At this moment there are 6,470,818,671 people in the world. Some are running scared. Some are coming home. Some tell lies to make it through the day. Others are just not facing the truth. Some are evil men, at war with good. And some are good, struggling with evil. Six billion people in the world, six billion souls. And sometimes... all you need is one.
One Tree Hill
À cet instant, i milliards 470 millions 818 milles 671 personnes sur terre. Certains ont peur. Certains rentrent chez eux. Certains mentent toute la journée. Certains fuient la vérité. Certains sont des hommes diaboliques, en guerre contre le bien. Et certains sont bons, en guerre contre le mal. Six milliards de personnes sur terre, six milliards d'âmes. Et, parfois… Tout ce dont vous avez besoin est d'une seule d'entre elles.
One Tree Hill
Chapitre 28 : All You Need Is One
« Êtes-vous certain que ce soit une bonne idée, Severus ? » soupira McGonagall.
Severus la fusilla du regard, avant de jeter un coup d'œil tout aussi courroucé à Harry qui dissimulait mal son ricanement derrière une soudaine quinte de toux.
« Presque trois semaines, Minerva. » cingla-t-il, pour toute réponse.
Il arracha la canne fonctionnelle en bois noir que tenait la sorcière et se leva, laissant derrière lui le lit qu'il avait occupé pendant bien trop longtemps. Pomfresh ne semblait pas entièrement convaincue que le laisser partir soit sage, elle non plus, mais Severus était bien persuadé que si elles l'avaient pu, les deux sorcières ne lui auraient jamais rendu sa liberté. Elles semblaient penser, à tort ou à raison, qu'il finirait par se faire tuer sans leur surveillance acharnée.
L'ironie de la situation, comme Harry l'avait fait remarquer avec bien trop de satisfaction, était mordante.
Il s'avança vers le bureau de Pomfresh et la cheminée qui y résidait, s'interdisant de trahir le moindre signe de faiblesse. Il lui avait fallu deux semaines pour parvenir à faire plus de deux pas sans s'écrouler et il n'était toujours pas entièrement sûr sur ses jambes, d'où la canne que Minerva insistait pour qu'il utilise. Severus haïssait le bout de bois par principe mais ne pouvait nier que, pour l'instant, il était nécessaire. Et si c'était le prix à payer pour être autorisé à retourner dans ses appartements…
« Mr Potter… » s'inquiéta Pomfresh dans son dos.
Severus grimaça et serra les dents, agacé de cette nouvelle manie qu'ils avaient tous développé de parler de lui en sa présence comme s'il n'était pas là. Il était convalescent, pas invisible, mais, apparemment, l'un équivalait à l'autre dans cette infirmerie.
« Ne vous inquiétez pas. Je sais ce qu'il faut faire. » promit Harry avec beaucoup plus de gentillesse et de gratitude que Severus en avait témoigné.
Il aurait probablement dû remercier Pomfresh. Après tout, elle lui avait sauvé la vie. Andromeda également mais la Médicomage était retournée à son mystérieux exil dès qu'il était apparu que Severus se remettait selon leurs estimations.
Bien mieux que leurs estimations, en vérité…
Ses doigts se contractèrent sur le pommeau de la canne et il s'y appuya un plus fortement. La prise n'était pas tout à fait franche et sa main était crispée, toutefois c'était déjà un progrès. Il parvenait à tenir sa baguette plus de quelques minutes ces temps-ci.
« Si vous avez besoin de quoi que ce soit, venez me trouver. » ordonna McGonagall.
Severus claudiqua jusqu'au bureau sans entendre la réponse du garçon, regrettant de ne pas être suffisamment en forme pour parvenir à faire claquer ses robes noires come il le faisait toujours pour marquer son irritation. Il ne fallut pas attendre longtemps pour que l'adolescent apparaisse, cependant. Harry était tout aussi impatient que lui de quitter l'infirmerie.
Ils y séjournaient décidément l'un et l'autre beaucoup trop souvent.
Jeter la poudre de cheminette s'avéra compliqué avec ses mains tremblantes mais Severus refusa tout net l'offre de l'adolescent de le faire à sa place. Il n'était déjà pas très heureux que quelqu'un l'accompagne. Il n'avait pas besoin d'une babysitter, comme il l'avait fait remarquer très franchement à Pomfresh, mais personne ne voulait rien entendre.
Il soupira de soulagement lorsqu'il se retrouva dans ses appartements. Il embrassa du regard les rayonnages regorgeant de grimoires alignés contre les murs, les tapis de laine épaisse qui recouvraient le sol de pierres froides des cachots, les fauteuils dépareillés couverts de parchemins qu'il n'avait pas pris la peine de ranger presque trois semaines plus tôt et, bien sûr, les lourds rideaux de brocard qui trainaient jusqu'au sol. Les elfes de maison avaient dû faire le ménage car ils étaient ouverts alors qu'il les préférait fermés, n'appréciant que peu l'idée que tous les habitants du lac puissent l'espionner dès qu'il leur en prenait l'envie.
« Ce don que tu as pour entrer et sortir sans que personne ne soit là pour t'ouvrir est extrêmement suspicieux. » lança-t-il en direction du chat noir et blanc qui ronronnait comme une turbine sur le sofa.
Le feu de cheminée enfla derrière lui et il se traina jusqu'au canapé, autant pour dégager le passage que parce qu'il n'était pas certain de parvenir à rester beaucoup plus longtemps sur ses jambes. Ce n'était pas tant son corps le problème que la douleur dans son avant-bras gauche qui le rendait nauséeux. La Marque, encore et toujours.
Harry émergea de l'âtre dans un nuage de suie qui fit grimacer Severus. Il marmonna un evanesco sans grande conviction et ne put contrôler la vague de soulagement lorsque la grande majorité de la saleté disparut. Sa magie était aléatoire ces temps-ci, presque faible. Pomfresh et Andromeda avaient insisté sur le fait que ce ne serait probablement que temporaire mais, lui, craignait que cela ait avoir avec ses nerfs endommagés et le fait qu'il n'était plus capable de tenir sa baguette comme il l'aurait fallu. Il lui semblait qu'il avait tout à réapprendre, même les sorts les plus simples, et ça…
« Woah. » s'exclama Harry. Le garçon se dirigea droit vers la fenêtre qui occupait un pan entier du mur et donnait à présent l'impression qu'ils surplombaient la Forêt Interdite. Le sortilège était si précis que la fine bruine qui n'avait cessé de tomber depuis des jours venait même s'écraser contre le verre. « Je pensais que vos appartements étaient dans les cachots ? »
Severus se détendit légèrement, quelque peu amusé par l'attitude de l'adolescent. Il avait depuis longtemps cessé d'être impressionné par les appartements qui lui avait été attribués mais ils étaient, certes, un peu plus impressionnants que ceux, plus génériques, qui leur avait été fournis par le Dumbledore du passé. Certes, l'humidité des cachots était parfois pénible, particulièrement en plein hiver, mais Severus y vivait depuis suffisamment longtemps pour s'y être habitué. Il se sentait davantage chez lui ici qu'à Spinner End.
« Ils le sont. » confirma-t-il. « La fenêtre est enchantée. »
« Comme celles du Ministère. » remarqua Harry et il approuva d'un bref hochement de tête. Il fallut plusieurs secondes avant que l'adolescent s'arrache à sa contemplation et se tourne vers lui avec un sourire hésitant. « Vous voulez du thé ? Pomfresh a dit que vous deviez boire beaucoup. »
Il leva les yeux au ciel, ne se rappelant que trop bien à quel point il avait trouvé cela insupportable lorsqu'Harry s'était auto-assigné garde-malade la dernière fois. « S'il le faut. »
« Où est la cuisine ? Vous avez une cuisine ? » demanda le gamin avec une curiosité beaucoup trop débordante, en se précipitant déjà en dehors de la pièce.
Severus dut se faire violence pour ne pas le rabrouer et lui intimer l'ordre de revenir s'asseoir. Il n'avait jamais autorisé aucun élève à pénétrer dans ses appartements et, en règle générale, n'y admettait que très peu de visiteurs, or il était évident qu'Harry souhaitait explorer les lieux. L'idée de l'y autoriser était un peu plus dérangeante qu'elle ne l'avait été en soixante-quinze. Il ne s'agissait plus d'un lieu qu'ils se seraient tout deux appropriés et partagés mais de son chez-lui que l'adolescent désirait envahir.
« Première porte à gauche. » lança-t-il bien inutilement. La cuisine restait toujours ouverte et, en conséquence, le Gryffondor ne pouvait pas la manquer. Comme pour mieux le confirmer, tout un tas de bruits de placards que l'on ouvrait et refermait retentit dans l'appartement.
Au lieu d'en être irrité, cependant, Severus se détendit instinctivement. Il avait oublié à quel point l'adolescent pouvait être bruyant. Il avait oublié à quel point cela lui avait manqué. Il gratta distraitement Masque derrière les oreilles, ne cherchant même pas à retenir le faible sourire qui étira ses lèvres. Il étudia ses mains tremblantes et songea que le prix a payer pour retrouver Harry était peut-être trop lourd mais que, à cet instant, il n'y aurait probablement rien changé.
La potion contre l'Endoloris avait grandement contribué à améliorer sa qualité de vie et, à présent qu'il avait été relâché par ses tortionnaires pleines de bonnes intentions, il pourrait s'y pencher plus discrètement et probablement plus efficacement. Granger et Draco avaient suivi ses instructions à la lettre et avaient prouvé, sans grand mal, qu'ils étaient deux de ses meilleurs élèves, pourtant ni l'un ni l'autre ne faisait preuve d'un grand sens d'inventivité ou d'improvisation et ne savait trop que faire lorsque les consignes demeuraient trop vague. Ajuster la quantité de valériane les avait, par exemple, pris de court.
« Le thé infuse. » déclara Harry avec beaucoup d'enthousiasme pour une tâche aussi simple. Le garçon sautilla presque jusqu'au sofa et s'accouda au dossier pour mieux caresser le chat qui ronronnait toujours.
Severus le regarda faire, se surprenant à penser que tout était à sa place pour une fois. Enfin. Ou, tout du moins, tout était presque à sa place.
« La porte qui fait face au salon est celle de ma chambre. » expliqua-t-il, parce que les autres portes avaient dû demeurer fermées, elfes de maison ou pas. « Inutile de préciser qu'elle est hors-limite, n'est-ce pas ? Celle à sa droite mène à mon laboratoire personnel. Celle juste à droite en sortant du salon est un placard… Tu y trouveras une certaine couverture sur l'étagère… »
S'il avait pensé qu'Harry ne puisse être plus heureux, il s'était trompé. Le visage illuminé par un grand sourire, le garçon détala en direction du couloir. La couverture qui avait demeuré sur le canapé dans leurs appartements en soixante-quinze avait été soigneusement pliée et rangée par ses soins, peut-être était-il temps qu'elle retrouve sa place… Après tout, comme l'adolescent l'avait dit lui-même, certains chats n'avaient besoin de rien d'autre qu'une couverture au coin du feu…
Il profita de l'absence du Gryffondor pour remonter sa manche gauche, peu surpris de noter que le bandage était tâché de sang par endroit.
« Glacies. » murmura-t-il.
Un jet d'eau froide s'échappa de sa baguette, faisant bondir Masque dans un feulement, mais la poche de glace qu'il avait tenté de faire apparaitre demeura inexistante. Grinçant des dents, il occluda le sentiment d'humiliation tout autant que la frustration qui lui broyait le ventre. Pomfresh avait suggéré, non sans prendre de gants, qu'il devrait s'entraîner à lancer des sorts simples pendant quelques temps avant de progressivement augmenter la difficulté. Des sorts simples. Lui. Lui qui créait déjà des sortilèges complexes à quinze ans…
Il se leva, dédaignant la canne appuyée contre l'accoudoir du sofa, et pointa sa baguette vers la flaque d'eau, s'efforçant de garder la main stable. « Evanesco. »
Le sort avait fonctionné un peu plus tôt, il n'y avait pas de raison pour que… L'eau disparut. Bien, songea-t-il, non sans ironie, peut-être serait-il incapable de se défendre à présent mais il pouvait au moins se reconvertir en agent de ménage. Rusard n'avait qu'à bien se tenir.
Il secoua la tête avec un léger soupir et reporta son attention sur la porte du salon, fronçant les sourcils lorsqu'il se rendit compte qu'Harry prenait beaucoup trop de temps pour récupérer une simple couverture. Et, juste au moment où la pensée lui effleurait l'esprit, la voix de l'adolescent raisonna dans l'appartement.
« Papa ? »
Son sang ne fit qu'un tour.
Principalement parce que lorsqu'il n'était pas Professeur ou Severus ou, plus récemment, Sev, cela tendait à prouver que le gamin avait de sérieux ennuis. Il se précipita aussi rapidement que ses jambes tremblantes l'y autorisaient, ses doigts relâchant régulièrement leur prise sur sa baguette parce qu'il lui était plus compliqué de se concentrer lorsque son cœur battait à cent à l'heure. Il tenta d'occluder la peur acide qui lui mordait le ventre mais ses boucliers étaient encore trop neufs, encore trop fragiles, et il se retrouva à imaginer milles scénarios entre le sofa et la porte.
Un Mangemort confirmé n'aurait pas pu pénétrer dans Poudlard mais certains des élèves plus âgés… Quelqu'un aurait très bien pu s'introduire dans les cachots. Cela aurait été très compliqué pour qui que ce soit de briser les protections que Severus avait placées mais pas impossible.
Seulement, il n'y avait aucun Mangemort dans le couloir. Juste Harry.
Les remontrances instinctives que Severus aurait voulu lui faire moururent sur ses lèvres lorsqu'il repéra le problème. Il y avait deux portes à sa droite, celle familière du placard et une autre, ouverte, qui n'avait rien à faire là. Il se décala pour voir ce qu'Harry trouvait si fascinant à propos de cette nouvelle pièce et ne parvint pas à masquer sa surprise.
« C'est ma chambre. » lâcha Harry.
« Je te remercie, ma vue n'a pas été affectée par ma dernière mésaventure. » marmonna Severus par réflexe.
Si le garçon l'entendit, il n'en fit pas état. Il pénétra dans la pièce presque avec méfiance, comme s'il s'attendait à ce que la chambre ne soit qu'un mirage. Et elle aurait bien pu l'être, se dit Severus en s'avançant sur le seuil.
Tout était là pourtant, songea-t-il en observant Harry passer la main sur la surface plane du bureau poussé contre le mur. Le bureau, la fenêtre, le lit avec sa couette moelleuse, la commode, la malle en bois sombre qu'Albus lui avait envoyé dans le passé, la porte sur la droite qui menait à la salle de bain… En dépit de toute logique – parce que la chambre et la salle de bain se seraient superposées au salon si la logique avait joué un quelconque rôle là-dedans – la chambre qu'Harry avait occupée dans le passé venait de réapparaitre. Dans ses appartements.
« Comment… » hésita Harry.
Severus haussa les épaules, sans grande certitude. « Poudlard, je suppose. »
Il était possible que le château ait reconstitué la chambre à partir de leurs souvenirs ou peut-être l'explication était-elle plus complexe. Le château dissimulait toujours bons nombres de mystères…
Soudain, le Gryffondor éclata de rire. « J'adore la magie. »
Avant que Severus ait pu répondre à cette déclaration pour le moins amusante, Harry fit volte-face et se jeta sur lui avec tant de brutalité que l'homme dut se rattraper au chambranle de la porte. Cela ne l'empêcha pas de lui rendre l'accolade avec un léger soupir.
« Merci. » marmonna Harry, le son à moitié étouffé par ses lourdes robes noires.
« Ce n'était pas mon idée, Harry. » réfuta-t-il, embrassant la pièce du regard. Les murs semblaient nus sans les dessins et croquis de Lily. Il resserra néanmoins son étreinte avant que le gamin ait put se méprendre. « C'est aussi bien, cela-dit… Tu n'aurais pas pu dormir longtemps sur le canapé… »
Et il n'avait aucun doute que l'adolescent aurait insisté pour rester et l'aider durant sa convalescence.
Qu'il ait une chambre dans ses appartements paraissait naturel. Bien plus naturel que de l'obliger à dormir dans le salon. Mais il n'était pas certain de la sagesse de la chose…
Ses sentiments paternels mis à part… Ce n'était pas très orthodoxe d'autoriser un élève à fréquenter aussi souvent les appartements d'un professeur et à cela s'ajoutait le fait que… Eh bien, il n'avait aucun droit légal sur Harry et aucun recours pour changer cela. Black… Si Black l'ordonnait, Severus n'aurait d'autre choix que de demander à Harry de retourner dans son dortoir.
« Non. » insista le gamin d'un ton las, coupant court à ses pensées. « Merci d'être revenu. Merci de ne pas m'avoir laissé. »
À quel prix ? grinça une part de lui.
Le prix nécessaire, rétorqua une autre.
Perdre quelqu'un d'autre aurait brisé le garçon.
Il y avait eu trop de morts, trop de douleur dans sa vie et il restait trop d'incertitudes… Perdre quelqu'un d'autre aurait brisé Harry et le perdre lui qui avait pris une place trop importante…
Severus ferma brièvement les yeux. Il aurait aimé trouver les bons mots pour exprimer ce qu'il ressentait à ce moment précis mais ils lui échappaient.
« Le thé va être trop fort. » fut tout ce qu'il trouva à dire.
Peu dupe, Harry se détacha de lui avec un grand sourire. « Je vais chercher les tasses. »
Ils s'installèrent dans le salon et, l'espace d'un temps, il lui sembla avoir fait un bon de six mois dans le passé. Harry s'était installé à même le sol, bien sûr, en tailleur face à la table basse bien qu'il y ait au moins cinq autres sièges plus adaptés dans la pièce et, pendant plusieurs minutes, ils ne discutèrent que des B.U.S.E.s dont la date approchait à grand pas.
« Est-ce que le Ministère va vraiment organiser les examens ? » finit par demander le garçon. « Malfoy dit que vu le climat actuel ça ne l'étonnerait pas qu'ils annulent tout au dernier moment. »
« Et tu te fie à l'avis de Draco Malfoy, à présent ? » se moqua-t-il, observant attentivement l'adolescent. Il avait remarqué, il ne fallait pas le croire, que ce qui avait débuté comme une simple affaire de tolérance semblait se transformer peu à peu en relation plus amicale.
Harry dut comprendre le sous-entendu car il leva les yeux au ciel. « Si vous pouvez être ami avec Sirius, je peux être aimable avec Malfoy. »
Severus manqua s'étouffer avec sa gorgée de thé.
« Je ne suis certainement pas ami avec Black ! » protesta-t-il. Il fut pourtant forcé de se reprendre avec une grimace. Harry semblait avoir enfin cessé d'en vouloir à son parrain pour ce qui s'était passé en soixante-quinze et il ne souhaitait pas raviver les rancœurs endormies. « Nous sommes alliés. À peine. »
La formulation parut grandement amuser l'adolescent, toutefois il eut le bon sens de ravaler son rire. Harry paraissait plus détendu et plus heureux qu'il ne l'avait depuis très longtemps. Ce fut donc un peu à contrecœur qu'il posa sa question suivante. « Qu'en est-il de Slughorn ? »
Le garçon laissa échapper un grognement de frustration. « Impossible à approcher. Il s'est même mis à éviter le reste de l'A.D. »
Severus leva les yeux au ciel, comme toujours lorsqu'il était confronté à ce nom tout à fait ridicule. L'armée de Dumbledore, rien que ça. Le secret de polichinelle le moins bien gardé de Poudlard, en partie parce que Black avait pris le groupe en main – ce qui, supposait-il, en faisait un club de Défense plutôt qu'une activité non supervisée et non approuvée par l'école.
Toutefois, il ne pouvait nier que la perspective de voir Horace Slughorn fuir comme la peste un groupe d'adolescents l'amusait fortement en dépit des circonstances. Il ne savait que trop bien à quel point Granger et Weasley, en particulier, pouvaient être acharnés lorsqu'il était question de confondre un professeur.
« Horace est un lâche mais un lâche qui a de la ressource. » commenta-t-il, en reposant sa tasse vide sur la table basse. Ils prétendirent tous deux ne pas entendre le bruit de la faïence qui s'entrechoquait lorsqu'il la posa sur sa soucoupe. « Albus refuse d'user de Legilimencie pour ne pas se salir les mains. Comme si nous avions le temps de nous accorder ce luxe. »
« Peut-être que Slughorn est un trop bon Occlumens pour lui. » remarqua le Gryffondor.
« Ou peut-être qu'il désire tellement que tu suives sa quête initiatique qu'il perd un temps précieux en conjectures. » rétorqua-t-il. « Qu'en est-il de Lupin ? Est-il finalement réapparu ? »
Harry secoua la tête. « Je ne l'ai pas vu depuis la pleine lune. Sirius dit… En fait, Sirius ne m'a pas dit grand-chose mais je l'ai entendu discuter avec Charlie et Anthony… »
« Les as-tu entendu ou espionné ? » s'enquit-il avec un fin sourire.
Harry haussa les épaules d'un air innocent. « Je refaisais mon lacet près de la salle des professeurs… Ce n'est pas ma faute s'ils ne m'ont pas remarqué… »
« Sans aucun doute. » répondit-il, une note de fierté dans la voix. Il était rassurant qu'Harry n'ait pas perdu tous les réflexes que les mois à Serpentards lui avaient enseignés.
« Bref. Remus est au Square Grimmaurd. » expliqua l'adolescent. « La pleine lune a été difficile apparemment. »
Severus se garda de répondre à ça. Lorsque Black était venu le trouver à l'infirmerie pour lui demander s'il était possible que Slughorn prépare la potion Révèle-Loup à sa place, il avait répondu par la négative sans s'embarrasser d'excuses. Cette potion n'était ni brevetée, ni encore tout à fait parfaite et il ne faisait pas suffisamment confiance à son ancien professeur. Rien n'aurait empêché Slughorn d'utiliser ses recherches et de déposer le brevet sous son nom à lui.
Lupin avait dû se contenter de la potion Tue-Loup classique et, étant donné son état d'esprit actuel et le fait que la potion de Slughorn n'était jamais suffisamment forte, le loup-garou n'avait pas, effectivement, dû passer la meilleure des pleines lunes.
Il n'en concevait, lui, aucun remord. Si la décision n'avait rien eu de personnel, il n'oubliait pas pour autant qui avait été le premier à retourner sa baguette contre lui lors de la Deuxième Nuit des Ténèbres.
Et cela sans même considérer son comportement envers Nymphadora…
« Ne se souvient-il pas qu'il est censé t'entraîner ? » grinça-t-il. « Ou bien a-t-il oublié que le Seigneur des Ténèbres a fait de toi une cible de choix ? »
« Je préfère largement m'entraîner avec Sirius. » avoua le Gryffondor avec une légère grimace. « Remus ne me pousse pas assez et il se cantonne aux duels de base. L'entraînement de Sirius ressemble plus à ce qu'on faisait tous les deux. »
Severus laissa échapper un bruit qui n'engageait à rien. Black l'avait consulté sur la question des plans de cours qu'il souhaitait modifier et il n'avait pas désapprouvé l'idée de mettre l'accent sur davantage de pratique mais il avait du mal à se faire une idée de ce qui se passait réellement dans les salles de classes de Défense.
« Peut-être que vous pourrez recommencer à m'entraîner quand vous irez mieux ? » suggéra Harry avec espoir.
Severus baissa les yeux vers ses mains tremblantes et songea au sort pourtant si simple qu'il n'était pas parvenu à lancer, se demandant s'il se serait encore capable de jeter un pauvre protego.
« Peut-être. » déclara-t-il d'une voix trainante et le mensonge lui arracha presque la bouche. « Cela ne te fait pas de mal de te frotter à différents adversaires, cependant. Tu me connais trop bien, à présent. Tu parviens trop facilement à anticiper mes attaques. »
« Je ne dirais pas que c'est facile. » riposta le garçon avec amusement. « Vous… »
Les flammes se ravivèrent brusquement dans la cheminée avant de virer au vert et Severus pinça les lèvres lorsque Albus Dumbledore fit irruption dans son salon sans même demander l'autorisation avant de traverser. Il lui faudrait replacer le pare-feu à la première occasion, il détestait l'idée que qui que ce soit puisse pénétrer chez lui sans qu'il ne les y ait invité.
« Severus. » salua le vieux sorcier avec chaleur avant que ses yeux pétillants ne tombent sur Harry qui jouait désormais distraitement avec sa cuillère et faisait de son mieux pour ne pas regarder le Directeur en face. « Harry, j'ignorais que tu étais là. »
« Pomfresh semble penser que j'ai besoin d'un garde-malade. » rétorqua Severus avec un rictus dédaigneux. « Que puis-je faire pour vous ? »
La question était à peine polie mais Albus ne prit pas ombrage du ton cassant. Il s'installa dans un des fauteuils sans y avoir été invité.
« Je venais simplement voir comment vous alliez, mon garçon. » répondit calmement Dumbledore. « Il ne resterait pas un peu de ce thé, par hasard ? »
Severus et Harry échangèrent un regard et le garçon servit une tasse au directeur avant de se rasseoir avec une expression pleine de défi qui se transforma vite en ennui lorsqu'il devint clair qu'Albus allait s'en tenir aux banalités d'usage.
C'était un jeu de patience auquel Severus était habitué cependant et il le laissa donc disserter sur le temps atroce, le casse-tête d'organiser les examens dans le climat actuel – une charge qui, il le savait, revenait de toute manière à Minerva – et le regret profond qu'il éprouvait face au refus des parents qui avaient retiré leurs enfants de l'école de les renvoyer à Poudlard à présent que la situation s'était un peu calmée.
« Il se fait tard… Tu devrais retourner dans ton dortoir, Harry. Je suis certain que tes amis t'attendent pour aller dîner. » suggéra innocemment Albus au bout d'une longue demi-heure de palabres inutiles.
Harry ne cilla même pas. À peine sursauta-t-il, s'étant perdu dans ses pensées lorsqu'il était apparu évident que la conversation s'avérerait inintéressante.
« Le Professeur McGonagall m'a ordonné de ne pas laisser Severus seul. » déclara le Gryffondor, sur la défensive.
Severus se fit violence pour ne pas lever les yeux au ciel. Foutu lions et leur sensiblerie…
« Va dans ta chambre quelques minutes, veux-tu ? » Ce n'était pas une requête et Harry dut saisir le sens de l'ordre déguisé parce qu'il accepta d'un hochement de tête légèrement agacé.
Albus attendit que le bruit d'une porte qu'on ferme raisonne dans l'appartement avant de se tourner vers lui, sourcils froncés. « Sa chambre, Severus ? J'ignorais qu'il y avait une pièce vacante dans vos appartements. »
« Poudlard et ses mystères. » rétorqua-t-il, en balayant l'air d'une main tremblante. « Qu'y-a-t-il, Albus ? »
Mais Albus, apparemment, ne voulait pas comprendre le sous-entendu.
« Est-ce bien sage de l'encourager de la sorte ? » le gronda gentiment le vieux sorcier. « Votre attachement mutuel est indéniable et loin de moi l'idée de vous le reprocher… »
« Merlin préserve. » marmonna-t-il, non sans ironie.
« Toutefois… » continua Dumbledore comme s'il n'avait pas ouvert la bouche. « Vous n'êtes pas son père, Severus, et si Sirius réussit à obtenir sa garde, croyez-vous sincèrement qu'il autorisera ce genre de rapprochement ? Peut-être vaudrait-il mieux, pour le bien du garçon comme pour le vôtre, garder une certaine distance… »
« Pour vous permettre de mieux le contrôler ? » grinça Severus. « Mêlez-vous donc de vos affaires, Albus. »
« Harry est sous ma responsabilité. Ce sont mes affaires. » rétorqua Albus. « Vous conviendrez qu'un élève s'installant dans les appartements d'un professeur avec lequel il n'a aucun lien de parenté ferait grincer le dents du… »
« Ne vous avisez pas de seulement insinuer qu'il y a quelque impropriété dans… » l'avertit Severus, ses doigts se refermant par réflexe sur sa baguette.
« Je n'insinue rien. Les parents d'élèves en revanche… » insista Dumbledore.
Des étincelles rouges s'échappèrent du bout de sa baguette et la mâchoire de Severus se contracta davantage qu'elle ne l'était déjà lorsqu'il se retrouva confronté à ce manque de contrôle digne d'un première année. Sa magie était décidément complètement aléatoire.
« Harry est le bienvenu dans mes appartements aussi longtemps et aussi souvent qu'il le souhaitera. » cingla-t-il. « En ce qui me concerne, il est ici chez lui. Si vous y trouvez à redire, contactez ses tuteurs et voyez si vous pouvez forcer Pétunia Dursley à se soucier du sort de son neveu. »
Le visage d'Albus ne reflétait rien d'autre qu'une profonde lassitude et le vieil homme leva la main en signe de paix. « Je m'inquiète seulement de ce qui se passera si Sirius décidait de vous interdire tout contact avec Harry. Étant donné l'affection qu'il éprouvait pour James et votre propre passif avec les Maraudeurs, je ne pense pas qu'il soit heureux de savoir que le garçon vous considère comme un père. »
Il dressa ses boucliers, occludant sans grand mal l'incertitude et la peur qu'il y ait du vrai dans ces paroles. Rien n'empêchait Black d'exiger qu'Harry ne mette plus un pied dans les cachots. Rien n'empêchait Black d'offrir une chambre à Harry dans ses propres appartements, aussi provisoires soient-ils. Rien n'empêchait Black de décider qu'il voulait jour un rôle plus actif dans la vie du garçon. La seule raison pour laquelle l'ancien fugitif l'avait laissé occuper une telle place plus longtemps était l'hostilité dont Harry avait fait preuve envers lui depuis leur échappée dans le passé. Severus pouvait perdre Harry de cent manières différentes et il vivait avec cette peur au ventre mais qu'Albus joue avec cette insécurité dans le but non avoué de reprendre la main…
Albus divisait pour mieux régner lorsque cela l'arrangeait et sa trêve avec Black, sa relation avec Harry menaçait l'équilibre déjà fragile de l'Ordre du Phoenix.
« Souciez-vous donc davantage de démasquer l'espion et un peu moins de mes problèmes personnels. » conseilla-t-il, d'un ton dangereux.
Albus capitula d'un geste. « Qui que cela soit, il est conscient que nous sommes sur sa trace et semble prêt à tout pour conserver sa couverture. Je compte compartimenter les informations davantage. Les réunions se feront en groupe mais les missions seront distribuées au cas par cas. » Les yeux bleu se posèrent sur lui, scrutateurs. « J'ai besoin de réponses au sujet des loups-garous, Severus. Je sais que vous vous remettez à peine et je suis conscient d'en demander beaucoup mais… »
« Mes recherches préliminaires n'étaient pas concluantes. » l'interrompit-il. « J'ai à peine eu le temps d'examiner la potion, toutefois. Pour l'instant, tout ce que je puisse en dire est qu'il semble s'agir d'un dérivé de la potion Tue-Loup. »
« Plus proche de votre potion Révèle-Loup ? » s'enquit Albus avec intérêt.
« Peut-être. » admit-t-il. « Il me faudrait examiner la potion plus en détails. Seulement… »
Seulement ses doigts tressautaient sans raison et ses mains tremblaient sans discontinuer.
« Faites au mieux. » exigea Dumbledore, non sans compassion. « Vous êtes le meilleur Maître des Potions que nous ayons, Severus. »
Il accepta le compliment d'un signe de tête mais l'amertume était dure à dissimuler. Il l'avait peut-être été dans le passé mais à présent…
« Ce qui nous emmène à la deuxième raison de ma visite… » reprit le vieux sorcier.
« Et moi qui croyais que vous vous souciez simplement de ma santé. » se moqua-t-il.
« Je m'en soucie. » répondit Dumbledore. « Suffisamment pour avoir engagé Bill Weasley. »
« Weasley ? » releva-t-il en fronçant les sourcils. « Qu'ai-je à faire d'un Briseur de sorts ? »
Les yeux bleus se posèrent sur son avant-gauche et Severus couvrit la manche de sa main par réflexe, comme pour mieux dissimuler ce qui n'était, de toute manière, pas visible.
« Rien ne peut libérer un Mangemort de la Marque des Ténèbres. » murmura-t-il.
« Cette Marque est une torture permanente. » rétorqua Albus d'un ton péremptoire. « Combien de temps avant que la douleur ne vous rende fou ? » Le vieux sorcier secoua la tête et Severus ne pensait pas que l'affection et l'inquiétude dans son regard étaient feintes. « Bill est un excellent Briseur de Sorts. Laissez-lui une chance. »
Il avait fait ses propres recherches après la chute du Seigneur des Ténèbres et n'avait jamais rien trouvé qui pourrait le débarrasser du lien de magie noire. Il était probablement amusant qu'il ait un jour considéré Sa marqua avec fierté, un élément de distinction, alors qu'elle n'était en fait qu'une laisse autour de son cou…
« Très bien. » accepta-t-il parce que cela ne lui coûtait rien.
« Je craignais que vous ne soyez plus difficile à convaincre. » remarqua Albus avec un léger sourire. « Eh bien, je vais vous laisser… » Le directeur se leva et Severus fit de même par habitude, l'escortant jusqu'à la cheminée par politesse. « Ah, une dernière chose… » reprit Dumbledore, en pêchant une poignée de poudre de cheminette dans le petit récipient en argent posé sur le manteau de la cheminée. « Cela ne signifie peut-être rien mais il semble que des Détraqueurs aient été aperçus un peu plus au sud… Kingsley m'a certifié que les rapports n'étaient pas certains, cependant ils semblent remonter en direction de l'école… »
« La communauté magique panique. » commenta Severus. « Ce n'est pas bien surprenant que certains voient des monstres là où il n'y en a pas. »
Le Seigneur des Ténèbres n'avait toujours pas bougé d'Azkaban et, si certains commençaient à se détendre, d'autres paniquaient davantage face à cette immobilité suspecte. Severus faisait partie de ceux que ce manque d'action rendait nerveux. Si le mage noir n'était pas passé à la suite de sa conquête, cela signifiait qu'il était en train de préparer quelque chose.
« Quoi qu'il en soit… Soyez prudent. » ordonna Albus. « Si vous deviez quitter le château… Assurez-vous d'abord d'être en mesure de créer un patronus. »
« Vous pensez que ces Détraqueurs sont là pour moi ? » demanda-t-il avec un détachement certain. Il s'était attendu à pire. Les Détraqueurs ne passeraient jamais les protections qui entouraient l'école et il n'avait aucune intention de les quitter pour l'instant.
« Je l'ignore. » répondit honnêtement Dumbledore. « Mais il s'agit là d'une théorie que je n'ai aucune envie de tester. »
Il disparut dans la cheminée sans plus tergiverser et Severus fixa les flammes du regard pendant plusieurs minutes, tentant de faire le tri de toutes ces informations. Il aurait payé cher pour posséder une pensine à cet instant précis.
« Qu'en penses-tu ? » demanda-t-il à voix haute.
« Je pense que j'en ai marre qu'il essaye de me manipuler. » grommela l'adolescent. Severus se retourna à temps pour le voir se laisser tomber dans le fauteuil qu'avait occupé le directeur. Avachi, le Gryffondor passa une main dans ses cheveux déjà en bataille avant de lever ses yeux verts vers lui. « La Marque… »
« Inutile de t'en préoccuper. » l'interrompit tout de go Severus. Peut-être avait-il fait une erreur en laissant Harry les espionner. Il n'avait jeté aucune protection, sachant que l'adolescent interpréterait cela comme une permission tacite d'écouter aux portes. « Tu avais des difficultés avec ton Patronus… »
« Spero Patronum. » murmura le garçon sans une hésitation.
Le sombral argenté occupait la moitié du salon, baignant la pièce d'une lumière si éclatante que Severus dut lever la main pour ne pas être ébloui.
« Lui et Sirius peuvent dirent ce qu'ils veulent. » lança Harry avec une pointe de défi, en posant la main sur l'encolure du patronus. « Je garde ma chambre. »
Severus leva un sourcil avec un fin sourire.
Il plaignait quiconque essaierait de la lui faire abandonner.
