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(et si vous n'avez pas lu La vie Invisible d'Addie Larue dont est extrait la citation: FONCEZ, c'est une pépite)
« There are a hundred kinds of silence.
There's the thick silence of places long sealed shut, and the muffled silence of ears stoppered up. The empty silence of the dead, and the heavy silence of the dying.
There is the hollow silence of a man who has stopped praying, and the airy silence of an empty synagogue, and the held-breath silence of someone hiding from themselves.
There is the awkward silence that fills the space between people who don't know what to say. And the taut silence that falls over those who do, but don't know where or how to start. »
The Invisible Life Of Addie Larue – V.E. Schwab
"Il y a une centaine de genres différents de silence.
Il y a le silence oppressant des endroits trop longtemps calfeutrés, et le silence étouffé des oreilles bouchées. Le silence vide des morts, et le silence lourd des mourants.
Il y a le silence creux d'un homme qui a cessé de prier, et le silence colossal d'une synagogue vide, et le silence essoufflé d'un homme qui se fuit lui-même.
Il y a le silence gêné qui emplit l'espace entre des personnes qui ne savent pas quoi dire. Et le silence tendu qui tombe sur ceux qui savent mais ignorent par où ou comment commencer.
The Invisible Life of Addie Larue – V.E. Schwab
Chapitre 39 : A Hundred Kinds Of Silence
Il y eut deux coups frappés brièvement sur la porte ouverte de sa chambre.
Harry leva la tête du sac de cours auquel il manquait deux manuels abandonnés dans le dortoir des lions, les cheveux en bataille et la cravate pendant, défaite, autour de son cou. Il s'était levé en retard, il allait manquer le petit-déjeuner et…
Severus l'observait avec un mélange d'amusement et d'irritation entièrement familier, comme si l'adolescent était un désastre ambulant.
« Je ne veux pas te mettre à la porte mais j'ai un rendez-vous pour lequel tu ne peux pas être présent. » annonça le Professeur. « Par ailleurs, quelqu'un t'attend devant la porte depuis plusieurs minutes. »
Harry fronça les sourcils, tout autant à la mention du mystérieux rendez-vous qu'à la remarque. « Qui ? »
Personne ne savait où étaient les appartements de Severus. À la rigueur, si quelqu'un savait où il était ils auraient pu faire le pied de grue devant le bureau du Directeur de Maison, mais…
« Pourquoi ne pas t'activer un peu et le découvrir par toi-même ? » suggéra l'homme, un brin sarcastique. « Si tu te dépêches, tu devrais avoir le temps de faire un crochet par la Grande Salle avant ton premier cours. Je ne veux pas que tu sautes un repas. »
Harry leva les yeux au ciel mais jeta son sac sur l'épaule. « Je suis déjà prêt. »
Les yeux noirs s'attardèrent sur sa tenue débraillée avec désapprobation. Harry entreprit de remettre de l'ordre – et de nouer sa cravate – tout en marchant vers la sortie.
« À plus tard ! » lança-t-il, en guise d'au revoir.
La réponse de Severus se perdit dans sa surprise lorsqu'il émergea dans le couloir des cachots pour trouver Ron appuyé contre le mur opposé, les bras croisés et l'air embêté.
« Qu'est-ce que tu fais là ? » s'enquit-il. Pas très aimablement, il devait l'admettre. « Comment tu m'as trouvé ? »
Ron tira la Carte des Maraudeurs, un peu froissée de son sac. Harry la récupéra d'un geste sec et l'enfonça dans la poche arrière de son pantalon avec agacement. « Sers-toi dans mes affaires, ne te dérange pas. »
Ça n'avait jamais été un problème auparavant et c'était peut-être un peu mesquin mais…
« Je suis désolé pour hier soir. » lâcha Ron.
Il se repoussa loin du mur et lui emboîta le pas lorsqu'il débuta la longue marche qui les ramènerait vers une partie plus usitée des cachots. C'était beaucoup plus simple de passer par le Bureau du Directeur de Maison mais aussi beaucoup moins discret.
« C'est allé trop loin. » continua son meilleur ami lorsqu'Harry ne dit rien. « Et on s'y est mal pris. »
L'autre Gryffondor avait l'air sincèrement contrit, assez pour que sa colère s'apaise un peu mais il ne parvenait pas à se débarrasser de cette amertume qui lui bloquait la gorge.
« J'ai trouvé qu'Hermione était très claire, au contraire. » riposta-t-il.
Ron fit la grimace et se frotta l'arrière de la nuque. « Hermione… Tu dois comprendre… Quand tu as disparu… On croyait que tu étais mort. Elle s'est lancée à corps perdu là-dedans… Résister contre Ombrage, le Ministère, créer l'A.D…. C'était sa façon de te garder vivant, Harry. Et maintenant… »
« Maintenant, je l'embête parce qu'elle a l'impression que je prends sa place. » termina-t-il. Il n'était pas aveugle. Ou stupide. « Eh bien, elle peut garder l'A.D., je n'irais plus. Et elle peut jouer à être Harry Potter si ça lui fait plaisir. J'ai déjà donné. J'en ai marre. »
L'autre Gryffondor lui jeta un regard un peu trop appuyé. « C'est quand tu dis des trucs comme ça qu'on trouve que Snape a trop d'influence sur toi. »
Harry cessa de marcher, s'immobilisant au beau milieu du couloir, forçant Ron à se tourner pour lui faire face.
« Je vais mourir, Ron. » cracha-t-il.
Les mots lui faisaient mal mais il savait qu'ils étaient vrais, il le savait tout au fond de lui, il l'avait su au moment où il avait compris ce qui se cachait dans son âme. Il l'avait su lorsque Dumbledore était venu le trouver dans leurs appartements, ce soir d'Halloween, et lui avait calmement offert une fin digne. Severus vivait dans le déni, dans l'espoir désespéré d'un miracle, mais pas lui.
Son meilleur ami eut l'air très alarmé. « Tu ne peux pas penser comme ça, tu… »
« Ron. » l'interrompit-il sèchement. Il prit une profonde inspiration, occluda le ressentiment et le regret. « Quand vous dites que Dumbledore et Severus ne sont pas dans le même camps… Severus ferait n'importe quoi pour me garder en vie et Dumbledore le sait. Dumbledore sait aussi que la prophétie doit s'accomplir. »
« Mais ça ne veut pas dire que tu dois mourir. » protesta le Gryffondor. « Si tu tues Tu-sais-qui… »
Et l'un devra mourir de la main de l'autre, car aucun des deux ne peut vivre tant que l'autre survit.
Il savait ce que la prophétie voulait dire et, il le soupçonnait, Severus et Dumbledore le savaient également.
Tant qu'Harry abritait un horcruxe, Voldemort survivait et ne pouvait réellement vivre. Or ce qui n'était pas réellement vivant ne pouvait pas mourir.
Si Harry tuait Voldemort, il ne pourrait pas vivre parce que Voldemort survivrait. Pire, il risquait de se voir possédé ou…
La seule interprétation logique était que Voldemort devait le tuer – tuer la part de lui-même qui vivait en Harry – pour pouvoir devenir mortel, pour pouvoir être tué. C'était lui qui tomberait de la main de Voldemort, pas l'inverse.
« Je ne sais pas à qui vous avez parlé. » reprit-il, comme si Ron n'avait rien dit. « Mais Dumbledore fait confiance à Severus. Il l'apprécie, même. Le seul point de désaccord entre eux, c'est moi. » Il haussa les épaules. « L'Ordre… Il se passe des choses dans l'Ordre. Je ne peux pas t'en parler mais… À votre place, je ne ferai pas confiance à n'importe qui parce qu'il y a beaucoup de trucs politiques. »
« Ce n'était pas n'importe qui. » hésita son meilleur ami. « C'était… quelqu'un à qui on fait confiance. »
Un de ses frères ou Remus, alors.
Il devrait en toucher un mot à Severus, se dit-il, déjà épuisé à cette perspective.
Il y avait peu de chances que le Professeur le prenne calmement.
« Écoute… » soupira-t-il. « Je sais ce que je dis, d'accord ? »
Leurs regards s'accrochèrent, ils se dévisagèrent longtemps, puis Ron capitula, baissant les yeux vers ses chaussures. Il donna un petit coup de pied dans un pavé inégal. « Je ne voulais pas… Je ne veux pas qu'on se dispute. »
« Moi non plus. » admit-il, se forçant à sourire. Il attrapa son épaule et l'entraîna à nouveau vers la sortie. « Alors, allons petit-déjeuner et oublions ça. »
Il devrait avoir une conversation avec Hermione et il n'en avait pas très envie mais il se sentait mieux de s'être déjà réconcilié avec Ron.
Seulement, il sentait une certaine réticence de la part de son meilleur ami, comme s'il cherchait la meilleure manière de dire quelque chose qu'Harry ne voudrait pas entendre.
« Pourquoi est-ce que tu ne m'as rien dit pour l'adoption ? » demanda finalement l'autre lion. « La vraie raison. »
Harry s'arrêta brièvement à une intersection entre plusieurs tunnels, le temps de s'orienter. C'était un labyrinthe là-dessous. Il tourna à gauche, cherchant un moyen diplomatique de formuler sa réponse.
« Vous êtes différents, Hermione et toi. Et moi aussi j'ai changé. » déclara-t-il, après un long moment. « Et, des fois, je ne sais plus comment vous parler. Je savais que si je vous disais que Severus avait offert de m'adopter, vous vous regarderiez et vous auriez l'air… » Il soupira. « Je sais que vous ne l'aimez pas et que c'est compliqué. J'ai passé huit mois avec lui et il m'a bien fallu la moitié pour apprendre à le connaître… Je sais que je vous demande de me croire sur parole et… » Il s'interrompit, le temps de jeter un coup d'œil à Ron qui l'écoutait en silence. « C'est la première personne qui m'a dit que la manière dont me traitaient les Dursley n'était pas normale. »
Ron fronça les sourcils. « Ce n'est pas… »
« Le premier adulte. » se corrigea-t-il. « C'est le premier adulte qui m'a dit que ce n'était pas normal, que je méritais mieux et qui a fait quelque chose. » Ou qui essayait de faire quelque chose. « C'est le premier adulte qui… Je n'avais jamais eu quelqu'un pour moi, jusque là, tu comprends ? Quelqu'un qui s'occupe de toi quand tu es malade. Quelqu'un qui se relève la nuit parce que tu fais un cauchemar. Quelqu'un qui se préoccupe de si tu sautes des repas ou pas. Quelqu'un qui te gronde parce que tu as eu une mauvaise note. Quelqu'un qui te prive de sorties à Pré-au-Lard. Quelqu'un qui te dit qu'il est fier de toi. Quelqu'un qui… »
Il cilla rapidement pour cacher les larmes qui lui montaient aux yeux et se racla la gorge, incapable d'aller jusqu'au bout de sa phrase.
Quelqu'un qui t'aime.
« Je crois qu'il avait autant besoin de moi que j'avais besoin de lui. » conclut-il. « Et tu peux te méfier de lui, tu peux ne pas comprendre… Mais, Ron… Je n'ai jamais eu une famille avant. Je n'ai jamais eu… Je n'ai jamais eu ça. » Il déglutit difficilement. « Je n'ai rien dit pour l'adoption parce que je savais déjà que ça ne se fera jamais mais ce n'est pas important. Ce qui est important, c'est qu'il me l'ait proposé. Qu'il veuille qu'on soit une famille. »
Et il pourrait supporter quelques semaines chez les Dursley cet été si ça voulait dire retrouver sa vraie famille, sa vraie maison, en septembre. Deux mois n'étaient pas cher payé s'il pouvait avoir un père le reste de l'année.
« Ce qu'il s'est passé hier soir, c'était tout ce que je voulais éviter. » lâcha-t-il, une arrière-pensée. « Je n'ai rien dit aussi parce que je ne voulais pas devoir encore m'expliquer. Me justifier. Et juste pour clarifier, ce n'est pas Severus qui m'a demandé de garder le secret. Sirius est au courant. »
« N'importe quel Sang-Pur qui a vu ta bague est au courant, Harry. » remarqua doucement Ron, en enfonçant les mains dans ses poches. « Draco m'en a parlé, il y a plus d'une semaine. »
Harry ne répondit pas, un peu honteux. Il aurait dû y penser, aurait dû avertir ses meilleurs amis avant qu'un étranger à leur trio ne le fasse…
Ils atteignirent la partie la plus fréquentée des cachots sur ses entrefaites. Ils restèrent silencieux le temps nécessaire à dépasser un groupe de troisième année de Serpentard et de les laisser loin derrière eux.
Ils étaient sur le point d'émerger dans le hall d'entrée lorsque Ron attrapa son bras, le stoppant net. Il se força à lui faire face, éprouvant une certaine difficulté à rencontrer son regard. Il n'aimait pas se sentir si vulnérable, si exposé.
« Je suis de ton côté. » jura son meilleur ami, en fouillant son regard. « Je serais toujours de ton côté. Si tu es vraiment convaincu que tu as de meilleures chances de survivre avec Snape qu'avec Dumbledore, alors je suis avec Snape. À cent pourcent. » Sa poigne se fit presque douloureuse mais Harry ne protesta pas. « Tu ne vas pas mourir, Harry. » Ron se racla la gorge, les yeux humides, l'air un peu embarrassé et très déterminé. « Je ne peux pas te perdre encore, d'accord, mon pote ? »
Mais Ron survivrait.
Harry le savait parce que lui et Hermione l'avaient déjà cru mort et avaient appris à vivre sans lui, à avancer.
Et c'était une bonne chose.
Il força un faible sourire sur ses lèvres mais ne put se résoudre à mentir, à promettre quelque chose sur lequel il ne pouvait rien.
L'un dans l'autre, ce fût un soulagement d'être interrompu par la silhouette de Bill Weasley qui les observait tous les deux avec un froncement de sourcils.
« Tout va bien, les garçons ? »
Harry et Ron s'empressèrent d'acquiescer, faisant de leur mieux pour gommer toute trace d'émotion de leurs visages.
« Qu'est-ce que tu fais là ? » voulut savoir Ron.
« Un rendez-vous de travail. » répondit vaguement Bill, avant de leur souhaiter une bonne journée et de descendre dans les cachots comme si c'était la chose la plus naturelle du monde.
Harry nota la chose avec intérêt.
Severus avait-il recruté le briseur de sorts pour la chasse aux horcruxes ? Mais pourquoi refuser de le lui dire ?
Le long soupir de Ron le tira de ses théories. « Si on s'arrête dans la Grande Salle, on va être en retard en Divination. »
Le choix n'était pas exactement cornélien.
« Oh non… » railla Harry avec un regret tout à fait feint. « On va être en retard en Divination. »
Ils éclatèrent de rire et se dirigèrent vers leur petit-déjeuner.
°O°O°O°O°
L'air était gorgé d'une humidité qui poussa Severus à s'engoncer dans sa cape. Black avait eu l'idée brillante de proposer un exercice en extérieur à leurs troisièmes années de Poufsouffle et Serdaigle, sans vérifier au préalable que le temps s'y prêtait.
La pluie avait cessé dans la nuit mais le sol était boueux, le ciel d'un gris maussade, et il faisait suffisamment frais pour qu'il en sente la morsure dans sa jambe malgré plus d'un sort visant à le réchauffer. Au moins, se consola-t-il, son bras gauche était-il à nouveau opérationnel. Bill Weasley n'avait pas failli à la tâche avant son premier cours et, si la séance avait été des plus désagréables, la douleur était désormais presque négligeable. Cela ne durerait pas mais la sensation de soulagement était impossible à nier.
« Il est d'accord mais il refuse d'être enfermé dans une cage. » conclut Black, en gardant un œil sur le groupe de troisièmes années qui s'élançaient à tour de rôle dans le parcours d'obstacle que l'ancien fugitif avait mis en place durant le petit-déjeuner. Quelques créatures, deux ou trois sorts à lancer à un mannequin… Rien de bien sorcier mais les enfants paraissaient apprécier la session et s'en sortaient sans supervision.
L'avantage était que lui et Black pouvaient se tenir à distance et discuter, sans craindre d'être interrompus.
« Et je refuse de servir de dîner à un loup-garou. » cracha-t-il, en croisant les bras. « En conséquence, ce sera la cage ou pas de potion Révèle-Loup. »
Il reporta son attention sur leurs élèves, ignorant le sorcier qui poussa un long soupir d'agacement. « Honnêtement ? À ce stade, je ne pense pas qu'il restera enfermé même avec la potion Tue-Loup. Il y a des kilomètres entiers de landes au nord de Poudlard… »
« Es-tu réellement en train de suggérer de laisser un loup-garou en liberté aussi près de l'école ? » rétorqua-t-il, avant de lever les yeux au ciel. « Pourquoi est-ce que je pose la question… Évidemment, tu ne vois pas le problème. »
« Deux loups-garous. » corrigea Black platement. « Il veut emmener Laura. »
Severus se pinça l'arrête du nez. Pourquoi est-ce que tout le monde semblait déterminer à lui mener la vie dure alors qu'il tentait, désespérément, de résoudre leurs problèmes ? Lupin désirait l'accès à une potion du même type que celle de Greyback… Pourquoi ne pouvait-il pas coopérer gentiment et…
« La Cabane Hurlante. » offrit-il, en guise de compromis. Encore que l'idée d'être enfermé dans une maison branlante avec deux loups-garous sous potion Révèle-Loup et Slughorn pour seul soutien ne l'enchantait pas. « J'aurais besoin de ton aide. »
Black faisait partie de la meute de Lupin, s'il fallait le calmer ou le maîtriser, il serait un atout.
« J'ai passé une heure à discuter avec lui hier soir. Crois-moi, c'est la lande ou rien. » railla l'autre sorcier, non sans irritation.
« Pourquoi as-tu laissé entendre qu'il avait le choix ? » grommela-t-il. « Il aurait été bien plus efficace de lui dire que c'était un ordre d'Albus. »
L'Animagus secoua la tête. « C'est toi qui m'a demandé de jouer les intermédiaires… Pourquoi tu ne vas pas lui parler toi-même si tu penses que tu peux lui faire entendre raison ? »
« Parce que je ne peux pas garantir que la conversation demeurerait courtoise. » lâcha-t-il, trahissant davantage qu'il n'aurait voulu en révéler.
Il n'avait pas recroisé le loup depuis la dernière réunion mais il ne parvenait pas à gommer de son esprit les mots de Nymphadora, sa vulnérabilité, la manière dont elle s'était recroquevillée contre lui lorsqu'elle lui avait rapporté ses propos. Plus généralement, il peinait à oublier l'image du loup-garou ayant les mâchoires de pars et d'autres de la gorge de la femme qu'il…
Il occluda la fureur jusqu'à ce qu'il soit certain de pouvoir la contrôler.
Voilà pourquoi il ne voulait pas aller parler à Lupin lui-même avant d'y être obligé et voilà pourquoi il ne pensait pas qu'il serait judicieux de se retrouver en sa présence sous forme de loup.
« À ce point ? » releva Black, sourcils froncés. « C'était tendu entre vous l'autre jour, à la réunion… C'est quoi ton problème ? »
« N'avons-nous pas déjà eu cette discussion ? » riposta-t-il, avant d'élever la voix. « Higgins ! Essayez-vous de jeter un sort d'entrave ou de perdre votre baguette ? »
Le troisième année qu'il avait apostrophé paniqua, fit tomber sa baguette, la ramassa et refit exactement la même erreur.
Londubat n'avait qu'à bien se tenir, la relève arrivait.
En lui jetant un regard sombre qui suintait de désapprobation, Black s'éloigna le temps d'expliquer patiemment au gamin pourquoi il s'y prenait mal. Higgins ne parvint pas à lancer le sort mais l'Animagus l'encouragea à avancer d'une tape amicale sur l'épaule.
« Tu as dit qu'il était instable. » déclara Black, comme s'ils n'avaient jamais été interrompus, en revenant se planter à ses côtés. « Mais quand tu parles de lui, ça semble très personnel et il ne peut plus te voir en peinture non plus, ce qui me fait dire qu'il y a quelque chose que vous ne me dites pas ni l'un ni l'autre. »
« J'ignorais que j'étais obligé de tout te dire. » grinça-t-il.
« Tu n'est pas obligé de tout me dire. » rétorqua son rival de toujours. « Mais lorsque vous me mettez au milieu de vos histoires, ce serait sympa de me dire pourquoi. »
Severus rumina cette remarque, au demeurant censée, quelques minutes.
« J'exècre son comportement envers Nymphadora. » avoua-t-il.
Black soupira, avant de se frotter la nuque. « Je ne peux pas te donner tort. Ça me gêne aussi mais je ne sais plus comment lui dire de la laisser tranquille. »
Lupin n'allait jamais la laisser tranquille.
Severus en était persuadé. Cette histoire ne se réglerait pas pacifiquement, qu'importe ce qu'espérait la jeune femme. On frôlait l'obsession et c'était dangereux.
« C'est pour ça qu'il t'en veut, sûrement… » continua Black, comme s'il réfléchissait à voix haute. « Tu fais souvent tampon entre eux. » L'homme fit la grimace. « D'ailleurs… Je voulais te dire… J'apprécie que tu veilles sur elle. C'est mon rôle, je sais bien, mais je n'ose pas remettre Remus en place aussi souvent que je le devrais. »
Légèrement mal à l'aise, le Maître des Potions se racla la gorge. « Je ne le fais pas pour toi. Et elle n'a pas besoin qu'on veille sur elle, elle est parfaitement apte à se défendre toute seule. »
Ce qui ne l'empêchait pas de garder un œil attentif sur elle mais…
« Remus est ridicule de t'en vouloir pour ça. » marmonna l'autre sorcier. « Ce n'est pas comme si tu couchais avec elle. Elle a bien le droit d'avoir des amis. »
Severus se tendit, peu sûr de ce qu'il était censé répondre. À présent qu'il en avait discuté avec Harry, il ressentait moins le besoin de garder leur liaison secrète – cela ne la protégerait pas, étant donné que le Seigneur des Ténèbres était déjà au courant – mais de là à en discuter avec Black.
Black qui considérait apparemment que veiller sur elle lui incombait parce qu'elle était sa petite cousine…
Il lui fût épargné d'avoir à prendre une décision lorsque plusieurs des troisièmes années pointèrent le doigt vers le ciel avec des exclamations à moitié surprises et à moitié terrifiées.
Severus et Black pivotèrent tous les deux dans la direction indiquée par les gamins, à temps pour voir un carrosse sombre tiré par des chevaux ailés au pelage de jais s'approcher rapidement de l'école.
Les deux Professeurs sortirent immédiatement leurs baguettes, se rapprochant instinctivement du groupe d'élèves, sans se consulter. Le carrosse allait très clairement atterrir entre eux et le château, il était impensable de demander aux enfants de courir se mettre à l'abri…
« Hagrid. » ordonna Severus, sa priorité étant la sécurité de ses troisièmes années. « Allez chez Hagrid. Maintenant ! »
La hutte du garde-chasse était à l'opposée du parc et les éloigneraient du danger potentiel tout en les laissant libres, Black et lui, de les défendre.
« Qu'est-ce que c'est que cette merde ? » jura l'Animagus, une fois que les gamins se furent enfuis en courant dans la direction indiquée par le Maître des Potions.
« Je l'ignore mais ils n'auraient jamais pu passer les protections sans l'accord d'Albus. » contra-t-il, en faisant quelques pas vers le carrosse qui venait tout juste de toucher le sol.
Cela ne présageait, pourtant, rien de bon.
Il y avait des barreaux aux fenêtres et les deux sorciers qui menaient l'attelage n'avait pas l'air sympathique.
Black lui toucha le bras pour attirer son attention. « Voilà Dumbledore. »
Albus avait effectivement émergé de l'école et se dirigeait à grands pas vers le carrosse, ignorant le public qu'il avait accumulé. Black et lui n'étaient pas les seuls à avoir été alertés par le spectacle. Plusieurs professeurs et élèves étaient agglutinés aux fenêtres, Charlie Weasley et son partenaire se tenaient au seuil de la Forêt Interdite, baguettes à la main…
Un des deux intrus sauta du carrosse et salua le Directeur d'un hochement de tête. À la manière dont il se tenait, à la manière dont l'autre homme paraissait prêt à repartir au moindre danger…
Severus aurait parié qu'il s'agissait d'Aurors.
Il en avait suffisamment côtoyés dans sa jeunesse pour les reconnaître.
Mais ces Aurors n'étaient certainement pas d'ici…
Albus échangea quelques mots avec celui qui avait sauté au sol puis ce dernier se tourna vers le carrosse et agita sa baguette, ce qui encouragea Severus à réaffirmer sa prise sur la sienne. La canne dans son autre main le gênerait s'il devait se déplacer rapidement mais il n'était pas prêt à la lâcher.
Au bout de plusieurs minutes, l'étranger ouvrit finalement la porte et recula de plusieurs pas, sans ranger sa baguette.
Un homme émergea du carrosse, s'agrippant d'une main frêle pour ne pas tomber, se protégeant de l'éclat du soleil pourtant pâle de l'autre.
Il fallut un moment à Severus pour replacer dans sa mémoire le visage famélique.
Et plus d'une poignée de secondes pour se persuader qu'il était en train d'avoir une hallucination très réaliste.
Mais c'était sans compter sur Black qui lui frappa soudain le bras sous le coup de la surprise, dans une réaction toute Gryffondoresque. « Est-ce que c'est… »
« Gellert Grindelwald. » confirma Severus, tout aussi sidéré que lui et incapable de le cacher.
Il ne put qu'observer, comme Black et la moitié de l'école, alors qu'Albus et le prisonnier se dévisageaient en chiens de faïence, et puis…
Sa mâchoire se décrocha.
Black émit un bruit choqué. « Est-ce qu'ils viennent de… »
« Oui. » lâcha-t-il.
« C'est peut-être une coutume allemande ? » hésita Black.
« Je ne pense pas. » contra-t-il.
Ils étaient comme cloués sur place.
Il fallait bien pourtant que quelqu'un tire au clair cette folie.
Severus fit un pas en avant, puis un deuxième, décidé à confronter Albus et à le traîner jusqu'à l'infirmerie si nécessaire. Clairement, il n'était pas le seul à avoir manqué un check-up ou deux récemment.
L'homme était devenu fou-à-lier.
Black le rattrapa rapidement, l'air vaguement nauséeux. « On y va, alors ? Tu es sûr qu'on doit y aller ? Non, parce que McGonagall… »
Oh, il était bien certain que Minerva, qu'il n'apercevait à aucune fenêtre, ne manquerait pas l'opportunité de lui délivrer le fin mot de sa pensée dès qu'elle apprendrait la nouvelle.
Mais il comptait bien être le premier à lui sonner les cloches.
°O°O°O°O°
Albus faisait nerveusement les cent pas dans son bureau, incapable de se concentrer sur quoi que ce soit, les yeux rivés sur la pendule, lorsqu'il sentit la pression sur les protections qui entouraient Poudlard. Il autorisa l'intrusion avec un soulagement palpable, s'élançant hors de la pièce avec un élan de jeunesse retrouvée.
On était au milieu de la première période, les couloirs étaient donc pratiquement déserts. Il émergea du château pile au moment où l'énorme carrosse sombre touchait le sol.
Le cœur battant Albus avança vers l'homme qui venait de sauter de l'attelage avec l'impression troublante d'être dans un rêve. Combien de fois avait-il fantasmé cet instant ? Une part de lui était vaguement consciente des visages pressés contre les vitres, de la présence de quelques personnes dans le parc… Il ne parvint pas à s'en soucier.
« Guten Morgen, Herr Dumbledore. » le salua l'Auror avec un signe de tête respectueux qu'Albus lui rendit un peu trop distraitement.
Son allemand était rouillé et il ne prêtait pas entièrement attention au discours de l'autre sorcier. Un rappel, pensa-t-il, de l'accord qu'il avait passé avec la Chancellerie Magique Allemande. Il répondit machinalement, tentant d'apercevoir le prisonnier à l'intérieur du carrosse par la petite fenêtre striée de barreaux…
Il dût dire ce qu'il fallait car l'Auror se détourna et entreprit de lancer la longue série de contre sorts qui cesserait de faire du carrosse une prison. L'homme ouvrit finalement la porte avant de reculer presque avec crainte.
Une main pâle, aux veines prononcées, émergea la première, suivie d'un corps émacié. Gellert s'accrocha à la portière pour descendre du carrosse, son autre main levée devant son visage pour se protéger de la luminosité…
L'intérieur du carrosse était sombre malgré les petites fenêtres, comme magiquement enchanté pour demeurer obscur. En était-il de même à Nurmengard ? Avait-il passé la moitié d'une décennie dans le noir ?
Il s'était préparé à l'idée que Gellert ne serait plus le jeune homme fringuant duquel il était tombé amoureux ou l'homme charismatique qui avait conquis l'Europe, mais la fragilité de son ancien amant le heurta de plein fouet. Famélique, l'air souffrant, presque chauve… Gellert paraissait aux portes de la mort.
Le mage noir qui avait été le plus craint de tous les temps avant Voldemort abaissa lentement la main qui l'empêchait d'être ébloui.
Leurs regards s'accrochèrent et ne se lâchèrent plus.
Qui fit le premier pas ? Lui ? Gellert ?
Il avait tellement appréhendé, tellement désiré ce moment… Il avait craint les reproches, le rejet, mais tout était si évident… Si facile.
Ils se tombèrent dans les bras comme si tout était effacé.
Ce n'était pas aussi simple, bien sûr, mais pour l'instant… Pour l'instant, il était simplement heureux d'enlacer Gellert qui l'étreignait avec la même force que lui. Un peu désespérée, un peu incrédule.
« Zu lang. » murmura Gellert, d'une voix cassée.
« Trop longtemps, en effet. » répondit Albus, ému.
Le poids des regards estomaqués le poussa pourtant à mettre un terme à leur étreinte qui s'étirait un peu trop. Il se racla la gorge, se tourna vers l'Auror qui avait déjà grimpé à côté de son collègue, sans demander son reste. Avant qu'il ait pu les saluer à nouveau, le carrosse s'ébranlait et les chevaux prenaient leur envol.
« Je suis vieux, brisé, mais ils me craignent toujours. » expliqua Gellert, buttant sur les mots, son accent plus prononcé que par le passé.
« Il faut dire que tu leur as donné des raisons. » plaisanta-t-il, avant de repérer les deux hommes qui approchaient à grands pas. « Ah, les ennuis commencent. »
Il n'était pas impatient d'avoir à justifier sa décision devant le corps professoral, particulièrement les Directeurs de Maison. Peut-être aurait-il dû les prévenir avant mais les négociations avaient été rudes, autant avec Scrimgeour qu'avec les Allemands, et la situation ne s'était débloquée que dans la nuit, comme si le Chancelier de la Magie allemand avait cédé sur un coup de tête et voulait expédier sa décision avant de pouvoir y penser à deux fois.
Albus y voyait un signe.
Il avait abandonné son obsession, avait confié la pierre de résurrection à Harry, avait décidé de laisser le passé où il était et…
« Severus ! Sirius ! » les salua-t-il d'un ton enjoué. « Beau temps, n'est-il pas ? »
Severus rageait déjà et sa remarque nonchalante ne fit rien pour l'apaiser.
« Albus, avez-vous définitivement perdu l'esprit ? » l'interpella le Maître des Potions, en martelant le sol de sa canne à chaque pas qui le rapprochait inexorablement d'eux. La baguette en bois sombre était sortie et pointée sur Gellert.
« Vous désiriez une clef de voute, Severus. » lui rappela-t-il, un peu sèchement. « Un sorcier aussi puissant que moi. » Il désigna son ancien amant d'un geste qui, certes, ne payait pas vraiment de mine. Albus n'avait pas escompté qu'il soit aussi affaibli. Qu'importe… Quelques bons repas, Poppy, et des conditions de vie plus décentes le remettraient vite sur pieds. « Je ne vous le présente pas, je suppose. Gellert, voici Severus Snape, l'un de mes plus brillants professeurs. »
« Merci. » lâcha Sirius, en rattrapant l'ancien Mangemort, d'un ton vexé.
« Et son assistant, Sirius Black. » ajouta-t-il avec humour.
« Ah… » releva Gellert avec intérêt. « L'homme qui s'est échappé d'Azkaban. »
Sirius se rengorgea un petit peu, comme flatté que le mage noir connaisse son nom. Ce fût de courte durée, Severus le rappela à l'ordre d'un coup de canne dans le mollet. Cela lui valut un regard noir mais l'Animagus parut se souvenir que Gellert n'avait pas exactement été enfermé à tort, lui.
« Albus. » insista Severus, une veine battant fortement à sa tempe. « Vous n'êtes pas sérieux. »
« J'ai bien peur que si, mon garçon. » soupira-t-il, en levant les yeux vers la façade du château. Les visages les observaient toujours avec un mélange de crainte, d'incrédulité et de fascination. « Ce n'est toutefois pas l'endroit d'en discuter. Si vous insistez pour essayer de me faire changer d'avis, autant aller dans mon bureau. Ma décision est déjà prise, bien entendu, mais nous serons au moins à l'abri des regards indiscrets lorsque vous perdrez votre calme. Gellert ? »
Il lui offrit son bras comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Gellert y prit appui sans se faire prier, ses traits trahissant une certaine fatigue.
Oui, songea Albus, sa décision était prise et elle était la bonne.
Severus et Filius lui avaient fourni l'excuse idéale.
Dans l'état dans lequel il était, combien de temps aurait encore survécu Gellert dans sa prison ?
°O°O°O°O°
« Pardon ? » s'étouffa-t-elle à moitié, dévisageant le Ministre de la Magie avec des yeux ronds.
Il avait perdu l'esprit, c'était la seule explication possible que voyait Tonks. Être convoquée dans le bureau du Ministre, presque aux aurores, alors que cette fichue soirée s'était étirée sans fin à Downing Street la veille au soir, uniquement pour être informée que Gellert Grindelwald allait être transféré à Poudlard dans le courant de la matinée, si ce n'était déjà fait, n'était pas exactement son idée d'un bon moment.
Avachi dans l'imposant fauteuil de velours derrière le tout aussi impressionnant bureau couvert de parchemins et dossiers en tout genre, Scrimgeour eut une moue contrariée.
« Je faisais de mon mieux pour faire traîner les choses. » avoua le Ministre. « Dumbledore a pris sur lui de négocier personnellement avec la Chancellerie Allemande et Nurmengard en particulier. Il a également convaincu les membres du Magenmagot avec le plus d'influence qu'il serait dans l'intérêt du Royaume-Uni de lui laisser carte blanche sur la question. L'affaire s'est, pour ainsi dire, réglée dans mon dos. »
Tonks reporta son attention sur l'autre Auror qui se tenait dans la pièce. Kingsley n'avait rien dit depuis que Scrimgeour les avait faits demander. Il se tenait droit, les mains croisés dans le dos, une expression si neutre sur le visage qu'elle devina que la nouvelle n'était pas une surprise pour tout le monde.
Évidemment.
Il restait des membres de l'Ordre qui faisaient ce que le Directeur voulait sans discuter, qui gardaient ses secrets.
« C'est inacceptable. » trancha-t-elle. « Poudlard est une école. Pas… »
« C'est fait. » l'interrompit le Ministre, avec un certain agacement. Pas envers elle, songea-t-elle, mais parce qu'il se trouvait être le dindon de la farce. « La Chancellerie a contacté Dumbledore la nuit dernière et m'a informé, moi, une fois la chose entendue. Je ne peux leur renvoyer Grindelwald sans perdre la face. » Elle ouvrit la bouche mais il leva la main, lui intimant le silence. « S'il ne s'agissait que de cela, Tonks, je le ferais sans hésiter. Mais outre la nécessité de ne pas passer pour un pantin auprès d'alliés dont nous aurons très certainement besoin sous peu, je doute qu'ils acceptent de le reprendre. Ou que Dumbledore accepte de le renvoyer. Et ce n'est pas comme si nous pouvions prendre le château d'assaut pour le lui arracher. »
Elle se laissa tomber dans un des fauteuils en face du bureau sans y être invitée, bouillonnant de colère.
« Combien d'Aurors les Allemands ont-ils affectés à Poudlard ? » demanda-t-elle, cherchant déjà comment elle pouvait optimiser la protection de l'école. Elle avait peu d'Aurors à sa disposition et il y en avait déjà trop peu sur le domaine à son goût. Pouvait-elle faire confiance à des sorciers étrangers qu'elle ne connaissait pas ? Auraient-ils une arrière-pensée en tête, étaient-ils là pour espionner ou bien pour les aider ?
« Aucun. » l'informa platement Scrimgeour. « Dumbledore leur a apparemment affirmé que ce n'était pas nécessaire et qu'il répondrait personnellement de Grindelwald. »
Elle demeura assise là, pendant plusieurs secondes, à soutenir le regard du Ministre, espérant avoir mal entendu. « C'est une plaisanterie. »
« C'est Dumbledore qui l'a capturé, en premier lieu. » remarqua doucement Kingsley. Les premiers mots qu'il prononçait.
Tonks serra les dents. « Et que se passera-t-il si Grindelwald s'échappe ? S'il prend des enfants en otage ? »
Scrimgeour fouilla sur son bureau et extirpa un parchemin d'une pile de courriers. Il le lui tendit. Elle prit rapidement connaissance du document, commençant à secouer la tête à moitié lecture. Elle le passa à Kingsley avec dépit.
Le transfert de Grindelwald n'avait été approuvé que parce que Dumbledore insistait sur le fait qu'il avait besoin d'un sorcier de sa trempe pour de nouvelles mesures de protection de l'école – il comptait lui faire jouer le rôle de la clef de voute dans le sortilège de la Sphère de Troie, cela lui semblait évident, ce qui voulait dire qu'en cas d'attaque de Poudlard, elle serait, elle, affectée à la protection d'un homme qui avait massacré des populations entières dans un mouvement fasciste qui n'était pas sans rappeler ce qui se passait actuellement. À quel moment exactement le Directeur avait-il pu penser que c'était une bonne idée ? Le courrier précisait que la proposition avait été soumise au mage noir, comme spécifié par Dumbledore, en toute bonne foi, et qu'il avait choisi de l'accepter en s'engageant sur l'honneur à ne rien faire d'hostile. D'après le document, Grindelwald n'avait pas le droit de toucher une baguette excepté dans le cas d'une attaque de l'école et la décision de l'armer serait laissé à la seule appréciation de Dumbledore.
Tout, au final, était laissé à l'appréciation de Dumbledore.
Et, bien entendu, c'était compter sur le fait que Grindelwald ait seulement besoin d'une baguette pour être dangereux…
« Je vais à Poudlard voir ce qu'il en est. » déclara-t-elle. « C'est de la folie pure. Je ne peux pas détacher plus d'Aurors, pas sans laisser d'autres zones vulnérables… Kingsley… »
Le Chef du Département des Aurors haussa les épaules. « Il y a suffisamment de combattants à Poudlard. Si Dumbledore affirme avoir la situation sous contrôle, je pense qu'il n'est pas nécessaire de modifier le système en place. »
Tonks et Scrimgeour échangèrent un regard qui en disaient long. Ils se comprenaient. Beaucoup mieux qu'elle ne comprenait son partenaire, chef et ami, à cette minute.
Peut-être était-ce dû au fait que l'homme qu'elle fréquentait vivait à Poudlard, peut-être était-ce dû au fait qu'un adolescent dont elle avait officiellement la charge était un élève, ou peut-être était-ce dû au fait qu'elle était depuis longtemps revenue du culte de la personnalité que beaucoup des plus jeunes membres de l'Ordre vouaient à Dumbledore, toujours était-il que rien dans cette nouvelle ne lui paraissait sûr ou normal.
« Qu'en est-il du conseil d'administration ? » s'enquit-elle, sans trop d'espoir.
Le Ministre secoua la tête. « On m'a poliment répondu que Poudlard n'était pas de mon ressort et qu'ils avaient une confiance aveugle en Dumbledore. »
Elle se leva. « Eh bien, ce n'est pas mon cas à moi. Je n'ai pas travaillé pendant des mois à solidifier la défense de Poudlard pour le voir tout réduire à néant maintenant. » Elle leva les bras et les laissa retomber avec incrédulité. « Sérieusement ? Grindelwald ? Qu'est-ce qu'il lui ait passé par la tête ? »
« On m'a affirmé qu'il avait exprimé du remord, ces dernières années. » commenta Scrimgeour, en se frottant le front. « J'y crois à peu près autant que lorsque Albus m'affirme n'avoir aucunes ambitions politiques. » Il croisa à nouveau son regard. « Allez à Poudlard vous rendre compte si vous le souhaitez, Tonks, faites les modifications que vous jugerez nécessaire, je vous fais confiance. Tâchez, toutefois, de ménager la chèvre et le choux. Vous pouvez être certaine que tout cela me retombera dessus en cas de drame mais, pour l'instant, il a tous les soutiens et nous aucun. »
« Oh, je vais être très diplomate. » promit-elle, en sortant du bureau à grandes enjambées, bousculant au passage Percy Weasley qui piétinait devant la porte avec un agenda chargé.
Aussi diplomate qu'un blaireau enragé, se promit-elle.
°O°O°O°O°
L'école était en ébullition.
Lorsqu'ils quittèrent la tour où Trelawney vivait pour rejoindre les cachots où ils avaient une double leçon de Potions, Harry, Ron et Neville ne purent que le constater. Les tableaux passaient d'un cadre à l'autre avec une excitation qui n'avait d'égale que les chuchotements des élèves.
Leur curiosité était dévorante mais ils n'avaient pas le temps de s'arrêter pour découvrir ce qui se passait. Harry ignorait qui avait eu la bonne idée de faire suivre un cours de Divination de celui de Potions mais, étant donné qu'ils se situaient à deux parties diamétralement opposées du château et qu'ils n'avaient que cinq minutes pour traverser l'école, s'attarder était exclu s'ils souhaitaient arriver à l'heure.
Slughorn n'était pas aussi à cheval sur la ponctualité que Severus mais il fronçait tout de même les sourcils s'ils arrivaient plus de cinq minutes après la sonnerie.
Ils n'eurent pas à attendre longtemps pour avoir leur explication, de toute manière. Ils atteignaient à peine le hall d'entrée lorsque Hermione et Malfoy les rejoignirent en compagnie de quelques autres, tout droit sortis de leurs cours d'Arithmancie ou de Runes.
Harry n'eut pas le temps de décider comment il souhaitait réagir face à Hermione parce que, dès qu'elle les aperçut, elle l'attrapa d'une main, Ron de l'autre, et les tira à l'écart du groupe. Malfoy suivit le mouvement, l'air très amusé.
« Tu savais ! » l'accusa-t-elle.
Fronçant les sourcils, ayant préféré que cette conversation s'ouvre sur des excuses plutôt que sur ce ton péremptoire, Harry se dégagea sans chercher à dissimuler son agacement. « De quoi tu parles ? »
« Hermione. » la rabroua un peu Ron.
« Grindelwald ! » s'exclama la jeune fille, sa voix touchant aux aigus, tout en dévisageant Harry, les lèvres pincées. « Tu savais qu'il devait venir ici. C'est pour ça que tu lisais ce livre, hier. »
Grindelwald était à Poudlard ?
Impensable.
Il ricana, se disant qu'elle plaisantait ou que quelqu'un lui avait joué un tour.
« Tu débloques. » se moqua Ron. « Qu'est-ce que Grindelwald ferait à Poudlard ? »
« Nous avons assisté à son entrée triomphale depuis la classe d'Arithmancie. Il est arrivé en carrosse, tiré par des Gronians pur-sang. » confirma Draco, en plaçant un bras autour de la taille de la lionne. Il paraissait presque plus excité par les chevaux ailés que par l'arrivée d'un mage noir. « Vector a failli faire un malaise. »
Ils n'avaient strictement rien vu de la classe de Divination pour la bonne raison que Trelawney gardait les rideaux tirés et la pièce aussi embrumée que possible.
« Tu savais. » insista Hermione.
Harry n'en avait rien su du tout et ressentait le besoin de réévaluer toute son entrevue avec Dumbledore. Ça ne pouvait pas être une coïncidence. Pas juste après que le Directeur lui ait confié ce qui, il en était désormais certain, était une des trois Reliques. Dumbledore, Grindelwald et les Reliques de la Mort… A tort ou à raison, les trois étaient liés dans son esprit depuis qu'il avait découvert leur existence.
Avait-il bien fait de la cacher dans sa chambre ? Il l'avait glissée au fin fond d'une chaussette qu'il avait roulée dans une autre avant de l'abandonner au milieu de toutes ses autres paires, vers le devant du tiroir. Parce que, s'il avait appris une seule chose à Serpentard, c'était que parfois la meilleure cachette était bien en évidence. Severus n'irait pas fouiller ses tiroirs à vêtements, les elfes de maison n'y avaient pas accès et les appartements du Maître des Potions étaient probablement l'endroit le plus sûr de Poudlard, en dehors de ceux de Dumbledore, étant donné le nombre de protections, enchantements et autres systèmes de sécurité qu'il avait en place.
« Peut-être. » mentit-il, en prenant la direction des cachots, laissant les autres le rattraper à leur convenance.
Cela ne prit que quelques secondes à Hermione.
« Tu aurais pu me le dire hier au lieu de me laisser me ridiculiser. » grommela la jeune fille.
« Comme si tu m'avais laissé en placé une. » cingla-t-il, sans s'encombrer d'arrondir les angles.
Elle soupira. « Harry, je n'ai pas envie de me disputer avec toi, c'est ridicule… Peut-être que je m'y suis mal prise, hier, mais… »
« Tu sais quoi ? » l'interrompit-il. « Oui, tu t'y es mal prise et je n'ai plus envie d'en parler avec toi. Ou de quoi que ce soit d'autre d'ailleurs. »
Il accéléra l'allure, faisant de son mieux pour écraser dans l'œil l'élan de culpabilité qu'il ressentit face à son expression blessée. Elle ne tenta pas de le rattraper une nouvelle fois, préférant rejoindre Malfoy dont il sentit le regard noir lui fusiller le dos.
Il entendit tout de même Ron pousser un profond soupir derrière lui.
« Tu n'aurais pas pu commencer par dire 'désolée, Harry' au lieu de l'attaquer comme ça ? » lui reprocha son meilleur ami.
« Je ne l'ai pas attaqué ! » s'indigna Hermione.
Harry préféra presser encore le pas.
°O°O°O°O°
Lorsqu'ils émergèrent de derrière la gargouille qui gardait le bureau du Directeur, Severus fulminait. Il fulminait tellement qu'il aurait été prêt à frapper un mur si ses mains n'avaient pas été aussi précieuses et déjà endommagées.
« Je t'ai connu plus loquace. » aboya-t-il en direction de Black qui venait d'atteindre le bas de l'escalier.
L'Animagus avait été virulent au début puis était lentement tombé dans un mutisme consterné.
« Qu'est-ce que tu voulais que je dise ? Tu hurlais bien assez pour deux. » rétorqua son ancien rival avec un haussement d'épaules, les yeux toujours un peu écarquillés. « Et puis… Tu as vu comment il le traitait ? C'était… »
Ça avait été plus qu'étrange.
À peine avaient-ils rejoint son bureau qu'Albus faisait preuve de toutes les sollicitudes, offrant au mage noir du thé, des gâteaux, la meilleure place auprès du feu et une couverture. Comme s'il recevait un ami cher perdu de vue de longue date et pas un homme qui avait mis l'Europe à feu et à sang et dont la chute avait cémenté sa réputation comme le sorcier le plus puissant du siècle.
C'était aberrant.
Ça n'avait aucun sens.
« Il est devenu fou. » décréta Severus. C'était la seule explication qui tenait la route.
La seconde période était bien entamée, les couloirs étaient vides. Ils se dirigèrent d'un commun accord vers les étages inférieurs. Théoriquement ils étaient toujours censé être en cours avec les troisièmes années qui avaient dû vaquer à leurs occupations depuis longtemps.
« Il n'a pas l'air bien dangereux. » nuança Black, légèrement hésitant. Sous son regard noir, il leva les deux mains. « Hé, je suis d'accord avec toi, c'est complètement insensé mais on ne passe pas cinquante ans en prison sans garder quelques séquelles. Crois moi. Il va lui falloir un moment pour se remettre. »
« Ce qui signifie qu'il ne servira probablement pas à grand-chose si l'école est effectivement attaquée. » riposta Severus. « Ce qui rend sa présence d'autant plus stupide que dangereuse. »
Où Albus avait-il la tête ?
Depuis qu'ils avaient détruit l'horcruxe… Un soupçon s'insinua en lui mais il finit par le repousser. Si le vieux sorcier était possédé ou sous influence, l'un d'eux s'en serait forcément aperçu. Minerva passait beaucoup de temps avec lui et le connaissait suffisamment bien pour s'alarmer s'il y en avait besoin.
Minerva… Elle avait un double cours de Métamorphose avec ses A.S.P. ce matin, s'il ne se trompait pas. Il ne doutait pas qu'elle foncerait dans le bureau d'Albus dès qu'elle serait libre et qu'elle hurlerait probablement encore plus fort que lui ne l'avait fait.
Lui et Black avaient croisé Filius qui montait en redescendant et le Directeur de Maison de Serdaigle avait eu l'air particulièrement déterminé à laisser éclater sa colère, lui-même. Il ne doutait pas que Pomona ne tarderait pas, même si ses mots seraient probablement plus posés.
Le plan était insensé mais qu'il ait pu le mettre en route sans même avertir les Professeurs…
Même lorsqu'il avait accepté d'abriter la pierre philosophale au sein de l'école, il avait d'abord cherché l'approbation du corps professoral – il n'en avait reçu que le soutien partiel, la majorité d'entre eux ayant souligné qu'une école pleine d'enfants n'était pas l'endroit idéal pour dissimuler une chose qui attirerait autant les convoitises, et cela ne l'avait pas empêché de mettre en route son projet mais… Tout de même, il y avait eu un semblant de respect pour l'opinion de ses enseignants.
« Je vais essayer de trouver les troisièmes années. » soupira Black, en consultant sa montre. « On peut au moins sauver une demi-heure de cours… Faire le point sur le parcours de ce matin. »
Ils descendaient l'escalier qui menait au hall d'entrée. Severus fit un geste négligeant de la main. Les gamins se seraient éparpillés dans le parc ou dans l'école. Le temps qu'ils les rassemblent…
« Fais donc si cela t'amuse. » répondit-il. « Je vais aller trouver Slughorn. »
Il avait organisé les choses avec Lupin mais n'avait jamais réglé la situation avec son ancien Directeur de Maison. L'idée même de devoir lui présenter des excuses le rendait vert de rage. Avait-il le choix, cependant ? La vérité était qu'il avait besoin de l'autre Maître des Potions.
Et avec Grindelwald au sein de l'école…
Les Gryffondors et Serpentards de cinquième année avaient Potions ce matin. Il en profiterait pour toucher un mot à Harry. Une pierre, deux coups.
« D'accord. » approuva Black. « On se retrouve pour le cours de première année ? Tonks ! Qu'est-ce que tu fais là ? »
Ils atteignirent le hall d'entrée au moment où l'Auror franchissaient les lourdes doubles portes du château.
« À ton avis ? » rétorqua-t-elle, de l'autre bout du hall désert.
Severus l'étudia d'un coup d'œil, du jean noir déchiré aux cheveux sombres qui tombaient au niveau de son menton et détermina qu'Albus allait vraiment passer une mauvaise matinée.
« J'en déduis que le Ministère n'était pas davantage au courant que les Professeurs ? » lança-t-il.
Tant mieux, d'un côté. Ils s'étaient mis d'accord pour respecter leurs secrets respectifs, toutefois si elle lui avait caché quelque chose d'aussi énorme que la venue à Poudlard de Grindelwald…
« Est-ce que j'ai l'air de quelqu'un qui était au courant ? » siffla-t-elle avec agacement. Ils se rejoignirent au milieu du hall. « Et, tiens toi bien… Aucun Auror supplémentaire n'est prévu pour le surveiller. Dumbledore a convaincu le Magenmagot qu'il pouvait s'en charger seul. »
Severus se frotta le visage, n'ayant même pas l'énergie de s'en étonner. Évidemment qu'Albus ne désirait pas davantage d'Aurors sur le domaine que nécessaire. À Poudlard il régnait en maître et sans interférence.
« J'ai besoin d'air. » lâcha Black, en secouant la tête. « Tout ça, c'est… » Il leva les bras avec impuissance, avant de les laisser retomber, puis posa brièvement la main sur l'épaule de Severus comme si c'était entièrement naturel. « À tout à l'heure. »
Lui et Nymphadora le regardèrent partir en direction du parc, puis, une fois certain qu'ils étaient seuls, il leva les sourcils. « Un mot en privé ? »
Elle hésita, très clairement furieuse et impatiente de laisser éclater sa colère sur qui de droit, mais elle finit par acquiescer et le laissa l'entraîner jusqu'à une salle de classe vide proche de la Grande Salle. Il prit le temps de poser des protections rapides pour s'assurer que leur conversation demeurerait privée.
« Grindelwald ! » explosa-t-elle, à la seconde où il eut terminé. « Il est complètement cinglé ! Pourquoi pas une bombe nucléaire tant qu'il y est ? »
La référence Moldue, qui aurait été perdue pour un autre sorcier, lui arracha l'ombre d'un sourire.
« Puis-je te rappeler que cela ne s'est pas exactement bien terminé la dernière fois que tu as envahi son bureau au pas de charge ? » déclara-t-il, en tendant la main vers elle.
Elle l'attrapa et le laissa l'attirer plus près de lui, l'air toujours contrarié.
« Je n'en peux plus de ses lubies. » cracha-t-elle, avec dégoût. « C'est suffisamment moche, là-dehors, suffisamment dangereux… Il est tellement hypocrite. Il prêche tous ces idéaux qui sont très bien sur le papier mais, dès que les choses ne vont pas comme il veut, il passe par-dessus la tête du Ministre, manipule le Mangenmagot… » Elle secoua la tête, ses épaules s'affaissant légèrement. « C'est une école ici… Il y a des enfants… Et il ramène un ancien dictateur qui a tué combien de gens ? »
Severus cala sa canne contre le bureau le plus proche pour pouvoir caresser son visage de sa main libre, un peu peiné de la voir si bouleversée. C'était une chose de la savoir en colère contre Albus, une autre de la sentir si… déçue.
« Je ne suis pas d'accord avec toutes ses décisions… » nuança-t-il. « Je ne suis certainement pas d'accord avec celle-ci… Mais nous ne gagnerons pas la guerre par démocratie, Nymphadora. Il nous faut un général et ce général est Albus Dumbledore. Croire le contraire serait naïf. »
Elle soupira et se laissa aller prudemment contre lui. Il l'enlaça sans vraiment y penser, appuyant son menton sur le haut de sa tête et fermant les yeux, goûtant à un moment de paix suspendu dans une journée qui allait – et irait, il le sentait – de mal en pis.
« Ça ne va pas m'empêcher de lui dire le fond de ma pensée. » marmonna-t-elle.
« Sois prudente, c'est tout ce que je te demande. » répondit-il. « Garde tes boucliers levés. »
Il ne pensait pas qu'Albus tenterait à nouveau de la contrôler par magie ou d'effacer l'entrevue de sa mémoire. Si peu de subtilité ne lui ressemblait pas. Cela lui avait coûté la loyauté de la jeune femme et, étant donné qu'elle était devenue le numéro deux du Département des Aurors, cela s'était avéré un faux pas sur le plan tactique. Albus ne ferait pas la même erreur deux fois.
« Severus… Tu t'inquiètes pour moi ? » le taquina-t-elle, en levant la tête, un faible sourire aux lèvres.
« Constamment. » avoua-t-il.
Les traits de la jeune femme s'adoucirent. Elle l'embrassa avec cette tendresse qui l'émerveillait toujours un peu.
Il éprouva un élan de culpabilité qu'il étouffa dans l'œuf lorsqu'il se remémora avec quelle facilité il avait offert de rompre avec elle la nuit précédente. Encore que facilité n'était probablement pas le bon mot. Il avait occludé suffisamment pour avoir l'air détaché, ou du moins l'espérait-il, néanmoins il avait été douloureux de seulement y penser.
Il l'aurait fait.
Pour Harry, il l'aurait fait.
Et peut-être aurait-il été plus honnête de le lui avouer mais il n'en avait ni la force, ni le courage. Et il n'y avait de toute manière aucune raison de le faire.
« J'ai parlé de nous à Harry. » lui annonça-t-il.
Elle se recula légèrement, plaçant une main sur son torse. « Oui, j'imagine que tu n'avais plus le choix. Le pauvre, il avait l'air si choqué… » Elle grimaça, un peu nerveuse. « Comment est-ce qu'il a réagi ? »
« Bien dans l'ensemble. » offrit-il. « Il savait déjà. »
Il manqua presque faire une plaisanterie sur le fait que tout se passerait bien tant qu'elle éviterait les jupes ou les robes courtes autour de l'adolescent mais la ravala. Cela aurait été trahir une confidence innocente. Harry avait presque seize ans, il était naturel qu'il remarque une belle femme.
Et elle était belle.
Trop pour lui, certainement.
« Pas étonnant. Il est futé. » remarqua-t-elle, avec un sourire hésitant. « Tant mieux si ça s'est bien passé. Je sais que ça te tracassait. »
Il tira gentiment sur une mèche de ses cheveux, l'air satisfait. « Te voilà de bien meilleure humeur. »
Sans avoir virés entièrement au rose, ses cheveux sombres étaient parsemés de mèches plus claires.
Elle combattit vaillamment un sourire qu'elle finit par laisser percer. « Il faut croire que tu as cet effet sur moi. »
« Tu dois bien être la seule. » plaisanta-t-il.
La main qui était posée sur son torse agrippa ses épaisses robes et le tira vers l'avant. Il se fondit dans le baiser par réflexe, la respiration coupée par sa fougue.
Elle parut extrêmement fière d'elle-même lorsqu'elle s'écarta finalement. « Toujours d'une humeur massacrante ? »
« Pas présentement. » admit-il. « Cela ne durera pas, cependant. Je dois aller confronter Slughorn. »
Elle inclina la tête pour mieux l'étudier. « Tu ne m'as pas dit s'il avait accepté de travailler avec toi, hier. »
Il récupéra sa canne et s'éloigna d'elle avec un regret certain, conscient pourtant qu'il se comportait avec le même ridicule qu'un adolescent qui entrainerait un béguin dans une classe vide pour mieux l'embrasser. Il la blâmait entièrement pour sa mauvaise influence.
Il n'avait jamais eu autant de mal à contrôler ses pulsions par le passé.
« Sous réserve que je lui fasse des excuses. » cracha-t-il, sentant son agacement, sa colère, revenir au galop.
Elle fronça les sourcils. « Qu'est-ce que tu as fait pour lui devoir des excuses ? »
« Rien que je ne puisse t'avouer sans que tu ne sois contraire de m'arrêter. » répondit-il, en sortant sa baguette pour abaisser ses protections.
« Encore ? » se moqua-t-elle. « Tu ne peux pas respecter la loi, de temps en temps ? »
Elle ne paraissait pas fâchée et il n'avait, de toute manière, aucune intention de changer ses habitudes. La fin justifiait les moyens.
« À Serpentard, nous apprenons que les lois existent pour être contournées. » déclara-t-il, d'un ton presque didactique.
Elle n'eut guère l'air impressionné. « C'est drôle, parce qu'à Poufsouffle, on apprend plutôt que les visites conjugales ne sont pas autorisées à Azkaban. »
Ses lèvres tressautèrent avec amusement. « Je tâcherai de garder ça à l'esprit à l'avenir. »
Elle planta un dernier baiser sur ses lèvres et se dirigea vers la porte d'un pas plus guilleret. « Fais donc. »
Elle attendit qu'il ait baissé les protections pour quitter la pièce avec un dernier clin d'œil entendu. Il l'observa tandis qu'elle s'éloignait en direction du bureau du Directeur, s'avisa qu'il souriait toujours et se détourna dans un claquement de cape, se composant un visage un peu plus sévère, songeant que c'était une bonne chose que le couloir ait été désert.
Si l'intermède avait eu l'avantage de le distraire quelques minutes de ses idées sombres, cela ne dura pas.
Lorsqu'il atteignit son ancienne salle de classe, il était à nouveau d'humeur massacrante. Interrompre un collègue en pleine leçon n'était peut-être pas très protocolaire mais son raisonnement était que cela aurait le mérite de garder la conversation brève. Étant donné qu'il ne savait toujours pas ce qu'il comptait dire à Slughorn, c'était sans doute pour le mieux.
Il frappa à la porte, attendit trente secondes une réponse qui ne vint pas, sans doute couverte par le brouhaha qu'il pouvait entendre à travers l'épais bois, et pénétra dans la salle de classe d'un pas de propriétaire – il avait après tout enseigné dans cette pièce pendant quinze ans, lui-même.
S'il s'attendait à être immédiatement confronté par son ancien Directeur de Maison, il fût déçu. Une vingtaine de regards se tournèrent vers lui mais aucun d'eux n'appartenait à Horace.
Severus balaya la pièce du regard, jaugea le niveau de chaos inacceptable, et se redressa automatiquement, projetant une telle aura d'autorité que les adolescents se figèrent tous là où ils étaient – et peu d'entre eux étaient près de leurs chaudrons. Ses yeux se dirigèrent automatiquement vers la porte béante qui menait à la réserve, attendant que Slughorn en émerge, alarmé par le silence soudain. Lorsqu'il fût évident qu'il n'en serait rien, il se tourna vers la classe qui l'observait avec une appréhension évidente.
Severus Snape et une salle de potion dans un tel désordre ne faisaient pas bon ménage.
« Que se passe-t-il ici ? » siffla-t-il, en fusillant du regard chacun des cinquièmes années qui n'étaient pas à leurs places. Il les avait mieux habitués que ça. Slughorn n'était peut-être pas pointilleux sur la sécurité mais il avait passé des années à leur inculquer des règles de base qu'ils auraient dû être assez intelligents pour suivre d'eux même. Harry, au moins, semblait surveiller son chaudron. « Où est le Professeur Slughorn ? »
« Il avait des potions à préparer, monsieur. » répondit Draco, du fond de la classe. « Il nous a demandé de choisir chacun une potion dans le manuel et à lui remettre à la fin du cours pour qu'il la note. »
La désapprobation dans la voix de son serpent était subtile mais présente.
Severus s'énerva encore davantage. « Sans supervision d'aucune sorte ? »
Personne ne s'aventura à répondre, ce qui était, en soi, suffisamment explicite.
« Retournez tous à vos places. » ordonna-t-il, d'un ton doucereux que chaque étudiant dans cette pièce savait dangereux. Il attendit qu'ils ait tous retrouvé leur plan de travail – et il ne s'habituerait jamais à voir les serpents et les lions mélangés – avant de les dévisager un à un suffisamment longtemps pour les mettre mal à l'aise. « Puisque j'ai échoué à vous enseigner les bases élémentaires de la sécurité dans un laboratoire de potions, vous me rendrez tous un essai au prochain cours de Défense détaillant chacune des règles de sécurité basiques et expliquant pourquoi elles sont nécessaires. »
« Peut-être que Slughorn pourrait en lire un ou deux. » marmonna Harry entre ses dents.
Severus décida de faire comme s'il n'avait pas entendu.
Néanmoins, il était entièrement d'accord avec le garçon et toute bonne volonté qu'il aurait été enclin à mettre dans son entrevue avec Slughorn s'évanouit totalement.
Incapable de laisser la classe livrée à elle-même, il entreprit de vérifier les chaudrons les uns après les autres. Il débuta par celui de Londubat qui, miraculeusement, ne paraissait pas sur le point d'exploser. Ça ne l'empêcha pas de toiser l'adolescent, une remarque sarcastique prête à passer ses lèvres…
Un raclement de gorge le fit tourner la tête vers Harry qui l'observait, sourcils levés.
Severus plissa les yeux mais ravala sa réplique acerbe et passa au chaudron suivant, distribuant remontrances et avertissements au besoin.
Harry avait choisi une potion calmante, ce qui n'était guère un défi étant donné qu'il avait vu Severus en préparer des dizaines et avait été mis à contribution plus d'une fois. La consistance était bonne, la couleur parfaite… Il l'encouragea à continuer d'un hochement de tête.
Les dernières potions qu'il vérifia furent celles de Granger et de Draco qui partageaient un plan de travail au fond de la classe. Sans surprise, les potions étaient parfaites.
« Ôtez-les du feu et rangez vos ingrédients. » exigea-t-il, anticipant leurs protestations d'une main levée. « Je m'arrangerai avec le Professeur Slughorn pour qu'il vous donne un O à tous les deux. Surveillez vos camarades et, surtout, ne laissez personne faire exploser mes cachots, nous entendons-nous ? » Il attendit que les deux adolescents hochent la tête, Granger rougissant légèrement sous le compliment implicite, avant de se détourner. « Potter, un mot dans le couloir. Weasley, surveillez son chaudron une minute. »
Harry le suivit sans discuter mais, à peine eut-il fermé la porte de la classe derrière eux que le gamin s'anima. « Est-ce que c'est vrai que Grindelwald est à Poudlard ? »
« C'est non seulement vrai mais il est, en ce moment même, en train de siroter un thé dans le bureau d'Albus. » grinça Severus. « Assurdiato. Je ne veux pas que tu ailles où que ce soit avec le Directeur. Ne t'approche pas de lui ou de son bureau. S'il te fait demander, viens me rejoindre. Tu as ta cape d'invisibilité sur toi ? »
Le garçon secoua la tête. « Elle est dans le dortoir. »
« Garde-la sur toi en permanence. » le sermonna-t-il. « Ta fameuse Carte également. Tu as toujours une réserve de potions sur toi ? »
« Oui. » confirma l'adolescent, en fronçant les sourcils. « Vous pensez… »
« Je ne pense rien. » l'interrompit-il. « Lorsqu'un mage noir réside en nos murs, je préfère anticiper. »
Harry enfonça les mains dans ses poches, l'air curieux. « Ils sont vraiment en train de prendre le thé ? »
Severus changea sa canne de main pour ouvrir et fermer plusieurs fois le poing. Il serrait le pommeau si fort depuis l'arrivée de Grindelwald que ses doigts s'étaient crispés. « Il s'agit de la scène la plus surréaliste à laquelle j'ai assisté de ma vie. Et n'oublions pas que je t'ai vu être réparti à Serpentard. »
Le gamin ricana puis inclina la tête, un sourire goguenard aux lèvres.
« Le seul lien qui existe entre Grindelwald et Dumbledore, c'est le duel de Darmstadt. » lâcha l'insupportable garnement, avec une lenteur presque comique.
Il supposait qu'Harry n'avait pas suffisamment l'opportunité de lui jeter ses mots au visage en temps normal et devait saisir toutes les occasions possibles.
« Tu m'imite très mal. » déclara-t-il.
« Oh, je ne sais pas… Je trouve que j'ai pris le coup. » plaisanta le garçon.
Il lui jeta un regard noir quelque peu atténué par l'affection qu'il ne pouvait pas réprimer.
« Cinq points en moins pour Gryffondor. » gronda-t-il, pour la forme. « Tâche de ne pas mourir dans un accident de potions. Je m'en vais rappeler à Slughorn pourquoi laisser des adolescents sans supervision est stupide. »
« Si vous avez besoin d'aide pour faire disparaitre le corps, une fois que vous aurez fini, vous savez où me trouver. » se moqua Harry. Il esquissa un mouvement vers la salle de classe puis se retourna au dernier moment, son sérieux retrouvé. « Au fait, il a dit quoi pour la potion Révèle-Loup ? »
« Que je lui devais des excuses et qu'il ne nous aiderait qu'à condition que je lui en présente en bon et due forme. » grinça-t-il, pince-sans-rire.
Contrairement à Nymphadora qui avait traité la chose comme une plaisanterie, incapable de mesurer ce que cela lui aurait coûté par manque d'information, Harry se referma tout de suite. Le visage dur, la colère brillant dans ses yeux verts, il fit un pas vers lui.
« Sev, tu ne lui dois rien. » cingla brusquement le garçon, avant de ciller rapidement lorsqu'il se rendit compte de ce qui venait de sortir de sa bouche. Il pâlit un peu et fit la grimace. « Je veux dire… Peut-être que vous l'avez attaqué mais c'est un connard et… »
'Il n'a jamais rien fait pour vous.'
Il pouvait presque lire les mots dans l'esprit du gamin, sans même avoir à user de Légilimencie.
Harry baissa rapidement les yeux, fixant les pavés inégaux des cachots du regard. « Ça ne vaut pas le coup. Je vous aiderai pour la potion. Je ferais plus attention. On peut se débrouiller sans lui. »
Severus prit une profonde inspiration, occludant une grosse partie des émotions qui menaçaient de l'étouffer.
Entre tous, il supposait qu'Harry, seul, mesurerait l'humiliation que serait de présenter des excuses à Horace Slughorn.
À nouveau, et malgré ses boucliers, il ressentit la vieille colère, la vieille rancune, relever sa vilaine tête.
« Retourne en classe et laisse-moi m'inquiétez de Slughorn. » ordonna-t-il, prenant soin de garder un ton neutre. Il s'était éloigné de quelques pas, l'adolescent avait la main sur la poignée de la porte lorsqu'il se figea. « Harry ? » Le garçon se retourna vers lui, une expression inquisitrice sur le visage. « En dehors d'une salle de classe, je ne considère pas que le tutoiement serait… déplacé. »
Il s'en alla sans attendre la réaction de l'adolescent.
Trouver Slughorn ne fût pas bien compliqué. Il était dans le laboratoire qu'il s'était attribué, non loin de la réserve privée qu'ils utilisaient désormais tous les deux et que l'homme laissait perpétuellement en désordre.
À son entrée, l'ancien Directeur de Serpentard leva les yeux du chaudron sur lequel il était penché, son visage se durcissant immédiatement. « Ah, Severus. »
« Lupin est disposé à servir de cobaye ce soir. » l'informa-t-il, sans aucune intonation dans sa voix. Il occludait trop fort, trop bien, pour laisser percer la moindre faille. « Les détails sont toujours en cours de négociation, toutefois je vous serai reconnaissant de préparer un chaudron de potion Révèle-loup, je vous ferai parvenir les notes dans la matinée, ainsi que de vous tenir prêt à passer une partie de la nuit à l'extérieur. » Il marqua une pause, prit le temps de renforcer encore ses boucliers, se rappelant que des sacrifices étaient nécessaires. « J'accepte de partager les droits et crédits sur cette potion à la condition que mon nom soit listé en premier et qu'il soit explicite que je suis seul responsable de la phase de recherche. L'argent m'importe moins, nous pouvons donc diviser les revenus en parts égales. »
Horace l'étudia longtemps puis inclina finalement la tête. « Très bien. »
« Très bien. » répéta-t-il froidement. « Tant que nous y sommes, il m'incombe, en tant que Directeur de Maison, de vous rappeler qu'un laboratoire de potions, particulièrement un qui est situé si près de la salle commune de Serpentard, est un endroit dangereux et qu'y laisser une classe entière d'adolescents livrés à eux-mêmes est irresponsable. Je vous remercierai donc de mettre en suspens votre expérience, quelle qu'elle soit, et de retourner vous occuper de vos élèves, de préférence avant que l'un d'eux ne fasse exploser l'école. »
Avec un mage noir entre ses murs, Poudlard n'avait pas besoin d'une autre menace ce jour là.
Il se détourna vers la porte, heureux d'avoir eu la présence d'esprit de ne pas pénétrer plus loin dans le laboratoire. Il était presque arrivé à la sortie, avait presque réussi à se contenir tout à fait, lorsque l'autre homme l'interpella, visiblement contrarié – ou ayant peut-être peu apprécié la remarque sur ses méthodes d'enseignement.
« Il me semble que vous oubliez ma condition première, Severus. » remarqua Slughorn, d'un ton faussement amical. « Je pensais avoir été clair sur le fait qu'elle était incontournable. »
Severus s'immobilisa mais se tourna pas, préférant lui garder le dos tourné. Il ferma les yeux, prit une inspiration, deux, se retrancha autant qu'il l'osa derrière des boucliers bien moins efficaces que les anciens…
« Je ne vous présenterai pas d'excuses. » énonça-t-il clairement.
« C'est regrettable. » commenta l'autre Maître des Potions. « Dans ces conditions, je crains de ne pas être disposé à… »
La porte du laboratoire claqua.
Severus fit un effort, il fit véritablement un effort pour se contrôler, mais, malgré lui, les fioles et autres instruments s'entrechoquèrent sur les étagères qui longeaient les murs.
Sev, tu ne lui dois rien.
La voix d'Harry résonnait dans sa tête.
Calme, se morigéna-t-il, reste calme.
« Vous comprenez que ce n'est pas à moi que vous rendez service en portant votre attention sur cette potion mais à la communauté magique ? » s'enquit-il, avec toute l'amabilité qu'il pouvait feindre.
« Et pourtant, c'est vous qui avez besoin d'aide pour en venir à bout. » rétorqua Horace, sur le même ton. « Vous, encore, qui avez choisi de m'attaquer dans mes appartements en toute impunité. J'exige des excuses, Severus. J'exige… »
« Et où sont mes excuses ? » tonna-t-il, perdant momentanément le contrôle de ses boucliers et de sa magie. Plusieurs bocaux éclatèrent sur les étagères. Severus pivota pour lui faire face, incapable de dissimuler plus longtemps la fureur que cette conversation faisait naître en lui. « Où sont mes excuses, Horace ? » répéta-t-il dans un sifflement.
Le Maître des Potions se drapa dans une dignité offensée. « Pourquoi vous devrais-je des excuses exactement ? Pour vous avoir tout appris ? Pour vous avoir accueilli dans mon club ? Pour vous avoir présenté à la fine fleur du monde des potions ? »
Oh, comme le sorcier se plaisait à réécrire l'histoire, songea amèrement Severus. Certes, Slughorn l'avait invité à son club certes, Severus s'était fait quelques relations à ces soirées… Mais il aurait été faux de dire qu'Horace Slughorn l'avait pris sous son aile ou était devenu un mentor d'aucune sorte. Passé les A.S.P.I.C.s, il n'avait plus eu aucun contact avec lui. Ce n'était pas auprès de lui qu'il avait fait son apprentissage, l'offre n'était jamais venue.
Parce que Severus n'était pas Lily Evans et que sa favorite avait toujours été Lily. C'était à elle qu'il avait fait une offre bien que Lily ne se soit jamais destinée aux potions et, lorsqu'elle l'avait refusée, il ne lui avait pas étendu la même courtoisie. Son apprentissage, il l'avait décroché grâce à Lucius qui avait usé de son influence par amitié – ou ce qu'il avait appelé amitié, à l'époque, mais qui n'avait été que le même système de dettes et de services que durant leur scolarité.
« Vous étiez mon Directeur de Maison. Vous étiez le Professeur avec qui je passais le plus de temps. » murmura-t-il, d'un ton accusateur. « Vous auriez pu, vous auriez dû m'aider… Au lieu de cela, vous avez préféré fermer les yeux. »
« J'ignore de quoi vous parlez. » mentit Slughorn. Plutôt bien, d'ailleurs.
Si Severus n'avait pas été certain de ce qu'il avançait, il aurait pu douter.
Décidemment, l'homme était bien meilleur Occlumens que ce qu'il avait toujours soupçonné. Il n'en était même pas étonné. Slughorn avait toujours gardé ses secrets près du corps.
« Vous le savez très bien, au contraire. » contra-t-il. « Combien de fois Pomfresh a-t-elle tenté de vous convaincre d'intervenir ? Combien de fois Lily est-elle venue supplier dans mon dos durant notre première année ? »
Que l'infirmière l'ait averti, il en était certain.
Lily… C'était pure spéculation de sa part, pourtant il était quasiment certain de ce qu'il avançait. Sa meilleure amie avait été encline à faire entièrement confiance aux adultes, particulièrement en position d'autorité, et Slughorn l'avait tout de suite prise en affection. Si elle était allée voir un seul professeur pour tenter de l'aider, c'était lui.
Et quant bien même aucune des deux sorcières ne l'aurait prévenu…
Severus avait saigné aux quatre coins des dortoirs durant des semaines les cinq premières années de sa scolarité. Il avait tâché des draps, des vêtements, des serviettes… Les elfes de maison de Poudlard auraient alerté le Directeur de Maison.
Cela, il le savait de source sûre.
Il y avait milles et une manière d'ignorer certains problèmes.
« Si l'un de nous doit des excuses à l'autre, ce n'est certainement pas moi qui vais commencer. » conclut-il, en parvenant de justesse à redresser ses boucliers.
« Ce n'est pas à moi de juger les choix disciplinaires des parents d'élèves. » rétorqua Slughorn avec dédain, abandonnant sa charade d'ignorance. « Je suis d'une autre époque, sans doute, mais de mon temps, ce genre de choses était monnaie courante. Les enfants acceptaient leur punition, ne se plaignaient pas et retenaient la leçon. Étant donné les choix discutables que vous avez faits par la suite, tout au long de votre vie, peut-être la leçon n'a-t-elle pas été inculquée avec suffisamment de force. »
Le propos était tellement absurde qu'il lui fallut une bonne minute pour le digérer. Mais une fois que les mots firent leur chemin… Une fois que…
« Vous devriez également garder pour vous vos conseils sur la gestion d'une salle de classe, Severus. J'enseignais déjà quand vous étiez en culottes courtes. » cingla l'ancien Directeur de Maison. « Et, si je ne m'abuse, d'après les échos qui me sont revenus durant votre absence, vous n'êtes pas exactement un bon Professeur et aucun de vos élèves ne vous a regretté. »
Il ignorait à quel moment il avait sorti sa baguette.
Il ignorait à quel moment la fureur avait pris le pas sur tout le reste.
La première syllabe de l'Avada Kedavra était sur ses lèvres.
Sev, tu ne lui dois rien.
Il se détourna au prix d'un effort qui le laissa chancelant et sortit en trombe, courant presque pour s'éloigner au plus vite du laboratoire, fuyant la confrontation comme un lâche.
C'était la lâcheté ou commettre un meurtre.
Il se dégoûtait de céder à la première option mais, la seconde, ni Harry, ni Nymphadora ne la lui pardonneraient.
°O°O°O°O°
Le jour où il avait ensorcelé la porte de son bureau pour qu'elle demeure silencieuse en toutes circonstances avait été une de ses plus riches idées, songea Albus, non sans ironie, alors que Tonks quittait son bureau en trombe, non sans avoir tenté avec frustration de claquer la porte derrière elle.
Severus ne s'était pas donné cette peine, ayant trop fait l'expérience de son sort de silence au fil des années.
Filius, qui avait abandonné bien avant l'Auror, s'était contenté d'un regard noir.
La sonnerie retentit et Albus estima qu'il n'avait qu'une poignée de minutes avant que Minerva ne débarque, libérée de sa classe d'A.S.P. et prête à l'envoyer à Sainte Mangouste aussi rapidement qu'elle trouverait une poignée de poudre de cheminette. Il s'attendait également à ce que Pomona fasse une apparition sous peu.
Gellert, au moins, paraissait plus amusé qu'inquiet du ballet incessant de visiteurs venus soit pour hurler, soit pour lui demander s'il avait perdu l'esprit.
« De mon temps, les sous-fifres ne remettaient pas en cause leurs employeurs. » remarqua l'autre sorcier, avant de se perdre dans une quinte de toux.
Albus raviva le feu d'un coup de baguette, bien qu'il fasse déjà chaux dans la pièce. Il n'aimait pas le sifflement rauque qui suivait ces quintes de toux. Il avait peut-être prêté une oreille attentive aux récriminations de ses enseignants et de l'Auror car il les trouvait légitimes, après tout il n'avait prévenu ni les uns, ni les autres, mais cela ne l'avait pas empêché de passer une bonne partie de la matinée à observer Gellert sans s'en avoir l'air.
« Je vais appeler notre infirmière. Elle est très compétente, tu verras. » déclara-t-il.
L'expression de Gellert se fit plus triste. « Ich sterbe, Albus. »
Il se figea, le dévisageant, plus choqué que surpris.
« Je me meurs. » répéta son ancien amant. « Aussi compétente soit-elle, je doute qu'elle puisse arranger ça. N'ais pas l'air si alarmé, j'ai accepté de t'aider en toute connaissance de cause. J'ai quelques mois devant mois, un an peut-être, pas beaucoup plus. Cela devrait suffire, ja ? »
À protéger Poudlard en cas d'attaque ? Oui.
À empêcher Voldemort de remonter jusqu'à la baguette de Sureau si Ollivanders venait à lui en parler ? Sans doute.
À suturer la plaie béante dans sa poitrine qu'il n'avait jamais su comment soigner ?
Il ne répondit rien.
Le Ministère de la Magie allemand ne l'avait pas prévenu, pas plus que le directeur de la prison avec qui il avait pourtant si souvent correspondu. Il avait été conscient que Gellert était mal en point, avait craint longtemps de recevoir un hibou qui lui annoncerait sa mort, mais il n'avait pas compris que c'était plus grave que ce que ses conditions d'emprisonnement entraînaient…
La grande majorité de la communauté magique internationale célébrerait probablement sa mort.
Et Albus pouvait le comprendre.
Pourtant…
Pourtant avant d'être Gellert Grindelwald, le sorcier honni qui avait fait plier l'Europe, il était juste un homme. Une homme qu'Albus…
« Est-il temps de parler de ce qui fâche ? » demanda cet homme, avec une tranquillité pas tout à fait feinte.
Albus avait cultivé cet air de mystère qui l'entourait, ce calme olympien de grand sage qu'il gardait en toutes circonstances. Gellert était né avec.
« Pas encore. » refusa-t-il. « Ce sera certainement une longue conversation. »
« Probablement agrémentée de quelques désaccords. » glissa Gellert, avec ce même sourire qui lui avait fait perdre la tête fût un temps. Une pointe de morgue, trop d'assurance, et un amusement indéniable.
« Probablement. » acquiesça Albus, en lui rendant son sourire. « Je ne veux pas être interrompu. Or, ma sous-directrice ne devrait pas tarder à venir nous exposer plus clairement que les autres ne l'ont fait à quel point je suis sénile. »
Il fronça d'ailleurs les sourcils, en jetant un coup d'œil à la pendule.
Il était étonnant que Minerva ne soit pas déjà là.
°O°O°O°O°
Ses pas l'avaient menés à la salle des professeurs sans qu'il ne sache trop pourquoi. Il aurait été plus logique de retourner dans ses appartements.
La pièce était bien heureusement vide et Severus claudiqua jusqu'à un fauteuil près du feu. Sa cage thoracique était en feu, sans qu'il n'en comprenne la raison. Sa respiration était courte. Ses mains tremblaient mais ce n'était pas dû à l'Endoloris. Sa vue était floue.
Il porta une main à sa bouche, la frotta, sans parvenir à s'ôter des lèvres le goût aigre de l'Avada qu'il avait presque jeté.
Il agrippa les accoudoirs, s'exhorta au calme, tenta de faire le vide dans son esprit sans y parvenir…
…peut-être la leçon n'a-t-elle pas été inculquée avec suffisamment de force.
Il ferma les yeux pour mieux occluder mais les rouvrit immédiatement lorsque l'image de Tobias levant le poing s'imposa à lui avec un peu trop de netteté. Un gémissement passa ses lèvres, sans qu'il ne parvienne à se contrôler, ce qui ne fit qu'exacerber le sentiment d'humiliation.
Peut-être aurait-il dû tout simplement faire mine de s'excuser, après tout. Il aurait trouvé ça rabaissant mais toujours moins que la condescendance, le mépris, avec lequel Slughorn s'était adressé à lui. Lui reprocher ne pas garder sa lèvre supérieur rigide, de ne pas taire plus longtemps un crime qu'il n'avait pas levé le petit doigt pour empêcher…
Mais n'était-ce pas ce que Severus avait fait toute sa vie ? Garder le silence. Garder le secret. Garder la honte et l'humiliation pour lui. Préserver sa fierté. Préserver ce qu'il lui restait de dignité.
Aucune femme ne l'avait vu entièrement nu avant Nymphadora.
Il n'avait jamais ôté sa chemise pour personne.
Il n'avait jamais…
La porte grinça lorsqu'elle s'ouvrit, laissant brièvement pénétrer dans la pièce le brouhaha de l'intercours.
« Ah, Severus, vous êtes là… » lança la sous-directrice distraitement, en se ruant sur la table du fond, où était disposés plusieurs théières, tasses et tout ce avec quoi on était susceptible d'assaisonner son thé. « Voulez-vous bien me dire d'où viennent ces rumeurs qui circulent selon lesquelles Gellert Grindelwald marcherait en nos murs ? Il vaudrait mieux pour Albus qu'elles ne soient pas véridiques. Je suis toute disposée à arriver en retard à mon prochain cours si… »
Il n'entendit que la moitié de son discours. Ses oreilles teintaient de manière curieuse, sa vision se brouillait…
« Severus ? » appela-t-elle, avec une pointe d'inquiétude.
« Je suis peut-être piètre pédagogue et très mauvais enseignant… » déclara-t-il, le souffle court, la voix rauque. « Mais je suis un excellent Directeur de Maison. »
À nouveau, il se frotta les lèvres, comme pour mieux effacer cet Impardonnable qu'il n'avait pas prononcé.
Une main se posa doucement sur son avant-bras.
« Qui a dit le contraire ? » demanda Minerva.
Lorsqu'il ne répondit pas, elle serra gentiment son bras un peu plus fort. Il leva la tête vers elle, cillant pour chasser les papillons qui dansaient devant ses yeux.
Elle avait approché un autre fauteuil du sien et était légèrement penchée vers lui, un air inquiet sur le visage.
« Je n'ai jamais laissé un enfant dans une situation dangereuse. Pas une fois. Pas même lorsque cela aurait été plus simple. » l'implora-t-il de comprendre. « J'ai toujours fait en sorte qu'ils puissent aller vivre chez un cousin, un parent… Et lorsqu'il était impossible de les retirer discrètement à leurs familles, j'ai menacé, fait du chantage… Pas pour mon gain propre, pas pour collecter quelque dette plus tard… » Il secoua la tête. « Je n'ai jamais laissé un enfant en danger, jamais, même ceux que je n'appréciais pas particulièrement. »
« Severus, je sais tout cela. » promit Minerva.
« Aucun enfant ne devrait être brutalisé. Ce n'est pas un choix disciplinaire, Minerva, ce n'est pas une méthode d'éducation. » insista-t-il.
La douleur dans sa poitrine se fit plus sévère et il avala goulument une bouffée d'air qui ne suffit pas à alimenter ses poumons.
Il hyperventilait, comprit-il, une seconde plus tard.
Il était en train d'avoir une crise d'angoisse.
Cela ne lui était pas arrivé depuis…
Quelque chose pressa contre ses lèvres et il eut un sursaut de recul, levant un bras pour mieux se protéger d'un coup qui ne vint pas.
« Severus. » murmura la Directrice des lions. « Ce n'est qu'une potion calmante. L'une des vôtres. »
Il prit la fiole d'une main qui tremblait trop, qui trahissait trop, et l'avala d'un trait.
L'effet fût presque immédiat. Sa respiration, trop rapide, ralentit suffisamment pour qu'il parvienne à reprendre son souffle.
« Je ne veux jamais être comme lui, Minerva, jamais. » marmonna-t-il, sans savoir s'il parlait de Tobias ou de Slughorn. « J'ai failli le tuer. » Il était vaguement conscient qu'elle lui frottait le bras avec une compassion dont il se serait d'ordinaire outragé par crainte que ce soit de la pitié. Une compassion mal placée. « Slughorn. J'ai failli le tuer, il n'y a pas vingt minutes. Ma baguette était pointée sur lui. J'avais la première syllabe du sort de mort sur les lèvres. »
Il perdit à nouveau le contrôle de sa respiration, fit un effort pour demeurer droit malgré le vertige, la nausée…
« Horace ? » s'exclama la sous-directrice, choquée. « Mais pourquoi ? »
Il lui répéta, mot pour mot, ce que l'homme lui avait jeté au visage, déjà trop humilié pour se soucier de l'être encore davantage.
L'expression de la sorcière passa de choquée à outrée en moins d'une seconde. « C'est moi qui vais l'assassiner, ce crétin paresseux ! Vous dire ça ! Le culot ! »
Severus ferma les yeux et se laissa aller contre le dossier du fauteuil.
« S'il avait fait quelque chose… » souffla-t-il. « S'il avait essayé… »
Tobias était la raison et la source de toutes les erreurs qu'il avait jamais commises. Et il avait cru, il avait toujours été persuadé que rien n'aurait jamais pu le détourner du chemin qu'il avait emprunté. Parce qu'il était foncièrement mauvais, au fond, parce qu'il était lâche, parce qu'il ne méritait pas le respect ou l'amour… Lily avait essayé et Lily avait échoué. Or Lily était la meilleure personne au monde. Si Lily n'était pas parvenue à le sauver, s'il n'avait pas réussi à résister à ses démons pour elle, personne d'autre n'aurait pu y parvenir.
C'était ce qu'il s'était répété toute sa vie en s'armant de solitude, en se drapant dans son amertume.
Rien ni personne n'aurait pu faire la différence.
Sauf qu'Harry avait essayé.
Harry avait persévéré lorsque son double l'avait rejeté.
Harry avait persévéré lorsque Lily avait renoncé.
Harry avait réussi l'impensable et l'avait sauvé.
Deux fois.
Car s'il était parvenu à garder son jeune double sur le droit chemin, il avait réussi l'exploit non négligeable de rendre le goût de vivre à un homme que la vie avait rendu aigri, triste et seul, ce qui était d'autant plus difficile.
Et il ne pouvait s'empêcher de penser que les choses n'avaient pas été autant gravées dans le marbre qu'il s'était plu à le croire.
« Pourquoi n'êtes-vous jamais venu me trouver ? » s'enquit Minerva, d'un ton qu'elle prit grand soin de garder neutre. « Je vous aurais aidé, moi. »
Il rouvrit les yeux, laissa son regard se perdre dans l'âtre où il ne subsistait que des braises. « Vous me détestiez. »
« Je ne déteste aucun de mes élèves. » le gronda-t-elle.
« Disions que vous ne m'appréciez vraiment pas, dans ce cas. » railla-t-il faiblement. « Ne niez pas, vous me méprisiez tant qu'il vous a fallu trois mois pour m'adresser la parole lorsque j'ai rejoint Poudlard en tant que Professeur. »
Elle pinça les lèvres, les joues légèrement rougies. « Je n'étais pas ravie qu'Albus nous impose la présence d'un Mangemort sans même nous consulter. »
Elle prit un ton d'excuse, sachant que le terme le blesserait sans doute, mais il émit simplement un bruit amusé.
« Je vous le rendais bien. » remarqua-t-il. « Je n'avais aucune confiance en vous, vous étiez trop en amour de vos Maraudeurs. Je n'avais, de toute manière, confiance en aucun adulte. »
Et cela, au demeurant, n'avait pas changé.
La veille, il s'était trouvé frustré lorsqu'il avait demandé à Harry de nommer sa priorité première uniquement pour entendre le gamin ânonner une série de tâches comme s'il ignorait encore à quel point Severus tenait à lui, comme si, même après tout ce temps, il ne parvenait pas à y croire véritablement. C'était probablement pour ça que le garçon ne se séparait jamais du sceau des Prince, pour se rappeler que c'était vrai.
Et, plus tard dans la soirée, il s'était mis en colère lorsqu'il s'était aperçu à quel point l'opinion de Pétunia l'influençait toujours.
Et pourtant, au fond, n'en était-il pas de même pour lui ?
Sa vie entière, il avait laissé son passé le contrôler, trop peureux pour le regarder en face, préférant enfouir les souvenirs douloureux, les utiliser comme un bouclier qui, lorsqu'il avait volé en éclats, avait manqué le briser.
« Je vous aurais aidé. » répéta-t-elle, avec un regret palpable.
Elle l'aurait sans doute fait, réalisa-t-il, avec plus de clarté qu'à quinze ans. Elle aurait essayé du moins. Les sorciers, Slughorn en était la preuve, n'étaient pas aussi en avance que les Moldus sur ce qui constituait de la maltraitance mais Minerva n'aurait jamais toléré qu'un enfant sous sa charge soit brutalisé comme lui l'avait été.
« Horace estime indubitablement le sujet malvenu… » remarqua-t-il.
« Je vais avoir une petite discussion avec Horace au sujet de ce qui est malvenu. » grinça-t-elle. « Ne lui prêtez aucune attention. »
Pourquoi semblait-il incapable de cesser de ressasser ces vieilles histoires ?
Pourquoi était-il soudain incapable de taire ce qu'il avait passé des années à garder pour lui ?
Parce que la brume qui protégeait l'horcruxe avait ravivé des souvenirs de Tobias avec trop de vivacité ?
Ou parce qu'il était un hypocrite qui tâchait de convaincre Harry qu'il pouvait dépasser les traumatismes que lui avait laissé les Dursley alors qu'il n'avait jamais pris la peine d'affronter les siens ?
Il n'en parlait jamais, à personne, parce que c'était humiliant. Parce qu'il ne voulait pas paraître faible.
Mais Harry savait et le gamin ne le regardait jamais comme s'il était lâche ou faible, au contraire. Nymphadora n'avait pas changé de comportement et n'avait jamais fait preuve ni de mépris, ni de condescendance. Même Black, avec qui il n'avait fait que vaguement évoquer le fait que Tobias n'était pas quelqu'un de bien, ne s'était pas moqué ou ne l'avait pas jugé.
Vous avez vu des cicatrices, la belle affaire ! Voulez-vous connaître un secret, Potter ? Les cicatrices ne vous rappellent jamais la douleur physique, ce ne sont pas leur rôle. Les cicatrices sont là pour vous rappeler la terreur, l'humiliation. Elles sont là pour qu'à chaque fois que vous vous retrouvez face à un miroir, vous vous souveniez. Voulez-vous que je vous dise autre chose ? Il y a deux sortes de cicatrices, et celles que l'on discerne à l'œil nu ne sont pas les pires !
Ces mots qu'il avait jetés à Harry le soir où tout avait changé, ces mots qu'il avait silencieusement portés en lui pendant si longtemps…
« Est-ce ma honte, Minerva ? » demanda-t-il, à voix basse. « Ou celle de mon père ? »
Je sais ce que c'est de grandir sans amour, lui avait répondu Harry.
On pouvait toujours faire confiance au garçon pour aller droit au but, pour cerner le cœur du problème et l'énoncer sans détour…
« Oh, Severus… Vous n'y êtes pour rien. » Elle attrapa à nouveau son bras, le serra avec force. « Vous n'avez pas à avoir honte. Vous n'étiez qu'un enfant… Qu'auriez-vous pu faire ? »
Il aurait pu acheter une arme à feu plus tôt.
Trouver le courage de tuer Tobias.
Protéger sa mère.
La sauver peut-être.
Son premier réflexe avait toujours été la violence, songea-t-il, même aujourd'hui.
« Cette haine… » Il posa une main sur son cœur, soudain las. Trop las. Le genre de lassitude qui ne menait à rien de bon et qu'il n'avait pas ressenti depuis longtemps. « Cette haine que je traine… Elle refuse de disparaître. » La facilité avec laquelle il avait failli prononcer le sort de mort en était la preuve. « Elle a pourri en moi. » Il ferma à nouveau les yeux, détourna la tête. « Tout est pourri en moi… »
Et, à la longue, Harry et Nymphadora s'en apercevraient, comme Lily l'avait fait, et l'abandonneraient… Ou, pire, il ferait ou dirait quelque chose d'impardonnable et…
Ne serait-il pas mieux pour tout le monde s'il s'éloignait le premier ? Si…
« Cessez immédiatement de penser ce qui est en train de vous passer par la tête, mon garçon. » le gronda Minerva, en lui secouant le bras jusqu'à ce qu'il la regarde à nouveau. « Vous voulez savoir ce que je crois ? Je crois que c'est une très bonne chose que vous ayez confronté Horace sur le sujet. »
« J'ai failli l'assassiner. » lui rappela-t-il, d'un ton sarcastique. « Vous ne mesurez pas… »
« Mais vous ne l'avez pas fait et je suis persuadée que vous ne seriez jamais allé au bout dans tous les cas. » le coupa-t-elle. « Ce que je mesure, en revanche, c'est qu'avant votre petit séjour dans le passé, avant que vous ne soyez forcé de revivre cette période, aussi douloureuse soit-elle pour vous…. Nous n'aurions jamais pu avoir cette conversation. Avant tout cela, vous n'auriez jamais été capable de vous attacher autant à qui que ce soit que vous l'êtes à Harry, d'entretenir une relation amoureuse ou amicale un tant soit peu profonde ou même d'aborder un sujet aussi personnel. Par Morgane, Severus, vous m'auriez envoyé paître au moment où j'ai passé la porte plutôt que de laisser transparaître le moindre monceau de vulnérabilité ! »
Elle n'avait pas tort.
Il s'efforça de lui jeter un regard noir qui n'était pas bien convaincant.
Elle lui adressa un sourire triste. « Vous guérissez, mon garçon. C'est peut-être douloureux, c'est peut-être désagréable… Mais Severus cela me comble de vous voir aujourd'hui. »
Il parvint à lever un sourcil lourd d'ironie. « Cela vous comble de me voir m'humilier devant vous ? »
Elle balaya l'air de la main, l'air sévère. « Il n'y a rien de honteux ou d'humiliant à exprimer ses sentiments, aussi difficiles soient-ils. Je suis flattée que vous vous confiez à moi. Et, si je puis me permettre… Je suis fière de vous, fière du chemin que vous avez parcouru ces derniers mois. »
Était-ce cela qu'avait ressenti Harry, la veille, lorsqu'il lui avait offert ces quelques mots ? Cette chaleur dans la poitrine ? Ce sentiment qu'il n'aurait pas tout à fait pu nommer ?
Il avait plus de contrôle qu'un lionceau de quinze ans et, en conséquence, ne se jeta pas sur elle pour l'étreindre. Il couvrit pourtant la main qui était toujours posée sur son bras de la sienne, la serra avec plus de gratitude qu'il n'aurait su l'exprimer.
Ce fût sur ces entrefaites que la porte s'ouvrit sur Black qui fit deux pas à l'intérieur de la pièce avant de les apercevoir.
Un sourire espiègle étira immédiatement les lèvres du Mauraudeur et Severus sut, il sut, qu'il allait faire une plaisanterie déplacée.
« Je ne suis pas d'humeur. » l'avertit-il.
Cela manquait de force et de suffisamment d'hostilité. Sa voix était rauque, un peu cassée, trahissait beaucoup trop de choses.
L'éclat malicieux disparut immédiatement du regard de Black. « Qu'est-ce qui t'est arrivé ? Ça s'est mal passé avec Slughorn ? » Il fronça les sourcils. « Ou est-ce que tu es retourné voir Dumbledore ? Parce que je viens de recroiser Tonks qui partait, elle s'est faite envoyer promener elle aussi. »
Minerva s'assit un peu plus droite, l'air grave. « Ne me dites pas que ces rumeurs sont vraies. »
« Je vois que votre salle de classe ne donne pas sur la bonne partie du château. » ironisa Severus, sans parvenir à y mettre un tant soit peu de mordant. « C'était pourtant une entrée remarquable. »
« Particulièrement le moment où ils se sont tombés dans les bras. » ajouta Black, en hochant la tête. « Encore que, mon moment préféré, c'est quand il a fait apparaître une couverture pour la poser sur ses genoux, après l'avoir installé dans son meilleur fauteuil. »
« Oh, je ne sais pas… » se moqua-t-il. « Le moment où il a insisté pour préparer son thé juste comme il faut était certainement frappant. »
Minerva les observait tour à tour, la bouche entrouverte.
« Vous me faites marcher. » les accusa-t-elle. « Je préférais quand vous ne vous entendiez pas. Se moquer d'une vieille femme, vraiment, c'est… »
« Je préfèrerai vraiment que ce soit une blague. » l'interrompit Black, en grimaçant.
La sous-directrice dût conclure qu'ils étaient sérieux parce qu'elle se leva brusquement, avec l'expression farouche qu'elle réservait à ses élèves les plus irritants.
« Veuillez m'excuser, je dois libérer ma classe de quatrième année qui doit se demander où je suis passée, après quoi il va me falloir aller hurler sur notre estimé Directeur. » grinça-t-elle.
« Bonne chance. » lui souhaita Severus.
Black s'effaça pour la laisser passer, referma la porte derrière elle, et s'affala dans le fauteuil qu'elle venait de quitter. Le sorcier l'observa quelques secondes sans rien dire puis décida visiblement que le silence était trop lourd. « Ça va ? »
Severus voulait se montrer cinglant, voulait lui dire que ce n'était pas ses affaires, voulait que l'homme cesse de le poursuivre de ses offres d'amitié dont il ne savait que faire…
Il n'en eut pas la force.
« Non. » admit-il.
La confrontation avec Slughorn, sans parler de celle avec Albus, l'avait laissé dans un complet état d'épuisement.
Il se sentait vide.
Vide et las.
Black dût comprendre qu'il n'avait pas envie d'en discuter car, pour une fois, il tint sa langue, se contentant de rester assis là en silence jusqu'à ce qu'il soit tant d'aller faire cours à leurs premières années.
°O°O°O°O°
L'entrevue avec Albus – et Grindelwald, puisque son collègue avait refusé de la recevoir seul – l'ayant laissée de fort méchante humeur et passablement remontée, Minerva en profita pour emprunter le chemin des cachots.
Elle arriva juste au moment de la fin du cours de Potions et laissa passer les cinquièmes années, en distribuant saluts et hochements de tête, sans rater le regard surpris et quelque peu suspicieux de Potter, avant de s'engouffrer à l'intérieur de la classe, prenant soin de refermer la porte derrière elle d'un coup de baguette.
Étonné, car elle ne mettait quasiment jamais les pieds dans les cachots, Horace l'accueillit avec un sourire un peu méfiant. « Minerva ? »
Fût un temps, un temps ancien que les élèves ne soupçonnaient même pas, cet homme avait été son professeur de Potions. Ils avaient été collègues plus longtemps que ça encore. Elle se targuait donc le connaître bien, sans pour autant véritablement l'apprécier. Il était affable, paresseux et tirait toujours son épingle du jeu.
« Horace. » lui rendit-elle son salut d'un ton froid.
« Quel bon vent vous amène ? » s'enquit-il, en rassemblant quelques parchemins sur son bureau.
« Vraiment ? Vous ne le devinez pas ? » railla-t-elle, avec agacement.
Horace l'observa un long moment avant de laisser échapper un bruit amusé. « Qu'est-il arrivé à ce garçon ? Je l'ai connu plus digne. Voilà qu'il court se réfugier dans vos jupes, à présent ? »
« Je vous serai grée de nous épargner ce genre de commentaires. » rétorqua-t-elle.
« Vous a-t-il dit qu'il m'attaqué, Minerva ? » la défia-t-il, posant ses deux mains sur son ventre rebondi comme pour mieux se placer en victime. « Vous l'a-t-il dit, ça ? »
« Il m'a tout dit. » cingla-t-elle. « Et, à présent, me voilà dans la désagréable position de vous faire savoir que nous ne pouvons tolérer ce genre de discorde au sein du corps professoral. »
« Je suis bien d'accord. » approuva-t-il, en hochant la tête. « Si nous commençons à nous en prendre les uns aux autres… »
« Vous vous méprenez. » l'interrompit-elle. « Vos propos étaient aussi déplacés qu'inadmissibles et en disent plus long sur vous que son mauvais caractère en dit sur lui. Vous me connaissez suffisamment pour savoir que je n'aime pas jouer à ces petits jeux de pouvoirs que vous affectionnez tant, permettez-moi donc d'exprimer clairement ma pensée : il n'est pas dans votre intérêt d'entrer en conflit avec Severus. S'il faut choisir entre vous et lui, je vous renverrai à votre retraite sans sourciller et le monde est très hostile là-dehors, Horace. Vous conviendrez sans peine que Poudlard est l'endroit le plus sûr du Royaume-Uni et vous appréciez trop votre sécurité personnelle pour risquer en être renvoyé. »
Le Maître des Potions s'était figé et la dévisageait à présent. « C'est Albus qui est venu me chercher. Vous n'êtes pas encore Directrice, Minerva. Vous n'avez pas le pouvoir de… »
« Albus est très attaché à ce garçon, tout comme je le suis. Tout comme le sont Filius et Pomona. Sans parler d'Harry Potter qui, vous en conviendrez sans peine, a plus d'influence que vous. » rétorqua-t-elle. « Vous avez suffisamment failli à votre tâche comme cela. Je ne vous demande pas de l'apprécier, je ne vous demande pas d'être ami avec lui, mais je vous demande de ne plus jamais tenir le genre de discours que vous eu l'audace de lui jeter au visage. Dans le cas contraire, vous et moi aurions un problème et je ne suis pas sorcière à contrarier à la légère. Bonne journée, Horace. »
Elle se détourna dans un claquement de capes qui aurait rendu Severus fier.
« Je l'apprécie beaucoup, détrompez-vous. » déclara-t-il brusquement.
Elle se figea, la main sur la poignée de la porte. « Vous avez une drôle de manière de le montrer. »
« Il me doit des excuses. » grommela-t-il. « Toutefois… Toutefois, j'étais en colère et mes mots ont dépassé ma pensée tout à l'heure. C'était inexcusable, j'en conviens. Et petit de ma part, si je dois être honnête. Je suis prêt à tourner la page s'il l'est également. »
Elle doutait fortement que Severus soit prêt à passer l'éponge.
« Vous devrez voir ça avec lui. » répondit-elle. « Dans l'intérêt de tous, néanmoins, il vaudrait mieux que rien d'autre ne me revienne aux oreilles. »
Elle quitta la pièce sur cette menace.
°O°O°O°O°
La fourchette d'Hermione traçait des sillons dans sa purée sans qu'elle ne la porte à sa bouche. Elle avait à peine touché à son assiette.
« Pourquoi ne vas-tu pas lui parler ? » suggéra Draco, dans un soupir.
Elle ne fit pas semblant de ne pas comprendre ce dont il parlait. Il régnait dans la Grande Salle le même joyeux brouhaha qu'à l'accoutumé, les conversations peut-être un peu plus excitées que d'ordinaire. Dumbledore n'avait fait d'apparition ni au déjeuner, ni au dîner, mais tout le monde n'avait que le nom de Grindelwald à la bouche.
Par réflexe, son regard dériva vers la table des Gryffondors où Harry et Ron étaient installés avec Neville, Lavande et Parvati.
Draco et elle étaient arrivés tard et avaient pris les premiers sièges libres à la table des Poufsouffles.
Harry avait refusé de lui adresser la parole toute la journée. Il ne s'était pas montré cruel ou particulièrement fâché mais il s'était débrouillé pour toujours laisser quelqu'un entre eux, avait prétendu ne pas l'entendre lorsqu'elle lui avait parlé et l'avait plus ou moins évitée à chaque intercours.
Elle avait la sensation que ce n'était pas juste.
Qu'avait-elle fait de mal à part essayer de le protéger ? De le mettre en garde ? Elle s'inquiétait pour lui, était-ce un crime ?
« J'essaye juste d'être une bonne amie. » soupira-t-elle, en posant sa fourchette.
Elle n'avait pas d'appétit.
« Je ne peux pas juger, vous refusez tous de m'expliquer ce qui s'est passé. » répliqua Draco, avec un certain agacement.
Il n'aimait pas les cachoteries, n'aimait pas qu'elle ait des secrets avec Ron et Harry. Ce n'était pas tout à fait de la jalousie, il s'inquiétait, elle le savait, mais…
« Je n'ai pas été très diplomate. » admit-elle finalement. Elle hésita. La relation de Snape et Harry n'était plus exactement un secret, à présent… « Je voulais qu'il fasse attention avec Snape. Je ne voudrais pas que… » Elle poussa un autre soupir. « Ce n'est pas que je pense que Snape ne soit pas du bon côté, c'est juste que… Harry est tellement…. Il n'est plus… »
Elle s'interrompit, frustrée de ne pas parvenir à exprimer clairement sa pensée.
« Potter est le même Potter qu'il a toujours été. » avança son petit-ami, baissant la voix. Ils étaient entourés d'élèves plus jeunes qui ne leur prêtaient pas véritablement attention mais cela ne voulait rien dire. « Il est toujours prêt à voler au secours du premier venu. Est-il un peu plus subtil que par le passé ? Oui. Est-il plus assuré ? Peut-être. » Les yeux gris soutinrent les siens avec un peu plus d'intensité. « Au fond, il est toujours aussi horripilant de noblesse. »
« Tu ne comprends pas. » insista-t-elle, en secouant la tête. Elle jeta un coup d'œil autour d'eux et se pencha vers lui, murmurant presque. « C'est comme si la guerre ne l'intéressait plus, comme s'il ne voulait plus se battre… »
Draco l'observa longtemps, un peu tristement. « J'espère que c'est contagieux, dans ce cas. Parce que parfois, Granger, tu es un peu trop impatiente d'aller te faire tuer à mon goût. »
Sa voix était douce mais cela sonnait tout de même comme une critique.
Elle reporta son attention sur son assiette pleine. Sa détermination à jouer un rôle actif dans la guerre dès que possible était toujours un point d'achoppement entre eux.
« Tu penses que j'ai eu tort de lui dire de rester sur ses gardes avec Snape, alors ? » s'enquit-elle.
Ce n'était pas vraiment qu'elle soupçonnait l'homme d'être toujours un Mangemort… Et elle ne pouvait nier qu'elle était flattée que le Maître des Potions l'ait choisie pour préparer sa potion…
« Non. » admit-t-il. « Snape est un Serpentard pur et dur. Il a toujours un as dans la manche et trois coups d'avance. » Il inclina la tête sur le côté pour mieux l'observer. « Mais si Potter ne veut pas l'entendre, cela ne sert à rien de le lui répéter. »
Elle jeta un nouveau coup d'œil vers ses meilleurs amis. Ron riait avec Neville, un bras passé autour des épaules de Lavande, mais Harry paraissait préoccupé. Il jetait régulièrement des regards discrets en direction de la table des Professeurs.
Snape était assis entre McGonagall et Sirius, le regard perdu dans le vide, laissant les conversations passer au-dessus de lui. Il ne semblait pas avoir plus d'appétit qu'Hermione.
S'étaient-ils disputés lorsque le Professeur l'avait entrainé dans le couloir pendant le cours de Potions ? Son meilleur ami avait eu l'air contrarié lorsqu'il était revenu en classe, inquiet presque…
« Je ne peux pas… Je ne peux pas faire semblant d'approuver certaines choses. » lâcha-t-elle. Comme la manière dont Harry parlait de Dumbledore. « Et puis… Ce n'est pas comme si j'inventais des choses… J'ai des raisons de penser ce que je pense. »
La lettre de Remus, aussi incongrue qu'elle ait été, était une preuve suffisante que quelque chose se tramait. Peut-être que si elle avait dit à Harry que l'information venait de Remus… Mais elle ne pouvait pas risquer qu'il le rapporte à Snape au cas où la discrétion soit de mise. Et elle ne pouvait pas être certaine qu'il accorderait du crédit à la parole de leur ancien professeur. Depuis qu'il disait avoir vu le vrai visage des Maraudeurs… Il paraissait avoir pardonné à Sirius mais il était très critique des cours particuliers avec Lupin, comme si, vraiment, il en savait plus que le sorcier…
C'était ces commentaires arrogants, un peu trop sûr de lui, qui rendaient Hermione folle depuis son retour.
Il pouvait parfois être si immature…
Et, pourtant, il avait su pour Grindelwald. Quelqu'un lui avait révélé une information capitale. Snape ou Dumbledore ?
Si c'était Snape… Avait-il le droit de confier ce genre de choses à Harry ? Était-ce pour ça que Remus se méfiait ? Parce que le Maître des Potions laisser filtrer des informations potentiellement dangereuses ?
Et si c'était Dumbledore… Étant donné les propos qu'Harry avait tenu la veille… Avait-il refusé une mission que le Directeur aurait tenté de lui confier ?
Parfois, elle avait l'impression qu'elle ne le connaissait plus du tout.
Et ça l'agaçait que Ron ait si facilement retourné sa veste et ait été aussi rapidement pardonné.
Une main couvrit la sienne sur la table et elle leva les yeux vers Draco qui l'étudiait avec tendresse.
Elle se força à sourire, entrelaçant leurs doigts.
« Heureusement que tu es là… » avoua-t-elle.
Il porta sa main à ses lèvres et y déposa un baiser qui en disait plus qu'un long discours.
°O°O°O°O°
Le soleil déclinait rapidement et Slughorn n'avait toujours pas fait son apparition.
Severus n'était déjà pas particulièrement en forme, ajouté à ça la peur de voir Lupin et sa louve se transformer juste devant les grilles du château sans avoir consommé au préalable ni potion Tue-Loup, ni potion Révèle-Loup, et seule sa maîtrise de l'Occlumencie l'empêchait de s'arracher les cheveux.
Lupin et lui ne s'étaient pas approchés l'un de l'autre, ne s'étaient pas adressés la parole, avaient pris soin d'éviter de croiser le regard…
« La lune ne va pas tarder à se lever… » murmura Flemmings avec crainte.
Severus n'avait jeté qu'un vague coup d'œil à la femme qui s'accrochait au bras de Lupin comme une naufragée à son rocher. Suffisamment longtemps pour déterminer qu'elle n'était pas une menace.
Black marmonna un juron. « Tu crois qu'il nous a posé un lapin ? »
La question s'adressait à lui. Il ne put pourtant qu'hausser les épaules, s'appuyant davantage sur sa jambe valide pour soulager l'autre. Il avait laissé sa canne dans ses appartements, sachant qu'elle ne ferait que l'encombrer plus tard. Il le regrettait un peu, à présent.
« Albus m'a confirmé que tout était en place, en fin d'après-midi. » déclara Lupin, en tournant le visage vers le ciel. « Laura a raison… Nous avons une demi-heure, peut-être un peu moins. S'il nous faut trouver un abri où nous enfermer… »
Severus était surpris qu'Albus ait trouvé le temps de s'occuper de la logistique, étant donné les nombreuses visites qu'il avait reçues dans la journée. Une réunion improvisée dans la salle des Professeurs durant le déjeuner avait confirmé que personne n'était ravi d'avoir été mis au pied du mur.
« Le voilà. » déclara-t-il, repérant la silhouette de Slughorn qui se hâtait avec difficulté le long du chemin qui serpentait jusqu'à la grille.
Ils se détendirent tous d'un cran.
Black en profita pour se rapprocher de lui, baissant la voix pour ne pas qu'elle porte jusqu'aux loups ou au Maître des Potions qui approchait aussi rapidement que sa masse l'y autorisait.
« Tu es sûr que tu veux venir ? » demanda l'Animagus.
Il était certain qu'il aurait préféré rester bien au chaud dans ses appartements, malgré son humeur mélancolique qui l'aurait sans doute poussé à briser sa règle auto-imposée en matière d'alcool. Néanmoins, il avait besoin d'observer les effets de sa potion tout autant que Slughorn.
« Bill a drainé la Marque ce matin et les protections qu'a arrangées Albus devrait empêcher qui que ce soit de pénétrer dans la zone. » répondit-il platement. « Avec un peu de chance, cela empêchera le Seigneur des Ténèbres de me localiser. »
Les yeux gris l'observèrent avec un peu trop de sagacité. « Tu ne veux toujours pas me dire ce qui t'a mis dans cet état ? »
Il aurait tellement voulu avoir l'énergie de se mettre en colère, de se draper d'indignation pour mieux garder l'autre sorcier à distance… Il avait passé la journée à reconstruire patiemment une version plus crue de ses anciens boucliers et se savait en état de fonctionner correctement mais lui demander de gérer ses émotions était une tout autre histoire. À l'instant, il était apathique et cela lui allait très bien. Il ne pourrait pas maintenir la chose éternellement mais, pour l'instant, c'était la seule chose qui le faisait tenir debout.
« Rien d'important. » mentit-il.
Black ne le croyait pas mais eut la décence d'accepter son mensonge d'un hochement de tête.
Slughorn les rejoignit sur ce, haletant sous l'effort, engoncé dans un manteau de voyage volumineux, un gobelet de potion fumant dans chaque main. Il les passa à Lupin et à la louve, murmurant un salut à bout de souffle.
Lupin et Flemmings avalèrent la potion d'un trait, sans se faire prier. Ils échangèrent un regard puis transplannèrent sans même un avertissement.
Severus soupira. La nuit allait être longue.
« Severus, un instant, je vous prie. » exigea le Maître des Potions plus qu'il ne le demanda.
Son regard se déplaça vers Black, la requête pour un peu d'intimité implicite… Black ne bougea pas d'un centimètre. L'air renfrogné, il se redressa légèrement jusqu'à avoir l'air passablement menaçant.
Severus aurait vraiment dû s'horrifier, voire s'offenser, du fait que l'Animagus pensait qu'il ait besoin d'un garde-du-corps, mais il s'était retranché bien trop loin derrière ses boucliers pour en avoir véritablement quelque chose à faire.
Même la vue de Slughorn ne l'impactait pas autant qu'il l'avait craint.
Son esprit était détaché, clair, calme.
Le silence s'étira d'inconfortables secondes jusqu'à ce que l'ancien Directeur de Maison paraisse accepter que Black ne ferait pas la chose polie et ne s'éloignerait pas.
L'homme se racla la gorge, mal à l'aise, puis sortit une fiole de la poche intérieure de sa veste et la lui tendit.
Severus la prit par réflexe, identifiant la potion sans difficulté au premier coup d'œil.
Un sursaut d'irritation menaça d'ébranler les boucliers qu'il avait si patiemment passé la journée à reconstruire. « Comment avez-vous mis la main sur la formule ? »
Il ne lui avait fait parvenir que les notes relatives à la potion Révèle-Loup, pas celles sur nerfs.
« Vous oubliez que je connais le moindre recoin de cette école. » déclara Slughorn, autant une explication qu'une menace voilée. « Vos appartements et votre laboratoire ont été les miens avant d'être les vôtres. »
La panique perça, menaçant son équilibre précaire. Il lui fallait immédiatement renforcer ses protections. Ses appartements étaient censés être imprenables. L'idée que Slughorn aurait pu s'y rendre quand bon lui semblait…
« Remettez un orteil là où vous n'êtes pas invité et je m'arrangerai pour que vous puissiez voir un loup-garou de très, très près. Sans potion Révèle-Loup. » gronda Black.
Il aurait dû protester la manière dont le Maraudeur prenait sa défense.
Il aurait dû…
« Je souhaitais simplement récupérer la formule. Je n'ai touché à rien d'autre. » contra le Maître des Potions avec indignation. « Vous vouliez des excuses, Severus, les voilà. »
Severus fit tourner la fiole entre ses doigts distraitement, puis l'empocha. Il n'était pas suffisamment stupide pour boire une potion préparée par quelqu'un qu'il avait failli assassiner le jour même. Il l'analyserait d'abord.
« Ce n'était pas nécessaire. » répondit-il, sans intonation particulière.
Black fronçait les sourcils, sa curiosité manifeste.
« Je ne pensais pas la moitié de ce que je vous ai dit ce matin. » insista Horace. « Mes mots… »
« Cela n'a pas d'importance. » l'interrompit-il.
Parce que, au demeurant, cela n'en avait pas.
Slughorn n'était pas le problème, il ne l'avait jamais été.
Le problème, c'était lui.
Les démons qui dormaient en lui.
« Faisons table rase, voulez-vous ? » proposa Slughorn, en lui offrant une poignée de main. « Collègues ? »
Quel autre choix avait-il que de serrer la main tendue ?
C'était ce qu'Albus aurait attendu de lui, ce qui était nécessaire à l'effort de guerre…
Slughorn lui adressa un hochement de tête, passa la grille et transplanna vers le morceau de lande où les loups-garous devaient les attendre.
Severus lui emboîta le pas, uniquement pour être retenu en arrière lorsque Black attrapa son bras.
« Le petit numéro d'Occlumens stoïque que tu me fais depuis cet après-midi, là… Ça me fait flipper. » déclara l'homme, un peu sèchement. « Tu veux bien redevenir humain, s'il te plait ? »
Il se dégagea d'un geste brusque mais ne parvint pas à mettre suffisamment d'hostilité dans son regard noir.
« Je commence à comprendre comment tu fonctionnes. » insista Black. « Hurle-moi dessus si ça peut te défouler mais baisse tes foutus boucliers et dis-moi ce qui se passe. »
Il était las, si las… Pourquoi tout le monde s'échinaient-ils à lui compliquer la vie ? Il désirait simplement remplir la mission qui lui avait été confiée, faire au mieux, et ensuite…
« Severus. » cingla l'Animagus, presque un ordre.
Il ne s'habituerait jamais à entendre son prénom dans la bouche de son ennemi.
Excepté que Black n'était plus son ennemi.
Il se frotta le visage, relâchant quelque peu la prise qu'il avait sur ses boucliers avant de pouvoir retomber dans ses vieux travers, de rendre vivace une rancune qui datait de plus de vingt ans simplement pour mieux garder à distance tout autre émotion.
« Sev. » tenta Black, d'un ton hésitant.
« Non. » siffla-t-il, le surnom ébranlant ses boucliers bien plus que quoi que ce soit d'autre l'aurait pu. « De la part d'Harry, c'est une chose. De toi… » Il perdit le contrôle sur ses boucliers, attendit que la colère l'envahisse mais elle ne vint pas. Au fond, mis face à face avec des émotions qu'il avait passées la journée à fuir, il se rendit compte qu'il était juste triste, amer. « Ne m'appelle jamais comme ça. »
L'Animagus avait levé les deux mains en signe d'apaisement. « D'accord, d'accord… Désolé. » Il lui lança un de ses sourires insolents. « Mais tu vois quand tu veux… Alors ? C'est quoi le problème ? »
Le problème ne pouvait être ni décrit, ni réglé devant les grilles de Poudlard en cinq minutes.
Le problème ne regardait pas Black.
« Nous devrions y aller. » rétorqua-t-il. « Slughorn doit penser que nous l'avons jeté en pâture aux loups. »
Le regard de son ancien rival était bien trop scrutateur. « Slughorn est un connard. »
Au moins, Severus savait à présent d'où Harry tirait son langage peu châtié.
« Il a toujours été un connard. » continua Black. « Quoi qu'il t'ait dit… Je n'y prêterais pas trop attention, si j'étais toi. Ce qui compte c'est ce que pense Harry, ce que pensent tes amis. »
Les mots le touchèrent. Mal à l'aise, il s'abrita à nouveau derrière ses boucliers, bien que de manière un peu moins extrême.
« Si tu as fini de faire preuve de sensiblerie… » grommela-t-il, lui indiquant d'un geste de passer devant. Lorsqu'il n'en fit rien, Severus poussa un soupir excédé – ou qui se voulait excédé. « Je survivrai, Black. Merlin me préserve des Gryffondors et de leur émotivité ! »
Il passa la grille et transplanna, sans oser affronter une nouvelle fois le regard de l'Animagus, craignant un peu trop que Black y lise la gratitude qu'il éprouvait à cet instant.
Il était plus facile de s'enfoncer à nouveau dans sa propre tête, d'utiliser la douleur, la peur, l'humiliation comme un bouclier.
Beaucoup plus facile.
°O°O°O°O°
Le silence s'étirait entre eux.
Sans être tout à fait inconfortable, il n'était pas aussi naturel qu'il aurait pu l'être.
La nuit tombait doucement, jetant des ombres changeantes dans les recoins de son bureau, pourtant Albus ne se décidait pas à allumer davantage de bougies. Il s'était penché sur sa correspondance, certaines connaissances ne pouvant être négligées, revenant régulièrement à la lettre que Scrimgeour lui avait envoyé en fin d'après-midi. Rufus n'était pas ravi.
Gellert était toujours assis dans le fauteuil le plus près de l'âtre et contemplait les flammes.
Le cœur d'Albus était serré et il s'autorisa, l'espace d'un instant, le fantasme d'une autre vie où toutes les soirées auraient pu être similaires à celle-ci.
Il n'était pas bon de s'installer dans ses rêves, comme Harry le lui avait rappelé la veille.
Le ballet des visiteurs souhaitant lui indiquer leur façon de penser avait depuis longtemps cessé et, cent fois, ils auraient pu avoir cette fameuse conversation à laquelle ils avaient éludé, plus tôt. Pourtant, Albus ne s'en sentait pas capable.
L'autre sorcier dût sentir son regard sur lui car il leva vers lui des yeux bleus rendus plus laiteux par la vieillesse. Son sourire naquit lentement sur ses lèvres.
Albus retrouvait le jeune homme de Godric's Hollow dans son sourire, l'homme dont l'ascension avait fait trembler l'Europe…
Lentement, il se leva, ignorant les rhumatismes qui se faisaient sentir après une journée entière passée derrière son bureau, et s'installa dans le fauteuil qui faisait face à celui de Gellert.
« Pourquoi avoir accepté de venir à mon aide ? » s'enquit-il.
« Ich wollte… » commença le mage noir, avant de s'interrompre avec agacement face à son propre faux pas. « Excuse-moi, cela fait longtemps que j'ai dû parler autre chose que ma langue natale. » Il s'humecta les lèvres, frotta de la paume de ses mains le bout des accoudoirs dans un geste qui, Albus le savait, témoignait de sa nervosité. « Tu ne m'as écrit qu'une fois en cinquante et un ans. »
« Tu n'avais pas le droit de recevoir du courrier. » lui rappela-t-il.
Gellert ne retint pas un petit rire. « Les règles ne s'appliquent pas à toi, Albus. Personne ne t'aurait empêché d'entretenir une correspondance avec moi. »
Albus détourna le regard. Un aveu tacite.
« Le premier hibou en cinquante et un ans et tu écrivais pour réclamer mon aide… » murmura Gellert. « Que pouvais-je faire d'autre qu'accepter ? »
« Tu aurais pu m'ignorer. » remarqua-t-il. « Bien que, je suppose, après cinquante et un ans, l'opportunité de quitter ta cellule devait être tentante. »
« J'étais résolu à y mourir. » contra calmement son ancien amant. « Mais la vérité… Je voulais te revoir, ne serait-ce qu'une dernière fois. »
« Même après tout ce temps ? » s'étonna-t-il presque. « Bien que j'ai été celui à t'enfermer dans cette prison ? »
Il était trop pragmatique, trop vieux, pour ne pas soupçonner que Gellert était en train de lui chanter exactement ce qu'il voulait entendre.
Pourtant…
Pourtant quand leurs yeux se croisèrent, s'accrochèrent, refusèrent de se lâcher…
Albus y lut la même flamme que celle qui brûlait toujours dans sa poitrine, la même douleur, le même regret…
« Tu étais le seul qui pouvait m'arrêter. » répondit calmement Gellert.
« Tu aurais pu me tuer ce jour là. » contra pourtant Albus. Une vérité qu'aucun des nombreux livres et traités écrits sur le sujet du duel de Darmstadt ne relatait. Aucun sort de mort n'avait été lancé, ni d'un côté, ni de l'autre.
« Je n'aurais jamais pu te tuer. Ni ce jour là, ni un autre. » se moqua l'autre sorcier, sans animosité, à peine un peu d'amertume. « Tu le sais très bien. » Son regard bleu s'attarda sur la manche de la robe mauve que portait Albus, là où était rangée la baguette qu'il avait pris grand soin de ne pas sortir de la journée. « T'a-t-elle bien servie ? »
Il tira la baguette de sureau de sa cachette, guettant l'étincelle de convoitise dans les yeux de Gellert sans qu'elle n'y apparaisse. Si tout ceci était un jeu d'acteur, alors il était maître dans cet art.
« Plutôt bien, oui. » acquiesça-t-il. « Elle m'a sauvé la vie plus d'une fois. »
« Bien… » murmura Gellert, en hochant lentement la tête. Il rencontra à nouveau son regard, son sourire un peu forcé mais pas rancunier. « C'est bien. J'ai suivi la montée au pouvoir de ce Voldemort de loin, tu sais… J'avais dans l'idée que, lui, n'aurait aucun scrupule à t'assassiner. J'étais heureux que tu es… un avantage. »
Il tourna la baguette entre ses doigts distraitement avant de la ranger à nouveau dans sa manche.
« Les autres reliques me sont passées entre les mains à un moment où à un autre. » lui confia-t-il. Un autre test.
Cette fois-ci Gellert se pencha un peu en avant, incapable de cacher son intérêt. « Vraiment ? »
« Je ne les ai pas gardées. » annonça-t-il.
« Évidemment que non… Tu as toujours été plus sage que moi. » commenta le sorcier.
À nouveau, Gellert rit légèrement. Cela se termina dans une quinte de toux. Albus se leva pour lui servir un verre d'eau. Leurs doigts se frôlèrent lorsqu'il le lui prit des mains, s'attardèrent un moment de plus que nécessaire.
« Merci. » marmonna le mage noir, luttant pour reprendre sa respiration. Il prit une gorgée d'eau, sourit à nouveau devant l'inquiétude qu'Albus ne paraissait pas en mesure de cacher. « Ne me regarde pas comme si j'allais m'écrouler, je ne vais pas mourir tout de suite. Je vivrais assez longtemps pour te servir de clef de voûte… Ce sera un beau sortilège… Cela fait si longtemps que je n'ai pas vu de belle magie… » Il secoua la tête comme pour mieux chasser ces pensées. Albus n'avait pas regagné son fauteuil, il se tenait là, indécis pour la première fois depuis si longtemps. Gellert osa tendre la main, effleurer la sienne. « Assez sur le passé, Albus. Raconte-moi ta vie depuis que nous nous sommes quittés à Darmstadt. »
« Il n'y a pas grand-chose à en dire, je le crains. » plaisanta-t-il, avec un pauvre sourire.
N'importe qui aurait protesté cette affirmation.
Sa vie avait été bien remplie. D'aventures… De découvertes… D'intrigues…
Mais tout ça était de notoriété publique et ce n'était pas ce que voulait savoir Gellert.
« Cela me rend triste de l'entendre. » admit le mage noir. « De tous mes regrets… J'espérais… J'espérais que tu sois heureux, au moins. »
« Je n'ai pas été malheureux. » le corrigea-t-il, car c'était la vérité. Il avait été content, pour la plus grande partie. Seul, certainement, trop seul. Mais il ne pouvait pas se plaindre. Il étudia l'expression de l'autre homme. « Des regrets, dis-tu ? »
« Cinquante et un ans est une longue sentence pour méditer ses crimes. » offrit Gellert, avec un haussement d'épaules. « J'ai fait des erreurs sur la forme, même si je reste convaincu du fond. Mon ambition… Mon ambition m'a tout coûté. » Il marqua une pause puis reprit, plus bas. « Nous a tout coûté. »
La différence entre Grindelwald et Voldemort se situait là, songea Albus.
Voldemort ne trouverait jamais la rédemption car il en était incapable, incapable d'aimer.
Cela n'avait jamais été le problème de Gellert.
« Cinquante et un ans et un seul hibou… » répéta l'autre sorcier, dans un murmure, comme s'il lisait dans ses pensées.
Cela était bien possible au demeurant. Gellert n'avait pas de baguette mais Albus n'avait jamais croisé quelqu'un pour qui la Légilimencie venait aussi naturellement. Et ses propres boucliers… Ses boucliers n'avaient jamais été très efficaces face à lui.
Gellert était son talon d'Achilles.
Encore une autre bonne raison de le mettre à l'abri près de lui, songea-t-il, plutôt que de le laisser là dehors, une possible proie pour Voldemort.
« Arianna. » lâcha-t-il. Une explication, une excuse et une déclaration, tout à la fois.
Le regard de Gellert s'embruma mais il acquiesça comme s'il comprenait.
Albus ne doutait pas que ce soit le cas.
Il avait compris quand ils étaient des jeunes hommes.
Il avait compris lorsqu'ils étaient des hommes mûrs.
Et les voilà maintenant des vieillards…
Une vie entière.
Une vie gâchée.
« Je vais jeter ton sortilège le moment venu. » jura Gellert. « Je protégerai ton école. Et lorsque la mort viendra finalement me chercher… Nous serons à nouveau amis, ja, Albus ? Je peux le promettre, si tu veux. Ein Unbrechbarer Schwur… Comment dites-vous déjà… »
« Un serment inviolable. » traduisit-il lentement.
« Ja. » confirma le sorcier. La convoitise dont il n'avait pas fait preuve envers la baguette du sureau brillait à présent dans ses yeux bleus un peu trop pâles. Pour l'amitié dont ils ne sauraient se contenter l'un et l'autre. « Un serment inviolable. Ainsi tu seras sûr… Tu seras sûr que je ne mens pas. »
« Tu lis dans mes pensées. » l'accusa-t-il, avec plus d'amusement qu'autre chose.
« Est-ce ma faute si elles sont gravées sur ton visage ? » se moqua Gellert, en touchant à nouveau sa main.
Albus aurait probablement dû se dérober au contact.
Il n'en eut pas la force.
« Un serment inviolable. » accepta-t-il. « La promesse que tu ne chercheras pas à t'échapper. »
« Je n'ai aucune envie de t'échapper. » murmura Gellert, avec un peu trop de force, un peu trop de conviction.
Leurs mains glissèrent, leurs doigts s'entrelacèrent…
Une larme roula sur la joue d'Albus, alors qu'il demandait silencieusement pardon à sa sœur.
°O°O°O°O°
Tonks était crevée.
L'arrivée de Grindelwald à Poudlard avait fait la une de la Gazette et la moitié des sorciers du pays avait pris le Ministère d'assaut pour protester – ou, du moins, c'était l'impression qu'elle avait eu. Le discours improvisé de Scrimgeour n'avait pas véritablement apaisé la foule.
Et, comme si cela ne suffisait pas, les Mangemorts avaient attaqué une petite bourgade en Irlande qui abritait une réserve de Leprechauns… Elle, Kingsley et un groupe d'Aurors toujours trop peu formés étaient arrivés à temps pour sauver quelques créatures magiques mais pas toutes. Le Département de Protection des Créatures Magiques était venu leur demander des comptes comme si c'était eux et pas les Mangemorts qui étaient coupables…
Elle sortit de sa douche, s'enveloppa dans une serviette un peu trop rêche d'être restée trop longtemps humide et s'observa un long moment dans le miroir. Les cernes sous ses yeux disparurent, la fatigue qui marquait ses traits fût lentement gommée, ses cheveux d'un brun terne virèrent au bleu électrique… Si seulement il avait été aussi facile de faire disparaitre l'épuisement dont ses os semblaient être perclus…
Elle soigna d'un coup de baguette qui était devenu presque machinal l'estafilade peu profonde qui lui barrait le bras, cadeau d'un Mangemort, puis retourna dans sa chambre pour passer un jogging lâche et un tee-shirt trop grand pour elle.
Elle était en train de se dire qu'elle allait commander une pizza lorsqu'elle avisa l'état du salon – et du reste de son appartement. Elle n'avait jamais été une fée du logis mais, à ce stade, on frisait la limite de l'acceptable et le fait qu'elle semblait passer si peu de temps chez elle dernièrement n'était pas une excuse.
Prenant son courage à deux mains, elle remit un peu d'ordre à l'aide de sa baguette, se sentant tout de même mieux lorsqu'il n'y eut plus de vaisselle sale empilée sur la table du salon, de vêtements abandonnés aux quatre coins de la pièce et une épaisse couche de poussière sur tous les meubles.
Lorsqu'elle eut terminé, l'appartement sentait le propre.
Et elle était d'autant plus fatiguée mais elle se sentait également plus adulte qu'adolescente attardée qui se reposait sur les visites sporadiques de sa mère pour faire le ménage à sa place.
Les coups à la porte étaient inattendus et pas tout à fait bienvenus. Ajustant sa prise sur sa baguette, elle se rapprocha de l'entrée, méfiante.
« Oui ? » lança-t-elle.
Son appartement était une forteresse où personne ne pouvait entrer sans son consentement mais cela signifiait aussi qu'elle ne pouvait pas en sortir facilement en cas de besoin.
« C'est nous ! » répondit la voix de Charlie. « On a de la vodka et de la bouffe ! »
Levant les yeux au ciel, elle ouvrit la porte, souriant déjà. Charlie agita deux bouteilles de Vodka Glace-boyaux tandis qu'Anthony peinait sous le poids de plusieurs tuperware.
« Molly ? » demanda-t-elle avec espoir, en avisant la collection de nourriture.
« Elle t'en a fait assez pour que tu tiennes toute la semaine. » répondit Charlie, en se glissant entre elle et le battant, comme s'il était chez lui.
Anthony lui jeta un regard d'excuse pour les mauvaises manières de son compagnon. Souriant toujours, elle le soulagea des deux contenants les plus larges et lui fit signe d'entrer d'un coup de tête.
Charlie s'était immobilisé au centre du salon et regardait autour de lui, sourcils levés. « C'est si propre… Tu attends quelqu'un ? »
Il était très doué pour raviver sa puérilité et, en conséquence, elle lui tira la langue. « Non. Je suis capable de faire le ménage de temps en temps. »
« Première nouvelle. » se moqua Anthony, non sans affection.
« Ah, ah… » grinça-t-elle, en plantant les poings sur ses hanches. « Qu'est-ce que vous faites là ? Je ne vous attendais pas… »
Une nouvelle fois, Charlie regarda autour de lui avec ce qui ressemblait à de l'incertitude. « Si on te dérange… »
« Non, non ! » s'empressa-t-elle de le corriger. « Je suis contente de vous voir. »
« Sûre ? » insista Anthony, après avoir échangé un coup d'œil avec son compagnon. « Parce que si tu dois avoir de la visite… »
Elle leva les yeux au ciel. « Vous êtes si subtils, tous les deux. Severus ne peut pas quitter Poudlard, vous le savez très bien. »
« Severus. » répéta Charlie, avant de se laisser dramatiquement tomber sur le canapé. « Je ne m'y ferai jamais. »
Elle choisit de penser qu'il plaisantait.
« Je vais chercher des verres. » annonça-t-elle. « Et des couverts. »
Ils avaient passés suffisamment de soirées juste comme celles-ci pour savoir qu'ils ne s'embarrasseraient pas d'assiettes.
Elle venait d'ouvrir le placard de la cuisine à la recherche de verre bas qui conviendraient mieux à la vodka que ceux qu'elle utilisait tous les jours, lorsqu'elle entendit Anthony dire à Charlie qu'il avait besoin d'utiliser la salle de bain.
Elle mit la main sur les verres, referma le placard et sursauta si fort lorsqu'elle sentit la présence dans son dos qu'elle manqua les lâcher. Elle se retourna vers Charlie, un reproche aux lèvres. Elle n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit avant d'être attirée dans une étreinte presque étouffante.
« Ma nymphe… » murmura-t-il, à son oreille. « Ma nymphe… »
Alarmée, elle fronça les sourcils et lutta pour s'éloigner juste assez pour pouvoir voir son visage. Ses yeux bleus fouillèrent les siens avec une telle intensité qu'elle dressa immédiatement ses boucliers mentaux.
« Charlie ? » s'inquiéta-t-elle.
« Je t'aime. » lâcha-t-il, en l'étreignant à nouveau.
« Je t'aime aussi. » répondit-elle machinalement. « Mais qu'est-ce que… »
« Qu'est-ce qui se passe ? » demanda Anthony, du seuil de la cuisine.
Charlie se tendit puis la relâcha lentement avant de se tourner vers lui…
Tonks était perdue et son instinct lui criait que quelque chose n'allait pas. Les avertissements de Severus comme quoi l'espion pouvait être n'importe qui résonnaient dans sa tête mais elle ne pouvait pas se résoudre à penser que…
« Tu lui as dit. » soupira Anthony avec une désapprobation palpable.
« Pas encore. » contra Charlie. « Mais j'allais le faire. »
« Dit quoi ? » intervint-elle, en se décalant légèrement, de sorte qu'elle aurait l'espace nécessaire si l'un des deux autres sorciers sortait sa baguette et qu'elle devait se battre.
La tension disparut subitement lorsqu'Anthony sourit tendrement à son partenaire. « Allez, dis lui. Tu en meurs d'envie. »
Lorsque Charlie se tourna vers elle, plus aucune trace de la détresse qu'elle avait cru percevoir dans sa voix ne subsistait sur son visage.
« On va se marier. » annonça-t-il dans un sourire.
Elle accueillit la nouvelle d'un cri de joie et lui sauta dessus pour le féliciter, avant d'attirer Anthony dans l'étreinte qui ressemblait, de fait, davantage à une mêlée.
« Tu seras mon témoin, bien entendu. » exigea Charlie.
Tonks se mit à pleurer. La fatigue, la joie, la culpabilité parce qu'elle l'avait un instant soupçonné de… De quoi ? Elle devenait aussi paranoïaque que Fol'Œil et voyait des espions partout.
Plusieurs heures et plusieurs verres de vodka plus tard, ils avaient célébré la nouvelle comme il se devait et elle avait posé toutes les questions qu'un témoin se devait de poser. Ils n'avaient pas encore de date mais espéraient pouvoir organiser une petite cérémonie simple au cours de l'été.
« Et on invitera tous nos amis dragonniers. » ajouta Charlie en riant, un peu éméché. « Tu en trouveras bien un à ton goût. »
« Emeric. » commenta Anthony, en agitant les sourcils.
« Oh, oui… Emeric… » approuva son meilleur ami, en hochant la tête, l'air rêveur.
Cela lui valut un coussin en pleine tête de la part de son fiancé.
Tonks n'était pas tout à fait sobre non plus, pourtant elle ne se joignit pas à leurs rires.
« J'ai déjà quelqu'un. Tu sais bien. » objecta-t-elle, peu à l'aise à l'idée qu'ils essayent de jouer les entremetteurs.
Et puis… Ce n'était pas comme si elle allait se rendre au mariage seule… D'ici là, le secret serait très certainement éventé pour de bon. Severus accepterait sûrement de l'y accompagner. Ce n'était pas que du sexe entre eux et c'était le genre de choses que faisait un couple.
L'idée de s'afficher publiquement avec lui était un peu étrange mais dans le bon sens. Cela lui donnait des papillons dans le ventre. Elle se prit à sourire.
« Mais ce n'est pas sérieux. » remarqua Anthony, avec hésitation. « C'est juste une histoire de fesses, non ? »
« Emeric a de bien plus jolies fesses que Snape, je te le garantie. » renchérit Charlie, sur le ton de la plaisanterie.
« C'est sérieux. » les corrigea-t-elle, tout en se resservant un verre de vodka pour se donner contenance. Elle n'était pas sûre d'apprécier la manière dont ils se regardaient, comme s'ils hésitaient à dire quelque chose qu'ils savaient qu'elle n'apprécierait pas. « C'est très sérieux, même. » Elle jeta un regard agacé à son meilleur ami. « Et, ça ne te regarde pas mais il a de très belles fesses. »
Charlie haussa les sourcils, puis se pencha en avant avec curiosité. « Et le reste ? »
Ce fût à son tour de lui balancer un coussin au visage.
Anthony, lui, ne semblait rien trouver de drôle au tour qu'avait pris la conversation.
« Tonks… Tu es sûre que c'est une bonne idée ? » demanda-t-il, avec une réticence évidente. « Crois-moi, je n'ai aucune envie de te dire avec qui ou pas sortir mais… »
« Mais il y a de grandes chances qu'il soit notre espion. » termina Charlie pour lui, en se frottant le visage. « Et te savoir avec lui, ça nous inquiète. »
Elle les observa tour à tour, l'irritation se disputant à l'affection en elle.
Elle savait qu'ils n'essayaient pas de faire ingérence dans sa vie, que leur inquiétude était sincère et motivée par l'amitié qu'ils lui portaient. Ça n'empêchait pas qu'elle avait suffisamment été claire avec Charlie à ce sujet.
« Severus n'est pas le traitre. » asséna-t-elle, sans prendre de gants. « Et… Et j'ai des sentiments pour lui. Alors il va falloir que vous appreniez à vous entendre tous les trois. »
Charlie parut sur le point d'insister puis se ravisa. Ça ne lui plaisait visiblement pas mais il se força à sourire et lui passa un bras autour des épaules pour l'attirer contre lui.
« Je ferai n'importe quoi pour toi, tu le sais. » promit-il contre ses cheveux.
Elle se détendit, s'abandonnant à son étreinte un peu alcoolisée et quêta le regard d'Anthony.
Le jeune homme força lui aussi un sourire mais ne dit pas un mot.
°O°O°O°O°
Le monde n'était pas aussi vaste qu'il aurait dû l'être.
L'horizon n'était qu'une illusion.
Lunard était à nouveau enfermé dans une cage. Une cage plus vaste, une cage invisible, une cage qui lui permettait de hurler à la lune, de chasser et de jouer avec sa meute, mais une cage tout de même.
Par sécurité, lui souffla la part de lui qui était humaine.
Par sécurité, accepta le loup, trop heureux de pouvoir courir, de jouer avec la louve qui tressaillait de joie depuis des heures ou de rappeler à l'ordre l'énorme chien noir qui peinait à suivre leur rythme.
Lunard était homme et il était loup.
Lunard était un.
Lunard était complet.
Il leva la tête et chanta son bonheur à une lune qui déclinait irrémédiablement. Le ciel rosissait, la nuit touchait à son terme…
Le vent porta jusqu'à lui l'effluve de son ennemi et son appel, que la louve avait repris, se transforma en un grondement sourd.
Deux sorciers les avaient suivis toute la nuit, trop haut dans le ciel pour que Lunard puisse les attraper même s'il l'avait voulu. Drôles d'oiseaux sur des bâtons de bois. Oiseaux qui n'étaient pas des proies, sa part plus humaine n'aurait pas permis qu'il leur arrive du mal.
Du moins pas au plus imposant des deux.
Sa part humaine était tout aussi encline que sa part animale à faire du mal à l'autre.
Pas le tuer, non…
Ils étaient civilisés, même sous leur forme animale.
Mais l'autre menaçait sa meute, avait volé sa compagne… Plus tôt, alors qu'il n'était pas encore Lunard, avant que la lune lui permette de se fondre dans sa moitié lupine, il avait senti son odeur sur lui. Faible mais présente. Entêtante. Il savait que s'il avait vu sa compagne ce jour là, elle aurait empesté la sienne. Et comme si cela ne suffisait pas, Patmol lui aussi charriait ce mélange d'herbes âcres qui était propre à son ennemi.
Ennemi n'était pas le bon terme.
Lunard n'en connaissait pas d'autre.
Proie ou prédateur.
Meute ou ennemis.
La vie, sous cette forme, était simple, ramenée à l'essentiel.
Il grogna un ordre à Patmol qui échoua à se mettre en position à temps pour coincer le lapin qu'ils s'amusaient à traquer depuis un moment. La louve y parvint d'un bon. Il la félicita d'un coup de museau, frottant son pelage contre le sien, s'enivrant du plaisir que ne pouvait procurer que la présence de sa meute. Elle comprenait enfin, il le savait. Elle qui, comme lui, avait craint sa nature durant des années… Elle comprenait enfin la joie que c'était de ne plus être déchirée jusqu'à l'âme. Humain et loup, loup et humain… Un. Indivisible.
Elle suivait ses ordres, elle. Le traitait avec affection mais déférence.
Alpha, il était.
Alpha, il resterait.
À nouveau, il leva la tête vers le ciel, vers les drôles d'oiseaux qui prenaient des notes.
Patmol approcha et Lunard le rabroua d'un coup de patte.
Pour avoir échoué à attraper le lapin.
Pour ne pas comprendre qu'il devait obéissance à son Alpha.
Parce qu'il portait sur lui cette odeur que le loup exécrait.
Meute ou ennemis.
La part humaine en lui était plus indécise mais le loup n'avait pas ses scrupules.
Et Lunard n'était qu'un.
Meute ou ennemis.
Ennemi.
°O°O°O°O°
Harry roula de son lit et sortit de sa chambre au moment où il entendit du bruit dans le reste de l'appartement. Il déboula dans le couloir juste à temps pour voir Severus fermer la porte qui menait au bureau du Directeur de Maison. Si le Maître des Potions se figea brièvement, aucune surprise ne se refléta sur son visage ou dans ses yeux, confirmant ce que le garçon soupçonnait.
Après le cours de potions, il ne l'avait vu que de loin la veille, mais cela avait été amplement suffisant.
« Je ne m'attendais pas à te trouver là. » remarqua le Professeur, d'un ton beaucoup trop neutre.
Il ôta son épaisse cape et ses sur-robes et les pendit à la patère dans l'entrée d'un geste machinal, le laissant en pantalon et chemise.
« Vous avez dit que je pouvais aller et venir comme je voulais. » répondit Harry, un peu incertain.
« Bien sûr. » se dépêcha de confirmer l'homme, en lui jetant un coup d'œil, un sursaut d'émotions passant sur son visage. Ça ne dura pas. Le masque lisse reprit sa place. « Passe une robe de chambre. »
Harry battit en retraite dans sa chambre juste assez longtemps pour récupérer robe de chambre et chaussons. Ça ne l'empêcha pas de rattraper Severus dans le couloir qui menait à la cuisine, son pas était lent encore que sa claudication n'était pas très prononcée. Sans un mot, l'adolescent fit un crochet par le salon et attrapa la canne qui était restée appuyée contre le canapé.
« Je suis juste passé discuter hier soir, après le dîner, mais vous n'étiez pas là. » expliqua-t-il, finalement, en lui tendant la canne. Severus l'accepta, le remerciant d'un hochement de tête. « Je vous ai attendu longtemps mais… »
Il laissa sa phrase en suspens.
Il avait fini par penser que le Professeur était allé rejoindre une certaine Auror.
À voir sa tête, cependant, il en doutait. Severus avait l'air de ceux qui n'avaient pas dormi de la nuit et pas par choix.
« C'était la pleine lune. » répondit le Maître des Potions. « J'ai passé la nuit à observer deux loups-garous folâtrer dans la lande, si tu veux tout savoir. »
Ce qui expliquait certaines choses mais pas tout. Severus avait beau avoir ses problèmes avec les loups-garous, cela ne justifiait pas le masque neutre, le ton monocorde ou le regard presque vide.
« Tu n'as pas veillé trop tard, j'espère ? » demanda l'homme, avec ce qui semblait être une tentative de sévérité mais sonna un peu faux, un peu creux, comme si le cœur n'y était pas. Il sortit sa baguette pour faire chauffer la théière mais là encore le geste paraissait machinal.
Harry le prit de vitesse et sortit les tasses du placard, lui faisant signe de s'asseoir.
Miraculeusement, et de manière alarmante, Severus ne protesta pas et prit place à table.
« Non, je me suis endormi sur le canapé. » avoua-t-il. « Et quand je me suis réveillé, vous n'étiez toujours pas là, alors je suis allé me coucher. »
Non sans avoir hésité à contacter Dumbledore d'abord, juste pour vérifier que tout allait bien.
Le Professeur ne répondit pas. Harry tourna la tête pour l'observer discrètement : son regard était perdu dans le vague, il se tenait raide et son expression était si lisse… Comme un masque.
Harry mit le thé à infuser et, lorsqu'il parut évident que l'homme ne le ferait pas, s'activa aux fourneaux pour préparer le petit-déjeuner. Cuisiner ne le dérangeait pas mais Severus ne le laissait jamais faire tout seul, d'habitude. Il insistait pour qu'Harry ne fasse pas tout tout seul.
Parce que ça avait été une de ses corvées chez les Dursley.
Parce que c'était différent et qu'il ne voulait pas qu'Harry ait l'impression qu'il se servait de lui comme d'un elfe de maison.
Il attendit et attendit que le Maître des Potions se débarrasse de cette étrange humeur, se ressaisisse… Cela ne vint pas. Du moins, pas avant qu'il ne dépose une assiette pleine de bacon croustillant, d'une généreuse portion d'œufs brouillés et de deux toasts grillés juste comme il le fallait devant lui, ainsi qu'une des fioles que l'homme avalait chaque matin pour combattre le tremblement de ses mains.
Alors Severus cilla, comme s'il reprenait juste contact avec la réalité, regarda autour de lui, semblant s'apercevoir, à cette seconde seulement, qu'Harry avait passé dix minutes à préparer à manger, et lui adressa un regard d'excuse qui était beaucoup trop honteux pour la situation.
« Tu n'es pas obligé de… » lui rappela le Maître des Potions.
« Je sais. » l'interrompit-il, sans le laisser terminer. Cela lui valut un regard noir qui n'était pas véritablement hostile. Il récupéra sa propre assiette, nettement moins garnie, s'assit en face de son père, mais ne toucha pas à la nourriture. Il n'avait pas vraiment d'appétit, en ce moment. « Qu'est-ce qui s'est passé ? »
« Avec les loups-garous ? Rien de bien intéressant. Encore que l'amie de Lupin a confirmé que la potion Révèle-Loup lui est apparu, à elle aussi, comme une révélation de sa vraie nature. » releva Severus. Il prit la fiole de potion qu'Harry avait posée devant lui mais, au lieu de l'avaler, il l'inspecta sous toutes les coutures, la porta à la lumière et la plaça finalement sur le côté sans la boire. Devant son air perplexe, l'homme claqua la langue avec agacement. Le premier véritable signe d'émotion qu'il manifestait ce matin là. « Il s'avère qu'Horace, fort de ses années passées à Poudlard, peut pénétrer dans mon laboratoire à mon insu. Or s'il peut pénétrer dans le laboratoire… »
« Il peut entrer ici comme il veut. » termina-t-il, avec un mauvais frisson.
Les appartements de Severus étaient l'endroit où il se sentait le plus en sécurité. Mieux que cela, c'était chez lui. L'idée que Slughorn puisse y pénétrer sans invitation…
« Je compte renforcer les protections spécifiquement pour lui interdire l'entrée dès ce matin. » déclara le Professeur. « Mais je préfère ne pas consommer une potion qu'il sait de source sûre que je prends chaque jour. Je ne pense pas qu'il m'empoisonnerait, trop de personnes le soupçonneraient… Prudence est mère de sûreté, toutefois. »
Harry lui faisait confiance lorsqu'il était question de prudence. Il n'était pas paranoïaque pour rien.
Néanmoins…
« Je voulais dire qu'est-ce qui s'est passé avec vos boucliers ? » lâcha le garçon.
Severus se figea. Cela aurait presque pu être comique parce qu'il venait de porter la fourchette à sa bouche. Lentement, le Professeur se remit à mâcher, cherchant très visiblement à gagner du temps.
« Rien qui ne te concerne. » déclara finalement l'homme, d'un ton péremptoire.
C'était le genre d'avertissement qu'il n'avait jamais véritablement appris à prendre en compte.
Parce que cet éclat paniqué dans les yeux sombres, la manière dont sa voix s'était faite un tout petit peu plus cassante, la façon dont il s'était redressé comme pour mieux le toiser…
Harry savait ce que ça signifiait.
Ça signifiait que le sujet était trop personnel, trop douloureux, et que tel un animal blessé et sauvage, le Professeur pesterait, mordrait et menacerait pour être laissé tranquille. Ça signifiait aussi qu'il avait besoin d'une aide qu'il se refuserait à demander.
« On dirait les anciens. » insista-t-il. « Vous êtes… loin. »
C'était encore la meilleure manière de le décrire.
Il l'avait remarqué la veille, durant le déjeuner. L'expression de Severus était neutre, distante, détachée… Cela ne s'était pas amélioré lorsqu'il l'avait recroisé dans la Grande Salle durant le dîner.
« J'ai encore le droit de gérer mes émotions comme je l'entends, Harry. » cingla l'homme, d'un ton peu amène.
Il n'en prit pas ombrage, trop habitué. Aucune tasse n'avait encore été lancée contre le mur, il y avait donc de la marge avant de véritablement s'inquiéter.
« Tant que vous les gérez. » commenta-t-il, pince-sans-rire.
Il était allé trop loin et il le sut immédiatement.
De neutre, son expression vira à colérique, voire furieuse. « Ce ne sont certainement pas tes affaires et je te prierai de te souvenir de qui est l'adulte ici. Tes commentaires ne sont ni désirés, ni bienvenus. »
Harry ne tressaillit pas parce qu'il occludait lui-même mais ça n'empêcha pas la petite pointe de douleur dans sa poitrine.
« Vous avez fait trop d'efforts, vous avez trop changé pour retomber là-dedans et vous le savez. » insista-t-il, ignorant la petite voix dans sa tête qui lui murmurait qu'il était suicidaire. « Vous cacher derrière vos boucliers, ça ne sert à rien. Ce n'est pas une solution. »
« T'est-il jamais venu à l'idée que c'est la seule manière dont je puisse survivre ? » tonna Severus, perdant visiblement le contrôle de lui-même. « T'est-il venu à l'esprit que j'étais bien plus heureux avant que tu ne me forces à les briser ? »
Harry se leva parce que, il le savait, à partir de là, la conversation ne ferait que dégénérer et si l'un d'eux ne partait pas, ils allaient dire des choses qu'ils regretteraient.
Déjà, cette simple remarque le blessait.
Ce n'était pas Harry qui l'avait forcé à briser ses boucliers.
Les boucliers dont Snape s'était cadenassé l'esprit toute sa vie avaient été des murs, une carapace. Et Harry n'avait rien demandé.
Si ses boucliers avaient fini par s'écrouler, c'était uniquement parce qu'il avait cessé de regarder passer la vie en spectateur et avait recommencé à créer des liens émotionnels qui lui interdisaient de rester absolument détaché de tout.
« Vous vous faites du mal. » lança-t-il, tout de même. « Quand vous ignorez vos émotions, quand vous les utilisez pour vous tenir à distance de tout et de tout le monde… Vous vous faites du mal. Et je ne veux pas voir ça. »
Il quitta la pièce, ignorant l'appel courroucé qui lui intima de se rasseoir.
Et s'il claqua la porte de sa chambre… Eh bien, il avait bien le droit de se mettre un peu en colère lui aussi.
Il se laissa tomber sur son lit, couvrit son visage de ses mains et laissa son esprit sombrer dans les flammes qui l'entourait, absolument conscient qu'il était en train de faire exactement ce qu'il avait reproché à son père. Mais c'était différent. Harry ne cherchait jamais à supprimer ses émotions négatives… Il les repoussait, il les mettait de côté, mais à un moment donné… Il était bien obligé de les affronter, de les accepter.
Severus était le maître du déni.
Il attendit plusieurs minutes, à moitié certain que l'homme allait débarquer en furie dans sa chambre pour mieux poursuivre la dispute, mais lorsque rien ne se passa, il décida qu'il pouvait tout aussi bien se préparer et rejoindre sa salle commune pour récupérer son sac de cours. Il prit son temps dans la salle de bain, espérant sans trop y croire que le Professeur se serait retranché dans sa propre chambre le temps qu'il en émerge.
Peine perdue.
« Harry. » appela Severus, à l'instant même où il mit un orteil dans le couloir.
Avec un soupir, il se dirigea vers le salon, en se disant qu'il aurait mieux fait de prétendre ne pas avoir entendu.
Le Maître des Potions était assis dans son fauteuil favori, Masque sur les genoux, le regard perdu dans les flammes qui crépitaient dans la cheminée. Il ne tourna pas le regard vers lui.
« Je regrette. » lâcha Severus, avec difficulté. « Je n'étais pas plus heureux avant que tu entres dans ma vie. J'étais seul, amer et misérable. »
Malgré lui, parce qu'il aurait voulu rester fâché un petit peu plus longtemps, Harry se surprit à sourire avec amusement. « Ce que j'aime chez les Serpentards, c'est qu'il faut toujours que tout soit très dramatique. Même les excuses. »
La plaisanterie lui valut un regard faussement courroucé. L'expression de Severus était incertaine, toutefois. Il occludait toujours mais de manière moins prononcée, certainement moins extrême.
« J'ai jeté un sort sur ton assiette pour la garder au chaud. » lui dit le Professeur.
Il secoua la tête. « Je n'ai pas faim. »
« Tu n'es pas autorisé à sauter un repas. » lui rappela Severus, avec une véritable contrariété cette fois-ci. « Tu as perdu du poids depuis notre retour. »
« Je ne m'entraîne plus avec Terrens. » contra-t-il, dans un haussement d'épaules. « Et comme je ne joue plus au Quidditch… »
« Tu ne vis plus, non plus, autant avec moi et je ne surveille probablement pas assez ce que tu manges. » riposta le Professeur. « En conséquence, sauf si tu souhaites être forcé de prendre tous tes repas en ma compagnie jusqu'à nouvel ordre, je te conseille de te nourrir correctement. »
La menace était sérieuse alors Harry préféra capituler. Il alla récupérer son assiette et sa tasse de thé, ignorant le regard réprobateur de son père lorsqu'il s'installa en tailleur sur le tapis devant la cheminée pour avaler son petit-déjeuner.
Pendant plusieurs minutes, les seuls bruits furent ceux de la fourchette cliquetant contre la faïence. L'adolescent ne chercha pas à entamer la conversation. Il connaissait trop bien les humeurs de Severus. Dans ce genre de situation, c'était mieux de lui donner le temps et l'espace qu'il désirait.
Il avait presque terminé son assiette lorsque le Professeur poussa un soupir.
« Certaines habitudes ont la vie dure… » déclara lentement Severus. « L'Occlumencie a toujours été un refuge pour moi. »
Harry tourna et retourna ce qu'il désirait dire dans sa tête, mâchant ses œuf avec un peu trop de méticulosité. « Ne le prenez pas mal mais… J'ai l'impression que c'est plus une prison qu'un refuge. »
« Certes. » acquiesça le Professeur, le prenant par surprise. Il avait toujours chanté les louanges de cette discipline et… « Je l'utilise comme une béquille, j'en suis conscient. » Les yeux noirs rencontrèrent brièvement les siens. « Mes anciens boucliers, ceux que tu détestes tant, étaient bien plus efficaces que les nouveaux, néanmoins tu n'as pas tort, ils m'empêchaient également de… vivre pleinement. Ils me permettaient de garder une certaine distance. »
L'adolescent préféra terminer son assiette plutôt que de commenter cette distance que le Professeur voulait mettre entre lui et le monde. Lorsque ce fût fait, il la posa par terre avec la sensation désagréable d'avoir trop mangé.
Il tint exactement deux minutes supplémentaires avant de rassembler son courage et de briser le silence pensif qui était tombé sur la pièce.
« Qu'est-ce qu'il s'est passé avec Slughorn ? »
C'était le cœur du problème.
Tout son instinct le lui criait.
Il avait été si outré lorsque le Professeur lui avait dit, la veille, que l'autre sorcier désirait des excuses. Des excuses alors qu'il avait encouragé Voldemort à… Des excuses alors qu'il avait fait preuve de tellement de négligence que…
Harry préféra rejeter en bloc la colère que faisait naître chez lui les nombreux défauts de Slughorn. Il ne l'avait jamais apprécié mais exiger des excuses de la part de Sev, vraiment…
« Rien qui aurait dû me surprendre ou que j'aurai dû laisser m'affecter autant que je l'ai fait. » répondit Severus. « Le passé est simplement impossible a ignorer, parfois. »
Oui, il était intimement familier de cette impression. Souvent, les souvenirs du cimetière lui enserraient la gorge si fort qu'il ne pouvait plus respirer, qu'il aurait pu jurer avoir fait un bon dans le passé et en être prisonnier.
« Le présent est plus important. » contra-t-il, non sans songer à l'étrange conversation qu'il avait eu avec Dumbledore. Une nouvelle fois, il hésita à s'en ouvrir à son père puis y renonça.
« En effet. » acquiesça Severus, en caressant le chat qui ronronnait sur ses genoux. « Et tu es très doué pour me le rappeler, ce dont je te remercie. Bien que je n'apprécie guère l'insolence avec laquelle tu semble toujours le faire… »
Ce n'était pas vraiment un reproche.
Harry se détendit finalement, terminant le peu de thé qui restait dans sa tasse.
« On ne serait pas nous et on ne serait pas là. » murmura-t-il, après plusieurs minutes.
« Que veux-tu dire ? » releva Sev, avec curiosité.
Il soupira et recula jusqu'à pouvoir s'adosser au canapé, laissant sa tête tomber en arrière sur le coussin d'assise. Le plafond était en pierres épaisses qui suintaient légèrement d'humidité. Il lui apparut soudain qu'ils étaient très, très bas sous le lac, que la pression que l'eau devait exercer sur les pierres étaient colossale et que…
Il emprisonna bien vite cette idée derrière un mur de flammes avant que la sensation de claustrophobie ait pu le laisser à bout de souffle. Quand ils auraient terminé cette conversation un peu déprimante, se promit-il, il irait ouvrir les lourds rideaux que Severus gardait généralement clos. La fenêtre enchantée donnant sur la Forêt Interdite fournirait un peu de lumière et lui permettrait de prétendre qu'ils n'étaient pas sous terre.
« Je veux dire… » hésita-t-il, tentant de rassembler ses pensées éparses en un discours cohérent. « Le Severus de soixante-quinze… Il n'aura pas la même vie que vous. Et peut-être que ce sera une meilleure vie, d'un certain point de vue. »
« Aucun doute là-dessus. » marmonna Severus.
« Oui, mais… » Il s'interrompit, un peu frustré, puis haussa les épaules. « Ce Severus… Peut-être qu'il finira avec Lily, peut-être pas… Peut-être qu'ils seront heureux, peut-être qu'ils vivront d'autres drames pires que les nôtres… Mais ce Severus… Il ne m'aura pas moi. Il n'aura pas Tonks. Il sera peut-être ami avec les Maraudeurs mais pas comme vous et Sirius. »
« Je ne suis certainement pas ami avec Black. » grinça le Professeur.
Harry lui jeta un regard amusé, peu convaincu par le manque de conviction évident dans sa voix.
« Et si Vol… Vous-savez-qui avait décidé que c'était de Neville que parlait la prophétie et pas moi… » continua-t-il. « Peut-être que mes parents seraient vivants, peut-être qu'ils seraient à Sainte Mangouste… Peut-être que je serais normal… Peut-être que personne ne connaîtrait mon nom… Peut-être qu'il n'y aurait pas d'horcruxes… Ou peut-être que je serais quand même allé vivre chez Pétunia… Peut-être que je ne serais jamais venu à Poudlard parce que personne ne se serait intéressé au garçon qui n'a pas répondu à sa lettre… Peut-être que Cédric aurait gagné le Tournois et ne serait pas mort… » Il déglutit. « Mais je n'aurais pas de chambre à moi. Je n'aurais pas de chat psychopathe. Vous ne seriez pas mon père. »
Le chat psychopathe en question sauta des genoux du sorcier pour s'en aller, la queue en panache, terroriser sa prochaine victime. Ou, plus probablement, s'assurer que son assiette dans la cuisine avait été remplie.
« Tu as passé trop de temps avec Albus dernièrement. » l'accusa Severus, non sans amusement. « Te voilà philosophe, maintenant. »
Il ne chercha pas à retenir un petit rire. « Je veux juste dire que le présent est plutôt chouette. Même si le passé était merdique. Et douloureux. Et vraiment pas drôle. » Celui d'Harry comme le sien. « Et peut-être… Peut-être que c'est justement parce le passé était merdique et qu'on ne sait pas comment sera le futur qu'il faut profiter des bons moments tant qu'on peut. »
Il risqua un coup d'œil vers le Professeur qui le dévisageait d'un air songeur.
« Cinq points pour Serpentard. » murmura Severus, au bout d'un long moment. « Pour une excellente démonstration de maturité. »
« Merci. » commenta Harry, en agitant sa cravate rouge-et-or. « Mais c'est Gryffondor, maintenant. »
Le Maître des Potions fit la grimace. « Faut-il vraiment que tu me le rappelles ? Qu'ai-je fait pour me retrouver cerné de Gryffondors ? »
Parce que l'homme essayait visiblement de détendre l'atmosphère, ce qui ne lui venait pas naturellement, l'adolescent rit à nouveau et se hissa sur ses pieds, ramassant son assiette et sa tasse pour aller les laver.
« C'est vrai que vous préférez les Poufsouffles maintenant… » se moqua-t-il, juste avant de quitter précipitamment la pièce, juste au cas où il lui viendrait l'idée de lui lancer un maléfice quelconque.
« Dix points en moins pour Gryffondor ! » lança Severus dans son dos, sans véritable hostilité ou reproche.
Harry ricanait toujours lorsqu'il atteignit la cuisine. La tasse et l'assiette lui échappèrent des mains pour voler dans l'évier et entreprirent de se laver toute seule, sous l'effet d'un sort qu'il n'avait pas jeté. Il avait cuisiné, c'était donc au Professeur de s'occuper de la vaisselle.
Oui, se répéta-t-il, le présent était plutôt chouette.
