Défi écriture du 21/12 de mon calendrier de l'avent 2023 : écrire une histoire d'amour entre deux personnages ne faisant pas partie du même film, manga…
Note de l'autrice : il fallait absolument, dans mon imaginaire, mettre deux personnages qui ne sont pas en couple officiel. J'ai hésité avec les trop classiques Elsa et Jack Frost, mais finalement je me tourne vers 2 personnages hautement improbables : bonne lecture !
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Luna Lovegood était à dix-huit ans trois-quarts une jeune sorcière que l'on pouvait qualifier d'originale voire marginale, mais brillante. Elle venait de décrocher à la célèbre école de sorcellerie Poudlard son ASPIC avec spécialité soin aux créatures magiques mention optimal.
Elle poursuivait désormais ses études dans ce domaine qu'elle affectionnait, mais le week-end, lorsqu'elle retournait chez son père, elle n'aimait rien tant que d'essayer de nouvelles potions pour compléter sa formation, au grand désespoir de son père qui craignait toujours que ses expérimentations n'entrainent un tragique destin similaire à celui de sa défunte mère. Luna le rassurait mais têtue, continuait de plus belle. Ce fut un matin de printemps, où elle tentait la délicate confection d'un philtre, qui devait permettre de figer le temps durant quelques secondes, que l'incident se produisit : cela fut-il une erreur de dosage, ou d'ingrédient, ou de température du contenu de la marmite, elle ne le sut jamais, toujours est-il qu'un nuage de vapeur orange se répondit d'un coup hors de la marmite et envahit la pièce où elle se trouvait jusqu'à faire en faire disparaître les contours, plongeant Luna dans la pénombre…
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Lorsque le brouillard orange et épais se dissipa enfin, ce fut pour se rendre compte qu'elle n'était plus dans sa maison, mais sur un sentier sablonneux de la largeur d'une voiture, bordé de buissons maigres et d'arbres clairsemés. Le soleil était bas sur l'horizon, mais elle n'aurait su dire s'il se levait ou s'il se couchait. En attendant, elle devait mener l'enquête pour savoir où elle se trouvait. Sans sa baguette avec elle, elle ne pouvait pas espérer envoyer de signaux d'alerte ou utiliser un sort utile. Elle se mit donc en marche, seule chose à faire désormais, en suivant le sentier devant elle. Au bout d'une demi-heure de marche, le soleil avait baissé sur l'horizon et la luminosité avait dangereusement baissé, signe de la fin proche du jour, et le froid tombait déjà sur ses épaules à peine couvertes d'un léger gilet en crochet. Elle commençait à craindre de devoir passer la nuit dehors, lorsqu'elle aperçut avec soulagement une maison qui se trouvait au bout du sentier. En fait de maison, c'était plutôt une cabane, une simple cabane en bois, mais la lueur qu'elle apercevait à travers la fenêtre la réconforta : quelqu'un se trouvait dans la cabane, quelqu'un qui elle l'espérait allait pouvoir l'aider…
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Trois coups frappés à la porte firent sursauter Matthew Cooper, occupé à préparer son diner : à cette heure tardive, il ne recevait jamais de visite, sauf en cas d'urgence destinée au poste de shérif qu'il occupait consciencieusement depuis quelques années.
Malgré tout, toujours prudent, il attrapa son colt avant de déverrouiller la porte, l'habitude lui avait appris qu'on n'était jamais trop prudent. Toutefois, il abaissa aussitôt sa main à la vue de la personne en face de lui : une jeune fille se tenait là, aux longs cheveux si blonds qu'ils en paraissaient presque blancs, et ses yeux bleus immenses et désemparés au milieu de son visage fin et pâle plongèrent au plus profond de son regard. Malgré lui, il sentit son cœur accélérer et il bafouilla plus qu'il ne demanda :
- Bonsoir, je peux vous aider ?
Elle marqua un temps d'arrêt puis soupira, semblant soulagée de le comprendre et lui répondit d'une petite voix cristalline :
- Je crois…que je me suis perdue… Pourriez-vous m'aider à retrouver mon chemin ?
- Bien sûr, aucun problème : vous cherchez Colorado Springs ?
- Non - elle fronça les sourcils l'air inquiète – mais si vous pouvez m'indiquez la route pour rejoindre Loutry Sainte Chaspoule, je vous en serais éternellement reconnaissante…
- Loustry Sainte Chaspoule, vous dites ? Je ne connais pas cet endroit… Vous êtes sûre d'avoir le bon nom ?
- Absolument…
- Bon écoutez, il commence à faire froid, entrez-vous réchauffer à l'intérieur, je vais vous allumer un feu, et vous allez m'expliquer…
Luna sembla hésiter quelques secondes : le jeune homme devant elle avait certes l'air civilisé, il avait l'avantage indéniable de parler sa langue et de vouloir l'aider, et il était sans conteste le garçon le plus mignon qu'elle avait jamais remarqué, mais savait-on jamais ? Elle était passée par un enlèvement des Mangemorts encore récent et qui avait laissé des traces indélébiles dans sa mémoire… Le jeune homme sembla comprendre son hésitation et, la quittant quelques instants, prit un objet dans sa main sur la cheminée derrière lui et lui tendit dans le creux de sa main : une étoile argentée y brillait, avec le mot "sheriff" gravé au centre.
- Je suis Mathew Cooper, le shérif de Colorado Springs, expliqua-t-il, et je vais faire tout mon possible pour vous aider…
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Mathew avait allumé un feu, et sa chaleur et sa lumière réconfortèrent un peu Luna tandis qu'il lui avait préparé un repas simple mais consistant fait de pommes de terre rôties au lard et d'une omelette, de pain et de cidre doux. Malgré tout, elle était inquiète, et aussitôt le repas finit, entreprit de le questionner :
- Vous avez un téléphone ?
- Un téléphone ?
Luna leva les yeux au ciel : où avait-elle bien pu atterrir ? Chez un adepte Mormon qui fuyait la technologie ?
- Où sommes-nous ?
- Nous sommes situés à quelques miles de la ville de Colorado Springs, dans le Colorado.
- Dans le Colorado ? Vous voulez dire aux États-Unis ?
- Oui, c'est bien ça, sourit Matthew. Où pensiez-vous être ?
Luna ouvrit la bouche pour parler, la referma aussitôt, n'osant répondre.
- Écoutez, si vous voulez que je vous aide, vous devez répondre franchement à mes questions.
Luna soupira puis se lança, n'ayant plus rien à perdre :
- J'étais en Angleterre, il y a encore à peine une heure…
- En Angleterre ? C'est impossible, vous me faites marcher…
Luna releva la tête, et affronta son regard :
- Vous m'avez demandé d'être franche, je vous dis la vérité. Si vous voulez la vérité complète, je peux tout vous dire…
- Ce serait plus simple si vous me racontiez tout depuis le début, effectivement…
- Ca ne va pas être évident : vous êtes moldu, n'est ce pas ?
- Moldu ? Je ne connais pas ce mot.
- Moldu signifie que vous n'êtes pas sorcier… Moi, je suis une sorcière…
Matthew eut un bref mouvement de recul instinctif, mais se reprit aussitôt : les sorcières n'existaient pas, juste des contes pour effrayer les enfants lors d'Halloween.
- Prouvez-le, défia-t-il souriant.
- Je ne peux pas, et c'est pourquoi je suis encore ici : j'étais en train de confectionner une potion pour arrêter le temps lorsqu'un nuage orange m'a fait transplaner jusqu'ici sans que je ne puisse rien maitriser… Je n'ai pas ma baguette, rien qui me permettrait de regagner directement mon pays, rien pour contacter mon père, ou une aide quelconque, rien qui me permettrait de vous prouver mes dires… Je pense que le plus simple, c'est donc que je voyage à la façon moldue… Si vous pouviez me conduire à l'aéroport le plus proche, je prendrai l'avion pour repartir le plus rapidement possible…
- "l'aéroport", l'"avion" ? Mais de quoi parlez-vous donc ? Je pense que vous avez perdu l'esprit, constata Matthew de plus en plus mal à l'aise.
Luna leva les yeux vers lui et soudain, ce que sembla comprendre son cerveau la glaça de terreur :
- Pouvez-vous me dire, articula-t-elle péniblement, en quelle année nous sommes ?
- Je pense que vous avez dû prendre un sérieux coup sur la tête : vous avez oublié que nous sommes en mille-huit-cent-soixante-douze ?
A ces mots, il vit la jeune fille pâlir plus qu'elle ne l'était déjà, si cela était possible, et il eut juste le temps de venir à ses côtés la soutenir alors qu'elle s'effondrait entre ses bras…
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Luna eut l'impression de sortir d'un long tunnel noir et progressivement, elle reprit conscience de l'endroit où elle se trouvait : elle se trouvait sur un lit, dans une pièce attenante de la cabane en bois.
- Ca y est, vous revenez enfin à vous, vous m'avez fait une belle peur.
- Shérif ? soupira Luna, à moitié rassurée de revoir un visage familier, à moitié effrayée de ne pas juste avoir fait un affreux cauchemar.
- Vous pouvez m'appeler Matthew, je viens de réaliser que je ne vous ai même pas demandé votre nom…
- Luna… Luna Lovegood…
- Luna, c'est très original… Écoutez, Luna, vous allez vous reposer ici pour la nuit. Nous y verrons plus clair demain matin.
Luna tenta de se redresser :
- Mais non, je ne vais pas prendre votre lit…
Une main douce mais ferme se plaqua sur son épaule et la repoussa gentiment :
- Bien sûr que si, ne vous inquiétez pas, je vais mettre une couverture devant le feu, j'y serai très bien, reposez-vous pour l'instant, ne pensez à rien et dormez, je suis là, je veille sur vous…
Luna ferma les yeux et essaya de se détendre : malgré elle, le doux crépitement du feu dans la cheminée, la certitude de se savoir en sécurité, et l'odeur rassurante et masculine émanant des draps chauds qu'elle perçut inconsciemment la firent sombrer dans un profond sommeil réparateur…
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Luna fut tirée de son sommeil par les rayons matinaux du soleil qui passaient à travers les épais rideaux de coton accrochés aux fenêtres.
Elle s'étira souplement, puis se glissa hors du lit : la maison était vide, la petite cuisinière en fonte tenait au chaud la casserole remplie de café. Elle en humait le parfum appétissant, quand la porte s'ouvrit derrière elle, et Mathew entra, ôtant son chapeau de cow-boy.
- Bonjour ! J'ai vu que vous dormiez encore, j'étais parti nourrir mes bêtes… Comment vous vous sentez ce matin ?
- Bonjour, je vais… bien, je crois…
- Je vous sers une tasse de café ?
- Avec plaisir !
Luna avala le breuvage chaud et corsé avec gratitude, tandis que Matthew expliquait :
- Si vous êtes d'accord, je vous emmener voir ma mère ce matin, afin qu'elle vous examine.
- Je ne suis pas malade, je vous assure : je vais très bien !
- Je ne pense pas que vous soyiez malade, mais vous avez une perte de mémoire. Vous n'aviez hier soir plus aucune idée de l'année où nous sommes…
- Je sais très bien en quelle année je vis et je dois retourner… et ce n'est pas en mille-huit-cent-soixante-douze !
- En quelle année alors ?
- En mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf…
Matthew la regarda sans rien dire mais grimaça.
- Vous pensez que je suis folle ? Je vous l'ai dit, je suis une sorcière…
- Écoutez, nous allons voir ma mère, elle aura peut -être une meilleure idée que moi pour résoudre votre problème… Je vais seller mon cheval, attendez-moi devant la maison…
- Votre cheval ?!
Luna n'eut pas de réponse : lorsque Matthew revint, il tenait par les rênes un magnifique cheval alezan.
Il vérifia la sangle, puis se mit en selle et lui tendit la main :
- En route !
- Mais je…
- N'ayez pas peur, il est très gentil.
- Ce n'est pas ça, dit Luna qui adorait les animaux, mais je ne suis jamais montée…
- Je vais vous aider, approchez.
Luna lui tendit le bras et se sentit hissée malgré elle d'un mouvement puissant qui la mit en croupe derrière Matthew en quelques secondes.
- Accrochez-vous bien, on va se mettre au galop pour aller plus vite, ça va secouer un peu.
Luna encercla de ses bras le corps de Matthew : c'était la première fois qu'elle osait entreprendre ce genre de contact avec un garçon. Elle sentit la chaleur et la dureté de ses muscles à travers le tissu rugueux de sa chemise, mais à peine ce contact fit furieusement s'embraser ses joues que le jeune homme d'un claquement de langue mit sa monture obéissante au galop et elle fut secouée comme un prunier, bringuebalant en tous sens, passive, sans aucun contrôle sur ses mouvements.
- ça va ? demanda Matthew au bout de quelques foulées.
- On va dire ça ! haleta Luna, essayant difficilement de lutter pour ne pas glisser.
- Essayez de ne pas vous crisper, mais au contraire, détendez-vous et accompagnez le mouvement, ce sera plus agréable…
Luna essaya de suivre ses conseils, et curieusement ils portèrent leurs fruits. Elle apprécia presque la fin du déplacement, observant du coin de l'œil le paysage qui défilait à ses côtés. Enfin, au bout d'une bonne vingtaine de minutes, elle vit apparaitre au débouché d'une clairière une grande et magnifique maison en bois. Devant la maison, deux chevaux broutaient dans un enclos, devant la barrière duquel Mathew s'arrêta. Il sauta à terre souplement et aida Luna à descendre de sa monture.
- Nous sommes arrivés. Pas trop secouée ? Par contre, éviter de parler de cette histoire de sorcières et moldus à ma mère, s'il vous plait…
Luna s'apprêtait à lui répondre quand une voix féminine l'interrompit :
- Mathew ? Que se passe-t-il ?
Une femme d'une cinquantaine d'années, aux longs cheveux châtain cuivrés se tenait sur le seuil de la maison, une fillette de deux ans à peine calée sur sa hanche :
- Docteur Mike, je ne vous dérange pas ?
- Jamais Mathew, tu le sais bien… Qui est cette jeune personne ?
- Je vais vous expliquer…
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Lorsque le Dr Mikaela Quinn eut terminé son examen de Luna, Mathew n'était pas plus avancé qu'avant son arrivée. Luna était en parfaite santé physique, elle semblait avoir toutes ses facultés, à l'exception de sa perte de mémoire inexplicable…
Le Dr Mike recommanda à Mathew d'envoyer des télégrammes aux différents shérifs des comtés voisins afin de voir si la disparition d'une jeune fille correspondant à la description de Luna avait été signalée. En attendant, elle recommanda que Luna reste dans un environnement calme, pour espérer que sa mémoire lui revienne. Le Dr Quinn suggéra gentiment que Luna occupe la chambre de Colleen, inoccupée depuis son départ pour l'université. Luna jeta un regard effrayée vers Matthew.
- Vous pouvez faire totalement confiance au Dr Mike pour s'occuper de vous, la rassura Matthew en souriant.
- Mais… vous reviendrez me voir ?
- Bien sûr, je reviendrai vous voir tous les jours, si le Dr Mike n'y voit pas d'inconvénient.
- Bien au contraire Matthew, je pense que cette jeune fille a besoin d'être entourée de nous tous, toi tout particulièrement puisque tu l'as aidée, tu joues donc un rôle tout particulier pour sa stabilité mentale. Et cette stabilité peut certainement favoriser sa guérison. Le fait de parler avec elle peut accélérer le retour de sa mémoire …
- Je ne suis pas malade, docteur, sourit Luna.
- Non, bien sûr que non, mais vous souhaitez rentrer chez vous et retrouvez votre famille ?
Le sourire de Luna s'estompa.
- Nous vous y aiderons ! promit le docteur Mike.
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Luna se faisait à cette nouvelle vie qu'elle espérait la plus provisoire possible ; elle avait une chambre agréable, de la nourriture, et de la compagnie. Elle avait fait connaissance avec toute la famille de Mathew. Sully le mari du Docteur Mike, s'était révélé très gentil, malgré son aspect sauvage au premier abord, et on voyait que lui et le Dr Mike étaient très amoureux. Kathy, leur fille, était un bébé adorable et facile, ne pleurant presque jamais, et acceptant de bonne grâce de se retrouver dans les bras de Luna lorsque sa mère devait gérer une urgence médicale ou préparer le repas. Quant à Brian, le petit frère de Mathew, il était très gentil aussi et lui fit bon accueil.
Mathew tenait sa promesse et venait la voir dès qu'il avait du temps. Le dimanche, toute la famille se retrouvait à la messe et si le temps le permettait, ils pique-niquaient sur l'herbe. Ensuite Mathew et elle restaient autour de la maison du Docteur Mike et discutaient.
Secrètement, Luna tentait de pratiquer des sortilèges sans baguette : elle savait que c'était possible et que beaucoup de grands sorciers y parvenaient sans peine, mais hélas, elle n'avait jamais excellé dans cette discipline, qui n'était que peu enseignée à Poudlard.
- Alors, comment est-ce en mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf ? demanda un soir Mathew alors qu'il venait diner chez le Dr Mike, et discutait avec Luna sur le perron de la maison en attendant le repas.
- Je pensais que vous ne me croyiez pas, ironisa Luna.
- En parler vous aidera peut-être à comprendre ce qui vous est arrivé et à retrouver la mémoire…
Luna soupira et essaya d'expliquer
- C'est différent… et pourtant identique… Chez les Moldus, on ne voyage plus à cheval mais en voiture, qui roule toute seule…
- Comme le train ?
- Un peu mais en plus petit… Que vous dire d'autre ? L'homme est allé sur la lune, on a les téléphones… On soigne plein de maladies… Il y a des guerres aussi…
- Même chez les sorciers ?
- Hélas oui, parfois…
- Et le monde des sorciers, comment est-ce ? Vous avez des chapeaux pointus ? Des balais ?
- Oui, des balais…
- Qui volent ?
- Oui, sourit Luna, et une baguette… Trente-quatre centimètre, bois de rose souple et crin de licorne pour la mienne, soupira-t-elle. Faite sur mesure par Ollivander, le plus grande maitre en matière de confection de baguette…
- Et avec votre baguette, vous jetez des sorts ?
- Évidemment, je suis une sorcière…
- Mais vous êtes incapable de me le prouver… Donc puisque vous ne pouvez faire preuve d'aucun pouvoir magique, c'est comme si vous ne l'étiez pas, exact ?
- Exact, reconnut Luna, en se mordillant la lèvre d'exaspération à l'aveu de sa propre faiblesse.
- Et votre famille ?
- Ma mère est morte, mon père m'a élevé seul depuis que je suis toute petite.
- Moi aussi, ma mère est morte…
- Votre mère ce n'est pas le Dr Mike ?
- C'est ma mère adoptive, ma mère est morte mordue par un crotale quand j'avais seize ans.
- Et Sully est votre père ?
- Non plus, mon père nous a laissé, ma sœur, mon frère est moi pour se remarier, et il nous a confié au Dr Mike et Sully.
- Il ne vous manque pas ?
- Non, pas vraiment…
- Moi, mon père me manque… et il doit être fou d'inquiétude à l'heure qu'il est…
Luna éclata soudain en sanglots, la tête entre ses mains pour cacher ses larmes. Matthew l'attira contre elle et tenta de la rassurer :
- Nous allons le retrouver, je vous promets, nous allons faire tout notre possible…
Contre Matthew, Luna se laissa aller, laissant sortir sa tristesse et son désespoir. L'odeur rassurante et bizarrement familière de jeune homme l'apaisa et petit à petit les hoquets de ses sanglots diminuèrent et ses larmes se tarirent.
Lorsqu'il sentit qu'elle était calmée, Mathew relâcha son étreinte. Alors que Luna relevait ses yeux vers lui, sans réfléchir, il glissa un pouce pour essuyer la goutte salée sur sa joue droite. Un sentiment, le même, les traversa alors tous les deux simultanément, une attirance inexplicable, comme un déjà-vu, comme une évidence. Ce sentiment si fort les fit reculer l'un et l'autre, alors qu'au même moment, le docteur Mike les appelait pour manger…
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- Alors, toujours pas de nouvelle ? demanda le docteur Mike à Matthew comme chaque jour depuis qu'il revenait voir Luna.
- Non, aucune connaissance nulle part d'un Xénophilius Lovegood ou d'un village nommé Loustry Sainte Chaspoule - ou d'une école Poudlard, ou de Moldus, grommela-t-il pour lui-même…
- Je pense qu'il va falloir lui trouver une maison, on ne peut pas la garder éternellement ici…
- Dr Mike, où irait-elle ? De quoi vivrait-elle ?
Le docteur Mike ne répondit rien, elle n'avait pas la réponse.
- En attendant qu'on trouve une solution, elle peut bien sûr rester à la maison, mais quand Colleen reviendra pour les vacances, il faudra lui trouver un lit d'appoint…
- Je voudrais emmener Luna en promenade dimanche après-midi, c'est possible ?
- Je pense qu'il n'y a pas de problème Matthew, tu as l'air d'apprécier sa compagnie, sourit-elle.
- Et c'est mal ?
- Non, pas du tout, mais dans le cas où elle viendrait à retrouver la mémoire et repartir, je pense que tu ne devrais pas trop t'attacher…
- Je… ne m'attache pas…
Le docteur Mike sourit pour toute réponse devant le mensonge éhonté de son fils.
Matthew avait emprunté le cheval du docteur Mike, et comme Luna ne savait pas conduire, il tenait les rênes de son cheval d'une main et de l'autre, celle du cheval du docteur Mike, qui suivait docilement au pas, allure qui ne posait pas de problème à la cavalière débutante pour rester en selle. Il la conduisit jusqu'à son endroit fétiche, près des sources chaudes, où une source jaillissait en cascade au milieu d'un charmant petit étang bordé de hauts sapins et de fleurs parfumées.
- Comme c'est beau, constata Luna en souriant.
- J'aime bien venir ici, pour être au calme, sourit Matthew.
- Je vous comprends…
Matthew attacha les chevaux à un arbre, et ils s'assirent tous deux au bord de l'étang face à la cascade.
- Écoutez Luna, l'informa Matthew après quelques instants, j'ai contacté tous les bureaux de shérifs du comté, et des grandes villes avoisinantes, personne ne retrouve la trace de votre père, personne n'a entendu parler du village d'où vous venez…
- Je sais, c'est tout à fait normal, ni village ni mon mère n'existent encore dans votre époque…
- En admettant que ce que vous dites soit vrai, comment faire pour vous faire rentrer chez vous ?
- Vous me croyez maintenant ? s'étonna Luna.
- Que je vous crois ou non ne change rien au fait que je n'ai hélas aucune solution pour vous aider…
- Ce n'est pas grave, vous avez fait ce que vous pouviez, et si vous me croyiez, ce serait déjà beaucoup pour moi, murmura Luna les larmes aux yeux.
- Écoutez Luna, j'ai une proposition à vous faire : elle va sans doute vous paraitre folle, mais… je… j'ai un aveu à vous faire, j'ai l'impression de vous connaitre, de vous connaitre depuis toujours…
- J'ai la même impression, sourit Luna.
- S'il vous plait, ne me coupez pas, c'est déjà assez difficile comme ça ! Je veux vous proposer… de… J'aimerais que… Luna, épousez-moi !
Luna écarquilla ses grands yeux bleus dévisageant Matthew dont les joues avaient pris une teinte écarlate à son difficile aveu.
- Si vous ne pouvez pas retourner chez vous, si vous êtes coincée ici, en mille-huit-cent-soixante-douze, alors épousez-moi ! Je ne suis pas très riche, mais je suis travailleur, honnête, j'essaie d'être un bon chrétien… Je vous promets de tout faire pour vous donner la meilleure vie qui soit et pour vous rendre heureuse. Je dois vous l'avouer maintenant : je suis tombé amoureux de vous à la seconde où je vous ai vue pour la première fois…
- Matthew, je ne sais pas quoi vous dire… Luna hocha la tête, désemparée.
- Voulez-vous me donner une chance ?
- Je…
La tirant vers lui, Matthew fit se relever Luna, puis gardant toujours ses mains aux creux des siennes, mit un genou à terre devant elle et l'air solennel et sérieux, déclara :
- Luna Lovegood, je vous aime, voulez-vous m'épouser ?
- C'est de la folie… Par Merlin !
- Ca veut dire non ?
Matthew attendait angoissé une réponse qui ne venait pas. Luna ferma les yeux puis les rouvrant, prit sa décision : ce jeune homme était charmant, gentil, il avait tout fait pour l'aider et maintenant il était prêt à offrir sa vie future sans aucune concession ni retour pour donner un avenir à une Serdaigle dans le passé et dans le Colorado, dans ce qui serait son ici, son maintenant et son futur jusqu'à la fin de ses jours… Ce jeune homme était fait pour elle, peut-être était-il même en fait sa destinée, qui sait ?
- Oui, répondit-elle simplement, fermant sa réflexion galopante pour laisser parler son instinct enfoui dans son coeur.
- Oui ? demanda-t- il à nouveau, voulant être sûr d'avoir bien entendu
- Oui ! répéta-t-elle plus fermement.
Matthew se redressa, n'en croyant pas ses oreilles : il attrapa Luna entre ses bras et la fit tournoyer autour de lui, éclatant d'un rire joyeux. Puis délicatement, il la reposa, ôta son chapeau, et timidement, penchant légèrement la tête, la baissa vers Luna, attendant son accord… Elle lui sourit pour réponse, et il ferma l'espace entre eux pour déposer un tendre baiser sur ses lèvres…
Aussitôt, une lueur blanche sortit du corps de Luna, les faisant sursauter et se détacher l'un de l'autre, tandis que la lueur prenait progressivement vie sous forme d'un lièvre qui sauta tout autour d'eux.
- Qu'est-ce que… ? Le regard de Matthew semblait à la fois émerveillé et terrorisé.
- Mon Patronus, n'ayez pas peur, rassura Luna. Puis se tournant vers le lièvre, elle ordonna d'un mouvement de l'index :
- Va trouver mon père, dis-lui où et quand je suis, s'il te plait, et surtout dis-lui que je vais bien…
Aussitôt, le lièvre se volatilisa dans un nuage de brume légère…
- J'espère qu'il parviendra à sa destination…
- C'est incroyable, vous ne m'aviez pas menti, vous êtes vraiment…
- Une sorcière, oui… Vous voulez toujours m'épouser malgré ça ? le défia-t-elle le menton levé
- Plus que jamais, je sais maintenant que vous avez toujours été parfaitement sincère, et je regrette de ne pas vous avoir fait confiance depuis le début…Je vous en demande pardon. Mais je serai toujours là pour vous, si vous voulez toujours de moi…
- Je veux toujours de vous, Matthew Cooper…
Et se dressant sur la pointe des pieds, Luna entreprit d'embrasser Mathew avec la ferveur qui elle l'espérait dissiperait tous ses doutes…
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Ce dimanche sept juillet mille-huit-cent-soixante-douze, Luna est habillée par le Dr Mike et Colleen, revenue pour l'occasion de ses études à l'université de Pennsylvanie – elle n'allait surement pas manquer le mariage de son grand frère ! Le Dr Mike lui a commandé une robe en satin et dentelles blanche – quelque chose de neuf - et Colleen a coiffé adroitement ses cheveux blonds en un chignon élégant retenu par des épingles dorées qu'elle lui prête pour l'occasion – quelque chose d'emprunté - chignon dont les boucles fines retombent avec grâce sur son cou fin, orné d'un collier de perles hérité de sa grand-mère paternelle par le docteur Mike – quelque chose de vieux. Une couronne de fleurs de myosotis – quelque chose de bleu - complète sa coiffure, dont le bleu complète à merveille celui de ses yeux.
Lorsqu'elle entre dans la petite église de Colorado Springs au bras de Sully qui a gentiment accepté de jouer ce rôle à la demande de Matthew, son pas est tremblant. Elle marque un temps d'arrêt, et elle ne peut s'empêcher de regretter l'absence de son père. Elle se demande si elle ne commet pas une erreur, si elle a fait le bon choix : son père l'aurait rassurée, mais il n'est pas là, et il lui manque soudain cruellement. Ce n'est que lorsqu'elle croise le regard de Mathew, élégant dans son magnifique costume gris perle tout neuf, que son doute s'efface. Il la regarde avec un mélange de tendresse, d'adoration, de respect, de volonté, de sérénité et surtout de bonheur qui ne laisse place à aucune question.
Au son de la marche nuptiale jouée au petit harmonium, elle reprend un pas plus assuré, lorsque la porte de l'église s'ouvre avec bruit et un cri interrompt son avancée :
- Luna !
La musique s'arrête, un murmure de l'assemblée, puis le silence : Luna se tourne, n'osant croire à ce qui arrive. Cette voix, elle l'aurait reconnue entre mille, c'est celle de son père.
Elle lâche le bras de Sully et parcourt les quelques mètres qui la séparent de lui, et vient se jeter dans ses bras.
- Luna, ma Luna ! Ma petite fille ! Ma chérie !
Elle sent ses bras qui la serrent, elle ne veut penser qu'au bonheur présent de l'avoir retrouvé. Les secondes passées lui semblent avoir été des minutes alors qu'elle relâche son étreinte folle et le regarde. Il n'a pas changé, mise à part des cernes sous ses yeux pâles qui témoignent de l'inquiétude qu'il a subi durant les mois de sa disparition.
- Ma chérie, nous rentrons, nous rentrons tout de suite à la maison…
Et Xénophilius l'entraine à sa suite, sûr de son obéissance docile, lorsque Luna l'arrête, le retenant sa main. Elle tourne la tête vers Matthew qui la contemple, abasourdi et désespéré, déjà presque résigné devant la certitude de la perdre, et ce regard la fait souffrir plus qu'elle ne peut le supporter...
- Papa, je ne peux pas partir…
- Comment ça ?
- Non, en fait, ce n'est pas que je ne peux pas ; c'est que je ne veux pas …
Elle sourit à Matthew pour le rassurer puis se retourne vers son père :
- Je vais me marier, papa ! Je vais épouser Matthew Cooper, cet homme. Mais si tu veux me conduire à l'autel, tu feras de moi une femme comblée, la plus heureuse du monde !
- Tu es sûre, ma Luna ?
- Absolument certaine.
- Très bien, je ne veux que ton bonheur, mon enfant. Alors, si tu es décidée, prends mon bras…
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- Je dois repartir, le philtre mis sur le portoloin que j'ai utilisé pour venir n'agira plus que pendant trente minutes, mais je reviendrai te voir. De toute façon, je tiens à rencontrer mes futurs petits-enfants. Si tu as des ennuis, tu n'auras qu'à m'envoyer à nouveau un Patronus…
- Papa, je ne sais pas comment j'ai fait pour t'envoyer le dernier, expliqua Luna.
- Je pense que ce sera plus facile avec ceci, sourit Xénophilius en sortant de sa cape la baguette en bois de rose et crin de licorne familière.
- Oh papa, ma baguette ! Tu l'as ramenée !
- Évidemment ! Luna sans sa baguette ne serait pas Luna…
- Merci ! Ce sera plus facile pour communiquer désormais.
- Ton époux est au courant ? demanda Xénophilius en fronçant les sourcils devant l'air impassible de Mathew à côté d'eux.
- Je suis au courant que votre fille est une sorcière, la meilleure – et la seule - que je connaisse, rit Matthew. Luna lui sourit en réponse.
- N'oubliez pas, Matthew, vous devez être le seul au courant.
- Vous pouvez compter sur moi pour garder le secret. Et pour prendre soin de votre fille.
- Merci, papa ! Je t'aime ! déclara Luna dans une dernière étreinte.
- Je t'aime, ma Luna ! A bientôt !
Et Xénophilius, saisissant la théière qui avait fait office de portoloin, disparut avec l'objet dans un tourbillon gris.
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Deux ans plus tard, Luna habite toujours la petite maison de bois près de Colorado Springs. Son époux Matthew, sur ses encouragements, a commencé des études pour devenir avocat. Luna n'utilise qu'avec parcimonie la magie, se limitant au strict nécessaire pour rester discrète. Même le docteur Mike n'a jamais rien vu transparaitre, malgré sa perspicacité. Luna ne regrette aucune la vie qu'elle mène désormais : c'est une vie simple et modeste mais elle est heureuse. Lorsqu'elle cuisine, sa fille de deux ans accrochée à ses jupons, et qu'elle sent les mains de Matthew se poser sur son ventre arrondi et lourd de la naissance prochaine, elle ressent tout l'amour qu'il lui porte alors que ses lèvres se glissent amoureusement dans son cou. Et de temps en temps, lorsqu'elle lève ses yeux vers le ciel, un aigle qui passe lui envoie un cri victorieux qui lui rappelle que sa place est ici, dans le Colorado …
FIN
