur feuillage. Les ombres formées offraient un curieux spectacle pour les deux nouveaux venus qui avaient l'impression que d'énormes créatures bougeaient autour d'eux sans jamais les attaquer. Mais dans un coin, une forme accroupie sur elle-même, la silhouette voûtée et tremblante poussait d'étranges plaintes. Deux mains d'une blancheur spectrale pouvaient être vues et reposaient sur ce qui devait être la tête de la personne dont le corps se secouait frénétiquement au rythme de ses gémissements.

Harry avait longtemps imaginé la manière dont il se retrouverait face à face avec l'homme qui avait si radicalement changé son destin, ce qu'il pourrait lui faire à ce moment là et les reproches qu'il pourrait lui balancer en pleine figure au moment où ses yeux émeraude croiseraient les iris rougeâtres du seigneur des ténèbres. Ce moment, il l'avait rêvé pendant des années, bien malgré lui et en se persuadant que jamais il n'aurait à prendre part à la destruction de Voldemort. Mais de tous les scénarios possibles et imaginables qu'il s'était fait, jamais il n'aurait pensé à avoir sous les yeux celui qui avait tenté de le tuer l'air aussi fragile, faible et pitoyable qu'en cette soirée. Pour un peu, il aurait presque du regret à combattre un adversaire aussi lamentable et reprocherait à Dumbledore d'avoir facilité cette apparente faiblesse en détruisant si rapidement l'Horcruxe.

Mais c'était avant de se rappeler qu'il avait face à lui la plus grande menace des cinquante dernières années.

- C'est gentil de te part de nous avoir attendu ici Tom, déclara de son côté Dumbledore en s'arrêtant à quelques dizaines de mètres de lui. Tu sais pourquoi nous sommes là…

- Nous? Marmonna dangereusement la silhouette qui leur tournait ostensiblement le dos. Tu veux dire toi et Potter?

- Oui, mais pas le Potter auquel tu penses, argua avec suffisance le vieil homme. J'ai apporté avec moi celui que la prophétie désigne comme celui qui te vaincra, mais pour cela, il aurait fallu que tu puisses en connaître le contenu, chose que tu n'as jamais pu réussir…

Encore une fois le prince de Lamballe nota qu'il choisissait soigneusement ses mots pour le désigner. Un ricanement glaçant lui répondit, et pendant de longues secondes, le corps de Voldemort fut parcourut de tremblements. Les mains du seigneur des ténèbres glissèrent lentement vers son visage, mais il persistait pour le moment à ne pas se retourner.

- La prophétie… Oui…, marmonna t-il. Penses-tu vraiment que je puisse encore accorder la moindre importance à cette fichue prophétie, vieillard? J'ai perdu tout espoir de mettre la main sur elle ce maudit soir où tu m'as empêché d'y parvenir… Ne pouvais-tu pas mourir comme le ministre? Fallait-il que tu me contraries une fois encore?

- Aussi longtemps que je vivrai, et aussi longtemps que tu menaceras l'équilibre de ce pays, tu me trouveras toujours sur ta route Tom, lui répondit avec franchise Dumbledore.

- Finissons-en, lança froidement Harry en visant de sa baguette Voldemort.

- Oh, je vois que quelqu'un est pressé de se mesurer à moi…, siffla t-il avec une pointe d'amusement.

Lentement, le seigneur des ténèbres se releva et pivota pour leur faire face. La silhouette était imposante, sa cape semblait danser autour de lui sans qu'aucune bourrasque de vent n'en fut responsable, et ses yeux brillaient d'un éclat carmin qui le fit malgré lui frissonner. Un sourire sardonique barrait son visage d'un blanc laiteux d'une oreille à l'autre, et ses longs doigts tenaient en leur creux une longue baguette magique qu'il pointait dans sa direction.

- Ainsi donc, voilà le fameux Potter disparu, le garçon que tout le monde a oublié et sur les épaules de qui tous les espoirs d'un peuple retombent, dit-il narquoisement. Curieux… De toutes les possibilités qui se sont offertes à mon imagination, je n'aurais jamais imaginé que tu puisses être partie intégrante d'un corps d'armée moldu…

- Et avais-tu également imaginé la manière dont tu serais vaincu? Argua avec mépris Harry.

Un autre éclat de rire lui répondit, mais par prudence, il ne relâcha pas un instant sa concentration.

- Tu as du cran, Potter, avoua Voldemort. Peu de gens seraient capable de me parler ainsi sans craindre de mourir dans la seconde qui suit.

- Peu de gens ont en effet le loisir d'affirmer vous avoir tenu tête et en être revenu vivant, répondit t-il. Mais je ne serai pas de ceux-là.

- Ta suffisance te perdra, cracha le seigneur des ténèbres.

- Ce n'est pas de la suffisance, répliqua tranquillement Harry. Tu aurais pu me faire peur il y a encore un an lorsque tu avais encore en ta possession la plupart de tes horcruxes, mais maintenant avec la destruction du diadème, je ne te crains pas davantage que je n'ai peur du vieillard à mes côtés.

Les yeux de Voldemort semblèrent brièvement passer de lui à Dumbledore tandis que si cela était encore possible, son sourire s'élargit encore davantage.

- Il m'en reste encore un, l'informa t-il gaiement.

- Nous savons, répondit Dumbledore. Lorsque nous en aurons fini avec cette enveloppe corporelle, nous partirons en quête de ton serpent de compagnie pour terminer le travail, et alors ton existence sera définitivement effacée de cette planète.

- Et moi ce sont les vôtres que je réduirai à néant ce soir, les menaça Voldemort en jouant avec sa baguette. Mais je suis bon joueur, et je vais vous faciliter la tâche même si cela ne vous sauvera pas.

Le seigneur des ténèbres se mit soudainement à siffler. Harry, pas plus de Dumbledore, ne comprenait un traître mot de ce qu'il était en train de dire, mais il remarqua du mouvement dans un buisson derrière Voldemort. Une forme finit par en sortir, longue, rampante, et s'approchant lentement de leur adversaire en communiquant également avec lui par des sifflements aigus et sonores.

- Nagini vous souhaite le bonsoir et espère que vous passez une agréable soirée en notre compagnie, les informa avec amusement Voldemort.

Puis écartant les bras, et levant la tête vers le ciel, il ajouta :

- Si duel à mort il doit y avoir, alors ainsi soit-il. Mais ne vous attendez pas à ce que je me laisse vaincre sans réagir. J'ai déjà eu l'occasion de t'affronter au ministère il y a quelques temps déjà, vieillard, et je peux affirmer que tu ne me fais pas le moins du monde peur. Cependant, je n'ai aucune idée de ce que tu peux bien valoir au combat, Potter, alors je ne prendrai aucun risque vous concernant. Il me reste une dernière carte à jouer, et vous serez les premiers à la découvrir ici même, dans cette petite clairière.

Il siffla de nouveau, et à la grande surprise d'Harry et de Dumbledore, Nagini se jeta immédiatement sur lui. Sa tête, puis le haut de son corps disparurent alors dans la gueule de l'immense serpent qui continuait à l'avaler sans qu'aucun des deux ne réagisse. Le prince de Lamballe ne savait pas ce qui se tramait, mais une chose était sûre à ses yeux :

Rien de bon n'allait arriver pour lui.


A/N : Tada ! Chapitre terminé. J'espère qu'il vous aura plu en tout cas.

Lorsque je l'ai terminé en début de semaine, je n'en étais pas pleinement satisfait, mais en le relisant avant de le publier, je me rends compte qu'il n'est franchement pas si mal que ça. Maintenant le grand moment arrive, mais vous allez devoir attendre encore une semaine pour pouvoir le lire... Je sais je suis odieux.

Alors oui, l'attaque est assez classique, mais pour vous donner une petite idée de la satisfaction que j'ai d'avoir enfin pu l'écrire, j'avais cette idée de chapitre depuis... 2012, au commencement même de cette histoire. Je ne pensais pas cependant à l'époque qu'il me faudrait autant de temps pour la faire paraître ^^.

En tout cas j'aime assez bien l'idée de l'armée de Voldemort vaincue par des armes moldues comme les couleuvrines, un beau pied de nez à ce suprémaciste sorcier !

Le prochain chapitre est déjà en cours d'écriture, et pour la petite information, à l'heure où je vous en parle, il fait exactement 4550 mots et est très loin d'être fini. Je pense qu'on s'oriente vers 6 à 7000 mots. Un beau petit morceau !

Sur ce donc, à la semaine prochaine !