Chapitre 11
Le trajet depuis l'hôpital s'est déroulé dans un silence total, j'ai bien essayé de parler à Edward mais il semble en pleine introspection. Il se gare devant l'allée, derrière la voiture de Charlie. La fenêtre du salon est éclairée, j'ai loupé l'heure du dîner, je vais me faire remonter les bretelles. Il est même curieux qu'il ne m'aie pas appelée pour savoir ce que je foutais.
« Hum, on se voit demain, du coup ?
« À demain, Bella.
Il m'envoie un sourire triste, ses réflexions l'ont emmené quelque-part et ça le rend visiblement triste ou déçu. J'espère qu'il ne regrette pas déjà notre amitié.
« À demain.
Charlie me saute dessus dès que je rentre.
« Tu as vu l'heure ? Où est-ce que tu étais ? Et où est ta voiture ? Je ne l'ai pas entendue.
« On a fait un tour en forêt avec Angéla et d'autres filles, on n'a pas vu le temps passer...
« Tu n'as pas vu la nuit tomber ? Me coupe-t-il. Ça aurait dû être un signe qu'il était l'heure de rentrer ou de m'appeler pour me prévenir que tu rentrais après le dîner. Je t'ai appelée deux fois.
J'entre ma main dans la poche de ma veste et découvre que je n'ai plus mon portable.
« Je l'ai laissé dans le pick-up pour ne pas le perdre et... on a volé mon pick-up.
« Merde, souffle-t-il. Je vais appeler le poste pour signaler le vol. Heureusement, tu vas bien. Tu vas bien, hein ?
« Ouais, j'étais avec les filles, je n'avais pas la voiture en vue.
« Ok, tu as une assiette dans le micro-onde, réchauffe-la et mange.
Ça a été facile et je n'ai pas eu à avouer que j'ai été à Port Angeles sans le prévenir. Cool.
Mon camion est garé à sa place quand je sors de chez moi. Je ne me suis pas attendue à ce qu'il soit déjà revenu. Edward n'est pas là de la journée mais sa fratrie, oui. Je suppose qu'il est tombé malade dans la nuit. J'en profite pour fortifier mes connexions avec la bande de Lauren. Angéla essaye de me convaincre de l'accompagner samedi pour son truc de bénévolat mais je tiens bon. Après le déjeuner, je me cale sur le sol d'un couloir et commence le quatrième chapitre.
Précepte 4
Deviens son héros
Lorsque votre relation commence à se développer pour une amitié que ta cible pense sincère, sauve-la. S'il le faut, provoque toi-même l'accident ou l'agression contre lequel tu vas la sauver sans que ton implication ne soit révélée.
Exemple : Une voiture fonce vers ta cible, tu la sauves in-extremis. Le conducteur pourrait être quelqu'un que tu as missionné pour ça mais tu devras t'assurer qu'il ne révèle jamais ton secret, en utilisant le précepte 5.
Ta cible te verras comme son sauveur et le lien qui l'accroche à toi se renforcera. Elle se montrera reconnaissante, se sentira redevable et ne songera pas au fait que tu puisses lui faire du mal, un jour. [...]
Mh, j'ai décidé de manipuler Edward mais pas de lui faire de mal. Est-ce la finalité du livre, en fin de compte ? Faire du mal ? Ou le mal qu'il mentionne est en fait le mensonge et la manipulation ? Parce que ça, ça va.
Je ne l'ai pas sauvé, c'est lui qui m'a sauvée. Est-ce que ça marche dans l'autre sens, du coup ? Je ne pense pas. Je dois donc à mon tour le sauver. Mais le sauver de quoi ?
Précepte 5
Négocier le silence
Ta cible ne sera pas la seule personne que tu auras à manipuler, surtout quand tu seras à l'aise avec l'exercice. Parfois, tu auras à acheter le silence d'un tiers.
Nul besoin de perdre de l'argent si tu peux acheter son silence par le tiens. Découvre les secrets de ton entourage et garde-les précieusement. Si un jour tu dois t'assurer du silence de l'un d'eux, tu en auras besoin pour le faire chanter. C'est pourquoi il est toujours bon d'avoir quelques secrets en réserve.
En revanche, garde les secrets de ta cible bien gardés, aide-la même à éloigner autrui de ses secrets. Ta cible doit garder une image positive de toi. [...]
Voilà une raison supplémentaire de ne pas révéler le secret d'Edward et de son frère mais le risque de finir à l'HP suffit amplement à m'y faire renoncer.
Assise dans la salle d'attente du laboratoire d'analyse de l'hôpital aux côtés de Charlie, je me demande comment j'ai fait pour me retrouver encore une fois ici. Au moins, l'hôtesse d'accueil n'était pas la même qu'hier, ce qui aurait été embarrassant. Charlie m'a traînée jusqu'ici pour un test génétique. Mon mensonge a dû fortement le travailler pour qu'il en vienne à chercher la preuve qu'il est bien mon père mais il m'a assuré que quel que soit le résultat, ça ne changerait rien. Pourtant, il est nerveux à côté de moi, sa cuisse tressaute dans un rythme effréné, je pense qu'il ne s'en rend même pas compte.
« Je suis ta fille, lui assuré-je.
Son regard se défait de l'horloge murale qu'il n'arrête pas de fixer depuis notre arrivée.
« Bien sûr que tu l'es, Bells. Le résultat ne changera rien à ça.
« C'est une perte de temps, alors.
« Ça l'est probablement pour aujourd'hui mais ça sera un gain de temps pour les jours à venir. Je ne veux pas passer mon temps à me demander "et si ?", je souhaite juste être fixé mais ça ne changera rien, j'arrêterai juste de me le demander.
La porte sous l'horloge murale s'ouvre enfin, une femme en blouse blanche sort suivie par le patient précédent. Elle le salue puis se tourne vers nous, le sourire aux lèvres.
« Mr et Mlle Swan, c'est à vous.
Nous nous levons et entrons dans son bureau.
« Vous venez pour un test génétique, c'est ça ? Un test de paternité ?
« Oui, répond Charlie, légèrement gêné.
Il sait qu'elle le connaît, tout le monde connaît le chef de police de la ville et ce n'est pas évident d'admettre que son ex-femme l'a peut-être trompé. Une perte de temps parce que maman n'a pas trompé papa mais c'est trop tard pour lui faire changer d'idée alors quand la dame me demande d'ouvrir la bouche, je le fais. Elle frotte son coton-tige spécial contre l'intérieur de ma joue et fait pareil dans la bouche de Charlie avec un autre coton-tige.
« Voilà, c'est fini. Ce sera prêt dans trois jours.
Edward est de retour au lycée le lendemain, il est adossé contre sa voiture quand je sors du monstre, sur le parking. Il me fixe, les phalanges coincées dans les poches de son jean. Je glisse la bretelle de mon sac à dos sur l'épaule en me dirigeant vers lui.
« Salut, souris-je.
« Tu vas bien ?
Je vois l'inquiétude dans son regard, apparemment, hier sans moi ne lui a pas fait oublier l'avant-veille. Je mords l'intérieur de ma joue et renâcle en me tournant pour me diriger vers le bâtiment, Edward me rattrape et marche à mes côtés.
« Tu as une carte à me donner, je crois.
« Quelle carte ? Fais-je mine de ne pas savoir.
« Tu sais quelle carte, répond-il. J'en conclus que tu as menti à mon père.
Je hausse les épaules.
« Je n'ai pas besoin de voir de psy, je vais très bien.
« Tu n'as plus d'hallucinations ?
Je m'arrête et me tourne vers Edward juste devant la porte du lycée.
« Et le secret médical ?
« Je ne contrôle pas mon pouvoir et je me trouvais à moins de 50 mètres de Carlisle, donc je l'entendais clairement.
Je laisse un souffle fataliste m'échapper.
« Je n'ai pas eu d'autre hallucination depuis que je suis sortie de cette maison. Peut-être que la drogue qu'il a utilisée n'est pas encore connue ou alors c'était l'air, dans la maison, de la moisissure hallucinogène.
Peut-être que je ne suis pas schizophrène.
« Ou une réaction à la peur, ajoute Edward. Parce que tu as eu peur, n'est-ce pas ?
Je lève les yeux au ciel. J'ai déjà eu cette conversation.
« D'abord, pourquoi t'étais pas là, hier ? Contré-je.
Il me fixe d'un regard noir, il n'est pas dupe quant à ma tentative de changer de sujet.
« J'avais besoin de réfléchir.
« Sur quoi ? Je peux peut-être t'aider.
Il hausse les épaules.
« Sur ma vie, les choix que je dois faire. Laisser les choses suivre leur court avec peut-être la possibilité de ne pas pouvoir reculer ou renoncer avant qu'il ne soit trop tard et risquer de passer à côté de ce que j'ai toujours attendu.
« Ce serait dommage de passer à côté, si tu l'as toujours attendu, quoi que ce soit. Bon, si tu veux la vérité... j'avais un plan, un vrai et donc... je n'ai pas eu le temps d'avoir peur.
« Quel plan ? Je suis curieux.
« Lui faire croire que j'étais amoureuse de lui, lui promettre de disparaître avec lui et que les vidéos qu'il pense que j'ai postées, c'était juste pour l'éloigner des autres dans ce but.
« Et tu penses que tu aurais réussi à le manipuler ?
« Ouais, dis-je en haussant les épaules.
« Tu le fais souvent ?
Nous avançons dans le couloir, la plupart des élèves attendent la sonnerie sur le parking alors nous avançons sans encombre. Nous parlons suffisamment bas pour que notre conversation reste pour nous. Je lance un regard de travers sur le télépathe.
« Manipuler les autres, précise-t-il. Ce n'est pas si simple, quand on ne l'a jamais fait et il faut être bon menteur.
« Je ne sais pas vraiment mentir mais la situation l'exigeait. J'allais réussir, sinon, je mourrais.
Je m'arrête face à mon casier, Edward pose son épaule contre celui d'à côté.
« La police a intercepté Alice, la nuit de l'incident, m'apprend-il. Ton pick-up a été signalé comme volé.
J'ouvre et laisse mon sac tomber devant mes pieds.
« Elle s'est fait arrêter ?
« Non, elle a convaincu l'agent qu'il s'agissait d'un malentendu. Le charme Cullen, sourit-il.
« Le fameux, soufflé-je.
Je me baisse pour ouvrir mon sac et récupère mon cahier de maths que j'échange avec celui de philo. Je claque la porte avant de m'adosser contre les meubles métalliques.
« Tout va bien, alors. Tant mieux, je n'avais pas prévu d'envoyer qui que ce soit en prison. J'ai dit à mon père que mon pick-up avait été volé pour ne pas qu'il apprenne que j'avais quitté la ville sans lui dire.
« Tu ne lui as donc rien dit à propos de l'agression ? Me demande-t-il avec gravité.
« Je ne veux pas l'inquiéter pour rien.
Je me détache des casiers et me dirige vers ma salle de cours pour échapper à cette discussion mais Edward est coriace, il me suit et se cale sur ma démarche.
« Pour rien ? Répète-t-il d'une voix grondante. Bella, ce mec voulait te tuer. Tu penses qu'il s'arrêtera là ?
« Il a eu la peur de sa vie, il n'est pas prêt de recommencer.
« Qu'en est-il de ton compte MySpace ? Tu as été voir ? Le profil auquel il pensait ne semblait pas être un fake, tu t'es peut-être fait hacker ? Des personnes de ton ancien lycée ont commenté les vidéos.
« T'es vraiment sûr qu'il s'agissait des gens de mon ancien lycée ? Demandé-je. Tu ne sais même pas qui ils sont.
« Brandon Collin, Stacy Geller, Loïc Guerand, énumère-t-il. Ils ont commenté comme s'ils te connaissaient.
Ah...
« Je ne suis pas allée sur MySpace depuis mon renvoi, avoué-je. J'irai voir et changerai mon mot de passe.
« Et ? C'est tout ? Tu ne vas pas prévenir ton père ou au moins la police ?
« Il ne s'en prendra pas à moi de nouveau, Jasper a fait son truc là, avec ses émotions.
Il est heureux que personne ne puisse entendre notre conversation mais les élèves qui nous observent l'air de rien vont finir par croire que nous conspirons et je n'ai pas envie de griller ma couverture de gentille fille aussi vite.
« Et s'il s'en prend à une autre personne ?
Je m'arrête et lui fais face.
« Je ne suis pas un super-héros, Edward.
Je soupire.
« Il n'a pas de raison de s'en prendre à quelqu'un d'autre, de toute façon, ajoutai-je. Quel intérêt ?
« La véritable personne qui a posté les vidéos, s'il la trouve...
« Elle aura ce qu'elle mérite, le coupé-je. Tu ne peux pas faire du mal aux gens sans t'attendre au retour de bâton, les gens se vengent.
Une expression frustrée se lit sur le visage d'Edward.
« J'aimerais pouvoir te cerner, ronchonne-t-il. Ça serait plus facile pour moi.
Il récupère une mèche de mes cheveux et la roule entre ses doigts, je fais un geste pour l'écarter mais il l'éloigne avant que je ne le touche. Il se penche légèrement en avant, ses yeux fixés aux miens.
« Qui es-tu, Bella Swan ?
