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« Grief. The ever-changing sea. Brutal and turbulent. Stretches of peace. And out of nowhere, a knockout wave that rolled through dark shadows, stretching so far back in time now their power had thinned to threads.

Or should have. »

Battle Royal – Lucy Parker

« Le chagrin. Cette mer éternellement changeante. Brutale et turbulente. Des moments de paix. Et, venue de nulle part, une vague formidable qui roule entre les ombres sombres venues d'un passé si lointain que leur pouvoir s'est à présent élimé.

Ou aurait dû s'élimer.

Battle Royal – Lucy Parker


Chapitre 35 : Through Dark Shadows


Cinq contre une.

Tonks avait vécu pire.

Elle avait vécu pire, se répéta-t-elle fermement, en dressant un bouclier à la hâte. Ensuite, il fût trop tard pour penser, pour réfléchir.

Par de nombreux aspects, une bataille magique était comparable à de la danse. Il ne servait à rien d'anticiper le prochain mouvement, il fallait simplement suivre la musique. Se couler dans le flot. Laisser son instinct guider sa main sans toutefois omettre de réfléchir.

Tonks para un premier maléfice, pivota en sentant une présence dans son dos juste à temps pour en esquiver un autre, parvint à envoyer un sort d'entrave au milieu d'une batterie de sorts défensifs… Trois des Mangemorts avançaient vers elle, l'emprisonnant au sein d'un triangle meurtrier.

Son regard gris balaya la ruelle, cherchant le quatrième et la vampire du regard…

Fol'Œil reviendrait probablement la hanter si elle faisait l'erreur grossière de ne pas repérer tous ses ennemis. Elle refusait de mourir, elle aussi, d'un sort de mort pris dans le dos. Si elle devait partir, ce serait la baguette à la main.

Elle trouva le quatrième Mangemort aux prises avec Nyssandra à l'extrémité de la ruelle, cette dernière paraissait déterminée à lui arracher la gorge et il paraissait peiner à la garder à distance.

Tonks fronça les sourcils mais elle n'eut pas le loisir d'analyser la scène ou de tenter d'en tirer une quelconque conclusion.

L'étau se resserrait sur elle, impitoyable…

°O°O°O°O°

Le cœur battant à cent à l'heure malgré des tentatives infructueuses pour occluder la terreur surnaturelle qui lui broyait les tripes, Severus attrapa le poignet d'Albus juste à temps pour l'empêcher de refermer la main sur la bague qui trainait négligemment sur la table de la cuisine vermoulue et poussiéreuse.

« Avez-vous perdu l'esprit ? » siffla-t-il, laissant percer plus d'effroi qu'il ne l'aurait souhaité.

Harry était avachi contre le chambranle de la porte de la cuisine, luttant visiblement contre l'affreux sort de repousse qui leur intimait de quitter les lieux. Severus aurait souhaité pouvoir être plus fort pour l'adolescent, rester de marbre, impassible.

Une part de lui ne pouvait s'empêcher de penser qu'avant toute cette histoire, avant leur retour dans le passé, ses anciens boucliers auraient suffi à le protéger, à lui permettre de compartimenter suffisamment ses sentiments pour ne pas se laisser perturber par le maléfice. Sans doute aurait-il pu mieux résister, sans doute aurait-il pu mieux raisonner. Ses nouveaux boucliers en revanche…

Dumbledore, lui, avait l'air imperturbable. S'il ne l'avait pas vu hésiter sur le seuil de la cuisine, Severus l'aurait cru immunisé.

Quoi qu'à voir l'expression presque fanatique qui étirait lentement ses traits à présent, une expression que le Professeur ne lui avait jamais vue en quinze ans d'amitié, le vieux sorcier était peut-être moins imperturbable que possédé.

Ou, tout du moins, sous influence.

L'endroit était gorgé de magie noire.

Il n'était pas dit qu'elle les affectait tous de manière similaire.

« Vous ne comprenez pas. » gronda Albus, la voix brûlante d'un désir à peine contenu.

Severus en fut presque choqué. L'émotion dans la voix de son mentor, il la connaissait intimement. C'était la même qui avait poussé son lui adolescent à ingurgiter livre après livre traitant de magie noir, la même qui l'avait mené à rechercher la protection de Lucius Malfoy, la même qui l'avait conduit à prendre cette Marque qui lui brûlait désormais le bras.

Jamais il n'aurait pensé l'entendre de la bouche d'Albus Dumbledore.

Le Directeur tenta de se dégager, de rafler la bague qui attendait là, sans aucune protection apparente, comme une babiole sans valeur que l'on aurait oubliée sur la table en partant. Severus raffermit sa poigne, l'éloignant de force mais avec peine. Pour un homme de son âge, Dumbledore avait une résistance physique insoupçonnée et ses mains n'avaient plus la robustesse nécessaire.

« Albus ! » cingla-t-il « Reprenez-vous ! »

« La pierre ! » rétorqua le Directeur, fixant la bague d'un regard avide. « Cela fait des années que je la cherche ! Cela fait des années… Il me la faut. »

Enfiévré par ses délires, le vieux sorcier parvint presque à lui échapper. Maudissant mentalement la faiblesse de ses mains, Severus se planta physiquement devant lui, bloquant son chemin. « Ne soyez pas stupide. Croyez-vous vraiment que le Seigneur des Ténèbres aurait laissé un horcruxe sans aucune protection ? Que croyez-vous qu'il se passera si vous touchez cette bague, Albus ? »

Le mot horcruxe sembla se répercuter contre les murs en un millier de chuchotements dont aucun ne sonnait comme sa propre voix. Il regretta d'avoir utilisé ce nom là. Les noms avaient des pouvoirs et en des lieux saturés de magie noire comme celui-ci…

Il croisa les yeux bleus, quelque peu embrumés du Directeur, et fut alarmé de n'y lire aucune étincelle de raison.

À cet instant, Severus n'était même pas certain que l'homme sache qui il avait en face de lui. Rien ne comptait que la bague. La convoitise était inscrite sur chaque trait de son visage.

« Aguamenti ! » lança Harry.

Severus s'écarta mais pas assez rapidement pour ne pas être aspergé lui aussi par la trombe d'eau qui se déversa soudain sur le vieil homme. Il pinça les lèvres avec désapprobation et se sécha d'un coup distrait de baguette.

Toutefois, pour aussi inélégante que fût la solution du garçon, cela parut fonctionner…

Albus cilla plusieurs fois, son regard se fit moins fiévreux, ses traits se détendirent… Il porta la main à son front avec un trouble évident.

« Mes excuses. » offrit Dumbledore. « J'ignore… Je me suis laissé emporté. »

« Tâchez de ne pas vous laissez emporter dans votre tombe. » grinça Severus. « Et, pour l'amour de Merlin, ne touchez pas à cette bague avant que nous ayons déterminé si cela est sûr. »

Harry, la mâchoire serrée et le regard dur, se fit clairement violence pour les rejoindre dans la pièce.

« Est-ce qu'on peut faire ça vite et sortir d'ici ? » implora l'adolescent. « Cet endroit… »

Son bras droit pendait le long de son flanc, sa baguette serrée au creux de sa paume, de l'autre, il se tenait le torse en une parodie d'étreinte.

« Finissons-en. » décréta Severus, tout aussi impatient de quitter le cottage. « Albus, comment comptiez-vous procéder ? »

Pour toute réponse et avec à peine une pointe d'hésitation le vieux sorcier tira un vieux bout de tissu rapiécé de la poche intérieure de la veste du ridicule costume moldu qu'il portait. Severus n'identifia le Choixpeau qu'avec un temps de retard.

« Veux-tu faire les honneurs, Harry ? » s'enquit Albus, en tendant le Choixpeau à l'adolescent.

Perdu, Severus fronça les sourcils et observa Harry prendre le Choixpeau avec une incertitude perceptible.

« Et si je suis trop Serpentard maintenant et que ça ne marche plus ? » lâcha le garçon.

« Tu as toujours eu des qualités de Salazar Serpentard en toi. » répondit calmement Dumbledore. « Cela ne renie pas ce qui fait de toi un Gryffondor. »

« Pourrions-nous philosopher sur le sens de la vie plus tard ? » siffla Severus. « Que voulez-vous donc qu'il fasse avec un… »

Sans avertissement, Harry plongea la main à l'intérieur du Choixpeau, fermant les yeux comme s'il avait peur du résultat, et en tira une épée qui, depuis quelques années, occupait une place de choix dans le bureau directorial.

Severus se tut.

« La lame est imbibée de venin de basilic. » expliqua Dumbledore en prenant l'épée de Gryffondor qu'Harry lui tendait.

« Oui. » cingla Severus, résistant avec peine à l'envie d'agripper l'épaule du garçon pour mieux le protéger. « Je vous remercie j'ai eu le récit détaillé de cette histoire. »

Et à chaque fois qu'il s'aventurait à imaginer Harry faire face à un basilic à douze ans, avec pour seules armes un vieux chapeau rapiécé, un phénix et une épée plus grande que lui, il en avait des sueurs froides.

« Le venin de basilic est un des seuls moyens connus de détruire un horcruxe. » continua le vieux sorcier comme s'ils étaient dans une salle de classe.

À nouveau, le mot se répercuta contre les murs dans un chœur de chuchotements à glacer le sang.

Harry fit un pas vers lui et Severus ne résista pas plus longtemps à l'instinct qui lui intimait de le toucher. Une main sur l'épaule du garçon, il se sentit un peu moins anxieux. Un peu moins seulement. S'il s'était écouté, il aurait attrapé l'adolescent et aurait transplanné loin d'ici.

« Il va très certainement tenter de résister. » avertit Dumbledore, en avançant à nouveau vers la table, épée levée au-dessus de sa tête. « Préparez-vous. »

Avertissement bien inutile, songea Severus, entonnant un sort de protection à tout hasard.

Harry l'imita, jetant tous les sorts de boucliers qu'il connaissait.

Une bonne chose, décida Severus lorsque Albus abattit finalement l'épée.

Une bonne chose parce que lorsque le monde explosa et qu'ils furent tous projetés dans les airs, les sorts de protection leur évitèrent de se briser la nuque sur les meubles pourris et délabrés qui avaient jusque là parus bien inoffensifs mais qui s'avérèrent tous posséder quelques angles tranchants et saillies de métal rouillé.

Cela ne leur évita pas, en revanche, de cogner tout ce qui se trouvait sur leur chemin.

Un mur stoppa net le vol plané de Severus. Sa tête heurta la pierre et il s'effondra au sol comme une poupée disloquée, songeant vaguement que cela faisait longtemps qu'il n'avait pas été projeté contre une surface en pierre ou en brique et que cela ne lui avait pas particulièrement manqué.

« Sev ! » cria le gamin.

Severus se repoussa immédiatement en position assise, ignorant la nausée et le vertige, ignorant les protestations bien inutiles de son corps meurtri, prêt à voler au secours de l'adolescent…

Une brume argentée avait envahi la pièce et, l'espace d'un instant, il n'était plus dans la cuisine délabrée du cottage des Gaunts mais dans la salle de potions à Poudlard. La brume lui rappelait tellement celle qui avait accompagnée la tempête magique qu'il chercha le Gryffondor du regard, craignant une nouvelle catastrophe…

Mais la brume ne tarda pas à se solidifier en volutes et, lorsqu'il repéra enfin son fils à l'autre bout de la pièce à travers le fin brouillard, il était trop tard pour le rejoindre.

Devant lui, fait de brume mais aussi solide qu'un être de cher et d'os l'aurait été, lui barrant le chemin, se tenait Tobias Snape.

°O°O°O°

Tonks para le maléfice que le Mangemort qui lui faisait face lança, tout en se contorsionnant pour éviter celui qui venait de droite. Elle ne fût en revanche pas assez rapide pour esquiver celui qui venait de gauche.

Une douleur cuisante se répandit dans toute son épaule, lui faisant craindre, l'espace d'un instant, de perdre connaissance. Elle vacilla, des papillons noirs dansant devant ses yeux, ne parvint à lever sa baguette qu'au tout dernier moment pour bloquer le sort noir qui fusait vers elle…

Les sortilèges de boucliers que Severus lui avait enseignés lui donnait un mince avantage mais elle était acculée et…

Elle vit l'éclat vert du sort de mort sur sa droite.

Ne put rien faire pour en dévier la course.

°O°O°O°O°

« Tu es mort. » siffla Severus, fixant le… Était-ce un fantôme ? Il paraissait bien trop solide, bien trop… Était-ce une manifestation de l'horcruxe ? Un maléfice qui protégeait la bague ? Cela semblait cohérent. Les défenses magiques, jusqu'ici, avaient toutes été basées sur une tactique visant à les effrayer. La terreur brute instillée par le sort de repousse à l'approche du cottage, l'impression de claustrophobie dans les bois, et maintenant…

Maintenant un de ses pires cauchemars se tenait devant lui, le rictus méprisant si familier aux lèvres, ses yeux noirs froids et haineux…

« Tu es mort. » répéta-t-il plus fort, comme pour conjurer le sort. Son cœur battait si fort qu'il n'entendait rien d'autre. Le moment semblait hors du temps.

Combien d'années depuis qu'il n'avait pas vu son père ? Beaucoup. Presque deux décennies, sans doute. Oh, comme il avait haï cet homme… Comme il avait voulu sa mort… Aujourd'hui encore, lorsqu'il lui fallait utiliser un sort de mort, c'étaient ses sentiments là qu'il invoquait.

« C'est toi qui devrait être mort. » cracha l'apparition d'une voix caverneuse mais douloureusement familière, levant un bras qui tenait une ceinture qui n'avait pas été là l'instant d'avant. « Bon à rien. Bâtard. Une larve... »

La ceinture s'abattit, cinglant l'air dans un sifflement que Severus n'avait jamais été capable d'oublier, un sifflement qui avait hanté ses rêves pendant…

L'espace d'une seconde, il redevint un enfant.

Ils n'étaient plus perdus au milieu de la campagne anglaise mais à Spinner's End, et il était sans défense.

°O°O°O°O°

Tonks se laissa tomber au sol, moins par réflexe que parce qu'il n'y avait rien d'autre à faire pour éviter la mort qui la frôla de près. Elle roula sur elle-même pour esquiver le prochain maléfice, ignorant les rires gras des Mangemorts qui semblaient s'amuser de ses acrobaties.

Son épaule était en miette. Elle ne sentait pas de sang couler mais elle était prête à parier que le sortilège avait brisé ses os à plusieurs endroits. La douleur, pour vive qu'elle fut, n'était pas plus forte que son instinct de survie, cependant, et elle se releva aussi souplement qu'elle le put, tranchant l'air de sa baguette avec sa main valide.

« Sectumsempra ! » gronda-t-elle.

Le Mangemort qu'elle avait visé s'écroula au sol, mort ou en passe de l'être, sans qu'elle n'en éprouve énormément de remords. La culpabilité viendrait plus tard, elle venait toujours. Pour le moment, tout ce qui comptait c'était sortir de là vivante.

Les Mangemorts avaient cessé de rire.

Elle pivota de sorte à les avoir tous les deux dans son champs de vision, repliant son bras blessé contre son ventre afin qu'il la gêne le moins possible, serrant les dents contre la douleur. La sueur perlait à son front, dégoulinant sur son visage, lui piquant les yeux… La veste en jean moldue ralentissait ses mouvements et si elle avait su qu'elle aurait à se battre, elle n'aurait pas laissé ses cheveux lâchés, ou, du moins, elle les aurait raccourcis…

Le Mangemort avec lequel Nyssa s'était débattue gisait au sol, plus loin, certainement mort. Il n'y avait plus aucune trace de la vampire.

« Crève ! » cracha le Mangemort sur sa gauche. « Avada… »

Le feulement précéda de peu la masse sombre qui lui tomba dessus.

Tonks n'essaya pas de comprendre où Nyssa avait été perchée ou pourquoi elle avait mis si longtemps à intervenir, elle pivota vers le dernier Mangemort qui recula précipitamment. Il parvint à peine à bloquer son sort d'entrave et parut paniquer lorsque son compagnon s'écroula au sol et que Nyssandra se redressa, la bouche et le menton couverts de sang.

Le Mangemort tourna les talons et tenta de s'enfuir…

Le grondement menaçant de Nyssa emplit la ruelle. « Je ne ferai pas ça si j'étais toi… »

°O°O°O°O°

Le choc assomma presque Harry.

Luttant pour garder les yeux ouverts, il toucha l'arrière de son crâne, peu surpris lorsqu'il sentit une bosse se former sous ses doigts. Son premier réflexe, dans la panique, fut d'appeler Severus, inquiet de la brume qui semblait envahir la pièce et qui n'était pas sans lui rappeler… La tempête magique avait eu lieu des mois auparavant mais cette soirée était gravée dans sa mémoire et il ne put réprimer un frisson à l'idée qu'il allait une nouvelle fois être propulsé à une autre époque.

Pourtant, lorsqu'il parvint à se remettre sur ses pieds, inquiet car la brume était si épaisse qu'il ne pouvait distinguer ni Severus, ni Dumbledore, ce ne fût pas une tempête magique qui le fit se figer comme si on lui avait jeter un stupefix. Non… C'était la silhouette qui se détacha de la brume, si compacte, si exacte, qu'Harry aurait pu jurer qu'elle était réelle. La réplique était si frappante, jusqu'à l'uniforme de champions qu'ils avaient porté dans le labyrinthe, déchiré aux mêmes endroits que cette nuit là, que la nuit où…

La culpabilité lui tordit l'estomac.

« Cédric… » murmura-t-il.

Était-ce un fantôme ? Une illusion ?

« Ta faute… » accusa l'apparition, en levant sa baguette. « Tout ça c'est ta faute. Et tu vas payer… »

Harry ne songea même pas à se défendre. Il ne savait même pas où était sa baguette. Il l'avait sans doute lâchée lorsque le monde avait explosé…

Il resta là, à attendre la sentence que Cédric jugerait bon d'appliquer.

Du moins jusqu'à ce qu'il entende un cri de douleur étouffé sur sa gauche. Il était beaucoup trop familier des bruits que faisait Severus lorsqu'il avait mal.

Son sang ne fit qu'un tour.

Oubliant toute culpabilité ou tout besoin d'expier ses fautes, il se jeta dans la brume épaisse en direction du son, trop conscient que Cédric le suivait, le traitait de lâche, lui ordonnait de lui faire face…

Il ne voyait rien…

La brume était si épaisse…

Quelque chose roula sous son pied et il manqua trébucher, il s'accroupit, chercha à tâton ce qu'il espérait être sa baguette…

Cédric jaillit de la brume juste au moment où ses doigts se refermaient sur un bois lisse qui n'était pas aussi familier que sa propre baguette mais qu'il identifia sans mal comme étant celle de Severus.

« Expulso ! » cria-t-il dans la panique, oubliant tout ce que le Professeur avait pu lui inculquer quant aux avantages des sortilèges informulés ou… Il y avait quelque chose dans ce cottage qui jouait sur ses peurs les plus primaires et lui demander de réfléchir de manière cohérente était trop en attendre de lui.

Cédric – ou la chose qui se faisait passer pour Cédric – fut projeté en arrière, avalé par le brouillard.

« Severus ! » appela-t-il, battant du bras gauche dans une piètre tentative pour écarter la brume. « Severus ! »

°O°O°O°O°

La ceinture, toute aussi fantomatique qu'elle fut, était suffisamment solide pour lui arracher un cri lorsqu'elle heurta son visage et déchira la chair, manquant de peu son œil. Du sang chaud ruissela le long de sa joue, sur ses lèvres…

Était-ce la douleur ou le goût de son propre sang qui lui fit l'effet d'un électrochoc ? Toujours était-il que lorsque Tobias leva à nouveau le bras, une litanie d'insultes qu'il n'avait que trop entendue à la bouche, Severus était prêt.

Lorsque la ceinture s'abattit à nouveau, il se jeta sur la droite, décocha un coup de pied au fantôme pas si fantomatique et profita du fait que Tobias ait perdu l'équilibre pour tâter le sol autour de lui à la recherche de sa baguette ou d'une arme de fortune. Il avait, bien évidemment, plusieurs dagues dissimulées sur lui mais il doutait que les lames soient d'une quelconque utilité sur une entité faite de brume.

Ses mains tremblantes l'handicapaient et sa jambe le lançait. Il aurait dû écouter le garçon et prendre sa canne. Une canne lui aurait été diablement utile à ce moment précis.

Il lui semblait entendre quelqu'un qui appelait son nom mais avant qu'il ait pu songer à répondre, il dut esquiver une nouvelle attaque en roulant sur lui-même. La ceinture manqua de très peu son torse, soulevant un nuage de poussière qui le fit tousser.

Décidant qu'il ne pouvait continuer à gigoter au sol comme il l'avait fait dans son enfance, il tenta de se redresser, de se relever…

Peine perdue.

Sa jambe se déroba sous lui, refusant de soutenir son poids et cela lui coûta les précieuses secondes dont il aurait eu besoin pour échapper à Tobias. La ceinture cingla à nouveau l'air, se dirigeant droit sur son visage… Il leva un bras pour se protéger – sachant d'expérience que cela le protégerait du pire mais pas pleinement – et…

« Papa ! Expulso ! » quelqu'un hurla sur sa droite.

L'instant d'après, Tobias valsait dans les airs et était avalé par la brume épaisse qui les entourait. Severus eut à peine le temps d'intégrer l'absence immédiate de danger et de baisser le bras qu'Harry se jetait à genoux près de lui pour lui inspecter le visage, un lumos un peu trop brillant bien trop près de ses yeux…

Un lumos qui illuminait le bout de sa baguette.

« Je vais bien. » grommela-t-il, en repoussant les mains du garçon. « Aide-moi à me lever. »

« Est-ce que ce sont de vrais fantômes ? » demanda Harry, en le hissant tant bien que mal sur ses pieds. Il lui rendit sa baguette sans que Severus ait à en formuler la requête.

« Je ne pense pas. » répondit-il après un moment d'hésitation. « Qui as-tu… »

« Cédric. » l'interrompit le garçon d'un ton qui sous-entendait que la conversation était close. Severus l'accepta momentanément, se promettant d'avoir une énième discussion avec lui plus tard sur son absence de culpabilité dans la mort de Diggory. « Il faut trouver Dumbledore. »

Sur ce point, Severus était plus que d'accord.

°O°O°O°O°

Tonks aurait pu mesurer davantage la force de son sortilège mais elle était blessée, furieuse et sous l'emprise de l'adrénaline.

L'Incarcerem s'enroula autour des jambes du fuyard, le faisant tomber à plat ventre avant qu'il ait atteint le bout de la ruelle.

« Tu es blessée ? » s'enquit Nyssa, en se rapprochant. Tonks s'écarta vivement, pointant sa baguette sur elle. La vampire leva lentement les mains en signe de paix. « Ce n'est pas moi, Tonks. »

« Et je suis censée te croire sur parole ? » cracha-t-elle. « Alors que comme par hasard l'embuscade arrive alors que je suis avec toi ? »

« Je pourrais te retourner l'accusation. » siffla la vampire. « Et si mes soupçons sont exacts… »

« Tes soupçons. » répéta-t-elle, sans baisser sa baguette. « Écoutons-les, ces fameux soupçons. »

Les yeux verts de la vampire ne cillèrent pas alors qu'elle les plongeait dans les siens. Tonks renforça ses boucliers mentaux par réflexe mais aucune attaque ne vint par ce biais là.

« Severus Snape. » lâcha finalement Nyssa.

Tonks la dévisagea avec incrédulité pendant une bonne minute avant de laisser échapper un petit rire amer qui sonnait faux. « Tu plaisantes, j'espère. »

« Penses-tu que tu en aurais conscience si tu étais sous Impérium ? » demanda Nyssandra de sa voix doucereuse, en baissant lentement les mains.

« Je ne suis pas sous Impérium. » gronda-t-elle, d'autant plus énervée que lorsqu'elle repensait à la scène qui avait pris place au Square Grimmaurd durant la deuxième Nuit des Ténèbres… Elle avait pensé que Severus, au moins, avait été définitivement rayé de la liste des suspects.

« Il y a plus d'une manière de contrôler quelqu'un. » insista la vampire. « C'est un Maître des Potions, après tout. Cela ne te semble pas étrange que tu ais si vite oublier Remus pour… »

« Ne termine pas cette phrase. » lui conseilla-t-elle. « Je ne suis pas sous l'emprise d'un philtre d'amour, je t'assure. »

Il n'avait jamais été question d'amour. Du moins, ils n'en avaient pas discuté.

Il était indéniable qu'il y avait un certain attachement et, oui, si elle s'autorisait à être honnête avec elle-même une minute, elle savait qu'il aurait été très facile pour elle de…

Mais ce qui s'était passé avec Remus était difficile à oublier.

Elle n'était pas prête à…

« Il est facile de manipuler quelqu'un qui a des sentiments pour vous. » déclara tout de même Nyssa. « S'il se sert de toi, même à ton insu… »

« Oh, tu veux dire comme le jeu auquel tu joues avec Sirius ? » rétorqua-t-elle.

« Je ne me sers pas de Sirius. » grinça la vampire. « Je m'inquiète pour lui. Depuis quelques temps, lui et Snape… »

Le gémissement de douleur à l'extrémité de la ruelle coupa court à la dispute.

Après un moment d'hésitation, Tonks abaissa lentement sa baguette et se dirigea vers leur prisonnier – non sans garder la vampire dans son champ de vision. Elle l'attrapa par le dos de ses robes et le redressa sans ménagement, le forçant à genoux, avant de lui arracher le masque lisse et blanc qui dissimulait son visage.

Elle ne put s'empêcher d'avoir un pincement au cœur.

Même Nyssa laissa échapper un soupir déçu lorsqu'elle vit qui se cachait sous le masque.

°O°O°O°O°

Albus n'avait pas la présence d'esprit d'avoir peur.

Il aurait dû pourtant.

Il aurait dû car l'enfant qui se tenait devant lui avait peu en commun avec la fillette de ses souvenirs. Ses traits, qui avaient été si doux, étaient déformés en une grimace vengeresse. Ses cheveux flottaient autour de son visage, lui conférant un halo mystique. Et le doigt accusateur qu'elle pointait sur lui en disait long.

Arianna ne prononça pas un mot.

Non, bien sûr.

Était-elle réelle ? Était-ce bien sa sœur qui se tenait là ?

En temps normal, il aurait été tenté de conclure à une fraude, une extension de la magie noire qui oppressait les lieux, un maléfice qui aurait tiré directement de son esprit son plus vieux et vivace regret…

Mais avec la bague si proche, avec la pierre de résurrection à portée…

Il leva la main vers elle, vers ce doigt accusateur, certain que s'il pouvait la toucher, l'enlacer…

« Expulso ! »

« Non ! » eut-il à peine le temps de crier avant que sa sœur ne soit projetée au loin, avalée par la brume.

Severus, lorsqu'il émergea des volutes, lui jeta un regard scrutateur, lourd de question. Ce fut Harry qui s'empressa de le remettre sur pieds, grimaçant tout du long.

Il ignora leurs questions, trop conscient des fantômes qui s'agitaient dans la brume autour d'eux.

« Finissons-en. » ordonna-t-il, appelant à lui d'un Accio informulé sa baguette et l'épée de Gryffondor.

°O°O°O°O°

Un gamin.

C'était un gamin.

À peine suffisamment vieux pour avoir passé ses A.S.P.I.C.s, si tant est qu'il les ait seulement passés. Avec tous les élèves qui avaient quitté l'école récemment…

A peine plus vieux que Draco, Harry et les autres.

Tonks l'étudia un moment en silence, ne ressentant que pitié pour le garçon qui tentait de garder un air bravache mais cachait mal à quel point il était terrifié. Il pouvait être terrifié, cela dit. Elle n'avait pas pour habitude de terrifier ses prisonniers mais ils étaient en guerre et une fois qu'elle l'aurait ramené au bureau des Aurors…

Scrimgeour avait autorisé l'utilisation de Veritaserum sur tous les Mangemorts capturés.

« Ton nom. » demanda-t-elle.

« Va te faire foutre, Sang-de-Bourbe ! » cracha le garçon.

Nyssa se coula près d'elle et, avant qu'elle ait pu l'arrêter, attrapa les cheveux du gamin pour tirer sa tête en arrière, exposant sa gorge. La vampire sourit, découvrant des canines impressionnantes. Sa bouche était toujours tâchée du sang de l'autre Mangemort.

« Ce n'est pas très gentil, ça. » susurra-t-elle, le forçant davantage à arquer la nuque avant de promener un doigt sur sa gorge. « Pas très prudent non plus. »

Tonks espérait fortement que la vampire bluffait mais était un peu trop consciente d'avec quelle facilité elle aurait put l'égorger. Et il était leur seul témoin, la seule personne qui pouvait innocenter ou incriminer l'autre femme. « Nyssa… »

« Qui vous a envoyés ? » demanda la vampire, sur le ton de la conversation.

Le garçon se raidit. « Tuez-moi. Je ne parlerai pas. »

« Oh, que si tu vas parler. » se moqua Tonks. « Que tu le veuilles ou non, d'ailleurs. » Elle secoua la tête. « Ramenons-le au Ministère et tirons ça au clair. »

Nyssa, cependant, ne semblait pas prête à le remettre aux mains des autorités compétentes.

La vampire approcha sa bouche de sa gorge, claquant les dents à un millimètre de la peau, souriant lorsque le Mangemort laissa échapper un gémissement terrifié.

L'Auror fronça les sourcils. « Nyssa. »

« Qui est l'espion ? » murmura la vampire, d'un ton presque hypnotique. « Qui vous fournit vos informations ? »

Le gamin avait les yeux presque révulsés de peur. « Je sais pas ! »

Tonks était encline à le croire. Il était évident que les Mangemorts qui les avaient attaquées étaient du menu fretin. Elle était prête à parier que lorsqu'elle ôterait les masques de ceux qui étaient morts, elle ne trouverait aucun sorcier important dessous. Personne, en tout cas, du cercle intime du mage noir.

« Pourquoi étiez-vous ici ? » insista tranquillement Nyssa. « Quelle était votre mission ? »

Le garçon resta silencieux une seconde de trop. Nyssa inclina la tête, approcha à nouveau ses canines de la jugulaire…

« Snape ! » couina-t-il.

Tonks se raidit. « Quoi ? »

Le gamin fit la grimace puis sembla capituler. « Le traître finira par crever de toute manière… La Marque… Mais le Maître veut le faire souffrir d'abord. Alors… »

Le regard qu'il posa sur elle en disait long.

« Ça en devient vexant. » soupira-t-elle. « Tous ces gens qui me veulent morte à cause de tel ou tel homme… Quoi ? Je ne mérite pas d'être sur leur liste juste parce que je suis une putain d'Auror qui peut leur botter le cul ? »

Nyssa laissa échapper un petit rire sans trop d'amusement.

« On est censé te capturer si possible. » grommela le gamin.

Ça attira son attention. « Répète ? »

Le garçon avait les yeux bruns et ils étaient si froids, si pleins de fanatisme lorsqu'ils rencontrèrent les siens que Tonks dût se faire violence pour ne pas faire un pas en arrière.

« La Sang-de-Bourbe de Snape. » cracha-t-il. « Le Maître te veut vivante si possible. »

Inutile de demander pourquoi.

Elle fit de son mieux pour ignorer le frisson glacé qui lui parcourut l'échine.

« Il n'est pas suffisamment stupide pour se précipiter dans la gueule du loup à mon secours. » rétorqua-t-elle, en secouant la tête.

Et, pourtant, elle ne put s'empêcher de se remémorer le bras que Dumbledore avait levé pour lui barrer le passage lorsque Remus avait eu ses crocs de part et d'autre de sa gorge, la vitesse avec laquelle il s'était jeté sur elle pour la trainer loin du danger une fois que les mâchoires s'étaient écartées…

Mais Severus était plus intelligent que ça.

Il ne foncerait pas dans un piège pour elle.

Il n'était pas un Gryffondor.

« Il va mourir. » insista le Mangemort.

« C'est ça, c'est ça… » soupira-t-elle. « Stupefix. »

Nyssa le laissa tomber au sol sans grande douceur et lui fit face, semblant incertaine.

« Je ne suis toujours pas convaincue. » déclara la vampire.

« Eh bien, moi non plus. » rétorqua Tonks. « Tu es toujours très suspecte. »

« Autant que toi. Autant que Snape. » Nyssandra haussa les épaules. « Autant que tous les autres. »

« Oui… » grinça-t-elle. « C'est bien ça le problème. »

°O°O°O°O°

Harry agrippait la baguette que Severus lui avait rendue grâce à un sort d'attraction, scrutant la brume qui les enveloppait, si dense qu'il parvenait à peine à distinguer les silhouettes des deux sorciers qui l'encadraient.

« Est-ce que l'horcruxe est toujours sur la table ? » demanda-t-il, sans réfléchir.

Comme plus tôt, le mot sembla rebondir sur les murs en un millier de chuchotements à glacer le sang. Il grimaça.

« Je pense qu'il serait sage de bannir ce mot de notre vocabulaire pour l'instant. » ordonna Severus.

« Un Accio ? » suggéra-t-il, tout de même. « Sur la bague ? »

« Trop risqué. » détermina le Professeur.

« Sans compter qu'elle est certainement protégée contre ce genre de sortilèges. » remarqua Dumbledore, en faisant un pas prudent en avant.

Harry le suivit et sentit plus qu'il ne vit Severus faire de même sur sa gauche.

La cuisine n'était pas si grande malgré l'effet que produisait le brouillard. La table, et donc la bague, ne pouvait pas être bien loin.

Ils n'avaient pas fait deux pas qu'une ondulation sembla faire frémir les volutes de brume autour d'eux.

Et puis…

Harry recula instinctivement lorsque la brume sembla se matérialiser en plusieurs corps. Cédric était, au centre, et derrière lui…

« Lily. » s'étrangla presque Severus.

Ce n'était pas la Lily qu'Harry avait connu cependant.

Ce n'était pas l'adolescente qui souriait facilement, riait volontiers et aimait à le taquiner. Non… C'était l'adulte, celle qu'il avait étudiée si souvent sur les photos que lui avait données Hagrid. Elle avait l'air si triste, si…

James se tenait, grave, à côté de sa mère.

Mais ils n'étaient pas seul.

Des douzaines de gens se tenaient là, les encerclant au point qu'Harry, Severus et Dumbledore se mirent instinctivement dos à dos, une position défensive qui les laissait toutefois trop exposés.

« Qui sont ces gens ? » demanda-t-il.

Les visages, pour la plupart, n'étaient pas familiers.

Lorsqu'il répondit, la voix de Severus était tranchante, distante. Harry savait, sans avoir besoin de le voir, qu'il occludait.

« Mes victimes. » murmura le Professeur. « Des gens que j'ai tué. »

Harry sursauta.

C'était une chose de savoir que…

« Les miennes également. » ajouta Dumbledore, pensif. « D'autres que je n'ai pas pu sauver. Certains dont j'ai malencontreusement provoqué la mort. »

Harry se risqua à quitter Cédric et ses parents du regard suffisamment longtemps pour jeter un coup d'œil vers le Directeur. La fille qui lui avait fait face dans la brume était là de nouveau. Et juste derrière elle…

Il sentit son cœur se serrer en reconnaissant Arthur Weasley et Fol'œil.

« Vous n'avez pas tué Fol'œil ou Mr Weasley. » se sentit-il obligé de lui rappeler.

« Non… » répondit Dumbledore. « Non, tu as raison, Harry, mais je suis responsable. »

Avant qu'Harry ait pu l'en empêcher, le vieux sorcier abaissa sa baguette et marcha droit vers ses fantômes, l'épée de Gryffondor pendant au bout de son autre bras ballant.

« Professeur ! » cria-t-il, tentant de le retenir.

Ses doigts frôlèrent à peine le tissu éliminé de son ridicule costume moldu.

« Harry ? » s'enquit Severus, d'un ton faussement calme. « Que se passe-t-il ? »

Le Maître des Potions n'osait pas détourner le regard de la masse de personne devant lui, comprit Harry.

« Il a marché droit vers eux. Il… Il a disparu. » résuma-t-il.

Il ne pouvait plus voir Dumbledore. C'était comme si la brume l'avait avalé. Il ne pouvait plus voir les fantômes du vieux sorcier non plus.

Severus se déplaça jusqu'à ce qu'ils se tiennent complètement dos à dos mais ne lui donna aucune instruction. Il était si difficile de réfléchir… Le sort de repousse lui broyait toujours les tripes, lui intimait toujours de se sauver et…

« Culpabilité. » lâcha soudain le Professeur dans son dos. « Tu n'as pas tué Cédric ou tes parents. Il ne s'agit donc pas de véritables… »

La voix trainante du Maître des Potions s'éteignit sans qu'il termine sa phrase.

« Alors quoi ? » répondit Harry, s'étouffant presque sur un rire plus paniqué qu'amusé. « On baisse les armes et on marche vers eux et… »

« Je l'ignore. » grinça Severus. « Je peux à peine réfléchir. La sensation ne pourrait pas être pire s'il y avait un Détraqueur dans la pièce. »

C'était exactement la sensation qu'éprouvait Harry. Excepté qu'au désespoir s'ajoutait la terreur que…

C'était comme si quelqu'un venait d'allumer la lumière.

L'idée jaillit et, avant qu'il ait put se laisser douter, il ferma les yeux et murmura la formule. Il ne se donna pas le temps d'hésiter ou de craindre d'échouer. De son pouce gauche, il pressa contre le sceau des Princes qui reposait sur son majeur, pour mieux s'ancrer dans son souvenir heureux.

Le sombral argenté fusa du bout de sa baguette et courut autour d'eux, formant un cercle protecteur avant de foncer sur les silhouettes menaçantes qui explosèrent en volutes dès que le Patronus les toucha.

« Spero Patronum. » lança Severus quelques secondes plus tard.

La biche était bien moins brillante que le sombral et paraissait diminuée, plus petite, plus…

Oh.

Ce n'était pas une biche.

« Euh… » hésita-t-il.

« Plus tard. » siffla Severus d'un péremptoire qui signifiait sans doute jamais.

Se souvenant d'à quel point il avait été embarrassé quand son propre sombral avait changé, il décida de laisser tomber.

Il y avait, de toute manière, plus urgent.

Les Patronus patrouillant autour d'eux en un large cercle, ils s'élancèrent, un peu à l'aveuglette, dans la direction qu'avait pris le vieux sorcier. Il ne leur fallut pas longtemps pour le rejoindre.

Apparemment, il avait trouvé la table.

Il avait la main tendue au dessus de l'horcruxe et laissait couler son sang sur la bague qui semblait l'absorber comme si…

« Albus, que… » s'inquiéta Severus.

Le Directeur jeta un coup d'œil aux patronus. « Il suffisait d'embrasser votre culpabilité. Ce n'est qu'une illusion. Ils sont inoffensifs au demeurant. »

« Une illusion ? Ils peuvent… » Le Maître des Potions porta la main à son visage, comme par reflexe, avant de la retirer avec une expression surprise. « J'aurais juré… »

« Des illusions toutefois convaincantes. » nuança Dumbledore. « Reculez, Severus, les protections vont céder. Harry, si tu veux bien. »

Harry attrapa par réflexe l'épée que le vieux sorcier lança dans sa direction.

« Non… » commença à protester Severus. « Si quelqu'un doit… »

Il n'eut pas le temps de finir.

Il y eut un craquement sonore et puis la brume disparut brusquement, comme aspirée par la bague. Harry coinça hâtivement sa baguette dans sa poche et empoigna à deux mains la garde de l'épée. Il ne se donna pas le temps de réfléchir car il ne semblait que trop évident que l'horcruxe allait à nouveau les combattre.

Il abattit l'épée de Gryffondor sur la table, laissant à peine à Dumbledore le temps de reculer précipitamment.

Un cri affreux retentit dans le cottage et quelque chose surgit de la bague, quelque chose qui ressemblait à une ombre poisseuse, uniquement pour disparaitre dans les air.

Le cri d'agonie mit une minute à s'éteindre et Harry le sentit, il le sentit dans sa poitrine, le déchirement.

« L'horcruxe est détruit. » murmura-t-il, plus pour lui-même que…

Voldemort l'avait-il senti lui-aussi ?

« En est-on certain ? » s'enquit Severus, en levant un peu sa baguette. « Les protections sur le cottage sont toujours actives. »

« Il est détruit. » insista Harry.

Son cœur continuait pourtant de battre de manière anarchique et il n'avait rien qu'il souhaitait plus que de quitter cet endroit au plus vite.

« Que faites-vous ? » demanda soudain Severus, alarmé. « Albus ! »

Harry s'écarta par réflexe lorsque le Professeur se jeta presque sur le Directeur, l'empêchant une nouvelle fois d'attraper la bague. Le vieux sorcier se dégagea sans mal de la poigne du Maître des Potions mais Harry était prêt. Il envoya voler la bague à l'autre bout de la cuisine du bout de l'épée.

Dumbledore n'avait pas l'air amusé du tout par leur manège.

« Il me faut cette bague. » grinça le vieil homme, en tentant de contourner Severus.

« Qu'a-t-elle donc de si important ? L'horcruxe est détruit. » riposta le Maître des Potions, en lui coupant la route. « S'il s'agit de l'étudier… »

« Bien évidement qu'il s'agit de l'étudier. » rétorqua Dumbledore.

Harry ne put s'empêcher de penser qu'il mentait.

« Et si on l'emportait et que vous vous disputiez plus tard ? » suggéra-t-il. « Vous savez, ailleurs que dans ce trou à rat effrayant ? »

Severus, les lèvres pincées, ne bougea pas. « Il est stupide de penser que le Seigneur des Ténèbres n'a pas placé plus d'un maléfice dans cet endroit, horcruxe détruit ou pas. Si vous tenez absolument à récupérer cette bague, procédons avec prudence. »

L'homme ne recula que lorsque Dumbledore acquiesça.

Harry tenta du mieux qu'il put de contrôler son impatience alors que le Maître des Potions s'accroupissait tant bien que mal à côté de la bague et lançait une série de sortilèges visant à déterminer si l'objet était dangereux. L'épée de Gryffondor dans une main, sa baguette dans l'autre, le garçon scrutait les ombres qui semblait se mouvoir aux quatre coins de la cuisine comme si elles étaient vivantes.

« Il y a une malédiction sur cette bague. » gronda Severus, au bout de plusieurs minutes. Il leva la tête vers Dumbledore, son expression mécontente. « Si vous l'aviez touchée, vous seriez mort en quelques heures. Quelques mois, peut-être, en imaginant que j'ai pu contenir le maléfice à temps. »

Le vieux sorcier ne tressaillit pas mais il inclina la tête en guise d'excuse et de remerciement. Severus lui rendit son hochement de tête mais paraissait toujours contrarié par son manque étrange de prudence.

« Pouvons-nous briser la malédiction ? » s'enquit Dumbledore.

« Probablement mais cela prendra du temps et je refuse de rester ici une minute de plus que nécessaire. » répondit le Maître des Potions. « Seul le contact physique est dangereux. Tant que vous ne la touchez pas à mains nues… »

« Je m'en occuperai plus tard. » approuva le vieux sorcier, en faisant apparaître un coffret à bijou. Il fit léviter la bague à l'intérieur, en referma le couvercle d'un geste sec et les invita à sortir de la cuisine.

Harry fût le premier dehors.

Il respira à pleins poumons l'air frais de la nuit, ne parvenant pas à s'émouvoir de la pluie battante dont il n'était plus protégé. L'impervius de Severus avait du s'estomper.

La main du Maître des Potions le poussa vers l'avant et ils avancèrent aussi vite que sa jambe raide le lui permettait vers le trou dans la barrière de ronces. Dumbledore semblait moins pressé.

Il avait l'air… satisfait.

Harry aurait dû l'être aussi, supposait-il. Ils auraient tous dû l'être. C'était une victoire, après tout, le premier pas qui leur permettrait de vaincre Voldemort…

« Vous croyez qu'il l'a senti ? » demanda-t-il à Dumbledore alors qu'ils se hâtaient le long du sentier dans les bois. « Vous croyez qu'il sait ? »

« Dur à dire. » répondit le Directeur.

Severus lui jeta un regard dur. « S'il y avait ne serait-ce qu'une possibilité pour qu'il le sente, il aurait mieux valu récupérer tous les horcruxes avant de les détruire. S'il a senti la destruction de celui-ci, il risque de déplacer les autres à Azakaban… »

Le vieux sorcier secoua la tête. « Il y a tellement de fragments… Non, je ne pense pas qu'il le sente pour le moment… Quant il n'en restera que deux ou trois, là, peut-être… Et il ne prendra jamais le risque de les rassembler au même endroit. »

Harry accrocha le regard de Severus dans le dos du Directeur et eut une moue dubitative.

Il l'avait senti.

Certes, il l'avait peut-être imaginé.

Et peut-être que c'était différent parce qu'il était un autre horcruxe mais…

La main du Professeur serra brièvement son épaule en signe de compréhension.

« Rentrons à Poudlard. » intima sèchement Severus, son regard balayant nerveusement les alentours.

Harry n'était que trop heureux d'obéir.

°O°O°O°O°

Severus ne se détendit que lorsqu'ils passèrent les grandes portes. À l'abri à l'intérieur du château, il s'autorisa finalement à souffler.

Son corps meurtri le fit grimacer et il résista à grand peine au besoin de s'appuyer contre le mur. Il aurait dû emmener sa canne, se reprocha-t-il pour la cinquantième fois. La marche allée et retour avait été rude pour sa jambe et cela sans parler des diverses attaques physiques dont il avait fait l'objet ce soir là.

« Souhaitez-vous mon aide pour… » s'enquit-il, se préparant mentalement à monter les nombreux escaliers qui menaient au bureau du Directeur et à la longue nuit qui suivrait passée à étudier la malédiction qui pesait sur la bague.

Dumbledore le congédia d'un simple geste, sans même un véritable regard, déjà à moitié escalier.

Severus échangea un regard avec Harry qui haussa les sourcils. Inquiet étant donné le comportement d'Albus dans ce cottage, il ne résista pas au besoin de lui rappeler une nouvelle fois d'être prudent. « Ne la touchez pas à mains nues ! »

La dernière chose dont ils avaient besoin était que le vieux sorcier ne s'empoisonne accidentellement.

« C'est moi ou il est bizarre avec cette bague ? » demanda Harry, alors qu'ils se dirigeaient lentement – lentement car Severus boitait ouvertement, incapable de dissimuler plus longtemps son problème – vers les cachots.

Le garçon esquissa un geste mais retira sagement la main qu'il avait tendue lorsque Severus le fusilla du regard.

Il n'avait pas besoin d'aide. Il pouvait très bien se débrouiller seul.

Lentement, certes, mais seul.

« Ce n'est pas toi. » grommela-t-il. « Et j'aurais préféré pouvoir la subtiliser… Ou tout moins y jeter un meilleur coup d'œil… »

« Ah, je savais bien que ces sorts de diagnostics prenaient un peu trop longtemps… » plaisanta Harry mais le cœur n'y était pas.

L'adolescent était renfermé depuis qu'ils avaient quitté le cottage.

« Veux-tu en parler ? » offrit-il.

À sa décharge, le Gryffondor ne fit pas semblant de ne pas comprendre. « Il n'y a pas grand-chose à dire, si ? »

Severus voulait insister. L'attitude du garçon dernièrement l'inquiétait. Il paraissait déprimé, si certain qu'il ne survivrait pas, que…

Le Maître des Potions refusait d'envisager l'éventualité.

Il décida d'attendre avant de pousser le gamin à la confidence. Parvenir à leurs appartements demandait toute sa concentration et il n'était que trop conscient d'être à bout de souffle et en sueur lorsqu'ils y arrivèrent enfin.

Il n'était pas dans les meilleures dispositions lorsqu'il trouva Black avachi dans un de ses fauteuils, un livre – un livre qui lui appartenait – à la main.

« Qui t'a laissé entrer ? » aboya-t-il.

« Toi. » répondit le cabot, bravache. Black dut cependant comprendre qu'il n'avait guère d'humour à ce moment là car il s'extirpa du fauteuil et leva les mains en geste d'apaisement. « Tu m'as donné le mot de passe de ton laboratoire… »

« En cas d'urgence. » siffla-t-il.

« Oui, eh bien, il y a un passage secret qui le relit à tes appartements et je voulais être sûr qu'Harry était revenu en un seul morceau. Et puis si tu avais voulu me garder à la porte, tes protections ne m'auraient pas laissé passer. » lâcha l'homme, comme si cela réglait la question.

C'était sa propre faute, se morigéna Severus. Les lions tendaient à se penser les bienvenus perpétuellement dès lors qu'on leur ouvrait la porte une seule fois.

« Il s'agissait d'une précaution, pas d'une invitation. » cingla-t-il.

Le sorcier l'ignora, étudiant Harry du regard. « Comment ça s'est passé ? »

« Génial. » se moqua Harry, pince-sans-rire. « Quelques fantômes, une malédiction, une randonnée dans les ronces, un bout de l'âme de Vol… » Le garçon s'interrompit le temps d'un coup d'œil à l'avant-bras gauche du Maître des Potions et se reprit dans la second. « Tu-sais-qui. »

Black secoua la tête avec une grimace. « Tu passes trop de temps avec Snape. Le sarcasme, c'est contagieux ? »

« Toujours moins que ta stupidité. » grommela Severus, en claudiquant jusqu'au mur où sa canne était abandonnée. Il grinça les dents, sentant les regards inquiets qui suivirent sa progression, mais fût soulagé une fois qu'il put s'appuyer sur autre chose que sa jambe raide. « L'horcruxe est détruit. »

« Il était vivant. » déclara le gamin. « Il était conscient. Ils nous auraient possédés s'il l'avait pu. »

« Extrapolation. » jugea Severus.

« La brume… C'était l'horcruxe. » insista Harry. « Il était dans nos têtes. Il… »

« Harry, ça aurait aussi bien pu être un sortilège. » l'interrompit Severus, s'appuyant plus fortement sur sa canne. « Cesse de penser que l'horcruxe peut prendre possession de toi ou t'influencer. Je t'ai déjà expliqué… »

« Très bien. » Le garçon leva les yeux au ciel.

« Harry. » grinça-t-il, agacé tout autant par sa propre incapacité à convaincre l'adolescent que par son insolence.

« Je vais me coucher. » déclara l'adolescent.

Même si Severus avait voulu le rattraper ou le suivre pour mieux le sermonner à propos de la porte qu'il claqua quelques secondes plus tard, il ne l'aurait pas pu. Sa main tremblait si fort sur le pommeau de la canne qu'elle ne lui offrait pas la stabilité escomptée. Il n'osait pas faire un pas.

La main qui agrippa son bras n'était pas surprenante mais elle était toutefois malvenue et il se dégagea sèchement.

Black ne dit rien mais jeta un regard insistant en direction du canapé.

« Si je m'assois, je ne me relèverai pas. » maugréa-t-il, les joues rouges de devoir en avouer autant.

« Est-ce un mal ? » rétorqua l'ancien prisonnier, sur un ton de défi.

Trop éreinté pour se mettre pleinement en colère, Severus soupira avec lassitude. « J'ai besoin d'une douche davantage que de repos. »

C'était sans doute faux. Il avait davantage besoin de repos que d'une douche mais il avait l'impression très désagréable que la magie noire qui avait suinté de tous les pores de ce cottage lui collait à la peau.

La sensation le répugnait.

« Je n'allais rien dire… » plaisanta Black, en fronçant le nez comme si l'odeur était particulièrement gênante.

« Rappelle-moi pourquoi je tolère ta présence ? » grinça-t-il, résistant de peu à l'envie de lui jeter un sortilège bien puéril.

« Parce que tu n'as pas d'autre ami. » rétorqua le sorcier, goguenard. L'amusement disparut bien vite, cependant. « Comment ça s'est vraiment passé ? Parce que tu n'as pas l'air en forme. Et Harry… »

« La nuit fut éprouvante. » confirma-t-il. « Nous en parlerons demain. J'ai pu examiner la bague une fois l'horcruxe détruit, ce n'était pas encourageant. »

Black sembla sur le point de protester puis acquiesça finalement, non sans lui jeter un dernier coup d'œil incertain. « Tu es sûr que ça va ? »

Severus leva les yeux au ciel. « Tant de sollicitude. »

« C'est Harry qui me préoccupe. Je n'ai pas envie de le ramasser encore une fois à la petite cuillère parce que tu es aux portes de la mort. » cingla l'homme.

« Je ne suis pas aux portes de la mort. » marmonna-t-il. « Je me porte très bien. »

Black laissa échapper un bruit amusé qui était plus ironique qu'autre chose. « Si tu le dis, Servillus. Envoie-moi un Patronus au besoin. »

Il attendit d'entendre la porte d'entrée se refermer sur l'autre sorcier pour s'effondrer contre le mur et fermer les yeux. Il renforça ses boucliers mentaux, emprisonnant ce qui s'était passé plus tôt ce soir là derrière un mur d'émotions. Il n'était pas prêt à y penser, pas prêt à l'affronter…

Il se concentra plutôt sur l'effort de mettre un pied devant l'autre et se traina jusqu'à sa chambre.

La douche ne parvint pas totalement à effacer l'impression que les effluves de magie noire lui collait à la peau. Et elle ne fit rien pour faire passer le dégout qui lui brûlait la gorge.

À chaque fois qu'il fermait les yeux, au travers de ses boucliers, il revoyait tous ces visages…

Il aurait dû se coucher, tâcher de dormir, mais il se força pourtant à claudiquer jusqu'à la cuisine, engoncé dans sa robe de chambre. Il n'osait imaginer les horreurs qui l'attendraient dans son sommeil.

Il fit chauffer la bouilloire d'un coup de baguette, mit le thé à infuser d'un autre… Ses mains tremblaient trop pour qu'il essaye de s'en servir.

Avec difficultés, il se traina jusqu'à la chambre d'Harry, toqua faiblement à la porte. Il n'y eut pas de réponse alors il poussa tout de même la porte, sans entrer, juste pour vérifier que tout allait bien. Le garçon était dans son lit, endormi d'un sommeil qui ne semblait pas tout à fait paisible. Une boule de lumière aux couleurs douces et changeantes flottait à côté de sa tête.

Latundo.

Il avait donc ressenti le besoin d'occluder ou, tout du moins, d'être rassuré.

La bouche pincée d'agacement envers Dumbledore qui aurait très bien pu lui éviter cette épreuve, il referma doucement la porte et lança un simple sort qui l'alerterait si le garçon avait un cauchemar.

Puis il alla au salon, prenant appui sur le mur, sa jambe trainant derrière lui comme un poids mort. Il s'affala sur le canapé puisque personne n'était là pour être témoin de son manque de contrôle et fit léviter son thé de la cuisine jusqu'à la table basse.

Bien évidemment, il lui apparut très vite qu'il ne serait pas capable de le boire.

Ses mains…

Avec une grimace de dépit, il laissa tomber sa tête en arrière sur le dossier du canapé et ferma les yeux.

Ses boucliers n'étaient pas encore suffisamment résistants pour qu'il ignore plus longtemps l'éléphant au milieu du magasin de porcelaine alors il les abaissa, grimaçant davantage.

La peur, le dégout…

Elles le prirent au ventre.

Tobia qui se dressait au-dessus de lui.

Le bruit de la ceinture.

La morsure de la douleur lorsque le cuir avait rencontré sa joue…

Tout son corps tremblait et il aurait été hypocrite de blâmer l'endoloris.

Sur le moment, il se prit à regretter ses anciens boucliers mentaux. Eux auraient pu contenir ces émotions parasites, les réprimer… Il n'aurait jamais eu à les affronter. Elles n'auraient servie à qu'à renforcer ses protections.

Et puis tous ces visages qui l'avaient entourés par la suite, tous les visages qui le hantaient parfois la nuit…

Et qu'Harry ait dû être témoin de tout ça en prime…

Le feu se raviva d'un coup dans la cheminée, le faisant sursauter.

Le visage de Nymphadora apparut dans les flammes, passablement contrarié. Un coup d'œil à la pendule lui apprit qu'il était bien trop tard pour une simple visite de courtoisie.

« Severus. » lâcha-t-elle d'un ton plat. « Est-ce que je peux traverser ? »

Severus jeta un coup d'œil en direction de la porte du salon, prenant soin de garder la voix basse. « Harry est dans sa chambre. »

Et la dernière chose dont il avait besoin ce soir là était de devoir s'expliquer sur sa relation avec l'Auror.

Le garçon avait fait une ou deux insinuations qui lui laissaient passer qu'il soupçonnait plus qu'il n'en disait mais Severus n'était pas prêt à… Après tant de temps passé à avoir juré que Lily avait été l'amour de sa vie, comment pouvait-il expliquer à son fils que…

Il n'était pas prêt.

Et, plus que tout, il ne voulait pas risquer sa relation avec Harry pour ce qui n'était que…

Mais n'était-ce que

Et il y avait plus urgent que sa vie sentimentale de toute manière.

Nyssandra, se souvint-il, pendant qu'il était parti chasser l'horcruxe, l'Auror s'était mise en tête d'enquêter sur la vampire.

« J'ai besoin de te parler. » insista la jeune femme.

D'un coup de baguette, il déplaça le pare-feu et l'invita à traverser d'un hochement de tête. Puis il posa des protections sur le salon. Harry était suffisamment familier avec elles pour passer au travers s'il le souhaitait mais il espérait que, s'il les renforçait au maximum, l'adolescent comprendrait qu'il voulait un peu d'intimité et le respecterait.

Le sort le préviendrait de toute manière si Harry se réveillait… Il aurait le temps d'anticiper.

Nymphadora émergea de la cheminée dans un nuage de cendres qui le fit froncer du nez mais un seul coup d'œil à la jeune femme et il oublia ses remontrances.

« Que t'est-il arrivé ? » s'inquiéta-t-il.

Se hisser sur ses pieds fut un effort mais elle…

Son blouson en jean était déchiré à plusieurs endroits, elle avait une estafilade sur la joue et son bras gauche était replié contre sa poitrine.

« J'ai vu un Médicomage. » déclara-t-elle préventivement. Elle ne tenta pas, cependant, de l'empêcher de jeter un sort de diagnostic. A peine leva-t-elle les yeux au ciel lorsqu'il la tourna de force pour appuyer prudemment sur son omoplate où le sortilège lui indiquait des os fraichement ressoudés. Elle ne put retenir un petit glapissement de douleur, cela dit. « Hey ! »

« J'ai un baume pour… » offrit-il, sans avoir une chance de terminer.

Elle se retourna et le fusilla du regard, les mains sur les hanches.

Ses cheveux étaient rouges.

Il leva les sourcils.

« Nyssa et moi sommes tombées dans une embuscade. » l'informa-t-elle, l'irritation clairement perceptible dans sa voix. Elle balaya l'air de la main avant qu'il ait pu en demander plus. « Plus de peur que de mal. Non, je ne sais pas si c'est elle l'espion mais, elle, elle nous soupçonne nous, si tu veux tout savoir. Et, non, ce n'est pas le plus important, là tout de suite. » Son regard se durcit encore. « Montre moi ta Marque. »

Placer son bras gauche derrière son dos, hors de portée, fut un réflexe. Une erreur. Une erreur qu'il n'aurait jamais commise si ses boucliers avaient encore été intact, s'il avait pris le temps de réfléchir à ce que cela trahissait au lieu de réagir, si… « Nous avons un accord à ce sujet. »

Un accord qui lui avait bien rendu service ces dernières semaines.

Il n'avait jamais voulu qu'elle voit la Marque et la gardait bandée quand ils étaient ensemble. Cela lui avait évité d'avoir à expliquer à quel point la situation était… périlleuse.

« Nous avons capturé un Mangemort. » siffla-t-elle. « Il n'avait pas grand-chose d'intéressant à dire mais, crois le ou non, il semblait persuadé que la Marque était en train de te tuer à petit feu. Ce qui est, bien sûr, ridicule parce que s'il se passait quelque chose de ce genre, tu me l'aurais dit, Severus, n'est-ce pas ? »

Les cheveux de la jeune femme avait progressivement virés au noir.

Severus se réfugia derrière le masque lisse et neutre de l'Occlumencie.

Il avait la sensation pernicieuse d'avoir fait une erreur quelque part.

« Dire que la Marque est en train de me tuer est grandement exagéré. » contra-t-il finalement.

Elle le fixa longtemps du regard avant de se frotter les yeux. « Montre-moi. »

Il pressa son bras plus fort contre le creux de son dos. « Non. »

Elle avait l'air bien plus vieille que son âge lorsqu'elle croisa à nouveau son regard, bien plus vieille qu'au début de cette guerre.

« Tu me mens. » accusa-t-elle.

« Non. » grimaça-t-il. « La Marque n'est pas en train de me tuer. Du moins… pas tant que Bill Weasley effectue un certain rituel à intervalles réguliers. »

Ses yeux lançaient des Avada.

« Donc Bill est au courant mais pas moi ? » grinça-t-elle. « Qui d'autre ? Dumbledore ? »

« Dumbledore. » confirma-t-il dans un haussement d'épaule, s'appuyant de ce qu'il espérait être d'une manière nonchalante plus qu'épuisée contre l'étagère la plus proche afin de soulager sa jambe de son poids. Son regard gris était trop perçant et il était quasiment certain qu'elle savait pertinemment ce qu'il était en train de faire. Il en était agacé et perdu à la fois, pas tout à fait certain de pourquoi elle semblait si en colère. « Poppy. Ta mère. Et Black. »

« Sirius ? » explosa-t-elle. Il rajouta un sort de silence sur le salon juste au cas où mais n'était pas inconscient au point de lui demander de baisser d'un ton. « Tu l'as dit à Sirius ? »

« Black était là lorsque Weasley… » commença-t-il à se justifier avant de s'interrompre d'un coup. Pourquoi exactement était-il en train de se justifier ? « Je ne vois pas en quoi c'est important. Tu… »

« Tu ne vois pas en quoi c'est important que tu m'ais caché que tu étais peut-être en train de mourir ? » cingla-t-elle, lui coupant la parole.

Ses yeux étaient pleins de larmes.

Severus détestait les émotions qui se bousculaient en lui. Il voulait se mettre en colère, la tenir à distance, mais, en même temps, il se sentait… coupable, et agacé de se sentir coupable. Et puis…

« Je ne suis pas en train de mourir, Nymphadora. » répliqua-t-il sèchement. « La situation est sous contrôle. »

« Mais tu n'as pas jugé bon de me le dire. » insista-t-elle. « Tu t'es confié à Sirius, à Bill, mais moi… Quoi ? Je ne compte pas ? »

Elle secoua la tête et se détourna, marchant jusqu'à la grande fenêtre enchantée qui reflétait la vue sur la Forêt Interdite. Il faisait trop sombre pour y voir quoi que ce soit mais il doutait que ce soit la vue qui l'intéressait de toute manière. Ses épaules tressautaient et…

Oh, il n'avait jamais été bon lorsqu'il était question d'affronter ses propres émotions, celles des autres le mettaient toujours mal à l'aise.

Il ne savait pas comment exprimer cet amas de sentiments qui se battaient en lui. Avec ses nouveaux boucliers, occluder ne l'aidait pas à faire le tri et il n'était pas suffisamment… Rester détaché était tellement plus compliqué depuis soixante-quinze, depuis Harry…

« Tu comptes trop. » murmura-t-il, presque trop bas pour que sa voix porte jusqu'à elle. Il se racla la gorge, reporta son attention sur la tasse de thé qu'il n'avait pas bue et qui avait depuis longtemps cesser de fumer. La confession lui coûtait. Il était mal à l'aise. « Je n'ai pas non plus informé Harry. »

« Harry est un enfant sous ta responsabilité. » rétorqua-t-elle, la voix lourde de larmes. « C'est différent, Severus. »

Mais pas tant que ça.

Parce qu'Harry et elle étaient probablement les deux personnes les plus proches de lui actuellement.

Et n'était-il pas de sa responsabilité à lui de s'assurer de leur bien être ?

« Il n'y avait aucune raison logique de t'informer de quelque chose qui t'inquiéterait pour rien. » insista-t-il.

« Je n'ai pas besoin qu'on me protège ! » s'énerva-t-elle, en faisant volte-face.

Il se détesta pour les larmes qui coulaient sur ses joues mais, en même temps, lui en voulait un peu pour cette scène qui… Qu'avait-il fait de mal exactement ? Il ne lui avait rien dissimulé de grave. Il n'avait pas cherché à la blesser ou…

Il n'avait pas retourné sa baguette sur elle emporté par l'ambiance générale après avoir juré lui faire confiance, souffla une petite voix mesquine au fond de son esprit.

« Je pensais que tu l'avais compris, que tu me traitais en égale. » grinça-t-elle.

Ce coup-ci, la colère l'emporta et il se redressa tant bien que mal. « Ne me reproche pas, à moi, les erreurs de Lupin. Je ne t'ai jamais… »

« Mais c'est exactement la même chose. » l'interrompit-elle, en levant les bras au ciel. « Sois tu ne me respectes pas assez pour me dire la vérité parce que tu penses que je suis une petite chose fragile qu'il faut ménager, soit je ne compte pas assez pour que tu me tiennes informée. Alors ? Lequel des deux ? »

« Je t'ai déjà répondu, il me semble. » cingla-t-il, le rouge lui montant aux joues.

Il n'aimait pas les épanchements. Il n'allait certainement pas…

Elle secoua la tête. « Ce n'est pas comme ça que ça marche, Severus. On ne se cache pas des choses juste parce que c'est plus simple. C'est censé être toi et moi. Pas toi et tes secrets d'un côté, et moi de l'autre. »

Il rouvrit la bouche et la referma, soudain très, très las. Il frotta son front, gardant ses yeux rivés sur le tapis. « Il est impossible que ce ne soit que toi et moi, Nymphadora. Il y a la guerre et Harry et… »

« Je ne suis pas en train de parler de la guerre ou d'Harry. » s'énerva-t-elle à nouveau. « Évidemment que je ne m'attends pas à ce que tu trahisses des secrets d'état ou que… J'ai bien compris qu'Harry était important pour toi, non pas que tu ne m'ais jamais expliqué votre lien, tant qu'on en parle. Merlin préserve que tu t'ouvres un tout petit peu. » Il s'était ouvert, songea-t-il, il lui avait montré ses cicatrices. Il lui avait… « Je suis en train de parler de nous. Toi et moi, notre relation. Je pensais qu'on s'était compris, qu'on était d'accord pour essayer de construire quelque chose. »

Construire quelque chose…

Notre relation

Il n'avait aucune expérience dans ce domaine.

« Ma priorité est Harry. » répondit-il. « Elle sera toujours Harry. »

Elle ferma les yeux, les rouvrit lentement. « C'est une autre conversation, ça, Severus. »

Il s'emporta, fouettant l'air du bras avec agacement. « Alors je ne comprends pas ce que tu veux m'entendre dire ! »

« Laisse-moi te poser une question. » soupira-t-elle, sa colère apparemment retombée. « Lorsque tu as besoin de l'aide de quelqu'un, d'un autre adulte, pas d'Harry, à qui ferais-tu spontanément appel ? »

Cette question était d'un ridicule. « Cela dépend de pourquoi j'ai besoin d'aide. »

Il n'allait pas appeler Black s'il avait besoin d'un Médicomage, de la même manière qu'il n'allait pas appeler Flitwick s'il avait besoin d'un expert en Métamorphose lorsque Minerva ferait mieux l'affaire. Sans tous les paramètres, comment était-il censé répondre à sa question ?

« Vers qui te tournes-tu quand tu as besoin de parler, de te confier ? » reformula-t-elle, perdant visiblement patience. « De réconfort ? »

Il rejeta immédiatement ce qui s'apparentait pour lui à un aveu de faiblesse. « Je n'ai jamais ressenti le besoin de me confier à qui que ce soit et je n'ai certainement pas besoin de réconfort. Je ne suis plus un enfant, Nymphadora. »

Il sut à la seconde où les mots avaient passé ses lèvres qu'il avait dit exactement le contraire de ce qu'il aurait fallu.

Le visage de la jeune femme se ferma.

« Nymphadora… » grimaça-t-il.

Le temps qu'il claudique jusqu'à elle, elle avait pêché une pincée de poudre de cheminette dans le bol sur la cheminée. Il attrapa son bras avant qu'elle ait pu les jeter dans l'âtre.

« Attends. Attends. » exigea-t-il plus qu'il ne demanda.

Elle s'immobilisa mais refusait de le regarder en face. Ses doigts tremblaient trop lorsqu'il essaya de lui caresser la joue et il y renonça finalement, peu sûr de ce qu'il était censé dire ou faire de toute manière.

Certain, en revanche, que s'il la laissait partir comme ça…

Il ne se souvenait que trop bien de la manière dont il avait perdu Lily.

« J'ai gardé le silence pour la Marque parce qu'il n'y avait aucune raison de t'inquiéter davantage. Tu l'étais déjà bien assez comme ça et tu as besoin d'être concentrée, là dehors, pas de te préoccuper de moi. » lâcha-t-il. « Je ne te l'ai pas caché parce que… Je n'ai jamais pensé que tu avais besoin d'être protégée. Tu es l'une des combattantes les plus douées que je connaisse. » Son bras se décrispa légèrement sous ses doigts donc il supposa qu'il avait au moins dit quelque chose de bien. « Je ne suis pas Lupin. »

« Je sais que tu n'es pas Remus mais dans un sens… » elle s'interrompit et soupira.

Mais dans un sensquoi ?

La jalousie lui mordit le vendre.

Il l'occluda.

Lupin n'était pas une menace, pas sur ce plan là. Elle ne pouvait toujours pas le voir sans paniquer suite à son numéro de loup-garou possessif.

« Reste. » l'invita-t-il sur un coup de tête. Il y avait Harry à prendre en compte mais le sortilège lui indiquait que le garçon dormait toujours et il suffirait de mettre une alarme suffisamment tôt pour qu'elle s'échappe avant qu'il ne se réveille le lendemain matin. C'était risqué mais faisable. « Reste avec moi ce soir. »

Plus il y pensait, plus l'idée le séduisait.

Si son lit n'était pas vide et froid, il y aurait moins de place pour les cauchemars.

« Je ne suis pas d'humeur. » répondit-elle, presque sèchement.

« Juste pour dormir. » clarifia-t-il, en fronçant les sourcils. Ce n'était pas comme si elle n'avait jamais passé la nuit sans qu'il ne se passe rien entre eux auparavant, particulièrement depuis son hospitalisation. Et il n'aurait, de toute manière, pas été bon à grand-chose ce soir là.

Elle prit une profonde inspiration et tourna enfin la tête vers lui. Ses boucliers étaient abaissés et, bien qu'il ne fit qu'effleurer la surface de son esprit, il lut en elle un chaotique tourbillon d'émotions.

« J'ai besoin de réfléchir. » déclara-t-elle, plus gentiment. Elle déposa un baiser sur ses lèvres mais il était hésitant, pas aussi tendre que d'habitude. « Bonne nuit, Severus. »

Elle jeta la poudre de cheminette et partit au Square Grimmaurd avant qu'il ait eut le temps d'essayer de la retenir une nouvelle fois.

Alors il resta là, à fixer les flammes, peu sûr de ce qui venait de se passer mais certain que le goût amer sur ses lèvres signifiait qu'il venait de perdre quelque chose d'important.