Bilbo fixait le roi sous la Montagne avec chagrin. Voilà plusieurs jours que Thorin ne faisait rien d'autre que de longer encore et encore les salles emplies d'or et de pierres précieuses d'Erebor. Et maintenant, il découvrait que cette obsession s'étendait même aux nuits du roi. Bilbo s'était simplement levé au milieu de son sommeil pour chercher de quoi sustenter sa soif. Habituellement, il gardait toujours une petite gourde à côté de sa couche, mais un nain avait certainement dû profiter de son habitude pour épancher sa propre soif et Bilbo fut bien fâché de la trouver vide. Ce devait certainement être l'œuvre de Nori (même si le Bessac se sentit coupable de toujours l'accuser en premier lorsque l'une de ses affaires disparaissait).
C'est en traversant quelques couloirs en direction de la salle où leurs vivres et réserves d'eau étaient entreposés, que Bilbo cru entendre des murmures, des bruits de pas et de l'or s'entrechoqué. Curieux, il avait suivi les sons et observait désormais Thorin fouler de ses lourdes bottes les nombreuses piles d'or. Il marmonnait dans sa barbe des mots que Bilbo ne pouvait pas bien comprendre, bien que la voix graves du roi résonnât contre les murs froids d'Erebor. Tout ce que Bilbo pu en tiré fut qu'il parlait d'or, de l'Arkenstone et de voleurs.
Bien que la plupart des nains de la compagnie semblât eux aussi être désormais eux aussi être obnubilé par le trésor, la folie qui atteignait leur chef était bien plus grande. Cela ne devait pas être la première nuit où Thorin ne fermait pas l'œil, Bilbo avait vu ses cernes deux jours avant lorsque son ami s'était entretenu avec lui. Le roi semblait persuadé qu'un des siens avait volé la pierre, ne croyant plus en leur loyauté. Bilbo se sentait de plus en plus coupable d'être le véritable voleur.
Pourtant, il refoula bien vite son mal-être. Voir Thorin dans cet état ne fit que le convaincre de mettre le plan qu'il imaginait depuis des jours à exécution. La maladie ne quitterait pas le roi avant des jours, des semaines ou peut-être même jamais. Or ils étaient treize nains et un Hobbit enfermé à Erebor. A leur porte s'amassait une armée d'elfes accompagnés d'une seconde armée (bien que moins effrayante) d'hommes furieux de se voir accordé leur part promise du trésor alors qu'ils avaient vaincu le dragon.
Bilbo n'était pas stupide, il savait que lorsqu'ils reviendraient pour réclamer leurs dus, ce serait la fin de la compagnie. Alors le Hobbit se faufila dans les couloirs, retrouva ses affaires et vida le contenu de son sac sur le sol et attrapa deux besaces entreposées non loin. Puis, il enfila son anneau à son index et rejoignit une salle aux trésors bien plus profonde et éloignée de celle que Thorin occupait. Il remplit ses sacs de pièces d'or et de quelques pierres précieuses, issant son fardeau sur son dos et autour de son cou et ses épaules. Le Hobbit tituba légèrement sous le poids de l'or, mais réussi après maints efforts à tenir sur ses jambes.
Bilbo s'habitua bien rapidement à sa charge. Cela avait finalement du bon d'avoir dû voyager des mois durant en portant ses lourds bagages sur son dos. Puis, il se faufila jusqu'à la salle du trône. Veillant que Thorin ne s'y était pas rendu avant d'y pénétrer, il put ensuite se diriger vers une table de marbre où les gemmes blanches que Thranduil désirait tant étaient entreposées. Aussi silencieusement qu'un Hobbit puisse le faire, il les rangea dans le petit coffre dont Thorin les avait sorties pour les admirer et qui était posé au pied de la table. Il le glissa au sommet d'un de ses sacs et déguerpit bien rapidement en direction des remparts.
Là, il accrocha son fardeau à une corde et le fit coulisser le long du mur jusqu'à la terre ferme. Bilbo trouvait cela stupide de continuer à donner des tours de garde à Bombur alors qu'il finissait toujours par s'endormir en moins d'une heure. Le Hobbit était loin de ne pas apprécier le nain, bien au contraire. Il avait passé de longues heures avec son ami à discuter de cuisines et d'épices pendant le voyage. Mais malgré son amitié, Bilbo ne pouvait pas nier qu'il était un très mauvais garde. Cependant, cela l'arrangeait bien en cette nuit.
Une fois son fardeau au sol, il agrippa la corde et se faufila lui-même jusqu'au sol, empruntant un passage joncher de grosses pierres et de crevasse. Il préférait assurer ses arrières avec cette mince corde plutôt que de s'écraser plusieurs mètres plus loin. Une fois sa mission accomplie, il s'empressa de récupérer son chargement et courut à toutes jambes en direction du campement des elfes.
Il lui fallut plusieurs heures pour arriver à destination et Bilbo espérait que les nains seraient encore une fois si absorber par le trésor pour ne pas remarquer son absence à la lever du jour. Arrivé à destination, Bilbo s'empressa d'expliquer aux gardes elfes la raison de sa venue et ces derniers, bien que ne semblant le croire qu'à moitié, acceptèrent de le mener à leur roi.
Bien qu'il soit très tard, où très tôt le matin selon le point de vue, la tente du roi était illuminée de diverses lampes. Thranduil faisait les cents pas, discutant furieusement avec Bard, le chef des hommes, et Gandalf, au plus grand plaisir du Hobbit.
« Gandalf ! Quel plaisir de vous voir ici ! » s'exclama Bilbo, annonçant sa présence. « Cela fait des jours que je me lamente de ne pas vous avoir à mes côtés.
- Mon très cher ami, le plaisir de nos retrouvailles vous est retourné. » s'amusa le magicien en quittant sa chaise.
Il tapota l'épaule du semi-homme en signe de bonjour et l'enjoignit à lui prendre son siège. Bilbo accepta avec plaisir, ses jambes le brûlait après avoir tant couru et le verre d'eau que lui apporta un elfe fut rapidement avalé.
« Qui est-ce ? » demanda le roi elfe alors que Bard lui lançait un regard mauvais. Lui se souvenait très bien du Hobbit qui accompagnait les nains, quelques semaines plus tôt. Il faisait parti de la raison pour laquelle son peuple était désormais sans maison et contraint de vivre dans la famine.
« Thranduil, je vous présente Bilbo Bessac, un ami très cher et compagnon de Thorin Ecu-de-Chêne. Mais que faites-vous ici, Bilbo ? » questionna Gandalf.
Bilbo regretta que le magicien se soit senti obliger de préciser qu'il était un compagnon de Thorin, désormais l'elfe semblais aussi peu enclin à l'écouter que l'homme. Cependant, il refusa de se décourager pour si peu.
« Je suis venu jusqu'à vous pour vous proposer un marché, en échange de la paix.
- Pardonnez-moi de douter, mais il est difficile de croire qu'Ecu-de-Chêne se décide soudainement à vouloir la paix.
- A dire vrai… » balbutia Bilbo, se tortillant sur son siège. « Thorin ignore tout de ma venue. »
Les expressions de Bard et Thranduil se déridèrent, curieux de comprendre où voulait en venir le Hobbit. Si Thorin n'était pas l'instigateur de son voyage jusqu'ici, alors comment Bilbo voulait-il leur apporter la paix. Cela n'avait pas de sens à leurs yeux, du moins pas sans un peu plus d'explication. Gandalf semblait lui aussi partager leurs pensées.
« Bilbo, et si vous en veniez à la raison de votre venu ? » demanda-t-il gentiment.
« Oh oui, bien sûr ! »
Bilbo quitta alors sa chaise, soulevant ses sacs qu'il avait posé au sol. Il les déposa avec peine sur la table qui s'étendait entre les quatre occupants de la pièce et quelques pièces d'or s'en échappèrent et roulèrent au sol.
« Lorsque j'ai été engagé dans cette compagnie, un quatorzième du trésor m'a été promis. Je décide donc de commencer à prendre ce qui me revient dès ce jour et ces nains têtus n'auront pas à se plaindre après avoir agi de telle façon ! » bougonna le Hobbit. « Je suis conscient, que cet or n'est qu'une petite partie de ce qui vous revient. » commença le Hobbit en s'adressant à Bard. « Mais je ne suis là que pour négocier une trêve entre nos peuples. Je sais que l'or n'est que le cadet de vos soucis pour l'instant. Que l'hiver approche à grand pas et que votre peuple a bien des soucis auxquels faire face, que c'est d'un abri dont vous avez besoin et pas de pierres précieuses.
« Mes amis ont perdu leur maison il y a de cela des dizaines et des dizaines d'années. Ils ont vécu la pauvreté, la tristesse de perdre les leurs et le désespoir de ne plus jamais le revoir. Jamais ils n'auraient refuser l'hospitalité à quelqu'un dans le besoin, d'autant plus si cette même demande venait de quelqu'un les ayant aidé par le passé. Mais… » La voix de Bilbo s'enrailla à la pensée des nains malades dans cette montagne maudite.
« Mais ? » le poussa Bard, touché par son discours mais toujours peu convaincu de cette défense envers le comportement odieux de Thorin Ecu-de-Chêne.
« Mais ils ne sont plus eux-mêmes. » soupira le Hobbit, malheureux. « L'or couvé tant d'années par le dragon les a changés, ils ne sont plus eux-mêmes. » Puis retrouvant un peu de courage, il releva la tête. « Je suis bien conscient que si vous décidiez d'agir maintenant, vous pourriez aisément nous déloger de la montagne et prendre votre part du trésor de force ou trouvez un abri à Erebor pour les vôtres. Mais j'espère que cet or sera suffisant pour nourrir votre peuple une partie de l'hiver et vous aider à rebâtir votre ville. Tout ce que je vous demande, c'est un peu de temps, je ne veux pas d'une guerre. » supplia le Hobbit.
Bard le dévisagea longtemps, réfléchissant à sa demande. Après plusieurs longues minutes de réflexion, il plongea une main dans le sac le plus proche et en tira une grosse poignée d'or. Contrairement à ce que le Hobbit semblait penser, le nombre d'hommes et de femmes à Lacville avait bien diminué après l'attaque du dragon. Sans parler des blessés et des malades décédés dans les jours qui suivirent. Cet or suffirait amplement à les nourrir pour plusieurs mois, bien que cela demanderait un ou deux sacs de plus pour rebâtir une ville.
« Je vous promets que si l'occasion se représente, je veillerai à vous apporter davantage de votre part. » Bilbo fit une courte pause, découragé face au mutisme de Bard. « Bien que je sois conscient que ma parole doit avoir une bien piètre valeur, après les agissements de ma compagnie. »
Enfin, le chef des Hommes se décida à offrir une réaction au Hobbit qui semblait de plus en plus mal à l'aise, sur sa chaise. Il sourit au semi-homme et hocha la tête avec vigueur.
« Ne vous dévaloriser pas si facilement, maître Hobbit. Cette nuit, vous avez braver les ordres d'Ecu-de-Chêne, votre ami, pour faire ce qui vous semblait juste. Votre parole est bien plus digne de confiance que vous ne le penser. Je ne puis accepter votre demande immédiatement. » poursuivit-il cependant, décourageant Bilbo. « Je ne veux imposer aucune décision qui pourrait déplaire à mon peuple, mais je ne doute pas qu'ils comprendront votre situation. »
Bilbo lui rendit son sourire. « Vous êtes un bon roi, dans ce cas. » Ces mots semblèrent troubler Bard, qui ne semblait pas se considérer comme tel. Mais il les accepta avec humilité et se retira de quelques pas, comprenant que ce conseil ne le concernerait plus d'aussi près.
Le hobbit se tourna désormais vers le roi elfe, tirant à lui le coffret de bois finement gravé qu'il avait tiré d'un des sacs avant de les tendre à Bard. Il en ouvrit le couvercle et observa quelques secondes les jolies gemmes blanches luirent à la lumière vacillante des torches. Il savait que l'absence de quelques pièces d'or n'éveillerait les soupçons de personnes. Mais la situation était tout autre pour ce présent-là. Avec un soupir défait, il se résolu à tourner la boîte vers Thranduil, lui dévoilant son contenu.
Le regard de l'elfe se figea sur les gemmes et sa respiration se coupa en les apercevant. Il tendit une main en avant, comme pour vérifier que le trésor tant convoité était bel et bien offert à lui si facilement. Cependant Bilbo fut le plus rapide et fit claquer le couvercle du coffret dans un bruit sourd, ramenant toute l'attention de Thranduil sur lui.
« Il me faut d'abord votre parole. Allez-vous retirer votre armée des pieds d'Erebor ? »
Thranduil se ferma, peut amène à l'idée de céder face à aux nains. Il refusait de partir ainsi, la queue entre les jambes sans même que Thorin ne sache qu'il ne s'était pas enfoui ou avait cédé face à son opiniâtreté. Le roi sous la Montagne ne saurait même pas que son bien le plus précieux lui avait déjà été rendu.
« Je crains, semi-homme, que vous vous méprenez. Ces gemmes m'ont certes été volées par le passé et sont de grandes valeurs à mes yeux. Mais c'est loin de constituer la seule raison de ma venue ici. Il reste de nombreux autres bien à récupérer pour les elfes. »
Bilbo vacilla, Thorin ne lui avait jamais parlé d'un autre joyau que Thranduil aurait pu convoiter. Cependant il lui semblait pourtant évident qu'une si grande armée ne se serait jamais déplacé pour si peu de gemmes. Cela ne valait pas le coût de monter une armée et de nourrir ses hommes.
« Dans ce cas, est-ce que ces gemmes pourraient au moins valoir le prix d'un peu de temps. » demanda Bilbo, tirant la boîte hors de la portée du roi, son geste n'échappant pas à l'elfe. « Revenez dans un an et alors, si Thorin et ses nains n'auront toujours pas guéri de leur mal, vous pourrez venir vous servir comme vous le voudrez dans son tombeau. »
Un lourd silence s'abattit autour de la tablée. Tous comprenaient maintenant pourquoi le Hobbit avait pris le risque de venir à leur rencontre et de recevoir la colère d'Ecu-de-Chêne. La folie de l'or semblait bien plus grave que de simplement protéger son trésor et refuser de le partager. Ils comprenaient désormais, avec ce sous-entendu, que ni Thorin, ni ses hommes ne se préoccupait plus du ravitaillement ou de leur santé. Bard, qui avait vu partir les nains avec les vivres de sa ville, pourrait même avancer qu'il ne faudrait moins de deux mois pour que les nains ne commencent à souffrir de la faim. Il ne comprit que quelques minutes plus tard que le Hobbit avait commencé ses négociations avec une telle marge de manœuvre seulement parce qu'il savait que Thranduil refuserait l'offre.
« Un mois. » Proposa ce dernier et Bilbo contra avec trois. « Avez-vous conscience, semi-homme, qu'il me suffirait d'ordonner à mes gardes de s'emparer de vous et de vos gemmes pour les obtenir. » menaça Thranduil.
Bard pâlit, Bilbo lui avait fait bonne impression et il reconnaissait sa bravoure pour être ainsi venu en terres ennemies pour négocier aux noms de ses amis. Il ne voulait pas le voir blesser. L'homme jeta un regard à Gandalf, ne comprenant pas qu'il ne défende pas ce semi-homme qu'il avait appelé plus tôt un ami très cher. Mais son expression était calme, sereine. C'était comme s'il ne pensait pas que Thranduil puisse atteindre ce Hobbit.
« Au risque de me montrer grossier, mon roi. » fit Bilbo, pas effrayé pour un sou et sur un ton très irrespectueux. « J'ai vécu des semaines au sein de votre demeure et à vos frais sans qu'aucun de vos soi-disant gardes ne soupçonnent même ma présence. Alors croyez-moi quand je vous dis que j'aurai récupéré ces gemmes avant même que vous ne regagniez votre royaume. »
Thranduil sourit, il ne se sentait pas effrayé par la menace. Bien au contraire, ce Hobbit l'amusait et l'intriguait. Alors il préféra ne pas lui faire remarquer qu'en plus de prendre son trésor, il pourrait simplement lui trancher la gorge. Cela parerait à tout vol de façon certaine. Mais l'elfe le trouvait sympathique et saluait le courage que cela devait être pour un simple semi-homme d'oser le défier.
« Trois mois reste tout de même trop long. Je ne prendrai pas le risque qu'Ecu-de-Chêne fasse venir les siens habiter son royaume et alors, il me sera bien plus coûteux en homme de reprendre mes biens. »
Thranduil pensait gagner un point désormais et que le Hobbit ne pourrait accepter meilleure offre. Mais l'expression sûre d'elle de Bilbo le désarçonna.
« Je crains alors que vous ne veniez trop tard. Thorin a appelé les nains des Montagnes de Fer et ils seront là d'un jour à l'autre. Selon Balin, il pourrait même arriver avant ce midi. Comme je vous l'ai dit, je veux éviter une guerre et cela n'est possible que si Thorin reprend ses esprits. J'ignore si cela est possible en un seul mois. Alors je vous propose à nouveau de nous en accorder trois. »
Thranduil plongea son regard dans celui du Hobbit, avant de fixer la boîte contenant ses gemmes. Il réfléchit longuement avant d'accepter l'offre. Il refusait de voir encore une fois les siens mourir par la faute de nains. Or si ce que le semi-homme disait, que ce soit ce jour ou dans trois mois, seule la raison ou la folie d'Ecu-de-Chêne pourront éviter ou provoquer une guerre. De plus, bien qu'il fût vrai qu'il restait de nombreux biens à réclamer au sein d'Erebor, nuls n'avaient la valeur des gemmes blanches.
« Bien, dans ce cas je peux vous rendre ceci. » sourit Bilbo, tout le soulagement qu'il ressentait parfaitement visible sur son visage.
Thranduil observait toujours avec nostalgie le contenu de son coffre lorsque Bard décida de quitter les elfes pour rejoindre les siens. Il en était de même lorsque le Hobbit et le magicien prirent congés.
« Et maintenant Bilbo, quel est votre plan pour sortir vos nains de leur mal ? » questionna Gandalf alors qu'ils se dirigeaient vers les écuries.
« Je dois vous avouez que je ne pensais même pas en arriver jusque-là. » soupira Bilbo. « Mais je suis heureux de vous avoir à mes côtés, j'espère qu'à nous deux, nous trouveront une solution.
- En effet, je l'espère. » songea Gandalf d'un air grave. « Je ne doute pas que le mal du dragon sera aisé à combattre pour les membres de la compagnie, avec un peu de bonnes volontés. Mais j'ignore si cela en sera de même pour Thorin. »
Bilbo sentit son cœur se serrer. Au fil des mois, il avait appris à apprécier Thorin, certainement plus qu'il ne le devrait. Ils s'étaient beaucoup rapprochés, notamment durant leur séjour dans les cachots de Thranduil. Thorin avait été emprisonné bien plus profondément que les autres nains et Bilbo se surpris à découvrir que sa compagnie était la moins désagréable de toutes en de telles circonstances. Il avait passé ces jours-là à voyager de cellules en cellules, faisant circuler diverses informations entre les nains qui ne pouvait communiquer entre eux.
Bombur ne cessait de lui décrire à quel point un bon gigot de sanglier lui manquait, même un écureuil ou un lapin chétif serait mieux que le pain et les fruits des elfes. Fili le faisait tourner en bourrique et l'envoyait constamment dire ceci ou cela à ses amis, le faisant travailler d'arrache-pied. Kili rêvassait continuellement à propos d'une certaine elfe rousse à la beauté saisissante. Balin lui demandait sans arrêt s'il avait fait des avancer et bien que se voulant bienveillant et stratège, il mettait beaucoup de pression sur les épaules de Bilbo. Si Gloin se languissait de sa femme et son fils, racontant à Bilbo tout ce qu'il ferait avec eux si un jour il avait la chance de les revoir. Au contraire, Dwalin était aussi muet qu'à son habitude, mettant mal à l'aise le Hobbit par son mutisme. Ori lui faisait le plus de peine, si sensible et effrayé dans sa petite cellule, effrayé à l'idée que Bilbo ne trouve jamais une autre sortie pour les aider à s'échapper. Bifur, et bien Bilbo ne comprenait rien à ce qu'il disait alors il se contentait de lui donner des nouvelles. Oin avait perdu son cornet et ne pouvait entendre ce qu'il disait, il était fatiguant pour Bilbo de toujours devoir trouver de quoi écrire avant de lui rendre visite. Nori ne cessait de lui demander s'il ne pourrait pas voler un quelconque bibelot ou joli ornement qu'il avait vu sur le chemin en étant guidé à sa cellule.
Dori lui était un cas particulier. Dans ses bons jours, il se révélait de très bonnes compagnies, il partageait ses recettes, ses goûts en matière de thé (qui s'était révélé avec surprise similaire à ceux du Hobbit), et quelques histoires à Bilbo. Mais dans ses mauvais jours (de plus en plus présent à partir du quatrième), son côté pessimiste reprenait le dessus et il songeait à la torture que les elfes pourraient faire subir à Ori, que Bilbo se fasse lui aussi attraper ou qu'il finisse par se perdre et ne jamais pouvoir les libérer. Pourtant, Bilbo aimait beaucoup sa compagnie généralement, la cherchant même la plupart du temps au milieu de tous ces nains bourrus. Bofur lui était le nain avec lequel Bilbo s'entendit le mieux au sein de la demeure de Thranduil. Bofur le comprenait bien et était très compatissant pour sa situation, ne le poussant jamais à faire plus qu'il ne le pouvait, contrairement aux autres. Pourtant Bilbo dut se résigner à éviter sa compagnie justement parce que celle-ci était si agréable qu'un jour, il avait perdu presque une journée à bavarder en sa compagnie.
Alors, quand Bilbo trouva l'emplacement de la cellule de Thorin, il s'attendit à découvrir le pire du caractère de son ami comme pour les autres nains. Or en ce qui concernait le chef de leur compagnie, Bilbo avait eu tout le loisir de découvrir le pire de sa personnalité au début de leur voyage. Alors même si Ecu-de-Chêne n'était pas le ravi d'être enfermé ici, il restait tout de même agréable pour Bilbo de le savoir moins détestable qu'à leur rencontre.
De plus, la cellule de Thorin étant la plus profonde et éloigné, tous les tours de gardes ne passaient pas devant celle-ci. Seuls certains elfes sélectionnés par le roi avait connaissance de sa présence ici. Il n'y avait que six passages dans la journée dans ce couloir, trois à l'heure des repas, une pendant la nuit et deux autres en milieu de matinée et de journée. Un jour, alors que Bilbo faisait un rapport de ses avancer à Thorin, ce dernier le retint lorsqu'il s'apprêta à partir.
« Vous avez l'air terriblement épuisé, maître Hobbit. » compatit ce dernier à la surprise de Bilbo. C'est que la compassion n'était pas la qualité prédominante chez le nain.
« C'est que jouer les messagers, ne pouvoir m'endormir nulle part de peur de me faire marcher dessus et chercher une sortie n'est pas de tout repos. »
Bilbo n'avait pas voulu se montrer aussi véhément. Mais Thorin avait raison, il était terriblement las et les cernes qui creusaient ses joues n'étaient rien comparé à la fatigue et la faim qui le rendait désagréable. Bilbo craignait qu'à trop chaparder à droite et à gauche, quelqu'un se rende compte de sa présence et que les elfes ne se mettent à ses trousses.
« Je suis désolé, je ne voulais pas dire ça ainsi. » bredouilla le Hobbit, mais Thorin écarta ses excuses d'un geste de la main.
« Dormez ici, je vous réveillerai lorsqu'un garde approchera. Comme vous l'avez dit, ma cellule est la moins surveillée. Certainement Thranduil doit penser qu'il m'est impossible de sortir d'ici et que même si c'était le cas, jamais je n'arriverai à trouver mon chemin jusqu'à la sortie avant de me faire prendre. Reposez-vous.
- Mais, et vous ? » s'exclama Bilbo, refusant de priver autrui de son sommeil.
« Je suis enfermé ici, j'aurai toute la journée pour me reposer. » ricana ironiquement le nain.
Bilbo hésita un instant avant de capituler. Il était terriblement fatigué et ne tarda pas à se rouler en boule devant la porte de Thorin. Juste avant de sombrer dans le sommeil, il pensa à enfiler son anneau, disparaissant à la vue du nain. Thorin songea qu'à plusieurs reprises au cours de leur voyage, il avait remarqué que le Hobbit était terriblement silencieux comparé aux nains. Parfois, Bilbo marchait juste derrière lui et ne l'entendant pas, il se retrouvait avec ce dernier dans le dos alors qu'il s'arrêtait brusquement, pensant que le nain le suivant était bien plus loin de quelques pas. Mais ici, dans le silence assourdissant des cachots, cette habilité à être se montrer si discret n'en était que plus choquante. Bilbo était endormi à moins d'un mètre de lui et pourtant, une fois son anneau au doigt, Thorin n'était même pas certain qu'il soit réellement là. Même son souffle était imperceptible pour lui.
Alors, lorsque le son de deux gardes bavardant au loin se fit entendre, Thorin se sentit bien bête à tâtonner dans le vide entre ses barreaux. En toute franchise, il ne s'attendait pas réellement à toucher le Hobbit, pensant que ce dernier, une fois son anneau au doigt, avait filer il ne savait où, fuyant sa présence. Pourtant, sa main se referma bel et bien sur le bas de son dos. Il tâtonna avec légèreté un moment jusqu'à trouver son épaule qu'il secoua avec fermeté. Bilbo se réveilla immédiatement, se redressant comme un piquet.
« Les gardes approches. Revenez ensuite finir votre nuit. »
Bilbo voulut protester, dire qu'il s'était suffisamment reposé ainsi. Mais les gardes étaient trop proches pour prendre le temps de discuter et il fila bien vite. Thorin ne l'entendit pas revenir, allongé sur sa couche à fixer les barreaux. Il s'était installé là afin de faire semblant de dormir lors du passage des elfes. Il sursauta donc de surprise lorsque la voix du cambrioleur se fit entendre.
« Vous êtes certain que vous ne voulez pas dormir ? »
Thorin se redressa vivement et assura au Hobbit que non, il n'avait pas sommeil. Ce n'était pas un mensonge. Il n'avait aucune envie de piquer un somme alors que Bilbo, qui se donnait tant de mal pour la compagnie semblait en avoir si besoin. De plus, rester ici toute la journée à méditer n'avait pas de quoi le fatiguer assez pour le pousser à dormir.
Les nuits suivantes furent similaires. Bilbo était surpris de constater que le roi ne s'agaça pas au fil du temps de sa présence et de devoir veiller ses nuits. Puis, au bout de quelques jours, le Hobbit eut suffisamment rattrapé son sommeil en retard pour veiller un peu plus tard et se lever un peu plus tôt le matin. Habituellement, il n'apparaissait devant la cellule de Thorin lorsque ses yeux commençaient à papillonner et qu'il était certain de ne pas pouvoir continuer à courir dans les couloirs plus longtemps.
Mais un soir après une journée particulièrement harassante, Bilbo se décida à rejoindre le roi nain un peu plus tôt. Le dîner venait d'être servit et les gardes quittaient la geôle de Thorin. Il s'affalait contre les barreaux de la cellule, les faisant légèrement grincer et Bilbo apprécia voir le nain sursauter du coin de l'œil. Ce n'était pas grand-chose, mais le cambrioleur aimait avoir le dessus dans au moins un domaine sur le nain si parfait dans tous les domaines (enfin surtout dans celui de la guerre).
Le Hobbit retira son anneau, trouvant cela plus confortable pour avoir une discussion. Il ne l'avait pas fait depuis des jours et cela lui fit étrange de revoir en couleur bien que cela se résume à la lueur dansante d'une torche un peu plus loin dans le couloir. Thorin, remit de sa surprise, reprit son repas comme si ne rien était et Bilbo apprécia cela. Il était bien le seul à ne pas se jeter sur lui pour apprendre un quelconque renseignement.
Après un très long silence où Bilbo ferma les yeux simplement pour essayer de faire partir sa migraine, il se décida à aborder la raison de sa venue.
« Dans sept jours aura lieu une grande fête. Je pense que ce sera notre meilleure opportunité pour nous enfuir. Thranduil a informé le capitaine des gardes qu'il serait levé de leurs fonctions le temps de la fête. Il n'y aura qu'une ronde avant la fête et une autre à la fin.
- C'est une bonne nouvelle, n'est-ce pas ? » questionna Thorin d'un air songeur en voyant sa mine défaite.
« Pas vraiment. Nous savons quand partir, mais pas comment. J'aurai préféré l'inverse. » soupira le Hobbit et Thorin perdit bien vite son espoir.
« Il y a autre chose n'est pas ? Vous avez l'air aussi épuisé qu'il y a quelques jours. »
Bilbo quitta finalement son dossier pour s'asseoir en tailleur face au nain. Il était surpris de sa sollicitude si rare chez lui. Thorin avait bien plus l'habitude de se moquer de sa faiblesse et de ses états d'âme, plutôt que de lui demander de les étaler. Son regard n'était pas très curieux, ni empathique et étrangement, c'est cela qui décida Bilbo à parler. Il ne voulait pas des conseils de Bofur et de sa bienveillance parfois si poussée que cela ressemblait à un mensonge (même si Bilbo savait bien qu'il pensait tout ce qu'il disait de ses mots gentils). Non, il voulait simplement se plaindre et vider son sac mais cela semblait plus intéressant de le faire devant quelqu'un plutôt que dans son coin comme à son habitude.
« Eh bien, pas où commencer. J'ai voulu partager la nouvelle à tout le monde et j'ai donc fait ceci dans l'ordre des cellules sur mon passage. Ça m'a semblé être le plus logique. J'ai donc fini par celle de Fili, juste avant de vouloir venir ici. Mais il a décrété qu'il fallait fêter cela et m'a fait attendre qu'il improvise une chanson moqueuse à l'égard des elfes. Puis, il m'a demandé de refaire le voyage dans le sens inverse pour le dire à tout le monde et franchement, j'ai tout de suite trouvé cette idée stupide. » Thorin approuva d'un hochement de tête.
« Mais il m'a dit que si je ne le faisais pas, il allait se mettre à crier et faire venir tous les gardes devant sa cellule. Cet idiot a même commencer et heureusement que j'ai accepté assez vite parce qu'il y avait déjà trois gardes au bout du couloir qui s'en venait. Heureusement que j'ai gardé mon anneau à mon doigt et que j'ai pu m'enfuir en vitesse. Il m'a ensuite fait apprendre cette stupide comptine et fait apprendre à tout le monde. Puis Nori m'a demandé quelle mélodie irait le mieux pour accompagner les autres de sa flûte. Ce qui a encore une fois attirée les gardes qui lui l'a confisquée. Ensuite, j'ai eu à une panoplie de pleurs parce que cette flûte avait été offerte par son père. J'ai donc dû aller la rechercher dans la salle des gardes et heureusement que je ne la lui aie pas rendue immédiatement. Parce qu'à peine je lui ai dit que je l'avais, qu'il a claironné qu'il pourrait désormais bel et bien créer une mélodie pour la comptine. Il n'a même pas songé que cela interpellerait les gardes qu'il retrouve un bien lui étant confisqué. Je vais donc la garder sur moi jusqu'à notre sortie.
« Puis Ori se plaignit de certains vers qui bien que je sois d'accord avec lui était mal composé et manquait de rimes et d'une belle syntaxe, m'a obligé à refaire une fois de plus le trajet pour donner la nouvelle version. J'ai dû trouver du papier et une plume pour l'écrire car Oin n'a plus son cornet et je ne me voyais pas crier au milieu du couloir pour qu'il l'entende. Selon lui, j'aurai quand même dû le faire parce que maintenant, il n'a certainement pas le bon air en tête. Gloin et Dwalin ont rouspété parce qu'ils préféraient la première version et quand je leur ai dit qu'il n'avait qu'à chanter celle qu'il préférait, c'est par Kili que je me suis fait gronder. J'ai donc dû retourner les voir pour leur dire que finalement, ils n'avaient pas le choix. »
« Nori a certainement été le plus facile à ignorer parce que comme d'habitude, il a essayé de me convaincre de voler quelques affaires. Selon lui, ce serait drôle de le leur jeter sur leur passage en plus de leur chansonnette. Les autres ont été étrangement docile, à mon plus grand bonheur. Même si j'ai dû chercher un pain dans la réserve pour Bombur qui selon lui, allait mourir de faim et ne pas avoir assez de force pour chanter. Bien qu'il en ait assez pour que casser les pieds. »
Thorin eut un petit rire, ce qui figea Bilbo dans son récit. C'était bien la première fois qu'il entendait en tel son provenant de la gorge de son ami. Thorin était presque continuellement taciturne et bien qu'il lui arrivât de sourire ou de plaisanter parfois avec Dwalin ou Balin quand les autres avaient le dos tourné. Jamais le Hobbit ne l'avait entendu rire, il l'en pensait même incapable. Ce son était bien plus doux qu'il ne l'aurait imaginé, bien qu'étant aussi grave que la voix du nain.
Bilbo rougit vivement lorsque Thorin détourna son attention de son repas pour la déporter sur lui. Il était curieux de savoir pourquoi le cambrioleur stoppait son récit en si belle lancée. Le nain avait toujours un sourire amusé au coin des lèvres lorsqu'il dit :
« Et quelle est le prochain de mes nains à vous avoir contrarié ? »
« Ah euh… Où en étais-je ? » balbutia Bilbo, gêné d'avoir été surpris dans sa contemplation.
« Bombur qui voulait un peu de pain.
- Ah oui ! Bombur a eut son pain et j'ai eu beaucoup de mal à en trouver. Il y a de la nourriture partout ici, mais il y a presque un registre dans tous les saloirs et la moindre disparition serait vu. J'ai fini par trouver un reste de repas d'une salle des gardes qu'ils ont laissé traîner. J'ai donc pu prendre mon repas là-bas et lui trouver son fichu pain. Et il a eu le culot de râler en disant qu'il était trop dur ! Enfin, je ne l'ai pas écouté râler, je suis immédiatement parti et j'ai préféré ne plus rendre visite à aucun autre nain avant de me rendre ici. Mais j'ai eu le malheur de passer devant la cellule de Kili en bougonnant à voix haute. Quel imbécile je fais ! » s'exclama Bilbo. « Il a finit par me retenir par le poignet pendant une bonne heure. Kili était pris dans un dilemme certainement intolérable à ses yeux. Il voulait chanter avec tout le monde et se moquer des elfes. Mais si c'était sa rousse qui faisait une ronde devant sa cellule, alors il ne pourrait s'y résoudre. C'est l'elfe rousse elle-même qui a finit par me sauver en longeant le couloir et aussitôt, Kili se détourna de moi. Et j'ai finalement pu vous rejoindre, prenant soin de ne plus râler à haute voix, cette fois-ci. »
Bilbo finit par s'adosser au mur derrière lui, s'éloignant d'un pas des barreaux. Il préférait ne pas prendre le risque d'être troublé encore davantage par l'air si détendu et amusé du nain dans la cellule. Il se sentait déjà bien trop troublé d'être aussi atteint par la bonne humeur de Thorin. Ce devait certainement être le seul membre de la compagnie à ne pas avoir le moral dans les chaussettes.
« Une elfe rousse ? » fit Thorin, surpris.
Bilbo se mordilla la lèvre, sentant qu'il venait de faire une boulette. Il ne pensait pas qu'un amour inter-race soit très bien accepté dans un peuple aussi uni et solitaire que les nains. Alors avec une elfe, cela devait être un sacrilège !
« Qui est-elle ? » le poussa un peu plus Thorin. Bilbo soupira, songeant qu'il devait déjà bien se douter de la situation, après sa gaffe.
« C'est l'une des elfes qui a capturé la compagnie. Il semblerait que Kili et elle passe pas mal de temps à discuter ces derniers temps. Ils ont l'air de bien s'entendre.
- Une elfe, alors. »
Bilbo fut surprit de la douceur des mots de Thorin, comme s'il cela arriverait un jour. Il dut surprendre l'air perdu du Hobbit, car il décida de préciser sa pensée.
« Kili a toujours porté une attention toute particulière aux autres peuples. Je sais de Fili qu'il a déjà eu des aventures avec des dames du peuple des Hommes et apparemment, il y a une Hobbit qu'il trouvait très attrayantes dans une taverne à Bree. Pourtant, il n'a jamais regardé aucune naine avec intérêt. Alors cela fait longtemps que leur mère et moi nous sommes résignés.
- N'a-t-il pas des devoirs, en tant que prince ? » osa demander d'une petite voix Bilbo, craignant de se montrer offensant.
« Il a certes de nombreux devoirs envers notre peuple, mais celui de fournir un héritier n'en ai pas un. Cela me concerne davantage ainsi que Fili.
- Fili ?
- Il est mon héritier. A ma mort, c'est lui qui gouvernera notre peuple, si je n'ai pas de fils. »
A cette révélation, Bilbo se sentit défaillir. Il n'en comprit que bien plus tard la raison. Mais à cet instant il ne put que ressentir la douleur enserrer son cœur. Il Bilbo avait l'impression qu'on venait de le poignarder et que jamais plus, il ne pourrait respirer correctement. Il fut soulagé que Thorin soit désormais trop loin pour l'apercevoir correctement, dans la noirceur du couloir.
« Avez-vous une naine qui vous attende ? » osa demander Bilbo, priant pour que sa voix ne paraisse pas aussi étrangler à Thorin qu'il n'en avait l'impression.
« Oh non ! Je ne suis pas intéressée par les naines, c'est pourquoi mes neveux sont mes héritiers. » rit Thorin et Bilbo sut qu'il était aussi rouge qu'une tomate.
Il ignorait si c'était encore une fois entendre ce si beau rire qui le troublait tant ou bien la confession de Thorin. Il venait de lui révéler à demi-mot préféré le genre masculin au féminin, si Bilbo ne s'était pas fourvoyé. Ou bien, le nain voulait seulement dire ce qu'il avait dit. Il ne s'intéressait pas à l'amour dans sa généralité. Et alors, Bilbo se sentit une fois de plus comme au fond du gouffre. Il fut pourtant bien vite tiré de ses tourments par la voix qui les causait pourtant tous.
« Et vous, maître Hobbit ? Une femme vous attend-elle chez vous ?
- Non, pas la moindre. » plaisanta-t-il, tentant d'oublier les tumultes de son cœur. « Je ne suis pas intéressée par les Hobbit, il rougit une fois de plus à son aveu.
« Êtes-vous comme Kili dans ce cas ?
- Non, non ce n'est pas ce que je voulais dire. Je voulais plutôt dire cela dans le même sens que vous, Thorin. Bien que dans la Conté, je dois bien être le seul. » marmonna-t-il.
Bilbo se triturait nerveusement les doigts. Il ignorait s'il appréciait ou non cette discussion. Elle le perturbait grandement et lui faisait ressentir des choses qu'il préférerait ne pas ressentir. Pourtant, Bilbo découvrit qu'il aimait discuter avec Thorin. Il se sentit bien triste à l'idée de ne pas l'avoir fait plus tôt et qu'il fallut se trouver en pareil situation pour que cela se produise. Cela l'attrista grandement de songer qu'il fallut en arriver là pour que Thorin s'intéresse un tant soit peu à sa compagnie. Le nain devait véritablement s'ennuyer de ses amis pour en arriver là. Bilbo eut la soudaine envie de fondre en larmes à cette pensée et alors il commença à comprendre la raison des tumultes de son cœur.
« Pourquoi avez-vous l'air si triste, Bilbo ? »
Le Hobbit sursauta, perdu dans ses pensées. Il releva vivement le regard de ses doigts qu'il triturait nerveusement depuis de nombreuses minutes pour découvrir que Thorin s'était approché des barreaux. En fait, son visage était presque collé à ses derniers et Bilbo ne put s'empêcher de se perdre dans les yeux bleus du nain. Pourquoi n'avait-il jamais remarqué que ce regard était aussi beau, de prime abord, Bilbo avait simplement pensé que ses iris étaient d'un bleu très clair. Mais désormais, il y voyait une myriade de paillètes un peu plus foncer dansantes et vibrant à la lueur des torches.
Il se demanda vaguement depuis quand il était ainsi observé. Est-ce que Thorin l'avait vu rougir et pâlir ? Bilbo l'ignorait et c'était bien le cadet de ses soucis. Perdu dans l'observation de ce visage qui lui paraissait plus magnifique que jamais, le semi-homme ne se sentit même pas prendre la parole avant que sa voix ne résonne à ses oreilles.
« Quand nous sommes sortis de la grotte des gobelins. J'ai dit que je suis revenu car bien que j'aie un foyer, je voulais vous aider à récupérer le vôtre. J'ai bien peur, que je n'ai pas dit là toute la vérité. » murmurait-il, comme s'il voulait que personne d'autre que Thorin ne puisse entendre sa confession, bien qu'ils soient parfaitement seul.
« Quelle est cette vérité ? » demanda Thorin sur le même ton.
« La vérité, c'est que je me suis senti terriblement égoïste, mais aussi seul. Je me suis demandé, pourquoi est-ce que le seul de cette compagnie pour qui cela semblait normal d'avoir un foyer et de vouloir retourner à sa vie, est celui qui n'a personne. Mes parents sont décédés il y a des années de cela, bien que je m'entende bien avec mon cousin Drogo, ma famille me déteste pour la plupart. A dire vrai, je pense qu'à cette heure-ci, je n'ai certainement plus de foyer. Aucun Hobbit n'est parti si loin de chez pour une aussi longue période, ils doivent tous penser que je suis mort quelque part, derrière un bosquet ou en tombant dans un lac en pêchant et se disputer pour min héritage. Je n'ai aucun ami de valeur, pas fils, pas de femme. Je n'ai qu'un canapé confortable et un joli jardin. Alors je me suis dit que si l'un d'entre nous devait se sacrifier pour entrer dans la montagne et risquer de rencontrer le dragon, ça devrait être moi qui n'est rien. Pas l'un de vous qui avez tant, hormis une maison. »
Aucun d'eux ne dévia le regard. Bilbo n'en avait tout simplement pas la volonté. Tandis que Thorin sentait que cette confession devait beaucoup coûter au Hobbit. Il ignorait que ce dernier avait tant conscience du désastre vers lequel ils couraient tous. Ils pensaient tous que Bilbo n'avait simplement réellement conscience du danger qui abritait la Montagne Solitaire, contrairement à eux qui avait l'habitude de vivre sur les routes, aux guerres et qui pour certain, avait vu le dragon.
« Je crains, Bilbo, que vous ayez tort. Ce n'est peut-être pas les amis que vous auriez espérés, dans la Conté. Mais vous en avez désormais treize qui ne souhaite aucunement vous voir vous sacrifiez pour eux. Pour nous. »
Bilbo sentit une larme couler le long de sa joue, ému que Thorin se compte lui aussi parmi ses treize amis nains. Il l'essuya d'un revers de main et finit par laisser tomber ses yeux une nouvelle fois sur ses mains se tordant et se détordant.
« Merci Thorin. » Il prit une profonde inspiration, la gêne d'avoir fait une telle confession l'atteignant finalement. « Je devrai dormir, j'essayerai de descendre plus profondément dans les sous-sols demain, je ne pense pas qu'aucun de vous ne me verra. »
Le nain hocha de la tête, approuvant sa décision. « Bonne nuit Bilbo. » chuchota-t-il finalement lorsque le Hobbit passa l'anneau à ses doigts. Bilbo s'endormit en songeant qu'il n'avait même pas remarqué que Thorin l'appelait désormais par son prénom.
Les jours qui suivirent, Bilbo avait été très stressé à l'idée de ne pas trouver de porte de sortie. Mais tous les soirs, il continua de se rendre devant la cellule de Thorin afin de se libérer l'esprit. Ils n'eurent plus de conversation aussi intime que la première, mais Bilbo n'en avait cure. Simplement entendre la voix grave de son ami lui conter une légende, parler de sa sœur ou de sa compagnie lui suffisait. Si parfois le nain laissait échapper un rire nostalgique, ce n'était qu'un plus qu'il savourait avec joie.
Puis, il trouva un moyen de quitter cette prison et le soir même, pendant la fête de Thranduil, il mit à exécution son plan. Par la suite, Bilbo avait eu l'impression que Thorin recherchait lui aussi à retrouver cette complicité qu'ils avaient partagé dans les cachots des elfes. Un soir à Lacville, ce fut même lui qui vint rejoindre le Hobbit qui s'était alors isolé sur l'un des toits de la ville. Habituellement c'était plutôt l'inverse qui se produisait, donnait l'impression à Bilbo d'empiéter sur l'espace personnel du nain.
Cette soirée-là, ils ne parlèrent pas. Le lendemain, ils partiraient pour Erebor et c'était peut-être la dernière fois qu'ils pourraient s'asseoir côte à côte. Bilbo se contenta de profiter de la présence de Thorin, se surprenant parfois à quitter du regard la montagne lointaine pour le perdre sur le visage du nain. Ce dernier semblait déterminé, pourtant Bilbo pouvait lire la crainte dans ces yeux qu'il avait appris à déchiffrer au fil des jours.
Lui aussi avait peur. Contrairement aux nains, il ne craignait pas la mort, ni de ne pas réussir à reprendre Erebor. Comme il l'avait dit quelques temps plus tôt, sa vie n'avait que peut de valeur à ses yeux, lui qui n'avait rien qui l'attendait chez lui, au final. Erebor n'était pas non plus sa maison, devoir rebrousser chemin ne serait pas un drame dans sa vie. Non, le drame serait de survivre à tous ses amis. Ce serait de ne plus jamais pouvoir observer cette mâchoire anguleuse caché par la barbe joliment tressée. Ces cheveux noirs ondulant au vent et dont les perle d'or cliquetaient discrètement. Cette carrure large, forte et réconfortante qui lui donnait l'impression qu'aux côtés de lui, jamais un danger ne pourrait l'atteindre. Ce dos large qui lui faisait face lorsqu'ils crapahutaient dans les montagnes et lui donnaient la force de faire un pas de place. Ce sourire à cet instant absent, mais qu'il garderait à jamais graver en mémoire. Ce regard si envoutant et dans lequel il pourrait se perdre des heures. C'est perdre tout cela que Bilbo craignait.
Il se sentait somnolant alors qu'il se perdait dans sa contemplation. Bilbo n'avait même pas remarqué que le nain avait haussé un sourcil en sa direction en sentant son inspection. Il ne voyait que cette bouche qu'il mourrait depuis des jours d'embrasser. Ses paupières papillonnaient de plus en plus, refusant de se lever et de briser l'instant pour aller se coucher dans son lit.
« Finalement, je suis certainement aussi comme Kili. Plus que je ne l'aurai jamais pensé avant que vous et douze nains ne débarquiez dans mon trou de hobbit. »
Puis, Bilbo s'endormit, sa tête tomba contre l'épaule Thorin qui resta un long moment à le fixer, abasourdit par ce qu'il venait de dire. Le lendemain matin, Bilbo se réveilla dans son lit et alors que les évènements de la veille lui revenaient à l'esprit, il devint rouge comme une pivoine. Il ne savait même pas ce qui était le plus terrible, sa demi-confession ou que Thorin l'avait porté jusqu'à son lit, prenant même le soin de le border. Il espérait seulement que son ami ne se souvienne plus de leur conversation dans les donjons de Thranduil et n'ait rien comprit à ses propos.
Les agissements de Thorin les jours suivants le confortèrent dans cette idée. Il avait l'air parfaitement normal, soutenait son regard comme à l'accoutumée, lui parlait comme à l'accoutumée et agissait comme à l'accoutumée. Oui, Bilbo en était certain, Thorin n'avait pas comprit son sous-entendu. Ou alors, et le hobbit préférait ne pas y penser, il se fichait royalement de sa confession, au point ou cela plus que ne le dégoûtait ou lui plaisait, mais indifférait totalement le nain.
Puis il y eut Erebor et alors que Bilbo s'engageait dans le long couloir sombre menant à la tanière du dragon, un bras le retint. Avant même qu'il ne puisse comprendre ce qu'il se passait, une bouche vorace s'abattit sur la sienne alors que des bras entourait sa taille. Bilbo ne se fit pas prier, il glissa vivement ses petites mains autours des épaules larges de Thorin et lui rendit son baiser avec tout autant de passion. Ses doigts glissèrent dans les cheveux si doux du nain alors qu'il se fondait un peu plus contre son torse musclé. Il gémit honteusement lorsque des doigts se faufilèrent sous sa veste et sa chemise, frôlant la peau tendre de son dos.
Puis, tout comme cela avait commencé, tout cessa. Thorin le relâcha, lui souhaita une dernière bonne chance et se détourna pour rejoindre la sortie. Bilbo fut un instant perdu, le souffle court et les joues cramoisies. Il lui fallut un certain temps pour se ressaisir, aplatissant ses vêtements nerveusement. Pourtant, il ne perdit pas son sourire béat avant de tomber face aux pupilles fendus du dragon.
Puis, ce fut la fin de cette idylle qui venait tout juste de commencer. Lorsqu'il sortit de la grotte en même temps que le dragon furieux se dirigeait vers Lacville, Thorin pénétrait dans Erebor. Plus jamais il ne regarda le hobbit, se contentant de longer et d'admirer l'or qui tapissait chaque salle de ce royaume abandonné. C'est ainsi que Bilbo se retrouvait en compagnie de Gandalf, le cœur plus lourd que jamais à chevaucher à ses côtés en direction de la Montagne Solitaire. Bilbo se dit, une larme coulant sur sa joue, que cela aurait peut-être été préférable de mourir sous les crocs du dragon. Ainsi il aurait pu garder comme dernier souvenir de Thorin ses mains sur lui, ses cheveux coulissants entre ses doigts et leurs bouches enlacées.
Lorsqu'ils arrivèrent au pied de la montagne, Bilbo remonta le plus discrètement possible le long de la corde qui pendait toujours le long des remparts. Si elle était toujours là, c'est que personne n'avait remarqué son absence, très certainement. Gandalf grimpa à sa suite. Bilbo ne savait comment leur arrivée serait reçu, il espérait seulement que Thorin et les autres ne le détesterait pas trop pour ramener une personne de plus à Erebor, eux qui craignaient tant pour leurs richesses.
Ce fut avec plaisir qu'ils virent Balin et Bofur accourir vers eux, un grand sourire aux lèvres et des exclamations de joie leur échappant. Bientôt, leurs cris ameutèrent, Ori, Dori, Oin, Dwalin et Bombur. Tous semblaient en parfaite santé et défait de l'emprise de l'or.
« Bilbo ! Gandalf ! Quel plaisir de vous voir. » s'exclama Bofur. « Nous pensions vous avoir fait fuir avec notre comportement si fou.
- J'ai supporté les humeurs de Thorin des mois durant, il en faudra plus pour vous débarrasser de moi. » s'amusa le hobbit, heureux de voir tout le monde l'esprit clair, cette fois-ci. « Où sont les autres, vont-ils mieux ? »
C'est Oin, qui avait trouvé un tout nouveau cornet qui lui répondit, entendant mieux que jamais. « Hélas, je crains que non. Parfois Nori discute avec nous tout à fait normalement et un instant plus tard, il retourne voir l'or. Pour les autres, je crains que la malédiction ne soit pas aussi simple à vaincre. »
Bilbo perdit son sourire. L'espoir de retrouver Thorin dans son état normal s'évanouissant aussi rapidement qu'il était apparu. Gandalf s'empressa de rejoindre les salles où se trouvaient les nains. Il ordonna aux autres de les éloigner de là, quitte à utiliser la force. Puis, le magicien passa devant chacun d'eux, murmurant dans une étrange langue en tenant leurs fronts de son grandes mains ridées. Puis, les nains tombèrent dans un profond sommeil, leurs amis veillant sur eux.
Lorsqu'il se réveillèrent, le lendemain matin, plus aucun d'eux n'avait d'attrait pour les piles d'or et tous acclamèrent les talents du magicien. Ils ouvrirent même quelques bouteilles de vins qu'ils trouvèrent dans des caves profondément enfuit. Bilbo n'en accepta qu'un seul verre, bien trop pressé de retourner auprès de Thorin, il était le seul à ne pas s'être réveillé. De plus, il était bien trop tôt pour se saouler à son goût.
Le roi resta profondément assoupi jusqu'en début d'après-midi. Lorsqu'il papillonna des yeux, Bilbo fut plus qu'heureux de voir ses iris parfaitement bleues se poser sur lui. Le nain le fixa un long instant, comme s'il ne se souvenait plus vraiment où il était et ne comprenait pas pourquoi il se trouvait là, allongé sous le regard scrutateur du hobbit.
« Thorin, je suis si heureux de vous voir enfin éveillé. »
Mais alors que Bilbo s'apprêtait à le serrer dans ses bras, se moquant des convenances et du rejet possible de Thorin, ce dernier se releva brusquement. Et alors, Bilbo se sentit anéanti. Son regard brillait à nouveau de cette lueur noirâtre qui l'occupait depuis des jours entiers. Comme un automate, le nain quitta la pièce et rejoignit la première salle au trésor qu'il trouva. Thorin reprit le même manège que durant les précédents jours, marmonnant infiniment dans sa barbe « Tout cet or est à moi, ils n'en auront pas une seule pièce. L'Arkenstone, oui, elle doit être là, sous mes pieds. » Et alors, il se mit à donner des coups de pieds dans les tas, retournant toutes les pierres précieuses.
Bilbo fondit en larmes à l'entrée de la pièce, observant l'homme pour lequel il avait tout abandonné et renoncé maintes fois à la vie retomber dans sa folie. Cette vision lui était insoutenable. Une main réconfortante se posa sur son épaule.
« Balin, qu'allons-nous faire ? » sanglota-t-il, « Ça n'a pas marché, Gandalf n'a pas réussi alors qui le pourra. »
Balin n'eut aucune réponse à lui donner, il était tout aussi désemparé que son ami. Pourtant, lui, s'était préparé à ses évènements. Il avait vu avant Thorin, son père et son grand-père succombé à cette même folie dévastatrice et rien ne les en avait sauvés. Il craignait le même sort pour son nouveau roi et songeait que cette quête avait été veine dès le départ. Cependant, il n'oserait jamais dire de tels mots à Bilbo, pas lui qui avait espéré avec tant d'espoir le retour de Thorin.
« Avant que vous n'entriez dans Erebor, j'ai voulu faire demi-tour pour vous accompagner un peu plus loin que juste deux ou trois couloirs. Je craignais que vous vous perdiez ou que sais-je encore. Je vous ai vu avec Thorin. »
Bilbo quitta soudainement le roi des yeux, reportant toute son attention sur Balin, les joues rouges.
« Vous… vous avez vu ? » balbutia-t-il, ce qui fit rire Balin.
« N'ayez aucune honte, mon ami. Il n'y a rien de mal à aimer et être aimé.
- Je ne plus sûr de rien désormais. » soupira le hobbit. « Non que je dise ne plus l'aimer, mais je crains que lui, ne me vois plus jamais.
- Je ne puis qu'imaginer votre souffrance. » compatit Balin, lui frottant gentiment le dos dans un signe de réconfort.
Ils contemplèrent longtemps en silence le roi sous la montagne marcher sur son trésor, la lourde couronne posée sur son crâne scintillant aux reflets du soleil s'immisçant par quelques brèches.
« Si cela n'est pas indiscret, pourrais-je vous demander lorsque tout cela a commencé ?
- Oh oui vous le pouvez. » s'amusa Bilbo. « J'ignore quand est-ce que mes sentiments sont nés, mais je sais quand j'en ai pris conscience. Lorsque nous étions emprisonnés dans le royaume elfe, je dois bien avouer que la plupart d'entre vous étaient insupportables.
- Même moi ? » rit Balin.
« Oui, même vous. Vous avez toujours été la raison de cette compagnie, vous êtes sage. Trop sage pour rester enfermer loin de tous, loin de Thorin, sans que vos conseils ne puissent aider personne. En réalité, il n'y avait bien que Bofur qui ne semblait pas avoir changé. Peut-être un peu trop même, je ne me souviens pas du nombre d'heures perdus à rire et discuter avec lui, mais je pense que s'en étaient définitivement bien trop au vu de la situation. C'est alors que j'ai décidé d'espacer mes visites à sa cellule et que dans mes recherches, je suis tombé sur Thorin. Lui non plus, n'avait pas changé. Ou plutôt l'inverse, il avait trop changé.
- Comment ça ?
- Il était calme, bien qu'inquiet pour vous tous. Nous ne nous sommes pas disputés une seule fois et avons beaucoup parlé. Et puis, je l'ai entendu rire et alors j'ai su, que ne pourrai jamais trouver ailleurs une chose aussi belle. Et un soir à Lacville, je ne sais par quelle folie j'ai été touché, mais je me suis déclaré. Il m'a royalement ignoré, à dire vrai et je m'étais résigné. Et c'est alors qu'il m'a retenu avant mon entrée dans Erebor. Nous n'en avons jamais parlé, nous n'en aurons plus jamais l'occasion. Si cela se trouve, c'était simplement pour réaliser au moins l'un de mes souhaits avant que je ne meure. »
Et alors, les larmes montèrent une nouvelle fois aux yeux du hobbit. Il se sentait perdu et ne savait plus que penser.
« Si je puis vous assurer une chose, c'est que Thorin n'est pas genre d'homme à prendre ce genre de chose à la légère. S'il vous a embrassé, c'est qu'il le voulait lui. Vous savez tout comme moi qu'il ne soucie que peut des répercussions de ses actions sur les autres. » Cela eut au moins le mérite tirer un sourire à Bilbo. « Thorin n'est pas quelqu'un qui se repose sur ses sentiments, il n'a pas l'habitude de devoir les prendre en compte et de s'en préoccuper. Il n'a certainement pas su comment agir avec vous et devait se sentir encore bien plus perdu que vous ne l'êtes.
- Merci Balin, vous êtes comme toujours de bon conseil. »
Une nouvelle fois, ils se turent, Bilbo ayant le cœur un peu plus léger désormais. Au moins savait-il désormais que Thorin avait été sincère dans son étreinte. Cela le réchauffa plus qu'il ne l'aurait pensé.
« Quand j'avais vingt-huit ans, ma mère est décédée d'une vilaine pneumonie. Elle a toujours eu une santé fragile et en hiver, je la voyais plus souvent au lit qu'en dehors. Mais au printemps et en été, elle passait tout son temps à cuisiner des tartes et planter quelques fleurs dans le jardin. Lorsque le notre était trop rempli, elle se donnait alors pour mission de décorer ceux de nos voisins. Mon père était toujours assis sur le petit banc devant notre maison, à l'observer chantonner en fumant sa pipe. »
Le regard de Bilbo se fit doux et rêveur, pourtant toute son attention était toujours portée sur Thorin. Balin se demanda s'il rêvait en ce moment d'une telle vie avec ce nain. De moments de douceur et de vie simple emplis d'un amour simple et pourtant total.
« A son décès, mon père n'a plus jamais été le même. Tous les matins, il préparait assez à manger pour toute la journée. Puis il disparaissait le long de notre village pour se rendre au cimetière. Puis, il réapparaissait à l'heure du dîner. Je ne l'ai plus jamais entendu parler après l'enterrement, ni rire ou même vu faire des ronds de fumer dans le jardin. Il a fait couper toutes les fleurs, ne voulant qu'un simple gazon vert comme décoration. Bien que je ne fusse pas encore un adulte, je m'occupais à sa place de nos affaires et de nos terres. A mes trente-trois ans, lorsque je fus assez vieux pour hériter de l'affaire, il me quitta à son tour. Il s'était laissé dépérir sur la tombe de ma mère, pour ne plus jamais rentrer pour le dîner.
- Je ne puis que compatir, cela n'a pas dû être simple pour vous. Mais l'amour de vos parents, de leur vivant, semble avoir été d'une grande beauté.
- Oh oui, il l'était. » sourit Bilbo avec nostalgie. « Chez les hobbits, nous n'aimons qu'une seule fois. Plus tard, Hob Gammidge, un très gentil hobbit et un bon ami de mes parents, m'a raconté l'histoire derrière le décès de mon père. Je me sentais très coupable à cette époque, je pensais tout cela était de ma faute, que je n'avais pas assez pris soin de lui. Mais les hobbits n'aiment qu'une seule fois et cela de façon indéfectible. Jamais nous n'aimerons moins celui que l'on a choisi et jamais cette amour faillira. Si bien que lorsque l'une des deux moitiés décèdent, le hobbit restant ne peu survivre bien longtemps sans pouvoir donner tout l'amour qui l'habite. Mon père aura vécu quatre ans sans ma mère et cela n'avait pas été vu depuis plus d'un siècle dans ma ville. Aujourd'hui, je ne doute plus de l'amour que mon père avait pour moi. Il a subi tant de souffrance, maintenant, bien qu'à moindre mesure, je comprends pourquoi il n'arrivait même plus à parler.
« Cette souffrance m'occupe continuellement, me serrant la poitrine et parfois j'ai l'impression que je ne sais même plus comment respirer tant je suffoque. Balin, j'ignore si je pourrai survivre à cela si je quittais maintenant Thorin. Puis-je rester ici jusqu'à ce qu'il décide lui-même si oui ou non, je suis le bienvenu à Erebor ? »
Bilbo quitta finalement du regard le nain de ses pensées pour se tourner vers Balin, conscient que cela ne devait pas être facile de prendre la décision seule. Après tout, il était un hobbit et n'avait été embauché que pour cambrioler Smaug, pas pour rester assit là à observer leur roi tel un voyeur. Pourtant, il n'attendait pas à découvrir les joues ruisselantes de larmes silencieuses du vieux nain. Bilbo eut un petit rire, cela le soulageait de savoir que Balin tenait tant à lui pour pleurer sa mort avant même qu'il ne le soit déjà.
« Je pensais que pleurer m'était réserver aujourd'hui. Mais je veux bien partager un peu de mon occupation avec lui.
- Bilbo. » fit Balin plus sérieusement. « Vous serez toujours le bienvenu à Erebor et si cela ne tenait qu'à notre compagnie, votre maison serait ici, avec nous.
- J'en serai plus qu'honorer. C'est une belle maison, bien que son roi soit quelque peu sinistre. » s'amusa-t-il, essayant d'oublier son malheur. Balin lui rendit son sourire.
« Bien, je pense que nous devrions rejoindre les autres et les empêcher de se saouler davantage. Ce n'est pas bien sérieux tout cela.
- Je pense que je vais rester ici encore un moment. »
Balin lui offrit une dernière tape chaleureuse sur l'épaule, criant déjà à Dwalin d'arrêter de suspendre Ori par ses pieds. Bilbo eut un doux rire, cette compagnie était décidément bien étrange, d'autant plus quand de l'alcool entrait dans la danse. Ce son sembla attirer l'attention de Thorin qui quitta un instant son or des yeux pour fixer le hobbit, l'air perdu. Bilbo sentit son souffle se couper dans sa gorge, mais la déception revint bien vite quand le roi retourna à sa précédente occupation.
Soudain des cris se firent entendre aux remparts, les nains avaient dû s'y rendre pour dégriser un peu à l'air frais.
« Les elfes, ils bougent ! » entendit-il.
Bilbo sourit, heureux que Thranduil tienne parole. Il retourna son attention sur Thorin et fut surpris de le voir à moins de trois pas de lui. Mais le roi passa à sa droite en coup de vent, comme s'il ne l'avait même pas vu. Certainement devait-il penser que les elfes attaquaient et non ne battait en retraite.
