Enjoy & Review!


"When we hold each other, in the darkness, it doesn't make the darkness go away. The bad things are still out there. The nightmares still walking. When we hold each other we feel not safe, but better. "It's all right" we whisper, "I'm here, I love you." and we lie: "I'll never leave you." For just a moment or two the darkness doesn't seem so bad."

Neil Gaiman

« Lorsqu'on s'étreint dans les ténèbres, cela ne fait pas disparaître l'obscurité. Les problèmes sont toujours là dehors. Les cauchemars continuent de marcher. Lorsqu'on s'étreint, on ne se sent pas plus en sécurité mais réconforté. Tout va bien, murmure-t-on, Je suis là, je t'aime. Et l'on ment : Je ne te quitterai jamais. L'espace d'une ou deux secondes, l'obscurité ne parait plus si terrible.
Neil Gaiman


Chapitre 43 : In The Darkness


La Botanique n'était vraiment pas son point fort.

Harry tourna la page du manuel et ravala un soupir. Ce n'était pas qu'il était mauvais, c'était juste que ce n'était pas la matière la plus passionnante du monde.

Le feu craquait dans l'âtre mais il ne faisait pourtant pas chaud dans les cachots. Coinçant le bout de sa plume entre ses dents, il remonta distraitement la couverture sur ses genoux, tout en tâchant de ne pas faire tomber le parchemin sur lequel il avait rédigé la moitié de sa dissertation. L'équilibre état précaire et il aurait probablement mieux fait de s'installer au bureau de sa chambre ou sur la table basse plutôt que sur le canapé.

« Harry ? »

Il émit un bruit interrogatif mais fronça les sourcils en relisant pour la troisième fois le paragraphe dédié à une plante en particulier qui avait trois noms différents et dont les propriétés, il en était quasi certain, étaient plus larges que ce qui était écrit dans son livre de cinquième année. Sev s'en était servi, en soixante-quinze, pour…

« Me prêtes-tu la moindre attention ? »

Il sursauta en sentant la présence du sorcier qui le toisait de derrière le canapé, un sourcil levé. Anticipant la remontrance, il déplaça rapidement l'encrier calé entre sa hanche et le dossier sur la table basse avec une expression innocente.

« Ton incapacité à utiliser le mobilier correctement, mise à part, as-tu entendu un traître mot de ce que je viens de te dire ? » s'enquit Severus, pince-sans-rire.

Pour être honnête, il n'avait même pas entendu le Professeur rentrer. Il s'était réfugié là, après les cours, dans le but non avoué d'échapper à Hermione. Oui, ils s'étaient réconciliés mais elle avait décrété qu'il était nécessaire qu'elle se mette à l'Occlumencie et elle débordait de questions techniques qui lui faisaient tourner la tête.

« Euh… » lâcha-t-il.

Severus leva les yeux au ciel, tout en se débarrassant de sa cape.

« Deux choses. » répéta le sorcier, à présent qu'il avait son attention. « Le Ministère nous demande d'organiser les examens par nous-mêmes et dans les plus brefs délais. »

« Ça veut dire quoi dans les plus brefs délais ? » s'inquiéta-t-il, repoussant toutes ses affaires pour mieux le suivre dans le couloir. Il ignora le regard désapprobateur lorsque le Professeur réalisa qu'il se baladait en chaussettes sur les pierres froides. « On va quand même avoir le temps de réviser ? »

« N'avez-vous pas passé les derniers mois à vous y préparer ? » rétorqua Severus. « Je n'ai pas de réponse plus précise pour l'instant. L'injonction est si visiblement une riposte du Ministre à la folie d'Albus avec Grindelwald que la réunion s'est terminée précipitamment lorsque Minerva a perdu son calme. »

Harry ne chercha même pas à cacher son sourire. Il pouvait imaginer ça sans mal.

« Tant que ce n'est pas demain… » soupira-t-il, songeant aux fiches de révision que Lily l'avait forcé à rédiger si longtemps en avance et qui allaient probablement lui sauver la vie. Il allait devoir les organiser un peu mieux, par contre.

Hermione allait battre le rappel des troupes.

Leur groupe d'étude avait tendance à se relâcher à l'approche de l'été, ces derniers temps, mais cela allait être bel et bien terminé. Elle allait les organiser à la baguette.

Il en était épuisé d'avance.

« Eh bien, nous nous étions déjà plus ou moins préparés à ce cas de figure. » expliqua Severus, en se dirigeant vers la cuisine. « Dînons-nous ici ou dans la Grande Salle ? »

« Ici. » répondit-t-il sans réfléchir.

Le Professeur acquiesça d'un geste machinal et se mit à préparer le repas. Harry l'aida sans y penser. La routine était bien huilée bien qu'elle ait été légèrement bousculée durant les quelques jours où Tonks avait été séquestrée avec eux dans les cachots. Le garçon avait d'abord évité de visiter les appartements autant que possible avant de la prendre en pitié parce que, d'après elle, Severus n'avait rien à lire d'un tant soit peu intéressant, que c'était un tyran qui lui interdisait la moindre activité physique et que, puisque Shacklebolt refusait de lui envoyer de la paperasse à remplir, elle s'ennuyait à mourir durant la journée.

Il avait donc découvert que Tonks était bien meilleure que lui aux échecs sorciers mais beaucoup plus mauvaise à la bataille explosive et qu'elle préférait les romans de science-fiction Moldu bien qu'elle ait décrété que ceux qu'il lui avait ramenés du maigre rayon de la bibliothèque sur le sujet étaient pauvres. Au final, il avait rassemblé tous les magazines de Quidditch qu'il avait pu emprunter à ses amis et les lui avait rapportés, ce qui l'avait occupée un moment.

« Il a été décidé que nous ne noterions pas notre propre matière pour être plus objectif. » continua le sorcier, comme s'il ne s'était pas interrompu. « Ce qui pose la question de décider qui supervisera quoi. »

Harry tâcha au mieux de ravaler un bruit défaitiste. « Vous allez noter les Potions. »

« Évidemment. » déclara Sev. « Black s'est porté volontaire pour le Soin aux Créatures Magiques. »

« Et Slughorn ? » demanda-t-il, curieux.

« La Botanique. » répondit l'homme, provoquant un autre bruit défaitiste chez lui.

Le Professeur de Potions l'ignorait autant qu'il le pouvait depuis l'histoire de l'horcruxe, ce qui lui allait très bien, mais de savoir que le sort de son examen serait entre ses mains…

« Nous devons tous préparer des examens niveau B.U.S.E.s et A.S.P. pour une matière que nous n'enseignons pas, mettre en place un emploi du temps – une responsabilité qui, j'en suis bien persuadé, va nous tomber dessus à Minerva et moi, parce que Merlin préserve que notre estimé Directeur lève le petit doigt… » grommela Severus, plus pour lui-même que pour le bénéfice d'Harry. « Il y a la question des élèves qui ont quitté le château… Doit-on les inviter à revenir passer leurs examens ou considérer que c'est au Ministère de s'en occuper ? D'un côté, s'ils ont choisi de quitter l'école, ils ne sont plus sous notre responsabilité, mais on ne peut nier que nous aurions l'impression de les jeter aux loups si… »

Harry avait la sombre impression que c'était un sujet d'inépuisables jérémiades et que, s'il le laissait faire, Severus allait ronchonner toute la soirée.

« Vous avez dit deux choses. » intervint-il, en attrapant des couverts dans le tiroir pour mettre la table. « C'était quoi l'autre ? »

Severus se tourna vers lui avec un sourcil levé, appréciant peu d'être interrompu en plein monologue.

Harry prit son plus bel air innocent, ce qui arracha un rictus amusé au Professeur.

« Je t'ai demandé ce que tu penserais d'un entraînement d'infiltration, cette nuit. » répondit Severus, d'un ton nonchalant. « Mais, étant donné ton manque d'intérêt… »

« D'infiltration ? » répéta-t-il, contenant mal son excitation.

Voilà qui semblait amusant. Et nouveau. Severus et Sirius avaient repris en main ses cours particuliers de Défense et avaient augmenté le niveau d'un cran, de sorte qu'il sortait souvent plus épuisé de ces séances que d'un entraînement de Quidditch, mais il n'y avait rien de bien inédit à ce qu'ils faisaient.

« Notre mission, si tu l'acceptes, consistera à pénétrer dans la Chambre des Secrets et à en ressortir sans se faire repérer par qui que ce soit. » décréta le Professeur, non sans humour.

Harry fronça les sourcils, son excitation retombant légèrement. « La Chambre des Secrets ? »

Cela ne sonnait pas comme un jeu ou un entraînement.

Severus remua la poignée de légumes qui s'accrochaient dans la poêle, sans lui prêter un regard. La tension dans ses épaules était pourtant évidente. « J'ai besoin d'un moyen de détruire un horcruxe et tu conviendras qu'Albus tiquerait si nous lui demandions d'emprunter l'épée de Gryffondor. »

« Vous voulez un crochet de basilic. » déduisit Harry, baissant les yeux vers les deux assiettes qu'il tenait entre les mains.

« Un crochet ou ce que nous pourrons récupérer de venin… » Le Maître des Potions balaya l'air de la main. Il sembla remarquer son trouble et fronça légèrement les sourcils. « Tu n'es évidemment pas obligé de m'accompagner, bien que j'aurais besoin d'instructions pour y accéder. Je pensais… »

« Non, non… » murmura-t-il. « Je viens. C'est juste que… Vous en avez trouvé un ? »

Severus parut hésiter et accordait toujours plus d'attention à leur repas qu'à lui.

« Je pense en avoir localisé un, en effet. » avoua finalement le Professeur, avant d'expliquer qu'il soupçonnait Voldemort d'avoir utilisé une caverne dans une petite ville côtière pour avoir torturé des camarades d'orphelinat et qu'il s'agirait d'une cachette potentielle idéale.

« Et… Si vous en trouvez vraiment un… Il se passe quoi ? » demanda Harry.

« Nous tenterons de déplacer l'horcruxe dans un autre vaisseau sans détruire le premier. » répondit patiemment Severus, en se détournant finalement des légumes pour lui faire face. « Le procédé est extrêmement théorique à ce stade et il est peu probable que cela fonctionne. Je ne veux pas que tu ais de trop gros espoirs. En revanche, cela nous permettra sans doute d'affiner le processus et cela devrait certainement faciliter la chose pour le suivant. »

Harry doutait que le suivant réussirait davantage mais il devait admettre qu'une graine d'espoir venait de se planter en lui. Ni Severus, ni Sirius ne lui avaient dit qu'ils avaient un plan aussi défini en tête…

« Je peux venir lorsque vous irez chercher l'horcruxe ? »

Il connaissait la réponse avant même d'avoir posé la question.

« Non. » trancha Severus. « Il sera suffisamment compliqué pour Black et moi de quitter Poudlard sans attirer l'attention de Dumbledore. » L'homme lui jeta un regard entendu. « Et je te préfère en sécurité. Cela m'ennuie déjà suffisamment de te demander de retourner dans la Chambre des Secrets. »

Parce qu'il lui avait confié faire des cauchemars à propos du basilic de temps à autre.

Harry s'humecta les lèvres, s'efforçant d'adopter une attitude bravache. « Je veux venir. Mais on va avoir besoin de balais. »

°O°O°O°O°

Albus n'avait pas passé une excellente journée.

Son bras de fer avec Rufus s'était soldé par une défaite cuisante.

Certes, devoir organiser les examens eux-mêmes était une maigre riposte étant donné que le Directeur était passé par-dessus sa tête pour s'assurer de la libération de Gellert mais, tout de même, tant de mesquinerie

La réunion des Professeurs organisée à la hâte à la fin du dernier cours s'était relativement bien passée, la possibilité ayant déjà été évoquée entre eux et le corps professoral s'étant déjà préalablement réparti les sujets de sorte qu'aucun enseignant ne jugerait sa propre matière. Cela ne serait toutefois pas aussi impartial que des examinateurs extérieurs mais nécessité faisait force de loi.

Le problème venait de tous les à-côtés qu'organiser des examens entraînaient. Il fallait mettre en place un emploi du temps, décider de la répartition des salles et de qui surveillerait quelle matière, organiser les examens plus pratiques que théoriques, s'accorder sur un barème… Des milliers de détails dont il n'avait pas le temps de s'occuper car il était légèrement préoccupé par la guerre qu'il s'efforçait de gagner.

Ce qui n'avait pas empêché Minerva de lui faire une centaine de reproches.

Et comme si cela ne suffisait pas, Lucius l'avait contacté plus tôt dans la soirée pour lui confier que quelque chose se préparait mais qu'il n'avait pas les détails parce que Tom jouait le mystère et se méfiait apparemment de tous ses partisans, même les plus fidèles. Ollivander avait cédé et s'employait désormais à façonner une baguette puissante, gorgée de magie noire, pour Voldemort. D'après Lucius, il semblait faire trainer la chose autant que possible mais était proche de terminer son œuvre. Le fabriquant de baguette ne cessait de répéter ses mises en garde selon laquelle une baguette choisissait son sorcier mais ses avertissements tombaient dans l'oreille d'un sourd.

Albus avait déployé Nyssandra une semaine plus tôt lorsque son espion lui avait signalé que Voldemort était, en personne, parti chasser l'animal qui constituerait le cœur de la baguette… Tout ce que Lucius avait su lui dire, c'était que Tom se dirigeait vers l'Albanie. Il avait donc arrangé un portoloin pour la vampire en toute discrétion, lui recommandant la plus grande prudence…

La vampire était revenue la veille avec un récit à faire froid dans le dos.

Ce que Tom était parti chercher était apparemment un basilic et, d'après les témoignages concordant de Lucius et Nyssandra, il en était revenu avec une corne.

Une corne qui, le Sang-Pur venait de le lui apprendre, était actuellement en train de tremper dans le sang d'une jeune victime de Lord Voldemort.

Albus se frotta le visage et leva les yeux des lettres pleines de craintes qu'il recevait par dizaine du Conseil d'administration, du Magenmagot et de diverses connaissances dans le pays que les attaques répétées des Mangemorts terrifiaient. Il ne pouvait guère leur reprocher leur terreur : le pays était à feu et à sang. La tactique de Voldemort fonctionnait. Ceux qui n'avaient pas encore fui se terraient chez eux…

« Tu as quelques notions en fabrication de baguette, je crois ? » s'enquit-il à voix haute.

Le sorcier qui somnolait dans un fauteuil près de l'âtre sursauta et se racla la gorge, tournant son attention vers lui. Les yeux de Gellert ne tardèrent pas à retrouver l'éclat animé qu'ils prenaient toujours lorsque le sujet le passionnait. « Que veux-tu savoir ? »

« Que peux-tu me dire d'une hypothétique baguette en bois de cerisier avec pour cœur une corne de basilic qui aurait été mise à tremper plusieurs jours dans le sang d'un enfant assassiné ? » demanda-t-il, s'efforçant de ne pas laisser sa voix trembler.

Parce que même lui, sans qu'il ait de connaissances poussées sur le sujet, pouvait deviner que rien de bon ne ressortirait de cette association.

Gellert s'assit un peu plus droit, soudain beaucoup plus alerte. « Je dirais que quelqu'un essaye de créer un nouveau Bâton de la Mort. »

« Mais encore… » l'invita-t-il à poursuivre, se levant de son bureau pour venir prendre place dans son fauteuil.

Son ancien ami l'étudia en silence, semblant rassembler ses pensées, puis reprit. « Le bois de cerisier, seul, possède un pouvoir mortel. Les baguettes sont généralement exigeantes et demandent une grande maîtrise de la magie et des arts mentaux. Quant à la corne de basilic… Ces créatures sont contrenatures et extrêmement venimeuses… Je n'ai jamais vu de mes yeux de baguette contenant un cœur provenant d'un basilic mais j'ai lu des choses… » Il secoua la tête. « La baguette serait prédisposée aux sorts noirs. Ajoute à cela le sang d'un innocent dont la vie a été volée… »

Ils parlaient sur une baguette qui serait puissante, de base, et qui, si elle acceptait Tom Jedusor, pourrait potentiellement devenir impossible à stopper.

« Albus. »

Il releva la tête et croisa le regard extrêmement sérieux du mage noir.

« Si tu as les moyens de détruire cette baguette avant qu'elle ne tombe entre les mains de ton Lord Voldemort, du musst. » conseilla son ancien amant.

Tu le dois.

« Je crains que cela ne soit pas aussi simple que cela. » soupira-t-il.

Ollivander et la baguette étaient au cœur de la prison d'Azkaban, sous bonne garde. Lui et Lucius avaient déjà évoqué la possibilité de faire évader le fabriquant de baguette mais le Mangemort certifiait qu'il ne le pouvait pas, pas sans révéler ses véritables allégeances et, là encore, rien ne garantissait qu'il parviendrait à le faire sortir. L'issue la plus probable était qu'ils mourraient tous les deux. Lucius avait émis l'idée qu'il serait plus simple de glisser du poison dans la nourriture du prisonnier que de l'exfiltrer et Albus avait refusé l'idée, arguant que ce serait tout autant révéler la présence d'un espion.

Certains poisons étaient, pourtant, indétectables et Ollivanders n'était plus suffisamment jeune pour qu'une mort inopinée n'interpelle les soupçons.

Certains dormaient sous clef dans un compartiment secret dissimulé derrière les grimoires de sa bibliothèque.

Il pianota sur son accoudoir, tiraillé entre un choix que sa conscience réprouvait et les nécessités de la guerre.

« Crois-tu que cette baguette serait plus puissante qu'une Relique de la Mort ? » demanda-t-il.

Gellert grinça des dents. « Je n'ai guère envie de le découvrir. Es ist zu gerfährlich. »

C'était trop dangereux, sur ce point, son vieil ami avait raison. Trop risqué, également.

La baguette de sureau aurait peut-être une chance contre cette autre baguette mais les autres…

°O°O°O°O°

L'ambiance était déjà joyeuse lorsqu'elle passa la porte d'entrée du Square Grimmaurd, attentive à ne pas trébucher sur le porte-parapluie et à ne pas réveiller le portrait qui sommeillait derrière ses rideaux tirés. Elle pouvait entendre le bruit des conversations, les verres qui trinquaient…

Nymphadora était nerveuse.

C'était la première fois qu'elle remettait les pieds au Q.G. depuis sa blessure et elle aurait préféré que Severus soit là mais il avait refusé l'invitation, se contentant de lui adjoindre d'être prudente. Étant donné qu'elle avait passé trois jours entiers chez lui à faire peu d'autre chose que de se plaindre, bouder le fait que la douleur ne disparaissait pas assez vite, et pleurer les morts dans la salle de bain dès que l'appartement était vide, elle n'avait pas insisté, estimant qu'un peu d'espace leur ferait du bien. Elle le regrettait à présent.

Severus avait un don certain pour la rassurer par sa simple présence.

Or, alors qu'elle pénétrait dans le salon, lissant d'une main la robe noire à lacets qui épousait ses formes, elle avait davantage l'impression de s'élancer sur un champs de bataille que de rejoindre la fête de fiançailles de ses meilleurs amis.

« Ma nymphe ! » l'accueillit immédiatement Charlie avec enthousiasme, en levant son verre, l'air déjà un peu éméché.

Une bonne partie de l'Ordre était dans la pièce. Charlie, Anthony, Kingsley, Fleur, Bill, Nyssa, Molly et, bien sûr, Remus dont elle évita le regard. Elle passa plus ou moins de bras en bras alors que tout le monde voulait s'assurer qu'elle allait mieux…

Elle mentit comme un arracheur de dents, souriant et hochant la tête pour leur assurer qu'elle était totalement remise…

La vérité était que ses côtes continuaient de la faire souffrir. Ce n'était pas surprenant, ni alarmant, à en croire Severus – le seul à qui elle avait dit la vérité – et cela ne devrait pas durer plus de quelques jours de plus. Elle le croyait sur parole, étant donné qu'il avait passé trois jours à jeter sort de diagnostic sur sort de diagnostic et que c'était, là encore, la première chose qu'il avait fait la veille au soir lorsqu'elle était passée à Poudlard après une séparation de quelques jours.

Elle avait repris le travail pourtant, insistant qu'elle allait mieux. Scrimgeour n'était pas dupe mais il avait aussi utilisé son image à des fins de propagande sans son autorisation et, en conséquence, ils avaient tout deux tacitement choisi de ne pas lancer d'accusations dans un sens ou dans l'autre. Le Ministre avait paru soulagé de la retrouver en un seul morceau, même s'il l'avait confinée à un bureau pour l'immédiat.

Quelqu'un lui colla un verre de champagne dans les mains.

Elle y trempa à peine les lèvres pour faire illusion, laissant le brouhaha se refermer sur elle mais incapable de se mêler à ses amis, de conjurer l'enthousiasme et la bonne humeur nécessaire à l'occasion.

« Comment te sens-tu ? » demanda Kingsley, en se glissant auprès d'elle, une lueur beaucoup trop compréhensive dans le regard.

« Très bien et toi ? » répondit-elle mécaniquement.

« Aussi bien que toi. » soupira son partenaire et ami.

Ils échangèrent un regard entendu sans pour autant chercher à évoquer plus avant le sujet. Le temps qu'elle revienne au bureau, Scrimgeour avait déjà envoyé des lettres de condoléances aux familles des Aurors tombés au combat et la moitié des funérailles avait déjà eu lieu. Il ne lui était rien resté à faire qu'à lire et relire la liste des morts. Elle se sentait si inutile que…

Kingsley, lui, se sentait responsable.

Il n'avait rien dit mais il était en charge du Département qui venait de perdre une douzaine d'Aurors de plus.

Une perte qu'ils ne pouvaient pas se permettre.

À ce stade, lorsque Voldemort choisirait finalement d'attaquer, ils n'auraient plus de sorciers pour les défendre. Si c'était là sa tactique, elle fonctionnait.

Elle lui pressa le bras sans un mot de plus. Il y avait rien à dire de toute manière, rien qui ne le réconforterait.

Molly les attira tous les deux dans une conversation sur le mariage qu'elle envisageait grandiose. Nymphadora n'écouta que d'une oreille Anthony s'empresser de lui rappeler qu'il voulait quelque chose de simple.

Sans vraiment le vouloir, elle se retrouva appuyée contre le mur au fond de la pièce, la même coupe de champagne qu'elle n'avait pas touchée à la main, à observer ses amis s'amuser. Elle se sentait épuisée, mais pas par ses blessures.

L'idée lui vint de retourner à Poudlard. Cela n'aurait pas été si compliqué de se faufiler hors de la maison et de transplanner jusqu'à Pré-au-Lard… Harry serait certainement dans les quartiers de Severus et elle avait suffisamment empiété sur leur temps familial mais le garçon n'avait pas paru trop dérangé par sa présence les trois jours où elle était restée dans leurs appartements… Peut-être ne lui en voudrait-il pas si…

Soudain, elle eut la chair de poule et tout son corps se tendit à l'extrême dans un réflexe qui hurlait le danger. Ravalant un grognement de douleur au mouvement brusque qui n'avait fait aucun bien à ses côtes, elle posa une main sur son plexus, cherchant du regard ce qui l'avait alarmée.

Elle n'eut pas à chercher bien loin.

Remus se tenait près d'elle.

Pas suffisamment proche pour envahir son espace mais assez près pour qu'il soit évident qu'il veuille entamer la conversation. Un coup d'œil autour de la pièce lui apprit que personne ne leur prêtait attention.

Elle se redressa légèrement par habitude tout en assouplissant légèrement ses jambes, prenant, sans vraiment le vouloir, une posture de duel. Sa baguette était sanglée à l'intérieur de son avant-bras dans un étui de cuir qu'elle avait rendu invisible simplement parce qu'il gâchait l'esthétique de sa tenue. Un coup de poignet aurait suffit à la faire tomber dans sa main.

Remus parut lire tout ceci sur son visage et baissa les yeux.

Elle aurait dit qu'il avait l'air honteux s'il n'avait pas prouvé, ces derniers temps, qu'il était incapable de se remettre en question.

« Est-ce que je peux te parler ? » demanda-t-il doucement. « On peut rester ici, si tu ne veux pas être seule avec moi. »

Cela l'agaça prodigieusement qu'il pense avoir un tel pouvoir sur elle, qu'il pense l'effrayer autant.

« Je n'ai pas peur de toi, Remus. » rétorqua-t-elle. « Mais je n'ai rien à te dire non plus. »

Il inclina la tête, si attentif à ne pas faire de gestes brusques, à ne pas l'alarmer, que cela l'irrita d'autant plus.

Si elle avait été dans son état normal lorsqu'elle s'était réveillée dans sa chambre ce jour là, elle aurait géré la situation différemment. Elle aurait insisté pour partir, cela ne faisait aucun doute, mais elle ne lui aurait pas fait le plaisir de se donner en spectacle. En l'état, elle ne pouvait qu'être reconnaissante que Severus ait été là ou cela aurait sans doute été encore pire. Sans lui, elle ne serait probablement jamais parvenu à quitter les lieux.

« Je veux m'excuser. » lâcha le loup-garou.

Elle rit.

Ce n'était ni gentil, ni charitable, et c'était si amer, si incongru dans sa bouche que cela lui attira quelques regards autour de la pièce.

« Tu passes ta vie à me présenter des excuses. » cracha-t-elle finalement, dans un murmure. « Et ensuite, tu fais pire. »

Le coup porta.

Si un éclat sauvage dansa dans son regard, l'espace de quelques secondes, Remus baissa la tête. « Je sais. Et ça va changer. Je vais changer. » Elle émit un bruit dubitatif qui le fit grimacer. « Je ne te demande pas de me croire sur parole. Ce qu'il s'est passé avec Harry… C'est allé trop loin. Je suis allé trop loin. »

« C'est bien que tu en sois conscient. » rétorqua-t-elle, incapable de réfréner un certain élan protecteur pour l'adolescent qui avait eu l'air si perdu, cet après-midi là. « Tu lui as fait beaucoup de mal. Il avait confiance en toi. »

« Je sais. » soupira Remus. « Et je le regrette. C'est entre Harry et moi, ça, cependant. C'est à toi que je veux présenter mes excuses, ce soir. » Il se racla la gorge, visiblement gêné. « Je sais ce qu'a insinué Severus mais… »

« Severus n'a rien insinué. » siffla-t-elle.

À nouveau, le loup-garou grimaça. Toutefois, il ne perdit pas son calme comme elle l'avait craint.

« J'ai insisté pour t'installer dans ma chambre parce que, pour moi, pour le loup en moi, c'était l'endroit le plus sûr de la maison. Je n'avais pas d'arrière-pensées. » expliqua-t-il calmement. « Mais je reconnais qu'étant donné notre… passé, c'était inapproprié. » Il attendit une seconde puis ajouta : « Je savais aussi que ça allait énerver Severus et je cherchais sans doute une excuse pour le provoquer. »

« Sans doute ? » releva-t-elle, d'un ton moqueur.

Remus encaissa la provocation avec un déplaisir évident mais sans lui faire de reproches.

« Je ne m'en mêlerai plus. » promit-il. « Ce qu'il y a entre vous, vous regarde. Ce ne sont plus mes affaires, tu as été très claire sur le sujet. Seulement… » Il hésita. « Sache que si tu changeais d'avis… Je serais toujours là. Tu n'as qu'un mot à dire. »

Elle fronça les sourcils, le dévisageant ouvertement. « C'est ça tes excuses ? Désolée, mais il va falloir faire mieux, Remus. »

Ses yeux ambrés brillaient de l'éclat du loup contrarié mais il ne perdit pas son calme. « Je comprends que tu ne me crois pas. J'ai passé les bornes plus d'une fois. Sache juste que je compte me concentrer sur ce qui est vraiment important, à partir de maintenant. »

Elle ne put s'empêcher de penser qu'il y avait une pique sous-entendue là-dessous, comme si elle aurait dû mal prendre le fait de ne plus être suffisamment importante pour qu'il continue à verbalement agresser Severus à chaque interaction ou à la poursuivre d'attentions qu'elle ne désirait pas.

« Tant mieux pour toi. » répliqua-t-elle, avant de s'éloigner, préférant le planter là.

°O°O°O°O°

Sirius arriva tard au Square Grimmaurd, sa conversation avec Hagrid ayant duré plus longtemps qu'il ne l'avait prévu. Être Professeur à Poudlard, même assistant ou suppléant, demandait beaucoup plus de temps et d'énergie qu'il ne l'aurait cru. Et la perspective de devoir organiser des examens niveaux B.U.S.E.s et A.S.P.I.C.s pour le Soin des Créatures Magiques l'angoissait quelque peu.

La petite fête battait déjà son plein lorsqu'il émergea de la cheminée et il ne perdit pas de temps avant de féliciter le couple du jour, distribuant saluts et accolades à droite à gauche. Il évita soigneusement Remus mais enlaça sa cousine avec affection.

« Tu dois être heureuse d'avoir réussi à t'échapper des cachots. » plaisanta-t-il. « Trois jours enfermée chez Snape, je ne sais pas comment tu as survécu. »

Il aurait aimé lui rendre visite mais le Maître des Potions lui avait clairement fait comprendre que sa présence n'était pas souhaitée.

Elle fronçait les sourcils lorsqu'elle échappa à son étreinte, l'air un peu gêné. « Ce n'était pas si terrible. »

Il leva les yeux au ciel, cachant mal son amusement. « Tu peux dire que c'était horrible, il n'est pas là pour l'entendre. »

« Il s'est très bien occupé de moi. » protesta-t-elle, avec une loyauté qui faisait honneur à sa maison.

Il haussa les épaules. « Je n'en doute pas mais je passe mes journées avec lui. Crois-moi, je sais à quel point ses sautes d'humeurs peuvent être chiantes, même en étant amis, alors vivre avec lui pendant trois jours… Je ne sais pas comment fait Harry. »

Tonks gigota légèrement, évitant son regard. « Sirius, on est… proches, Severus et moi. »

« Oui, je sais qu'il t'a prise sous son aile. » Il repéra la silhouette fine qui quittait la pièce et effleura rapidement le bras de sa cousine. « Excuse-moi. »

Sa cousine ouvrit la bouche mais il s'effaça avant qu'elle ait pu ajouter quoi que ce soit, se faufilant entre les petits groupes de gens pour mieux suivre sa proie. Il rattrapa la vampire dans le couloir et l'attira derrière la première porte venue. Il y avait une affreuse odeur de calfeutré dans le boudoir, la poussière était lourde dans l'air et, lorsqu'il referma la porte et plaqua Nyssandra dessus pour mieux l'embrasser, il y régnait une nuit noire, ce qui lui fit dire que les rideaux n'avaient probablement pas été ouverts depuis des années.

Il n'avait pas besoin d'y voir clair pour embrasser Nyssa, cela dit.

Les baisers s'enchaînaient, avides et légèrement agressifs.

« Où étais-tu passée ? » marmonna-t-il contre sa bouche, ses mains s'égarant sur son corps.

« Mission de surveillance. » répondit-elle, laconique. « Top secret. »

Il recula légèrement la tête pour la dévisager mais il pouvait à peine la distinguer dans l'obscurité. « Seule ? »

Ce n'était pas le protocole. Personne ne partait en mission seul.

« Aucun d'entre vous n'est aussi furtif que moi. » répondit-elle.

Ce n'était pas le sujet. « C'était dangereux ? » Elle resta silencieuse un peu trop longtemps. « Merde, Nyssa. Dumbledore ne devrait pas t'envoyer seule en mission, furtive ou pas… D'abord Grindelwald, maintenant ça… Il déconne complètement. »

Elle tira sur le revers de sa veste pour l'attirer dans un nouveau baiser.

« Tu t'es inquiété pour moi. » commenta-t-elle, avec une certaine satisfaction.

Il leva les yeux au ciel avant de se souvenir que s'il ne pouvait pas la voir dans l'obscurité totale, la réciproque n'était pas vraie pour autant.

« Évidemment que je me suis inquiété pour toi. » avoua-t-il, dans un soupir. « Personne ne savait où tu étais passée. »

Ses lèvres effleurèrent les siennes. « J'ai très envie de chasser, Sirius… »

D'un geste, il verrouilla la porte du boudoir.

Il était sûr que Charlie et Anthony comprendrait.

°O°O°O°O°

Draco tombait de sommeil mais s'efforçait de rester alerte sans rien en laisser paraître.

Il lisait dans un coin de la salle commune, tâchant de ne pas trop prêter attention au groupe de septièmes années qui le regardaient d'un air mauvais.

Le couvre-feu était tombé depuis longtemps mais Blaise et Daphné n'étaient pas encore revenus. Il se doutait bien que ses amis roucoulaient quelque part et, tant mieux pour eux, mais il hésitait à rejoindre les dortoirs sans son meilleur ami.

Crabbe et Goyle s'étaient révélés particulièrement agressifs dernièrement, sans être ouvertement hostiles. Une bousculade accidentelle à droite, un croc-en-jambe purement fortuit à gauche… Nott n'était pas un problème malgré leur inimité mais il n'interviendrait pas non plus s'il prenait à leurs camarades l'envie de l'assassiner…

Seulement les coups d'œil des septièmes années devenaient de plus en plus belliqueux à mesure que la salle commune se vidait.

Décidant qu'il valait mieux affronter Crabbe et Goyle plutôt que des adolescents qui, il en était sûr, portaient déjà la Marque, il se leva avec une nonchalance feinte et se dirigea vers les escaliers.

« Traître. » cracha l'un des garçons sur son passage.

Draco continua d'avancer comme s'il n'avait rien entendu, la tête droite, rongeant son frein. Laisser passer l'insulte lui coûtait mais il valait mieux courber l'échine que de se faire bêtement tabasser voire tué pour l'honneur.

Les dortoirs des cinquièmes années étaient silencieux, les rideaux tirés autour des trois lits des autres garçons. Il prit garde de ne pas faire de bruit en allant dans la salle de bain, montrant plus de délicatesse qu'il n'en avait jamais fait preuve jusque là.

Il avait la désagréable impression d'être passé de prince à manant en l'espace de quelques mois.

Dans la salle de bain, il garda sa baguette à portée à chaque instant, attentif à chaque petit bruit qui pourrait trahir une intrusion. Le cœur battant, il se lava rapidement, enfila son pyjama en quatrième vitesse et rejoignit son lit à pas de loup, jetant des regards méfiants à chaque lit occupé. Des ronflements familiers résonnaient du côté de Crabbe mais Goyle était trop silencieux pour être endormi.

Draco tira lentement les rideaux, sans commettre l'erreur de relâcher sa garde.

Il jeta deux sorts de protection standard, apposa trois alarmes de proximité différentes sur les draperies et, une fois certain que personne ne pourrait l'attaquer par surprise sans qu'il ne se réveille avant, se glissa sous les draps, sa baguette serrée au creux de son poing.

Il était épuisé mais savait, qu'une fois encore, il ne dormirait que d'un œil.

Il minimisait la situation pour Granger et les autres, en plaisantait ou fanfaronnait avec morgue, mais la vérité était qu'il se savait en danger à Serpentard et la présence de Blaise ne dissuaderait pas longtemps ses ennemis.

Il savait qu'il aurait été le bienvenu chez les lions ou, dans une moindre mesure, à Serdaigle ou à Poufsouffle. Il savait qu'un seul mot à un Professeur résoudrait le problème, qu'aucun des adultes qui enseignait dans cette école n'était dupe de sa sécurité toute relative dans les cachots… Serait-il plus en sécurité dans une autre Maison, toutefois ? Serpentard n'était pas la seule à compter des Mangemorts fraîchement initiés.

Les dortoirs des cinquièmes années de Gryffondor aurait été sûr, cela dit. Même Londubat, qui ne le portait pourtant pas dans son cœur malgré la Trêve, ne l'attaquerait jamais dans son sommeil.

La solution était tentante simplement pour une nuit de repos complète. À ce rythme, il ne tiendrait plus bien longtemps.

Il sentait le vent tourner.

Il savait qu'être sous le nez de Snape n'arrêterait pas longtemps ceux qui voulaient plaire au Seigneur des Ténèbres. Au contraire. Si, en s'en prenant à lui, ils pouvaient attirer Snape dans un piège…

D'une pierre deux coups, en somme, songea-t-il, en luttant contre la torpeur qui voulait le faire sombrer.

Il ne se laissa aller que lorsqu'il entendit les ronflements de Goyle se joindre à ceux de Crabbe.

°O°O°O°O°

Harry jeta sa cape d'invisibilité sur ses épaules, laissant baissé le capuchon, et rejoignit Severus dans l'entrée de leurs appartements.

« Je ne m'y ferai jamais. » marmonna ce dernier, avant de se reprendre. « Quelles sont les règles ? »

« Ne surtout pas toucher le cadavre du basilic à mains nues. » récita-t-il. Comme s'il avait encore cinq ans et qu'il se serait précipité dessus, se dit-il, non sans ironie. « Ne pas se faire repérer par qui que ce soit. Faire attention aux portraits. Il reste Mimi Geignarde. »

S'ils arrivaient à pénétrer et ressortir de la Chambre des Secrets sans que Dumbledore en ait vent, ce serait un exploit.

« Il y a des moyens de se débarrasser momentanément des fantômes. » répondit distraitement le Professeur. « Allons-y. Si nous sommes séparés, nous nous retrouvons aux toilettes des filles du deuxième étage. »

Harry rabattit sa capuche pendant que Severus jetait un sort de Désilusion, non sans se dire que le Professeur exagérait légèrement. Pour être coutumier des balades de nuit dans Poudlard, il savait qu'atteindre leur objectif sans être repéré ne serait pas si difficile. Le problème viendrait plutôt de la Chambre des Secrets. Ils n'auraient pas Fumseck pour les aider à en sortir en cas de pépin.

Il sortit à la suite de l'ancien espion, la porte de leurs appartements se refermant dans son dos.

Le sortilège de Désilusion de Severus était suffisamment puissant pour qu'il paraisse invisible, surtout à la lumière tremblotante des torches qui éclairaient perpétuellement les cachots. S'il se concentrait, Harry pouvait apercevoir une légère ondulation le précéder dans le couloir mais c'était si léger que s'il n'avait pas su de quoi il s'agissait, il n'y aurait probablement pas prêté attention.

Une fois dans la partie principale du château, en revanche, dans l'obscurité presque totale, Severus était entièrement invisible. Et, nota-t-il non sans une certaine jalousie, complètement silencieux. Avait-il jeté un silencio ? Harry n'avait pas pris cette peine et ses baskets crissaient parfois sur les pierres inégales.

Ayant perdu le Professeur de vue, il s'engagea prudemment dans l'escalier, tâchant d'être discret. Ce n'était pas une course après tout.

Bien sûr, à peine avait-il pensé ça qu'il repéra le halo d'une lanterne qui descendait vers lui alors qu'il venait juste d'atteindre le premier palier.

Rusard.

Severus avait dû le croiser dans l'escalier mais Harry refusa de s'y risquer. Il rebroussa chemin lentement, décidant qu'il allait juste s'écarter et attendre bien immobile que le concierge passe… Sauf que, évidemment, le Cracmol choisit de se déplacer droit sur lui.

Il battit en retraite un peu précipitamment, son talon ripa sur une pierre humide et il se rattrapa in extremis mais pas sans effleurer une des armures qui bordaient le couloir. Le bruit était infime mais, dans le silence épais de la nuit, suffit à alerter Rusard.

Sa lanterne se balança brusquement dans sa direction. « Qui va là ? »

Fort de son expérience avec le concierge, Harry partit en courant, ignorant les cris qui résonnaient dans son dos lui ordonnant de s'arrêter. Il tourna à droite, à gauche, monta un escalier, finit par se repérer et glissa derrière une tapisserie qui l'amena, après une course folle, jusqu'au troisième étage où il se réfugia dans une salle de classe et attendit plusieurs minutes, le cœur battant.

Il attendit longtemps mais rien ne troublait plus le silence.

À l'abri sous sa cape d'invisibilité, il jeta un lumos informulé et sortit la Carte des Maraudeurs de sa poche arrière. Aussi bas qu'il le put, il murmura la phrase qui fit apparaître les tâches d'encre. Il trouva Rusard en train de fouiller le premier étage. Severus Snape faisait les cents pas dans les toilettes du deuxième étage. Il devait s'être occupé de Mimi Geignarde ou, alors, elle n'était pas là parce qu'il était seul.

Le Professeur Vector patrouillait au troisième étage et Flitwick était au sixième…

McGonagall était dans son bureau.

Dumbledore aussi, proche d'un autre point libellé Grindelwald…

Harry n'avait pas eu l'occasion de parler au Directeur depuis l'arrivée du mage noir et il ne pouvait nier une certaine curiosité. Il y avait une histoire là-dessous, il en était persuadé, une histoire liée aux Reliques, et, sans qu'il ne s'explique pourquoi, les Reliques le fascinaient.

Après avoir calculé un trajet qui, avec un peu de chance, l'empêcherait de tomber sur les Professeurs en patrouille, il se glissa hors de la salle de classe – non sans avoir jeté un silencio sur ses chaussures au préalable.

Il lui fallut cinq minutes supplémentaires pour rejoindre les toilettes du deuxième étage, en évitant Vector.

Il avait à peine refermé la porte derrière lui avec prudence que la voix de Severus résonnait dans la pièce autrement silencieuse, un peu moqueuse. « Voilà qui n'était guère impressionnant. Étant donné ton expérience extensive lorsqu'il est question de violer le couvre-feu, je m'attendais à mieux. »

« Haha, très drôle. » ironisa-t-il, un peu grognon, en repérant l'ondulation caractéristique du sortilège de Désilusion près des lavabos.

Il s'approcha de celui où un petit serpent était gravé et prit une grande inspiration, légèrement nerveux. L'idée de retourner dans la Chambre des Secrets était moins angoissante que la perspective de retourner au cimetière mais il ressentait tout de même une pincée de… C'était trop facile de se souvenir s'être tenu là avec Ron, Lockhart tenu en respect au bout de leurs baguettes…

« Tu n'es pas obligé de descendre. » lui rappela son père. « Je peux très bien me débrouiller seul une fois que tu auras déverrouillé l'entrée. »

Sauf qu'il ne le pourrait pas parce qu'il y avait la porte de la Chambre elle-même. Et puis Severus n'avait pas emporté sa canne et c'était plein de gravas là-dessous.

Non…

Harry devait descendre lui aussi.

« Vous avez les balais ? » demanda-t-il. Il sentit le mouvement sur sa droite, entendit la formule qui rendit aux balais leur taille normale… Il était allé chercher son éclair de feu un peu plus tôt, sous prétexte d'un manuel oublié dans sa malle, et avait lui-même jeté le sort qui l'avait miniaturisé, non sans un gros pincement au cœur à l'idée que cela pourrait peut-être l'abimer ou… Severus avait juré que son balai de course n'en souffrirait pas. À tâtons, il récupéra son balai qui redevint visible au moment où le Professeur le lâcha. Il se sentit un peu mieux une fois sa main refermée sur le bois familier. Comme s'il s'était s'agi d'un talisman. « Je passe en premier. »

« Non. » refusa tout net Severus. « S'il y a un danger… »

« Ça va demander un peu d'adresse sur un balai et ça c'est mon domaine. » l'interrompit fermement Harry. « Suivez-moi de près. »

« Je ne suis pas entièrement incompétent sur un balai. » lui rappela l'homme, sans apparemment apprécier l'interruption.

« Je sais mais je suis meilleur. » remarqua-t-il, en haussant les épaules. Ce n'était pas de l'arrogance ou de la morgue, juste la vérité. « Ouvre-toi. »

Pour la discrétion, ils devraient repasser.

Dans le silence nocturne, il lui sembla que le lavabo fit un vacarme de tous les diables en se déplaçant. Severus marmonna un juron et jeta un assurdiato hâtif.

Harry prit le temps de jeter un coup d'œil à la Carte avant d'enfourcher son balai. « Il n'y a personne dans le coin. On est tranquille. »

Il prit une grande inspiration et s'engagea prudemment dans le tunnel, pratiquement couché sur son balai pour ne pas se cogner la tête. Au bout d'un mètre, il ôta sa cape pour que Severus puisse le suivre correctement et alluma un lumos pour contrer l'obscurité menaçante.

Au début, suivre les tours et détours des tuyaux fût relativement simple, ce ne fût qu'un peu plus bas qu'il commença à y avoir des décombres à éviter. Il fallait voler plus bas, se glisser entre deux pierres…

Il jeta un coup d'œil derrière lui durant les passages les plus difficiles, heureux de constater que Severus s'était lui aussi débarrassé du sort de Désilusion et s'éclairait à la lumière tremblotante de sa baguette.

Bientôt, ils atterrirent dans l'espèce de semi-caverne jonchée d'os de rongeurs auxquels s'ajoutaient désormais les rochers tombés du plafond.

« Merlin… Tu étais là-dessous lorsque cela s'est écroulé ? » murmura Severus, en regardant autour de lui, augmentant quelque peu l'intensité de son lumos pour mieux constater l'ampleur des dégâts.

« Lockhart a volé la baguette de Ron et le sort d'amnésie a rebondi vers lui. » expliqua-t-il, se frayant prudemment un chemin vers le tas de rochers qui bloquait l'accès à la Chambre.

Derrière lui, Severus émit un bruit de détresse et Harry fit volte face, s'attendant presque à ce qu'un autre serpent géant ne leur tombe dessus – parce que, il fallait être honnête, ce serait bien leur veine – mais le Professeur s'était accroupi, et tenait entre les mains la mue du basilic. Si ses souvenirs étaient exacts, il y en avait un peu partout, mais les yeux du Maître des Potions brillaient de convoitise.

Il dût apercevoir l'étonnement du garçon, parce qu'il grimaça, légèrement embarrassé. « As-tu une idée de combien ce genre d'ingrédient est rare ? Et du prix qu'ils coûtent ? »

Harry n'en avait aucune idée mais alors que Severus faisait basculer la besace qu'il avait emportée, enfilait des gants et entreprenait de méticuleusement mettre en bocal tout ce qu'il pouvait récupérer de la peau du basilic, le Gryffondor se dit qu'il n'allait pas tarder à l'apprendre.

« On peut revenir, vous savez. » proposa-t-il, au bout de dix minutes. « Il y a assez de mue dans la Chambre pour vous occuper pendant des jours. »

Sans parler du cadavre du Basilic.

Severus termina rapidement de rassembler ce qu'il pouvait puis se redressa avec une nouvelle grimace – de douleur cette fois. Son boitement était beaucoup plus prononcé lorsqu'il rejoignit Harry près du mur de rochers, être resté aussi longtemps accroupi ne lui ayant fait aucun bien.

Ils étudièrent tous deux l'espace étroit qui menait plus loin avec doute. Le trou avait été suffisamment large pour un enfant de douze ans et une fille de onze mais pour des sorciers de taille adulte…

Avec un claquement de langue incertain, Severus posa la main sur son épaule. « Recule. »

Il travailla lentement mais soigneusement, dégageant un espace un peu plus large sans faire s'écrouler le tout. Un équilibre délicat.

Il se glissa le premier par l'ouverture, faisant signe à Harry de passer lorsqu'il fût certain que ce n'était pas trop dangereux.

Quelques mètres de plus et ils se retrouvèrent face au mur où deux serpents entrelacés et leurs yeux d'émeraude semblaient les attendre.

« Ouvre-toi. » ordonna Harry. Comme à l'accoutumé, il n'avait pas conscience de parler une autre langue mais il nota le regard pensif que Severus lui jeta. « Je sais, c'est effrayant. »

« Être Fourchelang n'est pas le signe d'un attrait pour la magie noire. » le gronda le Professeur. « C'est un don extrêmement rare qui a très mauvaise réputation. J'étais simplement en train de penser qu'il pourrait y avoir des avantages à un tel pouvoir… Si nous te trouvions un serpent… »

Il laissa sa phrase en suspend mais Harry le connaissait suffisamment pour deviner ce à quoi il pensait.

« Je ne veux pas d'un Nagini. » refusa-t-il, en pénétrant le premier dans la Chambre. Il s'arrêta après deux pas. L'endroit était toujours aussi vaste et majestueux que dans ses souvenirs bien qu'il y régnât la même impression d'abandon.

Severus parut en avoir le souffle coupé.

Harry laissa son regard s'attarder sur les hautes colonnes gravées de serpents, le plafond qu'on ne pouvait distinguer dans l'obscurité, la lueur verdâtre qui éclairait l'endroit rendant leurs lumos superflus, la statue immense au fin fond de la salle et, lorsqu'il ne put faire autrement, à cours d'autre chose à observer, il affronta enfin le cadavre de l'énorme serpent qui remplissait une bonne partie de la pièce. Il s'était attendu à ce qu'il lui paraisse moins grand mais il n'en était rien.

Il sentit la main du Professeur sur son épaule, les doigts tremblants serraient sa chair à lui faire presque mal.

Ce n'était pas le basilic que Severus regardait mais la tâche noirâtre qui s'étendait non loin d'une des colonnes.

Son sang.

Il y en avait beaucoup plus que dans ses souvenirs.

« Il m'a mordu la jambe. » murmura-t-il. « J'ai arraché le crochet et je m'en suis servi pour poignarder le journal. Le crochet… Il doit toujours être par terre. »

Il ne s'attendait pas à être attiré dans les bras de son père mais l'étreinte lui fit du bien. Elle chassa l'étrange brouillard qui pesait sur son esprit.

« Je n'aurais pas dû te demander de remettre les pieds ici. Je regrette. » souffla Severus, comme s'il n'avait véritablement saisi, avant ce moment, l'ampleur de ce qui s'était passé en ces lieux.

Peut-être avait-il imaginé le basilic plus petit.

Harry se dégagea gentiment, s'efforçant de sourire. « Je vais bien, promis. C'était il y a longtemps tout ça. Ginny va bien, le journal est détruit… »

Le journal qui avait possédé Ginny…

Severus avait beau dire que l'horcruxe ne pouvait pas l'influencer…

Il s'éloigna de quelques pas, s'avançant automatiquement vers là où s'était tenu le souvenir de Tom Jedusor…

Dans son dos, il entendit Severus se mettre au travail sur la dépouille du basilic. Il observa longtemps la zone sous la statue comme s'il pouvait encore y voir les fantômes de Voldemort et Ginny, puis se détourna finalement et fit face au serpent.

La Chambre était suffisamment froide et humide pour qu'il soit en parfait état de conservation, même trois ans après. Le Maître des Potions avait perdu de son enthousiasme mais ne se contentait pas de drainer le venin, il récupérait également ce qui pouvait l'être. Il y avait déjà une collection impressionnante de fioles et de bocaux autour de lui.

Attentif à ne pas toucher la bête, Harry fit le tour du serpent, plissant le nez car il avait beau être en bon état l'odeur était désagréable.

« Je n'ai jamais essayé de lui parler. » avoua-t-il, au bout de quelques minutes.

« Pardon ? » répondit Severus avec incompréhension. « De qui parles-tu ? »

« Du basilic. » clarifia-t-il. Il le regrettait un peu. À douze ans, la bête lui avait paru terrifiante et les seules options qui lui étaient venues à l'esprit étaient de fuir ou de détruire. À aucun moment il n'avait tenté de communiquer avec elle. « Peut-être que j'aurais pu le raisonner. Vol… Vous-savez-qui le contrôlait. Peut-être que si j'avais essayé de le rallier de mon côté… »

« Pitié, dis-moi que tu ne te sens pas coupable d'avoir échoué à sauver un basilic. » lâcha le Professeur. Il ne tarda pas à faire le tour du serpent pour le rejoindre, une expression sévère sur le visage. « Harry, ce n'est pas ta responsabilité de sauver le monde. »

L'adolescent ricana amèrement. « Ce n'est pas ce que dit la Prophétie. »

« Oublie la Prophétie. » siffla le sorcier.

Il aurait aimé en être capable mais ils savaient tous les deux que ça n'aurait été que du déni.

« Il a passé des siècles tout seul. » continua-t-il, en enfouissant les mains dans ses poches. « Ce n'est pas étonnant qu'il ait fait tout ce que Jedusor voulait… Peut-être que si j'avais essayé… Peut-être que tout ce que ça aurait demandé, c'était un peu de gentillesse… »

« Il a passé des siècles seul. » confirma Severus, dans un soupir. « Cela rendrait n'importe qui fou, sans parler d'un animal. Tu n'as rien à te reprocher. »

Et il avait tué Mimi Geignarde, il ne fallait pas l'oublier, mais cela avait ressemblé à un accident et n'était-ce pas davantage la faute de Tom Jedusor que du serpent ?

Il fit quelques pas en direction de l'endroit où le sang coagulé noircissait le sol, les mains toujours dans les poches. Peut-être pour cacher qu'elles tremblaient.

« C'est un peu ironique, non ? » lança-t-il.

Severus n'était pas retourné à sa découpe méthodique du serpent. Il se tenait dans son dos et Harry pouvait sentir son regard attentif peser lourd sur sa nuque.

« Quoi donc ? » s'enquit le Professeur.

« Si Fumseck ne m'avait pas sauvé avec ses larmes… S'il m'avait laissé mourir… L'horcruxe aurait probablement été détruit. » lâcha-t-il. « Le venin de basilic l'aurait détruit et, d'une certaine manière, je serais mort de la main de Vol… Vous-savez-qui donc la prophétie aurait été respectée. »

« Penses-tu que cela aurait été préférable ? » demanda le Maître des Potions d'un ton neutre. « Si tu étais mort en deuxième année ? »

Ce qu'il pensait, c'était que cela lui aurait évité de vivre beaucoup de choses horribles par la suite tout ça pour en arriver, au final, au même point.

Cependant, il n'aurait jamais rencontré Sirius, n'aurait pas eu trois ans supplémentaires avec Ron et Hermione, il n'aurait jamais retrouvé ses parents, n'aurait jamais su ce que c'était que d'avoir une famille…

« Non. » répondit-il fermement, en se détournant de la vue morbide de son propre sang pour faire face à Severus. « La vie vaut la peine d'être vécue jusqu'au bout du bout, n'est-ce pas ? »

Même si le chemin était court.

Ou difficile.

« Et c'est pourquoi je te demande de te battre. » contra Severus, avec une légère hésitation. « Tu es trop prompt à penser que tu ne survivras pas à cette guerre. »

Harry ne répondit rien.

Il ne voulait pas mentir encore.

°O°O°O°O°

Tonks s'approcha discrètement de Charlie, des excuses déjà aux lèvres, mais son meilleur ami lui jeta un coup d'œil et son expression devint sévère.

« Non, non, non. » refusa-t-il. « Tu viens avec nous. »

Elle grimaça. Molly, Kingsley et Remus s'étaient retirés depuis longtemps, Sirius et Nyssa avaient disparu peu après que l'ancien fugitif soit arrivé… Il ne restait que Bill, Fleur, Anthony et elle dans le salon et la fête s'apprêtait à changer de lieu. Elle n'avait pas réalisé qu'il y avait un plan de soirée après le Square Grimmaurd et, si elle était honnête, la dernière chose qu'elle avait envie de faire était de passer le reste de la nuit dans une boîte Moldue parce que tous les clubs sorciers étaient fermés.

« Charlie, je suis fatiguée… » protesta-t-elle.

« Percy a promis de nous retrouver là-bas. » insista-t-il. « Il amène sa copine, tu ne l'as jamais rencontrée, non ? »

Non, mais la perspective de passer du temps avec Percy en dehors du Ministère ne la réjouissait pas des masses. Le jeune homme était très gentil mais il ne savait pas parler d'autre chose que du travail.

« Charlie… » soupira-t-elle.

« Tu es mon témoin. Allez… Une petite heure, au moins. S'il te plait ? » la cajola-t-il.

Elle ne pouvait pas résister à son regard de chien battu et c'est ainsi qu'elle se retrouva à traverser à pieds la moitié de Londres pour rejoindre un club Moldu. Les garçons étaient trop éméchés pour remarquer qu'elle trainait à l'arrière du groupe, la respiration hachée. Ce n'était pas simplement que ses côtes lui faisaient mal, c'était aussi qu'elle se sentait responsable de leur sécurité. Elle était la seule qui n'avait pas touché à un verre d'alcool.

« Ça va ? » lui demanda Fleur à un moment, laissant Bill passer les bras autour des épaules de Charlie et d'Anthony pour marcher à côté d'elle.

Elle se força à sourire. « Oui, oui. Je ne suis juste pas encore remise à cent pour cent. »

La française accepta l'explication sans plus commenter et un silence pesant tomba entre eux. Elles n'avaient tout simplement rien à se dire, elles étaient trop différentes.

Ils étaient déjà venus plusieurs fois dans la boîte Moldue que Charlie avait choisie, ce qui contribua à la faire se sentir un tout petit peu mieux parce qu'elle savait où étaient toutes les entrées et sorties.

Vigilance constante, aurait dit Fol'Œil.

Ne te fais pas stupidement tuer, aurait dit Severus.

Malgré les encouragements de ses amis, elle s'en tint au soda, refusant toute forme d'alcool, ce qu'elle regretta légèrement lorsque Percy arriva avec une jeune femme brune qu'il présenta comme s'appelant Audrey. La sorcière paraissait sympathique mais elle s'entendit également immédiatement avec Fleur, ce qui fit dire à Nymphadora qu'elles ne seraient jamais amies.

Elle échappa à la main de Charlie lorsqu'ils décidèrent d'aller danser, prétextant le besoin de garder leur table chèrement acquise.

L'endroit était plein à craquer. D'ordinaire, elle appréciait ce genre d'ambiance mais, à l'instant, elle sentait le mal de tête venir, elle était plus fatiguée qu'elle ne voulait l'admettre et, qu'importe comment elle s'asseyait, ses côtes lui faisaient mal.

En conséquence, elle n'était vraiment pas d'humeur lorsque le jeune homme Moldu se glissa sur la banquette à côté d'elle comme s'il avait tous les droits d'être là.

« Bonsoir. » offrit-il, avec un sourire charmeur.

« Pas intéressée. » cingla-t-elle, sans même lui jeter un regard.

« Quel dommage… » murmura-t-il, sa voix à peine audible sous les basses assourdissantes de la musique. « Et moi qui me suis donné tant de mal pour vous traquer jusque ici. »

Soudain plus alerte, elle se redressa, sa main volant vers l'étui invisible sanglé à son avant-bras… Mais c'était précisément de ce côté-là qu'était assis l'inconnu et il referma la main sur son poignet avant qu'elle ait pu sortir sa baguette, dans un geste qui parut probablement tout naturel à un quelconque observateur. Sa poigne, elle, n'avait rien de naturel ou d'amical.

« Allons, allons… » L'homme claqua la langue avec réprobation. « Ne créons pas un scandale au milieu de tous ces Moldus, ma chère nièce. »

Polynectar.

C'était la seule explication parce qu'elle ne connaissait pas le visage de l'homme assis près d'elle. Il avait des cheveux noirs un peu trop longs qui lui tombaient dans des yeux d'un gris acier. Il était conventionnellement beau et se mouvait avec une grâce toute aristocratique.

« Lâchez-moi. » ordonna-t-elle.

« Pour que vous sortiez votre baguette et m'attaquiez ? » plaisanta l'inconnu. « Je ne crois pas, non. Pensez à toutes les victimes potentielles qui seraient prises dans le feu croisé… D'autant que je suis venu en ami. Si je vous voulais morte, vous le seriez déjà. »

« Je ne suis pas si facile à tuer. » grinça-t-elle.

« Et pourtant vous avez bu votre verre sans même vérifier qu'il n'était pas empoisonné. » rétorqua-t-il.

Elle l'avait bu parce que Charlie le lui avait tendu après l'avoir directement récupéré des mains du barman.

Le cœur battant, elle baissa les yeux vers le verre à moitié vide dont la condensation se répandait sur la table…

Les doigts qui entouraient son avant-bras relâchèrent légèrement leur prise.

« Il n'y avait rien dedans, rassurez-vous. » commenta l'homme. « Davantage de prudence ne serait pas superflu, toutefois. Puis-je vous lâcher, à présent, ou comptez-vous créer un scandale qui nous embarrasserait tous deux ? »

Tonks prit une profonde inspiration qui lui donna l'impression très désagréable qu'on lui enfonçait des aiguilles dans les poumons.

« Lucius. » devina-t-elle.

Il y avait plusieurs personnes qui aurait pu l'appeler leur nièce. Bella ne se serait pas encombrée d'un déguisement pour l'approcher et elle n'aurait certainement pas entamé la conversation. Son époux n'était probablement pas bien disposé envers elle depuis qu'elle avait tué Rabastan, elle doutait donc qu'il aurait élaboré ce genre de stratagèmes. Narcissa était aux abonnés absents et, de ce que Nymphadora savait d'elle, était tellement vaine que si elle avait usé de Polynectar, elle aurait choisi une belle femme plutôt qu'un homme.

Restait donc Lucius Malfoy.

Qui ne confirma pas ses soupçons mais ne les réfuta pas non plus.

« Que voulez-vous ? » siffla-t-elle.

Lentement, il retira la main de son bras.

Elle ne tira pas immédiatement sa baguette mais se tint sur le qui-vive, prête à bouger au moindre mouvement menaçant.

« J'ai une dette envers vous. » déclara-t-il. « Et nous payons nos dettes. »

Son regard gris fouilla le sien. Elle sentit la caresse subtile effleurer son esprit, presque indiscernable…

Elle dressa immédiatement des boucliers constitués de souvenirs sans importance mais ne le repoussa pas ouvertement, curieuse de savoir ce qu'il cherchait…

Il se retira sans pousser plus avant, cependant.

« Excellent. Je vois que Severus a fait votre éducation en la matière. Encore que, quiconque serait familier de ses boucliers reconnaîtrait sa marque de fabrique dans les vôtres. » remarqua-t-il. « Non qu'il y ait encore un quelconque secret à ce sujet, n'est-il pas ? »

« Grace à vous. » cracha-t-elle.

Il fronça les sourcils. « Non, Nymphadora. Ce n'est pas moi qui ait vendu cette information là. »

Elle ne le crut pas.

Au moment où Voldemort avait été mis au courant, mis à part Charlie, elle ne l'avait dit à personne. Nyssa ou Anthony aurait pu entendre sa confession mais…

« Il n'y a pas de dette. » cracha-t-elle. « Je ne sais pas de quoi vous parlez mais… »

« Vous avez recueilli Draco. » l'interrompit-il. « Il est sous votre protection et votre protection commence à peser son poids. » Il lui jeta un regard appréciateur. « Une vraie Black, vous irez loin. »

« Mon nom est Tonks. » gronda-t-elle.

Son irritation parut l'amuser mais cela disparut rapidement lorsqu'il jeta un coup d'œil alentour, apparemment méfiant. Il baissa la voix, presque trop pour qu'elle puisse l'entendre par-dessus la musique. Elle dût se pencher vers lui, ce qui, elle le savait, n'était guère intelligent, d'autant plus lorsqu'il s'approcha lui aussi pour lui parler directement à l'oreille.

« C'était une chose lorsque Bellatrix voulait votre tête pour atteindre votre mère ou lorsque Greyback voulait vous tuer pour donner une leçon à Lupin mais le Seigneur des Ténèbres ferait n'importe quoi pour se venger de Severus. Il a perdu la face, comprenons-nous, et il ne peut laisser passer l'affront. Or vous êtes la première et unique faiblesse que notre ami ait jamais commis l'erreur de montrer. Vous blesser serait toucher Severus au cœur et le Seigneur des Ténèbres est… impatient d'y parvenir. » murmura Lucius.

« Je le sais déjà, ça. » grinça-t-elle. « Si c'est tout ce que vous vouliez me dire… »

« Rodolphus aimait son frère. » continua Lucius, sans se laisser perturber par l'interruption. « Et il ne s'arrêtera à rien pour venger sa mort. Il est créatif et retord. Il n'est peut-être pas aussi vicieux que Bellatrix mais il est beaucoup plus sournois. Il ne frappera pas immédiatement, il laissera votre méfiance s'endormir d'abord. Ne commettez pas l'erreur de baisser la garde. Lorsque le coup viendra, il ne sera pas direct et vous ne le verrez pas venir. Ne buvez ou ne mangez rien dont vous n'êtes pas certaine de la provenance, avoir un bézoard sur vous en permanence ne serait pas superflu, méfiez-vous de tout et surtout de tous. »

Elle se recula, secouant la tête. « Pourquoi m'avertir ? Je n'ai pas accepté de m'occuper de Draco pour vous rendre service. Il mérite… »

« Je paye mes dettes. » la coupa-t-il. Quelque chose passa sur son visage, une expression qu'elle ne sut déchiffrer. « Et vous m'impressionnez, je dois l'admettre. En d'autres circonstances, je crois que j'aurais aimé vous appeler nièce sans ironie. »

Il s'écarta comme s'il s'apprêtait à se lever.

Ce fût à son tour d'attraper son poignet pour le retenir.

Elle aurait dû l'arrêter, elle le savait, club bondé ou pas, mais outre le fait qu'elle n'était pas persuadée qu'elle aurait pu gagner contre lui étant donné sa condition physique…

« Comment m'avez-vous trouvée, ce soir ? » demanda-t-elle.

Elle-même n'avait pas prévu de sortir…

Un demi-sourire étira les lèvres du Mangemort. « La bibliothèque du manoir regorge de grimoires remplis de sortilèges oubliés. Lorsqu'on est déterminé, localiser quelqu'un n'est pas bien difficile, surtout lorsque l'on a en sa possession du sang appartement à un membre de sa famille. Une chose dont vous feriez bien de vous souvenir. Je ne suis pas le seul à avoir accès à ce genre de livres ou au sang d'une Black. » Il leva un sourcil condescendant. « Que vous le vouliez ou non, vous voilà sorcière à abattre. Bienvenue dans la cours des grands, Nymphadora. Soyez plus prudente. » Il échappa à sa poigne et se leva, non sans un dernier clin d'œil. « Mes amitiés à Severus. »

Elle aurait dû l'arrêter.

Au lieu de ça, elle l'observa se fondre dans la foule et disparaître, sans trop savoir quoi faire de ses avertissements.

°O°O°O°O°

Harry se laissa tomber dans un des fauteuils de leurs appartements, légèrement extatique de leur mission réussie – et plus que soulagé d'avoir laissé derrière lui l'ambiance lugubre de la Chambre des Secret.

« Un chocolat chaud pour célébrer ce succès ? » proposa-t-il.

Severus jeta un coup d'œil à la pendule, sembla hésiter à commenter l'heure plus que tardive puis haussa les épaules, sans doute tout aussi sujet au trop plein d'adrénaline qu'Harry l'était. « Pourquoi pas ? »

Le garçon s'attarda le temps de l'observer curieusement déplacer plusieurs énormes livres d'une étage, peu surpris de découvrir un compartiment secret dissimulé dans le mur. Le Professeur y apposa la main, murmura quelque chose qu'il ne saisit pas et le coffre s'ouvrit. Il entraperçut des papiers à l'intérieur, un éclat doré qui lui fit dire que Severus ne gardait pas tout son argent à Gringotts…

Il partit pour la cuisine alors que le Maître des Potions mettait prudemment le crochet de basilic et les fioles de venin qu'il avait récolté sous clef. Préparer le chocolat chaud fût l'affaire de quelques minutes. Le temps qu'il revienne au salon avec une tasse fumante dans chaque main, Severus s'était débarrassé de sa cape et de ses épaisses sur-robes et s'était installé dans son fauteuil favori, parcourant d'un air distrait son devoir de Botanique abandonné.

« Tu as oublié l'une des propriétés. » remarqua l'homme, en posant le parchemin sur la table pour lui prendre la tasse des mains.

Harry hocha la tête pour montrer qu'il avait compris puis s'installa sur le canapé, ôtant ses chaussures pour mieux se recroqueviller sous le plaid, laissant la faïence lui réchauffer les mains. Ils burent en silence pendant quelques minutes. S'il avait été moins tard, il aurait peut-être proposé une partie d'échecs sorciers. Cela faisait longtemps qu'ils n'avaient pas trouvé le temps d'y jouer.

Il essayait toujours de savourer au maximum ces moments de tranquillité un peu hors du temps, arraché à la réalité de la guerre, pourtant ce soir là, il ne parvenait pas tout à fait à mettre son cerveau sur pause. Peut-être à cause de ce qu'ils venaient d'aller chercher… Peut-être parce qu'il sentait la guerre se refermer sur eux comme une mâchoire sur sa nuque…

« Quand est-ce que vous allez aller chercher l'horcruxe ? » demanda-t-il.

Severus s'était perdu dans ses propres pensées mais son regard, lorsqu'il se posa sur lui, était aiguisé. Le sorcier l'observa quelques secondes puis pinça les lèvres.

« Dès que nous pourrons quitter le château sans attirer l'attention du Professeur Dumbledore. » lâcha-t-il. « Le plus tôt possible. »

Harry acquiesça lentement, ressentant une pointe de culpabilité. Severus et Sirius faisaient de leur mieux pour cacher leurs intentions à Dumbledore mais ils ne savaient pas qu'Hermione pouvait involontairement trahir le secret…

Plusieurs fois, il avait failli l'avouer à Severus.

Il avait ravalé les mots à chaque fois, craignant un peu sa réaction. Il aimait le Professeur mais Sev restait un Serpentard pour qui la fin justifiait les moyens. Un sortilège d'amnésie ne pèserait pas lourd sur sa conscience. Et même si Harry lui demandait de ne rien faire… Dans ce cas là, il ne doutait pas qu'il forcerait Hermione à se soumettre à un apprentissage accéléré de l'Occlumencie et…

Severus avait assez à faire comme ça. Entre adapter et affiner la potion Révèle-Loup, l'horcruxe et Harry qui lui prenait du temps… Un temps que le garçon gardait jalousement… Non, il n'avait pas envie d'en rajouter.

Cependant, il n'aimait pas avoir l'impression de lui mentir, non plus.

Poussé par la culpabilité, il avoua autre chose qui lui pesait sur la conscience depuis quelques jours.

« Remus m'a écrit. »

Le Maître des Potions se figea, son expression virant rapidement à l'orage. « Très visiblement, je vais devoir lui rappeler ce que ne pas s'approcher signifie… »

« Il voulait juste s'excuser. » protesta-t-il faiblement.

Le ricanement de Severus était des plus sarcastiques. « Il a beaucoup d'expérience en la matière. Méfie-toi des personnes qui s'excusent à tout bout de champ uniquement pour reproduire le même comportement néfaste dans la seconde qui suit. »

Il supposait que cela faisait référence à des histoires entre Remus et Tonks, ce pour quoi il était désolé mais, au demeurant, cela ne le concernait pas vraiment.

« C'était la première fois… » nuança-t-il.

« Mais ce ne sera certainement pas la dernière. » siffla Sev. « Et je refuse de t'exposer à ce genre de conduite abusive. »

Ce mot, encore.

Severus l'utilisait à loisir lorsqu'il parlait des Dursley mais Harry en était venu à le détester.

Et il ne pensait pas vraiment que ça s'appliquait à Remus.

« Je lui ai répondu. » répondit-il, s'efforçant de garder un ton nonchalant parce qu'il anticipait l'agacement de son père.

Il ne fût pas surpris lorsque ce dernier ne cacha pas son irritation.

« Et tu lui as pardonné, je suppose ? » railla Severus. « J'ai toujours trouvé cela fascinant comme l'absolution était si facilement offerte à certains alors que d'autres doivent ramper et s'avilir pour l'obtenir. »

Le terrain était glissant et Harry ne voulait pas gâcher la soirée qui avait été plutôt agréable, si l'on exceptait le moment où ils avaient disséqué un serpent géant.

« Je lui ai pardonné parce que c'était la première fois, ce n'est pas comme s'il s'en était systématiquement pris à moi depuis qu'on s'est rencontré. Et puis, il a toujours été là pour moi, avant. » lâcha-t-il, en tournant nerveusement le sceau des Prince autour de son doigt.

Il n'avait pas voulu sous-entendre quoi que ce soit mais Severus détourna la tête comme s'il l'avait giflé.

Le parallèle, avec un peu de recul, était évident.

Il soupira. « Ce n'est pas ce que je voulais dire… »

« C'est pourtant la vérité. » grinça le Professeur, observant les flammes qui brûlaient bas dans l'âtre.

« Papa. » insista-t-il.

Il dût attendre un long moment pour que Severus ne le regarde à nouveau et il ne fût pas surpris de voir que le Professeur occludait.

« Ce n'est pas ce que je voulais dire. » répéta-t-il. « C'est juste que… J'ai pardonné pire à d'autres. » Cela ne sonnait pas mieux. Il grimaça. « J'ai pardonné pire à Sirius. »

« Ainsi qu'à moi. » murmura l'homme.

Harry grimaça plus fort.

Ce n'était pas faux, pourtant.

Severus poussa un profond soupir. « Sois prudent, c'est tout ce que je te demande. Je n'ai plus aucune confiance en lui. »

« Je suis désolé. » marmonna-t-il, sans trop savoir pourquoi. Il se sentait en faute, comme si en pardonnant à Remus, il avait trahi Severus d'une certaine manière.

« Tu n'as pas à être désolé. » contra le Maître des Potions. « Tu es libre de tes décisions, aussi généreuses soient-elles. Je n'ai pas changé d'avis, toutefois, il ne reviendra pas te donner de leçons particulières et je ne veux pas que tu sois seul avec lui. »

Il hocha la tête parce qu'il n'avait pas de problème avec ça. Il avait peut-être écrit à Remus qu'il était pardonné mais c'était loin d'être oublié.

L'ambiance avait changé.

Severus s'enfonça dans un mutisme maussade, laissant ce qui restait de chocolat chaud refroidir au fond de sa tasse.

Harry termina la sienne, cherchant les bons mots sans les trouver.

« Je ne voudrais pas d'un autre adulte. » lâcha-t-il finalement, un peu gêné mais déterminé à exprimer le fond de sa pensée.

Le Professeur lui rendit sa pleine attention, aussi silencieuse soit-elle.

Il se racla la gorge et continua. « Et, non, on n'a pas le passif le plus facile mais… Vous avez changé. Pour moi. Vous avez changé. Et c'est plus difficile et honorable que de juste envoyer une lettre d'excuse en s'attendant à être pardonné de toute manière. » Il baissa les yeux, se concentrant sur la lourde bague à son doigt. « Je ne suis pas spécialiste en rédemption ou absolution, peut-être que certains l'atteignent plus facilement que d'autres, mais… Peut-être aussi que ça fait longtemps que vous vous êtes racheté et que vous ne l'avez simplement pas remarqué parce que vous persistez à penser que vous ne le méritez pas. Et… C'est faux. Je vous ai pardonné, il y a longtemps. Pour tout. Vous vous souvenez ? »

Il entendit l'ancien espion prendre une profonde inspiration et il se raidit, pas entièrement certain que Severus n'allait pas perdre son calme. Il y avait des choses dont ils ne parlaient pas directement, des sujets qui déclenchaient des colères terribles chez le Maître des Potions. Sa quête de rédemption, en était un.

« Comment pourrais-je l'oublier ? » murmura son père.

Harry se détendit légèrement et, enhardi par l'absence de hurlements, osa croiser à nouveau son regard. « Je ne veux pas dire que Remus ne compte pas mais… Il est beaucoup moins important pour moi que… vous. Peut-être que je lui pardonne trop facilement mais… » Il haussa les épaules. « Je n'ai pas envie de dépenser de l'énergie à lui en vouloir. » Il hésita un court moment, décida qu'il aurait eu le courage de dire le reste s'il s'était adressé à Sev et pas à sa version adulte, et poursuivit. « Je le vois dans vos yeux, vous savez. Parfois, vous avez ces moments où… Vous vous repliez derrière vos boucliers parce que vous pensez que vous ne méritez pas d'être heureux. C'est faux. Vous le méritez. Vous avez suffisamment payé vos erreurs. Vous êtes trop dur avec vous-même. »

Il attendit, retenant son souffle, que la tempête se déchaine.

Preuve qu'ils avaient fait du chemin depuis ces premiers mois en soixante-quinze, Severus ne perdit pas son calme. Il paraissait, en revanche, incapable de trouver les mots pour lui répondre.

Un peu gêné, un peu certain d'en avoir trop dit, Harry simula un bâillement et se leva. « Bonne nuit. »

Il était à la porte lorsque Severus se racla la gorge à son tour.

« Je ne t'ai jamais remercié. »

Harry s'immobilisa sur le seuil, tournant la tête pour l'observer par-dessus son épaule. « Remercié pour quoi ? »

Parce que, si l'on tenait les comptes, c'était Harry qui aurait dû exprimer sa gratitude et pas l'inverse.

« De m'avoir laissé être ton adulte. » lâcha le Professeur. « De m'avoir donné une raison de ne jamais abandonner. » Leurs regards se croisèrent, un peu embarrassés mais sincères. « Être ton père est la chose la plus précieuse qu'il m'ait été donné d'être. »

La gorge un peu nouée par l'émotion, le garçon se força à plaisanter. « Plus que le poste de Professeur de Défense ? »

Saisissant probablement son intention, Severus laissa échapper un rare rire. « N'exagérons rien, tout de même. »

Harry en souriait encore lorsqu'il rejoignit sa chambre.

°O°O°O°O°

Tonks retrouva l'air frais de la nuit avec plaisir après tout ce temps passé dans le club un peu trop confiné à son goût. Dans les différents groupes de fumeurs qui s'agglutinaient devant la boîte, elle repéra sans mal Anthony adossé à un lampadaire. Elle le rejoignit, acceptant la cigarette qu'il lui tendit sans un mot pour en voler une taffe.

« Tu n'es pas trop loin de Charlie ? » s'enquit-elle, en lui rendant la cigarette.

Elle avait du mal à jauger la distance à laquelle ses deux amis pouvaient désormais s'éloigner. Ce n'était guère plus que quelques mètres mais combien exactement…

« La magie nous tiraille mais on essaye d'apprendre à faire avec. » la tranquillisa-t-il, avec un sourire. La cigarette passa entre eux plusieurs fois avant que son sourire ne devienne curieux. « Ce type avec qui tu parlais… C'était qui ? »

Elle ne s'était pas rendu compte que ses amis avaient remarqué quoi que ce soit, occupés comme ils l'avaient été à danser.

Elle lui dit presque la vérité.

Presque.

« Juste un Moldu. » mentit-elle, en haussant les épaules.

« Vous avez parlé longtemps. » remarqua-t-il.

« Il ne voulait pas comprendre que sa drague ne marchait pas sur moi. » botta-t-elle en touche. « Tu sais… Le genre qui ne veut pas croire que tu es déjà en couple juste parce que tu n'as pas de bague au doigt. »

Anthony souffla lentement la fumée vers le ciel, l'observant se déliter dans l'air frais. « À ce propos, je suis désolé, tu sais. »

Elle fronça les sourcils, croisant les bras sur sa poitrine pour se réchauffer. Elle n'avait pas de veste et il ne faisait pas exactement chaud là-dehors après la torpeur qui régnait à l'intérieur du club. « Pourquoi ? »

Le dragonnier sembla délibérer silencieusement avec lui-même avant de croiser à nouveau son regard. Lorsqu'il lui tendit à nouveau la cigarette, elle la prit par réflexe mais ne la porta pas à ses lèvres.

« On n'a pas été très… » hésita son ami. « On ne t'a pas beaucoup soutenue lorsque tu nous as dit que tu étais avec Snape. » Il enfouit les mains dans ses poches et baissa les yeux vers ses chaussures. « Pour ne pas dire qu'on a été très lourds. »

Elle ne s'était pas vraiment plaint jusque là mais elle dût admettre que les excuses, aussi maladroites soient-elles, lui firent du bien. Ce n'était pas tant Anthony que Charlie qui l'avait un peu blessée sur le sujet, pourtant.

Elle garda le silence, préférant fumer que de dire des choses qu'elle risquerait de regretter.

« Je sais que tu as dit que c'était sérieux… » continua Anthony. « Mais je ne le croyais pas vraiment jusqu'à ce que je le vois l'autre soir. Je pensais qu'il s'amusait avec toi, pas qu'il t'aimait. »

Elle s'étouffa, la fumée emprisonnée dans sa gorge ressortant par ses narines dans un manque total de classe. Toussotant et crachotant, elle lui passa la cigarette, grimaçant contre la douleur abrupte que la toux déclencha dans sa cage thoracique.

« Ça va ? » s'alarma son ami, en lui frottant le dos.

Elle plantant son regard légèrement larmoyant dans le sien, la voix rauque. « Je n'ai jamais dit qu'il m'aimait. »

La main d'Anthony s'attarda dans son dos jusqu'à ce qu'il soit certain qu'elle n'allait pas s'écrouler. Lorsqu'elle eut retrouvé son souffle, il la lâcha avec un sourire amusé.

« Pas besoin. » commenta-t-il. « C'était gravé sur son visage. Je sais reconnaître l'expression d'un homme amoureux qui croit que sa moitié est sur le point de mourir… » Son ton se fit plus pensif, plus triste, mais il secoua la tête, son sourire revenant lentement. « Et encore, je n'étais pas dans la chambre… Charlie m'a dit qu'il n'avait jamais imaginé qu'il puisse être aussi humain. » Il leva les sourcils. « J'étais dans le couloir, par contre. Et j'avoue que la manière dont il a botté les fesses de Remus, c'était jouissif. »

Nymphadora refusa d'un geste la cigarette qu'il lui tendit à nouveau, ayant eu son compte de tabac pour la soirée. Mais même sa crise de toux n'expliquait pas ses joues cuisantes. Elle ne pouvait nier que les mots d'Anthony lui faisaient plaisir et lui donnaient des papillons dans le ventre parce que…

« De là à parler d'amour… » nuança-t-elle. « Il n'a jamais dit… »

Elle laissa sa phrase en suspens.

« Crois-moi, il t'aime. » déclara Anthony, avec un sourire presque forcé. Il y avait de la tristesse dans son regard que Tonks ne s'expliquait pas. « Et tu l'aimes aussi, n'est-ce pas ? »

Elle détourna le regard, mal à l'aise de parler de ça avec lui alors qu'elle n'en avait discuté qu'à demi-mots avec Severus. Cela aurait été différent si Charlie lui avait posé cette question. Elle et Charlie ne se cachaient rien. Ou, du moins, n'avaient pas eu l'habitude de se cacher des choses avant…

Le dragonnier parut prendre son absence de réponse comme une confirmation parce qu'il hocha distraitement la tête, terminant la cigarette d'une longue aspiration. Il la jeta par terre et était en train de l'écraser d'un coup de talon lorsque Charlie les rejoignit, un sourire aux lèvres, plus soul qu'éméché désormais.

« Vous êtes là ! Je vous cherchais. »

Il passa son bras autour des épaules de Tonks qui s'appuya contre lui par réflexe, trouvant dans la familiarité de son étreinte un certain réconfort.

« On parlait de l'autre soir au Q.G. » répondit Anthony, non sans amusement. « J'étais en train de lui raconter comment Snape a plaqué Remus contre le mur… »

« C'est Remus qui a commencé. » rétorqua Charlie, en resserrant légèrement le bras passé autour de ses épaules. « Il se comportait comme un connard… Et ce qu'il a dit à Snape… » Son meilleur ami secoua la tête. « C'était tellement petit… »

La curiosité la démangeait mais Severus n'avait pas voulu lui répéter exactement ce qu'avait dit Remus. L'essentiel semblait évident, pourtant, étant donné la semi-dispute qu'ils avaient eu le lendemain. Même sur le coup, elle n'avait pas été en colère contre lui, cependant. Il avait en lui un énorme mal-être avec lequel il était très mal à l'aise et que leur relation, parce qu'elle était intime et nécessitait de se dévoiler, titillait constamment. Elle préférait encore qu'il lui dise ce qui le tracassait, aussi stupide que cela puisse paraître, plutôt que de le laisser couver. Elle ne savait pas précisément ce qu'avait dit Remus mais si Severus en était venu à se questionner sur sa propre nature…

Tu penses que je suis un homme meilleur que lorsque j'ai pris la Marque mais c'est faux. Au fond, je suis mauvais. Je l'ai toujours été et je le resterai.

Elle ne savait pas comment elle allait le convaincre du contraire mais elle était déterminée à y parvenir, même si cela prenait des années.

« C'était un coup bas. » acquiesça Anthony.

« Dis donc, au fait… » enchaîna Charlie, en laissant glisser son bras de ses épaules pour mieux la dévisager. « Tu ne m'as jamais dit que Snape était un Legilimens. »

Elle demeura impassible. « Comment ça ? »

Soudain, Charlie n'avait plus l'air si soul. Tout du moins pas soul au point de ne pas savoir ce qu'il disait. Il paraissait très intéressé, au contraire, et elle s'en voulut de la pointe de suspicion dans son ventre.

C'était Lucius et ses avertissements qui réveillaient sa paranoïa, rien d'autre, elle le savait mais…

« Ce soir là, il t'a demandé d'utiliser l'occlumencie pour contrôler la douleur. » insista son meilleur ami. « Et ensuite, il t'a demandé de le laisser rentrer dans ton esprit. »

« Tu es une Occlumens ? » demanda Anthony, avec surprise et curiosité.

Elle se força à éclater de rire comme si c'était une bonne blague, comme si cela ne tiraillait pas sur ses côtes et réveillait une douleur déjà trop présente, comme si c'était entièrement ridicule.

Et tout du long elle se demanda pourquoi, exactement, elle ressentait le besoin de leur mentir.

« Pas du tout. » répondit-elle. « Il dit que j'ai juste une résistance naturelle, ça me vient des Black. Mais je n'ai pas le temps de la développer donc… » Il haussa les épaules. « Et, oui, c'est un Legilimens mais, d'après ce que j'ai compris, il est tout à fait moyen. Je n'y connais pas grand-chose à ce genre de magie. »

« Une résistance naturelle ? » répéta Charlie, en fronçant les sourcils. « Je ne savais même pas que ça existait. »

« Tu ne veux pas devenir Occlumens ? » insista Anthony. « Ça pourrait te servir. »

« C'est trop subtil pour moi. » plaisanta-t-elle. « Je vous rappelle que je ne peux pas rentrer dans une pièce sans trébucher sur quelque chose alors la magie de l'esprit… Ça demande beaucoup trop d'adresse. » Elle balaya l'air de la main. « Assez parlé de moi. Comment ça se passe à Poudlard ? Le frère d'Hagrid vous donne toujours du fil à retordre ? »

Elle les écouta d'une oreille, sans vraiment y prêter attention, incapable de mettre un nom sur la sensation bizarre qu'elle éprouvait.

°O°O°O°O°

Severus se redressa sur le coude, réveillé en sursaut par le sortilège d'alarme qui entourait le bureau de Directeur de Maison. Il attendit une seconde mais au lieu de l'avertir qu'un élève frappait à la porte, le sort lui apprit que quelqu'un avait passé ses protections. Sans les forcer.

Il ne bougea pas, peu surpris lorsqu'il sentit la seconde alarme se déclencher et les protections s'effacer à nouveau alors que la personne utilisait la porte dérobée qui menait à ses appartements.

Les protections étaient programmées pour laisser passer trois personnes : Harry qui était déjà dans sa chambre, Black qui ne se serait pas amusé à venir lui rendre visite au milieu de la nuit sauf s'il désirait prendre un maléfice en pleine figure et Nymphadora qui n'avait aucune raison d'être là mais dont la présence était la plus probable. Albus aurait pu déjouer ses sortilèges mais pas sans efforts qui auraient alerté Severus sur son identité.

Le bruit des pas dans le couloir était feutré.

Quelques secondes plus tard, il entendit un très léger toc à sa porte.

« Entre. »

Elle se glissa silencieusement dans la chambre, comme une ombre, les bottes à la main pour ne pas faire de bruit. Dans la pénombre, il peinait à deviner son expression mais elle paraissait un peu gênée.

« J'étais en train de rentrer chez moi quand j'ai réalisé que je n'avais pas vraiment envie de dormir seule… » avoua-t-elle, en s'asseyant au bord du lit. « Pathétique ? »

Il l'observa, son regard s'attardant sur la robe qu'elle portait, différente de celle qu'elle avait mis pour sa réception à Downing Street, moins classique, plus punk… Non moins séduisante.

« Sans doute autant que le fait qu'après trente-six ans de célibat, mon lit me semble désormais bien vide lorsque tu n'es pas dedans. » répondit-il, non sans humour. Un humour un peu gardé, un peu hésitant. Parce que ce genre d'aveu ne lui venait pas naturellement et qu'il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il souffrirait plus tard de se hasarder à ce genre d'épanchement.

Harry avait raison, cependant, il avait tendance à s'interdire d'être heureux simplement parce que…

La confession valait la peine simplement pour la voir se détendre d'un coup, pour apercevoir le sourire qui étira ses lèvres.

« Comment as-tu passé les grilles ? » demanda-t-il. À cette heure-ci, il n'y aurait eu guère qu'Albus pour entendre et répondre à l'appel magique que devait envoyer tout visiteur non affilié au château.

« Je ne t'ai pas dit ? » Elle fronça les sourcils, repliant un peu les jambes sur le matelas. « Dumbledore m'a ajoutée aux protections de l'école puisque je suis en charge de sa sécurité. J'ai les mêmes privilèges qu'un employé. » Ce qui signifiait qu'elle pouvait aller et venir comme elle le souhaitait. « Entre nous, je pense que McGonagall en avait marre de venir m'ouvrir tous les deux jours. »

En ce qui le concernait, c'était une excellente nouvelle. Personne n'aurait besoin d'aller lui ouvrir et moins de gens se mêleraient de leurs affaires.

Il n'en pouvait plus des petits sourires entendus Minerva dès qu'elle mentionnait la jeune femme.

« Tes côtes ? » s'enquit-il, tout en soulevant le duvet dans une invitation muette.

« Mieux mais pas génial. » soupira-t-elle. Elle se glissa sous les draps et il se rallongea sur le côté. Ils s'observèrent en silence quelques secondes puis elle détourna le regard. « Lucius Malfoy te fait ses amitiés. »

Il fronça les sourcils, alarmé. « Il t'a attaquée ? »

Peu probable, cependant. Elle ne semblait pas blessée et elle était beaucoup trop calme pour quelqu'un qui serait tombé dans une embuscade. Un instant, il lui vint l'idée qu'elle pouvait très bien être sous imperium. Cela aurait très certainement été un moyen efficace de l'assassiner : l'envoyer se glisser dans son lit à une heure indue, sachant qu'il ne se méfierait pas d'elle, ne se réveillerait peut-être même pas…

Mais elle n'eut aucun geste agressif, aucun comportement étrange laissant penser qu'elle était sous influence. Au lieu de cela, elle soupira encore une fois et entreprit de lui résumer son entrevue avec Lucius qui, décidemment, faisait un piètre espion. S'il avait été à sa place, il n'aurait pas couru le risque d'avertir la jeune femme. Toutefois, il était vrai que s'il substituait Harry à Draco… Peut-être aurait-il pris le risque, après réflexion.

« Je n'arrive pas à le cerner. » conclut-elle. « C'est un Mangemort pur et dur, pas de doute là-dessus, mais… »

« Ma Maison avant tout. » murmura-t-il. « La devise des Malfoy. »

Elle souffla avec agacement. « Ça ne l'a pas empêché de renier son fils. »

« Renié, pas déshérité. » nuança-t-il. « À la mort de Lucius, Draco deviendra Lord Malfoy. Il sera Chef de famille, il en porte d'ailleurs déjà le sceau, et héritera de la fortune et des terres qui vont avec. On pourrait en conclure qu'il refuse simplement de laisser sa Maison sans héritier mais c'est plus profond que cela. S'il n'avait pas écarté Draco… Le Seigneur des Ténèbres aurait insisté pour qu'il prenne la Marque rapidement. »

Nymphadora se rembrunit. « Ne me donne pas de raison d'avoir de la compassion pour Lucius Malfoy, s'il te plait. »

« De la compassion, ce serait dangereux. » commenta-t-il. « Toutefois, le contexte est important. Tu as pris Draco sous ta protection, il considère qu'il a une dette envers toi. » Il se frotta le visage. « Je ne m'y fierai pas, à ta place, cependant. J'ai moi-même une dette envers lui et puisque nous sommes à présent liés… Il pourrait très bien considérer que ces dettes s'annulent l'une l'autre. »

Amusée, elle sourit. « Ai-je envie de demander pourquoi tu as une dette envers lui ou est-ce que c'est encore un de ces moments où tu vas m'avouer un crime pour lequel je serais censée te traîner devant un tribunal ? »

Severus délibéra quelques secondes puis décida qu'il était peu probable que quelqu'un cherche un jour à lui soutirer cette information et que, le cas échéant, ses boucliers suffiraient probablement à la dissimuler.

« Sans lui, je ne serais jamais parvenu à quitter Azkaban. » avoua-t-il. « Il s'est arrangé pour que je puisse récupérer ma baguette. »

Son amusement disparu comme par enchantement, laissant place à une gravité lasse alors qu'elle mesurait, peut-être, pourquoi Lucius aurait pu considérer leurs dettes comme mutuellement payées.

« Pourquoi ? » demanda-t-elle, non sans curiosité. « S'il s'était fait prendre… »

Elle laissa sa phrase en suspens.

Il poussa un léger soupir, détournant à son tour le regard. « Si nous étions tout deux moins Serpentard, nous aurions pu être de véritables amis. »

« Ce serait plus simple si les méchants pouvaient être simplement méchants. » remarqua-t-elle.

Il ne protesta pas lorsqu'elle vint se blottir dans ses bras, savourant au contraire le plaisir simple de la tenir contre lui.

« Un monde manichéen serait plus simple, n'est-ce pas ? » murmura-t-il contre ses cheveux. Elle sentait le tabac et l'alcool au lieu de son shampoing fruité habituel. « Nous ne pouvons pas pourtant nous permettre d'états d'âme. Ils n'hésiteront pas à nous torturer ou nous tuer, tu peux en être certaine. Ne prends pas les avertissements de Lucius à la légère. Je te donnerai un bézoard avant que tu ne partes demain matin. J'aurais dû y songer avant. »

Harry en avait un sur lui en permanence, en plus de son stock de potions. Il avait insisté pour que la jeune femme s'encombre des potions mais le bézoard, il n'y avait pas pensé.

« Je commence à comprendre Fol'Œil. » marmonna-t-elle. « Je vais finir complètement parano. Rien que ce soir… »

Elle s'interrompit.

« Ce soir ? » l'invita-t-il à poursuivre.

Elle cala la tête dans le creux de son bras et soupira une nouvelle fois. « Rien. J'ai l'impression de me méfier de mon ombre, c'est tout. »

« À raison, malheureusement. » déplora-t-il, en basculant sur le dos pour lui laisser plus de place. Elle s'étira immédiatement, passant un bras autour de sa taille et une jambe au-dessus des siennes dans une position qui était devenue extrêmement familière. Le poids de sa tête dans le creux de son épaule était, lui-aussi, devenu naturel. Suffisamment pour qu'il lui manque lorsqu'elle n'était pas là.

Elle resta silencieuse pendant tellement longtemps qu'il était presque endormi lorsque sa voix le tira du sommeil.

« On a perdu trop d'Aurors l'autre jour. » déclara-t-elle, d'un ton morne. « Ce matin, j'ai dû les remplacer par certains des vétérans qu'on avait faits revenir pour former les nouvelles recrues. Ils ont tous plus de soixante-dix ans et n'ont rien à faire sur le terrain. »

Mais c'était eux ou des gamins sans aucune expérience qui risquaient de paniquer à la première escarmouche, supposa-t-il.

« J'ai signé les ordres de mission puis je suis allée voir Scrimgeour pour lui dire qu'il ferait mieux de me remplacer par n'importe lequel d'entre eux. » continua-t-elle. « Que je serais plus utile là-dehors et que n'importe lequel de ces sorciers ou sorcières serait plus légitime que moi pour seconder Kingsley. »

Severus caressa son bras, toujours un peu incertain lorsqu'il était question de distribuer des gestes de tendresse.

« Tu ne me demandes pas ce qu'il a répondu ? » souffla-t-elle, lorsqu'il garda le silence trop longtemps.

« Je le devine. » lâcha-t-il.

Elle tourna légèrement la tête, pressa son visage contre son épaule. Il repoussa les mèches brunes qui lui tombaient sur les joues, attendant patiemment qu'elle se reprenne.

« Tu n'as peut-être pas l'expérience d'un Auror plus âgé mais tu as un excellent instinct, tu es intelligente et tu as prouvé que tu étais capable de commander la loyauté d'un groupe. » déclara-t-il, au bout de plusieurs minutes, quand il devint évident qu'elle ne dirait rien. « Et tu ne devrais pas avoir besoin que je te le rappelle, Nymphadora, parce que tu sais déjà tout ça. Où est passé ta confiance en toi ? »

« Dans un village Moldu en flammes avec tous les Aurors qui sont morts sous mon commandement. » cracha-t-elle, la voix nouée de larmes.

« Tu as fait ce que tu as pu. » lui rappela-t-il.

« Et ce n'était pas assez. » rétorqua-t-elle.

Son corps était raide contre le sien, tendu…

« Il est plus simple d'obéir aux ordres que de les donner. » admit-il. « Néanmoins, que tu le veuilles ou non, tu n'es plus un simple soldat, à présent, il n'y a plus de retour en arrière possible. Tu as abattu un des plus anciens favoris du Seigneur des Ténèbres… Tu es le visage de l'armée du Ministère… Et, comme si cela ne suffisait pas, tu as démontré plus d'une fois que tu disposais d'une puissance magique supérieure à la norme. »

« C'est faux. » protesta-t-elle. « Je ne suis pas… »

« Tu es une Métamorphomage. » l'interrompit-il, refusant de la laisser se dénigrer ou se voiler la face. Ce n'était pas première fois qu'elle faisait preuve d'un peu trop de modestie sur le sujet. « Tu as maitrisé tous les sortilèges de mon invention que je t'ai enseigné avec une facilité déconcertante alors qu'ils n'ont rien de simples. Et tu es une Black. »

« Tu es la deuxième personne à me dire ça ce soir. » râla-t-elle, retrouvant un peu de son caractère habituel. « Je ne suis pas une Black, je suis une Tonks. »

« Et je suis certain que ton père est un sorcier très doué. » riposta-t-il. « Reste que les Black ont méthodiquement entretenu leur lignée pendant des siècles pour s'assurer de ne produire que des sorciers puissants. Avec quelques ratés, certes, pourtant, je garantie que tu n'es pas l'un d'eux. »

« Toujours purs. » cracha-t-elle.

Il haussa les épaules, la secouant légèrement sans le vouloir. « Tu peux détester leurs méthodes et leurs idéaux. Cela ne change rien aux faits ou à l'identité de tes ancêtres. Cela ne change pas qui tu es, non plus. J'ai toujours admiré la manière dont tu refusais de te conformer à la masse. Tu sais qui tu es, Nymphadora, et tu refuses de compromettre cette identité, c'est une qualité. »

L'irritation sembla la déserter d'un coup. Son corps se fit plus lourd contre le sien.

« Peut-être que je ne sais plus qui je suis, justement. » avoua-t-elle.

Il resserra légèrement son étreinte, écartant à nouveau les cheveux de son visage. Il chercha à capter son regard mais elle gardait le sien résolument détourné.

« Parce que tu es désormais la quatrième personne la plus influente du Ministère ? » s'enquit-il.

Il n'y avait guère que Scrimgeour, Bones et Shacklebolt au-dessus d'elle, à ce stade.

« Je n'étais pas prête. » admit-elle. « Je n'étais pas prête à ce que Fol'Œil meure. Je n'étais pas prête à prendre sa place. Je n'étais pas prête du tout à… à devoir donner des ordres qui ont coûté la vie à des gens. » Elle prit une profonde inspiration, souffla lentement. « Et je sais que je vais devoir recommencer. Je sais que, d'ici la semaine prochaine, je vais devoir prendre une douzaine de décisions différentes, donner une douzaine d'ordres différents, et que des gens vont mourir parce que je vais me tromper ou parce que je ne vais pas réagir assez vite ou… » Elle s'interrompit, souffla à nouveau. « Je ne suis pas prête, Severus. »

Sa détresse le touchait parce qu'il la savait sincère.

Il était probablement très ironique, ou très révélateur, que quelqu'un d'aussi renfermé et réfractaire aux sentiments que lui se soit attaché à deux des personnes les plus humaines qu'il ait jamais rencontrées. Nymphadora, comme Harry, ne supportait pas d'échouer si cela signifiait perdre une vie.

Elle était devenue un peu plus cynique dernièrement, à son contact ou à cause de la guerre, mais au fond, elle demeurait quelqu'un qui plaçait la vie humaine avant tout autre chose. Il y avait une raison au fait qu'elle ne parvenait pas toujours à lancer un Avada et préférait des sorts incapacitants ou, tout du moins, qui demandaient moins de haine. Au-delà du reste, elle était intègre, fidèle à ses principes, courageuse, brillante

La savoir en charge du Département des Aurors était, par beaucoup d'aspects, un soulagement. Il lui faisait confiance pour faire les choses correctement et avec suffisamment d'intelligence. Shacklebolt n'était pas le pire Auror qu'il ait rencontré et l'homme avait l'esprit vif derrière son calme inébranlable mais c'était en Nymphadora qu'il avait le plus confiance pour garder le bateau à flots.

Et il n'aimait pas la voir douter autant d'elle-même. Il était peiné qu'elle soit dans cet état.

« Je crains que personne de décent ne soit jamais prêt pour le pouvoir, mon amour. » offrit-il, presque distraitement, trop occupé à se demander comment il pouvait la convaincre qu'elle était la personne parfaite pour ce poste précisément parce qu'elle n'en voulait pas.

Ses propres mots le heurtèrent avec un temps de retard.

La panique fût immédiate, brutale et totale. Lui qui était habitué à faire face à des situations dangereuses et potentiellement mortelles au quotidien avec phlegme se figea d'horreur, incapable de dire ou de faire quoi que ce soit.

Il n'aurait su dire qui d'eux deux était le plus tendu.

Le silence se prolongea, lourd de ce mot qui planait entre eux.

Et puis, il sentit sa main se poser sur sa joue et, avant qu'il ait décidé quoi dire pour réparer ce qui n'était pas tout à fait une bévue, les lèvres de la jeune femme trouvèrent les siennes dans l'obscurité. Le baiser était presque violent et il y répondit avec la même intensité, se laissant emporter presque malgré lui par la passion qu'elle faisait toujours naître en lui.

Le désir remplaça progressivement la panique et l'embarras.

Pourtant, lorsqu'elle l'attira à lui, il résista, cherchant son regard dans le noir.

« Ta blessure. » lui rappela-t-il, un peu à regret.

« Je survivrai. » répondit-elle, le souffle court, avant de capturer à nouveau ses lèvres dans un baiser provocant qui lui vida complètement la tête.

Elle avait cet étrange pouvoir sur lui de réduire son contrôle légendaire à néant.

Et, plus tard, alors qu'il attendait qu'elle revienne se coucher, sommeillant à moitié, le corps lourd de satisfaction, il manqua presque le lui avouer.

Mais il s'était assez trahi comme cela, cette nuit là.

Les idées noires et les pensées cyniques tourbillonnaient à l'arrière de son esprit, cherchant à se frayer un chemin jusqu'à lui, mais il les repoussa, refusant pour un temps le pessimisme de penser que tout ceci ne pouvait durer. À cette seconde, il était heureux. Et Harry ne venait-il pas, quelques heures auparavant à peine, de lui enjoindre de cesser de s'auto-saborder dans ces moments là ? Ne pouvait-il pas simplement profiter de l'instant ?

La lumière de la bougie qui dansait dans la salle de bain fût soufflée. Il suivit sans mal sa progression dans la chambre, profitant du couvert de l'obscurité pour sourire lorsqu'elle se dirigea droit vers la commode avec naturel pour y prendre un des tee-shirts qu'elle oubliait régulièrement et qu'il avait rangés dans le premier tiroir.

Il lui trottait dans la tête dernièrement qu'il pouvait tout aussi bien lui offrir le reste de l'espace dans ce tiroir, justement, mais il ne savait pas trop comment aborder cette conversation.

Elle se baissa pour ramasser l'étui de sa baguette qu'elle balança sur la table de nuit, de ce qui était devenu son côté du lit, après avoir jeté un sort de réveil pour une heure absolument trop matinale et qui, étant donné l'heure tardive, ne leur laisserait pas beaucoup de sommeil. Néanmoins, il apprécia l'attention, sachant qu'elle prévoyait de partir avant qu'Harry ne se lève.

Il apprécia beaucoup moins qu'elle ne l'écrase au passage – et à dessein – en revenant se glisser sous les draps.

Preuve qu'elle l'avait ensorcelé d'une quelconque manière, au lieu de protester, il l'attrapa alors qu'elle cherchait à rejoindre son côté du lit et refusa de lui rendre sa liberté même lorsqu'elle fit mine d'essayer de se dégager, sans véritable effort. Son rire résonna un peu trop fort dans le silence nocturne et il se sentit obligé de l'avaler d'un baiser qui se transforma en plusieurs autres, dont la tendresse lui faisait presque mal.

« Tes côtes ? » demanda-t-il, au bout d'un moment, contre sa bouche.

« Ça va. » lui promit-elle.

Un mensonge, mais un qu'il lui accorda parce qu'elle souriait, que ses mains se baladaient sur lui avec possessivité, et qu'il aimait trop la lueur dans ses yeux pour briser le moment.

Il craignit un peu qu'elle ne cherche à discuter de ce mot qu'il avait laissé échapper mais, à sa décharge, elle le connaissait mieux que ça. Elle se pelotonna contre lui et prit la profonde inspiration d'un corps prêt à trouver le repos.

« Merci. » murmura-t-elle.

Ce fût à son tour d'échouer à retenir un petit rire.

« À ce point ? » se moqua-t-il. « Tout le plaisir était pour moi, je t'assure. »

Elle étouffa son ricanement dans son épaule mais lui frappa légèrement le bras en remontrance. « Idiot. »

« Je préférai les louanges. » plaisanta-t-il.

Elle planta un baiser sur sa bouche.

« Merci de ne jamais me dire que je ne suis pas capable de faire les choses. » clarifia-t-elle.

Et, avec cette phrase pourtant sincère, ce fût comme si l'ombre d'un loup se glissait dans le lit avec eux.

La morsure de la jalousie, il l'écarta bien vite, l'enfermant derrière ses boucliers.

Il n'y avait pas de quoi être jaloux bien qu'il aurait apprécié qu'elle cesse de les comparer, même s'il avait, pour l'instant, le dessus sur Lupin.

« Je déteste qu'il ait encore autant de pouvoir sur toi. » admit-il dans un murmure, en écartant les mèches roses de son visage.

« Il n'en a plus tant que ça. » soupira-t-elle, en reposant sa tête dans le creux de son épaule. « En grande partie grâce à toi. C'est juste que… Il a tellement répété que je n'étais pas… »

« C'est un idiot possessif qui voulait juste te garder sous sa coupe. » gronda-t-il, l'interrompant. « Le jour où je penserai véritablement que tu n'es pas capable de faire quelque chose, je serais franc avec toi, et je me réjouirai lorsque tu me prouveras inévitablement que j'avais tort. »

Il sentit son sourire contre sa peau, se détendit lorsqu'elle pressa un baiser sur son torse.

« Il s'est excusé tout à l'heure. » lui apprit-elle.

Severus ne retint pas un bruit tout aussi dédaigneux qu'agacé. « Et, as-tu choisis de lui pardonner ? »

Cela ne l'aurait pas surpris outre mesure. Tout le monde semblait bien prompt à effacer l'ardoise lorsqu'il était question de Lupin. Alors que la sienne…

« Si on m'avait donné une mornille à chaque fois qu'il m'a présenté des excuses, ces derniers mois, je serais riche. » répondit-elle, non sans amertume. « Il peut garder ses excuses et ses explications. Je veux juste qu'il me laisse tranquille. »

Il se détendit considérablement.

« Voilà une leçon qu'Harry n'a malheureusement pas encore apprise. » marmonna-t-il. « Lupin lui a envoyé des excuses et il les a acceptées. »

Nymphadora soupira. « Ce n'est pas ma place de dire quoi que ce soit, mais… Je pense que le tenir éloigné d'Harry était la bonne décision. »

« Et je compte m'y tenir. » confirma-t-il.

« S'il est déterminé à changer, comme il le dit, tant mieux, mais je n'y crois plus. » Elle remonta le duvet un peu plus haut jusqu'à le coincer sous son menton. « Tu sais qu'il a eu le culot de me dire qu'il ne se mettrait plus entre nous mais qu'il m'attendrait aussi longtemps qu'il le faudrait ? Comme s'il était toujours persuadé que nous ne sommes qu'une passade et que, au final, je reviendrai vers lui. »

« Cela ne me semble guère indiquer qu'il est prêt à changer son comportement. » remarqua-t-il. « Il s'agit juste d'un changement de tactique en ce qui te concerne. »

Elle lâcha un nouveau soupir. « Ne parlons plus de lui. »

Voilà qui lui aurait parfaitement convenu mais il savait que c'était un vœux pieu. Lupin reviendrait tôt ou tard dans la conversation parce qu'il y revenait toujours.

« Severus ? » murmura-t-elle, au bout d'un moment. Il dormait déjà à moitié et ne répondit que par un bruit ensommeillé. « Il faut que tu parles à Sirius. »

« De quoi ? » marmonna-t-il.

« De nous. » précisa-t-elle.

Il protesta dans un demi-sommeil, la serrant un peu plus fort dans ses bras. « C'est ton cousin. »

« Mais c'est ton ami. » rétorqua-t-elle. Trop endormi, il oublia de contester le terme. « Et j'ai essayé de lui dire, tout à l'heure, mais il n'a pas voulu comprendre. »

« C'est bien le seul qui n'ait pas encore compris. » grommela-t-il.

« Raison de plus pour que tu lui dises. » insista-t-elle.

Il acquiesça parce que, à cet instant, il aurait acquiescé à tout, et s'endormit sans entendre le reste, si reste il y avait.

Le sort d'alarme le réveilla brièvement ce qui semblait être quelques minutes plus tard mais il se rendormit dès qu'elle l'eut annulé, n'émergeant à nouveau uniquement lorsqu'elle déposa un léger baiser sur les lèvres.

« Passe une bonne journée. » chuchota-t-elle.

Il marmonna quelque chose en réponse mais fût trop lent à se réveiller tout à fait pour lui offrir quelque chose de plus cohérent. Il l'écouta se glisser hors de la chambre et hors des appartements, sans se rendormir tout à fait. Il somnola jusqu'à ce que sa propre alarme ne le force à se tirer du lit.

Il était d'excellente humeur, cependant.

Il prépara le petit-déjeuner avec un léger entrain, songeant déjà à tout ce qu'il devait faire ce jour là sans que cela ne le décourage, pour une fois. Il se sentait étrangement optimiste.

Il ne remarqua la présence d'Harry, appuyé au chambranle de la porte de la cuisine, qui l'observait, qu'avec un temps de retard. Le garçon paraissait lutter contre un fou rire et avait l'expression goguenarde des jours où il ne pouvait s'empêcher de se moquer de lui pour une raison ou une autre.

« Qu'y a-t-il ? » demanda-t-il, en le fusillant légèrement du regard pour prévenir une trop grosse ineptie.

Les yeux verts riaient sous cape mais le garçon parvint à garder son sérieux. « Vous n'êtes pas obligé de la chasser à l'aube, vous savez. Elle peut rester pour le petit-déjeuner. »

Tout son corps se glaça d'effroi à l'idée qu'il ait pu entendre…

Mais non… Severus avait jeté un assurdiato ainsi qu'un sort de silence, dès que la conversation avait pris un tour plus… charnel, juste au cas où. Il était plus probable qu'il l'ait entendue partir.

Il ne voulait pas vraiment poser la question mais embarrassé pour embarrassé… Il se racla la gorge. « Comment sais-tu que… »

Luttant toujours contre son amusement manifeste, Harry vint s'asseoir à table, s'appropriant un des deux verres de jus d'orange fraîchement pressé. « Vous fredonniez. »

« Absolument pas. » démentit-il, légèrement offusqué.

Avait-il été en train de fredonner ? Il n'en avait pas eu conscience.

Sans se laisser troubler mais les lèvres tressautant tellement il s'efforçait de ne pas rire, le Gryffondor attrapa une tranche de pain grillé et la beurra tranquillement.

« Par contre, je ne suis pas sûr que cette couleur de rouge à lèvre vous aille particulièrement bien. » commenta-t-il, en agitant la main en direction de son propre cou.

Severus plaqua immédiatement la paume sur sa gorge, comme pour mieux cacher les preuves d'un crime bien innocent.

Ça en fût trop pour Harry qui éclata de rire.

Severus battit en retraite vers sa salle de bain, s'efforçant de garder un air digne.

« Imbécile. » accusa-t-il, non sans affection, lorsqu'il en revint, sans avoir trouvé la moindre trace de rouge à lèvre sur sa peau.

« N'empêche que vous fredonniez. » rétorqua Harry, en pointant un bout de toast à moitié dévoré vers lui dans un geste accusateur. « C'est suffisant pour traumatiser un enfant, vous savez. »

Il leva les yeux au ciel, attrapant la tasse de thé que le garçon lui avait servie. « Oh, certainement… Tu peux affronter le Seigneur des Ténèbres sans trembler mais Merlin préserve que je fasse preuve d'un minimum de bonne humeur le matin. »

« Ça arrive si rarement que ça fait peur. » se moqua le Gryffondor, avant de baisser les yeux, son amusement diminuant légèrement. « J'étais sérieux, par contre. Ce n'est pas parce que je suis là que… Elle peut rester. »

Severus se racla à nouveau la gorge, un peu gêné. « Elle ne veut pas te mettre mal à l'aise. Ou empiéter sur un temps qui est le nôtre. »

« Oui, mais… » insista le garçon, dans un haussement d'épaules. « Ce n'est pas comme si… Je veux dire, vous… »

Le Gryffondor s'empourpra, regrettant visiblement d'avoir lancé la conversation.

« Pose ta question. » l'encouragea-t-il, en se redressant légèrement, se préparant au pire.

Harry grimaça un peu puis croisa à nouveau son regard. « C'est sérieux entre vous, non ? À un moment donné, vous voudrez… Euh… Habiter ensemble et tout ça ? »

L'Occlumencie était un outil magnifique qui lui permit de garder contenance. « Nous n'en sommes pas là. Toutefois, j'imagine que… Si les choses suivent leurs cours alors, oui, c'est une possibilité. » Il étudia son fils quelques secondes. « Je ne prendrais aucune décision sans t'en parler au préalable et cela ne change rien au fait que tu seras toujours chez toi là où je vis. »

Le garçon se détendit légèrement puis haussa à nouveau les épaules. « Elle peut rester si elle veut. Ça ne me dérange pas. »

Cela promettait un futur petit-déjeuner bien gênant, songea-t-il, mais il supposait qu'il faudrait en passer par là à un moment où à un autre parce que, comme Harry l'avait compris, il espérait que cela devienne un jour une habitude de l'avoir à table.

« Je transmettrai le message. » offrit-il. « Néanmoins, je me passerai de ce genre de plaisanteries. Tu passes trop de temps avec ton parrain. »

Il prit garde à ne pas mettre d'hostilité dans sa voix afin qu'Harry comprenne qu'il n'était pas sérieusement fâché.

« C'était un peu trop facile. » se moqua son fils, en croquant à pleines dents dans son toast.

« Il me serait tout aussi facile de commenter la manière dont tu fais les yeux doux à une certaine quatrième année. » remarqua-t-il, pince-sans-rire. « Pourtant je me restreins. »

Harry manqua s'étouffer avec son toast.

Ce n'était que justice, à son sens.