Écrit par HateWeasel

331. La Pièce Oubliée.

Dans un certain manoir, dans un certain pays situé à l'ouest de la côte de l'Europe, se trouvait une certaine pièce qui était rarement ouverte. Elle attendait patiemment quelqu'un possédant la clé qui trouverait une utilité à ce qui était entreposé à l'intérieur, ou qui lui apporterait un autre trésor à garder. En ce jour historique, elle était à nouveau ouverte, et une certaine menace blonde posa pour la première fois les yeux sur ce qu'elle contenait.

Son bien-aimé, Ciel Phantomhive, le propriétaire du manoir et donc de la mystérieuse pièce, avait vécu longtemps ; cent trente six ans, pour être exact. Durant cette période, le bleuté avait connu de nombreuses aventures, et il était naturel qu'il ait quelques souvenirs et autres bibelots provenant de ses voyages. Il y avait des armes en tout genre, certaines sans doute anti-monstre, et d'autres non, probablement des butins de guerres ou de quelconques conflits auxquels le bleuté avait participé. Il y avait quelques médailles et trophées, ici et là, ainsi qu'autre bric-à-brac.

- Est-ce que c'est un crâne ? demanda Alois en pointant du doigt un objet à l'apparence extrêmement bizarre sur l'étagère, et le bleuté cessa ses fouilles dans les boîtes un instant afin de répondre à sa question.

- Oui, dit simplement le bleuté. Mais je n'arrive pas à me rappeler d'où il provient.

- D'accooord… répondit le blond, incertain de comment interpréter cette réponse. Je vais l'appeler « Yorrick ».

- « Yorrick » ?

- Ouais ! Comme dans Hamlet ? dit le Macken en prenant le crâne. « Hélas, pauvre Yorrick ! Je le connaissais bien ! » comme ça.

- Si tu y tiens, dit Ciel avec un ricanement, reprenant ses fouilles à la recherche d'un objet dont il avait besoin pour son plan diabolique.

- Évidemment que j'y tiens, répondit son petit ami. Parce que j'ai d'la culture moi.

La menace blonde se promena dans la pièce, regardant tous les objets sur les nombreuses étagères, et ceux qui ressortaient des boîtes. Il remarqua une pléthore de briquets sur l'une des étagères, comme si quelqu'un les collectionnait. Alois leva un sourcil et demanda :

- Pourquoi il y a autant de briquets ?

Bien que le bleuté ne regardait pas le blond et continuait son affaire, Alois pouvait presque entendre le sourire narquois sur son visage.

- Ils sont à Integra, dit-il, presque fier de lui. Parfois je les subtilise. Ça me rappelle… s'estompa-t-il, marquant une pause afin de sortir quelque chose de sa poche. Peux-tu mettre ceci là-haut pour moi ?

Le bleuté jeta un petit briquet en argent à la menace blonde qui souriait jusqu'aux oreilles.

- Oh mon Dieu, je t'aime, dit-il en passant son pouce sur la gravure du briquet de toute évidence onéreux.

« I. Hellsing » y était inscrit.

- Je sais, répondit Ciel tandis que le blond mit l'objet sur l'étagère avec ses congénères.

Des yeux bleus glacés balayèrent la pièce mal éclairée du regard, seulement illuminée par une petite lampe, et ils fixèrent cette fois de vieux clichés gardés dans des cadres à peine plus neufs. La majorité étaient en noir et blanc, seuls quelques uns étaient de couleur sépia. La plus ancienne photographie datait de leur époque. Il s'agissait de la famille Phantomhive, avec leur famille élargie durant des moments plus heureux. Alois reconnaissait à peine les personnes dans la photographie, à part Elizabeth Midford, qu'il reconnut vaguement. Le blond partit du principe que les deux adultes au milieu étaient les parents de Ciel, et que l'adorable garçon avec eux était Ciel. Alois fixa l'image durant une éternité, s'assurant que l'air d'un Ciel innocent et souriant soit à jamais gravée dans son esprit.

Le bleuté avait de petites mains, de petits bras et de petites jambes, ainsi qu'un petit nez et un visage rond avec un grand sourire, et deux grands yeux bleus. Il était si différent maintenant, mais ce n'était pas entièrement une mauvaise chose. Il ressemblait beaucoup à ses parents, surtout à sa mère, à ce moment-là, mais maintenant, il commençait à ressembler à son père. Les yeux de la Comtesse Phantomhive, cependant, étaient toujours possédés par le bleuté, ce qui fit ricaner Alois. Il souriait tellement à cause de cette photographie que ses joues lui faisaient mal. Ciel était tellement mignon. Ce devait être agréable de pouvoir se comparer à ses parents. Alois se demandait parfois s'il ressemblait aux siens.

Une fois qu'il fut sûr que l'image était bien imprimée dans sa mémoire, il examina les autres clichés sur l'étagère, contemplant toutes sortes de scènes. Il y avait une photographie de Ciel se faisant adouber, et une autre de Ciel avec des soldats anglais et français ; mais alors, il y eut une photographie de Ciel avec une Sir Integra beaucoup plus jeune, ce qui attira clairement l'attention du blond.

Elle était plus petite que le bleuté, et elle portait une jupe, ce qui contrastait avec ses habituels tailleurs, et elle semblait plus enjouée. Ciel avait dit l'avoir rencontré lorsqu'elle avait douze ans, alors elle devait avoir l'âge que le bleuté avait eu lorsqu'il était devenu un démon. En parlant du loup, il n'avait décidément pas l'air ravi sur ce cliché. Maintenant qu'il y pensait, Alois remarquait que l'espèce de « rivalité » entre les deux maîtres de monstres venait surtout du côté de Ciel. Il ricana en reposant le cadre.

La dernière image qui attira le regard du blond le perturba quelque peu, étant donné qu'elle semblait être prise dans le bureau de Sir Integra. La femme, cependant, était introuvable. Il y avait un homme qui ressemblait à Sir Penwood au fond, et un homme qui semblait familier à Alois, mais il n'arrivait pas à savoir qui il était. Ciel était au premier plan, un air confus, comme s'il ne s'attendait pas à être pris en photo, avec un homme qu'Alois ne reconnaissait absolument pas, souriant à la caméra avec un bras autour des épaules du bleuté, l'autre tenant un verre à moitié rempli de scotch. Cet homme ne lui disait rien.

- Eh, Ciel ? appela le blond en prenant le cadre. C'est qui ?

Le bleuté se leva, se retournant vers le blond tout en s'étirant. Lorsqu'il regarda de plus près l'image, le bleuté fit une tête curieuse, entre amusement, exaspération, et agacement. L'homme dans le cliché avait du être un personnage haut en couleur.

- C'est Sir Arthur Hellsing, dit le bleuté en se rapprochant de l'autre garçon pour prendre la photographie. C'est le prédécesseur de H.E.L.L.S.I.N.G, et le père de Sir Integra.

- Vraiment ? J'y crois pas… répondit Alois. On dirait un fêtard…

- C'était le cas, dit le bleuté en soupirant. C'était un insensé qui pouvait boire au beau milieu d'une guerre. Il était connu pour avoir engagé des prostituées, ce qui est probablement à l'origine de la naissance d'Integra.

- Integra est la fille d'une prostituée ? Qu'est-ce que sa femme a dit ?

- Il n'en avait pas. Il ne s'est jamais marié, répondit Ciel en pointant du doigt l'homme dans le cliché qui ressemblait à Sir Penwood.

- C'est Sir Shelby Penwood… ajouta-t-il avant de bouger son doigt pour pointer le dernier homme mystérieux de la photographie, … et c'est Sir Islands, quand il était jeune. C'est dur à croire maintenant qu'il est bossu et en chaise roulante… dit-il en soupirant, se rappelant qu'une cane ne suffisait plus à l'homme.

Il remit le cadre sur l'étagère.

- On s'attendrait à ce qu'il ait pris sa retraite.

- Je n'arrive toujours pas à croire que la mère d'Integra ait pu être une prostituée… dit la menace blonde.

- Dis ce que tu veux ; même avec toute les débauches et les pitreries qu'il faisait, Arthur était un homme bon. Il faisait très bien son travail, répondit le bleuté en retournant vers les boîtes qu'il fouillait. Integra s'en sort plutôt bien aussi.

Alois marcha silencieusement derrière l'autre garçon et passa ses bras autour de sa taille, de manière à ce que le dos de Ciel soit contre son torse. Le menton du blond reposa sur l'épaule du bleuté tandis que sa joue était collée contre celle de l'autre garçon. Le bleuté n'y fit pas attention, étant donné qu'il s'agissait d'un geste que le blond faisait souvent.

- C'est un peu de la merde d'être immortel, hein ? demanda Alois, se balançant légèrement, entraînant le bleuté avec lui.

- Un peu… répondit Ciel, une once de tristesse dans sa voix.

L'ancien dirigeant de H.E.L.L.S.I.N.G était un vrai bout en train, qui n'avait pas mérité la maladie qui avait causé sa fin. L'idée que l'homme soit plus jeune que lui déprimait le bleuté, d'une certaine manière. Ses amis mourraient bientôt. Ses collègues mourraient bientôt. Tout le monde mourrait, mais pas Alois, au moins.

- Promets-moi que tu ne feras rien qui causera ta perte… dit faiblement Ciel en passant ses doigts dans les cheveux de l'autre garçon, ce qui surprit le blond.

Finalement, Alois ricana.

- Bien sûr que non. Tu me tuerais si je mourrais, dit-il en inclinant la tête, embrassant le cou du Phantomhive. Je resterai à tes côtés, et je te ferai de la compagnie pour que tu ne te sentes pas seul.

- Dis-moi si je me trompe, mais suis-je en train de sentir un double sens dans ta déclaration ? dit son bien-aimé en fronçant les sourcils, une teinte rose colorant légèrement ses joues.

- Seulement si tu veux que ce soit le cas~ ! répondit le blond avant de relâcher le garçon et de s'accroupir pour fouiller les boîtes. Trouvons ce truc que tu cherches, pour qu'on puisse s'y mettre~ !

Ciel roula de l'œil.

- Quelle mauvaise influence tu es… dit-il en reprenant lui-même les recherches.

- Dixit le « prince du mal »… répliqua Alois.

- Je ne suis pas celui qui passe son temps à séduire les gens.

- Je n'essaye pas de séduire « les gens », Ciel. « Les gens », c'est pluriel, dit le blond. J'essaye seulement de séduire une « personne », ce qui est singulier.

- Mais quel honneur, répondit le bleuté en fouillant une autre boîte.

Il la mit de côté et en retira plusieurs objets ; un casque anglais de la Première Guerre mondiale, un chapelet, ou deux, un couteau en gaine, quelques autres clichés, ainsi que de vieux jouets de divers pays. Il savait que ce qu'il cherchait devait être dans cette pièce quelque part…

- Aha ! dit-il enfin, plongeant la main dans la boîte et prenant l'objet qu'il cherchait. Et de un. Maintenant, il en faut juste un autre.

- Un masque à gaz ? demanda le blond, marchant à quatre pattes pour prendre le masque, le dépoussiérant en le regardant. Pourquoi est-ce qu'on a besoin de ça ?

- J'ai eu une idée en repensant à ce dont nous avons parlé dans le laboratoire avant l'interrogatoire, dit le bleuté, cherchant toujours le jumeau du masque. Quelque chose me dit que ce à quoi nous avons affaire n'est pas humain. Comment aurait-il pu avoir accès à ces os, et réussi à se mélanger à une foule d'élèves aussi facilement autrement ? Cela doit être un démon.

- Et les masques à gaz… ?

- Il est puissant, de toute évidence, et tu sais ce qui est arrivé la dernière fois que nous avons combattu un démon, reprit Ciel. Nous devons l'affaiblir, et quel est le point faible des démons ?

- Oh ! Le romarin ! répondit le blond.

- Exactement. Nous allons brûler du romarin dans les environs afin qu'il soit affaibli, mais nous devons nous assurer que nous n'inhalons pas la fumée ou que nous n'en fumons pas nous-mêmes.

- Du coup des masques à gaz ?

- Oui, des masques à ga-

Le bleuté perdit le fil de sa pensée lorsqu'il se retourna pour regarder le blond. Alois, comme n'importe quel adolescent, avait pensé qu'il serait amusant d'essayer l'accessoire.

- Qu'est-ce que tu fais ?

- « Es-tu ma maman » ? demanda le blond.

- Retire-le… ordonna Ciel.

- Non, Ciel. Je t'ai dit, nous devons finir ce que nous faisons ici avant de pouvoir faire « ça », répondit Alois et le bleuté rougit.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire et tu le sais très bien !