Hello, Hello!

Eh ben, mazette (expression de mamie, bonjour) publier ce chapitre aura été COMPLIQUE. Pour la petite histoire, il est prêt depuis des semaines mais entre des ratages d'envois de chapitre au beta-reading, ma pauvre Elisa qui s'est faite piquée par une bestiole qui lui a peut-être ou peut-être pas transmis des super-pouvoirs mais qui, en attendant, nous a corrigé ce chapitre du fin fond de son lit avec 40 de fièvre (tout le monde embrasse Elisa qui, en plus, la pauvre s'excuse) et qui se met à planter, on était pas SORTIS D'AFFAIRE!

Enfin! Nous y voici. J'aurais aimé le poster plus tôt, avec un peu de chance, le chapitre 16 ne paraîtra pas dans trop longtemps.

J'ai été ravie des retours sur le dernier chapitre et agréablement surprise de l'absence de hurlements :p

Bon, trêve de blabla, je vous abandonne avec ce nouveau chapitre qui, j'espère, vous plaira!

Enjoy and review!


Time takes it all whether you want it to or not, time takes it all. Time bares it away, and in the end there is only darkness. Sometimes we find others in that darkness, and sometimes we lose them there again."
— Stephen King

Le temps emporte tout que vous le vouliez ou non, le temps emporte tout. Le temps dénude, et, au final, il ne reste que les ténèbres. Quelques fois, nous trouvons les autres dans ces ténèbres, et quelques fois, nous les y reperdons.

Stephen King

Chapitre 15 : Sometimes We Lose Them

Harry détestait la Forêt Interdite la nuit.

Non pas qu'il en soit plus friand le jour, cependant.

Le cœur battant la chamade, il se faufila entre deux troncs d'arbres, prenant garde à ne pas trébucher sur une racine, et s'efforça de ne pas sursauter lorsqu'une main se posa sur son épaule, légère mais impérieuse. Il se tourna vers son amie, parvenant à peine à distinguer ses traits fins dans l'obscurité. La lune n'était plus suffisamment pleine pour qu'ils y voient correctement mais Harry avait refusé la requête de la jeune fille de jeter un lumos. La sensation d'être une proie potentielle pour tous les prédateurs environnants suffisamment tenace pour qu'il leur facilite la tâche en leur signalant leur position par de la lumière.

« Donne moi les parchemins. » murmura Ginny, ses yeux bruns parcourant les alentours avec méfiance.

Harry extirpa les deux bouts de papiers de sa poche et les lui tendit. Elle se pencha pour mieux lire, approchant les parchemins le plus près possible de son visage sans jamais lâcher la baguette serrée dans sa main droite. Le Gryffondor jeta un coup d'œil alentour, la mâchoire serrée.

« Tu es sûr que c'est lui ? » insista la jeune fille pour ce qui devait bien être la dixième fois.

Il regrettait amèrement de ne pas avoir mieux dissimulé la première lettre. Lorsque Hedwige la lui avait apportée, toutefois, il n'avait pas pensé à se méfier. Ginny était assise à côté de lui et avait malencontreusement lu par dessus son épaule. Les mots « Rejoints moi dans la Forêt Interdite, sur la rive est du lac, à minuit. » n'avaient pas emballé la quatrième année qui avait menacé de tout raconter à Ron et Hermione s'il n'acceptait pas, au moins, de l'emmener en renfort au cas où. Harry était certain à quatre-vingt-dix-neuf pourcents que l'énorme empreinte de patte de chien qui signait la lettre était authentique, il n'avait donc pas vu le mal à emmener Ginny.

Il commençait à s'en vouloir.

Ils avaient trouvé un oiseau exotique les attendant à la lisière est de la Forêt Interdite avec un nouveau parchemin signé d'une nouvelle patte de chien : « Trouve le drapeau. Des billes lumineuses marquent la zone, ne les dépasse pas. ».

« Il était censé m'entraîner et au lieu de ça on a droit à un jeu idiot. » répondit Harry. « C'est Sirius tout craché. »

« Un jeu dangereux. » contra-t-elle avec un soupir, en froissant les parchemins et en les enfonçant dans la poche de son sweater à capuche. Il était rouge vif et était orné du lion de Gryffondor mais les couleurs ne correspondaient pas tout à fait à celles de leur Maison, comme s'il s'agissait d'une contrefaçon. Ginny avait marmonné quelque chose à propos de cours d'éducation physique et d'à quel point il avait été chanceux d'éviter ça en séjournant en soixante-quinze. Elle soupira, lança un dernier regard à la lisière de la Forêt qu'ils parvenaient à peine à apercevoir, puis haussa les épaules. « Allons trouver ce fichu drapeau. »

« On peut aussi rentrer si tu préfères. » proposa-t-il.

Il faisait froid, ils auraient des tonnes d'ennuis s'ils se faisaient prendre et, très sincèrement, il était à peu près persuadé que Ron le tuerait s'il apprenait qu'il avait entraîné sa sœur dans la Forêt Interdite en plein milieu de la nuit. Et il ne pourrait pas le reprocher à son meilleur ami.

« Quoi, et abandonner la chasse au drapeau dans une forêt infestée de créatures sauvages ? » répondit-elle avec un sourire plein de morgue.

Il sentit ses lèvres s'étirer en retour à mesure que l'adrénaline se répandait dans ses veines. Cela faisait longtemps qu'il n'avait rien fait pour le simple plaisir de s'amuser. Et puis... Sirius était peut-être un peu dérangé et pas tout à fait un adulte responsable mais il doutait sincèrement qu'il l'aurait attiré dans la Forêt Interdite sans prendre un minimum de précautions. Il parlait de billes lumineuses dans sa lettre… Il supposait que la zone dans laquelle ils étaient, au moins, était sûre.

« Allons-y. » déclara-t-il et, d'un commun accord, ils s'élancèrent vers le cœur de la Forêt.

Ils progressèrent à un bon rythme, la fine couche de givre craquant à chacun de leur pas, échangeant de temps en temps le sourire que seuls deux adolescents en train d'enfreindre les règles pouvaient échanger, comme si leur vie était simple, comme s'ils pouvaient encore se permettre le luxe d'une escapade nocturne. Ils marchaient depuis quinze minutes lorsque le silence nocturne laissa place à un silence de mort : plus de bruits d'insectes, plus de lointain hululements d'hiboux en chasse, plus de bruissements innocents d'un petit animal dans les buissons... Le silence. Un silence qui ne pouvait signifier qu'une seule chose : un prédateur.

Instinctivement, il tendit un bras devant Ginny pour lui indiquer de rester derrière lui. La jeune fille leva un sourcil, sa baguette pointée devant elle, prête au combat, et lui jeta un tel regard noir qu'Harry leva les yeux au ciel et laissa tomber son bras. Il fut récompensé par un léger sourire satisfait qui fut pourtant bref, la quatrième année se tenait sur ses gardes, les jambes légèrement fléchies comme ils l'avaient travaillé durant leurs sessions de l'A.D. Instinctivement, Harry se plaça dos à elle.

« Tu vois quelque chose ? » murmura-t-il, scrutant les arbres alentours du regard. Il faisait trop sombre pour qu'il puisse distinguer quoi que ce soit.

« Non. » hésita Ginny. « Peut-être que… »

Le sort arriva de nulle part, sur sa droite, et Harry dressa instinctivement un bouclier. Le trait violet – de quel maléfice pouvait-il s'agir ? Il n'en avait aucune idée – s'y écrasa dans un crack sonore. Lui et Ginny se tournèrent immédiatement dans cette direction mais, déjà, Harry comprit le piège. Il n'eut pourtant pas le temps de se retourner avant que le sortilège suivant ne fuse droit sur eux. À peine eut-il le temps de se jeter sur la jeune fille.

Ils roulèrent dans la poussière.

« Ça va ? » demanda-t-il immédiatement, s'accroupissant derrière un des troncs d'arbre.

Ginny hocha la tête et l'imita.

« Un peu brutal comme entraînement. » bougonna-t-elle.

« C'est comme ça qu'on apprend. » grimaça-t-il, dans un haussement d'épaules.

Il s'en serait mieux sorti seul. La pensée fut insidieuse mais il la rejeta. Il avait joué au Quidditch avec Ginny suffisamment de fois pour pouvoir déduire ses mouvements, bien que de façon plus approximative qu'il aurait pu le faire avec Severus, Ron ou Hermione. Le problème était plus profond : il ne savait pas si Ginny était de taille et c'était là toute la question.

« Où est-il ? » chuchota-t-elle, en se dévissant le coup pour essayer d'apercevoir Sirius. « Je n'y vois rien. Peut-être qu'il utilise un sortilège de désillusion… »

Harry aurait dû apporter la cape.

Il jeta un coup d'œil dans la direction d'où étaient venus les sorts mais tout était tranquille. Évidemment. Sirius avait un curieux sens de l'humour.

« Ce drapeau ne peut pas être loin. » décréta-t-il.

Ce n'était que du bon sens… La Forêt Interdite restait la Forêt Interdite et il doutait que son parrain ait reçu l'approbation de Dumbledore avant de mettre son plan à exécution. Il y avait des prédateurs, la faune était parfois hostile, et Sirius n'avait pas pu sécuriser beaucoup plus qu'une petite zone.

« Avançons. » suggéra Ginny, en se redressant. « Et, tant qu'on y est, il faudra dire à Hermione de mettre le sort de désillusion sur la liste. Ça pourrait être utile. »

Il approuva cette idée d'un hochement de tête et passa devant, tâchant de ne pas trébucher sur une des nombreuses racines qui jaillissaient du sol à des endroits inattendus. Ils ne tardèrent pas à rencontrer ces fameuses billes lumineuses qu'ils n'étaient pas censés franchir. Elles flottaient à hauteur d'épaules, à deux mètres d'intervalles, et dispensaient une douce lueur argentée. D'un commun accord, ils longèrent la limite lumineuse quelques minutes, puis, après avoir déduit que le drapeau était sans doute au centre de la zone, s'enfoncèrent à nouveau prudemment dans la forêt.

« Il fait froid. » soupira Ginny. « Ça fait un quart d'heure qu'il n'a pas bougé, tu crois qu'il s'est endormi ? »

Il aurait voulu la rassurer mais rien ne l'aurait surpris de la part de Sirius. Il dérapa sur une plaque de givre et manqua perdre l'équilibre, il ne dut qu'aux réflexes de la jeune fille de ne pas se retrouver une nouvelle fois les fesses par terre.

« Merci. » offrit-il avec un sourire.

Elle leva les yeux au ciel. « Fais plus attention, je n'ai pas envie d'avoir à te porter jusqu'au château. »

« Je suis un peu lourd pour toi. » plaisanta-t-il.

« Je suis plus forte que tu ne le crois. » rétorqua-t-elle.

« Oh, je sais. » capitula-t-il facilement.

Elle parut étonnée et touchée mais dissimula son trouble en baissant la tête. Sa longue queue de cheval balaya sa joue, voilant son visage.

Quelque chose d'étrange s'éveilla en Harry.

Avant qu'il ait pu tenter d'analyser la sensation ou de dire quoi que ce soit, cependant, il fut saisi par un froid mordant. La sensation était familière et absolument pas naturelle.

« Non... » eut-il eu le temps de souffler avant que la fine couche de givre ne durcisse brusquement sous leur pieds, rendant le terrain encore plus glissant. Harry se moquait du verglas comme de sa première paire de chaussure. Devant eux, à quelques mètres, se dressait un Détraqueur. Sirius allait toujours trop loin, songea-t-il, en brandissant sa baguette devant lui.

« Spero Patronum ! » hurla-t-il.

Il n'y avait aucun avantage à beugler ce sort là à plein poumons, cela ne le rendait pas plus puisant pour autant, cependant, confronté à un Détraqueur, Harry avait toujours tendance à crier la formule aussi fort qu'il le pouvait. Pour tromper sa propre peur, sans doute. Un simple filet argenté s'échappa de sa baguette, sans forme ni consistance.

« Oh, non, non, non... » marmonna-t-il. Il était parvenu à faire apparaître un Patronus sans problème ces dernières semaines...

Mais la théorie et la pratique étaient deux choses différentes, surtout en matière de Patronus et cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas retrouvé face à un Détraqueur... Il se concentra sur un souvenir heureux, prononça la formule encore et encore, vaguement conscient que Ginny faisait de même à côté de lui sans plus de résultats...

Le Détraqueur glissais inexorablement vers eux et Ginny, comprenant sans doute qu'ils n'arriveraient à rien et abandonnant ses efforts dérisoires, le poussa vers les arbres alentours.

« Cours ! » ordonna-t-elle.

Ça la plaça directement entre lui et le Détraqueur.

Ce dernier disparut.

Quelqu'un poussa un gémissement mais il n'aurait pas su dire si c'était lui ou la quatrième année.

À la place du Détraqueur se tenait Tom Jedusort. Le Tom Jedusort de dix-sept ans, avec ses boucles brunes et ses yeux faussement doux, dans son vieil uniforme de Serpentard.

« Ginevra... » siffla Voldemort, en tendant les bras vers elle comme pour l'étreindre.

Ginny resta figée, d'horreur ou de terreur il n'aurait pas su dire.

« C'est un épouvantard. » déduisit-il à mi-voix, avant de répéter plus fort. « C'est un épouvantard ! »

La nouvelle n'ébranla pas Ginny qui continua à fixer l'apparition, les yeux écarquillés, tenant à peine sa baguette du bout des doigts.

Sans réfléchir, Harry se plaça devant elle, tournant le dos à la créature qui, il le sut sans avoir à regarder, venait à nouveau de se changer en Détraqueur. Il attrapa les épaules de la jeune fille et la secoua gentiment.

« Ginny, il n'est pas là. Il n'est pas là. » répéta-t-il, encore et encore. Elle agrippa ses avant-bras, enfonçant ses doigts dans sa chair, le souffle court et le regard paniqué. « Tout va bien. »

Tout n'allait pas bien.

Le Détraqueur, épouvantard ou pas, commençait à nouveau à l'affecter. Le monde perdait peu à peu de ses couleurs, sa vie lui semblait morne, triste et sans espoir... Il tenta d'Occluder mais le résultat ne fut pas aussi efficace qu'il l'aurait espéré. Seul, il aurait tenté de fuir, de contourner la créature, mais avec Ginny...

« Stop ! » cria-t-il, à la cantonade. « Sirius ! »

Le Détraqueur était proche, à présent, trop proche. Il ne savait pas exactement ce que faisait un épouvantard lorsqu'il avait attrapé sa proie et il ne tenait pas à le savoir. Il connaissait les grandes lignes : on finissait dévoré.

Quelque chose se laissa tomber au bas d'un arbre et s'interposa entre lui et la créature avec un feulement.

Aussitôt le Détraqueur disparut et laissa place au reflet exact de la jeune femme qui se tenait maintenant à leurs côtés.

« Sirius, je ne peux rien faire. » déclara-t-elle calmement.

« Je ne peux pas. » répondit l'évadé, à quelques pas de là. « Il se transformera en Détraqueur. Je n'y peux rien. »

« Et tu n'aurais pas pu y penser avant de mettre ça sur le chemin ? » riposta Harry, se demandant curieusement ce que la jeune femme pouvait trouver de si effrayant à son reflet. L'épouvantard sourit, révélant quatre impressionnantes canines et fit un nouveau pas en avant. Il était presque suffisamment près pour la toucher, à présent.

« Nyssa, emmène les gosses. » ordonna Sirius, en sortant sa baguette et en s'approchant lentement. « Je vais... »

« Je vais le faire. » lâcha Ginny. Sa respiration était anarchique, elle agrippait toujours Harry mais une lueur déterminée brillait dans ses yeux bruns. « Il faut que ce soit moi. »

Harry fronça les sourcils.

« Tu es sûre ? On peut aussi courir. » proposa-t-il.

Elle secoua la tête et fit face à l'épouvantard. La jeune femme s'écarta prudemment et la créature changea à nouveau de forme. Un frisson parcourut l'échine d'Harry lorsqu'il se retrouva à nouveau confronté à l'image du jeune Tom Jedusort. Le Gryffondor attrapa la main qui s'accrochait à son bras et pressa pour lui rappeler qu'elle n'était pas seule. Ginny se détendit très légèrement.

Jedusort avança vers eux et...

« Ridiculus ! » lança-t-elle.

Le Serpentard se prit les pieds dans sa cape, battit des bras et s'effondra. Lorsqu'il toucha le sol, il éclata en un million de minuscules particules.

Ginny poussa un profond soupir et se laissa aller contre lui. Il passa immédiatement un bras autour de ses épaules, incapable de cacher son inquiétude.

« Est-ce que ça va ? » s'enquit-il. « Je suis désolé, Ginny, je suis vraiment désolé. Je ne pensais pas... »

« Ça va. » l'interrompit-elle, légèrement essoufflée.

« Tu es sûre ? » insista Sirius, en approchant. Il posa brièvement la main sur le front de la quatrième année, comme pour vérifier qu'elle n'avait pas de fièvre. « Je ne pensais pas qu'Harry t'emmènerait... »

« J'ai insisté. » expliqua-t-elle, sur un ton d'excuse.

« On devrait les ramener au château. » déclara la jeune femme. « Ils ont eu suffisamment d'émotions pour cette nuit. On réessayera une autre fois. »

Elle était familière sans qu'Harry s'explique pourquoi. Il lui fallut creuser sa mémoire pour mettre un nom sur le visage.

« Nyssandra ! » s'exclama-t-il. « Vous êtes la... Euh... Fiancée de Fol'Œil. »

Il devina qu'il venait de dire une bêtise à la tête que fit son parrain. Sirius se rembrunit immédiatement.

« À une époque depuis longtemps révolue. » répondit la jeune femme, avec un froncement de sourcils. « Je ne pense pas t'avoir déjà rencontré, si ? » Ses yeux verts se posèrent brièvement sur Ginny. « Toi, tu étais au Département des Mystères. »

La jeune fille hocha la tête, sans un mot, et Harry la serra plus fort, l'entraînant en ce qu'il espérait être la direction du château tout en parlant.

« Dans le passé. » expliqua-t-il. « Vous étiez dans l'Ordre. » Soudain, il se rendit compte de pourquoi cela lui semblait si bizarre. « Vous n'avez pas vieilli ! »

« Vampire. » déclara-t-elle. Le détachement dans sa voix était, pensait-il, feint. « C'est le genre de choses qui arrivent. »

« Harry se moque de ce genre de choses. » intervint Sirius, en posant brièvement la main sur l'épaule de la jeune femme. « Ce n'est pas un de ces connards plein de préjugés. Hein, Harry ? »

« Bien sûr. » répondit-il, dans un haussement d'épaules. « Tant que vous n'essayez pas de me mordre, je n'ai aucun problème avec ça. »

« Tu vois ? » triompha son parrain avec un sourire fier.

Harry leva les yeux au ciel lorsqu'il lui ébouriffa les cheveux, résistant à peine à l'envie de lui faire remarquer qu'il n'était plus un gamin. Sirius semblait heureux toutefois et il ne se décida pas à lui gâcher son plaisir.

Lorsque ils atteignirent la lisière de la Forêt, Nyssa et l'Animagus s'arrêtèrent.

« Dumbledore le sentira si on pénètre sur le domaine. » grimaça Sirius. « Je suis désolé pour l'épouvantard, je pensais que ce serait une bonne occasion de t'entraîner à jeter un Patronus. Tu maîtrises ce sort tellement bien d'habitude... »

« Je ne sais pas ce qui s'est passé. » avoua-t-il. « J'y arrivais très bien la semaine dernière... »

« Ce genre de choses arrivent avec ce genre de sorts. » le rassura Sirius. « Ils dépendent beaucoup de ton état d'esprit du moment. » Tout à coup, il eut l'air anxieux. « Je suis désolé si ce n'était pas l'entraînement que tu espérais... Je pensais qu'un parcours serait plus amusant et plus efficace que... »

« Non, c'était bien. » le coupa-t-il. « Vraiment. C'est le genre d'entraînement que je voulais. »

« C'était amusant jusqu'à l'épouvantard. » approuva Ginny. « Tu devrais venir aux sessions de l'A.D. parfois. Ça nous aiderait beaucoup. »

Le visage de Sirius s'éclaira d'un coup. « Tu crois ? »

Harry n'était pas certain que Ginny sache à quoi elle s'engageait en lançant cette invitation. Il ne s'étonna pas que l'Animagus connaisse l'existence de l'A.D. Il soupçonnait que la plupart des enseignants étaient au courant et la plupart des enseignants étant aussi membres de l'Ordre du Phoenix...

Il lui fallut une seconde pour se rendre compte que son parrain quêtait son approbation.

« Pourquoi pas ? » offrit-il. « Si les autres sont d'accord... »

Sirius eut l'air bien en peine de réprimer sa joie à ce geste d'acceptation pour le moins mitigé et Harry s'en voulu un peu d'avoir été aussi dur avec lui. Ce Sirius là, le Sirius qu'il avait rencontré deux ans plus tôt, n'avait jamais rien voulu d'autre que de faire partie de sa vie et n'avait jamais rien fait d'autre que de le protéger.

Gêné par sa propre bêtise, il murmura un au revoir et entraîna Ginny vers le château, remarquant à peine le regard tendrement amusé avec lequel Nyssa fixait son parrain.

« Tu sais quoi ? » demanda Ginny, alors qu'ils longeaient la muraille pour ne pas être repérés par un éventuel préfet ou enseignant à une fenêtre. « Avant, j'étais jalouse de toutes les aventures que tu avais avec Ron et Hermione... »

« Et maintenant ? » se moqua-t-il gentiment.

« Maintenant je suis toujours un peu jalouse. » déclara-t-elle, en lui lançant un sourire par-dessus son épaule.

Son sourire, décida-t-il, était éclatant.

°°O°°O°°O°°O°°

Son bâton en bois grossièrement taillé heurtait lourdement les pavés de l'Allée des Embrumes à chaque pas et raclait le sol pendant une seconde avant de s'élever et de retomber un peu plus loin. L'homme claudiquait, se faufilant un chemin entre les prostituées, les soulards qui campaient devant les tavernes et les personnages plus sombres qui se dissimulaient derrière leurs capes.

Contrairement au Chemin de Traverse, l'Allée des Embrumes ne dormait jamais.

Le mendiant était bien connu et personne ne lui prêtait attention, à lui ou à la tasse en métal qu'il agitait devant lui entre chaque coup de bâton. Ses haillons lui collaient à la peau et constituaient un bien maigre rempart contre le froid nocturne. Les yeux se posaient brièvement sur lui, avec la même méfiance que tout le monde mettait à regarder tout le monde, puis glissaient vers d'autres menaces bien plus sérieuses, trop habitués à le voir arpenter les ruelles crasseuses à toute heure du jour ou de la nuit.

Bill Weasley passait-il suffisamment de temps dans ces rues pour avoir inconsciemment accepté le mendiant comme une partie du décor ou bien était-il trop préoccupé pour s'apercevoir qu'il était suivi ?

Dans un cas comme dans l'autre, et bien que cela arrangeait ses affaires, ce n'était pas bien prudent.

Il avait fallu plus d'une heure à Tonks pour faire obéir ses pouvoirs récalcitrants et prendre l'apparence de l'homme, mais seulement une minute pour lui jeter un stupefix et dissimuler le mendiant inconscient dans un endroit sûr, chaud et tranquille où il ne lui arriverait rien pendant que son double déambulait dans son secteur habituel.

Comme tous les autres soirs, Bill était arrivé un petit peu avant minuit.

Comme tous les autres soirs, elle le suivit jusqu'à chez Barjow et Beurk.

Comme tous les autres soirs, elle rôda aux alentours de la boutique, s'approchant de temps en temps de la vitrine sans oser s'arrêter de peur d'être découverte.

Le deuxième soir, elle avait furtivement aperçut Bill serrer la main de Barjow avant de disparaître dans l'arrière-boutique. Pour autant qu'elle pouvait le dire, la même chose s'était reproduite tous les autres soirs.

C'était louche, certes, mais cela ne signifiait pas que Bill espionnait pour le compte de l'autre camp.

Il n'y avait aucune preuve concrète. Peut-être avait-il trouvé un emploi chez Barjow et Beurk... Évidemment, Charlie lui avait dit que Bill travaillait désormais en free-lance. Six jours d'affilé, c'était un peu beaucoup pour une consultation en free-lance... Mais c'était possible.

Elle se raccrochait à ses illusions autant qu'elle le pouvait.

C'est à dire, jusqu'à ce que Lucius Malfoy apparaisse tout à coup au détour de la rue et se dirige d'un pas conquérant vers la boutique.

Comme tous les autres, ses yeux passèrent sur le mendiant sans le voir et il s'engouffra à l'intérieur du bâtiment sans une hésitation. Oubliant toute prudence, Tonks se rapprocha de la vitrine. Elle vit distinctivement Bill saluer le Sang-Pur d'un hochement sec de la tête avant d'attraper ce que Lucius lui tendait. Elle ne put distinguer ce dont il s'agissait mais Bill l'emporta dans l'arrière boutique pendant que Barjow se répandait en courbettes.

Pour ne pas attirer l'attention, elle s'éloigna.

Malfoy fut le premier à sortir de la boutique, un peu moins de trente minutes plus tard. Au bout de cinq minutes supplémentaires, Bill sortit et s'éloigna dans la direction opposée.

Elle le suivit en claudiquant, les lèvres pincées, jusqu'à ce qu'il transplanne.

Alors seulement, elle jeta son bâton au sol et tapa du pied dans un futile mouvement de rage.

Le sentiment de trahison était intense.

°°O°°O°°O°°O°°

Severus se réveilla en sursaut, évitant instinctivement la main qui cherchait à se poser sur son crâne, et leva un bras pour se protéger d'une éventuelle attaque tandis qu'il cherchait à tâtons la baguette qui n'était jamais bien loin de lui.

« Ce n'est que moi, Severus. »

La voix calme bien qu'attristée était suffisamment familière pour qu'il laisse tomber son bras et se force à ouvrir les yeux. Il était assis derrière son bureau, l'espace devant lui était couvert de livres, parchemins et carnets remplis de son écriture et pour certains d'entre eux de celle de Black. Il agita la main, jetant silencieusement un sort qui dissimulerait le contenu de ses recherches à la vue du premier venu, avant de lancer à la sorcière un regard noir.

« Comment avez-vous passé mes protections ? » s'enquit-il.

« Elles étaient si faibles que ce ne fut pas un grand exploit. » rétorqua Minerva, les lèvres pincées. Elle croisa les bras sur sa poitrine et le dévisagea d'un air sévère. « Vos cours commencent dans une heure. »

« Ai-je jamais raté un cours ? » grinça-t-il, en fouillant le fatras qu'étaient ses recherches sur les horcruxes des yeux. Il était certain d'avoir jeté un sort la veille qui le réveillerait une demi-heure avant son premier cours de la journée, juste au cas où. Au prix de longues secondes de recherches, il finit par localiser sa baguette, elle avait roulé par terre. Son premier réflexe fut de vérifier les protections que Minerva clamait avoir franchi sans difficulté, il les trouva en effet très faibles. Il voulut les renforcer et dut s'abstenir lorsqu'un vertige subi lui arracha un grognement.

« Jiggy. » appela calmement Minerva. L'elfe de maison apparut dans un crack retentissant et s'inclina devant la sous-directrice. « Le Professeur Snape souhaite prendre son petit-déjeuner. »

« Du thé et des toasts. » grommela-t-il, irrité qu'elle se sente obligée de le materner de la sorte.

« Du thé, deux tasses s'il te plaît, des œufs, du bacon, et une assiette de toasts bien fournie. » corrigea-t-elle posément.

« Je n'ai pas d'appétit. » riposta Severus.

« Cessez vos enfantillages. » cingla-t-elle. « Vous ne quitterez pas cette pièce tant que je ne vous aurais pas vu avaler un repas conséquent. C'est cela ou bien je vous dénonce à Poppy. Nous verrons si vous êtes aussi têtu après avoir passé une semaine sous clef à l'infirmerie. J'ai déjà dans l'idée de vous suspendre. Combien de repas avez vous raté cette semaine ? Combien de nuits avez-vous passé endormi sur ce bureau ? Cela suffit, Severus. »

Cette tirade fut ponctuée par la disparition de l'elfe de maison qui sentit, probablement à juste titre, qu'il valait mieux ne pas tester la patience de la sorcière ce jour là.

« Ces recherches valent-elles que vous y laissiez la santé ? » demanda-t-elle sèchement.

« Oui. » répondit-il simplement, d'un ton buté.

Ils se fusillèrent du regard quelques instants. Severus fut le premier à détourner les yeux.

« Prenez la matinée. » offrit-elle. « Quelqu'un vous remplacera. »

« Je suis en pleine forme. » mentit-il.

« Vous êtes surmené et vous manquez cruellement de sommeil. » répliqua-t-elle.

Un plateau chargé de nourriture apparut sur ses entrefaites et flotta au-dessus de son bureau jusqu'à ce que Severus dégage un espace suffisant pour qu'il puisse se poser. Ce ne fut que lorsqu'il sentit l'odeur des œufs chauds qu'il réalisa qu'il était affamé. Il attrapa la fourchette et en avala la moitié en moins d'une minute. Minerva servit le thé sans commenter ses piètres manières, ce pour quoi il lui fut reconnaissant.

« Je n'ai pas de bonnes nouvelles. » lâcha-t-elle, serrant sa tasse de thé entre ses mains pour les réchauffer.

La fourchette manqua lui échapper et il releva immédiatement la tête, alarmé. « Harry ? »

« Potter va bien. » le rassura-t-elle immédiatement, en balayant ses inquiétudes d'un geste. « Je dirais même que cette échauffourée avec Malfoy l'autre jour lui a été salutaire. Il a l'air moins déprimé. »

« Ce qui signifie qu'il a trouvé une quelconque bêtise à faire. » soupira-t-il, en se massant l'arrête du nez. « Probablement dangereuse. »

« Cela peut difficilement être pire que de penser pouvoir devenir un Animagus avec vous pour seule supervision. » jugea-t-elle. « Vous serez heureux de savoir que ses progrès sont lents mais réguliers. Albus m'a demandé pourquoi le garçon passait autant de temps dans mon bureau, j'ai répondu que je l'aidais à se remettre à niveau. Ses notes sont, de toute manière, bien moins bonnes que celles figurant sur le carnet que vous avez rapporté de soixante-quinze, même si les progrès effectués sont notables... »

« Il était mieux encadré en soixante-quinze. » admit-il. « Et il était entouré de personnes qui le poussaient académiquement. Je doute que les Weasley et leurs farces et attrapes... Qu'y a-t-il ? »

Minerva s'était assombrie à la mention des Weasley.

« Cette mauvaise nouvelle... » répondit-elle. « Miss Tonks... »

La sorcière hésita et Severus fronça les sourcils, reposant à nouveau sa fourchette.

« Il ne lui ait rien arrivé, j'espère ? » s'enquit-il.

Elle lui avait promis d'être prudente, et si cette idiote s'était faite tuer alors qu'il l'avait envoyée en surveillance...

« Non, non, elle va bien, rassurez-vous. » s'empressa-t-elle de le tranquilliser. Un sourire légèrement amusé flotta sur les lèvres de la sous-directrice l'espace de quelques secondes puis disparut avant qu'il ait eu le temps de s'interroger sur son origine. « Simplement, les nouvelles ne sont pas bonnes. »

Elle lui résuma les faits pendant qu'il finissait son petit-déjeuner. Elle termina son récit à peu près au même moment où il termina ses toasts. Il fit disparaitre le plateau d'un coup de baguette.

« J'étais persuadé que nous trouverions une explication à cette affaire de potions. » avoua-t-il. « Weasley ne me paraissait pas un espion crédible. »

« Peut-être ne l'est-il pas ? Peut-être est-ce autre chose ? » suggéra Minerva, visiblement peinée par la trahison possible d'un de ses élèves. « Après tout, Tonks l'a vu se rendre à Barjow et Beurk toute la semaine sans qu'il y ait aucune trace d'un autre Mangemort... Je sais que la vie est dure pour les Weasley depuis quelques temps. Entre la mort d'Arthur et les licenciements des deux frères ainés... Peut-être Bill a-t-il trouvé un emploi chez Barjow et Beurk et n'a pas osé en parler en raison de la réputation de la boutique... »

« Barjow et Beurk est principalement fréquentée par des Mangemorts, Minerva. » observa-t-il. « Cependant... » Il hésita, faisant tourner pensivement sa baguette entre ses doigts. « Sois Weasley est meilleur Occlumens que je suis Legilimens, sois nous nous fourvoyons sur toute la ligne. »

Bill Weasley n'avait pas le profil du parfait espion... Mais n'était-ce pas pour cela que le Seigneur des Ténèbres aurait voulu le recruter ? L'espion parfait était celui que l'on ne soupçonnait pas...

« Où est Molly Weasley ? » s'enquit-il soudain. « Je ne l'ai vue à aucune réunion depuis mon retour. Elle n'en ratait jamais une seule avant mon départ. »

« La mort d'Arthur... » offrit la sous-directrice avant de s'interrompre. « Elle ne sort plus beaucoup d'après ce que j'ai compris. »

« Plus beaucoup ou plus du tout ? » insista Severus.

Minerva fronça les sourcils. « Vous pensez que... »

« Je pense que si sa mère est retenue en otage, il est tout à fait possible que Weasley soit prêt à tout pour la protéger. » décréta-t-il.

« Voilà une hypothèse facile à vérifier. » déclara-t-elle, en quittant son siège pour la cheminée qui trônait dans un coin de la pièce.

Elle jeta la poudre de cheminette et énonça clairement l'adresse du Terrier avant de s'agenouiller et de passer la tête dans l'âtre. Les pierres nues et inégales étaient sans doute des plus inconfortables et Severus souhaita qu'elle ait eu la présence d'esprit de jeter un sort avant de se jeter par terre avec précipitation. Elle oubliait parfois qu'elle n'avait plus vingt ans, songea-t-il.

Et lui non plus...

Il ravala un soupir, profitant que la Directrice des Gryffondors lui tourne le dos pour se frotter à nouveau le visage. Il tenta de calculer combien d'heures de sommeil il avait accumulées cette semaine là et fut presque effrayé du résultat. Certes, il avait la certitude tenace de jouer contre la montre mais s'il ne se ménageait pas davantage, il finirait par se tuer à la tâche.

Minerva se releva tandis que les flammes vertes reprenaient lentement leur couleur normale. Elle avait presque l'air déçu.

« Molly est bien au Terrier. » rapporta-t-elle. « Charlie et Anthony lui tiennent compagnie. » Elle pinça les lèvres, hésita, puis rajusta ses lunettes. « Elle me semble étrange. J'admets n'avoir eu que peu d'occasions de la voir dernièrement, mais... Peut-être une visite en bonne et due forme s'impose-t-elle. »

« Je vous accompagnerai. » décida-t-il, préférant juger par lui-même.

« Pour quel motif ? » demanda-t-elle. « Nous ne pouvons pas nous rendre chez eux à l'improviste sans raison valable... »

« Un des Weasley méritera bien une punition exemplaire ces jours prochains... » se moqua-t-il. « Il y a cela de bien avec les jumeaux qu'ils ne ratent jamais une occasion de faire perdre des points à Gryffondor. »

°°O°°O°°O°°O°°

« Et tu veux que Sirius nous serve de prof ? » demanda Ron, en fronçant les sourcils.

Sa réponse fut presque couverte par le brouhaha général qui régnait dans les cachots.

« Non, je ne dis pas qu'il doit venir tout le temps. » riposta Harry, en jouant distraitement avec la fiole de venin de crotale. « Simplement... »

« Simplement si tu ne prêtes pas attention à ton chaudron, Potter, il risque bien d'exploser. » intervint Zabini, en désignant d'un geste de la tête le chaudron qui rougeoyait davantage de seconde en seconde.

Harry poussa un juron et se retourna pour s'occuper de sa potion. Un coup d'œil alentours lui assura que Slughorn ne lui prêtait aucune attention, trop occupé à s'extasier sur la potion de Malfoy et d'Hermione. Une fois certain que le chaudron n'exploserait pas, il se retourna à nouveau. Zabini leva les yeux au ciel puis arracha la louche des mains de son binôme et se concentra sur leur travail. Abandonnant toute idée d'aider le Serpentard, Ron traina son tabouret un peu à l'écart pour qu'ils puissent discuter plus facilement.

Ça arrangeait Harry. Il jeta discrètement un assurdiato afin de s'assurer que leur conversation resterait privée. Il n'était pas certain que la précaution soit entièrement nécessaire mais c'était devenu un réflexe.

« Je ne comprends pas bien, il y a une semaine tu n'étais pas sûr de vouloir te réconcilier avec Sirius et maintenant tu veux l'intégrer à l'AD ? » insista Ron, avant de hausser les épaules. « Moi, ça m'est égal, cela dit. Je trouve ça plutôt bien que vous vous parliez de nouveau. »

Harry était prêt à parier qu'il aurait trouvé ça un peu moins bien s'il avait su que se réconcilier avec Sirius avait impliqué d'entraîner sa sœur la nuit au milieu de la Forêt Interdite.

« Son idée de l'entraînement ressemble à celle de Severus. » expliqua-t-il. « C'est plus efficace que ce que fait Remus ou ce qu'on fait à l'A.D. »

Ron plissa le nez. « C'est très bizarre de t'entendre l'appeler Severus. »

« Snape, si tu préfères. » répondit-t-il. « Qu'est-ce que tu en dis alors ? J'en parle à Hermione ? »

« Oui, pourquoi pas ? Je ne vois pas pourquoi elle serait contre. » déclara son meilleur ami. « Si tu penses que Sirius peut nous préparer mieux qu'on ne le fait... C'est le but non ? Être prêt en cas d'attaque. »

Harry hocha la tête. Certes, c'était le but, et Ginny était enthousiaste à l'idée d'intégrer Sirius à l'aventure parce que, d'après elle, qu'on le veuille ou non et aussi doués qu'Hermione et lui soient, un adulte avait plus d'expérience et connaissait probablement des sorts dont ils ne soupçonnaient même pas l'existence. Il n'était pas opposé lui-même à ce qu'ils fassent appel à Sirius, il s'entendrait facilement avec tout le monde et il fallait reconnaître que son parrain savait se battre en duel plus que correctement. Le problème n'était pas là... L'A.D. était le bébé d'Hermione et il ne savait pas bien comment elle prendrait cette suggestion.

Il avait bien remarqué qu'il l'agaçait ces temps-ci. Qu'il ait choisi de s'entraîner aux informulés et, surtout, qu'il parvienne déjà à jeter des sortilèges basiques alors qu'elle échouait à chaque tentative, était un point de tension permanent. À chaque fois qu'il s'aventurait à sous-entendre que le cursus avait été plus compliqué en soixante-quinze ou qu'il avait déjà étudié un chapitre en particulier, il pouvait presque voir l'effort qu'il lui fallait faire pour ne pas lever les yeux au ciel. Il soupçonnait que l'influence de Malfoy n'aidait pas.

« Tu vas signer la demande de tutelle, alors ? » s'enquit Ron, avec un soulagement certain.

Harry serra les dents et détourna le regard, mal à l'aise dès que ce sujet revenait sur le tapis.

« Je n'ai pas encore décidé. » lâcha-t-il.

« Mais pourquoi ? » soupira le Gryffondor. « Tout vaut mieux que tes Moldus, non ? »

Ron ne comprenait clairement pas son acharnement sur le sujet, pas plus qu'Hermione d'ailleurs. Severus comprenait peut-être mais il désapprouvait et ce n'était pas vraiment comme si ils pouvaient en parler quoi qu'il en soit...

« Je ne sais pas. » mentit-il, sans s'avancer.

°O°O°O°O°

La vue de Sirius était trouble.

Une partie de la nuit passée à arpenter la Forêt Interdite et une autre partie passée à... chasser avec une vampire l'expliquaient sans doute. À moins que ce ne soit la lumière tamisée qui prédominait dans la bibliothèque du Square Grimmaurd où il avait passé une grande partie de la journée.

De la petite table de travail qu'il avait annexée à ses recherches et trainée jusqu'à la fenêtre dans une vaine tentative d'obtenir davantage de lumière, il pouvait entendre les raclements réguliers des griffes de Buck labourant le parquet, les allées et venues accompagnées de grommellements de Kreattur, et quelqu'un qu'il présumait être Remus s'affairer dans la cuisine. Le loup-garou s'était remis à travailler sur la nouvelle version de la carte des Maraudeurs qui leur permettrait de surveiller le Ministère. Sirius n'avait pas la tête à ça.

Son regard fut attiré par des enfants qui jouaient sur la place et il les observa un moment au travers de la crasse incrustée sur le carreau. Ils se renvoyaient un ballon en riant et il était tout à la fois mélancolique et jaloux de leur insouciance. Ses pensées s'envolèrent vers des jours meilleurs, des jours où lui et James avaient passé des après-midi entières à ne rien faire d'autre que de lancer et de rattraper un souaffle... Il se souvenait avoir plaisanté des soirées entières alors que Lily était enceinte sur le fait que leur fils saurait jouer au Quidditch avant de savoir marcher...

« Tu souhaitais me voir. »

Il sursauta violemment, sa main volant vers la baguette qu'il avait abandonnée entre deux grimoires comme marque-page.

« Si j'avais été un Mangemort, tu serais déjà mort. » se moqua Snape, en émergeant de l'ombre d'un rayonnage. « Tes réflexes se perdent. »

« Tu es un Mangemort. » rétorqua-t-il, agacé par les tendances prononcées du Maître des Potions pour les entrées et sorties dramatiques.

« Il est heureux que tu me sois plus utile vivant que mort, dans ce cas. » répliqua Snape. « Je n'ai pas énormément de temps à te consacrer. Mon prochain cours débute dans une demi-heure. Tu disais avoir découvert quelque chose ? »

Il était clair à entendre le ton dubitatif que Snape ne pensait pas une seconde que Sirius ait pu découvrir quelque chose que lui n'aurait pas déjà vu.

Sirius jeta un coup d'œil à la porte close de la bibliothèque mais renforça les protections anti-intrusions qu'il avait jetées avant d'entamer ses recherches. Au cas où.

Une seconde plus tard, Snape rajoutait quelques couches de quatre coups de baguette secs.

« Je t'écoute. » lâcha l'homme.

Sirius détestait la manière dont il lui adressait la parole, comme s'il n'était qu'un laquais à ses ordres, et mourrait d'envie de lui flanquer son poings dans la figure. Il se contint. Il venait à peine de rétablir le contact avec Harry, ce n'était certainement pas le moment de tout gâcher.

« Tu as dit qu'il y avait plusieurs horcruxes... » lâcha-t-il, en fouillant dans ses notes. « Un journal et une bague... »

« Et probablement davantage. » soupira Snape. « Ce n'est pas exactement ce que j'appelle une découverte, Black. »

« Le grimoire dit que créer un horcruxe est déjà un exploit, alors trois... » objecta-t-il.

Le Professeur leva les yeux au ciel.

« Je retire ce que j'ai dit et te prie de m'excuser. Tu viens très clairement de découvrir l'origine de la folie du Seigneur des Ténèbres. » ironisa l'homme. « Ils te décoreront sans doute pour cet exploit. »

« Tu peux la fermer deux secondes et m'écouter ? » gronda-t-il. « Combien d'hocruxes on cherche exactement ? C'est ça la question. »

« Je l'ignore. » répondit le Mangemort. « Le journal est détruit, c'est ma seule certitude. » Le Maître des Potions le dévisagea, sourcils froncés. « Laisse la chasse aux horcruxes à Dumbledore, tant qu'il est occupé à courir après des chimères il ne se préoccupe pas d'Harry. Ce qu'il nous faut découvrir c'est comment détruire un horcruxe sans détruire le vaisseau. »

Sirius secoua la tête. « Impossible. Tout ce que j'ai lu le confirme. Toutes tes recherches le confirment. »

« J'ai redéfini l'impossible, il n'y a pas si longtemps, en nous ramenant Harry et moi d'une autre réalité. » rétorqua Snape avec arrogance. « Je ne renoncerai pas. »

« Est-ce que j'ai dit que je voulais qu'on renonce ? » répliqua-t-il, en levant les yeux au ciel. « On ne peut pas détruire l'horcruxe sans détruire le vaisseau donc ce qu'on doit faire, c'est trouver un moyen de sortir l'horcruxe d'Harry. De le transférer ailleurs. Et, oui, il faut qu'on se préoccupe de combien d'horcruxes il y a en tout parce que je préfèrerai tenter l'expérience sur autre chose qu'Harry. »

Cela eut le mérite de clouer le bec du Maître des Potions.

« Transférer l'horcruxe... » répéta le Professeur. « Ce n'est pas... idiot. »

« Tu peux dire que c'est brillant, ça ne va pas t'arracher la bouche. » remarqua-t-il.

Le Mangemort s'approcha de la table et attrapa les notes qu'il avait gribouillées à la hâte, grimaçant au peu de soin qu'il apportait à ses recherches. Tout le monde ne pouvait pas conserver trois copies parfaitement rédigées...

« Est-ce réalisable sans endommager le vaisseau ? » s'enquit Snape et, bien que la question fut posée à voix haute, Sirius eut la sensation qu'il se parlait à lui-même. « Cette monstruosité prend racine dans l'âme d'Harry. Je ne suis pas certain... »

« Je ne sais pas, mais je pense qu'on devrait quand même s'y pencher. » insista-t-il.

Le Professeur ne l'écoutait pas, un parchemin oublié dans une main, il se frottait le visage de l'autre.

« Le vaisseau et l'horcruxe sont supposément indivisibles... Les séparer... » soupira l'homme. « Je crains qu'il soit impossible de les séparer sans mettre Harry en danger... Si nous abimons ne serait-ce qu'une seule partie de son âme... »

« Tu as une sale tête. » commenta-t-il.

Snape était pâle comme un linge – plus pâle que d'ordinaire, s'entend – et le parchemin qu'il tenait frémissait. Il lui fallut une seconde pour comprendre que c'étaient ses mains qui tremblaient.

« Je me passerai de tes remarques, Black. » cingla Snape.

« Non... Tu as vraiment une sale tête. » contra-t-il.

Il se leva et poussa la chaise juste à temps pour réceptionner l'homme que ses jambes ne soutenaient plus.

« Wow. » s'exclama-t-il, le stabilisant d'une main sur l'épaule. « Qu'est-ce que tu nous fais, là ? »

Snape grinça des dents, appuya ses coudes sur la table et enfouit son visage dans ses mains.

« Un philtre de force ne serait pas superflu. » lâcha le Maître des Potions, avant de soupirer.

« Je crois que c'est une sieste qui ne serait pas superflue. » rétorqua-t-il. « Est-ce que ce sont des cernes sur ton visage ou est-ce que tu te transformes en inféri ? Dur à dire. »

« J'ai un cours à donner. » s'énerva le Mangemort. « Et des recherches à finir. Trouve moi un philtre de force. »

Aller chercher une potion aurait requis qu'il lâche l'épaule de son rival et il n'était tout simplement pas convaincu que Snape ne glisserait pas de la chaise s'il s'y aventurait.

« Je ne crois pas que tu vas être à l'heure à ton cours. » grimaça-t-il.

« Ne sois pas ridicule. » marmonna Snape. « Bien sûr que je serais à l'heure. Contrairement à d'autres, j'estime que la ponctualité est capitale. »

« Écoute, je vais envoyer un message à McGonagall, d'accord... Tu n'as qu'à dormir une heure ou deux. On ne manque pas de chambres, ici. » décréta-t-il.

Le Professeur ôta ses mains de son visage et lui jeta un regard noir.

Sirius ne se laissa pas impressionner.

« Ne va pas t'imaginer que je m'inquiète pour toi. » grinça-t-il. « S'il t'arrive quelque chose, Harry ne s'en remettra pas. »

Il commençait à comprendre que lorsqu'il était question de faire entendre raison à Snape, le bien être d'Harry était le meilleur argument à avancer.

« Minerva m'avait bien proposé de prendre ma matinée... » capitula le Mangemort avec un soupir.

« Eh bien, tu vas prendre l'après-midi à la place. » haussa-t-il les épaules.

°°O°°O°°O°°O°°

Albus rangea le miroir dans le tiroir de son bureau, peu satisfait par l'échange qu'il venait d'avoir avec Lucius. Les efforts du Sang-Pur pour convaincre ou soudoyer les membres du Magenmagot de conserver les Détraqueurs à Azkaban lui compliquaient singulièrement la tâche, mais, à en croire l'aristocrate, il s'agissait d'un ordre express du Seigneur des Ténèbres. Lucius ignorait quels étaient les projets à long terme de Voldemort pour les Détraqueurs mais son Maître lui avait bien fait comprendre qu'un échec serait malvenu pour ne pas dire dangereux pour sa propre survie.

Le vieux sorcier ôta ses lunettes et se frotta les yeux, tâchant de décider s'il valait mieux insister ou s'effacer afin de laisser croire à Tom qu'il avait l'avantage, tout en profitant des informations que Lucius récolterait pour contrer ses projets. Cette guerre n'était rien d'autre qu'une partie d'échecs et il fallait parfois savoir feindre de perdre pour mieux triompher.

Ses yeux bleus se portèrent sur le plateau oublié sur une table près de la cheminée, les pièces sagement rangées en rangs serrées de chaque côté, attendant d'être à nouveau utilisées. Il s'était passé tellement de temps depuis que Minerva avait consenti à jouer avec lui qu'une fine couche de poussière les recouvrait.

Comme si sa simple pensée l'avait invoquée, il y eut un bref coup à la porte et Minerva entra sans attendre d'y être invitée. Elle ne leva pas la tête des papiers qu'elle étudiait. L'emploi du temps des Professeurs, s'il ne se fourvoyait pas.

« Êtes-vous occupé durant les deux prochaines heures, Albus ? » s'enquit-elle, tout en continuant de tourner les pages.

Il jeta un regard coupable à la lettre de Scrimgeour qui attendait une réponse depuis la fin de la matinée. Il ne savait que répondre au Ministre. Il avait déjà avancé tous les arguments qu'il pouvait avancer pour que le Ministère renonce à l'utilisation des Détraqueurs. Outre jeter un Impérium à l'ensemble du Magenmagot – et il ne fallait pas croire qu'il n'avait pas envisagé l'idée, frustré comme il l'était par ces sorciers butés – il ne voyait pas bien que faire de plus.

« Pas le moins du monde. » mentit-il. « Que puis-je faire pour vous aider, Minerva ? »

« Pourriez-vous assurer le cours de Défense des cinquième année ? » demanda-t-elle, levant finalement le nez des parchemins avec un soulagement palpable. « J'ai cours avec les septième année et je crains que Sybille et Hagrid soient les seuls autres professeurs disponibles. »

« Naturellement. » accepta-t-il aussitôt avec une bonne humeur retrouvée. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas enseigné et cela lui ferait plaisir de retrouver une salle de classe. « Où est Severus ? »

La sorcière pinça les lèvres et fit disparaître son tas de parchemin d'un coup de baguette agacé. « Il s'est effondré. Il est épuisé. Vous exigez trop de lui, Albus. »

Il fronça les sourcils.

« Est-il à l'infirmerie ? Êtes-vous certaine qu'il ne s'agisse que de fatigue ? » s'inquiéta-t-il. « Certains maléfices... »

« Oh, j'en suis certaine, oui. » l'interrompit-elle sèchement. « Il se perd dans ses recherches, saute les repas et passe la nuit à son bureau. »

C'était, en effet, inquiétant. Severus avait toujours eu tendance à se tuer à la tâche. Toutefois, si les conséquences avaient été, jusque là, minimes, la période n'encourageait pas à ce genre d'attitude. Le Maître des Potions se mettait en danger à chaque réunion à laquelle il se rendait et il se devait d'être concentré.

« Je lui parlerai. » offrit-il.

« Très bien. » soupira-t-elle. « Peut-être aurez-vous plus de chance que moi parce que j'ai l'impression de parler à un mur. Votre cours commence dans dix minutes, ne soyez pas en retard, et pour l'amour de Circé, ne provoquez pas de catastrophes, j'ai entièrement trop de travail pour affronter une foule de parents mécontents. »

Il promit de faire de son mieux, caressa la tête de Fumseck au passage et emboîta le pas à la sous-directrice. Ils parcourent les couloirs en devisant de tout et de rien, pas aussi à l'aise qu'ils l'eurent été autrefois, à son grand regret, et se séparèrent au détour d'un couloir. Il arriva pile à l'heure et ne put retenir un sourire face aux regards surpris qui l'accueillirent. Les élèves étaient docilement rangés de pars et d'autres du couloir, sachant probablement que barrer le chemin de Severus n'était pas des plus souhaitables.

« Où est le Professeur Snape ? » demanda la jeune Parkinson, en fronçant les sourcils, alors qu'il déverrouillait la salle de classe d'un alohomora informulé. Du coin de l'œil, il remarqua l'approche d'Harry. Le visage de l'adolescent était un masque de pure indifférence mais il était évident, pour celui qui savait regarder, qu'il était en train d'Occluder. Severus l'avait bien entrainé. Albus n'était pas certain qu'il serait parvenu à passer au travers des boucliers en forme de flammes dont il apercevait parfois le reflet dans les yeux verts. Il était curieux de connaître l'ensemble des défenses d'Harry mais devinait que la moindre transgression, si elle était découverte, ne lui vaudrait que la rancune et la colère du garçon.

« Une affaire urgente l'a appelé ailleurs. » répondit-il tranquillement, en invitant d'un geste les élèves à entrer. « Vous devrez vous contenter de moi aujourd'hui, je le crains. »

Un murmure ravi se répandit parmi les Gryffondors. Les Serpentards furent un peu moins vocaux mais tous ne semblaient pas hostiles à sa présence.

Il attendit que le dernier élève, le jeune Crabbe, soit entré avant de fermer la porte derrière lui et de remonter lentement l'allée centrale jusqu'à l'imposant bureau qui trônait devant le tableau noir. Les adolescents hésitaient devant leurs bureaux, certains avaient encore leur sac en bandoulière.

« Euh, Professeur ? » hésita Seamus Finnigan, en levant la main. « Est-ce qu'on doit déplacer les tables ? »

« Nous étions censés nous entraîner à briser les boucliers d'un ennemi. » renchérit Hermione Granger, la baguette déjà à la main.

« Je laisse au Professeur Snape le soin de juger de vos progrès sur ce point. » offrit-il, leur indiquant de prendre place. « Installez-vous. La pratique attendra la deuxième heure. »

Les enfants s'installèrent dans un brouhaha qui dura une bonne minute, tirant plumes, cahiers et manuels de leur sac. Il attendit que le silence soit retombé avant de dévisager l'assemblée qui lui faisait face.

Hermione Granger était assise au premier rang, à côté de Daphné Greengrass. Derrière elles, il y avait Harry et Ron Weasley, puis Draco Malfoy et Blaise Zabini... Lavande Brown était assise près de Milicent Bullstrode alors que Theodore Nott était installé à côté de Neville Londubat.

Il était réconfortant de voir que les Maisons respectaient toujours plus ou moins la Trêve.

« Quelqu'un peut-il me citer des exemples de Métamorphose appliquée à l'attaque ? » s'enquit-il.

Une vague de chuchotements excités traversa la classe sans qu'aucune main ne se lève pour répondre à sa question.

« Allons, allons... » sourit-il. « Un peu d'imagination. »

La main d'Hermione Granger fusa dans les airs.

« On peut animer certains objets... Comme des armures, par exemple. » tenta la jeune filles. « Celles de Poudlard sont enchantées et servaient à défendre le château en cas d'attaque au Moyen-âge. »

« Je vois que L'Histoire de Poudlard est toujours votre livre préféré, Miss Granger. » la félicita-t-il d'un hochement de tête. « Il est effectivement possible d'enchanter des armures ou des statues. Cela exige toutefois un grand pouvoir si vous souhaitez vous assurer suffisamment d'armures pour combattre une armée. D'autres idées ? Pensez plutôt à quelque chose qui pourrait vous aider lors d'un duel... »

Cette fois ce fut la main d'Harry qui se leva, plus hésitante.

« On peut transformer son environnement à son avantage. » proposa-t-il.

« Excellent. » approuva Albus. « Quoi d'autre ? »

Il continua son cours avec plaisir, ravi de constater que ses élèves, une fois lancés, ne manquaient pas de créativité. La partie pratique se révéla intéressante bien qu'ils frôlèrent de peu la catastrophe lorsque Finnigan fit involontairement exploser un bureau en voulant le transformer et que Londubat se retrouva propulsé à quelques mètres de là. Après s'être assuré que personne n'avait rien, il pria les adolescents de ne pas mentionner l'incident au Professeur McGonagall – cette déclaration fut accueillie par un rire collectif mais il n'avait aucun doute que Minerva en entendrait parler avant la fin de la journée.

Il fut presque déçu lorsque la cloche signala la fin du cours. Il lui faudrait proposer à Severus de le remplacer à nouveau à l'occasion : instruire des adolescents était bien plus agréable que de passer ses journées à instruire les sorciers du Magenmagot.

« Harry ? » appela-t-il, alors que le garçon s'apprêtait à quitter la salle de classe avec ses amis. « Veux-tu me raccompagner jusqu'à mon bureau ? J'aimerai te parler. »

Harry acquiesça et attendit que le Directeur ait verrouillé la porte derrière eux avant de poser la question qui, Albus en était certain, le taraudait depuis le début du cours. Il fut heureux de constater que le garçon s'assura qu'ils étaient seuls dans le couloir avant de parler.

« Severus ? » s'inquiéta le Gryffondor.

« Le Professeur Snape est simplement fatigué. » offrit-il, insistant sur le titre. « Ce n'est pas de lui dont je souhaite te parler. »

« Pas de Sirius non plus, j'espère... » grimaça Harry. « Si c'est encore cette histoire de tutelle... »

« Oh, mon opinion sur cette histoire de tutelle, comme tu dis, est on ne peut plus claire. » déclara-t-il. « Et, tranquillise-toi sur ce point, personne ne te forcera à signer quoi que ce soit. Bien que je le regrette, il est nécessaire que tu retournes chez ton oncle et ta tante. »

Harry leva discrètement les yeux au ciel et enfonça les mains dans ses poches d'un air bougon.

« Ce n'est, de toute manière, pas de cela dont il est question. » continua tranquillement Albus, alors qu'ils approchaient de la gargouille. « Il est temps, je pense, de t'impliquer davantage dans cette guerre. Après tout, bien que j'aurais préféré te préserver un petit peu plus longtemps, tu es maintenant au courant de la prophétie et tu as émis le souhait d'accélérer ton entraînement avec Remus... » La gargouille s'écarta et il guida le garçon vers l'escalier d'une main sur l'épaule. « Il est hors de question de te mettre en danger, naturellement, mais l'esprit est la meilleure des armes et il y a certaines choses dont il te faut être au courant. Comprendre ton ennemi est la première étape vers son annihilation. »

Le Survivant fronça les sourcils et le précéda dans le bureau, prenant place sur un des sièges lorsqu'il l'y invita. Albus pris le temps de fermer la porte et de s'assurer que personne ne pourrait les déranger avant d'aller s'asseoir dans l'imposant fauteuil derrière le bureau.

Il observa l'adolescent en silence, notant avec un certain amusement que les boucliers du garçon étaient à nouveau à leur maximum, jusqu'à ce que Fumseck ne le rappelle à l'ordre de quelques notes.

« Harry... » commença-t-il avec sérieux, joignant les mains sur la surface du bureau. « Que sais-tu des horcruxes ? »

°°O°°O°°O°°O°°

« Ce n'est pas la fin du monde, Granger. » soupira Draco, avachi sur le vieil hamac défraichi qui pendait entre deux poutres.

De l'autre côté de la pièce, assise sur la caisse qui faisait office de chaise, sa bouteille de bièraubeurre jamais entamée oubliée sur la caisse qui servait de table, Hermione soupira elle aussi. Du regard, elle retraça les initiales entrelacées gravées sur le mur, NB et LM.

Elle n'avait parlé de la tourelle à personne, sachant que la pièce était une confidence de Lucius à son fils et que, à sa connaissance, il n'avait partagé le secret avec personne, pas même avec Blaise. Le Serpentard volait jusque là lorsqu'il désirait être seul et si, récemment, il désirait être seul avec Hermione, la jeune fille avait conscience que l'invitation n'était pas sans date de péremption. La tourelle était le refuge des Malfoy, pas le sien, pas le leur... Pourtant, lorsque Draco avait suggéré qu'ils aillent prendre l'air, après la discussion houleuse qui l'avait opposée à Ron, c'était là qu'elle avait demandé à aller. Probablement parce qu'elle était certaine qu'ici, personne ne viendrait les chercher.

Et puis, après tout, c'était ici qu'était véritablement née l'A.D., ici que Draco et elle avaient décidé de ses membres, il était juste que ce soit ici qu'ils discutent de son devenir.

« Je sais que ce n'est pas la fin du monde. » répondit-elle finalement, en jouant distraitement avec l'étiquette de la bouteille.

« Je t'avoue que mes souvenirs de la Nuit des Ténèbres sont un peu flous mais Black n'était pas si mauvais. » observa-t-il, les yeux rivés au plafond. « C'est un bouffon, certes, mais un bouffon qui n'est pas si mauvais. Tant qu'à impliquer un adulte, mon choix se serait porté vers Nymphadora, cependant. »

« Sirius est fiable, ce n'est pas le problème. » soupira-t-elle.

L'étiquette légèrement humide ne résista pas longtemps au rude traitement auquel elle la soumettait et elle posa la bouteille, pliant et repliant le morceau de papier qui lui collait aux doigts.

« Oh, je sais que ce n'est pas le problème… » ricana Draco. « Je peux le nommer le problème si tu ne veux pas le faire. »

Elle cacha mal un mouvement d'humeur, lui en voulant tout à la fois d'être aussi perspicace et de ne pas noyer le poisson comme Ron le faisait désormais régulièrement.

« Tu veux mon avis sincère ? » continua le Serpentard.

« La sincérité n'est pas ton fort et quand ai-je déjà réussi à t'empêcher de donner ton avis de toute manière ? » s'agaça-t-elle.

Les chandelles projetaient des ombres étranges un peu partout dans la pièce. Elle apercevait à peine le visage de Draco dans la pénombre mais elle sentait pourtant son regard posé sur elle, calculateur. Il ne s'empressa pas de répondre comme l'aurait fait Ron ou Harry, lorsque sa voix retentit à nouveau, elle était posée, réfléchie. C'était une chose qu'elle appréciait tout particulièrement chez lui. Il ne disait jamais la première chose qui lui passait par la tête. Un comportement typiquement Serpentard, peut-être – à moins qu'il ne s'agisse de ses manières d'aristocrate.

« Tu as pris goût au pouvoir, mon cœur. » déclara-t-il.

Un frisson lui parcourut l'échine et elle jeta les restes de l'étiquette, désormais déchirée en petits morceaux, sur la caisse qui lui faisait face.

Le surnom était tout à fait ridicule, naturellement, et c'était la première fois qu'il s'aventurait à l'appeler par ce genre de petits noms.

Elle aurait dû protester, établir des limites afin qu'il ne recommence pas…

Mais cela aurait été mentir de dire que cela ne lui plaisait pas…

« Non. » nia-t-elle tout net. « Je ne suis pas comme ça. »

Il laissa échapper un bruit amusé.

« Tout le monde est comme ça, Granger. » offrit-il, dans un haussement d'épaules. « Et pourquoi pas, après tout ? Qui y a-t-il de mal à désirer le pouvoir ? Cela ne signifie pas pour autant que tu vas te transformer en Seigneur des Ténèbres. Ose me dire que tu n'as jamais songé à devenir Ministre de la Magie… »

Elle garda le silence quelques secondes puis capitula.

« Ministre, non. » grimaça-t-elle. « Il faudrait réformer tout le système politique. Il est archaïque. »

Cette déclaration fut accueillie d'un éclat de rire. Elle ne pensait pas qu'il soit en train de se moquer d'elle, cependant, c'était plutôt affectueux.

« Ce n'est pas le problème de toute manière. » reprit-elle. « Il n'est pas question que Sirius soit en charge de l'A.D. Ron a dit… »

« Peut on cesser de prétendre que Black a quelque chose à voir dans cette histoire ? » s'enquit-il, en levant les yeux au ciel. « Tu ne m'as pas kidnappé et trainé jusque ici à cause de Black. »

« Kidnappé ? » releva-t-elle, énervée. « Si tu as mieux à faire… »

« Mieux à faire que de te regarder bouder en silence ? Je pense pouvoir trouver mieux à faire sans peine, effectivement. Ma Botanique, par exemple. » répondit-il. « Tu n'es pas du genre à te voiler la face, Granger, pourquoi ne te décides-tu pas à admettre ce qui te met tant en colère ? »

L'agacement était perceptible dans sa voix et elle se demanda s'il regrettait véritablement de l'avoir suivie au lieu de travailler sa Botanique comme il l'affirmait. Peut-être en exigeait-elle trop.

« Je ne suis pas en colère. » mentit-elle doucement.

Elle manquait de conviction à ses propres oreilles. Avec un nouveau soupir excédé, elle desserra sa cravate, regrettant de ne pas avoir pris le temps de se changer avant d'être partie à la recherche de Draco.

« J'aurais préféré qu'Harry m'en parle avant, c'est tout. » avoua-t-elle finalement. « Tu as vu comment Ron a annoncé ça à table ? On aurait dit que c'était tout décidé. Et personne n'a rien dit. » Évidemment que personne n'avait rien dit, Ron avait présenté les interventions de Sirius comme une idée d'Harry et qui aurait remis le Survivant en cause ? « Je pensais qu'on prenait les décisions ensemble. La moindre des choses aurait été de soumettre l'idée à un vote à la prochaine réunion. » ajouta-t-elle avec une certaine amertume. « Ou, au moins, de me demander mon avis. »

« L'espace d'une seconde, j'ai cru que tu allais renverser ta soupe sur la tête de Weasley. » remarqua-t-il.

« Tout à fait entre nous, j'ai bien failli. » admit-elle.

Harry ne s'était pas présenté au diner, ce qui ne l'avait pas aidée à accepter la situation, et le fait que Ron, une fois qu'elle avait réussi à l'arracher à l'étreinte de Lavande, ait échoué à comprendre son point de vue ne l'aidait pas davantage. L'A.D. lui échappait, elle lui glissait entre les doigts et Hermione ne parvenait pas à accepter ça.

« Tu as livré l'A.D. à Potter sur un plateau d'argent. » déclara Draco. « Tu lui as demandé son avis sur ce qu'on devrait y étudier, tu lui as proposé de prendre ta place comme instructeur… Et on parle de Monsieur-le-Sauveur-Du-Monde-Magique-Qui-Est-Mort-Et-Ressuscité-Deux-Fois, bien sûr que les gens vont le suivre aveuglément. Ce sont des moutons effrayés. »

« Je pensais que cela l'aiderait à s'intégrer. » se défendit-elle. « Et, tu sais comme moi qu'Harry est le meilleur choix possible. Lorsqu'il est question de Défense, il est meilleur que toi et moi réunis. »

« Sûrement pas. » grinça-t-il. « Bien. Que faisons-nous ? Je suis pour un coup d'état. Cela va demander un minimum d'organisation, quelques semaines peut-être, mais Potter n'est pas si populaire… Si nous abattons les bonnes cartes au bon moment… »

« Il n'y aura pas de coup d'état. » le coupa-t-elle fermement. « Harry est ce qu'il y a de mieux pour l'A.D. » Elle était suffisamment réaliste pour l'admettre. « Peut-être que tu as raison… Peut-être que j'ai pris goût au pouvoir… Et dans ce cas, c'est probablement mieux que ça s'arrête là. »

Elle se leva et étira les bras au-dessus de sa tête avant de le rejoindre sur le hamac, testant prudemment la résistance des vieilles cordes avant d'y mettre tout son poids. Elle ignorait depuis combien de temps ce hamac était là mais elle était prête à parier, vu son apparence, qu'il datait de l'époque de Lucius et Narcissa. Il fallut plusieurs essais et elle crut au moins trois fois qu'elle allait basculer et s'ouvrir le crâne sur les pierres crasseuses, mais elle parvint à se blottir contre lui, à moitié couchée sur son torse. Une fois certaine qu'ils n'allaient pas tomber, c'était plutôt confortable. Ses bras la tenaient suffisamment fermement pour qu'elle se sente en sécurité mais assez pour qu'elle se sente prise au piège. Un coup de baguette de sa part et le hamac se balança doucement de droite à gauche, elle ferma les yeux et s'efforça d'oublier sa colère. Au bout de plusieurs minutes, elle parvint à se détendre.

« Hey, Granger… » murmura Draco, en déposant un baiser sur le haut de sa tête. « Potter est un crétin arrogant qui se croit l'égal de Dumbledore parce qu'il parvient à jeter trois informulés inutiles. Il ne t'arrive pas à la cheville. Tu en vaux trois comme lui. »

« Ne critique pas Harry. » le gronda-t-elle, sans aucune conviction.

Elle avait, toutefois, du mal à cacher son sourire.

Il était réconfortant de constater que quelqu'un, au moins, croyait en elle.