Aujourd'hui, nous visitons le pays des Cascades ! Nous commençons à connaître la tendance, rejoindre la deuxième prophétesse sera bien plus dur que prévu... Evidemment.

Sur ce, bonne lecture !

[Aucun avertissement ne s'applique à ce chapitre]


Chapitre 13 - Après le courage, la sagesse

- Est-ce que tu savais que les arbres pouvaient être violets ? Demanda Link en s'approchant de l'arbre qu'elles recherchaient.

Honnêtement, et ce malgré ses expériences, pour elle, ce fait était auparavant inconcevable. Un arbre violet ne pouvait pas exister, ou en tout cas pas dans les régions occupées par les Sheikahs, ni dans l'ancien Hyrule. A en croire l'expression perplexe d'Hylia, elle n'en avait jamais vu jusqu'à présent.

- Il me semble qu'un virus permet de changer la couleur de l'arbre...

La mercenaire se dépêcha de retirer sa main de l'écorce pourpre sous le doux rire de la prêtresse. Petra sauta en arrière, gazouillant dans son entourage son inquiétude affolée, avant de la pousser jusqu'à la petite rivière coulant à proximité. Oko trilla un gloussement profond, la femme plus âgée secoua la tête face à cette scène.

- Le virus n'attaque que les arbres, expliqua-t-elle après que la vagabonde avait passé les cinq dernières minutes à nettoyer sa main.

- Tu pouvais pas le dire plus tôt ?!

Le célestrier rouge, plutôt que de se plaindre de la lenteur de l'explication, parut soupirer de soulagement à cette nouvelle. Elle se pencha en avant, réclamant une caresse de son amie. Link, une fois calmée, se tourna vers la plaine cachée derrière un petit escarpement rocheux.

Le pays des Cascades ne possédait pas le plus grand des territoires, ni n'était même une plaine à proprement parler. Bordant respectivement quatre nations, le Mont Péril, la forêt, l'ancien Hyrule et le Nord du pays des Sheikahs, il était connu pour ses nombreux trous d'eau au travers de ses paysages en collines douces et pics de calcaire, ainsi que pour ses abondantes cascades recelant de trésors et légendes. Le lac de Nayru lui-même, le plus grand lac du monde, serait divisé en deux sections : l'une au dessus de l'autre, séparées par de grandes jetées et rochers pointus. Des témoignages des quelques Zoras l'ayant évoquée, si la baignade dans la partie basse était amusante, celle de la partie haute demeurait dangereuse, quel que soit le niveau du plongeur.

Les deux voyageuses se trouvaient au point le plus au Nord du pays, l'arbre mauve dominait une cuve d'eau douce dans laquelle poussaient de nombreuses plantes aquatiques. Hylia les examinait curieusement, Oko se retrouva à renifler une fleur transparente. Link sourit, reconnaissant les atours de calcaire de la roche, les sillons creusés par l'érosion de l'eau, la mousse si visqueuse qu'elle collait aux parois même par giboulée. Quelques nénuphars peuplaient la surface, les fleurs de lotus n'attendaient que la bonne saison pour éclore. Un courant d'air froid souleva leurs tenues légères.

Le pays des Cascades, dans toute sa grâce fluviale, était la deuxième étape.

Samada n'avait pas été avare en détails. La prophétesse leur avait effectivement expliqué ce qu'elles avaient besoin de savoir pour avancer. Les quatre gardiennes de la Triforce s'étaient séparées depuis longtemps, cachées dans des temples construits à l'intention des déesses d'or, protégeant chacune un fragment. Deux sœurs chargées de surveiller les deux autres éléments s'étaient réfugiées dans les pays vénérant leurs divinités.

Si Din adorait le feu et la chaleur, la majeure partie de ses statues ayant été construites dans le désert, Nayru préférait tout ce qui avait un semblant d'eau. Si ce n'étaient ni les pics gelées du sommet du Mont Péril, ni les abysses des Sirènes, alors il ne pouvait s'agir que du pays des Cascades.

Un pays que les mercenaires avaient déjà eu le loisir d'explorer.

Aussi, quand Samada leur avait désigné le lieu de résidence de sa sœur de la Sagesse, elle n'avait pas été surprise. Quoi de mieux pour la servante de Nayru que le temple de sa déesse ? C'était parfaitement logique. Néanmoins, pour y avoir accès, cela serait déjà bien plus compliqué. Les Zoras, bien que calmes en temps normal, n'appréciaient pas beaucoup ceux qui s'approchaient trop près de leur lac sans autorisation. Le seul moyen de le rejoindre était de demander l'accord de leur roi, sinon de la reine des Sirènes, qui avait également la main-mise dessus. La deuxième serait impossible à trouver, celle-ci vivant sous la surface de la mer, mais le premier devait s'être installé dans la capitale de cette nation.

Heureusement, si Link ignorait tout de l'emplacement de celle-ci, elle connaissait celui d'un autre domaine Zora.

Imy serait surprise de la revoir aussi vite.

Hylia sortit de son exploration de la cuve pour guetter ce qu'elles pouvaient voir du pays. Pas grand chose, clairement moins que si elles grimpaient sur les célestriers, mais la mercenaire avait préféré marcher plutôt que de risquer une salve de flèches de la part des insulaires. N'en déplaise à l'Hyruléenne, cela faisait longtemps que les peuples de la terre n'avaient plus aperçu la moindre plume des grands oiseaux qui les accompagnaient. Elle ne voulait pas savoir ce qu'il se passerait quand - et non si - les Zoras confondraient Oko et Petra avec des monstres volants.

Il était plus prudent de faire le trajet à pieds. Sans conteste plus long, mais sans le risque de mourir embroché accidentellement par des gens qui, jusque là, ne s'étaient montrés que cordiaux.

Néanmoins, si les Zoras ne les combattraient pas, ce ne serait pas le cas des monstres. Fronçant les sourcils, la vagabonde rejoignit la prêtresse restée figée dans sa surveillance. Quelques unes de ces bêtes s'étaient adaptées à ce territoire très précis, au grand malheur des locaux. Certains s'étaient munis de palmes, d'autres avaient pris l'apparence de créatures aquatiques. Les derniers parvenaient, quant à eux, à marcher sur l'eau. La dernière fois, les mercenaires de Juju s'étaient retrouvés face à des Lycans et d'autres monstres du même type, mais ils étaient en réalité assez rares dans cette partie du monde. Les Lycans avaient tendance à favoriser les plaines et les clairières, les autres peuplaient en grande partie le Mont Péril.

Les monstres araignées adoraient les marécages, elles en croiseraient inévitablement. Quant aux monstres à l'apparence de lézard, la question méritait d'être posée. Peut-être des crocodiles.

Apercevant quelques créatures jouant dans l'eau, elle plissa les yeux, tentant de voir s'ils s'en cachaient dans les bassins. Quitte à sortir de leur cachette, il valait mieux ne pas se retrouver à affronter toute une horde. Sans la possibilité de fuir par les airs, personne ne sachant réellement repérer un Zora camouflé sous l'eau, et avec Hylia incapable de se battre, ce serait du suicide.

Si encore il y avait eu la compagnie...

Rejetant ses pensées néfastes, la vagabonde décida qu'elle pouvait partir en avant. Faisant un geste silencieux en direction de la prêtresse et des deux oiseaux - ne manquerait plus que Petra la rejoigne - elle se glissa dans les herbes folles qui peuplaient les alentours des rivières. Posant une main sur son épée, elle se pinça les lèvres. L'araignée géante ne l'avait pas encore remarquée, de même pour l'espèce de libellule titanesque.

Glissant Fay hors de son fourreau, Link sauta sur le monstre le plus proche, parvenant à lui trancher deux membres sur l'instant. L'araignée feula en arrière, la libellule vola dans sa direction. Se penchant sous l'assaut, la mercenaire en profita pour lui ouvrir l'abdomen d'une vilaine coupure. Elle dut toutefois se jeter loin du fil gluant que lui lançait son premier adversaire.

Attrapant un caillou, elle parvint à assommer quelques instants le monstre à huit pattes - plutôt six, du coup - pour achever de décapiter la bête volante. Puis, elle put courir donner un dernier coup d'estoc à l'autre. Sortant son épée du corps sans vie de l'araignée, la jeune femme regarda autour d'elle, l'arme prête. Un autre monstre araignée, jusque là recouvert par les broussailles, l'attaqua de loin, elle se jeta hors de son chemin.

Roulant sous l'assaut soudain d'une autre libellule géante, elle donna un coup de pied dans le crâne de son nouvel adversaire avant de le frapper mortellement. A nouveau, elle sauta loin de la toile empoisonnée. L'araignée se cachait dans les hautes herbes, profitant de la panique de l'esquive pour se déplacer furtivement autour d'elle. Un geste malin, elle ne pouvait que l'accepter. Heureusement pour la mercenaire et malheureusement pour son adversaire, ce n'était pas la première fois qu'elle affrontait un ennemi rusé.

Lançant une attaque circulaire qui coupa toutes les herbes autour d'elle, elle retrouva le monstre à huit pattes. Sans lui laisser le temps de se relever, Link l'abattit proprement.

Cette fois, quand elle regarda autour d'elle, il n'y avait plus de monstres.

Soupirant de soulagement, elle se tourna en direction de Petra avec un signe rassurant. Immédiatement, l'oiseau rouge arriva sur elle, gazouillant d'inquiétude. Olo marchait au rythme d'Hylia. Distraitement, la vagabonde nota que la prêtresse se déplaçait plus facilement que les premiers jours. Sûrement s'était-elle habituée aux sols tordus.

- Petra voulait te rejoindre, sourit l'Hyruléenne. Oko a refusé de la lâcher.

Cela expliquait l'aspect décoiffé de l'oiselle rouge. Link offrit une moue déçue à son amie.

- C'est dangereux, idiote ! Que je sache, tu sais pas te battre contre ces monstres !

Petra gonfla ses plumes, vexée. Oko trembla. L'un des deux était au moins au courant de ses compétences, et ce n'était pas son amie.

Regardant à nouveau le paysage, la mercenaire fronça les sourcils.

- C'est dans quelle direction, la grotte aux coraux ?

Hylia, d'abord surprise, sortit la carte de son sac. Se mordant la lèvre, elle désigna finalement une direction.

- De là où nous sommes... Sud-Ouest, à plusieurs dizaines de kilomètres. Pourquoi ?

- C'est le domaine clair, expliqua-t-elle en réponse. J'ai aucune idée d'où se trouve la capitale Zora, mais je suis prête à parier qu'Imy, le gouverneur local, sait très bien où elle se trouve.

Gardant Fay en main, elle trancha d'autres herbes. Un gecko courut au loin.

Oups.

- Pourquoi n'aurait-elle pas tout dit ?

Link lui offrit un sourire amer. Samada avait été gênée de le lui apprendre.

- Parce que nous sommes Hyliennes et Jujus. Un peuple qui se battait contre le monde, et l'autre qui appartient à la race Sheikah. Tu sais, ceux qui ont essayé de voler la Triforce ?

Hylia grimaça. Ce n'était pas quelque chose que l'on racontait facilement, mais la logique était simple à comprendre. Personne ne donnerait d'indications à un Sheikah, surtout pas après leur crime. De ce fait, si certains peuples savaient très bien où vivaient les prophétesses, actuelles gardiennes de l'artefact mystique, ce n'étaient pas eux. Surtout pas eux. Les Jujus avaient beau profiter d'une réputation plus paisible que celles de leurs frères, ils restaient Sheikahs avant tout. Si l'un des trois peuples avait été mis au courant, il l'aurait de suite dit aux deux autres.

Garder cela secret également des Jujus était plus prudent, elle pouvait le reconnaître. Malheureusement, ce n'était aujourd'hui plus une option. L'émeraude verte de Samada avec elle pourrait heureusement convaincre le roi de les guider jusqu'au temple de la Sagesse.

Après réflexion, elle se rendit compte que c'était une bonne chose qu'elles aient commencé par le Courage. Les Tikwis étaient l'une des races les moins méfiantes du monde.

Les quatre compagnons commencèrent leur chemin vers le domaine clair, laissant derrière eux un arbre malade, défiguré par des miasmes corrosifs. Un homme, à l'ombre des branches pourries, sourit.

Après Courage vient Sagesse. Après tout, si Farore l'impulsive commençait une quête, Nayru la penseuse serait la première à la rejoindre.

Et, sans que personne ne le sache, leur plan se mettrait en place.


Le domaine clair n'avait pas changé depuis la dernière fois, elle soupira de soulagement. Un mois de voyage. Voilà ce qu'il avait fallu pour traverser la courte distance - vingt kilomètres étaient courts, pour elle - qui les séparait de la grotte aux coraux. En temps normal, il n'aurait fallu au maximum qu'une semaine au plus, mais c'était sans compter plusieurs éléments. Le premier, et non des moindres, les monstres semblaient plus nombreux et agités qu'à l'accoutumé. Leur menace était telle qu'ils avaient dû avancer avec bien plus de prudence qu'au début de leur voyage. Le second, celui que sa bonne foi cherchait à excuser mais qui ne manquait pas d'énerver le reste de son être, était qu'Hylia était lente.

C'était normal, rationalisa son esprit en ébullition. Hylia n'avait pas l'habitude de marcher de longues distances sur des routes au mieux effacées, au pire inexistantes, il lui fallait donc plus de temps pour avancer au travers des marécages. Néanmoins, Link ne pouvait pas s'empêcher de regretter ses anciens compagnons. Malgré les blagues de Marion et Sauro, le groupe avait été efficace.

Un mois de marche. Un mois à se battre contre tous ces monstres excités pour une raison quelconque. Un mois à empêcher Petra de la rejoindre dans ses combats.

L'arrivée au domaine clair était inespérée.

Quelques Zoras la reconnurent, elle leur fit signe. Hylia semblait tout d'un coup intimidée. Les Tikwis ne possédaient pas de village à proprement parler, et leur petite taille couplée à leur timidité surnaturelle les rendaient plus attachants que menaçants. Les Zoras, par contre, étaient sans conteste plus grands et intimidants que n'importe quel Hylien.

Link ne les trouvait toutefois pas menaçants, du moins pas ceux-là. Juste gentils.

- Où sont les autres ? Demanda l'un d'entre eux, curieux.

Ce n'était pas dit méchamment, ni avec le moindre soupçon de cruauté derrière ces quelques mots, mais la mercenaire vécut le rappel difficilement. Perdant son sourire, elle déglutit.

- Le dragon des Vents a... perdu la raison.

La réaction, contre toute logique, fut immédiate. Les Zoras reculèrent, en panique, cherchant, dans les bribes de ciel pouvant être perçues du hall de la grotte, la trace invisible de celui qui devait avant tout être un dieu protecteur. Le chaos prit place dans la caverne sculptée. Les enfants regardaient les adultes avec choc, les parents les prenaient dans leurs bras.

Un dieu colérique. Après les monstres, cette nouvelle était horrible.

- Calmez-vous !

La voix d'une souveraine résonna impérieusement contre les parois alors qu'Imy apparaissait d'une petite cavité. La grande Zora dominait presque l'ensemble de son peuple, Link sentit ses yeux s'agrandir. Finalement, le peuple de l'eau douce avait eu une bonne raison de paniquer aussi rapidement.

De longues cicatrices recouvraient ses bras en des stries rouges sanguinolentes. Ce qui autrefois avaient été des motifs gracieux et élégants s'en trouvaient défigurés par des blessures handicapantes, des balafres sombres tranchaient sa poitrine.

Même si elle ne l'avait vue se battre qu'une fois contre Amèko, son ancien chef, Link savait qu'Imy était forte, assez pour vaincre de nombreux monstres, y compris les Lycans, pourtant réputés pour être parmi les pires adversaires. La voir dans un tel état ne signifiait qu'une seule chose.

Un ennemi dangereux rôdait.

La dirigeante du domaine clair traversa l'assemblée de Zoras pour les rejoindre. Jamais l'heureuse gardienne n'avait semblé si tendue. Son expression habituellement sereine et pétillante s'était renfermée en une grimace sérieuse et intimidante.

- Le dragon des Vents est devenu fou ? C'est quoi cette histoire ?

Ce fut Hylia qui s'avança. Quelques Zoras parurent surpris de voir une Hyruléenne. Link ne pouvait pas leur en vouloir. Les deux célestriers pépiaient auprès des quelques curieux à s'être approchés d'eux.

- Nous vivons malheureusement une situation extrêmement grave. Nous n'en connaissons pas tous les détails, mais je peux vous affirmer au moins une chose : le dragon des Vents ne sera plus un problème.

- Et vous êtes ?

- Hylia, prêtresse du Soleil.

Un vieux Zora sembla comprendre dans le fond, Link se nota d'aller lui demander des explications. Celles d'Hylia demeuraient floues.

Imy hocha la tête, les yeux plissés de suspicion.

- Et donc ? Qu'est-ce qui vous amène ici ?

Hylia était meilleure qu'elle pour parler avec des gens tendus. La mercenaire n'arrivait toujours pas à se remettre de la nouvelle apparence d'Imy.

- Nous devons réunir les prophétesses.

La nouvelle laissa un silence. Link ne l'avait pas encore formulé de cette façon, donc même pour elle, ce fut une surprise. Les prophétesses s'étaient séparées pour une raison : éviter que l'échec des Sheikahs ne soit répété. Les rassembler reviendrait à avouer que la fin du monde approchait.

Elle s'arrêta sur cette pensée. Le dragon des Vents avait perdu la raison, des monstres étaient apparus du jour au lendemain, et ce mage inconnu s'était montré capable de sceller le pouvoir de la prophétesse du Courage. Les bêtes pullulaient, l'émeraude de la Forêt avait presque disparu. Un regard sur les locaux lui confirma que dans ce pays aussi, la situation empirait. Oui, la fin du monde risquait d'arriver. Ou au moins quelque chose d'aussi grave.

C'était terrifiant.

Imy sembla suivre un cheminement de pensées similaire car son visage auparavant sérieux laissa paraître une colère sourde accompagnée d'une inquiétude sincère.

- Vous risquez d'avoir du mal. La prophétesse de la Sagesse est en ce moment-même attaquée par des monstres.

Oko piailla, les deux Hyliennes se tournèrent pour le trouver en train de se frotter une aile, un enfant tenant ce qui était clairement l'une de ses plumes dans sa main. Petra avait récupéré ses membres, guettant comment allait son compagnon.

- Est-ce que... quelqu'un s'en est pris au temple ? Demanda finalement Hylia.

Les Zoras parurent surpris.

- Comment le savez-vous ?

- C'est ce qui est arrivé à la prophétesse du Courage, dame Samada, expliqua Link après avoir vérifié comment allait l'oiseau bleu. Un mage avait scellé sa magie et la retenait prisonnière de sa tour.

Le vieux Zora de toute à l'heure ouvrit de grands yeux, quelques membres du public échangèrent des regards terrifiés. Comme si personne ne voulait rater la prochaine information, même si celle-ci s'avérait encore pire que la précédente, le silence régnait. Imy prit un temps pour digérer cette courte explication.

- Il... semblerait que nos problèmes soient similaires.

Après un court instant durant lequel elle sembla discuter silencieusement avec le vieil homme, elle continua.

- Je ne peux pas vous donner l'autorisation d'aller jusqu'au temple de Nayru. Seul notre roi le peut. La capitale... ne se trouve pas ici, mais au Nord, proche de la source de la rivière blanche.

Link se sentit bête, pour le nombre de fois qu'elle y avait croisé des Zoras en train de tremper dans cette dite-rivière, tout proche de l'amont. C'était évident, ils n'emmèneraient pas des enfants aussi loin de chez eux. Par contre, de là à penser qu'il s'agissait de la capitale, elle en était loin.

- Nous pouvons...

- Gouverneur !

Tous s'arrêtèrent quand un Zora armé entra précipitamment dans le domaine clair, un air paniqué et épuisé gâchant son visage. Plusieurs cicatrices ouvraient son corps écaillé, il avait été récemment blessé, sans doute juste avant de fuir jusqu'ici. Sa lance était cassée sur le bout, plusieurs fêlures déchiquetaient le manche. Elle reconnut les marques comme celles que faisaient les lézards humanoïdes avec leurs griffes.

L'homme trébucha entre Oko et Petra, les deux Hyliennes se dépêchèrent de s'écarter pour laisser les médecins l'approcher. Imy courut jusqu'à lui.

- Ils... ils ont emmené Mira !

Au milieu de la panique que ces quelques mots parvinrent à instiller autour d'eux, Link se glissa tout proche du petit attroupement.

- Que s'est-il passé ?

Imy lui lança un regard incertain mais demeura silencieuse, revenant à l'homme blessé dans ses bras. Celui-ci, remarquant que sa dirigeante attendait également une réponse, chercha ses mots.

- Nous... nous nous sommes approchés du camp de monstres, à la grotte des joyaux. Nous ne voulions que surveiller, vu qu'ils nous attaquent depuis quelques temps, mais nous avons été pris par surprise. J'ai réussi à fuir, mais les monstres ont capturé Mira.

Une Zora se trouvait actuellement sous la surveillance des monstres. La mercenaire n'avait pas encore assisté à ce genre de comportement auparavant, elle fronça les sourcils. Les monstres ne faisaient pas de prisonniers. Cela impliquait nombre de choses horribles, mais ce qu'ils pouvaient au moins reconnaître, c'était qu'aucun d'entre eux ne capturait d'adversaire. Cette situation n'avait de ce fait aucun sens. Se tournant vers la prêtresse, juste derrière elle, elle récupéra la carte. La grotte des joyaux se trouvait au Sud, à ce qui semblait être une centaine de kilomètres. Si elle voulait y arriver à temps, il fallait que Petra l'accompagne, qu'importe le risque de projectiles perdus.

Hylia lui lança un regard incertain.

- Tu comptes y aller ?

- Les monstres font pas de prisonniers, grogna-t-elle, le nez froncé. Si on fait rien, elle va mourir.

- Et la prophétesse ?

- Dame Samada a attendu plusieurs mois qu'on arrive !

C'était sans doute dur à entendre, mais la vie d'une Zora était en jeu, prophétesse ou non. Se relevant rapidement, Link revint sur ses pas, jusqu'à Petra.

- Rejoins la capitale tout de suite. Je vais à la grotte des joyaux, puis je vous rejoins.

- Seule ?!

Pas son meilleur plan, pas qu'elle ait jamais été une grande stratège, mais oui, seule. Elle fronça les sourcils, notant l'emplacement de la grotte sur la carte, avant d'enfourcher le célestrier rouge. Néanmoins, juste avant que son amie ne puisse décoller, Imy les rejoignit.

- Un conseil : fais attention. La situation a évolué depuis la dernière fois.

- Comment ça ?

La dirigeante du domaine clair désigna les longues plaies sur ses bras. La mercenaire ne connaissait qu'une seule espèce capable de provoquer ce genre de cicatrice, et la réponse ne lui plaisait pas. Car si cela s'avérait être vrai, leurs ennemis étaient bien plus diversifiés et dangereux que tout ce qu'elle avait pu imaginer jusqu'alors.

Malheureusement, le gouverneur Zora secoua la tête.

- Ils ont une Takeih de leur côté. Elle est forte, vraiment. J'ai déjà vu des Gorons et des Ikris, et même eux ne se rapprochaient pas de sa force. En plus, il semble qu'elle ait un contrôle total sur les monstres. Dès qu'elle fait un geste, ils obéissent.

Les monstres suivaient les ordres d'une personne seule et inconnue. Entre elle, le mage inconnu et Kohana qui courait encore quelque part dans la nature, l'armée rivale ne cessait de démontrer sa puissance.

Link pinça ses lèvres, mais hocha la tête.

Ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne la rencontre.


La grotte des joyaux se situait bien plus loin que ce qu'elle pensait à l'origine. Si elle y était allée à pieds, le trajet lui aurait pris un total de deux semaines, et ce le plus rapidement possible. A la place, il leur fallu trois jours de vol en ligne droite, quatre en comptant leur égarement.

Ce n'était pas comme cela qu'elle comptait trouver le domaine de l'aval, mais maintenant elle savait où il se trouvait.

Ce qui devait autrefois avoir été une grotte tout à fait splendide, colorée de perles de pierres précieuses au bout d'une allée ruisselante de couleurs, n'était plus qu'une antre sombre et lugubre recouverte de morceaux de bois flotté et de gadoue. Des Bokoblins grognaient en chœur devant l'entrée de leur repaire, elle en aperçut un possédant une clé. Sans doute pas celle qui devait ouvrir la cage de la prisonnière, si le nombre de serrures qu'elle pouvait apercevoir de sa cachette signifiait quelque chose.

Après avoir explicitement demandé à Petra de l'attendre le plus loin des combats, elle se glissa jusqu'aux arbres les plus proches de l'immense flaque. L'eau devait lui arriver aux chevilles, sans doute aux genoux au plus profond, marcher ne serait donc pas un problème.

Comptant le nombre d'ennemis, elle grimaça. Amèko lui aurait crié dessus de prendre des risques inutiles. Marion n'aurait sans doute pas été bien loin derrière, Signaré promettant de ne pas la soigner à la prochaine cascade inconsidérée. Ils l'auraient ensuite accompagnée, guettant ce même camp de monstres, cherchant la meilleure stratégie pour l'attaquer.

Mais elle était seule, devant compter sur ses capacités d'épéiste et quelques stratégies absurdes développées durant son temps en solitaire pour vaincre ces ennemis et sauver l'otage.

Rejetant ces pensées sombres, elle chercha du regard où se trouvait Mira. La Zora était grande, d'un bleu oscillant entre le clair et le sombre, son armure était composée de plaques de laiton accrochées par des lanières de cuir. Elle ne serait pas capable de la manquer, normalement.

Et elle ne la rata pas.

Mira s'était agenouillée dans une prison de bois mais aux barreaux en fer, à l'intérieur de la grotte. Quelques monstres la surveillaient, mais la plupart s'était abandonnée à ses occupations. Que des Bokoblins, la vagabonde se permit de respirer. Ils ne brillaient pas parmi les forts. Bien que quelques uns d'entre eux puissent s'illustrer, ce n'était rien d'exceptionnel par rapport à ceux qu'elle avait déjà affrontés. Peut-être y aurait-il plus de monstres à l'intérieur.

Cette pensée n'améliora pas son moral alors qu'elle empoignait un cadeau des Tikwis. Samada avait ri en l'apercevant, quiconque la connaissait au moins un peu savait qu'il ne fallait surtout pas lui confier ce genre d'objet.

Mais les Tikwis ne la connaissaient pas.

Balançant la bombe dans un coin du camp, détruisant au passage des barils de poudre imprudemment gardés en extérieur, elle tua les deux premiers Bokoblins qui, encore surpris de l'attaque, lui tournaient le dos. Discrètement, elle se glissa derrière deux autres, qu'elle termina de la même façon. Une fois le choc passé, les autres commencèrent à la remarquer. Certains avaient encore leurs armes. D'autres, par contre, durent courir les récupérer. C'était ceux-là, les désarmés, qu'elle acheva pour commencer.

Esquivant loin des matraques de monstres, elle courut au corps à corps, éliminant trois Bokoblins d'une attaque circulaire particulièrement maladroite. Un nouveau saut sur le côté, aidé par sa perte d'équilibre, un troisième en arrière, elle asséna un coup de pied dans le museau le plus proche. Un fouet l'arrêta momentanément, elle savait déjà comment s'en débarrasser. Agrippant l'arme ennemie, elle sourit vicieusement à son intention.

Le monstre n'avait sans doute pas prévu de se retrouver traîné jusqu'à elle avant de se prendre une épée dans le plexus solaire.

Se baissant sous une charge aveugle, faisant trébucher son adversaire de face par un rapide mouvement de jambe, elle tua trois autres monstres. Les Bokoblins rouges n'étaient pas bien forts, elle s'en occupait facilement.

Les bleus étaient un peu plus durs.

L'un des nouveaux adversaires tenait une longue épée dans ses paumes crochues, elle la para avec la sienne. Un coup de pied dans les jambes le fit trébucher, elle le décapita. Les Lycans étaient plus forts. Les lézards monstrueux étaient rapides. Les monstres-tortues qu'elle avait aperçus une fois sur la plage étaient résistants.

Au final, les Bokoblins n'étaient pas grand chose face à elle.

Dansant entre deux lames de bois, elle compta rapidement les ennemis restants. De ceux qui surveillaient l'extérieur, il n'en restait que cinq.

Se débarrassant des deux gênants, elle revint à ceux qui lui tiraient des flèches dessus. L'une d'entre elles coupa une fine plaie sur sa joue, elle courut jusqu'à l'archer. Les deux derniers monstres paniquèrent et tentèrent de la tuer.

Soupirant en retirant Fay du corps meurtri du dernier monstre, Link sourit en direction de Petra. Son amie sautilla jusqu'à elle, reniflant curieusement l'une des carcasses avant de reculer face à sa puanteur.

- Bon... Allons à l'intérieur, souffla-t-elle après avoir repris son souffle.

Si l'extérieur avait été défiguré, l'intérieur pouvait au moins se vanter d'avoir conservé une partie de sa beauté. Les joyaux reposaient contre la roche en une mosaïque émiettée, elle était bien contente de ne pas se promener pieds nus. Les saphirs pouvaient se montrer tranchants.

Mira s'était relevée depuis longtemps, les mains palmées tenant les barreaux de fer.

Maintenant, comment des monstres étaient parvenus à mettre la main sur un tel ouvrage, telle était la question.

- T'es l'une des Hyliennes qui viennent quelques fois au domaine, non ?

Link lui sourit.

- Ouais ! J'étais sur place quand ton ami est revenu.

La Zora fit la moue.

- Ouais, pas notre plus grand fait d'armes... Question bête, est-ce que la clé du monstre est la bonne ?

Petra arriva près d'elle avec la dite-clé, elle s'y essaya. La déception balaya l'éventuelle bonne humeur qu'elles auraient pu avoir.

- Évidemment, ce serait trop facile... j'ai aucune idée d'où se trouve la bonne clé par contre. Les monstres se sont installés plus loin, je crois qu'ils ont pris possession de la grotte. C'est chiant, je sais, mais est-ce que tu pourrais m'aider ? J'ai pas envie de croupir ici un jour... une semaine de plus.

La mercenaire renifla, reconnaissant qu'une cellule n'était pas la meilleure chambre qu'elle ai vue jusqu'à présent. Partant à la recherche de ce que pouvait bien ouvrir cette clé, elle retourna à l'extérieur. Trois des quatre coffres n'étaient pas fermés, elle trouva dedans deux potions régénératrices, et une vingtaine de rubis. Le quatrième était quant à lui celui qu'elle cherchait.

L'objet la laissa silencieuse un instant.

- Qu'est-ce que c'est ? Appela Mira de sa prison.

Link se retourna vers elle, tenant la sphère à bout de bras. La soldate du domaine clair la reconnut.

- Oh ça ? C'est la perle d'eau. Normalement, avec, tu peux respirer quelques secondes sous l'eau. L'écaille dedans, elle appartient à notre reine. C'est elle qui l'a faite. Je sais plus pourquoi par contre...

Accrochant la perle d'eau avec sa boule lumineuse - si elle connaissait le nom que la « bouboule qui brille » - surnom approuvé par les Tikwis - porterait dans le futur, elle exploserait de rire - la vagabonde retourna dans la grotte.

Il n'y avait qu'un chemin.

- Bon courage, lui souhaita la prisonnière.

Elle ne pensait pas si bien dire.


Moi ? Agrémenter le voyage de quelques quêtes secondaires pour remplir un quota flou que personne ne comprend vraiment ? Noooon...

Peut-être un peu.

En dehors de cela, pour ceux qui s'en sont fait la remarque, oui, la perle d'eau est belle est bien tirée de l'écaille à récupérer pour rejoindre le deuxième donjon d'Ocarina of Time. Les Hyliens, de ce que je sais, ne peuvent pas respirer sous l'eau. Il me fallait une excuse pour ne pas noyer Link à la première baignade.

Bref. Le prochain chapitre se déroulera donc dans ce mini-donjon.

A la prochaine !