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Chapitre 12 : Sanctuaire

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Drago hésita un instant devant le mur dissimulant le passage secret, avant de se tourner vers Harry : « Si tu permets... ». Sans attendre de réponse, ses doigts fins s'enroulèrent autour du poignet du brun. D'un geste assuré de baguette, il ouvrit le passage, entraînant Harry à sa suite.

Rien ne rappelait l'expérience initiale d'Harry : il n'y eut aucune chute vertigineuse, seulement une brève descente souple, comme s'ils empruntaient un ascenseur.

« C'est bien différent de ma première fois… » maugréa Harry, ressentant une pointe de frustration.

Drago lui lança un regard méprisant : « Évidemment. Toi, tu es tombé dans le piège à blaireaux. Celui qui permet d'éviter les fouineurs de ton genre. »

Une vague d'agacement traversa Harry : « Eh bien, il semble que le concepteur de ce piège ait encore des progrès à faire en magie, car ce système est manifestement très facile à contourner. »

Piqué au vif, Drago enfonça ses ongles dans la peau du poignet qu'il tenait toujours, provoquant un glapissement de douleur chez Harry.

Celui-ci n'eut cependant pas l'opportunité de répliquer, car Drago l'avait déjà lâché pour fouiller, sans trop de délicatesse, dans l'un des grands cartons du bureau.

Harry s'approcha d'une des photos épinglées sur le tableau de liège : « C'est qui ? »

Drago ne répondit pas, se contentant de fouiller plus profondément dans le carton.

Harry ne se laissa pas démonter : « Je le connais ? »

Drago tourna enfin ses yeux gris vers lui, tenant à la main un bouquet de fleurs mauves séchées : « Potter, c'est mon histoire, ma chronologie. Maintenant, viens ici. »

Harry s'approcha, méfiant : « Qu'est-ce que tu comptes faire avec ce truc ? »

Drago cassa quelques têtes de fleurs avant de les réduire en poudre. Puis, il appliqua le mélange sur ses bras, ses mains et son visage, sous le regard perplexe d'Harry.

« Dépêche-toi de faire pareil, » ordonna Drago.

« Non merci, » répondit Harry en faisant quelques pas en arrière. Mais il fut rapidement rattrapé par une poigne ferme et Drago passa sa main pleine de poudre sur son visage. Harry se débattit : « Qu'est-ce que... ça sent bizarre ! »

« Si tu ne le fais pas, je ne te dirai rien du tout ! » menaça Drago. Harry abdiqua enfin et laissa Drago appliquer le produit sur lui, non sans ronchonner.

Enfin, lorsque Drago estima que c'était suffisant, il s'empara de la main du brun et y déposa un petit cristal vert mousse. « J'en ai toujours un sur moi. C'est mon plan B. Si jamais tu es face à un danger, tu l'exploses au niveau de ton cœur et il te transplanera dans ce bureau. Ça marche sans aucune restriction, où que tu sois. Par contre, la destination est toujours la même. »

Harry scruta la pierre sous la lueur tamisée de l'ampoule. À l'intérieur, il lui sembla distinguer un liquide épais onduler, accompagné de délicates incrustations dorées qui émergeaient et s'évanouissaient de façon hypnotique, au gré de l'angle de vue.

Drago s'impatienta : « Dépêche-toi, Potter. Contrairement à toi, je n'ai pas l'éternité devant moi... »

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Les deux hommes retournèrent dans la prairie. Un coup de vent un peu fort fit virevolter quelques mèches blondes de Drago, mais il ne sembla pas s'en formaliser. D'un pas assuré, il se dirigea vers le lac, suivi par Harry qui ne posa aucune question.

Arrivés au bord de l'eau, Drago s'accroupit, scrutant l'horizon et Harry l'imita. Ils restèrent ainsi quelques secondes, plongés dans le silence. Soudain, la main de Drago s'empara de celle d'Harry. « Là ! »

Harry essaya de deviner ce qui avait pu à ce point exciter son compagnon, mais il ne vit que les arbres de la forêt s'agiter doucement. Il plissa les yeux.

« Mais non, idiot, plus vers la gauche ! » Harry suivit du regard la direction que pointait Drago et il le vit : une énorme bête grise s'abreuvait tranquillement sur les rives du lac. Un espèce de gros rhinocéros qui pesait, à vue d'œil, plusieurs tonnes.

Drago pressa un peu plus la main de Harry : « Un Éruptif. »

Les deux oiseaux, qui avaient survolé Harry lors de sa première visite, se posèrent bruyamment à quelques mètres seulement d'eux. Drago s'accroupit un peu plus dans les hautes herbes, suivi par Harry. « Ils sont magnifiques, n'est-ce pas ? »

Harry ne comprenait pas.

C'était donc cela, le grand secret de Drago ? Deux piafs et un rhinocéros dans une réserve naturelle sous sa maison ?

Le Serpentard sembla lire dans ses pensées car il lui jeta un regard agacé. « Tu regardes mais tu ne vois rien, Potter. »

Harry se concentra un peu mieux. Il ne lui fallut que peu de temps pour discerner un cheval à la crinière de joncs émerger du lac. (« Un Kelpy » souffla Drago) Puis, un peu plus loin, il vit une colonie de petits hérissons, des noueux, probablement. Harry observait l'environnement et vit dans la prairie qu'il avait au premier abord pensé vide, une multitude d'animaux et de créatures.

Il se tourna vers Drago, étonné : « Et il y a un Nundu dans la forêt... »

Drago sourit, passionné : « Oui ! Et aussi une manticore ! »

Harry était perplexe : « Mais... tu fais quoi avec tout ça ? Ces créatures sont vraiment dangereuses…»

Drago le regarda comme s'il était complètement idiot : « C'est mon métier, Potter... je suis Magizoologiste. »

Harry le regarda, la bouche grande ouverte, avant de partir dans un fou rire incontrôlable.

Les oiseaux s'envolèrent.

« Toi ? Toi ? Drago Malfoy ? Tu t'occupes d'animaux magiques ? »

Drago sembla vexé et Harry ne put plus retenir ses larmes : « Toi qui as failli te faire tuer par un Hippogriffe ? »

Drago plissa les yeux méchamment : « Je ne suis plus un enfant, Potter. Et cet Hippogriffe était une saloperie. »

Alors qu'Harry continuait ouvertement de se moquer de Drago, un mouvement soudain attira son attention, le faisant sursauter.

Quelque chose, dans l'herbe, avait frôlé sa main !

Drago, attentif et rapide, se pencha vers lui et fourragea un instant dans les herbes hautes. Au bout de quelques secondes, il en ressortit une petite créature à la fourrure noire : « Alors, Potter, on a peur du Grand Méchant Niffleur ? », taquina-t-il d'un ton moqueur.

Il détourna son attention d'Harry et se concentra sur la petite créature qui glissa entre ses doigts avant de remonter le long de son bras pour se nicher dans son cou.

Un éclat de rire cristallin s'échappa de sa gorge et Harry le regarda, fasciné.

C'était la première fois qu'il voyait une expression si douce, si naturelle, si… libérée sur le visage de Drago. Il sentit son cœur accélérer ; il ignorait que cet homme pouvait avoir de telles émotions et la pensée le traversa qu'il pourrait bien ne jamais se lasser de cette vision.

Il eut l'impression qu'un inconnu se tenait devant lui, quelqu'un dont il avait tout à découvrir.

Il aurait aimé que ce rire ne s'arrête jamais.

Inconsciemment, Harry se rapprocha un peu plus de Drago pour mieux scruter l'éventail d'expressions sur son visage. La lumière du soleil jouait avec ses mèches blondes, les couvrant de reflets presque argentés. "Comme des fils de soie," pensa Harry, résistant à l'envie d'y passer la main. Les yeux gris de Drago étincelaient d'une lueur espiègle, révélant une facette méconnue de sa personnalité. La dureté qui le caractérisait d'habitude semblait s'estomper, laissant place à une énergie presque solaire.

Le Niffleur, curieux, se glissa sous le pull de Drago, probablement à la recherche d'un objet intéressant, avant de ressortir par une manche. Un soupir amusé échappa à Drago, qui releva les yeux vers Harry.

Soudain conscient de la proximité entre eux, il se recula brusquement, un peu troublé, libérant également la main qu'il avait retenue tout ce temps.

Le vent souffla doucement, agitant les herbes hautes autour d'eux. Le regard de Drago, fuyant, chercha quelque chose dans le paysage, évitant délibérément de croiser celui d'Harry. Ce dernier ressentit une vague de frustration incompréhensible l'envahir.

Alors qu'il ouvrait la bouche pour émettre une remarque, un chant retentit. Drago s'immobilisa pour écouter avec attention et Harry comprit que c'était un oiseau.

Le chant était magnifique, presque envoutant, tout en nuances et en délicatesse, rappelant celui des sirènes. Les trilles délicats s'entremêlaient, emplissant l'air d'une mélodie mélancolique. Les harmonies s'élevaient et descendaient comme des vagues caressant la plage.

Alors qu'il écoutait, d'autres sons, plus étranges, se mêlèrent à la complainte. Des dissonances, subtiles mais perturbantes, s'amplifièrent au fur et à mesure.

Harry ressentit soudain le besoin irrépressible de s'enfuir, de plonger dans le lac.

Il se redressa, fit quelques pas en direction de l'eau, mais Drago le retint, le plaquant au sol et le maintenant en s'appuyant de tout son poids sur lui : « Surtout n'écoute pas. »

Mais Harry semblait ne pas l'entendre. Le chant de l'oiseau résonna dans sa tête, devenant oppressant, et il ne souhaita plus qu'une chose : que tout cela s'arrête. Il essaya de repousser Drago, mais celui-ci plaqua ses mains sur ses oreilles.

Harry sentit son sang pulser dans ses tempes.

Le silence se fit.

Son esprit s'apaisa peu à peu. Son calme revint.

Cependant, il vit Drago, allongé sur lui, en train de lutter à son tour. Une fine sueur recouvrait tout son visage et ses doigts tremblaient contre la peau de Harry.

Harry se redressa, cala son corps contre celui de Drago, l'enveloppa de ses bras et plaça à son tour ses mains contre les oreilles du blond.

Drago, reprenant le contrôle de ses sens, retira vivement ses mains des oreilles de Harry. D'un geste rapide, il fouilla dans l'une des poches du brun, en extrayant le cristal vert mousse qu'il tint fermement entre ses doigts. D'un mouvement presque synchronisé, il fit de même avec le cristal qu'il conservait dans sa propre poche.

Leurs regards se croisèrent : c'était le moment ou jamais d'utiliser le Plan B !

D'un geste déterminé, Drago éclata les cristaux sur leur cœur respectif.

Un éclat vert se propagea instantanément et une lueur enveloppa leurs silhouettes. Soudain, le monde autour d'eux sembla se figer. Les couleurs de la prairie perdirent de leur éclat, les bruits de la nature s'estompèrent comme si quelqu'un avait baissé le volume sonore.

Harry perçut un silence éthéré, un moment suspendu dans le temps, qui dura deux, peut-être trois secondes, mais qui sembla une éternité.

Puis, comme un élastique tendu qui se relâche brusquement, Harry ressentit une force invisible le tirer vers l'arrière avec une intensité surprenante. La prairie, les arbres, le lac, tout disparut dans un éclat de lumière floue.

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« Putain ! Drago ! » Harry s'appuya contre un mur pour reprendre son souffle.

Drago, habitué à ce genre de situation, se contenta de brosser nonchalamment ses vêtements : « Je te l'ai dit, Potter, c'est mon métier. »

Harry pointa du doigt la porte menant à la prairie : « Ce sont des dangers ambulants ! Qui vivent. Sous. Ta. Maison ! »

Drago esquissa une moue indifférente : « Je ne suis pas sourd, Potter, pas la peine de crier. Et pour ta gouverne, ce ne sont pas des « dangers ambulants ». Ce sont des guerriers. Des rescapés. Ils se sont tous battus pour survivre. Pas un, tu entends, pas un ne mérite pas sa place au Sanctuaire. »

Harry laissa retomber son bras le long de son corps : « Des rescapés ? »

Drago s'enflamma : « Oui. Les proies de trafiquants, de revendeurs sans scrupule. On les chasse, on les tue, on les vend, on récupère leur peau, leurs organes… on en fait des potions, des tapis, des trophées au mur… Les niffleurs, par exemple, sont les premières victimes. Leur péché ? Accorder leur confiance aux humains. Ne pas se méfier d'eux. Ils se font rafler par centaines chaque jour. »

Drago prit une voix de fausset : « Tiens, Chéri, et si on offrait un nouveau jouet à la petite ? Pourquoi pas un Niffleur, c'est si mignon ! » Sa voix redevint grave : « On trouve moins de manticore ou de Nundu au marché noir. Trop dangereux à capturer. Du coup les prix flambent. Tu verrais ça, c'est… tellement… immoral. Celui que tu as vu, dans la forêt, devait servir à un Safari entre nobles. Une belle petite chasse aux monstres pour divertir le peuple. 5 points pour un Éruptif, 10 pour un Kelpy. Voilà combien coûte leur vie. »

Drago désigna furieusement le tableau : « Tu vois ces connards, là ? – il s'empara d'une photo barrée de rouge – Celui-là, par exemple, son « petit truc », c'est d'écorner les Éruptifs encore vivants et de les laisser crever comme ça, en se vidant de leur sang. – il arracha une autre photo – Et cette pétasse, elle s'est fait une petite collection de prêt à porter, façon Cruella, avec la peau de 300 ou 400 fléreurs. De ceux-là, je n'ai pu en sauver aucun. Tu veux que je te raconte comment on dépèce un fléreur ? »

« Je… je suis désolé. Je ne savais pas. » dit Harry.

« Bien sûr que tu ne savais pas, Potter. Personne ne sait jamais. Enfin si, tout le monde sait mais personne ne veut s'en mêler. De toute façon, qu'est-ce que c'est ? Des nuisibles ? Des bêtes dangereuses ? Des objets de décorations ? – Drago mis la main en entonnoir sur son oreille – Chut ! Tu entends ? Tu les entends se plaindre ? Non ? Alors c'est que tout va bien !»

Harry observa silencieusement Drago qui s'agitait dans la pièce. Il sentait que, quoiqu'il puisse dire, cela se retournerait contre lui. À ce moment précis, le blond ne cherchait ni soutien, ni compassion. Non. Le mieux était qu'il crache enfin, une bonne fois pour toute, tout ce qu'il gardait enfermé en lui. Tout ce qui pesait si lourdement sur son âme.

« Quand j'ai commencé ce métier, je pensais naïvement faire de l'observation, des soins… Mais putain ! Si tu savais ! Moi qui cherchais à fuir la guerre entre les sorciers, je suis tombé sur un tout autre type de combat. Oui… oui c'est bien une guerre entre les trafiquants, les créatures… même certains moldus s'y sont mis ! C'est que ça rapporte, tu vois. – Drago désigna d'un large geste de la main les dossiers éparpillés dans la pièce - J'ai passé des années à remonter des filières, à traquer ces connards. Pour un que je fais tomber, il y en a trois qui apparaissent et ils innovent chaque jour un peu plus dans la cruauté. Haaa oui, bien sûr que c'est totalement illégal. La plupart de ces espèces sont protégées. Mais plus c'est protégé, plus c'est rare. Et plus c'est rare, plus ça rapporte. Je suis allé trouver le Gouvernement. Tu sais ce qu'ils m'ont répondu ? « Nous comprenons, c'est tragique, tragique. Mais Monsieur Malfoy, vous ne pensez pas qu'on a déjà suffisamment à faire avec Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom ? », « Des crédits supplémentaires, Monsieur Malfoy ? Mais vous n'y pensez pas ! », « Monsieur Malfoy, peut-être devriez-vous vous concentrer sur des sujets plus actuels. » Alors je suis rentré chez moi. J'ai récupéré l'argent de mon héritage. Et je l'ai utilisé pour sauver ces bêtes-là. Peut-être que le ministère a raison. Peut-être que ce que je fais ne sert à rien. Mais au moins, moi, je peux m'endormir en paix, le soir. »

Enfin, Drago laissa retomber le dossier qu'il malmenait depuis plusieurs minutes et garda le silence.

Harry hocha la tête : « Tu peux m'utiliser, si tu veux. »

Drago leva ses yeux orageux vers lui : « Quoi ? »

Harry esquissa une moue indifférente : « Utilise-moi. Dis-moi comment je peux t'aider. Je ferais tout ce que tu me diras de faire. Utilise ma réputation, mes compétences. Prends mon argent pour développer ton sanctuaire, pour protéger toutes ces créatures. »

Drago croisa les bras, scrutant attentivement le visage d'Harry. Pendant un instant, il sembla évaluer la sincérité de ses paroles. Puis, après un moment de silence, il laissa échapper un soupir : « Potter, tu n'as aucune idée de dans quoi tu t'engages. C'est bien plus compliqué que de simplement jeter de l'argent sur le problème. On parle de trafiquants, de criminels sans scrupules. Si tu te mets en travers de leur chemin, tu risques gros. »

Il fit quelques pas dans la pièce, les pensées tourbillonnant dans sa tête. Finalement, il marmonna : « Mais peut-être que tu pourrais être utile… ça pourrait faire pencher la balance de mon côté. »

Harry sourit : « Il se trouve que, justement, j'ai pas mal de temps devant moi, en ce moment… »

Et Drago pouffa.