Oui, les chapitres s'enchaînent mais que voulez-vous je suis à fond en ce moment. On surfe sur la vague et on espère que ça durera assez longtemps pour m'éviter à nouveau le blocage de la mort. Les anciens savent que quand je suis à fond, je peux pondre vite et bien plusieurs chapitres d'affilés haha.

Juste une précision parce que je suis allée (tout à fait par accident) dans les PM et ooooups. Les gens, je n'y vais jamais. Si vous voulez me contacter passez par twitter ou tumblr parce que vraiment je n'y vais jamais et je ne reçois plus de mail de ff. Désolée pour tous ceux que j'ai accidentellement ghostés.

Voilà, voilà! N'hésitez pas à me dire ce que vous pensez du chapitre! J'adore lire vos retours, ça me motive de fou!

Enjoy & Review!


"Oh, you are afraid. They are always afraid at the end. But the fear of the brave—that is best."

The Bear And The Nightingale – Katherine Arden

« Oh, tu as peur. Ils ont toujours peur à la fin. Mais la peur des courageux – c'est la meilleure. »
The Bear And The Nightingale – Katherine Arden


Chapitre 40: The Fear Of The Brave


La bibliothèque avait toujours été l'endroit préféré d'Hermione depuis qu'elle en avait découvert l'existence, le lendemain de son arrivée à Poudlard. L'odeur de vieux parchemins, de poussière et du bois vermoulu des étagères… Même se retrouver coincée sous l'un des épais rayonnage n'avait pas entaché l'amour qu'elle portait à la pièce. C'était son refuge.

Pourtant ce jour là, le chuintement feutré des pages que l'on tournait ne lui apportait pas le réconfort escompté. Peut-être parce qu'Harry persistait à l'éviter sans ouvertement entrer en conflit avec elle. Peut-être parce que la manière détendue avec laquelle il s'était avachi dans un des fauteuils, près de la fenêtre, avec un épais grimoire et paraissait concentré sur sa lecture, l'irritait au plus au point – Harry n'avait jamais été un gros lecteur avant la tempête magique et il ne s'était certainement jamais servi de cette tactique pour l'ignorer.

Les autres s'étaient dispersés en petits groupes à différentes tables et planchaient soit sur la dissertation que Snape leur avait réclamé pour le prochain cours de Défense, soit sur leurs devoirs de Métamorphose. Hermione avait déjà terminé les deux et se trouvait désœuvrée. Si seulement les examens s'étaient dessinés à l'horizon, elle aurait pu s'y préparer mais elle avait atteint la limite de ce qu'elle pouvait réviser sans attaquer le programme de sixième année.

« Tu ne travailles pas ? » lança-t-elle, en direction d'Harry, faisant attention à garder la voix basse pour ne pas déranger leurs amis. Ses yeux bruns accrochèrent le titre du grimoire avec curiosité, puis suspicion. Elle tint sa langue, cependant, sachant que si elle lui demandait pourquoi il lisait un livre sur la magie médicale, il l'enverrait paître ou prétendrait avoir des raisons qu'elle n'était pas autorisée à connaître.

Elle se sentait toujours un peu honteuse d'avoir sauté aux pires conclusions en le voyant avec un livre de Gellert Grindelwald entre les mains alors, qu'avec un peu de recul, il était évident qu'il avait été au courant de l'arrivée du mage noir.

Évidemment, rien ne l'aurait empêché de s'expliquer au lieu de lui laisser imaginer le pire…

« J'ai déjà terminé. » répondit Harry, un peu sèchement, sans lever les yeux de la page.

Hermione fit un effort pour ne pas laisser l'irritation percer dans sa voix. « Sirius ne peut pas venir ce soir mais on va quand même faire une réunion de l'A.D. Tu as des idées de ce qu'on pourrait travailler ? Je pensais qu'on pourrait peut-être s'entraîner à se battre en duel… »

Harry tourna la page un peu trop brutalement vu l'âge du grimoire mais elle se retint de justesse de lui dire de faire plus attention.

« Je ne viendrais pas. » annonça-t-il, tranquillement. Comme si ce n'était pas important.

« Pourquoi ? » Elle fronça les sourcils puis la lumière se fit dans son esprit et elle s'approcha, baissant encore la voix. « Sirius ne nous a pas dit pourquoi il ne pouvait pas venir… Est-ce que vous allez quelque part ? Est-ce que vous allez chercher le prochain tu-sais-quoi ? »

Il s'arracha finalement à sa lecture pour croiser son regard. Elle n'y lut qu'une profonde lassitude.

« Non, Hermione. » lâcha-t-il avec un bonne dose d'ironie. « Je ne viendrais pas parce que, comme ça, tu pourras arrêter de me critiquer pendant cinq minutes. »

« Je ne t'ai pas critiqué. » protesta-t-elle.

Il émit un bruit amèrement amusé. « Tu accuses mon père de je ne sais quel complot, tu ne veux pas comprendre ce que j'essaye de t'expliquer depuis des semaines, tu m'as, limite, traité de lâche et, pour couronner le tout, tu viens juste de me demander pourquoi est-ce que je ne travaillais pas d'un ton qui sous-entendait clairement que je devrais être en train de le faire. »

« Pas du tout ! » se défendit-elle. « Je n'ai jamais… »

« Hermione. » l'interrompit-il. « Je ne veux pas me disputer avec toi. »

« Mais moi non plus ! » insista-t-elle. Ses épaules s'affaissèrent un peu. « Harry, je m'inquiète juste pour toi… »

Le visage de son meilleur ami se fit un peu moins hostile mais ne tarda pas à ne refléter qu'un masque lisse.

Ce qu'elle pouvait détester l'Occlumencie…

« Je veux juste terminer mon livre, d'accord ? » demanda-t-il, en se forçant visiblement à sourire.

À cours d'arguments – ou du moins d'arguments qui ne provoqueraient pas cette dispute qu'ils souhaitaient tout deux éviter – elle s'éloigna. Cillant pour éviter les larmes qui lui brûlaient les yeux, elle se perdit entre les rayonnages. Du coin de l'œil, elle vit Draco se lever, Ron le prendre de vitesse…

Elle était déjà dans la section Histoire le temps que son meilleur ami la rattrape.

« Hermione… » soupira-t-il, en l'attirant contre lui. C'était à moitié un reproche et à moitié une tentative de la consoler.

Elle s'abandonna à l'étreinte une poignée de secondes puis s'écarta, croisant les bras devant la poitrine plus pour se réconforter que par défiance. « Il ne veut toujours pas me parler. »

Ron s'appuya contre le lourd rayonnage, croisant lui aussi les bras quoi que de façon beaucoup plus belligérante. « Tu as essayé de t'excuser ? »

Elle savait que le garçon l'avait fait. Il lui avait proposé de venir avec lui ce matin où il était allé trouver Harry mais elle ne pensait pas devoir s'excuser. Qu'avait-elle dit qui était faux ? Où était son tort à part de s'inquiéter pour lui ?

« Il ne veut pas venir à l'A.D. ce soir… » déplora-t-elle, sans répondre. C'était inutile, ils connaissaient tous deux la réponse à sa question.

Ron poussa un long soupir. « J'essayerai de lui parler mais… Peut-être qu'il vaut mieux ne pas insister pour le moment, lui laisser un peu d'espace. Tu y es allée trop fort, l'autre jour. Et puis… Franchement, peut-être qu'il n'a pas tort… Peut-être que c'est Snape qui a raison. »

« Tu ne vas pas commencer, toi aussi ! » s'impatienta-t-elle. « Dumbledore sait ce qu'il fait. Si… »

« Il est persuadé qu'il va mourir. » murmura-t-il.

Cela lui coupa la parole plus sûrement que s'il avait hurlé.

Hermione jeta un coup d'œil autour d'eux. Il y avait un sixième année plus bas dans l'allée qui cherchait un livre. Elle jeta le sort qui leur assurerait une certaine intimité.

« C'est pour ça qu'il faut qu'il suive les instructions de Dumbledore. » riposta-t-elle, dans un chuchotement. « C'est pour ça qu'il faut qu'il s'implique. S'il ne se prépare pas… » L'idée de ce qui pourrait arriver si Harry n'était pas prêt lorsqu'il se retrouverait à nouveau face à Voldemort la terrifiait. « Snape ne l'aide pas en essayant de le tenir à l'écart. Je peux comprendre que ses intentions soient bonnes mais… » Elle soupira. « On dirait qu'Harry ne prend pas la chose au sérieux. »

Et cela la mettait hors d'elle parce qu'elle ne comptait pas le perdre une nouvelle fois.

« Je crois qu'il le prend très au sérieux. » contra Ron. « C'est juste que… Il s'est mis dans la tête que la prophétie veut dire que Tu-sais-qui va le tuer. Et il pense que c'est le plan de Dumbledore. »

« Impossible. » cingla-t-elle. « Peut-être que Dumbledore veut qu'il l'affronte mais pourquoi est-ce qu'il le préparerait autant juste pour le regarder se faire tuer ? Ça n'a aucun sens, tu vois bien. » Elle hésita un moment puis baissa le regard pour que son meilleur ami n'aperçoive pas son air coupable. « Remus m'a envoyé une autre lettre. Il voulait savoir si on avait repéré quoi que ce soit, comment allait Harry… Ce genre de choses. »

Le Gryffondor la dévisagea longtemps, sans s'embarrasser de cacher sa désapprobation. « Et qu'est-ce que tu lui as dit ? »

« La vérité. » avoua-t-elle. « Que Snape voulait adopter Harry, qu'Harry était bizarre… »

« Il n'est pas bizarre. » protesta Ron, en secouant la tête. « Il est juste… »

« Oh, s'il te plait ! » l'interrompit-elle, avec agacement. « Il ressemble au Harry que tu connais, peut-être ? Tu vois bien qu'il ne va pas bien ! Il ne rit presque pas, il a toujours l'air triste quand on ne le regarde pas, il mange à peine, il est déprimé, il s'isole, il prétend tout savoir sur tout dès qu'on lui fait une remarque et ne me lance même pas sur l'utilisation abusive de l'Occlumencie… »

« Il croit qu'il va mourir. » répéta son meilleur ami, dans un sifflement. « Tu ne comprends pas ? »

Elle comprenait mais elle refusait de l'accepter.

Ce n'était pas possible.

Elle leva le menton, un geste de défi. « J'ai eu raison d'en parler à Remus. Visiblement, la négativité de Snape ne lui réussit pas. »

La mâchoire de Ron était contractée, il était renfrogné. « Et tu crois vraiment que Remus va faire quelque chose ? »

« Il pourra en parler à Dumbledore. » rétorqua-t-elle.

« Et ça va changer quoi ? » rétorqua-t-il. « Ce n'est pas comme si Harry se confiait à Remus. Ou à Dumbledore. » Il la regarda un moment, avant de secouer la tête. « Il l'aime, Hermione. Il l'aime, il a trouvé une famille et… Oui, j'ai mes doutes et je n'approuve pas tout… Mais je ne vais pas lui mettre des bâtons dans les roues. S'il pense que Snape est le seul qui agira dans son intérêt, le seul qui veuille vraiment le sauver… Je lui fais confiance et je refuse de m'en mêler. Je ne vais pas le perdre pour ça. »

« Je ne veux pas le perdre non plus. » contra-t-elle. « C'est pour ça que je… »

« Si tu te mets entre lui et son père, ce n'est pas toi qu'il va choisir. » la prévint-il. « On a eut tort de se mettre au milieu. On devrait le soutenir quoi qu'il arrive pas remettre en question un truc qu'il a désiré toute sa vie. »

Hermione hésita. « Mais… »

« Est-ce que tu penses que Snape ferait du mal à Harry ? » la coupa-t-il.

À une autre époque, peut-être.

Là, tout de suite…

« Non. » avoua-t-elle. « Et je ne pense pas non plus qu'il soit mauvais. Mais Remus… »

« Laisse Remus là où il est. » lui conseilla Ron. « On n'est pas membres de l'Ordre. On n'est pas à la solde de Dumbledore. Nous, la seule personne dont on doit se tracasser, c'est Harry. »

« Mais c'est ce que je fais ! » siffla-t-elle. « Et tu étais d'accord avec moi. »

« C'était avant que j'en parle calmement avec lui. » déclara-t-il, en haussant les épaules. « Peut-être que si tu t'excusais et que tu faisais la même chose… »

Elle pinça les lèvres mais éprouvait un tel sentiment de défaite qu'elle hocha finalement la tête et laissa Ron la ramener vers les autres.

Excepté que la plupart de leurs amis étaient partis, Harry et Draco inclus.

« Ils sont allés jouer au Quidditch. » lui apprit Neville, en se débattant avec son manuel de Défense.

Malgré elle, elle en fût un petit peu soulagée.

Elle n'était pas sûre d'être prête pour une nouvelle confrontation.

Et, en attendant…

Il était peut-être temps qu'elle aille trouver le seul autre adulte en qui Harry avait jamais eu confiance avant toute cette histoire.

°O°O°O°O°

Le bout de ses doigts effleurèrent le vif d'or qui s'éloigna à tire d'ailes.

Draco eut à peine le temps de replacer la main sur le manche pour accélérer que Potter lui coupait la route, plongeant en piqué pour rattraper la balle dorée qui lui échappa finalement in extremis, lui arrachant un juron.

Ignorant les autres qui fonçaient au-dessus de leurs têtes à la poursuite du souaffle, Draco s'arrêta juste à côté du lion avec un regard railleur.

« Ce n'est pas si facile lorsqu'on n'a pas un balai dernier cri, n'est-ce pas ? » se moqua-t-il.

Il se savait pas comment Daphné était parvenue à soutirer à Potter le droit d'essayer l'Éclair de Feu et il aurait menti s'il n'avait pas admis être vert de jalousie mais voir le Gryffondor se débattre avec un Nimbus 2000 après s'être habitué à la fine fleur de ce que comptaient les balais de course était distrayant.

Potter grommela quelque chose à propos de matchs de Quidditch qu'il aurait gagnés sur des balais ancestraux, probablement dans son passé alternatif, et lui jeta un coup d'œil agacé. « C'est toi qui dit ça ? Rappelle-moi qui a acheté sa place dans l'équipe de sa Maison avec des balais tous neufs, déjà ? »

Draco l'observa sans ciller, sans se sentir le moins du monde coupable.

Le Gryffondor détourna les yeux le premier, en secouant la tête, l'ombre d'un sourire amusé aux lèvres. Au lieu de repartir à la recherche du vif d'or, il leva la tête et regarda Daphné foncer d'un côté à l'autre du stade, juchée sur l'Éclair de Feu, le souaffle sous le bras. Elle paraissait avoir oublié qu'elle était censé marquer et se contentait de distancer ses poursuivants en riant comme une démente.

Les Greengrass, se lamenta-t-il silencieusement. Ils se comportaient parfois comme la plèbe.

Cela, au moins, paraissait amuser Blaise qui l'observait faire avec indulgence et avec un amour indéniable.

Il aurait pu qualifier de ridicule l'expression rêveuse sur le visage de son meilleur ami s'il n'avait pas été bien persuadé qu'il dévorait Granger des yeux de la même manière la plupart du temps.

Ce qui lui rappelait…

« Tu lui fais de la peine. » déclara-t-il, son ton se durcissant.

Potter fit pivoter son balai pour mieux lui faire face, sourcils froncés. « À qui ? » La réponse dût lui apparaître comme évidente parce que ses épaules s'affaissèrent. « Hermione. »

Cela aurait été plus simple s'il avait fait preuve de morgue ou s'était mis en colère. Au lieu de ça, il avait l'air aussi abattu que sa petite-amie, ce que Draco trouvait personnellement ridicule. S'ils étaient aussi désespérés d'être en froid et étant donné le manque flagrant d'hostilité ouverte, ils auraient tout aussi bien fait de se réconcilier.

« Elle s'inquiète pour toi. Elle tient à toi. » lâcha-t-il. « Et cela ne me fait aucun plaisir, crois le bien, mais si tu disparaissais à nouveau, elle en aurait le cœur brisé. Or, son cœur, c'est à moi d'en prendre soin. »

Potter semblait déchiré entre l'envie de lui dire de se mêler de ses affaires et une profonde lassitude. La lassitude l'emporta.

« C'est compliqué, Malfoy. » soupira-t-il.

Il émit un bruit amusé. « Cela ne l'est pas tant que ça. » Il garda le silence quelques secondes, observant sans le voir leurs amis poursuivre Daphné et le souaffle qu'elle refusait toujours de lâcher. « J'ai grandi avec Crabbe et Goyle, certes c'étaient plus des sous-fifres qu'autre chose, je n'ai jamais été aussi proche d'eux que de Blaise. » L'attention de Potter était soutenue et, pour cacher son malaise, il se redressa un peu plus, le dos droit et l'air altier. Une attitude qui était convenable pour un Sang-Pur mais pas lorsque celui-ci était perché sur un balai. Il dût redresser le manche pour l'empêcher de dériver. « Aujourd'hui, ils n'hésiteraient pas ni l'un, ni l'autre à me poignarder dans les douches s'ils en avaient l'occasion. »

« Il faut que tu te tires de chez les serpents. » répondit Potter, sans comprendre la teneur de son propos.

Non qu'il en soit étonné.

Les Gryffondors, et Potter en particulier, avaient tendance à mettre du temps à intégrer les choses évidentes.

« Ce que j'essaye de te dire, c'est que mon amitié avec Crabbe et Goyle est compliquée. Ton amitié avec Granger ou Weasley est, elle, très simple. » répliqua-t-il. « Réfléchis-y. Et cesses de rendre ma petite-amie malheureuse ou nous allons avoir un problème, toi et moi. »

Il accéléra brusquement, fonçant vers l'éclat doré qu'il venait de repérer près d'un des anneaux des buts.

Potter s'élança après lui, le talonnant, poussant autant qu'il le pouvait sur son balai…

Draco se perdit dans la course, dans la sensation du vent qui lui fouettait le visage, dans l'excitation du moment…

C'était préférable à laisser ses pensées s'attarder sur des amitiés perdues.

°O°O°O°O°

Tonks débarqua au Département des Aurors à bout de souffle d'avoir couru depuis l'atrium.

Le large espace de travail était plein à craquer d'Aurors – ou, du moins, de ce qui passait pour des Aurors de leurs jours. Les visages étaient trop jeunes, pleins de bonne volonté mais terrifiés, ou trop vieux, déterminés mais burinés par le temps et les années déjà sacrifiées à la protection de la communauté magique.

Les uns comme les autres s'écartèrent pour la laisser passer, la saluant d'hochements de tête ou de murmures, avec un respect auquel elle peinait toujours à s'habituer.

« Qu'est-ce qui se passe ? » demanda-t-elle, dès qu'elle eut atteint Kingsley qui se tenait à l'avant du groupe, parcourant des parchemins à une vitesse folle.

Le Patronus de son ami n'avait pas été très clair. Il lui avait simplement intimé de revenir d'urgence au Ministère aussi vite que possible.

Elle avait abandonné Charlie et Anthony au Chaudron Baveur et avait sauté par la cheminée que Tom s'était empressée de lui libérer.

« On nous a signalé trois Marques des Ténèbres à trois endroits différents. » expliqua immédiatement Kingsley. « Bennet a déjà emmené un groupe vers l'un des sites. Je prends l'autre, tu dois couvrir le troisième. »

Bennet était trop vieux pour être sur le terrain, c'était la raison pour laquelle ils lui avaient confié le programme de formation… Ce n'était pas une bonne idée.

« On a confirmation qu'il y a des Mangemorts ou… » s'enquit-elle.

« Non. » l'interrompit-il. « Mais je ne veux pas prendre de risques. Ils sont de plus en plus agressifs ces derniers temps. »

Les attaques éclairs se multipliaient, créant la terreur derrière elles et laissant souvent le Ministère à la traîne. Les morts, Moldus ou sorciers, se comptaient par dizaines.

Elle étudia la force d'une cinquantaine de personnes rassemblées derrière elle puis se rapprocha de son partenaire, baissant la voix. « Si tu déploies toutes nos troupes… »

Maigres comme elles étaient…

« Scrimgeour est dans son bureau. Je laisse un contingent ici, il peut prendre le commandement si nécessaire. » la rassura Kingsley. « Si la situation dérape de ton côté, préviens Dumbledore. Nous aurons besoin de l'Ordre. »

Elle hocha la tête pour montrer qu'elle avait compris ses ordres, se tourna vers le groupe d'Aurors derrière elle et en appela un tiers. Lorsqu'elle partit au pas de course vers là où il leur serait possible de transplanner, ils suivirent, Albert à sa gauche et Leo à sa droite.

De toutes les nouvelles recrues, c'étaient eux les plus aguerris et, si elle ne pouvait pas avoir Kingsley à ses côtés, c'étaient encore eux qu'elle préférait avoir avec elle. Les autres… Les autres y mettaient toute la meilleure volonté du monde mais n'avaient pas terminé leur formation et, bien qu'ils apprennent vite, ils avaient tendance à ne pas forcément obéir aux ordres dans la panique.

« Quelque chose à signaler à Poudlard ? » demanda-t-elle à Albert.

C'était à lui qu'elle assignait le plus souvent à la protection de l'école. Il était suffisamment jeune pour bien se rappeler des lieux, paraissait connaître le terrain comme sa poche, et était assez sympathique pour ne pas donner l'impression au corps professoral de leur marcher sur les pieds.

« Grindelwald ne sort pas de la tour du Directeur. » répondit-il, sachant ce qu'elle désirait vraiment entendre.

Elle accepta cette information d'un hochement de tête.

« Grindelwald à Poudlard… » grogna Leo. « Le monde marche sur la tête. »

Elle ne pouvait pas le nier.

« Faites attention tous les deux. » lâcha-t-elle. « Surveillez vos arrières, essayez d'encadrer les autres autant que possible… Là-dehors, vous êtes mes seconds, compris ? Vous relayez mes ordres mais si on est séparés ou si je tombe, vous avez l'autorisation de prendre le commandement. Votre première mission dans ce cas de figure est de contacter Shacklebolt. »

Ils hochèrent la tête, aussi sérieux l'un que l'autre. Elle regarda tous les autres tour à tour pour s'assurer qu'ils avaient tous entendu les consignes, qu'ils avaient tous l'air grave plutôt qu'excité parce que la dernière chose dont elle avait besoin était de jeunes gens qui voudraient jouer aux héros.

Juste avant de transplanner vers le lieu que lui avait indiqué Shacklebolt, elle eut une pensée pour Fol'Œil et ce qu'il aurait dit en voyant l'état du Département à présent. La plupart d'entre eux étaient à peine plus jeunes qu'elle mais la manière dont ils la regardaient, agissaient avec elle… Elle avait l'impression d'avoir trente ans de plus. Elle se sentait vieille. Usée. Il lui arrivait de se demander si Fol'Œil aussi s'était senti comme ça.

Le transplannage la força à se concentrer sur autre chose.

Il leur était arrivé si souvent de débarquer après la bataille ou de faire face à un petit groupe de deux ou trois Mangemorts qu'elle ne s'était honnêtement pas attendue à la scène qu'elle interrompit.

La bourgade était Moldue, elle était également en proie aux flammes qui jetaient des reflets changeant dans l'obscurité, diminuant d'autant la visibilité.

La Marque des Ténèbres, verdâtre mais nette, flottait dans un ciel sans étoiles.

Et une quinzaine de Mangemort déambulaient, torturant les Moldus, riant à gorge déployée, lançant des incendio à droite et à gauche comme si le brasier ne flambait pas assez haut.

Elle avait treize Aurors avec elle.

Elle estima, durant les quelques secondes de flottement que mirent les Mangemorts à s'apercevoir de leur présence, que le combat serait dur mais équitable. Elle repéra leur leader facilement car il se tenait en retrait et ne se laissait pas aller à la même indécence que ses troupes.

Un Mangemort plus aguerri, devina-t-elle.

Un Mangemort qui ne s'embarrassait pas de porter un masque : Rabastan Lestrange.

Les autres étaient sans doute de nouvelles recrues, pour qui ce genre d'affrontements était tout aussi nouveau que pour ses Aurors.

Elle cria ses ordres : la mission était de protéger les civils, capturer leurs adversaires n'était pas leur priorité, l'usage de l'Avada était autorisé. Elle n'eut pas le temps de leur assigner des postes plus précis, la vague de Mangemorts déferla sur eux, impitoyable et impatiente d'en découdre.

°O°O°O°O°

Severus arracha ses yeux aux documents étalés devant lui sur la surface de son bureau, levant un sourcil lourd de mécontentement.

« Si seulement il existait des objets capables de donner l'heure… » ironisa-t-il.

Black referma la porte du bureau du Professeur de Défense avec un rictus peu aimable et vint s'affaler dans un des fauteuils près de l'âtre comme s'il était chez lui. Encore que, supposait Severus, il l'était un petit peu. Après tout, ils partageaient désormais le poste de Professeur et, donc, le bureau qui s'y apparentait. De plus, c'était ici qu'ils conservaient toutes les recherches sur l'horcruxe, ainsi que les grimoires et autres documents qui s'y rapportaient. Ces derniers temps, Black venait s'y pencher tout aussi souvent que lui.

Et il restait à Severus le bureau de Directeur de Maison, ce n'était donc pas un trop gros sacrifice de partager celui-ci.

L'Animagus attrapa le grimoire, le parchemin et la plume qu'il avait abandonnés à côté du fauteuil à un moment donné, mais n'ouvrit pas le livre.

« Hermione m'a attrapé après le dîner. » annonça le sorcier. « Elle voulait à tout prix me parler en privé. »

Severus cessa d'étudier le dossier sur Tom Jedusor, intrigué, et non sans un mauvais pressentiment au creux du ventre. « Et pourquoi donc ? »

Black pianota distraitement sur le grimoire, les traits tirés. « Est-ce qu'Harry t'a dit quelque chose récemment ? Tu le trouves différent ou… »

« L'horcruxe ne peut pas le posséder. » l'interrompit-il froidement.

Non pas que Granger ait dû pouvoir s'inquiéter de ce genre de choses. Elle n'était pas censé être au courant.

L'homme tourna vers lui un regard fatigué. « Non, ce n'est pas ça. Du moins je ne crois pas… Elle est venu me dire qu'elle s'inquiétait pour lui. »

Le Maître des Potions fronça les sourcils. « Ils sont en froid. J'ignore ce qu'il s'est passé exactement, Harry n'a pas voulu me le dire. Je n'ai pas insisté puisqu'il semble s'être réconcilié avec Weasley. »

« Elle dit qu'il est déprimé, défaitiste… » insista Black. « Qu'il s'isole. Qu'il pense que Dumbledore va le sacrifier ou un truc du même genre. »

Severus s'appuya plus fermement contre le dossier de son fauteuil et ferma brièvement les paupières, las. « Et cela t'étonne ? »

« Non. » admit le sorcier. « Mais c'est vrai que ça ne lui ressemble pas. Il est très renfermé depuis quelques temps. C'est quelqu'un de joyeux, d'habitude, de… »

« C'était quelqu'un de joyeux. » le corrigea-t-il doucement. « Avant de voir un ami mourir devant lui, assassiné par Pettigrow. Avant de découvrir l'existence de l'horcruxe. Avant d'être touché par un sort de mort. » La liste était non-exhaustive. « Et je ne suis pas persuadé qu'il était si joyeux que ça, au fond. Peut-être le cachait-il davantage. » L'ombre des Dursley plana dans la pièce. « Il est traumatisé. Il fait des cauchemars trop souvent, a des attaques de panique pour un rien… Il y a beaucoup trop de pression sur ses épaules. »

Et il avait perdu du poids récemment, ce que Severus ne pouvait tolérer. Il n'avait aucune envie de voir le gamin retrouver son apparence famélique du début de l'année.

« Qu'est-ce qu'on peut faire ? » demanda Black, en se penchant un peu en avant. « Quand j'essaye de lui parler de choses importantes ou de comment il va, il se referme comme une huitre. »

« Si ce n'était donné qu'à moi, je lui aurait déjà trouvé un thérapeute. Quelqu'un à qui il pourrait parler sans crainte de jugement. » répondit-il d'un soupir. « Albus ne le permettra jamais, il y est opposé. » Il balaya l'air de la main avec agacement. « Il vient me trouver lorsqu'il en a besoin. Il me parle de ce qui le perturbe. Pour l'instant, c'est le mieux que nous puissions faire. »

Black l'étudia un moment puis baissa les yeux vers le grimoire sur lequel il pianotait toujours nerveusement. Severus ne fût pas surpris lorsqu'il sortit un paquet de cigarettes de sa poche et en alluma une.

« Apparemment, il a dit à Ron qu'il allait mourir. » lâcha l'Animagus. « Pas qu'il pourrait mourir mais qu'il allait mourir. »

Severus eut la sensation qu'on lui avait déversé un sceau d'eau froide sur la tête.

« A-t-il… » Sa voix se serra et il dût se racler la gorge, occluder la panique pour rester calme, efficace. « A-t-il laissé entendre qu'il pourrait se faire du mal ? »

C'était une crainte qui lui avait effleuré l'esprit une ou deux fois mais Harry ne lui avait jamais donné de raison concrète de s'y attarder. Le lion était bien plus susceptible de se faire tuer par noblesse – ou bêtise – qu'en cherchant volontairement à se blesser.

Toutefois, Severus ne pouvait nier qu'il exhibait des signes alarmants d'imprudence lorsqu'il était question de sa sécurité physique ou de sa santé. Le Professeur blâmait les Dursley pour cela. Personne ne lui avait jamais inculqué qu'il était important et, en conséquence, il agissait comme si son existence n'avait aucune valeur – ou, tout du moins, moins de valeur que celle de n'importe qui d'autre.

« Non. » répondit Black, avec le même soulagement qui le fit s'affaisser légèrement. « Je pense qu'il parlait de l'horcruxe. Je ne pense pas qu'il… Tu crois qu'il pourrait… »

« Non. » confirma-t-il. Harry savait pertinemment que Severus en souffrirait s'il faisait quelque chose d'inconsidéré et le garçon était incapable de faire sciemment du mal à personne, particulièrement à ceux qu'il aimait. Il resta silencieux un moment puis secoua la tête. « Je n'ai pas constaté de changements alarmants. Harry est très doué pour donner le change mais ces périodes de déprime n'ont rien de nouveau. »

« Comme tous les gamins qui viennent d'un foyer moins qu'idéal. » commenta Black, pince-sans-rire, en lui jetant un regard entendu. « Je suppose qu'on en sait quelque chose, tous les deux. »

Severus se tendit.

Il n'avait fait qu'une brève allusion à son père et n'était pas disposé à en discuter plus avant avec Black.

Le pronom employé ne lui échappa pas, néanmoins.

« Est-il possible que Granger exagère ? » s'enquit-il.

« Hermione n'est pas du genre à inventer des histoires. » contra l'autre sorcier, sur la défensive. Puis, il parut hésiter et grimaça. « Mais c'est vrai qu'elle a mentionné que tu n'avais peut-être pas une bonne influence sur lui… »

Ah.

Il commençait à comprendre l'origine de la dispute.

Harry n'aurait pas très bien digéré ce genre d'accusations.

« Craint-elle que je ne le transforme en Serpentard modèle ou bien s'est-elle mise en tête que j'en faisais le prochain mage noir? » ironisa-t-il.

Il devait avouer une pointe de déception. Il n'avait pas toujours été ni juste, ni agréable avec Granger mais il avait fait au mieux pour réparer la chose, ces derniers temps. Il l'interrogeait en cours, lui donnait les points qu'elle méritait et lui avait, après tout, fait confiance en lui demandant de travailler avec lui sur sa potion.

Certains de ses anciens élèves niveau A.S.P. se seraient battus pour ce privilège.

« Ni l'un, ni l'autre. » réfuta Black, en tirant sur sa cigarette. « Je n'ai pas tout compris, je dois t'avouer. Elle parlait à demi-mots, comme si j'aurais dû être au courant d'un secret mais qu'elle n'en était pas sûre… » Il secoua la tête. « Globalement, je pense qu'elle te reproche surtout de l'éloigner de Dumbledore. Ah, et, visiblement, tu es trop négatif et ça perturbe Harry. »

Il émit un bruit amusé. « Harry est le dernier à se soucier de ma négativité. »

Son pessimisme forçait souvent le garçon à se faire la voix de l'optimisme, au contraire.

« Tu as peut-être raison… » soupira Black, en s'affaissant un peu plus dans son fauteuil. « Peut-être que cela fait un moment qu'il ne va pas bien mais qu'il n'a jamais rien laissé paraître. Je savais qu'il n'était pas heureux chez les Dursley mais je ne savais pas… »

Severus serra la mâchoire et s'efforça de garder son calme, de ne pas projeter une colère qui lui était personnelle sur une situation qui le touchait déjà de trop près. Les mots de Slughorn pesaient lourd sur son esprit et il peinait à supprimer des souvenirs trop invasifs, ces derniers temps. Il avait l'impression d'avoir soulevé le couvercle d'une boîte trop longtemps enfouie en lui et, par de nombreux aspects, c'était comme si elle lui avait explosé au visage, ne lui laissant aucun autre choix que d'affronter des choses qu'il avait préféré ignorer à dessein des années durant.

Il ne comptait plus le nombre de nuits où il s'était réveillé en sueur et à bout de souffle, malgré une application religieuse de l'Occlumencie avant de dormir. Dans la panique, l'autre soir, il avait presque attaqué Nymphadora. Une bonne chose qu'elle ne soit pas étrangère aux cauchemars trop prenants ou violents et ait anticipé sa réaction.

Elle n'avait pas posé de questions, ce pourquoi il était reconnaissant.

Lorsqu'il se laissait aller à penser à ce qu'Harry avait vécu… Sa rage déjà bien présente se décuplait et il peinait à la contrôler.

« Il pense toujours que le fait qu'ils l'aient enfermé dans un placard n'était pas si grave. » remarqua-t-il, d'un ton dangereux. « Que tout ce qu'ils lui ont fait subir n'était pas si grave. Je pense qu'il a compris que ce n'était pas normal, mais il agit toujours comme si c'était de son fait à lui, comme s'il était déficient ou ne méritait pas la même attention qu'un autre enfant. »

Black prit une longue bouffée de sa cigarette. Le bureau empestait désormais le tabac et Severus ne put s'empêcher de le respirer à pleins poumons. Une part de lui était tentée d'en emprunter une à l'autre sorcier, de laisser la nicotine chasser momentanément ses problèmes. Mais c'était une part de lui qu'il avait laissée dans son adolescence et, de plus, il ne pourrait jamais regarder Harry en face s'il cédait à cette sirène là. Pas après la dispute qui avait failli être celle de trop pour le garçon.

Il agita sa baguette, assainissant l'air.

« Il en a toujours un peu plaisanté. » lâcha l'Animagus. « Ou, du moins, il tournait ça à la plaisanterie. Maintenant, je me dis que c'était sa manière de dédramatiser la situation. Qu'au fond, il a honte. »

« Bien sûr qu'il a honte. » commenta-t-il, tout en faisant léviter un cendrier vers Black avant qu'il ait pu mettre davantage de cendres partout. L'Animagus le remercia distraitement d'un hochement de tête. « Je viens de te le dire, il pense que c'est sa faute. Il croit toutes les horreurs qu'ils lui ont crachées au visage, à un niveau plus ou moins conscient. » Il poussa un soupir. « Il faudra du temps pour l'aider à se débarrasser du poison qu'il lui ont mis en tête. Si cela est seulement possible. »

Black resta silencieux un moment, puis soupira. « Mon père avait la main leste mais il avait surtout la langue très aiguisée. C'est fou ce que les mots peuvent faire mal parfois. »

Severus détourna le regard, mal à l'aise face à la facilité avec laquelle l'autre homme semblait prononcer ces mots.

« La première fois que je suis allé chez les Potter… » continua l'Animagus, les yeux perdus dans le vague. « J'ai eu l'impression de changer de planète. Je ne savais pas ce que c'était une famille équilibrée où les gens n'échangeaient pas d'insultes enveloppées de fausse affection à table, où les parents ne regardaient pas leurs enfants comme s'ils étaient leur plus grosse déception, où on n'encourageaient pas les gamins à une compétition permanente… » Il secoua la tête. « Ma tante et mon oncle n'étaient pas mieux. Les filles… Ce n'était pas plus facile pour elles. D'une certaine façon, c'était peut-être pire. Mon père et mon oncle parlaient toujours d'elles comme des juments à vendre… Devant elles, même. Leur seule valeur était le mariage qu'elle pourrait faire… »

Severus avait vécu une expérience similaire avec la famille de Lily. Les Evans l'avaient pris sous leur aile mais, contrairement à Black, il avait fui leur hospitalité plus souvent qu'il ne l'avait acceptée.

Qu'avait dit Rose Evans dans le soixante-quinze alternatif déjà ? On ne pouvait pas apprivoiser un chat sauvage…

Son silence avait dû être trop prolongé, trop lourd, parce que Black se racla la gorge, visiblement gêné par les confidences qu'il venait de faire.

« Harry t'a-t-il parlé de ce qu'il souhaiterait faire après Poudlard ? » demanda-t-il, désespéré de changer le sujet.

L'Animagus écrasa sa cigarette dans le cendrier, son visage s'éclairant immédiatement. « Auror, non ? James aurait été… »

« Médicomage. » l'interrompit-il, non sans une certaine fierté.

« Vraiment ? » s'étonna Black. « Il ne m'a jamais dit que ça l'intéressait. Il a une telle passion pour la Défense… »

« Pétunia l'a apparemment convaincu qu'il n'était pas assez intelligent pour faire quoi que ce soit de trop compliqué. » grinça-t-il, en lui jetant un regard lourd de sens. « Il va de soi que lorsqu'il t'en parlera tu n'exprimeras qu'un soutien sans faille. James Potter était peut-être un Auror mais… »

« James aurait voulu qu'Harry fasse quelque chose qui le rende heureux. » le coupa Black. « Et moi aussi. Pas besoin de me faire la leçon, je ne suis pas complètement idiot. »

« Heureux de l'entendre, ce n'est pas toujours évident. » railla-t-il.

Black leva les yeux au ciel, non sans amusement. « Je me demande bien pourquoi Hermione pourrait penser que tu es une mauvaise influence et pourquoi Harry est devenu si sarcastique dernièrement. »

Severus préféra se pencher à nouveau sur le dossier de Jedusor plutôt que de répondre, ne serait-ce que pour cacher son propre amusement.

°O°O°O°O°

La sueur qui ruisselait sur ses joues couvertes de suie lui piquait les yeux mais Tonks n'avait pas le temps de s'essuyer le visage. Elle virevoltait, bondissait et esquivait, à bout de souffle et pourtant forcée de respirer avec modération. La fumée acre lui piquait la gorge, lui faisait monter les larmes, mais elle ne pouvait pas se permettre de tousser, non plus.

Le gros des Mangemorts avait convergé vers elle.

Parce qu'ils l'avaient reconnue et avaient ordre de la capturer morte ou vive ?

Parce qu'elle était clairement la plus dangereuse du groupe d'Auror et qu'ils voulaient l'abattre pour mieux désorganiser le groupe ?

Au demeurant, cela l'arrangeait.

Pendant qu'ils se focalisaient sur elle, son équipe avait le champ libre pour évacuer les blessés, pour tenter d'endiguer l'incendie… Elle était vaguement consciente de la présence d'Albert et Leo légèrement derrière elle qui avaient organisé quelques autres en formation… Lentement mais sûrement, ils repoussaient les Mangemorts.

Elle commençait à se dire que la bataille était gagnée lorsque Rabastan Lestrange entra dans la danse.

Il vint droit vers elle et, comme sous un ordre muet, les Mangemorts s'écartèrent pour engager d'autres cibles, la laissant à sa merci. Ou ce qu'ils pensaient être sa merci.

Il était courant au milieu d'une bataille que se créent des poches de duels plus personnels, dans ces cas là, les autres sorciers n'intervenaient généralement pas. Même les Mangemorts respectaient ces règles tacites, elle supposa donc qu'elle n'avait pas à craindre un Avada dans le dos.

Ils échangèrent quelques passes, des sorts plus ou moins forts destinés à jauger le niveau de l'adversaire. Tonks para, répliqua, para encore…

Elle dévia un stupifix vers un autre Mangemort qui s'écroula, provoquant un certain amusement chez Lestrange.

Puis le combat devint sérieux.

Lestrange était excellent duelliste et connaissait bon nombre de sorts qui la firent frissonner. Plus d'une fois, l'un des boucliers que Severus lui avait appris lui sauva la vie. Un protego classique n'aurait jamais suffit à bloquer ces maléfices.

Lestrange était excellent pourtant elle parvint à le mettre en difficulté une fois ou deux, lança un sort d'entrave qui brisa son bouclier et qu'il n'évita qu'au prix d'une esquive inélégante. Il parvint de justesse à bloquer le stupifix qu'elle lança juste derrière…

« Le Seigneur des Ténèbres a de grands projets pour toi… » siffla-t-il, sa voix presque entièrement couverte par le craquement des bâtiments en proie aux flammes, par les hurlements des blessés et le chaos de la bataille. Il entrecoupa chaque mot d'un maléfice et tout ce qu'elle put faire fût de concentrer toute sa force dans ses boucliers, bloquer, bloquer et bloquer encore. « Peut-être qu'il me laissera envoyer un petit cadeau à Severus… Que crois-tu qu'il préférerait ? »

Le premier Adava fusa vers sa tête et elle se jeta au sol, tirant une dague de sa botte et la lançant dès qu'elle fût à nouveau sur ses pieds dans un mouvement fluide. Combien de fois Fol'Œil l'avait-il forcée à répéter ce mouvement à l'entraînement ? Des centaines ? Des milliers ?

Lestrange dévia la dague avec précipitation.

Par un heureux hasard pour lui, elle alla se ficher dans la cuisse d'une des Aurors qui s'écroula dans la poussière avec un cri de douleur. Tonks voulut faire un pas vers elle, se ressaisit à temps pour parer le prochain maléfice…

« Un doigt ? » la provoqua Lestrange. « Une oreille ? »

Un nouvel Avada fusa vers elle.

Elle bondit sur le côté, répliquant immédiatement d'un sectumsempra. Le sort de mort ne lui venait pas facilement. Les maléfices de Severus, en revanche, ne demandaient pas d'état d'esprit particulier et étaient tout aussi efficaces, bien que moins propres.

Lestrange ne para pas à temps et le sortilège lui lacéra le bras gauche, lui arrachant un cri de douleur.

« Salope… » cracha-t-il. « Tu veux jouer à ça ? Diffindo ! »

Elle dressa un bouclier hâtif qui bloqua le sortilège mais elle dût reculer sous sa force. Elle manqua trébucher sur un corps étalé là. Elle se força à ne pas regarder. Ami, ennemi ou victime… Elle ne pouvait pas se permettre de se déconcentrer, de le perdre de vue ne serait-ce qu'une seconde…

« Peut-être que je lui enverrai plutôt un œil. » reprit Lestrange, avec un nouveau sort de mort. « Ou peut-être que je lui enverrai le souvenir de ce que je vais te faire une fois que… »

Il s'interrompit lorsque le craquement caractéristique d'une douzaine de transplannage couvrit presque la cacophonie de la bataille.

C'était Kingsley et ses Aurors. Ils prenaient leurs ennemis en tenaille.

Les Mangemorts paniquèrent, commencèrent à refluer…

Tonks attaqua à nouveau avec une énergie décuplée. Distrait par l'arrivée des renforts, Lestrange ne para pas à temps.

Le Sectumsempra le heurta en pleine poitrine.

Elle avait mis suffisamment de force dans son maléfice, cette fois-ci, pour qu'il s'effondre. Il tomba à genoux, les yeux écarquillés, l'écume rosâtre perlant à ses lèvres, le sang imbibant ses robes, la regardant comme s'il ne comprenait pas… Sa baguette échappa à ses doigts gourds et il s'écroula la tête la première.

Elle s'autorisa à souffler une seconde, le soulagement menaçant de lui couper les jambes.

Elle était sur le point de s'approcher, pour écarter sa baguette d'un coup de pied et vérifier qu'il était bien mort, lorsqu'elle entendit Albert hurler : « Non ! »

Elle vit l'éclat vert du coin de l'œil, se tourna à temps pour voir Leo être projeté en arrière et atterrir contre un bâtiment en flammes. Mort avant même d'avoir décollé.

Albert cherchait à se frayer un chemin jusqu'à son partenaire, sans se soucier d'être à découvert…

Il y avait suffisamment d'Aurors, à présent, pour que l'issue de la bataille soit certaine mais cela demeurait dangereux. Elle le couvrit du mieux qu'elle le put à distance, jetant bouclier après bouclier jusqu'à ce qu'il atteigne la dépouille de son ami… Le temps qu'il constate qu'il n'y avait plus rien à faire et ne se tourne pour chercher le coupable avec une rage vengeresse que Tonks avait éprouvé plus d'une fois, ces derniers mois…

Elle ne se rendit pas compte qu'elle s'exposait elle-même, trop soucieuse de couvrir celui qu'elle considérait un peu comme son protégé.

Le sort la heurta sous la poitrine, l'envoyant voler sur quelques mètres. Elle heurta le sol, le souffle coupé…

Puis la douleur frappa.

Et elle hurla.

Sa cage thoracique était…

Tout était…

Elle croisa le regard de Lestrange qui la fixait avec un rictus ensanglanté, l'air satisfait… Il mourut la seconde suivante mais elle n'était plus en état de s'en soucier.

« Tonks ! » cria Albert, en la repérant. Il se jeta à genoux à côté d'elle, ses mains tâtèrent son corps à la recherche d'une blessure qu'il ne trouva pas.

Elle ne pouvait plus parler, ne pouvait pas expliquer… Elle toussa, sentit le sang remonter dans sa gorge, manqua s'étouffer…

Tous les Aurors étaient formés aux premiers secours mais cela n'allait pas bien loin. Les mains tremblantes, il jeta un sort de diagnostic…

« Merde ! Merde ! » s'écria-t-il, complètement paniqué lorsqu'il obtint le résultat. « Vos côtes sont en miettes. Merde ! »

Et les éclats avaient dû perforer des choses, songea-t-elle, à demi-consciente, luttant pour rester éveillée, pour continuer à respirer.

La douleur…

Oh, ce ne serait pas une bonne manière de mourir… Mieux aurait valu un Avada.

Ses pensées s'égarèrent vers ses parents, dansèrent vers Severus…

Elle ferma les yeux, se remémora le matin dans sa cuisine… Ses bras autour d'elle, la chaleur dans ses yeux noirs, le bonheur comme une bulle dans son ventre…

« Non ! Hé ! Restez réveillée ! » Albert la secoua sans ménagement, lui arrachant un gémissement. Elle força ses paupières trop lourdes à s'ouvrir, s'accrocha aux larmes qui roulaient sur les joues du trop jeune homme… Il regarda autour de lui avec désespoir, panique, puis se pencha à nouveau sur elle. « D'accord, d'accord… Euh… »

Elle ne saisit pas le sort qu'il prononça mais, soudain, tout était mieux et pourtant pire.

Son torse s'affaissa.

La douleur s'apaisa un peu mais ce n'était pas plus simple de respirer, au contraire. La torpeur qui l'envahit était moite, pesante, et elle eut toutes les difficultés du monde à ne pas s'y abandonner.

Bats-toi, murmura une voix dans sa tête, une voix qui ressemblait à s'y méprendre à celle de Fol'Œil. Bâts-toi, gamine.

L'imaginait-elle ? Ou était-il là ? Juste derrière le voile ? Si proche ? Si…

« Qu'est-ce que tu as fait ?! »

Kingsley venait de s'accroupir au-dessus d'elle, un sort de diagnostic déjà aux lèvres. Il fusillait Albert du regard comme si c'était sa faute alors que, vraiment… Il jeta un sort de soin. Deux… Trois… Puis un autre sort qui rendit une forme un peu plus normale à son torse…

Sa respiration se fit pus facile, elle cessa de s'étouffer dans son propre sang… Il ajusta sa tête pour qu'elle peine moins à aspirer l'air.

L'expression de son supérieur était calme mais ce n'était qu'un masque.

La terreur brillait dans les yeux de son partenaire.

« Cet idiot a fait disparaître tes côtes. » déclara lentement Kingsley.

Ça expliquait la sensation bizarre dans son abdomen, se dit Tonks, à moitié dans les vapes.

« Je ne savais pas quoi faire ! » protesta Albert. « Elle… »

Le trait vert sortit de nulle part et le faucha sans prévenir.

Le cœur de Tonks s'emballa alors même que Kingsley se couchait à moitié sur elle pour la protéger, se redressait juste assez pour répliquer…

Elle tourna la tête, plongea dans le regard vitreux d'Albert…

Elle aurait voulu pleurer mais elle n'avait pas l'énergie, pas le souffle.

Elle aurait voulu hurler mais le cri resta bloqué dans sa gorge.

Alors elle ferma les yeux et s'imagina ailleurs.

En sécurité.

« Tonks ? Tonks ! » cria Kingsley. Elle entendit plus qu'elle ne sentit la bardée de sorts de soin. « Ne t'avise pas de me faire ça ! Tonks ! »

Bâts-toi.

Ce n'était plus la voix de Fol'Œil qu'elle imaginait murmurer à son oreille mais une plus grave, plus douce…

Elle avait promis à Severus d'être prudente.

Il serait en colère, songea-t-elle, juste avant de sombrer.