Écrit par HateWeasel
333. Douleur.
Il y eut des cris d'agonie, et des hurlements de douleur. Le bleuté se tenait fermement à son bien-aimé blond dans une dernière tentative désespérée de le protéger du piège qui se trouvait juste devant lui. Les coupures sur le dos du bleuté là où les griffes de la silhouette avaient ouvert sa peau brûlaient, tandis qu'Alois n'arrivait pas à croire ce qu'il venait de se produire. Bien que cela parut être une éternité, il ne fallut qu'un court instant au blond pour se rendre compte que Ciel le tenait avec autant de force, et qu'un nouveau combattant était apparu.
Un garçon, ayant l'air légèrement plus âgé que le duo de démons se tenait entre eux et la copie de Johnathan, portant un uniforme de Warwick ainsi qu'un sourire mauvais au visage. Il regardait à travers la frange noire de sa coupe au bol, se riant d'eux. Quelque chose l'avait grandement amusé, et cela avait probablement à voir avec le fait que Ciel était désormais ici, en train de tenir le blond.
Quelque chose n'allait pas. Ciel était blessé, d'une manière ou d'une autre, et il ne le remarqua pas jusqu'à ce que la silhouette lève une main à sa bouche afin de lécher le sang qui coulait le long de ses griffes. Elles recouvraient son majeur et son index sur chaque mains, ainsi que ses pouces. Elles étaient articulées, bien sûr, afin qu'il puisse s'en servir. Lorsqu'il se remit droit pour faire son geste provocateur, le blond remarqua qu'il était bien plus grand que Ciel et lui, avec une apparence squelettique et des yeux rouges cramoisi qui regardaient de haut les garçons, révélant ses véritables intentions.
Il voulait blesser les garçons pour s'amuser ; Alois le savait, oh, comme il le savait. Il avait déjà vu ce regard par le passé. Les villageois, le vieil homme ; oui, il avait l'habitude d'être pris de haut et torturé pour un simple divertissement. Le quatrième démon n'eut même pas besoin de faire un seul bruit pour qu'Alois sache que Ciel et lui ne gagneraient peut-être pas.
- Aha ! ria le quatrième démon, « aboyant », presque. Je vois que vous en avez fait voir de toutes les couleurs au nouveau ! Je ne suis pas contrarié, parce que maintenant je peux jouer un peu !
Le blond était tellement concentré sur le garçon plus âgé devant lui, qu'il ne se rendit même pas compte que la prise de Ciel sur lui perdait de sa force. Horrifié fut Alois lorsque l'autre démon tendit la main, et attrapa son bien-aimé, lui arrachant des bras. Pire encore, le bleuté semblait incapable de se débattre alors que son masque à gaz et sa cagoule furent retirés de force, le cache-œil du garçon se détachant également. Le quatrième démon changea de prise, passant de la chemise aux cheveux, le soulevant pour mieux le regarder.
- Alors c'est ça le grand méchant « maître des démons » ? dit le démon plus âgé d'un ton rieur. Qu'en est-il de « se débarrasser de tous ceux qui sont dans ton chemin »?
Il ricana lorsque Ciel montra les dents tout en fronçant les sourcils, faisant de son mieux pour avoir l'air menaçant.
- Ah oui, c'est vrai, je t'ai empoisonné, gloussa le quatrième démon.
Il leva le bras, jetant le garçon au sol dans un bruit sourd à fendre le cœur.
- CIEL ! cria Alois, se précipitant aux côtés de son amant.
Le Phantomhive s'assit avec son aide, mais son esprit était encore brumeux. Il arrivait encore à distinguer les pas de son assaillant se rapprochant, ainsi que la prise d'Alois autour de lui se renforcer. L'autre démon ria brièvement de lui, et s'arrêta lorsque son cache-œil finit par tomber.
- Tiens, tiens, tiens… Qu'est-ce qu'on a là… s'extasia le garçon décharné, s'accroupissant et regardant directement l'œil marqué du bleuté. C'est un authentique pacte Faustien ! D'un autre démon ! Tu ne mentais pas…
Son sourire s'agrandit.
- Je t'aime bien, reprit-il. Je veux jouer avec toi, un de ces jours. Malheureusement, je suis seulement ici au cas où ce gamin fait de la merde.
Il marqua une pause pour montrer John du doigt, qui tenait toujours sa jambe. Ses cris s'étaient calmés, mais le garçon continuait à gémir de douleur. Le « collègue » du garçon se releva, dépoussiérant ses genoux, et il marcha vers lui, l'attrapant brusquement par le col de sa chemise afin de le jeter par-dessus son épaule comme un grand sac de pommes de terre. Puis, l'homme fit de nouveau face au duo.
- Un autre jour, dit-il. Je « jouerai » avec toi un autre jour. « Ciel Phantomhive », c'est ça ? Ooh, t'es un type intéressant. Je me souviendrai définitivement de toi. Jusque là, je vais t'offrir deux informations utiles.
Il leva la main, faisant le chiffre « deux » avec ses griffes.
- Numéro une : tu ne nous trouveras jamais, dit-il puérilement, souriant amicalement. Numéro deux : mes griffes sont venimeuses. Mais, eh, ne t'inquiète pas, je t'ai seulement effleuré. Ça partira dans pas longtemps.
Puis, son visage s'assombrit, se tordant en un rictus malsain.
- Enfin, j'espère que tu tiendras jusque là, ajouta-t-il avant de se retourner.
Le démon fit quelques pas nonchalants, avant de sauter sur le toit du bâtiment et de s'échapper sans qu'aucune des questions du duo n'aient de réponse. Pourquoi utilisaient-ils la Black Annis ? Qui étaient-ils ? Pourquoi l'un d'eux ressemblait-il à Johnathan Beattie ? Que venait-il de se passer ? Il y avait une question à cet instant qui était plus important pour le blond que toutes les autres : Ciel allait-il bien ? Il tenait fermement le garçon, comme s'il craignait qu'il puisse partir.
Ciel était son monde. Il avait appris tant de choses à Alois, et il avait tant fait pour lui. Ciel avait élargie sa vision du monde en seulement quelques années, mais maintenant, le blond ne voyait plus rien, parce que sa vue était gênée par les larmes. Il arracha son propre masque et berça le bleuté dans ses bras. La fumée s'était dissipée depuis un moment, mais Alois n'avait pas remarqué. Il était trop préoccupé par Ciel.
Alois se fichait de savoir qu'ils avaient été ennemies à une époque. Il se fichait de la froideur avec laquelle le bleuté l'avait traité par le passé. Il aimait Ciel, et c'était tout ce qui importait à cet instant. Il avait déjà tant perdu, et Ciel était celui qui lui avait tout rendu, et donné plus encore. C'était Ciel, qui lui avait donné une nouvelle vie et une deuxième chance ; c'était Ciel, qui lui avait permis d'aimer à nouveau ; c'était Ciel qui l'avait aidé à s'aimer lui-même, et c'était Ciel qu'il aimait le plus. Plus jamais, ne voulait-il ni connaître la douleur agonisante qui accompagnait la perte d'un être cher, ni tout perdre à nouveau.
Et Luka et Sebastian ? Et eux alors ? Et Revy ? Et Integra ? Et les Sept Sensationnels ? Et lui ? Ciel était important, et il ne pouvait pas mourir. Alois ne le permettrait pas. S'il devait partir, la vie qu'ils connaissaient ne serait plus. C'était inacceptable. Alois ne le tolérerait jamais.
- Allez, Ciel… implora le blond, sa voix craquant légèrement alors qu'il observait l'expression vague du bleuté. Ce n'est pas toi qui m'as dit de ne pas mourir ? Tu ne peux pas non plus… Je ne peux pas vivre sans toi… Ne me laisse pas seul, je t'en prie…
Les yeux multicouleurs et troubles de Ciel regardèrent lentement vers le haut afin de voir le visage du blond, et il leva une main pour la poser sur la joue de ce dernier. Il suait, et il avait l'air mal en point.
- Ne t'inquiète pas, dit-il. Jim, écoute-moi, tout va bien se passer. Mon… mon corps commence déjà à éliminer le venin, mais j'ai besoin… j'ai besoin que tu me laisses seul un moment.
Le blond écarquilla les yeux.
- Quoi ?! Pourquoi ?! demanda-t-il, mettant une main sur celle du bleuté. Je ne peux pas te laisser ! Je refuse !
- Jim… Jim, écoute-moi… dit le bleuté, guidant la tête du blond vers le bas afin que leurs fronts se touchent.
Il respirait fort, comme s'il tentait de se calmer.
- Écoute-moi, Jim, je 'aime, je t'aimerais toujours. Je ne vais pas mourir, alors ne t'en fais pas, mais j'ai besoin que tu partes… Ce n'est pas pour longtemps, nous nous retrouverons à la maison. C'est une promesse…
- Pourquoi ?! demanda Alois. S'il te plaît, dis-moi…
- Le venin… commença le bleuté, marquant une pause pour serrer les dents et froncer les sourcils l'espace d'un instant, grognant quelque peu, … Ça n'affecte pas mon corps… Ça affecte mon esprit. Ce n'est que temporaire, comme il l'a dit… Je peux le sentir.
Il mit sa main derrière la tête du blond, mêlant ses doigts à sa chevelure pour les calmer tous les deux.
- Ciel ?! Qu'est-ce qui ne va pas ? Qu'est-ce que ça te fais ?! demanda le Macken, se tenant plus fermement au garçon avec un bras tout en tenant sa joue avec l'autre.
Les yeux saphirs du garçon luisirent en rouge, et ses oreilles devinrent pointues.
- Ce n'est pas bon… répondit Ciel, les mains tremblantes. Je ne peux pas m'empêcher de penser au sang… S'il te plaît, Jim… Je… Je ne veux juste pas que ce soit le tien…
- Non, dit le blond avec fermeté, sa peur changée en détermination.
Les larmes avaient cessées de couler.
- Je ne partirai pas.
- Jim, s'il te plaît, je ne veux pas te blesser… Va-t'en, tout ira bien pour moi, je te le promets…
- Je sais. Raison de plus pour que je reste, dit Alois. Tu ne m'as jamais abandonné quand j'avais besoin de toi. Tu as besoin de moi, alors je vais en faire de même.
- Mais je n'ai pas besoin de toi… insista le bleuté en grognant presque. Tu vas juste être blessé ! Pars ! rugit-il, surprenant le blond et lui-même.
Il y eut un moment d'hésitation où le blond sembla incertain, mais ce fut rapidement surpassé par un sourire confiant.
- Si tu veux tellement que je partes, alors pourquoi est-ce que tu continues à te tenir à moi ? demanda-t-il et le bleuté fut pris de court.
Le pauvre garçon se tint davantage au blond, essayant de trouver le courage de dire quelque chose qu'il n'avait pas dit depuis plus de cent ans.
- … J'ai peur… dit-il.
Comment ne pas être effrayé ? Ce qui traversait son esprit à cet instant était tout ce qu'il redoutait le plus. Le besoin de découper et déchirer de la chair, de briser des os, de faire souffrir les autres, de devenir un monstre. Le venin s'infiltrait dans son système, et empoisonnait son esprit. Il ne voulait pas faire ces choses-là, mais l'image mentale de sang sur les murs était désormais si tentante. Cela lui faisait peur. Tout ce qui lui faisait le plus peur semblait possible à présent.
Pire que tout, Alois était là, et il verrait cela, et il le voyait déjà alors que son esprit lui échappait. Il essayait de ne pas penser à ce qui arriverait s'il craquait alors que la menace blonde était là, mais c'était comme si c'était exactement ce que le venin cherchait. Comme l'image du visage du blond serait s'il l'attaquait était vive. Il s'imaginait blesser le garçon, et il imaginer aimer cela.
- Non… murmura-t-il, enfonçant son visage dans le creux du cou d'Alois.
Ciel était complètement perdu dans ses pensées.
- Non, non, non…
Alois siffla de douleur tandis que les ongles du bleuté devenaient plus tranchants, perçant le tissu de son costume, et s'enfonçant dans sa peau. Mais, il ne lâcha pas l'autre garçon, et il tenta à la place de le réconforter alors que Ciel l'implorait désespérément de « ne pas avoir peur de lui ». Ce n'était pas le cas. Alois n'avait pas peur de Ciel. Il avait peur de perdre Ciel, mais pas peur de Ciel lui-même. Il savait que le garçon se débattait contre le venin ; c'était évident, à en juger par ses secousses. Alois continua à rassurer le bleuté en chuchotant à son oreille, en faisant tout son possible pour le soutenir dans ce moment de faiblesse, cependant, il ne fut pas préparé à la douleur vive dans son épaule.
- Argh ! geint-il en voyant que le bleuté avait planté ses dents dans son épaule, profondément.
Les canines du démon s'enfonçaient dans sa chair, et refusaient de partir, même lorsque du sang se mit à couler le long du menton du bleuté et à tacher la chemise du blond.
Les yeux de Ciel étaient troubles, et il ne semblait pas savoir ce qu'il faisait. Le garçon grogna et griffa le dos de son bien-aimé, laissant des coupures tout du long. Dans une tentative de ramener le garçon à la réalité, Alois mordit son oreille pointue, et étonnamment, le bleuté le relâcha en poussant un petit cri. Il se sépara de la menace blonde, frottant son oreille avant de s'essuyer la bouche, regardant l'autre garçon droit dans les yeux, léchant ses lèvres pour retirer tout le sang qu'il restait.
Un frisson parcourut Alois alors que Ciel se leva, des flammes noires recouvrant tout son corps. Il était paralysé, incapable de se pousser à faire quoi que ce soit à part observe le bleuté arborer son visage démoniaque ; pétrifié par des yeux cramoisis.
Alois avait déjà vu un tel regard. C'était les yeux de quelqu'un qui lui voulait du mal.
