Écrit par HateWeasel
363. Confiance.
Après avoir quitté l'hôtel, le duo de démons rentra chez lui pour se doucher et mettre des vêtements propres. Ils ne firent pas grand-chose ensuite en attendant leur prochaine réunion, s'occupant un peu de la paperasse et jouant avec Luka. Lorsque l'heure arriva, cependant, ils durent remettre leurs manteaux et faire leur au revoir au garçon ainsi qu'à leur majordome une fois de plus, mais heureusement, ils rentreraient ce soir-là. Luka n'était pas trop contrarié. Il savait que son frère et son petit ami avaient un travail important à faire pour protéger les gens, alors il était plutôt enthousiaste, et attendait impatiemment une nouvelle histoire quand ils rentreraient, comme toujours.
Lorsque Ciel et le frère du garçon arrivèrent à la réunion, ils furent accueillis d'une manière un peu plus détendue que d'ordinaire. L'emplacement des sièges autour de la table ovale avaient été modifié étant donné que la hiérarchie avait changée. A la place de Sir Islands se trouvait désormais Integra, et à la place de cette dernière Sir Penwood. A la place de Sir Penwood il y avait Sir Walsh, et à la place de Sir Walsh, Sir Midford. Et ainsi de suite jusqu'au dernier siège, où était assis un homme quelque peu déconcerté du nom de Monsieur Mathew Westley.
Westley n'était pas encore un "Sir", puisqu'il n'était pas encore un membre officiel de l'ordre royal des chevaliers protestants. Il était normal pour lui d'être nerveux en étant entouré de personnes aux visages inconnus, mais très importantes. Elles étaient étranges, et il ne savait pas du tout comment se comporter.
Certaines étaient assises avec une posture parfaite, tandis que d'autres, comme Sir Walsh, était simplement avachi dans son siège tout en discutant de manière décontractée avec ses collègues avant le début de la réunion. Certaines jouaient distraitement avec les stylos devant elles, et d'autres parlaient de la famille. Sir Islands et sa santé étaient des sujets tout aussi populaires, mais Integra et son nouveau poste de présidente du conseil l'étaient tout autant, des personnalités que Monsieur Westley ne connaissaient pas bien, si ce n'est pas du tout. Il avait entendu parler de Sir Islands, mais il ne savait rien de Sir Integra. Il faisait très attention à ne pas fixer, mais il ne pouvait pas s'empêcher de se demander pourquoi la femme était appelée "Sir", et non "Dame".
C'était un environnement extrêmement contradictoire. Comment était-il supposé s'intégrer ? Il fut encore plus confus, cependant, quand deux adolescents entrèrent dans la pièce. Ce fut alors, que la réunion débuta.
- Bienvenue, "Sir Phantomhive", dit Integra avec une once d'amusement dans sa voix.
- Je ne viens que lorsque je suis appelé, comme le chien de garde que je suis, "Sir Hellsing", dit l'un des garçons, un étrange individu avec un cache-œil et des cheveux bleuâtres.
Ses traits de visage semblaient être figés en une grimace, ce qui allait à l'opposée du garçon blond avec lui qui souriait narquoisement.
- Ou préfériez-vous "Madame la présidente" ?
- Vous êtes sarcastique dans les deux cas, alors mon avis n'a pas d'importance, répondit la femme.
Elle se tourna afin de regarder la table, et à la grande surprise de Monsieur Westley, tout le monde était désormais attentif, du plus nonchalant des membres au plus sérieux. Monsieur Westley n'eut pas d'autre choix que de les imiter. Encore plus étrange, cependant, les garçons qui venaient d'entrer étaient toujours debout. Il n'y avait pas d'autres sièges, et on ne leur en avait pas proposé. Ils ne faisaient que de se tenir là, donnant à Sir Hellsing toute leur attention.
- Ne perdons pas une minute de plus, commença la femme, ramenant la réunion à l'ordre. Comme vous le savez tous très bien, Sir Hugh Islands a quitté le conseil, faisant de moi la nouvelle occupante de son poste de président du conseil. Étant donné que nous sommes le "Conseil des Douze", nous devons remplir le trou qui est resté. De ce fait, nous avons débattu sur la personne qui remplirait ce rôle. A cause d'un certain incident, cependant, résolut par Phantomhive, le conseil a décidé que Monsieur Mathew J. Westley serait le douzième membre.
Il y eut une pause alors que quelques membres du conseil applaudirent. Monsieur Westley fut félicité de cette manière, ainsi qu'en recevant un coup de poing fraternel à l'épaule de la part de Sir Walsh, ce qui le dérouta légèrement. Toutefois, le Westley devait être courtois.
- Merci. C'est véritablement un honneur et un privilège, dit-il avec un sourire.
Il disparut aussitôt, cependant, alors que Sir Hellsing fut à nouveau sous le feu des projecteurs.
- Bon, cela ayant été dit, nous devons nous concentrer sur ce qui est vraiment important, dit-elle d'un ton soudainement sérieux. Comme vous le savez, Monsieur Westley, ce conseil opère dans l'ombre du gouvernement Anglais depuis des siècles. Nous sommes l'Ordre Royal des Chevaliers Protestants qui garde les secrets les plus sombres du pays.
De la sueur commençait à s'accumuler autour des sourcils de l'homme alors qu'il se préparait à ce qui allait être dit. Ses efforts furent en vain, cependant, étant donné que rien ne pouvait le préparer à ce qui allait suivre.
- De ce fait, je pense que des présentations sont nécessaires, reprit Integra. Monsieur Westley, puis-je vous présenter l'un des plus grands secrets de l'Angleterre, Sir Ciel Phantomhive, et Jim Macken ?
Tout le monde voyait à l'expression de l'homme qu'il était confus, et trouvait cela amusant. Ciel avait vu beaucoup de gens entrer au conseil durant sa vie, cependant, tous avait la même réaction. Comment un adolescent pouvait-il être un "secret caché du gouvernement" ? Cela n'avait aucun sens ! Monsieur Westley inclina la tête alors que les deux garçons le regardaient également, l'un stoïque tandis que le blond à ses côtés souriait et le saluait de la main d'une manière amicale. Ce fut alors que l'homme reporta son regard sur Integra, espérant une explication.
- Je vais élaborer, dit-elle. Mon organisation, H.E.L.L.S.I.N.G, a protégé la couronne d'êtres comme eux depuis plus d'un siècle. Il est de notre devoir de maintenir le public dans l'ignorance de l'existence de tels êtres, ainsi que parmi notre propre gouvernement. Il nous a fallut un siècle, mais nous avons presque complètement éradiqué la vérité, ne laissant que des légendes en souvenir. Parfois, nous employons ces êtres dans ce même but, étant donné qu'ils sont l'une des armes les plus puissantes contre leur espèce.
Elle marqua une pause, laissant le temps à l'homme d'encaisser tout cela avant de reprendre.
- Sir Phantomhive sert la couronne depuis plus de cent ans, et bien que son assistant, Monsieur Macken, ne la sert que depuis peu, ils partagent le même "état" irréversible. Ils ont été humains autrefois, cependant, ils sont tous les deux tombés dans ce que les humains ne peuvent qu'appeler la "démonerie", dit-elle. Pour être plus clair, ils ne sont pas humains, ce sont des démons, dans le sens littéral du terme.
- Je vous demande pardon ? dit l'homme, confus, mais avant que qui que ce soit puisse trouver une manière de le convaincre, la menace blonde était à côté de lui.
- Vous avez bien entendu, dit Alois. Nous sommes des démons. Vous savez, les démons qui "viennent de l'Enfer, prennent vôtre âme contre des vœux".
Son grand sourire devint un sourire narquois alors que l'homme rit.
- D'accord, c'est très drôle, dit-il. Quel est le vrai secret ?
Soudain, il sentit qu'on lui tapotait l'épaule. Il tourna la tête et vit une queue avec de la fourrure blonde, ressemblant à celle d'un singe, avant de se retourner vers le blond. Il regarda la queue, puis le blond, et encore, et encore. Finalement, cependant, Alois s'éloigna, reculant de quelques pas derrière la chaise de l'homme.
- Ciel ! Reflex ! cria-t-il avant de tendre les muscles de ses jambes et de bondir dans les airs, au-dessus de la tête de Monsieur Westley, et de l'énorme table devant lui.
A contrecœur, le bleuté en face d'eux découvrit que le blond se dirigeait droit sur lui. Sans faire un seul effort, il attrapa l'autre garçon comme s'il était aussi léger qu'une plume. Il tenait Alois comme une mariée, étant donné qu'il s'agissait de la manière la plus simple de l'attraper sans le blesser, mais cela lui valut des regards attendris de la part de quelques membres du conseil. Sir Midford se contenta de ricaner alors que le démon Phantomhive le fusilla du regard.
Tandis que le bleuté s'inquiétait de la scène de son bien-aimé, Alois semblait bien content de lui, surtout grâce à l'expression hébétée du Westley. Ce garçon blond venait de sauter haut dans les airs, au-dessus de sa tête et de celles d'autres, et maintenant, il se rendait compte que le blond avait effectivement une queue, alors qu'elle s'enroulait instinctivement autour de la taille du bleuté. Alors que Ciel craignait de ce que Integra pensait de sa position ridicule actuelle, son bien-aimé lui ayant retiré sans ménagement tout air sérieux, la femme ne s'en souciait pas. En fait, elle était surtout soulagée de ne pas avoir à s'expliquer davantage, plutôt qu'amusée par la position du bleuté.
- Voilà, dit-elle. Deux démons, travaillant pour la Table Ronde. Des questions ?
- Et oui, ils ont un truc l'un pour l'autre, dit Sir Midford, attirant l'attention de Monsieur Westley.
Deux vrais démon en chair et en os juste devant lui, et ils avaient une relation amoureuse ? Dans quel pétrin s'était-il retrouvé ?
- Quand est-ce que je me réveille ? demanda l'homme. Je dois être en train de rêver...
- Désolé, mon p'tit monsieur. Vous rêvez pas, dit Alois, refusant de bouger alors que l'autre garçon essayait de le poser.
- Je sais que ce n'est pas facile à accepter, Monsieur Westley... commença Ciel, tentant de dégager un blond collant de lui, ... essayez de ne pas trop y penser. C'est un travail comme un autre.
- Avez-vous déjà eu un autre travail ? demanda l'homme.
- Je suis le PDG d'une compagnie de jouet ; Phantom Toys.
- "Phantom"... répéta Monsieur Westley. Ça me dit quelque chose. Quel était votre nom déjà ?
- Sir Ciel Phantomhive. Je ne le répéterai pas, répondit le bleuté, réussissant d'une manière ou d'une autre à faire à ce que l'autre démon le lâche enfin.
L'homme marqua une pause un long moment, réfléchissant.
- Est-ce que vous... vous savez... vous allez à l'école, ce genre de choses ? demanda-t-il.
- Tous les deux ! intervint Alois. Warwick Academy.
Monsieur Westley écarquilla les yeux avec horreur. Il se souvenait maintenant. Il savait où il avait entendu le nom de "Ciel Phantomhive". Son visage perdit de ses couleurs alors qu'il réalisa qu'il s'agissait du nom d'un garçon avec qui son propre fils allait à l'école. L'un de ses amis.
Naturellement, l'homme était inquiet. Plus que "inquiet". Il était terrifié ! Son fils avait parlé avec enthousiasme de ses amis à l'école, et l'homme commençait à se dire que s'il avait vraiment écouté, peut-être qu'il y aurait eu des signes. Son fils était ami avec deux démons de l'Enfer, et l'homme se posa des questions sur l'autre ami homosexuel de son enfant, Kristopherson. Il remit en question énormément de choses, ce qui était réel ou non. Sir Hellsing avait dit que les deux démons avaient été humains autrefois, et il se demanda s'ils s'en étaient pris à son garçon.
- Vous ! dit Monsieur Westley, frappant des mains sur la table. Ne vous approchez pas de mon gamin !
- On ne peut pas. Il est tout le temps avec nous, dit le blond. Rien que la nuit dernière. Nous étions en plein rendez-vous galant et il s'est incrusté, en se faisant enlever !
Une veine faillit éclater sur le front de l'homme en entendant cela. Daniel avait passé la nuit "chez un ami" la veille. Il n'avait pas eu de nouvelles du garçon depuis.
- Où est-il ? demanda-t-il. Où est Daniel ?!
- Monsieur Westley, je vais devoir vous demander de vous calmer, dit Integra, intervenant.
Son ton était autoritaire et l'homme cessa instantanément.
- Votre fils va bien. D'après Phantomhive et Macken, il est actuellement dans la résidence d'un ami mutuel. Ils ne sont pas vos ennemis. Sir Phantomhive et Monsieur Macken ont été sujet à des expériences pour les rendre davantage humains, et les résultats sont meilleurs que ce que nous avions espéré, reprit-elle. Votre fils n'est pas en danger.
- Tant qu'il n'interrompt pas à nouveau mon rencard, murmura Alois si bas, que seul son bien-aimé à côté de lui put entendre.
En réponse, la menace reçut un coup de coude dans les côtes de la part du bleuté.
- Nous sommes désolés de ne pas vous l'avoir dit, mais nous ne pouvons pas laisser n'importe qui connaître notre "condition", dit le Phantomhive.
- Je ne veux pas que mon gamin traîne avec vous...
- Mais si ce n'est pas ce qu'il veut, est-ce que vous allez le forcer ? demanda le blond.
- Bien sûr !
- Alors l'expérience sera compromise, interrompit Integra. Une partie du processus "d'humanisation" passe par la formation de relations saines avec les humains. Les modifier artificiellement contre la volonté de ceux impliqués pourrait mal se terminer, Monsieur Westley.
- Mais Sir Hellsing, Daniel est mon fils...
- Nous avons déjà mis les choses au clair, dit Sir Midford. Si votre fils souhaite rester ami avec un démon, alors c'est comme ça. Sir Phantomhive est de mes parents éloigné. Êtes-vous en train d'insinuer que je suis lié à un monstre ?
- Non, je... commença Monsieur Westley, cherchant ses mots. Et s'il le découvre ?
- Il le sait déjà, et ça lui va, dit le bleuté.
Monsieur Westley écarquilla les yeux. Ses poings se serrèrent et se rouvrirent. Il s'adossa contre sa chaise et parla d'une voix basse.
- Très bien, dit-il, vaincu. Je vais coopérer.
- Je sais que cela peut être choquant, mais en réalité, nous sommes juste des gens avec des supers-pouvoirs, et quelques problèmes mentaux, dit Alois dans une tentative presque voulue de persuader l'homme.
- Honnêtement, Dan est celui qui nous mets dans des situations étranges et potentiellement dangereuses. Nous ne faisons que sauver tout le monde, ajouta le bleuté. Bon, c'est tout ?
- Je crois bien, répondit Sir Hellsing. Vous n'avez pas besoin d'être là pour l'explication entière. Vous deviez juste être présentés. Si vous n'avez rien d'autre à ajouter, alors vous êtes congédiés.
- Très bien, dit Ciel. C'était un plaisir de tous vous revoir.
- A plus~! ajouta Alois. Oh, et le papa de Dan ? En voulez pas à Dan. Il le mérite pas !
Ainsi, la porte se referma, et le conseil put se concerter en privée. Le duo de démons traversa le couloir en direction de la sortie. Quelle perte de temps. Ils n'étaient même pas restés cinq minutes. Pire encore, ils craignaient que leur ami doive faire face à de sérieuses conséquences pour avoir facilement accepté leur état démoniaque. Leur trajet s'arrêta, cependant, lorsqu'ils furent interpellés par un visage familier.
C'était un garçon légèrement plus grand que la paire avec des cheveux marrons coiffés en queue de cheval. Il portait de nombreuses bagues tape-à-l'œil et ses oreilles étaient percées à plusieurs endroits. Il avait l'air inquiet, tenant une pile de vieux livres en cuir, et sursauta en voyant les démons. Son nom était Dafydd Blake, et il était un élève de Warwick, Academy. Le sorcier essaya d'éviter d'être vu par la paire, mais hélas, il ne fut pas assez discret.
- Eh ! Daffy ! Tu coures où comme ça ? demanda Alois, en faisant signe au garçon.
Le pauvre Dafydd faillit trébucher sur ses propres pieds.
- Nulle part ! répondit le sorcier. Je cherche juste Mademoiselle Victoria. J'ai besoin qu'elle transmette un message à Sir Integra tout de suite !
- Oh, bah on était en réunion avec Integra. Tu veux qu'on le fasse ?
- Non ! Je veux dire- non, merci, dit Dafydd. Ce n'est pas quelque chose que vous avez besoin de savoir. C'est confidentiel.
- Ça a un rapport avec la Black Annis ? demanda Ciel, son expression grimaçant quelque peu.
- Quoi ? demanda le sorcier. Non. Ça n'a rien à voir. On ne sait vraiment rien sur ça.
Au moment où il dit cela, il se rendit compte qu'il n'aurait pas dû. La température dans la pièce chuta lorsque le bleuté fronça les sourcils, ses poings se serrant et ses dents se montrant.
- Quoi ? demanda Ciel.
- Non ! On sait de quoi c'est fait, ce que ça fait et pourquoi, mais on a aucune idée d'où ça vient ! clarifia Dafydd, ne faisant que s'enfoncer davantage. On a aucune idée d'où quelqu'un peut trouver autant de démons morts, ou de comment ils arrivent à disparaître sans laisser de traces !
Le pauvre garçon sursauta lorsque le démon à présent irrité fit un pas vers lui. Il fut chanceux, cependant, que le Phantomhive soit arrêté par une main sur son épaule. Ah, une fois de plus, la merveille blonde de Warwick Academy était comme un ange gardien.
- Pas ici, dit Alois. Tu sais qu'on est à H.E.L.L.S.I.N.G. Laisse tomber pour l'instant.
Ou pas, en fait. Quoi qu'il en soit, le comportement inhabituellement mature du blond ainsi que son geste calmèrent la furie du bleuté, quelque peu. Dafydd vivrait un jour de plus alors que le cyclope bleu se retourna afin de repartir.
- D'accord. Mais je trouverai les réponses à tout cela, dit le Phantomhive. Si H.E.L.L.S.I.N.G est trop incompétent pour les traquer, alors peut-être que je le ferai.
Bien qu'Alois n'était pas d'accord avec lui, il savait qu'en parler maintenant était inutile. Une fois que Ciel Phantomhive jurait de faire quelque chose, il fallait être très persuasif pour le faire changer d'avis. Alois était le mieux placé pour le savoir. Il avait été victime de sa colère, autrefois.
L'orgueil de Ciel prenait le dessus ici. Il avait été humilié, et utilisé comme la marionnette de quelqu'un d'autre. Mais c'était plus que cela. Ceux derrière la Black Annis étaient également responsables de sa perte temporaire d'humanité. Le poison du "quatrième démon" l'avait changé en un monstre qui ne pouvait être stoppé.
Il se souvenait de la sensation des os du blond craquant contre ses poings, et de l'odeur de son sang dans l'air. Alors qu'il fulminait, les cris de douleur que son bien-aimé avait émis sonnaient dans sa tête, et le goût de son sang le hantait. Non, ce n'était pas juste à propos de Ciel Phantomhive, mais de Jim Macken.
Le Phantomhive était sadique, cruel, et insensible de manière générale, mais pas avec Jim Macken. Non, Jim Macken avait une place très spéciale dans son cœur, tirant les ficelles et faisant ressortir le meilleur du bleuté. Ciel faisait attention à ses sentiments, et à ce qui le réconfortait. Il avait une bienveillance à l'égard d'Alois qu'il n'avait pas avec les autres, comme s'il avait peur qu'il se brise. Avec le passé du blond, il en avait besoin et Ciel était ravi de le faire. Le fait qu'il ait heurté le blond et rit rongeait l'esprit de Ciel comme rien d'autre jusqu'ici en plus de cent ans.
A ce moment-là, il avait éprouvé une joie puérile, mais maintenant il ne ressentait que de la honte, de la culpabilité, et de l'horreur. Le "quatrième démon" et ceux derrière la Black Annis payeraient pour tout cela. Pas juste avec leurs vies, d'ailleurs. Non, Ciel voulait les humilier, et les faire souffrir. Ils connaîtraient le courroux de Ciel Phantomhive. Ce serait gravé dans leurs âmes.
La colère. Quiconque causerait du tort à son bien-aimé devrait faire face à sa colère. Lui inclus.
Il était terrifié à l'idée de toucher Alois pendant des semaines après que le romarin se soit dissipé. Il était revenu à lui, et il était horrifié par ce qu'il avait fait. Il avait promis au garçon sa protection, et pourtant c'était ses mains qui l'avait blessées. Il pouvait à peine imaginer la douleur que l'autre garçon avait expérimentée, pas seulement physiquement, mais émotionnellement. Alois avait déjà été trahi une fois, tué par celui en qui il avait le plus confiance et qui lui avait promis de rester à ses côtés. Il n'avait pas besoin d'un second Judas. Il avait besoin de quelqu'un pour réparer son cœur brisé et meurtri, et qui de mieux que quelqu'un de presque aussi détruit que lui ?
Ce ne devait pas arriver. La vie était trop féroce et imprévisible. Ce ne pouvait pas toujours être un long fleuve tranquille, et ainsi, les garçons seraient reconstruits et déchirés sans cesse et pour l'éternité. Ciel le savait. Il le savait depuis qu'il n'avait que dix ans. Peut-être que l'ancien lui, celui malheureux, avait raison, et il aurait dû garder ses murs de glace depuis le départ.
- Ciel ? appela une voix, ramenant le bleuté à la réalité.
Il découvrit qu'il était maintenant dehors, prêt à attraper la poignée du côté passager de la voiture.
- Est-ce que tu vas rentrer ?
Embarrassé, Ciel ouvrit la portière et se jeta sur le siège tandis que son bien-aimé boucla sa ceinture et tourna la clé. Il jeta quelques coups d'œil au bleuté grognon alors que le garçon fulminait les bras croisés. Finalement, la menace en eut assez de l'insupportable silence entre eux et elle prit la parole.
- Ça va ? demanda-t-il, regardant enfin le Phantomhive. Tu sais... le truc avec la Black Annis ? Ce n'était pas ta faute...
- Ça n'a pas d'importance, répondit Ciel. Ce qui est important, c'est qu'ils m'ont poussé à te blesser. C'est quelque chose que je peux pas laisser passer.
- Mais je vais bien... répondit le Macken. J'ai guéri vraiment vite, je ne suis pas sans défense...
Il leva les sourcils de surprise lorsque le bleuté se contenta de prendre sa main, fermement.
- Tu... m'as donné ta confiance... dit le garçon, détournant les yeux. J'étais censé être celui qui ne te ferait jamais de mal, mais c'est arrivé... Quelqu'un qui fait une chose pareille est bien trop cruel pour être juste qualifié de monstre...
- Ciel... dit Alois à voix basse, écoutant la voix du bleuté portant toute la culpabilité du monde.
Il faisait confiance au bleuté. Il lui faisait confiance à cent pour cent. A cet instant, cependant, il n'avait pas peur pour lui ou sa propre vie. Il avait peur pour celle de Ciel.
Il était dur de refaire confiance après Claude, surtout à son ancienne Némésis. Les premiers mois au manoir Phantomhive avaient été éprouvants, parce qu'il savait qu'il aurait pu être tué à n'importe quel instant. Le temps avait prouvé que ce n'était pas le cas, cependant. Bien qu'il était connu que Ciel avait un mur de glace autour de son cœur, Alois aussi. Il s'était fissuré et étendu. En se concentrant sur la douleur, tout le reste semblait beaucoup plus sombre et dur à supporter. Ce ne fut que lorsqu'il avait commencé à mieux connaître le bleuté que les choses avaient changées.
Ciel était gentil, beaucoup plus gentil qu'il en avait l'air. Il était plus gentil que dur, et en se rapprochant, c'était devenu d'autant plus clair. Ciel était exactement comme lui, cherchant un sens dans un monde où la vengeance avait été rendue.
Le Phantomhive faisait de véritables efforts pour être moins intimidant, et le blond faisait de son mieux pour respecter l'espace de l'autre garçon. Ciel faisait attention à ce qui gênait le blond, et Alois en faisait de même pour le bleuté, surtout lorsqu'il s'agissait de l'aspect de la relation qui les avait rendu tous les deux mal à l'aise. Ciel avait du mal à être stoïque, et Alois avait des difficultés à s'opposer à la violence. Mais, ils allaient tout de même de l'avant, se faisant confiance à différents niveaux et différents extrêmes.
- Je te fais confiance... dit Alois. Même si tu m'as blessé, je savais que ce n'était pas "toi" qui le faisais.
- Comment peux-tu être aussi calme avec ça ?! demanda son bien-aimé, montrant enfin son visage. Je t'ai attaqué ! Pourquoi est-ce que tu n'es pas en colère ?! Pourquoi est-ce que tu n'as pas peur ?!
Ciel baissa la tête.
- Comment... peux-tu ne serait-ce que me regarder après ça ?
Un œil, saphir, s'écarquilla lorsque la joue de son propriétaire fut prise, forçant le bleuté à relever la tête. Il croisa deux yeux bleus glacés qui voyait en lui, le faisant frissonner. L'œil de Ciel se ferma alors que l'autre garçon bougea et il s'attendit au pire, mais surprenamment, il ne sentit que des lèvres douces sur son front.
- Parce que tu m'as dit que tu avais peur, dit Alois, et l'autre garçon fut pris de court. Comment est-ce que je peux ne pas te croire après ça ? demanda le blond. Plus que tout, j'avais peur pour toi. Tu m'as fait confiance avec ça... Le vrai toi.
La paume d'Alois devint moite à cause de la chaleur du visage du bleuté à cet instant. Le visage du Phantomhive était complètement rouge. Il se souvint de cette partie. Il avait imploré. Ciel Phantomhive avait imploré. Maintenant, il était juste penaud en pensant à ce qu'il avait fait. Immédiatement, son œil chercha quelque chose d'autre que le visage du blond à regarder.
- E-Eh bien... Je... dit-il, cherchant une réponse, ... Je... euh... Je...
- Ne t'embête pas, dit le blond. Je t'ai entendu. Vois les choses en face. Que tu le veuilles ou non, tu as le cœur d'un humain, alors comme un humain, tu peux ressentir de la peur. Déso pas déso.
Il sourit narquoisement en entendant le grognement qui s'échappa des lèvres du bleuté alors qu'il tentait de trouver un échappatoire à cette conversation. A sa grande surprise, elles furent embrassées par le blond.
- D'accord ? demanda le garçon, inclinant la tête. Je te fais confiance. Ça devrait être évident maintenant.
- Vraiment... dit enfin le bleuté, continuant à rougir comme une tomate. Tu es tellement collant...
