Si vous traîniez sur ma page FB, vous le saviez : c'était ce texte-là qui devait être publié initialement. Donc j'ai fait sauter le texte prévu et je dois tout réinventer TT
N'ayant jamais été arrêté, je me suis basée sur mes recherches du système français et me suis aussi inspirée de ce qu'on pouvait voir à travers les séries américaines. Donc c'est volontairement flou et certainement incertain. Navrée !
J'utilise "Demise" plutôt que "avatar du Néant" parce que ça passe mieux dans cet UA moderne, et parce que j'y suis habituée ^^'
Ici, Fi et Ghirahim sont frères et sœurs et Sheikah. Et, oui, Impa est plus grande que Ghirahim classique. Certes, de quelques centimètres, mais quand même (oui, ça s'annule avec les talons, je sais)
Bonne lecture !
Trouver la maison était le plus facile. Dégotter assez d'œufs à bas prix et réussir à les transporter sans heurts à la bonne adresse, c'était une autre paire de manches.
Mais quand il était motivé, Link pouvait réaliser des miracles !
Et, fait rare, il était bien motivé.
Après avoir assuré sa cargaison à l'arrière de sa petite voiture, il se glissa derrière le volant et mit le contact, conduisant lentement jusqu'à l'adresse sélectionnée.
Balancer des œufs sur la façade d'une maison lui avait toujours paru d'une puérilité sans nom. Salir la propriété d'autrui, particulièrement d'un inconnu, en gaspillant des produits alimentaires, était une aberration…
Mais bordel que ça faisait du bien…
Avec un sourire vicieux, Link observa la première coquille se briser contre la pierre lisse, le blanc gluant glissant dessus sans trouver la moindre prise, le jaune terne tachant la pierre.
Une deuxième œuf fendit l'air, atteignant un autre coin. Puis un troisième, un quatrième…
À partir du cinquième, il trouva un rythme, ne s'arrêtant plus, saisissant le suivant avant que le précédent n'ait atteint la façade.
Un sourire maniaque avait pris place sur son visage, l'articulation de son épaule lui brûlait, ses mains étaient collantes suite à quelques mauvaises manipulations.
Mais, Hylia, que c'était agréable !
Il n'irait pas jusqu'à dire que chaque œuf de cocotte symbolisait un de ses problèmes – il n'en avait pas tant que ça – mais avoir à se focaliser sur cette tâche simple à l'exclusion de tout le reste, d'être seul à l'exclusion de tout le monde, et de faire un truc aussi débile que balancer des œufs sur une maison anonyme, avait un curieux côté libérateur.
Peut-être le côté répétitif et sans prise de tête ?
Il se penchera dessus une autre fois, ce n'était pas le moment.
Les lancers devinrent brouillons, hasardeux, mais il ne faiblit pas pour autant.
Il restait encore des plateaux plein et il n'avait pas particulièrement l'intention de se nourrir de crêpes durant le mois à venir, merci !
Son épaule lui brûlait trop alors il fit une pause, le souffle court. Se penchant en avant, Link prit appui sur ses genoux, un sourire morveux sur le visage.
Il se redressa douloureusement mais absolument pas repentant, prêt à reprendre.
— C'est possible de participer ?
Les œufs qu'il tenait finirent à terre alors qu'il sursautait sous la surprise. En se retournant, il fit face à un inconnu semblant issu des Sheikah, la mine basse et le dos rond.
— De… de participer ? Répéta l'étudiant, balbutiant.
— Participer à la dégradation de la maison à plusieurs millions du connard qui m'a trompé, élucida-t-il.
Il s'était redressé à ces mots et une étincelle parut traverser le regard plat, mais Link choisit de ne pas relever et se contenta de présenter les étages empilés en invitation muette.
Il ne s'attendait pas à ce qu'il s'empare brusquement d'un œuf et le projette contre la baie vitrée, à la manière d'un joueur de base-ball, lui tirant un sifflement admiratif malgré lui.
— Joli… complimenta-t-il.
Les mains sur les hanches, il refit face à l'inconnu qui remuait les poignets, pensif.
— Merci. Je ne vais pas dire que ça libère, mais imaginer la tronche de ce connard sa façade ruinée en vaut le coup !
Et aussitôt, il attrapa un autre projectile, imité par Link, visant cette fois une des statues décoratives.
À deux, le stock descendit plus vite mais le plaisir restait, des gloussements leur échappant, leurs doigts se rentrant dedans alors qu'ils tâtonnaient à la recherche d'une nouvelle victime.
Quand il l'observait du coin de l'œil, Link notait la métamorphose de cet étranger. Son sourire devint plus présent, plus vivant, ses yeux gardaient de l'éclat, son impeccable carré se décoiffait de plus en plus. Son rire était un peu dissonant et presque effrayant quand on y pensait, mais il se voyait mal retirer son invitation, et ce n'était pas comme s'ils allaient se recroiser à l'avenir…
Un nouveau spasme de rire les secoua alors que leurs mains s'agrippaient à l'autre, une fois de plus, manquant de les jeter à terre alors que leurs nerfs se lâchaient, eux.
— On devrait peut-être faire une pause, proposa Link.
— Je suis d'accord.
Ils se laissèrent tomber sur le sol sans se lâcher, des crampes leur mordant les muscles.
— La vache, je n'ai pas ri ainsi depuis deux mois, au moins, souffla l'inconnu.
— C'est triste, renifla-t-il. C'est pas drôle ces derniers temps, mais je ris souvent.
— Parfois, ça peut être un vrai luxe. Tu verras…
Il tourna la tête de l'autre côté, les yeux de nouveau vide.
L'empathie l'étouffa presque et il serra les doigts fins des siens.
Il ouvrit la bouche, sans doute pour prononcer une platitude dont il avait le secret, mais il se coupa quand un puissant moteur vrombit et la prise sur sa main se resserra si douloureusement qu'il crut que sa circulation sanguine s'était coupée.
— Merde. Les ennuis se ramènent, grommela-t-il. Bouge ton cul, faut qu'on dégage avant qu'il nous mette la main dessus.
Link n'eut même pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait qu'il était sur ses pieds, traîné malgré lui dans le village de cette personne sans identité.
— Qu'est-ce qu'on fuit ? Parvint-il à articuler.
— Un demeuré comme on en fait peur. Ou, si tu préfères, l'enfoiré pété d'assez de thunes pour s'offrir un mini manoir dans le quartier le plus huppé de la capitale, avec le personnel de maison compris !
Leur rythme de course était assez élevé et un point de côté commençait déjà à le tenailler. Baissant la tête à la recherche d'un peu d'air, ses yeux tombèrent sur une paire de talons dont la hauteur était si vertigineuse qu'il en avait le tournis.
Quand Zelda était forcée d'enfiler des escarpins de cinq centimètres, il en entendait parler des semaines durant, et lui, perché sur ces instruments de tortures instables, courrait comme s'il avait un démon aux trousses !
— Faut… faut que je m'arrête…
Il attrapa sa gorge de sa main libre, luttant pour reprendre son souffle.
Son asthme lui avait toujours pourri la vie. Déjà en le forçant à limiter son champ d'action, mais plus encore avec la mère surprotectrice qui veillait sur lui comme un faucon.
Avec les années, les crises s'étaient espacées et il avait pu tenter sa chance dans le sport.
Mais il ne pouvait pas faire comme s'il n'existait plus. Tel actuellement.
Leurs foulées se réduisirent jusqu'à l'arrêt total et Link se courba en avant, la respiration sifflant et les poumons en feu.
Hélas, le moteur était toujours là et il les rattrapa bien vite. Une monstrueuse voiture s'arrêta à leur hauteur, le moteur toujours allumé, et la vitre s'abaissa, révélant une tête et un poitrail immenses, mais surtout deux yeux semblables à des braises, qui l'épinglèrent sur place.
— Xanto m'a directement appelé et la police est en route.
Sa voix était puissante, grondant comme un orage. Il y avait une fore émanant de chacun de ces mots qui paralysa Link dans sa posture inconfortable, la chair de poule le recouvrant.
— La police ? Renifla l'inconnu. Pourquoi pas l'armée, tant que t'y es ? Ton bras long a perdu quelques centimètres ?
Le sarcasme dégoulinant de ces propos alerta Link qui osa alors se redresser, espionnant son voisin par en-dessous, curieux.
— S'il y a quelqu'un qui a perdu des centimètres, ici, c'est bien toi. Tu les prends au berceau, maintenant ?
Le rire qui s'éleva lui glaça le sang et il eut l'impression que son estomac était rempli de pierres. Quand il parvint à respirer de nouveau, ses oreilles bourdonnaient.
— Et alors ? Même si c'était vrai, je ne vois pas en quoi ça te regarde.
— Ça me regarde quand on vandalise ma propriété. Et que ça a l'air personnel.
Link n'était absolument pas inclus dans la conversation. Tout juste s'il savait de quoi on parlait. Mais quand les voitures de police apparurent et se garèrent sur les trottoirs, il se sentit subitement bien plus concerné.
— Messieurs, gardez vos mains bien visibles pendant que nous procédons à votre arrestation, les interpella un officier.
Lorsqu'il obéit, les yeux écarquillés et ronds, il découvrit à nouveau que leurs mains se tenaient. Il tenta de la lâcher mais la prise était solide.
— Hé, les amoureux, faut vous lâcher. On vous mettra dans la même cellule, vous inquiétez pas…
Les bracelets des menottes rentraient douloureusement dans la chair de ses poignets le faisant grimacer. Il manqua de peu de se cogner contre la voiture alors qu'il entrait dedans.
C'était pas prévu dans son plan de la journée, ça…
Par dépit et pour limiter les ennuis, Link avait appelé Zelda quand on lui en avait donné la permission.
De toute façon, c'était le seul numéro qu'il connaissait par cœur…
L'officier n'avait pas menti, il partageait sa garde à vue avec le Sheikah. Il avait fini par obtenir son nom, Ghirahim, mais rien de plus. Il s'était muré dans un silence boudeur, à peine arrivé.
— Hé, les deux rigolos, la caution a été fixée, vous allez pouvoir bientôt sortis.
À cette information, l'étudiant gémit avant de se laisser tomber sur le banc, se prenant la tête dans les mains.
Peu importe le montant, sa mère n'en aurait jamais les moyens et la déception de cet incident allait la miner au même titre que les autres conneries d'ado qu'il avait pu réaliser plus jeune.
— Hé !
Surpris et curieux, il jeta un œil entre ses doigts écartés, avisant son compagnon d'infortune.
Appuyé contre le mur, il avait déposé ses pieds sur le banc, les mains croisées sur ses genoux. Son œil gauche était caché derrière le rideau de ses cheveux blancs, et la lumière du soleil entamant sa descente l'entourait d'une étrange aura colorée.
— Ouais ?
Le dos rond, Link retira les mains de son visage, les laissant pendre entre ses jambes, mais il continuait de le regarder, intrigué.
— T'en fais pas pour la caution. J'ai dit à ma cousine de s'en charger.
— Pourquoi ?
Il commençait à avoir soif avec tout ça, sa gorge était sèche.
— Parce que c'est à cause de moi que c'est partit aussi loin, balaya-t-il d'un haussement d'épaules.
Il y eut un petit silence.
— C'était qui le gars dans la grosse voiture ?
— L'autre enflure ?
Un claquement de langue retentit et il tourna la tête vers lui, le regardant. Il avait de nouveau l'air épuisé, terne.
— Mon ex fiancé. C'était sa maison, son jardin, bla bla…
Le silence revint, chacun retournant à son observation précédente, pensif.
— Que s'est-il passé ?
Au sursaut audible, Link releva la tête, offrant un sourire contrit.
— Désolé, c'est une question intrusive. C'est juste que… j'ai toujours été curieux et on a du temps à tuer, alors…
Un sourire triste tendit les lèvres peintes.
— Ça, pour avoir du temps…
Il soupira puis remua, s'installant plus confortablement, autant qu'il l'était possible, lui faisant pratiquement face, bien que ses pieds restaient sur le banc.
— Ce bâtard… souffla-t-il. La première fois qu'on s'est rencontré, j'étais plus bas que terre. Il m'a ramassé. Il m'a réconforté. M'a reconstruit. Il était tout pour moi. Il m'a demandé en mariage. J'ai dit oui. Il m'a trompé. J'ai dit non. Fin de l'histoire.
Un nouveau silence.
Link traita les informations pendant qu'il jouait avec ses doigts.
Il finit par relever la tête et reposa les yeux sur son voisin d'infortune, mâchonnant sa lèvre inférieure.
— Et… ça va ? C'est plutôt un gros historique…
La mèche couvait de nouveau son œil, rendant son expression illisible. Mais il haussa les épaules, les bras croisés.
— C'est pas ma première chute. Le retour à la normale fait mal, mais je ne me suis pas laissé aveugler par ses promesses et ses mots d'amour. Même sans m'y attendre, j'avais préparé des plans de secours. Se réveiller seul est le plus douloureux.
À défaut de le regarder dans les yeux, Link l'observait passer les doigts dans ses cheveux.
— Et c'est comme ça qu'on finit à balancer des œufs sur sa maison ?
L'humour ne fut pas raté et le rire qui en résulta parut réchauffer la pièce froide. À défaut de l'accompagner, Link sourit.
— Oui, on peut dire ça. Mais ça ne me serait pas venu à l'esprit si je n'étais pas accidentellement tombé sur un minuscule hylien vandalisant une des demeures les plus chères de la capitale.
À ce qui ressemblait à une pique déguisée, Link rougit, se frottant la nuque, embarrassé.
— Oui, avec le recul, ce n'était pas très intelligent…
— Difficile de prétendre le contraire.
Leurs rires s'élevèrent, s'entremêlant dans l'air tiède.
— Mais c'était amusant, concéda Ghirahim.
— Totalement. Et ça défoule !
— C'était amusant, répéta-t-il en hochant la tête.
— Tu le referais ?
Ghirahim se mâchonna les lèvres, pensif. Son silence ne dura pas longtemps mais il suffit pour scier ses nerfs.
— Si c'est avec toi, alors.
Le sourire timide qu'il présenta fut accueilli par le sourire le plus large et solaire qu'il n'ait jamais vu de sa vie.
Étrangement, il se sentit réchauffé de l'intérieur à cette vision.
L'instant se suspendit, leurs yeux plongés les uns dans les autres, le silence relatif.
L'émotion étrange qui flottait dans la cellule fut brutalement interrompue par l'arrivée de deux officiers.
— La caution vient d'être payée, c'est votre jour de chance ! Annonça l'un d'eux.
— On… on est libre ? Les interrogea Link, sans trop y croire.
— Pour la garde à vue, oui. Après, si M. Demise a bel et bien l'intention de vous poursuivre, on se reverra !
L'étudiant déglutit de manière audible à l'implication de sa déclaration.
Il allait devoir trouver une sacrée excuse pour sa mère…
— Franchement, si tu n'avais pas embarqué un gamin innocent dans tes conneries, j'aurais été tenté de laisser ton cul maigre ici.
Ne s'attendant pas à cette déclaration, Link cilla longuement, ébahi.
Sous les lampadaires s'illuminant lentement, trois femmes semblaient l'attendre de pied ferme. Il reconnut Zelda, sa meilleure amie, qui se précipita auprès de lui pour l'enlacer, mais pas les deux Sheikah qui semblaient fusiller du regard dans sa direction.
Mais à la réflexion, c'était peut-être plutôt à l'encontre de celui à ses côtés…
— Ah, vos sales tronches renfrognées m'avaient manqué, soupira la cible de leur attention.
Il dépassa les deux amis enlacés s'étant arrêtés sur les marches menant au commissariat, marchant d'un pas nonchalant.
— Chère sœur, adorable cousine… merci mille fois de nous avoir sorti de ce vilain cul de basse-fosse !
Un policier passa dans l'autre sens, lui jetant un regard noir en réaction.
— Merci d'être venu me chercher, chuchota Link à son amie.
— C'est normal. J'ai mis papa dans la confidence et il a parlé à ta mère. L'alibi est que tu as passé tout ce temps à réviser pour les partiels, avec moi !
— Avec toi ? Mais… t'es en géopolitique et moi en art… On doit avoir… une ? Deux ? Matières en commun ?
— On ne peut pas dire que tu m'aies laissé une grande marge de manœuvre. Faudra t'en contenter ! On y va ?
Lui attrapant un bras qu'elle étreignit, elle lui tapota le bout du nez en lui tirant la langue.
Ils descendirent les dernières marches, rejoignant le trottoir, mais aussi le trio bruyant. Du peu qu'il avait pu attraper au vol, c'était surtout des reproches. Il profita d'une prise collective de respiration pour s'insérer.
— Merci pour la caution. Je… je ne peux pas vous rembourser dans l'immédiat, mais on pourra sans doute établir des mensualités…
Ghirahim était grand, plus que lui-même, mais la Sheikah face à lui l'était tout autant. Peut-être quelques centimètres en plus ?
En tout cas, elle était dotée d'un regard perçant qui parut voler l'air de ses poumons à Link, manquant de lui déclencher une crise d'asthme.
— Impa, Fay, laissez-moi vous présenter mon compagnon d'infortune : Link.
Il s'était reculé et avait enlacé l'hylien, affichant un sourire joueur qui ne promettait rien de bon.
Les deux femmes avaient toujours la même expression figée que depuis leur sortie, ce qui commençait à le terrifier.
— En vous attendant, j'ai pu faire leur connaissance ! S'exclama sa voisine. Je m'appelle Zelda, au fait !
Elle agita sa main libre pour les saluer mais toute sa bonne humeur n'obtint qu'un accueil frigorifique.
— Bon, on va y aller, vous avez nos coordonnées, et on doit étoffer notre mensonge avant de voir ta mère, Link.
— Euh, oui, tu as raison. Quelles coordonnés ?
— Pour le remboursement, j'avais déjà prévu le coup. Et je me doute que tu rêves d'une douche actuellement.
Incapable de démentir, il hocha la tête et fit le dos rond sous les regards toujours fixes pesant sur lui.
Bizarrement, il se sentait plus à l'aise dans le cellule de garde à vue que là, avec sa meilleure amie pendue à son bras, à l'extérieur.
— Oui, oui, une douche, balbutia-t-il. Très bonne idée. On, euh, on va y aller. Bonne soirée !
Ils coururent pratiquement jusqu'à la voiture de Zelda et Link geignit d'embarras une fois les portières verrouillées.
— Mais quel imbécile !
— Oh, j'ai déjà été témoin de pire de ta part, tenta de le réconforter son amie en démarrant.
— Ah oui ? Comme quoi ?
— Tu te souviens ton crush sur Kiko ?
Pour toute réponse, son ami se recroquevilla dans le siège, le visage enfoui dans ses mains.
— C'est bien ce que je disais, rit-elle.
« Tu viens toujours au vernissage ? »
« Évidemment. »
Le message à peine envoyé, le téléphone fut verrouillé, reflétant un visage immense aux yeux de braises, un sourire féroce aux lèvres.
Ce soir, un des artistes avec le vent en poupe exposait dans une galerie à la mode. Tous les mondains s'empressaient à obtenir une invitation pour s'y montrer.
Peu importait l'art qui y serait exposé – sans doute des toiles médiocres au sens faussement conceptuel – la seule chose qui comptait était d'être présents sur les photos des journalistes ou au moins de pouvoir brandir le carton en évoquant la soirée.
Le nom de la galerie comptait plus que celui de l'artiste !
L'écran s'illumina une fois de plus mais il ignora la réponse de son actuelle conquête. Après tout, il l'avait sélectionné pour son physique et ses capacités au lit, pas celles de ses neurones. Alors sa sémantique, franchement…
Trouver une place aurait pu être complexe s'il n'y avait pas un parking non loin.
Défroissant son costume – importe d'Estoffe – pendant qu'il marchait, il observait la foule de véhicules s'agglutinant dans les environs. Le coup d'envoi avait déjà été donné, il avait fait exprès d'arriver un peu plus tard, s'épargnant ainsi les ronds-de-jambes habituels, mais gardant les photographes encore mitraillant.
Les vitrines étaient déjà embuées alors qu'il poussait la porte, l'air froid attirant l'attention de ceux à proximité, ainsi que des regards noirs, avant qu'ils ne les détournent après avoir reconnu l'identité du nouveau venu.
Demise était un nom connu, aussi bien dans les hautes strates que les plus basses, et personne n'aimerait se frotter à lui, peu importe la raison.
Son trophée actuel se rapprocha, une coupe de Champagne à chaque main, lui en tendant une avant de s'agripper à son bras, minaudant en battant des cils.
Dommage, la musique sélectionnée était plutôt agréable.
S'avançant dans la galerie en sirotant son alcool, il se prépara à afficher l'air concentré de circonstance, agrémenté de quelques compliments de connivence.
Il eut la surprise de découvrir des sculptures et elles n'avaient rien à voir avec le post-moderne en vogue ou ces courants déstructurés abscons.
Après, ça restait des cailloux. De jolis cailloux, certes, mais des cailloux tout de même.
C'était intéressant, mais rien de bien transcendant pour le moment.
La greluche continuait de pépier à son oreille mais elle se tut quand il pila subitement.
Il n'avait pas perdu pied ainsi depuis des années. Il s'avancerait peut-être même à dire dire puis l'échec de sa relation avec Ghirahim.
Ce qui était fort à propos car c'était justement Ghirahim qui lui faisait face. Enfin, un Ghirahim en grès et plus massif, mais il l'avait suffisamment connu pour identifier le modèle d'un coup d'œil.
Ça, et la plaquette confirmait sa supposition.
Mais ce n'était pas tant la vision de son ex – la rupture remontait il y a presque dix ans et il n'était pas vraiment du type sentimental – que la monstruosité recouverte d'écailles et surplombée d'une crinière de feu – comment était-ce même possible ?
Et la plaquette « Demise » qui ne permettait aucun doute.
Aveuglé par la rage d'un tel affront, il planta sa conquête sans un regard en arrière, ni pour elle, ni pour la statue terminant le trio, un jeune hylien tenant une épée délicate tendue vers le ciel, le visage déformé par un cri combattif, ainsi que leur disposition précise.
Par contre, personne ne rata la situation parallèle lorsque le notable se planta à un jet de pierre de l'artiste de la soirée, flanqué de son compagnon.
— Vous aurez des nouvelles de mon avocat, promit Demise, sans préambule.
— Bien le bonsoir à vous aussi. Vous appréciez le vernissage ?
Link était loin de se démonter, et encore moins quand il s'était préparé à cette réaction à la seconde où il avait sélectionné les blocs chez son fournisseur.
Mais il ne le faisait pas pour lui.
Il sentit la main froide de son partenaire glisser discrètement dans la sienne alors qu'il s'avançait, faisant face à la plus grosse erreur de sa vie.
Oui, avoisinant les deux mètres, ce n'était pas exagérer de l'appeler ainsi.
— Ça se résoudra au tribunal, promit le Gerudo.
Il avait étrécit les yeux à l'apparition du Sheikah, ne ratant ni leur proximité ni l'éclat de santé qui semblait rayonner de son ancien fiancé.
Conscient que son coup d'éclat avait été suivi par tous ceux présents, il décida de partir sans demander son reste, claquant sa coupe vide un peu plus fort que nécessaire avant de passer les portes dans l'autre sens, l'air royal.
L'effet fut mis à mal par sa conquête piétinant après lui en l'appelant, mais peu importe.
On ne se moquait pas impunément de lui.
— Je viens de raccrocher avec Zelda, déclara Link.
Frottant ses cheveux humides à l'aide de sa serviette, il verrouilla son portable de l'autre main puis le déposa sur la table de chevet.
— Si tu m'en parles, c'est que ça a à voir avec la soirée du vernissage ?
Allongé au travers de leur lit, Ghirahim feuilletait un magazine, sa mèche repoussée en arrière à l'aide d'une barrette fantaisie, ses pieds battant dans le vide, derrière lui.
— Oui, Xanto a contacté Impa au sujet de la plainte. Il était sérieux, t'y crois, toi ?
— C'est Demise, bien sûr qu'il était sérieux. Je suis surpris que tu sois surpris.
— Que veux-tu ? Ce n'est pas toi qui répète que je suis un éternel rêveur ?
Il se laissa tomber sur la literie, enfonçant son coude dans une fesse, obtenant un léger coup de pied.
— Eurk, tes cheveux sont mouillés, se plaignit-il.
— C'est souvent le cas, lorsqu'on se les lave.
— Insinuerais-tu que je ne le fais jamais ?
— Tu as les plus beaux cheveux du monde.
Pour accentuer sa déclaration, il caressa quelques mèches avant de l'embrasser dans le cou.
— Du coup, on fait quoi ?
— On laisse ma cousine le déchiqueter menu menu et on attend d'assister au cortège funèbre de sa réputation.
— Tu crois ?
— Je suis apprivoisé, comparé à Impa. C'est un vrai requin.
Les lèvres pressées contre la peau froide, Link frissonna au rappel de la femme qui avait étrangement volé le cœur de sa meilleure amie.
— J'aurais presque de la peine pour lui.
Ghirahim s'écarta de manière à plonger son regard dans le sien, un sourcil haussé.
— Quoi ? Ta cousine est flippante. Que tu en sois à peine conscient est plutôt alarmant, si tu veux mon avis.
Le sourcil ne descendait toujours pas, Link lâchant un soupir bruyant.
— Tu es le plus grand cauchemar qu'Hyrule ait vu depuis sa création. Content ?
— Ravi.
Il lui vola un baiser et retourna à sa lecture.
Abandonné, Link gonflé les joues, boudeur.
Il se laissa tomber en arrière, rebondissant sur le matelas.
— On dîne dans une heure, au fait.
Un grognement lui répondit.
Je ne suis pas parvenue à le placer, mais Demise a trompé Ghirahim avec Hylia. Pourquoi ? Bah, pourquoi pas, hé !
Voracity Karn
