Le coup qu'avait pris Stiles au visage était assez fort pour le désorienter, mais pas suffisamment pour lui faire perdre connaissance. Cependant, sa vue floue ne l'empêchait pas de voir avec clarté la façon dont on tenait son père en joue ni même son expression… Qu'il peinait tout de même à décoder tant elle était complexe. Pourtant, Noah avait fini par tourner complètement la tête vers lui… Le regarder avec un effarement certain. Il constatait ainsi avec horreur que… Oui, Stiles était resté. Il était véritablement resté. Au lieu de fuir discrètement, d'appeler des renforts. Et même si c'est une chose qu'il lui reprocha intérieurement, il savait que si la situation était inverse, il aurait agi exactement de la même façon que lui…
… Ce qui, au final, n'aurait rien arrangé. Les choses seraient ainsi, auraient abouti à ce même cheminement avec pour finalité, leur mise en joue à tous les deux. Pour quelle raison ? Ni le shérif, ni son fils n'en avaient la moindre idée. Mais Noah était sûr d'une chose : il était prêt à faire couler le sang pour la marque qu'il voyait lentement apparaître sur le visage de Stiles. Ainsi, il ne put rien faire contre la pulsion si soudainement née en lui qui le poussa à se débattre, à essayer de se libérer de l'emprise physique des hommes le retenant. Néanmoins, le coup de poing que l'un d'eux lui asséna à l'abdomen le calma instantanément… Puisqu'il lui coupa purement et simplement le souffle.
- On se calme, Shérif, fit l'un d'eux. N'épuisez pas votre énergie inutilement, vous risqueriez d'en avoir besoin après…
Autour d'eux, quelques rires. Un regard quelque peu effrayé de la part de Stiles, qui s'était fait violence pour ne pas bondir lorsqu'il avait vu son père prendre le coup. Le voilà qui peinait à reprendre sa respiration, la tête baissée tandis que son fils analysait aux mieux la situation en silence… De sorte à trouver un moyen pour qu'ils s'en sortent tous les deux. Le problème, c'est qu'il n'avait aucune idée de l'identité de tous ces hommes cagoulés, ni même de leurs motivations. Leur nombre restait aussi un mystère : il pouvait y en avoir d'autres à l'étage, ou dans les pièces d'à côté. C'était pour cette raison qu'il écoutait au mieux, usait au maximum de ses sens humains même s'il ne put s'empêcher d'envier, l'espace d'un instant, le pouvoir monstrueux que pouvait procurer un sens lupin. Pourquoi diable n'avait-il jamais demandé à prendre la morsure ? Pourquoi n'avait-il pas accepté lorsque, des années plus tôt, Peter Hale la lui avait proposée ? Stiles aimait beaucoup son humanité, mais devait avouer qu'une ouïe et un odorat surdéveloppés lui auraient été bien utiles. Néanmoins, la lycanthropie aurait peut-être bridé son contrôle intérieur, qu'il savait d'ores et déjà fragile. Qu'en serait-il s'il partageait sa tête avec un animal sauvage ? Celui-là aurait tôt fait de sauter à la gorge de l'homme qui avait frappé son père pour la lui trancher d'un coup sec.
La pensée, aussi horrible qu'elle était nette, le fit frissonner.
- Regardez ça ! Son rejeton a peur, rit-on.
D'autres rires gras s'ajoutèrent à celui-ci, on ne peut plus moqueur. Malgré sa peur, exclusivement tournée vers son père, Stiles se crut un instant dans un film policier – mauvais, qui plus est. Le couteau qui se glissa sous sa gorge lui fit tout de suite ravaler sa pensée et… Hésiter à avaler sa salive. Le souffle court, il s'exhorta au calme malgré tout. Stiles considérait secrètement que sa vie valait peu de choses comparé à d'autres, mais il n'allait pas pour autant souhaiter qu'elle prenne fin. Pas comme ça et encore moins en sachant son père en danger.
- Shérif, il va falloir vous tenir à carreau si vous ne voulez pas vous retrouver avec le sang de votre fils sur les mains.
Noah releva un regard courroucé vers l'homme qui menaçait d'égorger Stiles en appuyant davantage la lame d'argent contre la peau si blanche de sa gorge.
- Et par vous tenir à carreau, j'entends ceci…
Stiles manqua de s'égorger lui-même tant son mouvement fut brusque : mais le coup que l'on venait de porter à son père était si fort et si soudain qu'il n'avait pu retenir ce sursaut potentiellement meurtrier.
Noah n'avait pas fait le moindre bruit, si l'on exceptait le soupir occasionné par son souffle coupé par la violence dont il venait d'être victime. L'air quelque peu hagard, il s'affaissa entre ses agresseurs. Le poing qu'il avait reçu dans la tempe l'avait véritablement sonné. Un coup de chance qu'il ne lui ait pas fait perdre connaissance, et encore… S'agissait-il véritablement d'une chance ? Stiles le préfèrerait inconscient, juste parce qu'il n'avait pas envie qu'il entende, qu'il sente la douleur qui devait irradier à l'intérieur de sa tête…
- Arrêtez, s'entendit Stiles, dont la gorge était si sèche qu'il peinait à articuler le moindre mot. Laissez-le.
Il se colla d'ailleurs complètement contre l'homme qui le tenait en joue, histoire d'éloigner de quelques millimètres la lame du couteau caressant sa peau. Il aimerait véritablement éviter de mourir par erreur.
L'un des hommes, celui qui avait frappé Noah, remonta sa cagoule jusqu'à son nez – et Stiles ne vit rien qui pourrait lui rappeler quoi que ce soit. L'homme n'avait aucun signe distinctif particulier, mis à part une barbe mal rasée et une mâchoire carrée. Stiles ne pourrait l'identifier d'aucune manière – même sa voix ne lui disait rien.
Et cette enflure le regarda longuement avant d'esquisser un sourire en coin. Il se détourna purement et simplement de Stiles, comme si sa présence n'aurait aucune incidence sur la suite des évènements.
Noah, qui peinait à reprendre aussi bien son souffle que la conscience des évènements, se retrouva la tête tirée brusquement en arrière par l'un de ceux qui le maintenaient entravé. Le gémissement pitoyable qu'il poussa hérissa Stiles au plus haut point… Si bien qu'il aurait sans doute sauté sur ces sombres enflures si un couteau ne menaçait pas de lui trancher la gorge en un mouvement.
- D'abord le shérif, indiqua à ses collègues celui qui semblait diriger les opérations. On s'occupera du fils plus tard. Eteins-le deux minutes, histoire qu'il ne nous emmerde pas...
Cette fois-ci, il s'était tourné du côté de Stiles, qui ne vit rien venir… Sentit à peine le coup que l'on assena avec violence à l'arrière de son crâne avec la crosse d'un pistolet.
Noah eut tout juste le temps de comprendre ce qui venait d'arriver à son fils et de commencer à ressentir un soupçon de confusion puis de colère que son souffle se coupa à nouveau. Rapidement, il eut à subir un déferlement de violences sans précédent… Duquel il ne connaissait toujours pas la raison. On le maintenait désormais au sol, on le frappait sans se soucier de la fragilité inhérente à son âge, sans faire cas non plus de ses gémissements faiblards, de ses vaines tentatives pour faire cesser ce calvaire qui devenait de moins en moins supportable. Disons que Noah… Ne sentait pas tout, au départ, tant le premier coup qu'il avait pris à la tête avait été fort – il lui avait fait l'effet d'un anesthésiant partiel. Mais il s'édulcorait et Noah… Ne pouvait rien faire, si ce n'est tenter au mieux d'essayer de faire en sorte que ses bourreaux lâchent prise et libèrent l'un de ses bras, pour qu'il puisse… Tenter, même si c'était vain, de se défendre. D'au moins protéger son visage. Inutile d'essayer de connaître leurs motivations – de toute façon, Noah n'avait ni l'occasion, ni le souffle, ni la force de parler.
Se concentrer pour garder conscience et tenter de réfléchir à une manière de sortir Stiles de là était déjà bien assez difficile comme cela. Par chance, celui-ci ayant été « éteint », l'on ne lui accorderait pas d'attention de sitôt… Noah pensa donc fugacement au fait que l'unique façon de résoudre cette situation était vraisemblablement de… Tenir le plus longtemps possible, dans l'espoir que Stiles se réveille et profite de la concentration de leurs agresseurs sur son père pour enfin fuir et appeler des renforts. Pour Noah, c'était la seule solution. Rester à nouveau serait complètement idiot, aussi suicidaire que l'avait été son précédent geste.
Mais Noah hurla malgré lui tandis qu'une douleur différente et bien plus forte que les précédentes s'emparait de lui. De son corps, de sa tête, de toutes ses perceptions. Et elle continua. Elle continua parce que l'on s'acharnait avec une arme qui avait cela de pervers qu'elle n'était pas destinée à le tuer.
L'on considérait que briser ses jambes était suffisant.
