Hello, hello!

Bon j'espère que tout le monde va bien et qu'il reste quelques lecteurs ;) Les updates sont toujours aussi espacées, désolée, je fais de mon mieux. J'espère pouvoir profiter des vacances pour me refaire un ou deux films et me remettre dans l'ambiance.

Merci à tous pour vos reviews, elles me vont droit au coeur et m'aident souvent à me remettre au travail.

Merci à Elisa pour le beta-reading.

Sans plus de blabla, voilà vos 25 pages, je crois qu'on est pas loin d'un record.

Enjoy & Review


There's a reason I said I'd be happy alone. It wasn't because I thought I'd be happy alone. It was because I thought if I love someone and it fell apart, I might not make it. It's easier to be alone because what if you learn you need love and then you don't have it? What if you like it and lean on it? What if you shape your life around it and then it falls apart? Can you even survive that kind of pain? Loosing love is like organ damage. It's like dying. The only difference is death ends. This could go on forever.

Meredith Grey, Grey's Anatomy

Il y a une raison si j'ai dit que je serais heureuse toute seule. Ce n'était pas parce que je pensais que je serais heureuse toute seule. C'était parce que je pensais que si j'aimais quelqu'un et que ça ne marchait pas, je ne m'en sortirai peut-être pas. C'est plus facile d'être seule parce que, qu'est-ce qu'il se passe si on découvre qu'on a besoin d'amour et qu'ensuite, on ne l'a plus ? Qu'est-ce qui se passe si on aime ça et qu'on devient dépendant ? Qu'est-ce qui se passe si on vit sa vie pour ça et que ça ne marche pas ? Peut-on seulement survivre à ce genre de douleur ? Perdre l'amour, c'est comme avoir un organe endommagé. C'est comme mourir. La seule différence, c'est que lorsqu'on meurt, c'est terminé. Ça, ça peut durer éternellement.

Meredith Grey, Grey's Anatomy

Chapitre 9 : Easier To Be Alone

Draco sut que quelque chose ne tournait pas rond dès que Blaise et lui eurent franchi les limites du territoire des serpents.

L'atmosphère était lourde, pesante. Les couloirs de Poudlard étaient particulièrement humides ce matin là et l'air semblait leur coller à la peau comme si l'orage qui grondait à l'extérieur était parvenu à passer les grandes portes du château. Le bavardage matinal qu'il échangeait d'ordinaire avec Blaise sonnait creux et les deux garçons ne tardèrent pas à se taire d'un accord tacite. Même sans ça, il ne leur aurait pas fallu longtemps pour entendre les reniflements et les sanglots.

Devant la Grande Salle, des petits groupes d'élèves s'étaient formés. Certains leur jetèrent des regards noirs lorsqu'ils les dépassèrent, d'autres – ceux qui respectaient encore la Trêve – les saluèrent d'un signe de tête sobre.

« Pourquoi est-ce que je sens que la journée va être difficile ? » soupira Draco, sans attendre de réponse particulière. Une boule d'angoisse commençait à se former dans son ventre. Il y avait une seule explication aux pleurs et au désespoir environnants : une attaque. Et qui disait une attaque, disait des morts. Dans les deux camps. Allait-il apprendre qu'il était devenu orphelin en ouvrant l'édition de la Gazette du jour ?

Ils n'étaient ni particulièrement en retard, ni particulièrement en avance, pourtant des hiboux volaient déjà dans tous les sens dans la Grande Salle. La table des Professeurs était désespérément vide excepté pour Hagrid et Flitwick, et la différence de taille entre les deux aurait été comique s'ils n'avaient pas été entourés d'élèves aux visages angoissés.

« Par là. » Blaise désigna la table des Serdaigles d'un mouvement du menton.

Draco approuva d'un hochement de tête, soulagé d'apercevoir les boucles folles de Granger. Potter lui jeta un regard par-dessus sa Gazette et s'écarta avec un soupir exagéré, lui laissant assez de place pour qu'il puisse se glisser sur le blanc entre lui et la jeune fille. Blaise s'installa en face, à côté de Weasley.

« Que s'est-il passé ? » attaqua son meilleur ami, sans s'embarrasser d'entrée en matière.

Draco fut plus radical, il arracha la Gazette des mains de Potter, ignorant son « Hé ! » indigné. Les gros titres dénonçaient l'incompétence du Ministère et du service des Aurors suite à une nouvelle attaque du Chemin de Traverse. La photographie accompagnant l'article montrait Tonks, Lupin pas très loin derrière elle, criant sur la foule de journalistes. De temps en temps la jeune femme sur la photographie montrait le poing aux reporters. Charmant, songea-t-il non sans ironie.

« Il y a une liste des victimes ? » s'entendit-il demander, feuilletant le journal à toute vitesse.

« Ton père n'est pas dedans. » répondit doucement Granger en posant une main rassurante sur la sienne. « Mais ils ne disent pas qui ils ont arrêté. »

« Pas grand monde, si tu veux mon avis. » marmonna Weasley. Il était très occupé à remuer son thé.

« Je peux avoir mon journal ou c'est trop demander, Malfoy ? » râla Potter, en tendant la main. Étant donné que deux hiboux chargés de journaux se dirigeaient vers eux, Draco le lui rendit de bonne grâce. Le Balafré lui jeta un regard agacé mais se désintéressa bien vite de lui pour observer son meilleur ami avec une grimace embarrassée. « Ron, je suis sûr qu'ils n'ont rien… Ils ne sont pas sur la liste. »

Weasley se força à sourire mais ce n'était pas bien convainquant.

« Tes frères ? » s'enquit Draco, en dépliant l'exemplaire de la Gazette qu'un hibou venait de déposer devant lui. Il scanna l'article sans y trouver rien de bien intéressant. Le Ministre avait survécu à l'attaque selon une déclaration officielle et se remettait de ses blessures dans un endroit sûr, il en était de même pour le chef des Aurors Kingsley Shacklebolt dont le département avait été décimé durant l'attaque. Il était remplacé à la tête de ce qu'il restait d'Aurors par sa partenaire, c'est-à-dire Tonks. Draco en leva presque les yeux au ciel, voilà qui n'allait pas arranger les affaires du Ministère… Il y avait d'autres encarts, certains vantaient le courage de sorciers s'étant illustrés dans la bataille, d'autres divulguaient l'identité de Mangemorts présumés. Lucius Malfoy n'était mentionné nulle part. « L'un d'eux va gagner un Ordre de Merlin première classe. »

« Percy, ouais. » soupira Weasley. « C'est pas vraiment pour lui que je m'inquiète. »

« Je suis sûre que Charlie et Bill vont bien. » offrit Granger nerveusement. « On t'aurait sûrement déjà prévenu autrement. » Elle esquissa un geste en direction des élèves qui se dirigeaient vers Flitwick et Hagrid. Chourave faisait des allers-retours entre le hall et la Grande Salle, s'arrêtant ça et là pour offrir un geste ou une parole de réconfort.

« Ce n'est pas le seul qui va obtenir un Ordre de Merlin, dirait-on. » remarqua Draco avec un reniflement amusé. « Black fait une nouvelle fois la une… »

Granger se pencha pour lire par-dessus son épaule. Draco eut soudain énormément de mal à se concentrer sur les phrases au style contestable du journaliste. Non seulement sa poitrine était pressée contre son bras mais en plus de cela, ses cheveux lui chatouillaient le cou. Il se racla la gorge et tâcha de se recentrer mais si les Gryffondors ne semblaient pas s'être aperçu de sa distraction soudaine, Blaise, lui, le fixait d'un air moqueur. Draco lui jeta un regard noir, espérant qu'il comprendrait la menace tacite et garderait ses observations pour lui.

« C'est vrai ! » s'exclama-t-elle, comme si le Serpentard avait eu l'habitude raconter des mensonges. Encore que… « Je lui enverrai un mot tout à l'heure. Peut-être qu'il pourra nous en dire plus… Ou… » Elle se pencha en arrière pour fixer Potter par-dessus son dos. « Peut-être que ce serait mieux que tu le fasses, Harry ? »

Le supposé Sauveur miraculeux garda ses yeux rivés sur son journal bien que Draco soit certain que l'adolescent avait eu le temps de lire l'article sur lequel il était penché au moins dix fois. Certes, Potter n'était pas bien brillant mais tout de même…

« Non, fais le. » marmonna le Gryffondor.

Ron leva les yeux au ciel. « Sérieusement, Harry… »

« Pas ce matin. » soupira Potter. Le regard vert passa rapidement de Draco à Blaise avant de revenir sur Weasley. « Je n'ai pas envie de me disputer alors que… »

Il fut interrompu par l'arrivée de Ginny qui poussa Blaise sans ménagement pour s'installer à côté de son frère, sans un bonjour pour les autres. Elle lui tendit un morceau de parchemin.

« Lis. » ordonna-t-elle.

Ron s'exécuta sans se faire prier puis la dévisagea en silence, soudain très pâle. « C'est grave ? »

« Je ne sais pas. Percy est aussi précis que le Chicaneur ! » s'énerva-t-elle en lui arrachant à nouveau la lettre des mains pour la relire. « Fred et George essayent de nous obtenir le droit de leur rendre visite ou au moins de parler à maman par Cheminette… »

« Qu'est-ce qui se passe ? » s'inquiéta immédiatement Granger. « Bill ou Charlie ? »

« Les deux. » Ginny lui tendit le morceau de papier.

Ce coup-ci, ce fut Draco qui lut par-dessus son épaule. La missive était succincte. Bill et Charlie avaient tous deux été blessés et hospitalisés à Sainte-Mangouste…

« Il dit de ne pas s'en faire… » essaya de les rassurer Granger. « Peut-être… »

« Maman aurait dû écrire. » la coupa Ginny. « C'est toujours maman qui écrit dans ces cas là. »

« Si c'est Percy, c'est probablement pas bon signe. » renchérit Ron, en se levant. « Viens, on va chercher les jumeaux. »

« Tu veux qu'on vienne avec vous ? » proposa Potter.

Weasley déclina et lui et sa sœur disparurent, avalés par la foule de gens qui s'attroupaient à l'entrée de la Grande Salle. Ils laissèrent derrière eux un silence pesant que personne ne se décidait à briser. Draco était un peu trop conscient d'être pris en étau entre Potter et Granger.

« Il serait peut-être temps de programmer une nouvelle réunion. » suggéra Blaise, probablement las de la gêne qui s'était installée.

« Blaise n'a pas tort. » approuva Hermione. « Avec toutes ces attaques… Tu viendras, n'est ce pas, Harry ? »

Le ton était incertain et elle se pencha à nouveau pour regarder son meilleur ami par derrière Draco. Potter ne leva pas la tête. Décidément, se dit Draco non sans amusement, il devait être fascinant cet article.

« Où ? » demanda le Balafré, en mâchonnant son toast sans grand enthousiasme.

« L'A.D. » lâcha Draco. S'il laissait le soin aux Gryffondors de s'expliquer, ils seraient toujours là au prochain Noël. « L'Armée de Dumbledore. Inutile de préciser que j'ai voté contre ce nom ridicule. »

« Inutile, en effet. » grinça Potter, en repliant sèchement son édition de la Gazette. Le Serpentard attendit une explosion de rage qui ne vint pas, le Survivant se pencha simplement pour répondre à Granger. « Compte sur moi. »

La chouette blanche du Gryffondor se manifesta sur ces entrefaites avec un hululement agacé. Elle avala goulument le bacon que Draco n'avait pas encore eu l'occasion de toucher.

« Je constate que l'oiseau est aussi mal élevé que le maître. » grinça-t-il, évitant d'expérience le coup de pied que Granger chercha à lui décocher sous la table. Il répondit à sa grimace par une expression tout à fait innocente qui ne la trompa pas une seconde.

Potter, lui, ne semblait pas s'être formalisé de la remarque. Il était trop occupé à lire la lettre que la chouette venait de lui apporter, sans se soucier du fait que le petit-déjeuner de Draco était en train de disparaître dans le puits sans fond qu'était l'estomac de cet animal.

« Remus annule la leçon. » annonça le Gryffondor à la cantonade – ou, plus probablement, à Granger.

« Tu m'en vois navré. » répondit-il tout de même, pince-sans-rire.

« Draco. » grinça Granger. Il leva les yeux au ciel mais ne persista pas, se dépêchant d'avaler les œufs brouillés sur lesquels la chouette était en train de loucher. « Est-ce qu'il dit pourquoi ? »

« Non, il dit juste qu'il ne peut pas venir. » Potter fronça les sourcils puis attrapa son sac et se leva. « Je vais essayer de trouver McGonagall ou Dumbledore… Je veux être sûr que tout le monde va bien. » Les yeux verts se posèrent brièvement sur les Serpentards avant de croiser ceux de Granger. « Utilise Hedwige pour écrire à Sirius, si tu veux, et… Je ne sais pas… Dis lui que j'espère qu'il va bien. »

Il disparut sans attendre de réponse et Draco leva un sourcil. « Crois-tu qu'il a conscience que tu n'es pas sa secrétaire ? Pourquoi n'écrit-il pas lui-même son propre courrier ? »

Et on le traitait, lui, d'arrogant…

« La situation est compliquée. » soupira Granger, en glissant ses jambes de l'autre côté du banc pour se lever elle aussi. « Je vais voir si Ron et Ginny vont bien. On se retrouve en Botanique ? »

Il y eut un moment d'incertitude alors qu'elle s'apprêtait à s'éloigner où elle esquissa le geste de se pencher vers lui et se reprit avec un sourire gêné à la dernière seconde. Draco n'éprouva aucune espèce de gêne ou d'hésitation lorsqu'il attrapa son poignet et tira gentiment jusqu'à ce que leurs visages soient au même niveau. Il vola un baiser et il en aurait volé davantage si Blaise ne s'était pas raclé la gorge de manière insistante.

« Je te hais. » lâcha-t-il à l'intention de son meilleur ami, tout en la suivant des yeux. Il l'observa échanger un mot avec Potter qui attendait son tour pour parler à Chourave et disparaître hors de la Grande Salle. Son regard se rabattit sur le prétendu Élu.

« Regrettable. » lâcha Blaise, non sans amusement. « Peut-être maintenant seras-tu plus enclin à me laisser en paix lorsque j'essaye de passer du temps seul à seul avec Daphné. »

Potter quitta le hall.

« À ta place, je ne compterai pas là-dessus. » répliqua-t-il, avant d'attraper sa besace et de se hâter après le Balafré. Le rattraper ne fût pas bien compliqué.

« Qu'est-ce que tu veux, Malfoy ? » grogna Potter, lorsqu'il ajusta son pas au sien.

« Une discussion. » offrit Draco, avec toute la diplomatie qu'il avait en réserve. C'était peu. Sa patience, lorsque qu'il était question du Gryffondor, était mince.

Potter lui jeta un coup d'œil. « Hermione m'a dit pour ton père. Si tu as des ennuis à Serpentard… »

Évidemment, Granger avait probablement averti tout Poudlard… Il n'était pas aussi agacé qu'il l'aurait dû. Les rumeurs courraient plus vite, dans cette école, qu'un hippogriffe au pas de charge, Potter l'aurait su d'une manière ou d'une autre et, aussi détestable que cela le soit, il avait besoin de Potter.

« Personne ne va tenter de m'assassiner dans la salle commune. » se moqua-t-il.

« Tu serais surpris. » marmonna Potter, en montant les escaliers quatre à quatre. « Écoute, » reprit le garçon avant que Draco ait pu dire quoi que ce soit. « Tu es ami avec Ron et Hermione et c'est très bien. J'admets que je n'étais pas enchanté au début mais ils disent que tu es honnête et j'ai confiance en eux. »

« Je doute qu'honnête ait été l'adjectif employé. » grinça-t-il mais Potter l'ignora, trop pris par sa tirade de Sauveur du monde magique.

« Et puis, tu passes énormément de temps avec Hermione. » continua le Gryffondor. Il tenta de dissimuler son mécontentement mais il était hautement perceptible dans sa voix . « Toi et moi, on devrait apprendre à s'entendre. »

« S'entendre. » répéta Draco avec une grimace. L'idée de s'entendre avec Potter était presque physiquement douloureuse. « Je pensais davantage à se tolérer. »

Potter lui jeta un regard contrarié mais haussa les épaules. « Comme tu veux. »

« Ah, voilà une approche qui me plaît… » répliqua-t-il avec davantage de bonne humeur. « Comme je veux… » La discussion se révélait beaucoup plus simple et beaucoup moins embarrassante qu'il ne l'avait craint. D'un autre côté, Potter paraissait bien trop soucieux pour se préoccuper totalement de ce que Draco lui voulait. « Où vas-tu ? »

Parce que ce n'était certainement pas le chemin de la salle commune des Gryffondors… Il connaissait ce chemin là par cœur désormais.

La question lui valut un nouveau coup d'œil agacé mais le Balafré vit un effort visible pour se contenir.

« L'infirmerie. » répondit le prétendu Élu. « Chourave dit que McGonagall a été blessée. »

« Excellente nouvelle. » lâcha Draco. « Je n'avais pas fini ma dissertation… »

Il était hilarant, décida le Serpentard, de faire tourner Potter en bourrique. L'adolescent semblait incapable de déterminer s'il se moquait de lui ou non. En l'occurrence, c'était bien le cas. La vieille chouette était intransigeante en matière de devoirs. Bien que la perspective d'une période libre dans l'après-midi soit attrayante… Il pourrait probablement convaincre Granger de s'éclipser avec lui…

« Tu vas me suivre longtemps comme ça ? » râla Potter, alors qu'ils atteignaient l'étage de l'infirmerie.

« Pourquoi pas… J'ai cru comprendre qu'une journée avec toi était forcément fascinante. » répondit-il. « Pour ma part, je suis d'avis que trop de temps passé avec toi est suffisant pour donner l'envie à n'importe qui de se jeter du haut de la tour d'astronomie mais que veux tu… Je suis curieux. »

Potter secoua la tête, comme s'il ne pouvait en croire ses oreilles. Draco s'attendait à une explosion mais l'adolescent se contenta d'un éclat de rire avorté.

« J'ai passé trop de temps à Serpentard. » déclara le lion. « Ce que tu veux, c'est être vu avec moi. Tu as besoin de mon influence. » L'idée aurait été risible si elle n'avait pas été aussi juste et il aurait préféré que Potter ne s'en amuse pas autant. Les Gryffondors n'étaient-ils pas censés être courtois ? « Si on m'avait dit qu'un jour Malfoy viendrait me voir, moi, parce que mon nom a plus de poids que le sien… »

Il s'agissait là d'une drôle de remarque. Une remarque, Draco en était certain, que Potter n'aurait jamais faite avant son séjour dans le passé. Une remarque que, de plus, Granger n'aurait pas apprécié. Il la rangea soigneusement dans un coin de sa tête, comme une carte joker prête à être jouée si nécessaire. Pour l'instant, il avait besoin de Potter. Pour l'instant. Et, quoi qu'il en coûte, il ne sacrifierait pas Granger à sa propre sécurité. S'il était essentiel de diviser le trio à un moment donné pour la protéger… Granger était malheureuse sans ses meilleurs amis, mais Draco la préférait cent fois malheureuse et vivante que morte. Il fallait affronter la vérité en face : les gens qui entouraient Potter avait la fâcheuse tendance de tomber comme des mouches.

« Je n'ai plus vraiment le poids de ma Maison. » répliqua Draco, pince-sans-rire. « J'ai été renié, au cas où tu aurais oublié. Principalement pour avoir sauvé ton parrain. » Le visage de Potter se tordit sous le coup du remord et de la culpabilité. Draco refoula un fin sourire. Il n'était ni vexé, ni blessé par les insinuations du Gryffondor. À peine était-il agacé. Mais il aurait menti s'il n'avait pas affirmé prendre un léger plaisir à le manipuler aussi facilement. Potter ouvrit la bouche, très certainement pour s'excuser, mais le Serpentard ne lui en laissa pas le temps. Il désigna d'un geste de la tête les portes de l'infirmerie. « Nos chemins se séparent ici. Quel dommage, je passais un si bon moment… »

Il tourna les talons et s'éloigna sans se presser, sachant que le regard de Potter était rivé sur son dos.

Draco était d'excellente humeur lorsqu'il rejoignit Blaise et Daphné pour le premier cours de la journée.

Peut-être était-il condamné à supporter le justicier du monde magique, mais il pressentait que cela serait plus amusant qu'il l'avait craint.

°°O°°O°°O°°O°°

« Je ne suis toujours pas convaincue. » cingla Minerva, fusillant du regard le rideau qui entourait le lit qui faisait face au sien. Il fut brusquement repoussé, laissant apparaître Severus Snape dans tout ce qu'il pouvait avoir d'intimidant : épaisses robes noires, cape claquant derrière lui, regard meurtrier…

Cela aurait sans doute été plus impressionnant s'ils n'avaient pas, tout deux, passé la nuit dans l'infirmerie, chacun maugréant contre Poppy et son obsession pour les pyjamas à rayures, se remettant plus ou moins de leurs blessures respectives. Minerva ne put s'empêcher de se demander s'il avait fait disparaître les épaisses cernes sous ses yeux à l'aide d'un sort.

« Cela m'importe guère. » siffla-t-il. « Nous procéderons comme je l'ai décidé. Vos méthodes de Gryffondors chargeant dans la mêlée ne nous apporterons rien de bon. »

La sous-directrice pinça les lèvres et toisa son ancien élève. Elle avait beau être alitée, vêtue d'infâmes pyjamas rayés, et avoir la jambe surélevée par un coussin d'air magique, Severus grimaça tout de même.

« Je veux bien admettre que la situation est désespérée mais cela n'excuse pas votre ton, jeune homme. » gronda-t-elle.

« Je ne suis plus si jeune. J'ai passé l'âge que vous me donniez des leçons. » Il leva les yeux au ciel. « Et je ne dirais pas qu'elle est désespérée… » Il agita la main, très certainement pour renforcer les protections magiques qu'il avait posées un peu plus tôt afin que leur conversation demeure privée. Minerva avait depuis longtemps appris que tout ce qui était dit dans l'enceinte de Poudlard – et à certains autres endroits publics, d'ailleurs – finissaient toujours dans l'oreille d'un certain sorcier centenaire. « Nous avons l'avantage tant que le traître ne se sait pas soupçonné. Il est impératif que nous gardions la main. »

« Si nous en parlions à Albus… » suggéra-t-elle pour la dixième fois. Ses sentiments envers le Directeur étaient ambivalents, ces temps-ci. Minerva aurait sacrifié sa vie sans la moindre hésitation pour son ancien mentor et ami, il y avait peu – pour ne pas dire rien – qu'elle n'aurait fait pour lui, toutefois, il lui fallait admettre que tous les mystères dont le Directeur s'entourait et gardait jalousement ne la poussait plus à lui faire pleinement confiance, récemment. Elle connaissait Albus intimement. Elle se flattait d'être une de ses plus proches, si ce n'était la plus proche, de ses amis. Elle connaissait ses défauts.

« Croyez-vous vraiment qu'il ne soit pas déjà au courant ? » se moqua Severus.

La vieille sorcière poussa un soupir las. Il lui semblait que tout le monde avait une information ou un secret et il lui paraissait inconcevable qu'Albus ne les connaisse pas tous. Personne n'avait de secrets pour Albus Dumbledore. Personne. Pas même elle.

« Et comment comptez-vous convaincre Nymphadora de garder le silence ? » s'enquit-elle.

Une réunion d'urgence avait été programmée pour la fin de la soirée. Une réunion à laquelle, en raison des inquiétudes ridicules de Poppy, elle n'assisterait pas. L'infirmière avait menacé de l'attacher au lit si elle faisait seulement mine de se lever.

Severus n'avait pas été convié à participer, ce qui n'était pas étonnant vu qu'Albus l'avait écarté de l'Ordre depuis son retour, mais il comptait tout de même s'y rendre. Minerva regrettait terriblement de ne pas pouvoir voir la tête du Directeur lorsque son espion se présenterait…

« J'ai mes méthodes. » déclara-t-il.

« Je vous interdis d'utiliser un oubliette ou de modifier sa mémoire de quelque manière que ce soit. » Minerva plissa les yeux. « Nous n'avons pas besoin de davantage d'amnésiques. » Elle n'avait pas ouvertement contredit Albus sur sa décision de laisser les Granger dans la nature sans leurs souvenirs mais elle lui avait fait part, en privé, de tout le mal qu'elle en pensait. Non que ça ait fait une quelconque différence, bien entendu. Albus n'entendait que ce qu'il voulait bien entendre.

« Je pense pouvoir assurer que ma maîtrise des sorts de mémoire est supérieure à celle d'une adolescente de quinze ans. » lâcha-t-il. « C'est la meilleure option que nous ayons. Si l'espion se rend compte que Miss Tonks le ou la soupçonne… »

« Et ensuite, à qui le tour ? » Minerva claqua la langue avec agacement, comme elle le faisait devant un élève brillant qui s'entêtait à donner la mauvaise réponse. « Effacerez-vous ma mémoire ? » Le silence et le regard fuyant de Severus étaient criants. « Ne vous y amusez pas. Vous le regretteriez. »

Le Professeur la dévisagea quelques secondes, à deux doigts, elle en était certaine, de relever ce qu'il avait sans conteste pris pour un défi. Le Severus d'avant la tempête magique n'aurait pas hésité une seconde avant d'effacer la mémoire de Tonks ou la sienne. Ce Severus parut soupeser le pour et le contre avant de se frotter le visage dans une inhabituelle démonstration de lassitude.

Elle s'efforça de dissimuler son attendrissement. Harry, comme sa mère avant lui, avait réussi à briser la carapace. Severus avait finalement l'air humain.

« Que proposez-vous, dans ce cas ? » soupira-t-il.

« Parlez-lui. » conseilla immédiatement Minerva. « Convainquez-la. Vous avez affirmé être sûr qu'elle n'était pas notre traître… Dans ce cas, faisons-en une alliée. Nous pouvons très certainement le débusquer plus facilement à trois. »

L'expression dubitative de Severus était explicite. Il était convaincu de pouvoir trouver l'espion bien plus rapidement à lui seul. Ce n'était pas quelqu'un qui jouait en équipe, le Maître des Potions agissait seul et dans l'ombre. Comme un Serpentard. Ce que lui demandait Minerva…

« Bien entendu, si vous ne l'aviez pas littéralement jetée en pâture à Vous-savez-qui… » ajouta-t-elle. « Vous… »

Un cliquètement incongru l'interrompit brusquement et ils tournèrent tous les deux la tête en direction du lit le plus proche. Severus se tendit une seconde puis rangea la baguette qui était apparue dans sa main.

« J'ignore ce qui me déçoit le plus : que tu penses pouvoir m'espionner ou que tu le fasses de manière si pitoyable. » lança-t-il, à la grande surprise de Minerva. N'importe qui tentant d'espionner Severus Snape aurait fini en ingrédient pour potions, il n'y avait pas si longtemps.

Évidemment, cette indulgence s'expliqua lorsque Harry Potter sortit de derrière le rideau en grimaçant, dans un insupportable bruit de couinement. Le regard de la sorcière fut attiré par les baskets usées jusqu'à la corde du garçon qui râpaient contre le carrelage. Cela n'échappa pas davantage à Severus qui les fixa avec dégoût.

« J'ai réussi à passer au travers de vos protections sans que vous le sentiez. » répliqua l'adolescent, un brin frondeur.

Minerva retint presque son souffle, certaine que Severus allait se mettre à hurler.

« Elles te sont tellement familières qu'il n'y a pas de raison de t'en vanter. » contra le Professeur. Ils s'affrontèrent du regard quelques secondes sans réelle hostilité mais avec concentration. C'était étrange. Elle avait l'impression d'assister à un duel verbal sans qu'un seul mot ne soit prononcé. Au final, Potter haussa les épaules et cilla mais Severus fut le premier à détourner le regard. « Garde le pour toi. »

« Je n'allais pas le crier sur tous les toits. » râla l'adolescent. L'attitude revêche ne tarda pas à se changer en une expression avide. « Est-ce que je peux vous parler ? » Les yeux verts – il était toujours étrange pour Minerva de ne pas se retrouver face aux épaisses lunettes – passèrent sur elle avant de revenir se braquer nerveusement sur le Professeur. « Ou plus tard ? J'ai vraiment besoin de vous parler… »

« Je regrette, mon emploi du temps ne me le permets pas. » mentit Severus, sans croiser le regard du garçon. « S'il s'agit d'une affaire urgente, tu devrais contacter ton parrain. »

Minerva était impressionnée. Le mépris qu'il affichait toujours pour Sirius était réduit à son strict minimum.

Potter ne prit pas la chose de la meilleure manière qui soit.

« C'est ça. » cracha le Gryffondor, en croisant les bras. « Ce n'est pas vous que je venais voir de toute manière. »

« Surveille le ton que tu emploie. » grinça Severus. « Rien ne justifie que tu te comportes comme un enfant. » Potter ne décroisa pas les bras ou ne se départit pas de son air boudeur, le Maître des Potions leva les yeux au ciel. « Professeur McGonagall. » Le salut était bien plus formel que ce qu'il aurait été sans témoins et était quelque peu incongru étant donné la scène à laquelle elle venait d'assister. Elle y répondit toutefois par un hochement de tête.

Severus serra très brièvement l'épaule du garçon en passant, si brièvement qu'elle aurait pu jurer avoir rêvé, mais vu l'air maussade dont Potter le suivit des yeux, ce n'était sans doute pas le cas.

« Je constate que vos jours d'espionnage ne sont pas tout à fait fini, Potter. » le rabroua-t-elle. Les protections que Severus avait mises en place s'abaissèrent tout d'un coup. L'adolescent gigota, peut-être l'avait-il lui aussi senti. Ce n'était pas quelque chose que l'on enseignait avant la septième année mais il était vrai que Potter était désormais très familier avec la magie du Professeur. « Que puis-je pour vous ? Cela doit être important pour que vous déjouiez la vigilance acharnée de Madame Pomfresh et risquiez la colère du Professeur Snape. Sans mentionner le fait que je préfère généralement porter autre chose qu'un pyjama pour recevoir mes élèves. »

Le garçon eut la bonne grâce de grimacer d'un air coupable.

« Je voulais juste… J'ai appris pour l'attaque et je voulais juste savoir si tout le monde allait bien. » offrit le Gryffondor.

Cela eut le mérite de l'adoucir. « Rassurez-vous, tous nos amis vont bien – ou se remettront, du moins. Votre parrain m'a personnellement escortée jusqu'à l'infirmerie. Il se porte parfaitement bien. »

Elle choisit de passer sous silence le sermon qu'elle avait administré à Sirius à propos de ses querelles constantes avec Severus. L'Animagus n'avait pas apprécié ses reproches et l'avait même accusée de prendre constamment fait et cause pour son rival.

Il était amusant que Severus ait avancé le même argument quelques heures plus tard lorsqu'elle l'avait rabroué pour la même chose.

« Je sais, c'est dans le journal. » marmonna Potter. « Et les autres ? Les frères de Ron… »

« Si je ne me trompe pas le Professeur Chourave a été désignée pour répondre aux questions des élèves… » répondit-elle. « Je le regrette, croyez-le bien, mais… »

« Oh, oui, bien sûr… » s'empourpra le garçon. « Vous… Vous allez bien, n'est-ce-pas ? Vous n'êtes pas en train de mourir d'un sort ou quelque chose du genre ? »

Elle cilla, presque certaine d'avoir mal compris. « Je me remettrai, merci. »

Peut-être que Severus n'avait pas tout à fait tort de l'houspiller en permanence avec le manque de tact légendaire des Gryffondors.

« Tant mieux. » Potter hocha la tête.

Cette déclaration laissa place à un silence gêné. Le fantôme de cette autre Minerva, celle que le garçon avait rencontré en 75, planait entre eux. Elle planait parfois entre Severus et elle également. Il lui arriverait de surprendre des regards en coin, une expression furtive de soulagement, un éclair d'inquiétude…

Elle était touchée par l'affection évidente que ces deux là lui portait.

Elle se racla la gorge. « Était-ce tout ? »

À la manière dont le garçon hésita, elle sut que, non, ce n'était pas tout. Elle attrapa à tâtons la baguette posée sur la table de nuit et métamorphosa son pyjama en une épaisse robe de velours vert. Il n'y avait pas grand-chose à faire pour l'état de ses cheveux, supposait-elle, elle ne doutait pas que sa coiffure devait ressembler à un nid d'oiseau davantage qu'à un chignon mais le simple fait de porter autre chose que ces atroces pyjamas l'apaisa. Elle se sentait davantage dans son rôle de Professeur.

« J'ai… une question. » lâcha Potter. « Je… Euh… lisais un livre sur la transformation Animagus et… »

« Vous lisiez un livre ? » l'interrompit Minerva. Elle n'avait jamais vu Potter ouvrir volontairement un livre depuis son arrivée à Poudlard.

« J'y ai pris goût. » se défendit le garçon. « Ma mère lisait beaucoup. »

« C'est vrai. » admit-elle, un peu tristement. Lily dévorait tous les romans qui lui passaient sous la main, elle l'avait presque oublié… « Mais pas sur les transformations Animagus. Ce domaine là appartenait à votre père et ses amis. J'ose espérer que vous n'envisagez pas de marcher sur leurs traces, Potter. »

« Bien sûr que non. » Le rire du garçon était forcé, elle en était certaine. Des années dans l'enseignement avaient affûté son sixième sens lorsqu'il était question de mensonge.

« Entreprendre une telle démarche sans la supervision d'un Animagus serait idiot, Potter. » pressa-t-elle. « Pour ne pas dire dangereux. »

La sonnerie annonçant le début des cours le fit détaler comme un lapin avant qu'elle n'ait pu insister.

Le bruit attira Poppy qui fronça les sourcils en voyant l'adolescent s'échapper de l'infirmerie.

« Qu'est-ce que c'était ? » s'enquit curieusement l'infirmière.

« Des ennuis. » répondit Minerva sans hésitation.

Et elle aurait pu jurer que les Maraudeurs avaient été la pire génération…

Clairement, elle s'était trompée.

°°O°°O°°O°°O°°

« Est-ce tu as perdu la tête ? » siffla Bill, en entrainant Percy dans le jardin, il le traina derrière lui jusqu'au terrain de Quidditch improvisé. Il ne voulait pas que qui que ce soit entende leur conversation.

Il avait fait des pieds et des mains pour être autorisé à quitter Sainte Mangouste, la fracture dans son bras avait été réduite mais il devait toujours le porter en écharpe et le traumatisme crânien le laissait nauséeux. Il aurait dû être au fond de son lit, avec Fleur s'il avait été chanceux, mais au lieu de ça, il avait insisté pour quitter l'hôpital, inquiet pour sa mère. Il avait utilisé la poudre de cheminette et avait débarqué au beau milieu du salon où le Ministre de la Magie était assis sur le vieux fauteuil élimé, une tasse de thé dans une main et une assiette de scones dans l'autre.

Il ne savait pas qui d'eux deux avait l'air le plus désespéré.

Le Terrier s'était transformé en fourmilière sous les ordres de Tonks qui virevoltait d'un endroit à l'autre, du sang séché toujours sur le visage. Elle avait à peine pris le temps de saluer Bill, avait esquivé ce qui semblait être une multiple tentative d'un Médicomage pour examiner ses blessures, et avait continué à distribuer ses instructions à la cantonade. La maison était remplie de ce qui restait d'Aurors, d'employés du Ministère et de Médicomages.

Molly allait de l'un à l'autre, offrant des tasses de thé et des pâtisseries à qui en voulait – ou n'en voulait pas d'ailleurs.

Et Percy se tenait le dos au mur, dans un coin, comme un petit garçon pris en faute.

Bill avait fondu sur lui.

« Je n'avais pas le choix ! » s'énerva Percy, en se soustrayant à sa poigne. « Je devais mettre le Ministre en sécurité… Le Terrier est le premier endroit qui m'est passé par la tête ! Les protections… »

« Oui, merci, c'est moi qui les mises en place. » railla Bill. « Ce n'est pas une raison pour emmener le cabinet ministériel au complet dans la maison ! Combien de temps peut-on cacher à tant de gens que maman est folle ? »

Le mot était sorti tout seul. Ce n'était pas celui qu'il avait voulu employer.

Il aurait aimé que ce soit choquant, que Percy s'en outrage mais le fait demeurait qu'ils en étaient là et qu'ils avaient dansé autour du sujet suffisamment longtemps.

Son frère baissa les yeux. « Comment va Charlie ? »

« Je ne sais pas. » soupira-t-il. « Ils essayaient encore de démêler leur empreinte magique quand je suis parti. Ils ont dû faire venir des Langues de Plombs. » Il refoula l'inquiétude qu'il ressentait pour son frère, ce n'était pas productif. Fleur était resté à l'hôpital et avait promis de le prévenir dès qu'il y aurait du nouveau. « Je pourrais tuer Anthony… Leurs magies pourraient rester mêlées à vie, les conséquences… » Il prit une profonde inspiration qui ne le calma pas énormément. « Ils sont aussi stupides l'un que l'autre. Ils auraient dû réfléchir avant de lancer ces sorts. »

Percy haussa les épaules. « Charlie a toujours été du genre impulsif. Comme toi. Comme les jumeaux, Ron et Ginny. »

« Mais pas toi, c'est ça ? » riposta Bill. Il s'en voulut aussitôt. « Pardon. Je suis sur les nerfs. »

Son frère balaya ses excuses d'un geste négligeant. « Je n'ai pas réussi à contacter Audrey… Elle n'est sur aucune des listes officielles mais… » Percy retira ses lunettes, essuya nerveusement les verres et les remit en place. « On devrait rentrer. Il faut surveiller maman et tu devrais aussi écrire aux jumeaux. Apparemment, si les nouvelles viennent de moi, on ne peut pas les croire. »

Le sourire attristé de Percy termina de mettre Bill de mauvaise humeur.

« Je suis sûr que ce n'est pas ce qu'ils voulaient dire. » tenta-t-il, sans grande conviction.

« Oh, si. » soupira son frère. « Mais il y a des problèmes plus urgents. »

°°O°°O°°O°°O°°

Tonks aurait simplement aimé que la pluie cesse de tomber.

Tout le reste, elle aurait pu s'en accommoder si seulement cette maudite pluie voulait bien s'arrêter ne serait-ce qu'une dizaine de minutes… Le temps qu'elle rentre se mettre à l'abri dans son appartement. Elle n'avait pas dormi depuis plus de vingt-quatre heures, elle n'avait pas eu l'occasion de consulter un Médicomage, ses vêtements étaient sales et déchirés par endroit, elle s'était encore disputé avec Remus parce qu'il n'avait pas voulu comprendre qu'elle avait de plus urgentes préoccupations que de se faire soigner, elle avait répondu aux questions des journalistes, du Ministre de la Magie et de ses conseillers, elle avait dû réorganiser elle-même le département parce que Kingsley était toujours inconscient – et elle espérait vraiment qu'il approuverait sa décision de réintégrer Fol'Œil parce que Merlin savait que Scrimgeour n'avait pas apprécié – elle avait la migraine, il n'y avait pas un centimètre carré de son corps qui ne soit pas douloureux, tous les Moldus qu'elle croisait se retournaient sur son passage et, pour couronner le tout, elle n'avait jamais eu le temps de rester suffisamment en place depuis la bataille de la veille pour que ses vêtement aient pu sécher.

À cette seconde, elle haïssait la pluie presque davantage que les Mangemorts.

Elle pressa le pas.

Il lui avait fallu des heures pour finalement échapper aux nouvelles responsabilités qui pesaient sur ses épaules. Et elle était en retard. Évidemment. Elle n'avait qu'une petite demi-heure devant elle avant le début de la réunion et elle comptait bien se doucher, se changer et avaler quelque chose avant de rejoindre le Square Grimmaurd – autant de choses qu'elle n'aurait pas le temps de faire en trente minutes, sachant qu'elle se trouvait encore à dix minutes de son appartement.

Ce fut ce qui la contraria le plus lorsque quelqu'un lui agrippa le bras et l'attira dans une des nombreuses ruelles qui bordaient les grandes artères moldues : elle n'avait pas le temps de se faire agresser.

Elle décocha un coup de pied dans le genou de son assaillant, enchaina avec un coup dans l'estomac qui arracha à l'homme un grognement de douleur et lui permit, à elle, de sortir sa baguette. Pour la seconde fois en moins de vingt-quatre heures, elle lui fût arrachée des mains avec désinvolture. Elle se retrouva plaquée contre le mur par le col de sa veste.

Elle leva brusquement les yeux vers son agresseur, sachant d'avance ce qu'elle apercevrait.

« Était-ce bien nécessaire ? » grinça Severus Snape.

« Oh, vous vous foutez de moi ! » s'exclama-t-elle. Elle le repoussa sans ménagement et récupéra sa baguette, tout en le fusillant des yeux. « Donnez-moi une seule bonne raison de ne pas vous botter le cul! »

Snape leva un sourcil. « Vous n'y parviendrez pas. Cela me semble une excellente raison de vous abstenir. »

Ce n'était pas faux. Le souvenir du duel de la veille était bien présent dans son esprit – et son corps s'en rappelait encore bien plus vivement. Elle était certaine que soixante-dix pourcents des hématomes et plaies diverses étaient sa faute.

« Vous êtes un connard. » cracha-t-elle. Elle ne put réprimer un frisson. Combien d'élèves avaient un jour rêvé de le lui dire en face ? Combien l'avaient fait ? Probablement aucun parce qu'il fallait être suicidaire pour insulter Snape en le regardant dans les yeux. Suicidaire ou bien, peut-être, furieuse. Elle tourna les talons et quitta la ruelle en deux grandes enjambées, le laissant planté là où il était. Ça aussi, c'était sans doute sans précédent.

Elle ne fut pas surprise lorsqu'il la rattrapa dans la rue principale quelques secondes plus tard.

Elle fut surprise, en revanche, par le parapluie qu'il tendit au-dessus de leurs têtes.

Un coup d'œil suffit à vérifier que ses robes et sa cape avaient laissé place à un long manteau noir qui se fondait parfaitement parmi les Moldus.

« Sachez que la dernière personne qui m'a parlé de la sorte l'a amèrement regretté. » déclara-t-il. « Ne vous y amusez plus. »

« Je vous parlerais comme j'en ai envie. » répliqua-t-elle avec mauvaise humeur. « C'est ce qui arrive quand vous manquez tuer quelqu'un. »

Il y eut un long – et gênant – moment de silence. Tonks aurait volontiers fait une sortie dramatique mais elle était encore à six minutes de son appartement et le parapluie avait son utilité…

« En dépit des apparences, mon but n'a jamais été de vous assassiner. » lâcha-t-il. « Nous avions grand besoin d'une diversion et si je n'avais pas été persuadé que vous pouviez me résister de manière convaincante… »

« Oh, je ne suis pas fâchée parce que vous vous êtes servi de moi comme diversion. » l'interrompit-elle. « Je suis fâchée parce que vous ne m'avez pas prévenue, Professeur. »

Le titre passa ses lèvres par habitude et elle s'en voulut parce qu'il témoignait d'un respect qu'il ne méritait pas.

Le silence retomba à nouveau, lourd et importun, à peine troublé par les bruits de circulation.

Snape l'observait fixement et ça ne contribuait pas à la mettre à l'aise.

« Quoi ? » s'énerva-t-elle au bout d'un moment. « Écoutez, si vous êtes venu vous excuser, ce n'était pas la peine. Je suis Auror, je comprends les risques et, en dépit de ce que vous et Remus semblez penser, je peux prendre des décisions difficiles. J'aurais préféré que vous me mettiez au courant avant de me jeter devant Vous-savez-qui mais c'était notre meilleure option et je ne suis pas suffisamment idiote pour ne pas l'avoir compris. » L'expérience avait été terrifiante, bien entendu, et, sur le moment, elle n'avait rien désiré d'autre que de tordre le cou du Maître des Potions mais s'il n'avait pas fait ce qu'il avait fait… Elle n'était pas certaine qu'ils auraient pu sauver McGonagall. Alors, ses hématomes et sa frayeur en comparaison… « La manière dont vous avez dévié mon stupefix vers Bellatrix ? C'était génial. Et vous devez m'apprendre ce dernier sortilège, vous me devez bien ça. »

Si Snape avait été du genre à dévisager les gens bouche ouverte, elle était sûre qu'il l'aurait fait à l'instant. Avoir décontenancé Severus Snape améliora légèrement son humeur.

« La proposition me parait acceptable. » répondit-il au bout de quelques secondes.

« Ce n'était pas une proposition. » Elle n'eut pas à se forcer beaucoup pour sourire. Il avait l'air d'un poisson hors de l'eau et c'était très drôle. « La prochaine fois, prévenez-moi avant. »

Il marqua son accord d'un hochement de tête. « Cela étant réglé… Je n'étais pas venu présenter des excuses, Nymphadora. »

« Appelez-moi comme ça encore une fois et c'est moi qui devrais présenter des excuses. » maugréa-t-elle. « Je ne peux peut-être pas vous botter le cul mais je peux vous pousser sous une voiture. »

Il leva les yeux au ciel. Toutefois, elle nota qu'il prit bien soin par la suite de rester loin de la chaussée.

« À propos de notre problème de taupe… » reprit-il. « Il serait malavisé d'en révéler la présence ce soir, nous… »

« Vous me prenez vraiment pour une idiote ? » le coupa-t-elle, ignorant son expression contrariée. Elle n'était pas quelqu'un de particulièrement polie, au grand dam de sa mère. « Les dossiers détaillant les mesures de sécurité étaient au Square Grimmaurd et l'accès est restreint. Ça veut dire que nous n'avons pas seulement un traître mais que le traître… »

« Siège au Conseil. » termina Snape. « Il pourrait s'agir de n'importe qui. »

« Précisément. » approuva-t-elle. « Donc, débarquer à la réunion et déclarer qu'on sait que quelqu'un nous a vendu… C'est la pire idée qu'on pourrait avoir. Ça entrainera un mouvement de paranoïa et il y assez de problème comme ça… » Elle lui décocha un regard agacé. « Sérieusement qui essaierait de trouver un espion comme ça ? »

« Un Gryffondor. » offrit-il.

« Oui, eh bien… » Elle haussa les épaules et s'immobilisa au pied de son immeuble. « Je ne suis pas Gryffondor au cas où vous auriez oublié. »

« Je ne l'oublie pas, vous ne m'agacez pas autant que les lions. » déclara-t-il. Il inspecta la façade du regard avec intérêt. « Intéressantes protections. Votre œuvre ? »

Elle leva les yeux au ciel et fouilla dans sa poche à la recherche de ses clefs. Elle en extirpa un paquet de kleenex, un vieil emballage de chewing-gum et un ticket de métro à moitié effacé mais ses clefs… « La mienne, celle de Remus, de Sirius et de Dumbledore… Mon appartement est protégé contre tous les psychopathes qui veulent me tuer. Il commence à y en avoir pas mal. Peut-être qu'ils ouvriront un club à force… » Elle vida son autre poche. « Si j'ai perdu mes clefs, ce sera officiellement la journée la plus pourrie de ma vie. »

« Accio clefs. » marmonna-t-il. Elle aurait pu y penser plus tôt, songea-t-elle, lorsque son trousseau de clefs s'envola de la poche arrière de son jean. Elle le rattrapa au vol – et manqua le faire tomber trois fois au passage – avant de jeter un coup d'œil furtif autour d'elle pour s'assurer qu'aucun Moldu n'avait été témoin de la scène.

« Je devrais vous arrêter pour ça. » Néanmoins, puisqu'il avait retrouvé ses clefs et que ça lui permit de se mettre à l'abri de cette satanée pluie, elle décida qu'elle passerait l'éponge. Elle tint la porte ouverte mais il resta dehors. « Vous venez ou pas ? »

Il fronça les sourcils. « Pardon ? »

Elle soupira avec agacement. « Si vous pensez que je vais vous laisser démasquer le traître par vous-même, vous vous trompez. Ce sont mes amis qui sont morts hier. Alors vous venez ou pas ? »

Elle lâcha la porte et entreprit de monter l'escalier quatre à quatre. La lumière du couloir avait à nouveau sauté, nota-t-elle distraitement. Il la rattrapa alors qu'elle entamait l'ascension de la dernière volée de marches. Lorsqu'ils arrivèrent finalement devant son appartement, ils étaient tous les deux à bout de souffle et le cachaient très mal. Tonks choisit d'en rire.

« Faites comme chez vous. » l'invita-t-elle. Elle jeta ses clefs sur la table et balança sa veste sur le dossier du canapé, tâchant de ne pas s'arrêter sur l'idée surréaliste que le Professeur Snape se tenait au beau milieu de son appartement.

En d'autres circonstances, ça aurait pu être drôle.

« Est-ce un appartement ou une porcherie ? » railla-t-il dans un rictus.

Son regard passa sur les piles de vêtements à ranger, les panières de linge sale qui attendaient d'être lavé, le carton de pizza abandonné sur la table basse, les tasses, les cadavres de bouteilles de bières et de Vodka Glace-boyaux, les magazines, publicités et factures qui étaient répandus un peu partout dans la pièce…

Il était évident qu'Andromeda n'avait pas mis les pieds chez elle depuis un bon moment.

« Je ne suis pas vraiment une fée du logis. » s'excusa-t-elle dans un haussement d'épaule. « Je vais prendre une douche. Il doit y avoir des trucs à manger dans la cuisine si vous avez faim. » Peut-être.

La perspective de passer du temps chez elle n'enchantait visiblement pas Snape.

Elle ne pouvait pas dire que ça l'enchantait davantage.

Elle prit sa douche en un temps record. Cinq minutes pour se débarrasser de la crasse et de la boue incrustée sur sa peau et cinq minutes pour sangloter sur les amis perdus la veille. Elle s'efforça de compartimenter ses émotions dès qu'elle fut sortie de la cabine de douche. Ils étaient en guerre. Elle n'avait pas le temps de pleurer qui que ce soit.

Snape était toujours dans le salon, occupé à examiner la seule petite étagère de livres qu'elle possédait.

« Fletcher. » lança-t-elle. Elle avait espéré le faire sursauter mais il ne tressaillit même pas. Il était à nouveau vêtu de ses robes noires. « C'est forcément lui. »

Aucun des autres n'aurait trahi. Aucun.

« Forcément est un bien grand mot. » temporisa-t-il. « Il pourrait s'agir de n'importe qui. »

Elle débarrassa le canapé d'un coup de baguette, envoyant voler le linge à l'autre bout de la pièce, et s'y laissa tomber avec soulagement. Elle était sur ses pieds depuis… Trop longtemps pour qu'elle compte. « Non… Fletcher est le seul à qui personne ne fait confiance. C'est un fouineur. Il vendrait père et mère… Il…»

« Fletcher n'est pas suffisamment intelligent. » jugea Snape, en étudiant un des livres de plus près. C'était un roman de science-fiction moldu. Elle n'avait pas l'énergie d'expliquer ce dont il s'agissait à un Sang-Pur. Snape était-il Sang-Pur ? Sans doute… « Et tout le monde faisait confiance à Pettigrow, il y a quinze ans. Qui qu'il soit, ce traitre-ci est tout aussi insoupçonnable. »

C'était déprimant pour ne pas dire décourageant.

« Ce sont nos amis. » riposta-t-elle. « Comment peut-on seulement penser que l'un d'eux… » L'idée que Sirius ou Charlie ait pu trahir était ridicule. Sans parler de Remus ou de Fol'Œil. « Si l'on ne se fait pas confiance les uns aux autres, nous sommes tous fichus. »

« Vous l'êtes si vous pensez ainsi. » cingla-t-il. « La meilleure manière de se faire poignarder est de tourner le dos à quelqu'un. »

« Il y a six milliards d'humains sur terre, c'est un peu compliqué de ne tourner le dos à personne, non ? » répliqua-t-elle.

« Il suffit de s'appuyer contre un mur. » offrit-il, dans un haussement d'épaules.

Elle secoua la tête, pas d'humeur pour ses devinettes de Serpentards. « Je sais ce que vous pensez. Vous allez dire que c'est Sirius mais… »

« Non. » la coupa-t-il. « Si je suis certain d'une chose, c'est qu'il ne s'agit pas de Black… » Ses doigts pianotèrent sur le bord de l'étagère. « Il est trop loyal et trop stupide. Le loup, par contre… »

« Ce n'est pas Remus. » contra-t-elle immédiatement. « C'est impossible. »

« Vraiment ? » se moqua-t-il. « Parce qu'il est très clairement hors de contrôle ces derniers temps. »

« Ce n'est pas Remus. » grinça-t-elle entre ses dents. « Ni Charlie, ni Anthony, ni Kingsley, ni Fol'Œil, ni Bill, ni Molly, ni Fleur, ni Nyssa et certainement pas McGonagall. »

« Voilà qui réduit considérablement la liste des suspects. » se moqua-t-il.

« À Fletcher. » triompha-t-elle.

« Ou Albus… » Il reposa le livre qu'il avait toujours en main. « Vous vous laissez aveugler par vos sentiments, Nymphadora. C'est une erreur. »

« C'est sûr que quand on en n'a pas, ça doit être plus simple. » rétorqua-t-elle.

Une expression d'amertume amusée flasha sur son visage pour être aussitôt remplacée par un masque lisse.

« C'est un avantage. » approuva-t-il. « Voyez ce que vous pouvez trouver sur Fletcher si vous insistez mais soyez discrète. Si tant est que cela soit possible… » Il jeta un regard dédaigneux à son pull jaune canari. « Pour le reste, laissez-moi faire. Pas un mot à qui que ce soit. Et restez sur vos gardes. » Il soutint son regard quelques secondes et puis grimaça. « Évitez également de regarder le Professeur Dumbledore en face si vous le pouvez. »

« Pourquoi ça ? » C'était une requête pour le moins bizarre.

Il balaya la question d'un geste impatient. « Tâchez d'être prudente. »

Il se dirigeait déjà vers la porte lorsqu'elle se leva pour le raccompagner – un reste de son éducation, sans doute.

« Si vous vous méfiez de toute le monde, pourquoi me faire confiance, Professeur ? » demanda-t-elle, alors qu'il avait déjà un pied dans le couloir.

Pourquoi lui faisait-elle confiance ? Elle n'avait aucune raison de le faire. Aucune. Excepté son instinct.

« On lit en vous comme dans un livre. » fut la seule réponse qu'elle obtint.

°°O°°O°°O°°O°°

Severus ne fut pas accueilli à bras ouverts.

Il n'en attendait pas moins.

« Qu'est-ce que tu fais là ? » aboya Fol'Œil, à peine eut-il mis un pied hors de la cheminée.

Severus prit le temps d'épousseter ses robes avant de le toiser. « Aux dernières nouvelles, je fais toujours parti de l'Ordre. »

« Vraiment ? » répliqua Black, son éternelle cigarette aux lèvres. « Tonks n'est pas encore là, tu ne vas pas pouvoir l'achever mais pourquoi tu ne t'en prendrais pas à quelqu'un de ta taille, cette fois ? »

Un silence hostile plana sur le petit salon l'espace d'une seconde. Lupin, assis dans un coin du canapé, avait les yeux braqués sur lui. Severus augmenta ses boucliers mentaux au maximum, se tint prêt à dégainer sa baguette si nécessaire, mais le loup – car c'était bien l'animal sauvage que le Professeur apercevait dans les yeux ambre – n'attaqua pas. L'image du loup-garou s'imposa à lui, trop vite pour qu'il puisse l'Occluder et entraîna, par association d'idée, le souvenir de la nuit où Harry avait lui-même failli se faire dévorer par ce même loup-garou. Il ne put réprimer un frisson.

Lupin inclina légèrement la tête, comme s'il avait put lire dans ses pensées. Impossible, bien entendu, mais il devait sentir sa peur. Humiliant.

« Miss Tonks est parfaitement à ma taille. » répliqua-t-il finalement, avec un temps de retard. « Vous devriez cesser de la sous-estimer. »

Il était incapable de dire s'il avait imaginé ou non le grondement presque animal de Lupin.

« Tu restes loin de Tonks. » grinça Fol'Œil, baguette au poing. « Si tu l'approches, je… »

« Pourrait-il y avoir une seule réunion sans effusion de sang ? » lança une voix féminine du seuil de la pièce. « Non pas que cela me dérange, bien entendu… » La plaisanterie ne fit sourire personne, pourtant tous les regards étaient rivés sur la vampire qui s'avançait lentement dans le salon. Elle fit un détour pour éviter Lupin et vint se planter face à Severus, l'étudiant des pieds à la tête. « Nyssandra. »

« Nous nous sommes déjà rencontrés. » lâcha-t-il, ignorant la main tendue.

Elle ne sembla pas en prendre ombrage. Ses lèvres s'étirèrent en un fin sourire qui révéla des crocs acérés. « J'étais légèrement occupée à me vider de mon sang, je ne suis pas sûre que ça compte. Je n'ai jamais eu l'occasion de vous remercier. »

« Nyssa, recule. » ordonna Fol'Œil.

« Laisse la tranquille. » grommela Black, en écrasant sa cigarette dans un vieux plat en argent posé sur une table basse. « Elle peut le tuer avant même qu'il lève le petit doigt si elle en a envie. Elle n'a pas besoin de toi. »

La tension se déplaça soudain à l'autre bout de la pièce. L'ancien Auror et l'ancien prisonnier se fusillaient du regard, ce qui ne s'arrangea pas lorsque la vampire se rapprocha de Fol'Œil pour lui glisser quelques mots à l'oreille. Cela se transforma en une série de chuchotement furieux qui culminèrent avec la sortie hâtive de l'homme. La vampire suivit, clairement exaspérée.

« Sommes-nous donc dans un vaudeville ? » ironisa Severus avec mépris.

Black ouvrit la bouche, très certainement pour lui envoyer une horreur au visage, mais Lupin se leva soudainement, mettant un terme à l'échange.

« Lunard ? » s'inquiéta l'Animagus.

Il y avait de quoi s'inquiéter. Lupin avança vers l'espion lentement, sans geste brusque, avec une expression d'intense concentration sur le visage. La lueur folle dans son regard convainquit Severus qu'il était urgent de préparer un chaudron de potion tue-loup. Très visiblement, même cela était au-dessus des compétences de Slughorn.

« Tu as vu Tonks aujourd'hui ? » demanda le loup-garou, en plissant le nez.

Bien heureusement – ou malheureusement – le feu se raviva dans la cheminée à cette seconde, laissant place à Albus qui se figea en apercevant son Professeur de Potions.

« Severus. » lâcha le vieux sorcier, surpris. « Je ne m'attendais pas à vous voir ici. »

« Inutile de le préciser. » rétorqua-t-il. « Mon invitation a dû se perdre. »

Le regard de Black passa du Directeur à lui, calculateur. « Bonne question. Pourquoi Snape n'assiste plus aux réunions ? »

L'accusation était implicite et Severus y aurait volontiers répondu par une insulte du même acabit si Albus n'avait pas balayé la question d'un geste.

« Commençons. Nous sommes en comité réduit ce soir, je le crains. » déclara Dumbledore.

Lupin s'empressa d'accompagner le vieux sorcier à la cuisine. Severus s'apprêtait à leur emboiter le pas lorsque Black attrapa son bras, suffisamment fort pour laisser une trace. Le Professeur n'avait que trop d'hématomes. Il se dégagea d'un geste vif.

« Ne me touche pas. » siffla-t-il.

« Il faut qu'on parle. » déclara Black, suffisamment bas pour que sa voix ne porte pas.

Severus n'aurait rien aimé davantage que de l'envoyer paître. Il ne put rien faire d'autre que d'accepter d'un bref hochement de tête. Il leur fallait discuter d'Harry.

L'Animagus parut satisfait et passa dans la cuisine, tout en s'essuyant exagérément les mains sur son jean. Le Maître des Potions leva les yeux au ciel devant tant d'immaturité. Lorsqu'on pensait qu'il s'agissait de la meilleure option d'Harry…

Il fit bien attention de choisir un siège éloigné de Lupin et de Fol'Œil, ce qui fit qu'il se retrouva coincé entre une chaise vide et la vampire. Black prit place à côté de son meilleur ami, sans cesser de jeter à l'espion de fréquents coup d'œil qui étaient tout sauf discrets.

Dumbledore se racla la gorge pour exiger un silence qu'il avait déjà. « Commençons, si vous le voulez bien. Le premier sujet à aborder… »

« C'est pourquoi personne n'a averti qu'on allait être attaqué. » tonna Fol'Œil, son œil normal braqué sur Severus. « Je pensais que l'intérêt d'avoir un Mangemort soit disant repenti avec nous, c'était ça. »

Severus avait abordé la question de long en large avec Albus sur les coups de cinq heures du matin, avant que le Directeur ne le traine de force à l'infirmerie. Le Seigneur des Ténèbres avait été si furieux de cette nouvelle défaite et Severus ayant ouvertement défié ses ordres en affrontant Tonks en avait fait les frais, cela n'avait pas été bien difficile pour le vieux sorcier de forcer Severus à consulter Poppy. Il avait été dans un triste état avant que l'infirmière ne le rafistole – et il doutait fortement que le petit échange musclé avec Tonks ait arrangé les choses.

« Il semble que seul le cercle intime de Voldemort ait été au courant. » le défendit Albus. « J'ai confiance en Severus. »

Il était bien le seul.

Severus se demanda ce qu'il arriverait lorsque ces mots magiques finiraient de faire effet. Il était évident que la parole de Dumbledore n'avait que peu de poids pour Black, Lupin paraissait dubitatif, la vampire était impassible et si Fol'Œil ne l'attaqua plus directement, il continua de maugréer dans sa barbe.

« Pratique. » se moqua Black. « Et on peut savoir pourquoi tu as essayé de tuer Tonks ou est-ce que c'est quelque chose que seul les intimes de Voldemort peuvent savoir ? »

Le nom maudit faisait brûler la Marque à chaque fois qu'il était prononcé.

« Il me semble que cela ne regarde qu'elle et moi. » répondit-il froidement.

« Ça nous regarde tous. » contra le loup. « Ce que tu as fait était… »

« Exactement ce qu'il était nécessaire de faire, si vous me permettez, Remus. » l'interrompit Albus. « Sans l'intervention ingénieuse – bien que casse-cou, je ne vous savais pas si Gryffondor, Severus – de Severus et de Miss Tonks, nous n'aurions peut-être jamais regagné la main. »

Un murmure mécontent flotta autour de la table. Lupin ouvrit la bouche pour répliquer mais un bruit de casse suivi d'un « désolée ! » tonitruant le fit taire. Tonks apparut dans la cuisine quelques secondes plus tard, boitant légèrement.

« J'espère que tu ne tenais pas au vase sur la cheminée. » lança-t-elle joyeusement à Black. « Qu'est-ce que j'ai raté ? »

Elle se laissa tomber sur la chaise à côté de Severus ce qui était à la fois excellent sur un plan tactique parce que cela leur prouvait au moins qu'elle ne lui tenait pas rancune de sa diversion et moins bon sur un plan personnel car Lupin fixa le Professeur du regard avec une intensité telle que le Mangemort n'aurait pas été surpris s'il avait subitement pris feu.

« Mon pugilat. » lâcha Severus.

« Ah… » Elle haussa les épaules, un sourire moqueur aux lèvres. « L'entrée en matière habituelle, alors. »

Il dut ajuster ses boucliers pour ne pas laisser percer son amusement. « En effet. »

« Et sinon ? » demanda-t-elle à la cantonade. « Parce que, ne le prenez pas mal, mais tout ce dont je rêve là tout de suite, c'est de mon lit, alors j'espère que vous avez des choses intéressantes à dire. »

Si elle s'était réellement attendu à entendre quelque chose d'intéressant, elle fut déçue. La réunion tourna en rond. Severus n'avait aucune information nouvelle à rapporter ce qui ne contribua pas à apaiser l'hostilité rentrée dont il faisait tous preuve envers lui. Tonks resta vague lorsqu'elle fut interrogée sur les protections autour du Ministre et il était certain que la première chose qu'elle ferait en quittant le Square Grimmaurd serait de faire transférer Scrimgeour ailleurs. Le seul point vaguement intéressant était cette Laura Flemmings que Lupin prétendait avoir rencontrée juste avant la bataille.

« Je peux tenter de me renseigner. » offrit Severus, à contrecœur. Les loups-garous se tenaient loin des Mangemorts et inversement, le seul qui fréquentait véritablement les deux camps était Greyback.

« Et la faire tuer ? » grinça Lupin. « Tu m'excuseras, Severus, mais tu as perdu la main depuis ton séjour dans le passé. »

Il attendait la remarque mais il n'avait pas pensé qu'elle viendrait du loup.

« Tu es obligé d'être aussi désagréable ? » reprocha Tonks, avant qu'il ait pu répondre.

Le regard de Lupin n'était pas plus aimable lorsqu'il se braqua sur la jeune femme. « Ceci est une affaire de loup-garou. Je la règlerai moi-même. »

« On y sera encore l'année prochaine. » répliqua-t-elle, avant de se tourner vers Dumbledore. « Je peux faire des recherches sur elle. Je sais que Remus a tendance à l'oublier mais je suis Auror – et Chef du Département jusqu'à ce que Kingsley sorte de l'hôpital, en plus – je peux la trouver facilement. »

« Être chef du Département par intérim n'est pas une excuse pour prendre encore plus de risques stupides ! » explosa Lupin. « Tu n'as aucune chance contre un loup-garou. Combien de fois est-ce que Greyback doit manquer te tuer pour que tu le comprennes ? »

Severus laissa échapper un sifflement moqueur avant que la discussion ne puisse dégénérer davantage. « Il est intéressant que tu donnes des leçons à une Auror confirmée alors que tu n'as jamais été capable de garder un travail plus de quelques mois… »

Ce fut Black qui tapa du poing sur la table. « Ta gueule, Snape. »

« Penses-tu donc comme Lupin que ta cousine est incompétente ? » Il leva les sourcils, feignant l'étonnement.

« Non. » affirma l'Animagus, en plantant son regard dans celui de Tonks. « Non. Mais ce n'est pas une raison pour insulter Remus. »

« Je n'ai jamais dit que Dora n'était pas compétente. » enchaina Lupin, d'un air contrarié.

« Non… Tu l'as simplement insinué trois cent soixante fois. » marmonna Tonks.

« Allons, allons… » soupira Albus, comme un Professeur impatient tenterait de ramener le calme dans une classe d'élèves turbulents.

« Si vous souhaitez que je trouve une contre-attaque à ces transformations forcées, il me faut un échantillon de la potion. » décréta Severus. Toutes les voies qu'il avait explorées jusque là s'étaient révélées vaines. Sans cette potion, il ne pouvait rien faire.

« Cette femme a contacté Remus, il est plus que probable qu'elle lui fasse confiance. » trancha Dumbledore. « Remus… »

« Je m'en charge. » accepta le loup-garou.

Tonks se renfrogna sur son siège.

« Bien. » Albus lui sourit magnanimement. Tout juste s'il ne lui tapota pas la tête, en lui offrant un sucre. Severus eut du mal à contenir son mépris. « Un dernier problème à soulever. Draco Malfoy. »

Le Maître des Potions tourna brusquement la tête. « Je ne vois pas en quoi cela concerne l'Ordre. Malfoy est mon élève, il est sous ma responsabilité et… »

« Comptez-vous assumer sa tutelle jusqu'à sa majorité ? » l'interrompit Dumbledore. Severus doutait que quiconque ait perçu la pointe d'ironie dans la voix du vieux sorcier.

« Il appartient à ma Maison. » grinça Severus.

« Euh, quelqu'un peut m'éclairer ? » Tonks fronçait les sourcils. « Aux dernières nouvelles, mon cher oncle était toujours vivant, même si ma tante semble s'être fait la malle… »

Black, Lupin et les autres paraissaient tout aussi perplexe.

« Lucius Malfoy a renié son fils. » expliqua Albus. « Le garçon est mineur et a besoin d'un tuteur. Je ne doute pas que la nouvelle fera la une d'ici quelques jours. »

Severus fulminait sur sa chaise. S'il ne s'était pas présenté à l'improviste ce soir là, auraient-ils tout de même débattu du sort de son élève sans l'en informer ? Ou bien s'agissait-il d'une punition pour s'être invité à une réunion à laquelle il n'était clairement pas le bienvenu ?

« J'ai manqué de temps, je vous l'accorde, mais je comptais envoyer un hibou à Andromeda Black et… » commença-t-il, uniquement pour être interrompu par le vieux sorcier.

« Andromeda a suffisamment à faire. » jugea Albus.

« Est-ce que c'est vraiment important ? » Le rire de Fol'Œil était amer. « Graine de Mangemort… »

Severus fut ravi de constater qu'il fut ignoré par tout le monde.

« Je suis sûre que ma mère serait ravie de le faire… » Tonks avait sorti sa baguette et tapotait impatiemment le bout de la table. C'était insupportable. Severus la lui arracha des mains pour la troisième fois. Elle la récupéra immédiatement avec un coup d'œil contrarié et recommença son manège. Le tout ne dura pas plus de quelques secondes mais ce fut suffisant pour que l'expression de Lupin s'assombrisse encore. « Elle s'entend bien avec Draco. »

« C'est tout à fait louable mais je préfèrerai lui offrir une meilleure protection. » refusa doucement Albus. « Après tout, ce jeune homme est allé contre sa famille et a risqué sa vie pour l'un des nôtres. Il mérite bien un peu de reconnaissance, ne pensez-vous pas ? »

Le vieux sorcier se tourna vers Black.

Severus ne savait pas s'il fallait en rire ou en pleurer.

« Pourquoi moi ? » se défendit immédiatement l'Animagus. « Demandez à Tonks, ils s'entendront très bien. »

« Tu rigoles ? » répliqua la jeune femme. « Pas question. »

« Sirius, je pense que vous êtes la solution idéale pour le jeune Draco. » insista Dumbledore. « Vous pourriez être un modèle, en quelque sorte. Et il a risqué sa vie pour sauver la vôtre… »

L'idée de Black servant de modèle à Draco Malfoy était risible. L'adolescent s'évanouirait probablement d'horreur en voyant l'état de délabrement du Square Grimmaurd.

Quant aux véritables motivations de Dumbledore…

« Je m'y oppose. » lâcha-t-il.

« Quelle surprise… » Black leva les yeux au ciel. « Je ne vais pas laisser cet abruti à la rue… Si Tonks et Andromeda ne peuvent pas le faire… »

L'étincelle victorieuse dans les yeux d'Albus fut le coup de grâce.

« Peux-tu, au moins, tenter, de te servir de la chose qui te sert de cerveau ? » siffla-t-il. « Que crois-tu que sera la réaction de Potter si tu adoptes Malfoy ? »

Black eut l'air contrarié mais pas surpris. Il se tourna vers sa cousine. « Fais la demande de tutelle. Si nécessaire, on le gardera ici ou on l'enverra au Terrier avec Ron. » Il repoussa sa chaise, se leva et jeta un regard noir à Albus. « Vous me fatiguez. »

Parler ainsi à Albus Dumbledore était dangereux mais Black avait toujours stupide.

Le départ de l'Animagus sembla mettre un terme à la réunion. Nyssandra disparut dans les étages, Fol'Œil entraina le Directeur à part et Tonks, visiblement soucieuse d'éviter une nouvelle confrontation avec Remus, suivit Severus jusqu'à la cheminée.

« Pas de Fletcher. » remarqua-t-elle, alors qu'il cherchait la poudre de cheminette – Black avait une fâcheuse tendance à mettre de la cendre partout.

« Non. » Il n'en était pas étonné. « J'appuierai votre demande de tutelle. Toutefois, si votre mère décidait… »

« Ma mère a pratiquement disparu de la surface de la terre. » l'interrompit Tonks, en jetant un regard soucieux par-dessus son épaule. Elle baissa la voix. « Dumbledore ne veut pas me dire ce qui se passe chez mes parents mais je suis sûre qu'ils planquent quelque chose. »

Quelque chose ou quelqu'un.

Intéressant.

Tonks n'avait pas l'air intéressé. Elle avait l'air inquiète et agacée.

« Écoutez… » reprit-elle, au moment où il mit finalement la main sur le petit bol de poudre de cheminette. « Pour tout à l'heure. Merci de m'avoir défendue, Professeur. »

Il la considéra quelques secondes puis haussa les épaules. « Severus. »

Avoir des alliés n'était pas dans sa nature mais il ne pouvait pas gagner seul. Minerva n'avait pas tort, il était suffisamment intelligent pour le comprendre.

Et il ne pouvait pas se permettre de perdre.

Pas quand la vie d'Harry était en jeu.

°°O°°O°°O°°O°°

Harry observa le point libellé Severus Snape disparaître de la carte des Maraudeurs.

Il observait les quartiers du Professeur sur la carte depuis des heures, assis en tailleur sur son lit, en tentant de trouver le courage d'y descendre.

Trop tard.

Avec un soupir, il repoussa la carte. Apparemment, c'était un signal parce que Masque sauta souplement sur le lit et se roula en boule juste en face de lui, ronronnant comme une turbine. Harry se plia de bon gré au rituel du soir et lui gratta le dos et l'arrière des oreilles. Ce chat, il commençait à le comprendre, était aussi exigeant et irritant que son ancien propriétaire. Cela aida toutefois Harry à se détendre. Il y avait quelque chose de relaxant à se concentrer sur l'animal, il en profita pour vérifier que ses boucliers mentaux fonctionnaient toujours comme ils le devaient. C'était compliqué de s'entraîner seul à l'Occlumencie mais la petite interaction, plus tôt dans la journée, entre lui et Snape l'avait convaincu qu'il vaudrait mieux les renforcer. Le Professeur connaissait ses défenses par cœur, ce n'était donc pas étonnant qu'il soit passé au travers et Harry avait, de toute manière, baissé la garde bien avant que la partie ne soit perdue, ne voyant pas l'intérêt de lutter pour protéger ce que Snape savait déjà.

Il avait entendu la majorité de l'échange entre les deux Directeurs de Maison.

Il y avait un traître dans l'Ordre.

Il n'était même pas surpris. Voldemort savait séduire, c'était sa force. Il avait été témoin de la dévotion de Pettigrow pour ses meilleurs amis… Il avait dû falloir beaucoup de persuasion pour briser ces liens. Ou peut-être pas… Peut-être Queudvert était-il tout simplement lâche…

« Harry ? »

Il sursauta légèrement, tiré de ses pensées par la voix de sa meilleure amie. Hermione hésitait sur le seuil du dortoir, un tas de parchemin sous le bras.

« Tu es parti très vite au diner. Est-ce que je te dérange ? » demanda-t-elle. Il y avait toujours cette incertitude dans sa voix. La situation avait beau s'être améliorée depuis qu'ils s'étaient jetés leur quatre vérités au visage, Harry avait toujours l'impression qu'ils marchaient tous sur des œufs et que le premier commentaire un peu trop agressif mettrait à nouveau le feu aux poudres.

« Non. » sourit-il. « Je ne fais rien de spécial. » Le chat laissa échapper une série de grognement mécontent et Harry leva les yeux au ciel. « Je ne fais rien de spécial à part m'occuper de sa majesté. »

Hermione eut un sourire indulgent pour l'animal mais fronça légèrement les sourcils en repérant la carte des Maraudeurs toujours étalée à côté de lui. Elle s'assit au bout du lit, faisant attention à ne pas bousculer le chat qui était toujours prompt à sortir les griffes, et déposa ses parchemins devant elle.

« Tu cherchais quelqu'un ? » s'enquit-elle prudemment.

Ce fut au tour d'Harry d'hésiter. Depuis son retour, il n'avait pas été totalement honnête avec ses meilleurs amis. Il leur dissimulait toujours la part de Voldemort qu'il portait en lui et ses tentatives de transformations Animagus, les deux secrets pesaient lourds sur ses épaules. L'un parce qu'il lui semblait toujours trop énorme pour être appréhendé, l'autre parce que plus les jours passaient plus il devenait difficile de faire passer l'omission pour un oubli.

« Snape. » répondit-il franchement. Il n'avait aucune raison de mentir à Hermione, se répéta-t-il. Aucune.

Son regard tomba sur un des portraits qui sommeillaient sur le mur opposé et il laissa échapper un petit soupir de contrariété. Se soucier en permanence d'être épié était épuisant. Il fit tomber sa baguette d'un coup de poignet et posa les protections que Snape lui avait apprises couche par couche. Hermione observa avec une attention tellement accrue qu'il s'attendait presque à ce qu'elle prenne des notes.

« Je t'apprendrais. » promit-il, lorsqu'il eut terminé.

Un sourire ravi illumina le visage de la jeune fille puis il fut remplacé par une expression sérieuse. « Snape… Tu veux en parler ? »

Voulait-il en parler ? Il l'ignorait. Sans doute pas. Il n'était pas doué pour parler de ce qui le blessait réellement.

« Il n'y a pas grand-chose à dire. » Il haussa les épaules. « Il a plus important à faire que de s'occuper de moi. »

Il y avait un traître dans l'Ordre.

L'information lui brûlait les lèvres. C'était le genre de choses qu'il aurait immédiatement partagées avec Ron et Hermione avant son séjour dans le passé. Pourtant, il garda le silence, comprenant instinctivement qu'en parler n'était pas une bonne idée. Bill, Charlie et Mrs Weasley faisaient partie de l'Ordre, Ron voudrait les avertir, ce qui était bien naturel, et cela ne ferait que compliquer la situation.

« Je ne suis sûre que ce n'est pas vrai… » grimaça Hermione. « Peut-être que dans quelques jours… »

« Oui, peut-être. » coupa-t-il. « Qu'est-ce que c'est ? »

Il pointa les parchemins qu'elle avait apportés du doigt.

« Oh… Ce sont les plans des sessions pour l'A.D. » expliqua-t-elle, en lui tendant les feuilles. « Draco et moi avons fait une liste de tout ce qu'il faudrait apprendre aux autres. J'ai pensé que tu pourrais peut-être jeté un œil et rajouter des choses… Tu devrais te charger d'expliquer les sorts, aussi, à partir de maintenant. Tu es bien meilleur que moi en défense… »

Ils passèrent une bonne demi-heure à discuter des sortilèges et de la manière de les enseigner. Harry, à son corps défendant, se trouva emballé par le projet et, s'il n'en fit pas part à Hermione, il trouva très intéressant que l'écriture ronde de la jeune fille ne parle que de sorts défensifs alors que celle pleine d'enjolivures de Malfoy ne listait que des sortilèges d'attaque. Pour une fois, il rejoignait le Serpentard.

Snape le lui avait seriné encore et encore : attaquer avant d'être attaqué.

« Les Mangemorts ont des Détraqueurs avec eux… » remarqua-t-il. « Vous avez vu les Patronus ? »

Hermione lâcha un profond soupir. « Ne m'en parle pas, c'était une catastrophe. Personne n'y est arrivé et tout le monde était tellement frustré qu'on a abandonné. Regarde. Spero Patronum. »

Tout ce qui s'échappa de la baguette de son amie fut une brume argentée sans aucune forme ou consistance.

« Tu as besoin d'un souvenir plus heureux. » remarqua Harry. « À quoi tu penses ? »

Il y avait une lueur légèrement attristée dans les yeux d'Hermione quand elle abaissa sa baguette. « Le matin de Noël. Mes parents, mes grands-parents et Draco… On a bu du chocolat chaud. C'est idiot mais c'était parfait. »

« Ce n'est pas idiot du tout. » jugea-t-il, en baissant les yeux. Ses propres pensées s'égarèrent vers ses vacances de Noël et les journées passées dans les appartements du Maître des Potions – à la maison, il ne put s'empêcher de penser – à ne rien faire d'autre que lire, jouer aux échecs et se faire houspiller pour qu'il fasse ses devoirs. Ça avait été si normal. Il n'avait jamais connu ça avant. « Spero Patronum. »

Il ne savait pas pourquoi il ressentit le besoin de jeter le sort. Hermione l'avait vu le lancer des dizaines de fois, ça ne l'aiderait pas à le faire par elle-même, mais la vue du sombral l'apaisa immédiatement. Il tendit la main et la créature argentée la frappa gentiment de ses naseaux. Nox. Il était identique en tout point à la forme Animagus de Snape, jusqu'à la manière étrange dont il trainait ses ailes comme s'il n'avait pas su tout à fait quoi en faire.

Le hoquet surpris de son amie le ramena à la réalité.

« Où est le cerf ? » demanda-t-elle, les yeux écarquillés. « Qu'est-ce que c'est que cette horreur ? » Elle inspecta le Patronus de plus près avant qu'Harry ait pu répondre. « C'est un sombral, n'est-ce pas ? J'ai vu des croquis… » Elle sauta du lit et fit le tour du cheval ailé, l'étudiant sous toutes les coutures. Le sombral la fusillait du regard et soufflait régulièrement par les naseaux pour signaler son agacement. « Mais pourquoi ? »

Harry flatta une dernière fois l'encolure argentée puis le fit disparaître d'un coup de baguette.

« Les gens changent. » répondit-il simplement.

Mais probablement pas tant que ça.

°°O°°O°°O°°O°°

« Il faut vraiment que tu arrêtes avec Tonks. » lança Sirius, lorsque Remus apparut dans l'encadrement de la porte de sa chambre. Allongé sur le dos, les mains croisés derrière la tête, l'Animagus se sentait beaucoup plus calme qu'il ne l'avait été plus tôt. « Vous devenez aussi chiants que Nyssa et Fol'Œil. Plus grave, Lunard, tu deviens aussi con que Fol'Œil. »

Le loup-garou, à sa décharge, ne contesta pas l'accusation. Il ferma la porte derrière lui et s'appuya contre le mur. « Depuis quand Tonks et Severus sont les meilleurs amis du monde ? »

« Va savoir. » gronda Sirius. « Je ne sais pas à quoi joue Snape… Je ne sais pas à quoi joue Dumbledore… Mais ça se termine ce soir. » Il expira lentement. « Demain, on retourne à Poudlard. »