Note : Joyeux Noël ! =D
Chapitre 8 : Soir de Noël
L'apparition des décorations de Noël avait coïncidé avec la sortie de Tamao de l'infirmerie. Des stalactites étaient apparues sous les rampes du grand escalier, des guirlandes de gui et de houx décoraient le grand hall d'entrée et des flocons de neige tombaient dans les quatre grands sabliers privés de gemmes pour l'année. Dans la Grande Salle, douze sapins avaient fait leur apparition le long des murs, ornementés d'étoiles, de glaçons, de chandelles et de hiboux d'or qui hululaient.
La dernière semaine avant les vacances passa très vite. La plupart des professeurs avait renoncé à faire cours normalement et laissait les élèves réviser tout ce qui avait été déjà vu depuis le début de l'année librement, ce qui permit à Tamao de rattraper facilement le retard qu'elle avait accumulé. Hao l'y aida aussi le mercredi après-midi et la rappela à l'ordre sur les visions qui continuaient de lui apparaître de temps en temps.
— Tu sais que tu ne dois pas leur prêter attention, n'est-ce pas ?
Il avait eu beau dire cela d'une voix légère, le sous-entendu était on ne peut plus sérieux. Tamao avait senti ses joues la brûler lorsqu'elle avait opiné de la tête. À présent qu'elles avaient ralenti et étaient en voix de disparaître, la curiosité reprenait le dessus, parfois. Elle avait reconnu la sœur de Ren dans l'une d'elles, discutant avec Ryu dans ce qu'elle pensait être un couloir de l'école. Cela l'avait intrigué car Jun ne suivait pourtant pas d'études pour devenir enseignante.
Tamao ne se considérait pas comme une sorcière douée. Ses résultats scolaires avaient toujours été dans la moyenne, plus ou moins au-dessus ou en-dessous selon les matières. Elle ne parvenait pas à maîtriser un sort du premier coup comme Anna, ni ne progressait aussi rapidement que Yoh. Cependant elle était douée en divination, cela Mikihisa l'avait reconnu. Encouragé même. Alors devoir lui apprendre qu'elle n'était pas la meilleure de sa classe malgré ses très bonnes notes en la matière, cela lui tordait l'estomac. Le regard inflexible de Lilirara jugeant son interprétation des feuilles de thé lui revenait en mémoire et n'aidait pas.
Les arts divinatoires avaient toujours eu de l'importance pour la famille Asakura. Keiko lui avait dit qu'elle avait le don de double-vue et Tamao pensait que c'était la raison pour laquelle ils l'avaient recueillie. Des enfants sorciers nés de moldus, il y en avait plein et aucun autre qu'elle, à sa connaissance, n'avait été adoptée par une famille sorcière pour autant. Anna et Jeanne, pour ne citer qu'elles, n'avaient plus de famille alors que Tamao, elle, avait des parents biologiques encore bien vivants. Parents qui avaient renoncé à elle en la confiant à Mikihisa lorsqu'elle n'avait pas encore quatre ans et refusé tout contact depuis. Les parents de Sanna aussi étaient moldus, mais eux l'accompagnaient tous les ans sur le quai 9 ¾ et leurs yeux brillaient de fierté lorsqu'ils se posaient sur leur fille sorcière.
Tamao n'aurait su dire ce qui l'avait poussé à tenter une expérience aussi dangereuse. Peut-être, pour commencer, le fait qu'elle ne pensait pas que c'était dangereux, alors que sans Hao elle en aurait perdu la raison. Il y avait quelque chose d'un peu excitant à se faufiler de nuit dans les couloirs du château pour aller observer les étoiles, récolter des ingrédients ou s'occuper de sa potion. Cette dernière était l'aboutissement de deux ans de recherches fascinantes qui lui auraient donné envie de travailler dans la recherche magique plus tard si cette dernière ne pouvait porter que sur la divination, art malheureusement plutôt méprisé et désavoué par l'ensemble de la communauté magique.
Si cela avait fonctionné comme elle le souhaitait, elle en aurait sûrement parlé à Mikihisa. Désormais cependant, elle évitait son regard. Il lui avait demandé un mot en aparté le jeudi soir pour savoir comment elle allait, si elle avait pu rattraper tous les cours qu'elle avait manqué et si tout se passait bien en ce moment. Tamao n'avait pas réussi à savoir si son attitude trahissait de vieilles habitudes d'un ancien directeur de maison ou l'inquiétude d'un parent telle qu'elle aurait pu se manifester dans un courrier.
— Je vais bien, avait-elle répondu.
Et parce qu'il avait continué de la fixer et semblait ne pas vouloir se contenter de si peu, elle avait piqué de la tête sur ses chaussures et avoué.
— Je… la semaine dernière, j'ai… fait une bêtise.
Mikihisa lui avait gentiment tapoté la tête, comme quand elle était petite. Cela faisait si longtemps qu'il ne l'avait pas fait que Tamao avait eu l'impression d'être en plein rêve. Elle avait senti une douce chaleur se diffuser dans sa poitrine et ses muscles se relâcher.
— On en fait tous, lui avait-il dit gentiment.
Tamao avait enfin osé croiser le regard de son tuteur et put deviner le sourire derrière le masque. Curieusement depuis cette entrevue, les visions avaient définitivement pris fin.
Il avait neigé le vendredi, comme pour annoncer le début de l'hiver. Les élèves étaient si dissipés que Pascal Avaf avait renoncé à faire cours et les avait chassés de sa salle de classe au bout d'un quart d'heure en leur disant de revenir l'année prochaine après s'être acheté de nouveaux cerveaux. En cours d'enchantement l'après-midi, Chrom voulut leur apprendre à jouer des musiques de Noël et la cacophonie qui en résulta donna un affreux mal de tête à la moitié de la classe.
Il ne restait plus que le cours de runes avec le professeur Turbin et ils seraient officiellement en vacances.
— Tamao, appela Anna.
La jeune fille s'arrêta et se retourna vers son amie. Un regard de la préfète-en-chef suffit à faire comprendre à Sanna et Brit qu'il n'était pas nécessaire d'attendre Tamao.
— Tu te rappelles la course particulière que j'avais à faire avant la rentrée ? demanda-t-elle quand les autres quatrième année se furent éloignées.
Tamao hocha la tête. Elle s'en rappelait bien, c'était un après-midi pluvieux mais Anna et elle s'étaient tout de même aventurées sur le Chemin de Traverse pour quelques emplettes. Son aînée devait absolument passer chez l'apothicaire pour renouveler sa potion contraceptive.
Yoh, Anna et elle étaient arrivés au Chaudron Baveur deux jours avant la rentrée, après avoir effectué par sauts en portoloins le trajet du ministère japonais de Tokyo au ministère britannique de Londres. Avant leur départ, Anna s'était rendue chez l'apothicaire d'Osorezan chez qui elle se fournissait habituellement mais ce dernier était en rupture de stock. Le temps qu'il se réapprovisionne et que Kino lui fasse parvenir la potion, Anna avait besoin d'une solution alternative pour les quelques semaines à venir et espérait la trouver à Londres.
La potion dont elle avait besoin était difficile à trouver car les apothicaires avaient tendance à fabriquer seulement une potion ne nécessitant qu'une dose par mois. Or cette dernière, bien que pratique car devant simplement être bu en entier le premier jour des règles, avait des effets secondaires plus ou moins indésirables selon les patientes et très violents chez Anna. Cette dernière avait besoin de la potion à prise quotidienne dont elle pouvait verser quelques gouttes dans son jus de citrouille chaque matin.
Tamao et elle avaient essayé plusieurs enseignes avant d'en trouver finalement une pouvant répondre à leurs attentes dans l'Allée des Embrumes.
— Tu te souviens du nom de la boutique ?
Tamao réfléchit un instant.
— Le lutin noir ou le farfadet noir, répondit-elle. Je crois bien que c'était le farfadet noir, car le vendeur nous a dit venir d'Irlande.
Anna la remercia d'un simple hochement de tête.
— Tu as eu des problèmes avec la potion ?
Son amie ne répondit pas, se contentant de garder les lèvres serrées. Puis tourna des talons.
Brusquement, Tamao réalisa toutes les implications que pouvait avoir une mauvaise conception de ce type de potions. Dont la plus évidente.
Elle rattrapa Anna en courant et marcha à ses côtés.
— Yoh est au courant ? risqua-t-elle.
Anna ne l'envoya pas paître.
— Non, répondit-elle sèchement à la place.
— Qui ? demanda Tamao, pressentant qu'Anna ne s'était pas aperçue toute seule du problème.
S'il s'était s'agit d'effets secondaires indésirables, comme cela pouvait être le cas avec la potion en une dose, Anna s'en serait rendu compte plus tôt, pas au bout de quatre mois.
— Faust, lâcha Anna. Il est fiable.
Sous-entendu « contrairement à d'autres membres du corps enseignant. »
— Tu sais, osa Tamao, Yoh te soutiendra sans t'imposer de choix.
Anna sembla se détendre.
— Évidemment, rétorqua-t-elle néanmoins.
Les deux jeunes femmes arrivèrent au bout du couloir.
— Je dois aller à mon cours de runes, prit congé Tamao en tournant à droite.
Elle s'était déjà éloignée de plusieurs pas lorsqu'Anna la rappela.
— Tamao.
Elle se retourna pour croiser le regard de son amie.
— Merci.
Ne sachant pas quoi répondre, Tamao rosit. Puis sourit. Quand elle allait mal, les sourires de Jeanne étaient toujours réconfortants.
…
Peu de personnes restaient habituellement à Poudlard pour la période des fêtes de Noël mais cette année l'école ne semblait pas avoir désemplie du tout, et ce malgré le départ d'une grande partie des première, deuxième et troisième année. Le premier jour des vacances, Opacho fit donc une belle frayeur à tous les élèves quand elle apparut au milieu de la grande salle pendant le déjeuner dans un craquement retentissant.
— Hao-sama !
Son cri enthousiaste finit de faire tomber à la renverse les quelques élèves qui avaient commencé à glisser de leurs bancs.
Elle s'élança vers la table de Hao où ce dernier l'accueillit d'un sourire et s'installa à côté de lui. Plusieurs élèves avaient cessé de manger et regardaient la petite sorcière bouche bée tandis que d'autres se levaient pour mieux l'apercevoir, même à la table des Serpentard.
Elle-même assise proche de la table des professeurs, Tamao entendit distinctement le directeur de Beauxbâtons demander ce que cela voulait dire d'un air fort contrarié. À côté d'elle, Jeanne fixait toujours Hao d'un air suspicieux.
— C'est Opacho, lui dit Tamao. Elle vient pendant les vacances de Noël si Hao reste à l'école.
— Mais… elle a le droit ? demanda Jeanne.
Tamao ne s'était jamais posée la question en ses termes. D'après le règlement de l'école, sans doute pas. Une sorcière encore trop jeune pour être scolarisée à Poudlard n'avait pas le droit de venir passer les vacances au château juste parce qu'elle le souhaitait, mais c'était Opacho.
— On ne peut pas l'en empêcher, répondit-elle simplement.
— Comment cela ?
Jeanne arborait à présent une mine contrariée.
— Opacho va où elle veut et fait ce qu'elle veut, essaya d'expliquer Tamao.
— Cela n'a aucun sens, répliqua Jeanne, l'air agacé. Cette enfant est beaucoup trop jeune pour transplaner et, quand bien même elle le pourrait, c'est impossible dans l'enceinte de Poudlard. Pourtant…
Tamao perçut le doute dans son regard. La manière dont Opacho était apparue était après tout en tout point semblable à un transplanage.
— Opacho a du sang d'aziza. Comme les elfes, les aziza sont de la famille des fées et leur magie est différente de celle des sorciers, notamment quand il s'agit de se déplacer. Comme Ponchi et Conchi.
Jeanne sembla se rappeler de sa rencontre avec les deux elfes de maison.
— Est-ce que cela signifie… que n'importe quelle fée ou sorcier apparenté peut pénétrer à Poudlard comme il le souhaite ? Sans que la direction de l'école n'ait aucun contrôle dessus ?
Son regard en disait long sur ce qu'elle en pensait. À la table des professeurs, le directeur de Beauxbâtons et le directeur de Poudlard semblaient se disputer et, des quelques éclats de voix qui leur parvenaient, Tamao avait saisi le mot « sécurité ».
— Je ne sais pas… avoua Tamao. Peut-être.
Jeanne resta un moment silencieuse.
— Est-ce que le directeur a au moins essayé de chasser Opacho ? demanda-t-elle à haute voix.
Tamao jeta un bref coup d'œil vers la table des professeurs, puis vers Hao et Opacho à l'autre bout de la salle.
— Des Noël que j'ai pu passer à Poudlard, seule une vingtaine de personnes tout au plus reste au château, élèves et professeurs confondus, alors…
Jeanne comprit le message et reprit avec résignation le découpage de son poulet.
…
Le soir de Noël, Tamao enfila le kimono qu'elle avait prévu pour l'occasion, appliqua un peu de maquillage sur son visage et descendit attendre Horo-Horo dans la salle commune. Quelques filles de cinquième année traversèrent la pièce en gloussant mais la plupart des élèves présents étaient des garçons qui passaient le temps en papotant ou en jetant des regards nerveux vers les escaliers en guettant leurs cavalières.
Etonnamment, elle n'était pas nerveuse. Un peu excitée, peut-être. Les décorations promettaient d'être grandioses, le repas délicieux, la musique agréable. Elle pourrait passer du temps avec ses amis, papoter toute la nuit, boire un peu aussi. Elle ne savait pas si Horo-Horo avait prévu de l'inviter à danser. Peut-être au moins une fois, par principe.
— Tu es en avance, la surprit brusquement celui-ci en la rejoignant.
Elle ne l'avait pas vu arriver.
Il ne portait pas son habituel bandana et semblait s'être battu avec ses cheveux pour les empêcher de trop lui tomber devant les yeux. Le col de sa robe était un peu de travers mais elle n'osa pas lui dire et se contenta de se lever quand il lui proposa de se mettre en route avec un sourire.
Tamao aurait bien aimé apercevoir Jeanne avant de descendre, mais elle la retrouverait pendant le bal.
Une fois parvenus à la Grande Salle, Horo-Horo et Tamao constatèrent qu'ils étaient parmi les premiers et purent choisir la table qui leur plaisait le mieux pour s'installer en attendant le début des festivités. En prévision du concert qui aurait lieu au cours de la soirée, la table des professeurs avait été remplacée par une grande estrade dont les lumières chatoyantes caressaient les tables circulaires réparties dans toute la grande salle. Sur chacune d'elle, un vase et une fleur gelée servaient de centre de table et étiraient leurs pétales pour attraper les petits flocons qui tombaient du plafond ensorcelé, virevoltant entre les bougies flottantes.
Horo-Horo et Tamao restèrent silencieux un moment avant d'être rejoints par Chocolove et une élève de sixième année de sa maison du nom d'Emily qui semblait mal à l'aise en leur présence. Horo-Horo et Chocolove se mirent aussitôt à discuter, mais la cavalière de ce dernier ne semblait pas avoir envie de se mêler à la conversation. De son côté, Tamao se contenta donc d'observer pensivement les flocons, jetant parfois des coups d'œil à l'entrée de la Grande Salle en quête d'un visage connu.
Elle vit passer Ajita, sa camarade de dortoir, avec un garçon de Beauxbâtons et elle était à couper le souffle dans son sari d'un rouge sang, sa longue natte noire exceptionnellement emmêlée de fils dorés.
Le temps passant, de plus en plus de monde se mit à grouiller au niveau des portes ; les couples s'étaient tous donnés rendez-vous au même endroit. De cette foule bruyante, Tamao vit émerger Marion et Matilda, ce qui lui arracha un petit « oh » de surprise. Elle s'attendait à ce que l'une d'elles ouvre le bal avec Hao. Si ce n'était pas le cas, alors qui était sa cavalière ?
Une boule d'insécurité vint se loger dans sa poitrine, boule qui ne se dissipa que lorsqu'elle aperçut Anna au bras de Yoh fendre la foule pour venir les rejoindre.
— Ren ! appela soudain Horo-Horo. Hey, Ren !
Tamao tendit le cou pour l'apercevoir, sachant que Jeanne devait être sa cavalière. Ren sembla remarquer Horo-Horo — ce dernier passant difficilement inaperçu, debout à agiter les bras — et se dirigea vers eux. Il tenait par la main — et Tamao tiqua car, Horo-Horo et elle, assistant au bal « en amis », ne s'étaient pas tenus par la main — Jeanne, dans une robe merveilleuse faite de dentelles blanches et de lacets noirs.
Ren s'assit à côté de Yoh et Jeanne à côté de lui, de l'autre côté de la table. Trop loin pour qu'elle et Tamao puissent discuter entre elles comme elles aimaient le faire.
— Yoh ! Purée vous êtes difficiles à trouver ! s'exclama Manta en surgissant près d'eux.
— Bonsoir tout le monde, salua Lyserg qui l'accompagnait. Tu es ravissante, Tamao.
Tamao rosit et piqua de la tête dans son assiette vide.
— Anna, t'abuses ! enchaîna Manta. On avait dit qu'on irait ensemble, t'aurais pu nous attendre !
— T'avais qu'à être plus rapide, minus, rétorqua son impatiente camarade de Serdaigle.
— Manta, viens t'asseoir, intervint Lyserg, coupant Manta dans la dispute qui était sur le point de poindre.
Les deux Serdaigle allèrent s'asseoir à côté de Jeanne en face de Tamao, laissant deux places vides entre eux et Emily. Elles furent remplies par Ryu et Meene juste avant l'entrée des champions et le visage de Jeanne s'éclaira en voyant la professeure de Beauxbâtons prendre place.
Tout le monde applaudit lorsque les champions apparurent, précédé par Silva qui les dirigea vers la table à laquelle les juges du tournoi étaient déjà assis. Pedro Gomez avait une élève de Beauxbâtons pour cavalière, Ouiza Morsi était accompagnée de Bruno Madrigal, un Poufsouffle en classe avec Yoh, et Hao…
Hao semblait ne pas avoir de cavalière à première vue, mais c'était avant que Tamao ne distingue Damuko qui saluait tout le monde de la main avec enthousiaste. À côté d'elle, Horo-Horo jura.
Existait-il un meilleur moyen pour se revendiquer champion de Poudlard qu'entrer dans la Grande Salle au bras du fantôme de sa maison rivale ? Tamao n'en voyait pas.
Horo-Horo continua de fusiller Hao du regard un bon moment même après qu'il fut assis et Tamao préféra se tourner vers Anna qui examinait son menu avec attention.
— Poulet frit ! annonça-t-elle ensuite à son assiette qui se remplit d'appétissants morceaux de poulets.
Tamao ne prit pas la peine de regarder la carte et passa commande de la même chose. De l'autre côté de la table, les assiettes de Lyserg, Manta, Jeanne et Meene se remplissaient de dinde aux marrons et celle de Ren de canard laqué.
— Difficile de choisir, n'est-ce pas ? déclara Ryu en avisant Emily près de lui qui s'était raidie à côté des deux adultes. J'ai participé à la conception du menu et je peux vous dire que tous les plats sont très bons, vous pouvez y aller les yeux fermés. D'ailleurs, c'est ce que je vais faire.
Il posa théâtralement une main sur ses yeux tandis que l'autre pointait au hasard une ligne de son menu.
— Biryani de bœuf, lut-il en se découvrant les yeux.
Aussitôt son assiette se remplit du plat coloré.
Emily balaya plusieurs fois son menu avant de finir par choisir de la daurade.
— Mange Tamao, c'est meilleur chaud, lui dit Anna, la rappelant à sa propre assiette.
— C'est délicieux, complimenta Yoh à côté d'elle qui avait également choisi du poulet frit.
…
À la fin du dîner, Rakist se leva et invita tout le monde à l'imiter pour libérer les tables qui allèrent d'elles-mêmes s'aligner contre les murs, dégageant au centre de la salle une grande piste de danse. Au bout de la salle, trois silhouettes montèrent sur la scène que Tamao reconnut aussitôt pour être les Ice-Men.
— Ah, cool ! apprécia Yoh. On va passer un bon moment.
Tona s'installa à la batterie, Zria attrapa une guitare et Pino s'avança jusqu'au micro.
Au centre de l'attention, les trois champions et leurs partenaires s'étaient avancés pour ouvrir le bal. Sur la musique douce qui s'installa, ils commencèrent à tournoyer, Hao et Damuko semblant étrangement à l'aise dans cet exercice bien qu'ils ne puissent se toucher. Pas un instant les bras du fantôme ne traversaient ceux de son cavalier ou les jambes de ce dernier ne chevauchait celles, inconsistantes, de Damuko. Les regarder était fascinant.
Tamao lança un regard un coin à Horo-Horo et elle pouvait lire sur son visage toute sa frustration.
D'autres danseurs commencèrent peu à peu à rejoindre les champions, à commencer par Rakist et Sati, vite imités par Ryu et Meene. Jeanne dépassa Tamao dans un tourbillon blanc et noir au bras de Ren qui adressa un regard orageux à Horo-Horo.
Au changement de musique, le Gryffondor lâcha enfin Damuko et Hao des yeux pour inviter Tamao à danser, imité par Yoh avec Anna. Ces derniers s'élancèrent avec assurance et Tamao sourit, car elle savait qu'Anna avait répété qu'elle ne danserait pas, et la voir sourire légèrement au bras de Yoh lui mettait du baume au cœur, en particulier compte tenu de la situation délicate dans laquelle elle se trouvait désormais à l'insu de son plein gré.
Horo-Horo posa une main sur sa taille à laquelle Tamao tenta de ne pas prêter attention. C'était un peu… embarrassant. Elle n'était pas une grande adepte des contacts physiques, quelque soit le genre de l'autre personne, et leurs mains jointes la déroutaient déjà.
« Avec Jeanne, ça ne me dérange jamais », pensa-t-elle soudainement en repensant à la manière dont elles se prenaient souvent les mains pour communiquer leurs émotions. Peut-être que le fait que Jeanne soit une fille et Horo-Horo un garçon faisait bien la différence, tout compte fait.
— Je… je suis désolée, balbutia Tamao alors qu'elle trébuchait. Je ne sais p-pas très bien d-danser.
— Moi non plus, confessa Horo-Horo.
Elle crut discerner des rougeurs sur ses oreilles, mais difficile d'en être sûre avec les cheveux bleus qui, sans son bandana, refusaient de rester fièrement dressés en l'air comme ceux de Ren mais retombaient sur son visage.
Ils s'éloignèrent de la piste avec soulagement à la fin de la danse et Tamao devinait qu'il ne la réinviterait pas de la soirée. Pas qu'elle s'en plaigne, par ailleurs. Ça avait été un moment… plutôt gênant. Leurs mouvements étaient gauches et elle n'était pas à l'aise, fuyant son regard, ne sachant quoi dire, essayant de se concentrer sur ses pas et de ne pas bousculer d'autres danseurs.
Ils s'assirent à une table sur laquelle Horo-Horo attrapa une bouteille de Bièreaubeurre.
— Damuko ! s'exclama-t-il soudain joyeusement.
Tamao leva la tête et, en effet, le fantôme voletait vers eux, un grand sourire plaqué sur le visage.
— Ah, Horokeu ! Je te cherchais.
— Pour danser ? demanda-t-il d'une voix qui mêlait envie et inquiétude.
— Non, il y a trop de monde maintenant, je passe à travers tout le monde, répondit le fantôme en balançant la tête de droite à gauche. Juste pour discuter. Rakist et Marco n'ont pas cessé de parler de choses terriblement ennuyantes pendant tout le repas et Hao s'amusait à remettre de l'huile sur le feu dès qu'il en avait l'occasion, c'était terrible. La championne de Gandhara avait l'air vraiment gentille mais elle discutait avec sa directrice. Et que le repas était long !
Tamao se sentit désolée pour elle, obligée de subir le dîner sans pouvoir rien manger.
— Comment ça se fait que tu sois la cavalière de ce crétin ? lâcha Horo-Horo, posant la question qui devait lui trotter dans la tête depuis le début de la soirée.
Damuko poussa ce qui ressemblait à un soupir.
— Tu te doutes bien que je n'aurais jamais accepté si j'avais eu le choix, le rassura-t-elle. Je lui devais une faveur, à cause d'un pari perdu.
— Un pari ? s'enquit Horo-Horo.
— Un vieux pari. En septembre. Il avait parié qu'il aurait le meilleur score lors de la première épreuve du tournoi. Bien sûr je sais que je n'aurai pas dû relever, que c'était stupide… Mais il n'était même pas encore champion à ce moment-là ! Il m'a énervé, tout gonflé d'orgueil qu'il était et… et voilà, j'ai fait ce pari idiot. Et j'ai donné ma parole.
— Ta parole d'être sa cavalière pour le bal ? répéta Horo-Horo, un peu incrédule.
— Pas forcément ça, balaya Damuko d'un geste de la main. Simplement une faveur, ça pouvait être tout et n'importe quoi.
— Ce qui est pire, lâcha Horo-Horo d'un ton abrupt.
Damuko acquiesça de la tête avec un air peu concerné.
— Je me suis bien amusée, confia-t-elle, avec un sourire nostalgique posée sur la piste de danse.
Horo-Horo se leva.
— Danse avec moi, réclama-t-il. Si on reste dans ce coin, ajouta-t-il pour l'empêcher de refuser, tu ne passeras au travers de personne.
Le fantôme se laissa tenter et posa une main fantôme et glacée au-dessus de celle tendue de Horo-Horo. Maladroitement, les deux Gryffondor se mirent à danser.
Tamao dodelina doucement de la tête sur le rythme de la musique en les regardant, si attentionnés l'un envers l'autre, attentifs à leurs moindres faits et gestes, perdus dans cette complicité qu'ils avaient toujours eus depuis — elle le tenait de Yoh — le premier jour de Horo-Horo à Poudlard.
Ils étaient adorables.
