"What I need is the dandelion in the spring. The bright yellow that means rebirth instead of destruction. The promise that life can go on, no matter how bad our losses. That it can be good again."
Mockingjay – Suzanne Collins
« Ce dont j'ai besoin, c'est le pissenlit au printemps. Le jaune vif qui signifie la résurrection au lieu de la destruction. La promesse que la vie peut continuer, peu importe à quel point nos pertes sont importantes. Qu'elle peut être à nouveau bonne.
Mockingjay – Suzanne Collins
Chapitre 68 : The Promise That Life Can Go on
« Je vais bien. » grommela Severus, agacé par le tigre qui le collait de près alors qu'il faisait le tour de sa chambre d'hôpital. « Je risque plus de trébucher sur toi que par moi-même. »
Sa canne lui faisait défaut mais il compensait comme il le pouvait en s'appuyant contre les meubles lorsque c'était nécessaire, encore que la douleur n'était pas si importante ce jour-là. Rassembler les quelques vêtements et les papiers qui s'étaient accumulés alors qu'il tentait d'aider Albus à gouverner, de son lit d'hôpital, aurait été l'affaire d'un coup de baguette, en temps normal, mais sa magie lui posait toujours problème. Il parvenait à jeter certains sorts sans faire exploser la moitié de la pièce mais la puissance en restait aléatoire et, trop souvent, l'effet obtenu n'était pas tout à fait celui escompté.
Ce qui était normal, à en croire Poppy, il lui faudrait davantage de quelques jours pour parvenir à en juguler le flux sans plus y penser.
En attendant, cela le gênait davantage que sa jambe.
Mais peut-être pas autant qu'Harry qui était particulièrement nerveux depuis qu'Andromeda avait annoncé, dans la matinée, qu'elle comptait enfin le relâcher, ce soir là.
Le lit d'appoint avait déjà disparu, il s'employait à ranger ses affaires, heureux de quitter cette pièce qu'il avait trop vue, ces derniers jours, et qu'il avait, sans le vouloir, colonisé. Il avait insisté pour qu'on lui apporte des vêtements plus appropriés que des pyjamas puisqu'il devait s'entretenir avec des gens et qu'il voulait avoir l'air un minimum présentable, des livres, ses recherches sur les loups-garous… Il n'avait pas poussé le vice jusqu'à demander à Sirius de lui faire passer celles sur l'horcruxe parce qu'Albus passait beaucoup de temps avec lui mais il demeurait qu'il y avait facilement de quoi remplir deux sacs et qu'il était bien heureux de pouvoir s'en aller.
Le tigre, en revanche, paraissait agité. Il le collait de près comme s'il craignait que Severus ne tombe – ou comme s'il avait peur qu'il oublie le chat gigantesque qui l'avait à peine laissé seul depuis son réveil. D'une certaine manière, quitter cette chambre d'hôpital allait l'obliger à reprendre le cours de sa vraie vie. La parenthèse se refermait. Et Harry n'allait plus pouvoir continuer à prétendre longtemps qu'il était un animal et pas un humain.
Severus soupçonnait que le garçon savait pertinemment qu'il n'allait pas le laisser s'obstiner beaucoup plus longtemps.
Il n'avait pas voulu trop pousser, ces derniers jours, parce qu'il sentait qu'un mot de trop aurait pu faire fuir Harry et ce n'était pas le but, mais ils atteignaient les limites de qu'il était prêt à accepter.
À la seconde où il ferma le second sac, Kreattur apparut, s'inclina, et emporta ses affaires sans lui laisser le temps de protester. Il ne sursauta pas parce qu'il s'était habitué aux allées-et-venues de l'elfe qui se préoccupait surtout d'Harry, dernièrement, mais il n'était pas certain d'apprécier son zèle.
Il consulta l'horloge et fronça les sourcils. Andromeda était déjà passée pour l'examiner une dernière fois et elle lui avait dit qu'il était libre de partir mais Nymphadora avait promis de venir le chercher… Non pas qu'il ait besoin d'elle, bien entendu, toutefois…
Il ravala un soupir, peu enclin à s'attarder plus longtemps et plus qu'impatient de retrouver ses appartements, sa routine et son petit confort.
« Allons-y, Harry. » déclara-t-il, en se dirigeant vers la sortie, ses robes noires claquant dans son sillage – et dissimulant efficacement son léger boitement. « Rentrons à la maison. »
Le tigre émit un bruit pas très enthousiaste mais lui emboîta le pas, uniquement pour reculer prestement lorsque la porte s'ouvrit avant que Severus ait pu la toucher. Nymphadora et Sirius se trouvaient derrière, l'air un peu essoufflés.
« Désolée ! » s'excusa-t-elle, avec une grimace.
Sirius avait les deux mains dans le dos mais, contrairement à elle, n'avait pas l'air repentant. Au contraire, un grand sourire lui barrait le visage. « On a mis du temps à trouver. »
« Trouver ? » répéta Severus, interloqué par leur attitude pour le moins curieuse. « Trouver quoi ? Y a-t-il eu une urgence ? »
Il posa la question avec un regard légèrement réprobateur pour la jeune femme. Il avait passé les derniers jours à travailler avec elle et Kingsley afin de mettre en place ces fameuses unités de réponse qui leur permettraient, techniquement, de ne pas épuiser inutilement leurs troupes. Toutefois, Nymphadora avait dû mal à déléguer la responsabilité de ces batailles et était plus d'une fois partie se battre alors qu'elle aurait dû être en repos.
« Non, non ! » se défendit-elle, avec une pointe d'agacement. « Ça va, mon chat ? »
Harry, qui n'aimait pas trop être ignoré, s'ébroua avant de venir se frotter contre ses jambes. Severus résista à l'envie de faire une remarque.
« Qu'avez-vous trouvé dans ce cas ? » insista-t-il.
Nymphadora et Sirius échangèrent un regard entendu puis l'Animagus révéla finalement ce qu'il cachait dans son dos avec beaucoup de théâtralité. « Tada! »
Severus étudia la canne qu'il lui présentait sans bien comprendre. Elle était très clairement ancienne, le bois poli et à l'aspect lisse mais également solide. Le pommeau était un habile mélange de cuir et d'os, sculpté en forme d'une impressionnante tête de dragon qui rugissait. Il les dévisagea tour à tour…
« Où avez-vous… » hésita-t-il.
« Au Square Grimmaurd. » anticipa la jeune femme, dans un haussement d'épaules. « Mais il nous a fallu l'aide de Bill pour nous assurer qu'elle n'était pas maudite. Si tu savais le nombre de trucs anodins qui sont maudits, là-bas… Si j'avais su, j'y aurais réfléchi à deux fois avant de voler cette radio. »
« Quelle radio ? » releva Sirius, en fronçant les sourcils.
La radio qu'ils n'avaient jamais rapportée et qui avait été poussée dans un coin de son salon…
Severus se racla la gorge, un peu mal à l'aise bien que touché qu'ils aient pensé à lui. « Vous n'étiez pas obligés de… »
« Attends, attends… » s'enthousiasma l'Animagus, oubliant l'affaire de la radio volée. « Regarde. Ce n'est pas un aussi beau travail que ce que Flitwick avait fait sur la tienne mais ça devrait t'être utile. » Empoignant le bois, il tourna le pommeau vers la droite et une aiguille acérée jaillit à l'extrémité. Cela tenait plus du poinçon que de la lame que Filius avait enchantée sur son ancienne canne mais c'était une arme et toutes les armes étaient utiles. Sirius remis la tête de dragon en place et le poinçon rentra dans la canne. « Et, le clou du spectacle… » Il se détourna d'eux, tourna la tête de dragon dans le sens opposé, leva le bout de la canne… Un jet de flammes en sortit. Il s'éteignit vite mais, en combat, cela pouvait lui donner l'avantage. La tête de dragon fut remise droite et son ancien rival fit tourner négligemment le bout de bois entre ses doigts. « Et tu peux aussi t'en servir pour marcher, bien évidemment, elle s'adapte magiquement à ta taille. »
Il lui présenta à nouveau la canne et, cette fois-ci, Severus la prit, en testant la longueur qui s'avéra effectivement parfaite. S'il avait craint que le pommeau trop ouvragé soit inconfortable, il découvrit bien vite que c'était la raison de l'amalgame entre os – probablement de dragon – et cuir. Le pommeau, en main, lui donnait presque l'impression d'être matelassé.
La canne était, au demeurant, un objet précieux, qui était probablement passée entre les mains d'un artisan gobelin. Il n'osait imaginer le prix que Sirius en aurait tiré s'il l'avait vendue.
« C'est trop. » hésita-t-il, extrêmement mal à l'aise, à présent. « Ce genre d'artefacts devraient rester dans la famille. »
L'Animagus jeta un coup d'œil à Nymphadora qui semblait absorbée par les poils de tigre qu'elle était en train d'épousseter de son pantalon noir.
« Ça reste dans la famille. » contra Sirius, un peu trop fermement.
Le sous-entendu est tellement évident que Severus s'empourpra et se mit à tousser, manquant s'étouffer.
La jeune femme, pour sa part, décida finalement de le prendre en pitié.
« Parce que tu es le père d'Harry et qu'Harry est son héritier. » clarifia-t-elle.
« Oui. » confirma joyeusement Sirius. « En autres. Te voilà un Black honoraire. » La déclaration était si ahurissante qu'il en resta bouche bée, ce dont l'autre sorcier tira profit pour attirer l'attention du tigre qui regardait la scène avec un amusement évident. « C'est bientôt l'heure de ma patrouille, tu viens avec moi ? » Le fauve ne paraissait pas convaincu mais l'ancien fugitif se contenta d'un regard appuyé. « Harry, je crois qu'il est important que tu saches que papa et maman ont probablement besoin d'un peu d'intimité après ce long… »
Il se passa trois choses simultanément.
Harry laissa échapper un rugissement horrifié.
Nymphadora infligea une violente calotte à l'arrière de la tête de son cousin.
Et Severus testa la solidité de sa nouvelle canne sur son tibia.
Sirius ne semblait pas savoir s'il voulait rire ou protester leur violence. Il s'esclaffait encore lorsqu'il s'éloigna, en leur criant de ne pas être trop sages, suffisamment fort pour être entendu trois couloirs plus loin. Harry, après leur avoir jeté un regard méfiant à tous les deux, courut pour le rattraper, avant que Severus ait pu tenté de nier les idioties de son parrain.
Il hésitait encore entre se mettre en colère et secouer la tête à sa bêtise maladive lorsque Nymphadora soupira. « Je l'aime mais qu'est-ce qu'il peut être lourd. »
« La délicatesse ne l'a jamais étouffé. » bougonna-t-il, en faisant quelques pas pour tester sa canne. « Cependant, on ne peut nier que ses cadeaux sont toujours utiles. »
« Je savais qu'elle allait te plaire. » s'amusa Nymphadora. « Les flammes, je me trompe ? »
Il leva les yeux au ciel mais ses lèvres s'incurvèrent malgré lui en un petit sourire. « Je ne vois pas de quoi tu parles. »
« C'est ça. » le taquina-t-elle, en glissant son bras sous le sien. « Tu peux dire ce que tu veux, je sais que, tout, tout au fond, tu n'es qu'un grand gamin. »
« Tu vas ruiner ma réputation. » l'accusa-t-il, lui arrachant un petit rire.
« Ton secret est en sécurité avec moi. » promit-elle.
« Tous mes secrets sont en sécurité avec toi. » contra-t-il, un peu plus tendrement qu'il ne l'avait voulu.
Le couloir était vide, il ne protesta pas lorsqu'elle se mit sur la pointe des pieds pour lui voler un léger baiser. Elle souriait si fort, elle était si belle, à cet instant… Il fut tellement frappé par ce constat qu'il dut se faire violence pour ne pas l'embrasser un peu plus profondément et la pulsion n'était pas si facilement refoulée.
C'était des envies qu'il aurait repoussées aisément, fut un temps, des idées qui lui auraient à peine traversé l'esprit…
Il avait toujours été de nature réservée mais l'avoir perdue – ou avoir cru la perdre – avait changé quelque chose en lui. Ou peut-être était-ce d'avoir failli mourir encore une fois. Toujours était-il qu'il se sentait moins enclin à s'obliger à la réserve.
Auparavant, il aurait cherché à se détacher bien avant qu'ils atteignent les parties plus habitées du château, pour préserver les apparences ou pour éviter les ragots ou… Mais au-delà de la fierté qu'il avait à pouvoir afficher publiquement qu'elle l'avait choisi, lui, il appréciait trop de la sentir contre son flanc.
Ils attirèrent les regards des passants et, bien entendu, il y aurait sûrement tout un tas de rumeurs s'il n'y en avait pas déjà mais… Quelle importance à ce stade ? Comme l'avait dit Bill, ils n'étaient plus qu'un secret de polichinelle et Severus n'était pas enclin à faire perdurer ce secret-là, de toute manière.
La seule raison pour laquelle il aurait pu désirer continuer à être discret était sa protection et il était évident que cela ne ferait plus aucune différence, à présent. Le pire était déjà arrivé.
Que les gens parlent si cela leur faisait plaisir, cela lui importait peu.
Le château était bondé, ce qu'on lui avait rapporté mais dont il n'avait pas mesuré la portée, pourtant il ne voyait qu'elle, ne prêtait attention qu'à elle, et, le temps qu'ils atteignent la partie plus calme des cachots, la tension entre eux était électrique. Chaque regard, chaque geste, chaque sourire en coin…
Cela l'agaçait d'admettre que Sirius avait raison sur quoi que ce soit mais l'Animagus leur avait probablement rendu service en attirant Harry à l'extérieur pour quelques heures…
Ce fut elle qui poussa la porte de ses appartements en premier, avec l'aisance de l'habitude, presque machinalement, et il lui vint à l'idée qu'il aimait beaucoup la voir aussi à l'aise dans son espace. C'était probablement trop tôt pour y songer, mais…
Elle l'attira à l'intérieur par le devant de ses sur-robes, claqua la porte derrière lui et, avant qu'il ait pu seulement amorcer une moquerie sur son impatience, ses lèvres couvraient les siennes. La canne cliqueta en heurtant le sol et roula hors de vue alors qu'il se raccrochait à sa taille, lui rendant son baiser avec un manque de retenue flagrant.
Elle avait un don pour briser son contrôle légendaire.
Elle avait un don pour briser les murs dont il s'entourait.
Il avait failli la perdre…
Ses baisers se firent plus désespérés alors que cette vérité simple s'imposait à nouveau à son esprit, impossible à occluder : il avait failli la perdre sans lui dire ce qu'il éprouvait pour elle, sans assumer que ce qui avait commencé presque par accident était devenu un pilier de sa vie et…
« Severus… » murmura-t-elle, avec un besoin presque aussi désespéré que le sien.
Elle aussi avait cru l'avoir perdu, se souvint-t-il.
Elle aussi avait regretté de ne pas avoir parlé plus tôt.
Le tremblement dans sa main droite lui interdisait une véritable dextérité mais sa main gauche était relativement stable et il en tira profit.
Il n'était pas certain de comment ils parvinrent à sa chambre à coucher, le chemin était un flou de vêtements arrachés, de caresses fiévreuses et de baisers dévorants. Il aurait voulu prendre son temps, lui montrer précisément à quel point il l'aimait en vénérantson corps comme il aurait dû l'être, mais l'urgence était trop grande pour ce genre d'étreinte lascive. Comme souvent, elle était sur la même longueur d'onde que lui et l'encouragea à aller plus rapidement à l'essentiel.
Ce n'était pas un aspect de leur relation qui avait jamais posé problème. Il pouvait facilement affirmer que le plaisir qu'il trouvait avec elle était sans égal et bien plus satisfaisant que tout ce qu'il avait connu jusque là. C'était elle qui rendait la chose si spéciale. Leur complicité, la manière dont elle dédramatisait toujours les difficultés que présentaient parfois ses mains qui ne coopéraient pas ou sa hanche douloureuse sans lui donner l'impression de le prendre en pitié, la tendresse et l'affection qui prédominaient quelle que soit la nature de leurs rapports…
Et pourtant, il sut, avec certitude, à la seconde où ils ne firent plus qu'un, qu'ils vivaient un moment unique qu'ils n'atteindraient peut-être jamais plus. Parce que c'était au-delà du désir ou du plaisir. Être à nouveau ensemble, comme ça, après avoir cru l'autre mort… C'était plus qu'un miracle. C'était…
Il embrassa les larmes qui lui échappèrent et roulèrent sur ses joues alors que l'émotion l'envahissait, l'enlaça plus fort, la fièvre empressée qui les avait animés se transformant en quelque chose de plus doux, de presque sacré…
« Je t'aime… » murmura-t-elle, juste contre sa bouche.
Il l'embrassa en retour, les mots lui échappant presque. « Je t'aime. »
Il embrassa sa gorge offerte, tentant de faire perdurer cet instant éphémère par nature qui était pourtant presque transcendant.
Rien ne serait jamais plus pareil.
Ils ne pouvaient plus revenir en arrière.
Il savait depuis un moment qu'il la voulait dans sa vie de manière permanente
Mais, à cet instant, il eut la certitude qu'elle était son futur, que c'était l'évidence, et qu'il donnerait tout pour s'en assurer.
°O°O°O°O°
S'il avait su, l'été précédent, lorsqu'il avait encore rêvé d'être plus impliqué dans l'Ordre du Phoenix, que les patrouilles pouvaient être aussi ennuyeuses, Harry aurait peut-être changé d'avis.
Il avait accompagné Dora souvent, ces derniers jours, simplement pour s'assurer que Remus ne tente pas à nouveau de mettre ses grosses pattes de loup là où elles n'étaient pas les bienvenues et ça n'avait pas été beaucoup plus passionnant que ça. Surtout que Sirius insistait pour qu'ils restent dans la limite des protections de Poudlard, là où ils ne risquaient pas de croiser de danger. La nuit était lentement tomée, jetant des ombres à droite et à gauche…
Le calme plat était probablement pour le mieux, pourtant. Il ne savait pas comment il aurait réagi face à des Mangemorts. Il ne savait pas s'il était encore capable de se battre.
Il évitait le regard de Severus lorsqu'il essayait de lui parler de Privet Drive, prétendait être sourd, mais…
« Tu sais… » lâcha soudain Sirius, alors qu'ils approchaient de la Forêt Interdite. Harry fut surpris qu'il s'y engage mais suivit, se faufilant facilement entre les arbres appréciant la sensation de la terre un peu sèche sous ses pattes. « La première fois que j'ai tué quelqu'un, je me suis noyé dans le whiskey pendant trois jours. » Son parrain fit aussitôt la grimace. « Je ne suis pas en train de dire que tu dois boire de l'alcool. S'il te plait, ne vas pas boire d'alcool ou Severus aura ma peau pour de bon, cette fois. »
Harry envisagea l'idée de grimper à l'un des sapins juste pour échapper à cette conversation.
« C'est ton père qui m'a obligé à arrêter de m'auto-apitoyer sur moi-même. » continua-t-il.
Le tigre se figea brièvement et, au lieu de fuir, demeura à côté de lui.
« Lui aussi il avait dû tuer quelqu'un, pas longtemps auparavant. » soupira-t-il. « Ce n'est probablement pas le genre de choses qu'il voudrait que tu saches. Ce n'est pas une jolie vérité à dire à son enfant. Mais, Harry… La guerre ce n'est pas joli. »
Il n'était pas naïf, il savait que la guerre impliquait ce genre d'actes. Severus le lui avait seriné tout le temps où il l'avait entraîné en soixante-quinze, mais…
« Tu es trop jeune et ça n'aurait pas dû t'arriver. » enchaîna Sirius. « Je comprends pourquoi ça te perturbe, je te le promets. Et je sais que tu n'as pas voulu le tuer, ce qui est probablement pire pour toi. C'était ta première transformation. Être un Animagus… »
Son parrain sembla hésiter sur le choix des mots. Il semblait aussi savoir parfaitement où il allait, ce qui intriguait le garçon. Ils étaient toujours bien à l'intérieur des protections du domaine mais ils étaient à la limite de la zone « sûre » de la Forêt Interdite. Un peu plus loin et ils courraient le risque de tomber sur des araignées géantes or Harry n'avait pas vraiment envie de s'y frotter.
« On reste un humain mais les instincts de notre forme animale peuvent être très forts, particulièrement sans expérience. » expliqua l'ancien fugitif. « La première fois, ça peut être déstabilisant. Tu étais dans une situation de danger, tu as réagi sans réfléchir et ta forme Animagus est un prédateur. »
Il y eut un changement dans l'air.
Harry aurait été incapable d'expliquer quoi exactement mais il se tendit tout d'un coup, les oreilles aux aguets, un mauvais pressentiment au creux du ventre. Sa vision nocturne était excellente mais il ne voyait rien de bien alarmant, il n'entendait rien non plus, mis à part Sirius qui continuait à monologuer…
« J'aurais aimé que tu m'en parles, tu sais ? » avoua son parrain. « Je sais que c'était un peu compliqué entre nous, cette année, mais… J'aurais aimé que tu m'en parles. »
Le silence n'était pas naturel.
Il n'entendait plus les petits animaux qui peuplaient la Forêt.
Danger, hurla son instinct. Danger, danger.
Et le danger venait d'en haut.
Il bondit par-dessus Sirius, percutant au vol le prédateur qui allait lui tomber dessus, du haut d'un des arbres. Le tigre et leur agresseur roulèrent dans la poussière mais Harry se releva le premier, rugissant sa suprématie, crocs découverts et griffes prêtes à l'emploi.
Leur ennemi évita pourtant prestement le coup de patte qui l'aurait mis hors d'état de nuire au moins le temps que Sirius se réveille et le capture.
Ce fut à cette seconde qu'il identifia Nyssandra.
Et la vampire souriait.
Sirius aussi, d'ailleurs.
Harry laissa tomber son arrière train au sol, perplexe.
« Excellent. » le félicita Nyssa, comme si tout ça avait un test.
Il lui grogna dessus d'un ton menaçant.
Était-elle suicidaire ?
« Oh, tu ne lui aurais pas fait mal… » s'empressa de le rassurer son parrain. « Même un loup-garou ne pourrait pas l'achever. »
Le tigre lui jeta un regard noir.
Un loup-garou, peut-être.
Cependant, il était bien persuadé qu'il pouvait vaincre un loup-garou et, donc, la vampire. Il n'y avait qu'à demander à Remus ce qu'il en pensait. Le loup ne semblait pas pressé d'en découdre avec lui, ce qui était regrettable parce qu'Harry aurait vraiment aimé le mordre un tout petit peu.
« Je savais que tu ne voudrais pas. » Sirius haussa les épaules. « Alors, je me suis dit que ce serait plus simple de te montrer. Ces instincts qui viennent de ton tigre, tu peux parfaitement les contrôler. »
Harry gronda à nouveau, de déplaisir et d'agacement.
Nyssa s'accroupit devant lui et attrapa sa tête pour le forcer à la regarder en face.
« Ce ne sont pas les pulsions qui te contrôlent, c'est toi qui contrôlent tes pulsions. » déclara-t-elle. « Crois-moi, je sais que c'est compliqué à comprendre, surtout au début. C'est terrorisant de se découvrir au sommet de la chaîne alimentaire, tout d'un coup. Mais ignorer le problème ne t'aidera pas, Harry. »
Elle ne fut pas impressionnée par son grondement menaçant.
« Ce n'est pas parce que tu chasses que tu dois tuer, qu'importe ce que te dit ton instinct. » continua-t-elle calmement. « Et je vais te le prouver. Il y a tout un tas de cerfs dans cette forêt. On va en pister un, tous les deux. On va l'attraper. Mais on ne va pas le tuer, ni même le blesser. » Elle lui sourit. « Et une fois que tu te seras prouvé que tu peux le faire, on va voir qui de nous deux est le plus rapide. Et qui attrapera Patmol le plus vite. »
Il se dégagea et tourna la tête vers son parrain mais, à sa place, trônait un énorme chien noir qui aboya joyeusement.
Harry n'était pas sûr.
Ça semblait dangereux.
Et il ne voulait pas blesser qui que ce soit…
« Harry, je suis parfaitement capable de t'arrêter si besoin. » promit Nyssa. Il la dévisagea, espérant qu'elle comprendrait ce qu'il essayait de lui dire. Elle fit une légère grimace. « Un tigre pourrait peut-être battre une vampire mais j'ai l'avantage de l'expérience et je te fais plus confiance que toi. Tu ne nous fera aucun mal, ni à moi, ni à Sirius. Ni aux cerfs, d'ailleurs. Alors… Qu'est-ce que tu en dis ? »
Harry inclina la tête sur le côté puis s'ébroua.
Il ne voulait faire de mal à personne, ni à aucun animal, mais si c'était simplement un jeu… Il était un peu curieux de ses capacités et n'avait pas eu l'occasion de véritablement les explorer…
« Sirius, reste en retrait. Tu es trop bruyant pour nous. » ordonna Nyssa, avec un clin d'œil complice pour Harry. « Toi, tu prends par en haut. »
Le chien protesta mais Harry bondit dans un arbre, se servant de ses griffes pour en escalader le tronc jusqu'à pouvoir disparaitre dans la frondaison.
Il suivit Nyssa qui, au sol, ouvrait la voie, se glissant de tronc en tronc avec une furtivité qu'il ne pouvait qu'admirer. Lui-même était silencieux mais pas autant qu'il aurait pu l'être, il le devinait.
Ils ne tardèrent pas à débusquer une horde de daims. Nyssa en désigna un et Harry se concentra sur lui…
Il se sentit un peu mal lorsque la débandade commença et que les animaux s'enfuirent dans toutes les directions, clairement paniqués, mais suivit la vampire sur sa lancée.
Il ne leur fallut que quelques secondes pour prendre le cerf en tenaille.
« Attention aux bois ! » avertit Nyssandra, sans trop d'inquiétude.
L'animal était jeune, sa ramure à peine développée, et Harry l'évita sans grande peine mais plaqua sa proie au sol. Il la relâcha immédiatement, laissant le cerf s'échapper, et s'assit pour lever un regard fier vers la vampire.
Il n'avait même pas griffé accidentellement leur proie.
« Tu vois ? » triompha Nyssa.
Patmol arriva à toute allure et sauta autour de lui pour manifester sa joie. Harry finit par l'envoyer rouler au sol d'un coup de patte prudent, ce qui ne fit qu'encourager le chien à tenter de lui sauter dessus…
Malgré lui, à l'usure, le tigre se prit au jeu et ils passèrent un long moment à chahuter, se poursuivre et se renverser…
Après quoi Nyssandra déclara qu'elle voulait vraiment savoir si elle pouvait le battre à la course et Sirius dut arbitrer…
À sa propre surprise, Harry se surprit à s'amuser.
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Son reflet dans le miroir ne lui faisait aucune faveur.
Severus n'avait jamais été une personne vaniteuse, il n'avait jamais eu aucune raison de l'être, il avait toujours su qu'il était laid. Néanmoins, il était impossible de nier que ces dernières années avaient empiré les choses. Son teint cireux, les nouvelles cicatrices, les rides de stress qui se faisaient plus prononcées chaque mois bien qu'il soit encore relativement jeune… Évitant son regard dans le miroir qui surplombait le lavabo de la salle de bain, il laissa la glace s'embuer à nouveau à cause de la vapeur qui régnait toujours dans la pièce, Nymphadora ayant choisi de s'attarder sous l'eau chaude.
Une serviette autour des reins, Severus fouilla dans l'armoire à pharmacie qui était bien vide désormais, faisant mentalement la liste des potions et baumes à remplacer. Il trouva pourtant le petit pot d'onguent tout au fond, là où il l'avait rangé et ne l'avait plus jamais touché.
Se servant de sa main droite pour caler le pot contre sa hanche, il utilisa la gauche pour le dévisser. Une forte odeur herbacée lui monta aux narines. Il examina l'apparence et la texture de l'onguent puis décréta que, bien qu'un peu vieux, il devrait remplir son office.
Le bruit d'eau cessa et une main sortit de la cabine de douche, cherchant…
Levant les yeux au ciel mais incapable d'effacer un sourire amusé, Severus agita la main et une serviette propre s'envola du placard pour atterrir sur le bras de la jeune femme, qui marmonna un remerciement. Sachant d'expérience qu'il allait lui falloir un moment pour essorer et démêler ses cheveux avant qu'elle ne sorte, il débarrassa le miroir de sa buée d'un autre geste et entreprit d'étaler l'onguent sur les nouvelles cicatrices rosâtres qui lui barraient le torse.
Les plaies avaient été refermées dans l'urgence et pas très proprement, le tissu cicatriciel était épais. Ce n'était clairement pas le travail de Poppy ou même d'Andromeda.
Il étala le baume sur chacune des cicatrices que lui avait laissées sa dernière mésaventure à Azkaban, notant le temps d'arrêt que marqua Nymphadora lorsqu'elle sortit finalement de la cabine, la serviette nouée autour de la poitrine, le peigne – qui n'appartenait pas à Severus mais résidait pourtant dans sa douche depuis des semaines – se figeant brièvement dans ses cheveux roses. Ses yeux gris glissèrent jusqu'au petit pot ouvert sur le rebord du lavabo, ne manquant pas l'étiquette qui y était collé…
Il choisit de se concentrer à nouveau sur le reflet de son torse et de forcer ses mains peu coopératives à étaler la pommade proprement.
Il était totalement conscient qu'elle approchait et ne sursauta pas lorsqu'elle posa le peigne de l'autre côté de la vasque ou glissa une main de son flanc à son ventre, pour se coller à son dos. Elle déposa un baiser léger sur son omoplate.
Ce fut ce baiser qui lui ôta toute envie de fuir alors qu'il avait pourtant été sur le point de le faire.
Il ne dit rien lorsqu'elle attrapa le pot d'onguent et se chargea de son dos.
« Tu n'as jamais traité les autres. » remarqua-t-elle, presque distraitement.
Elle était tout sauf distraite mais il apprécia qu'elle fasse l'effort de prétendre que la conversation n'était pas importante.
« Elles sont vieilles et elles n'ont pas été soignées correctement, à l'époque. » admit-il, avec un effort. « J'avais une fâcheuse tendance à les laisser s'infecter. Il faudrait des mois de traitement pour les faire disparaître, peut-être plus pour certaines, je n'ai pas la patience. Celles-ci ne devraient prendre que quelques semaines et je n'ai aucune envie d'en garder le souvenir. »
Elle se pencha pour déposer un autre baiser sur son cou mais ne fit pas de commentaire. Elle se contenta d'étaler soigneusement l'onguent sur les cicatrices les plus récentes…
Il aurait pu s'en tenir là, il le savait.
Elle ne l'aurait pas forcé à en parler.
Il aurait pu enfermer ce souvenir-là dans un coffre imaginaire, le rejeter tout au fond de son esprit et le cadenasser derrière une couche épaisse d'autres souvenirs sans importance.
« Le bruit est pire que la douleur. » lâcha-t-il.
Si elle était surprise qu'il en avoue autant, elle le masqua bien. Rien ne transparut sur son visage et il l'observait pourtant avidement dans le miroir, ce qui ne l'empêcha pas de détourner les yeux dès qu'elle chercha à croiser son regard.
« Le craquement du cuir, le cliquetis de la boucle… » se força-t-il à continuer, baissant la tête pour étudier avec une attention exagérée le tube de dentifrice d'une marque moldue qui était apparu à côté du sien. Il avait noté, également, la deuxième brosse à dent dans le verre, les quelques produits qui n'étaient certainement pas à lui et qui étaient calés en équilibre instable là où elle avait trouvé de la place, du maquillage principalement… « Il m'arrive parfois de sursauter seul en m'habillant si mes boucliers m'échappent. Le bruit m'y ramène toujours. »
Sa bouche était sèche et son cœur battait beaucoup trop fort dans sa poitrine.
C'était plus qu'il n'en avait jamais avoué à personne, pas même à Lily.
« Voldemort le sait. » déduisit-elle.
Il ne put s'empêcher de tressaillir, anticipant une brûlure qui ne vint pas.
C'était décidemment trop étrange de voir son avant-bras aussi pâle que le reste de son corps, de ne pas ressentir le moindre tiraillement…
« Lorsque j'ai pris la Marque… » hésita-t-il, sans trop savoir comment lui expliquer un pan de sa vie qui lui semblait si lointain désormais. À l'époque, tout avait semblé évident. À présent, il mesurait à quel point il avait été naïf, stupide. « Je faisais partie de ses favoris. Il me prêtait une attention que… »
« Qu'aucun adulte ne t'avait jamais donnée. » devina-t-elle, lorsque sa phrase s'étira sans se terminer. « Il te faisait te sentir spécial. C'est comme ça que ce genre de manipulateurs met la main sur les plus… »
Sa voix dérailla et il émit un bruit amer.
« Faibles. Tu peux le dire. » cracha-t-il.
« Vulnérables. » corrigea-t-elle doucement. « Tu n'as jamais été faible de ta vie. Tu es la personne la plus forte que je connaisse. »
Il n'était pas entièrement certain qu'elle ne cherchait pas à le consoler mais il laissa échapper un long soupir et s'efforça de ne pas trop se mettre sur la défensive.
« Je Le glorifiais. » avoua-t-il. « Ce que je n'ai pas eu l'intelligence de lui cacher, Il l'a pêché directement dans mon esprit. »
Il contracta la mâchoire, retraça du regard les cicatrices à présent recouvertes d'une épaisse couche de pâte verdâtre qui lui barraient le torse, détailla les plus anciennes qui lui étaient aussi familières que le dos de sa main.
Vous avezvu des cicatrices, la belle affaire ! Voulez-vous connaître un secret, Potter ? Les cicatrices ne vous rappellent jamais la douleur physique, ce ne sont pas leur rôle. Les cicatrices sont là pour vous rappeler la terreur, l'humiliation. Elles sont là pour qu'à chaque fois que vous vous retrouvez face à un miroir, vous vous souveniez. Voulez-vous que je vous dise autre chose ? Il y a deux sortes de cicatrices, et celles que l'on discerne à l'œil nu ne sont pas les pires !
Il refusait de faire ce plaisir au Seigneur des Ténèbres.
Celles que Tobias avait laissées, sa haine, le hantaient suffisamment comme ça.
Il n'allait pas échanger une Marque contre une autre.
« Il sait très bien que j'ai une très haute tolérance à la douleur. » continua-t-il. « Ce n'était pas ce genre de torture. C'était une punition à la hauteur de mon crime. On ne Le trahit pas impunément. »
« Mais tu as survécu. » lui rappela-t-elle doucement. Elle reposa le pot d'onguent sur le lavabo, ses mains trouvèrent ses hanches, ses lèvres se posèrent entre les lignes de pommade avec tendresse…
« Pas avec ma dignité intacte. » railla-t-il. « Je hurlais bien avant qu'il ne décide de m'ôter la Marque. »
« Severus… » murmura-t-elle, avec désapprobation. « Tu en exiges trop de toi-même. »
Peut-être…
« J'étais en paix avec l'idée de mourir. » confessa-t-il. Il sentit les doigts de la jeune femme se contracter avec un peu trop de brutalité, ils s'enfoncèrent dans sa chair sans aucune pitié, comme pour mieux le retenir. Il se retourna et elle s'accrocha une seconde de trop avant de le laisser faire. « J'étais en paix, Nymphadora, parce que je ne voulais pas vivre dans un monde sans toi. »
Elle secoua la tête.
« Ne dis pas des choses comme ça. » le supplia-t-elle.
Faire tomber la serviette dont elle s'était enveloppée fut l'affaire d'un geste. Il retraça du bout de ses doigts tremblants la cicatrice inélégante qui trahissait à quel point la lame était passée près de son cœur. À combien de centimètres s'était joué ce miracle ? Un ? Moins ? C'en était-il fallu de millimètres ?
« Mettons-nous d'accord sur le fait que je mourrais le premier. » voulut-il plaisanter, mais sa voix était trop rauque, trop à vif. « Je ne veux plus jamais revivre ce moment-là. »
« Et moi, oui ? » s'étouffa-t-elle à moitié d'indignation. « J'étais prête à attaquer Azkaban toute seule, tu t'en rends compte ? »
« Tu ne serais jamais allée au bout. » commenta-t-il. « Cela aurait été stupide et tu es tout sauf stupide. »
Son rire était à la limite de l'hystérie mais son regard était dur lorsqu'elle encadra son visage de ses mains, le forçant à la regarder en face. « Ne présume pas de me dire jusqu'où j'irais pour toi. Je serais venue te chercher, Severus. J'aurais rampé jusqu'à Azkaban, s'il l'avait fallu. Ma magie était épuisée et je serais quand même venue, je me serais quand même battue. Si Harry m'avait parlé de son plan, j'aurais pris sa place, suicidaire ou non. » Elle fouilla son regard. « Ose me dire que tu ne ferais pas la même chose pour moi. »
L'émotion dans sa voix, dans ses yeux…
Il se pencha en avant jusqu'à ce que leurs fronts soient pressés l'un contre l'autre.
« C'est différent… » hésita-t-il.
« Oh que non, ça ne l'est pas. » contra-t-elle fermement. « Arrête de penser que je t'aime moins que toi. Arrête de penser que personne ne peut t'aimer complètement, tel que tu es, avec ton passé et tes défauts, sans aucune réserve. Parce que, moi, je t'aime comme ça et ça devient vexant que tu ne veuilles pas me croire. »
« Je te crois. » protesta-t-il. « C'est juste… »
Elle le coupa d'un baiser violent qui le laissa à bout de souffle.
« Tu ne meurs pas le premier. Personne ne meurt. » siffla-t-elle, presque avec colère. « Et, en paix ou pas, tu n'acceptes plus jamais ton sort, que je sois toujours vivante ou non. Tu te bats. Jusqu'à la dernière goutte de sang dans ton corps, jusqu'à la dernière étincelle de magie, tu te bats. Promets-moi. »
« J'ai déjà fait un serment similaire à Harry. » l'informa-t-il.
« Harry est un garçon très intelligent et qui te connait trop bien. » rétorqua-t-elle. « Et vous êtes tous les deux beaucoup trop enclins à jouer les héros, à mon goût. Promets-moi, Severus. »
« Je te le promets. » souffla-t-il, et il sentit sa magie accrocher la sienne. « Promets-moi la même chose. »
Car elle était beaucoup plus en danger que lui, en ce moment. Et elle n'était pas toujours aussi prudente et mesurée qu'elle le devrait.
La frustration usait.
Et perdre était frustrant.
« Je te le promets. » répéta-t-elle, et, à nouveau, il sentit la légère décharge de magie alors que la promesse s'ancrait. Ce n'était pas un serment inviolable mais il y aurait des conséquences s'ils le brisaient.
Leurs lèvres se trouvèrent à nouveau et il regretta un peu de ne pas avoir plus profité de certaines choses lorsqu'il était encore complètement valide. S'il avait pu la soulever, s'il avait pu… Cependant sa jambe lui interdisait désormais ce genre de spontanéité.
Il aurait pu la guider vers la chambre, cependant, mais…
« À quelle heure finit la patrouille de Sirius ? » demanda-t-il, entre deux baisers.
« Trop tôt, sans doute. » soupira-t-elle, un peu à regret. « On est resté trop longtemps sous la douche. »
Certes, mais ce n'était pas une chose qu'il regrettait. Ils étaient peut-être limités par sa jambe et le tremblement de ses mains mais il pouvait être très imaginatif…
La perspective de l'arrivée imminente de son cousin n'empêcha pas la jeune femme de l'embrasser à nouveau, avec abandon.
Merlin, mais la sensation de son corps nu contre le sien… La serviette autour de ses reins était une maigre barrière à la décence…
Il dut se replier derrière ses boucliers mentaux pour trouver la force de briser le baiser. Et encore… Il embrassa sa gorge, la naissance de ses seins, cette cicatrice qui le hantait…
Il prit une noisette d'onguent dans le pot et l'étala méticuleusement sur la marque qu'avait laissée le couteau.
« Je peux l'effacer, tu sais. » offrit-elle.
Il fronça les sourcils. « Tu en as d'autres. »
Elle haussa les épaules. « Elles finissent toujours pas réapparaître au bout d'un moment, je ne fais pas toujours l'effort. »
Ce qui était logique vu qu'elles appartenaient à sa véritable apparence.
Avec un sourire espiègle, elle arracha la serviette de ses hanches et se servit du coin pour ôter l'onguent qu'il venait d'étaler, révélant une peau blême de toute cicatrice.
Il caressa l'endroit, émerveillé de ne pas même sentir ne serait-ce qu'une légère bosse sous l'épiderme.
S'il avait pu effacer son souvenir aussi facilement…
« Je vais aller m'habiller avant qu'on ne se lance dans quelque chose que Sirius va encore interrompre. » déclara-t-elle, avec un regret évident mitigé d'un clin d'œil. Elle vola un dernier baiser et se détourna, le pas presque sautillant. « Tu veux peut-être prendre une autre douche ? Froide, celle-là ? »
« La faute à qui ? » l'accusa-t-il, distrait par la vue séduisante qu'elle présentait.
Il n'obtint qu'un rire, en réponse.
Ne lui en déplaise, il était un peu plus civilisé que de devoir s'en remettre à de l'eau glaciale. Il se rabattit sur l'Occlumencie, à la place. S'il lui fallut quelques minutes pour pouvoir décemment se montrer en public, il les mit à profit en séchant ses cheveux – sans baguette, ce qui était imprécis et beaucoup trop long mais il avait un peu peur de ce qu'un sort de séchage donnerait avec ses pouvoirs incontrôlables.
Le temps qu'il émerge de la salle de bain, elle n'était plus dans la chambre. Le lit était fait, ce qui lui fit froncer les sourcils parce que les draps avaient été en tapon lorsqu'ils en étaient sorti et elle n'était pas du genre à se préoccuper de ce genre de détails.
Il remarqua la table de nuit qu'il n'utilisait que très peu parce qu'elle n'était pas de son côté du lit, nota le tube de crème à mains qui ne lui appartenait pas, les quelques bagues abandonnées là, et la fiole vide étiquetée de sa propre main qui avait contenu un philtre de force à un moment donné.
La soirée était déjà bien avancée et il était trop fatigué pour s'attarder bien longtemps après le diner, il décida donc de se mettre directement en pyjama.
Le tiroir de la commode qu'il avait attribué à la jeune femme était mal fermé – et pour cause… Il débordait. Il força pour le remettre en place, tentant de rationnaliser cette colonisation. C'était normal, après tout, qu'elle laisse davantage d'affaires chez lui. De ce que lui avait dit Sirius, elle avait passé plusieurs nuits ici pour qu'Harry n'ait pas à déménager chez son parrain… Et puis, de toute manière, il voulait qu'elle soit à l'aise.
Certes, il était indéniable qu'elle avait bel et bien pris ses aises à voir la quantité de vêtements enfournés dans le tiroir… Cependant, c'était de la première nécessité, décida-t-il, elle avait besoin de vêtements propres et elle passait tellement de nuits consécutives avec lui, dernièrement… Sur un coup de tête, après avoir enfilé un pyjama et passé sa robe de chambre, il vida le deuxième tiroir.
Voilà.
À présent, elle ne serait plus obligée de vivre à moitié dans le sac de sport qu'elle traînait régulièrement avec elle. Il supposait qu'elle s'était installée avec ses parents puisque les familles avaient été rassemblées par Minerva pour plus de facilité, ce qui était toujours plus près que le canapé de Shacklebolt, mais s'il pouvait lui éviter des allers-retours gênants au petit matin…
Il récupéra la canne abandonnée dans l'entrée, au passage, remarquant qu'elle avait ramassé les vêtements épars qu'ils avaient semés un peu plus tôt. Il la trouva dans la cuisine. La table était mise et elle était en train de grignoter des crudités disposés dans un petit bol.
Il la regarda croquer dans une carotte avec amusement. Sentant son regard, elle tourna la tête et haussa les épaules, d'un air défensif. « Quoi ? J'ai faim. »
Elle aussi avait opté pour le pyjama et si le tee-shirt trop large et le short n'avaient rien d'indécent ou même d'aguichant, il se sentit pourtant sensible au charme domestique qu'elle offrait. Raison pour laquelle, sans doute, il s'autorisa à l'enlacer, collant son torse à son dos pour mieux lui embrasser le cou…
« Je te croyais pourtant rassasiée. » se moqua-t-il.
« Oh, tu me connais… » ricana-t-elle, en laissant tomber la tête en arrière sur son épaule, lui offrant un meilleur accès. « Je suis toujours affamée… »
Plus intéressé par elle que par la nourriture, il oublia momentanément pourquoi ce n'était pas une bonne idée de se laisser emporter à nouveau. Du moins, jusqu'à ce qu'elle ne lève un bras pour glisser une main sur sa nuque…
« Ils ne vont pas tarder. » lui rappela-t-elle.
À regret – et avec un soupir et plusieurs baisers qu'il aurait juré être le dernier à chaque fois – il s'écarta. C'était beaucoup plus sûr de s'écarter.
« Tu n'étais pas obligée de changer les draps. » commenta-t-il, en volant un bout de carotte cru.
« Oh, ce n'était pas moi. » protesta-t-elle, en se laissant tomber sur une chaise. La table était mise pour trois mais c'était un vœu pieu, il doutait qu'Harry se joigne à eux. « Ça doit être Kreattur. »
« Kreattur ? » releva-t-il, sourcils froncés. « Les elfes ont ordre de ne pas… »
« Oui, mais Kreattur n'est pas un elfe de Poudlard. » le coupa-t-elle. « Et Harry étant l'héritier de Sirius… Il se sent responsable de cet endroit. Et de moi aussi, je crois. » Elle fit la grimace. « J'ai essayé de lui expliquer et il était entièrement d'accord pour ne pas laisser un autre elfe venir ici, il n'a juste pas compris que… Il pense qu'il n'est pas concerné parce que tu… »
Elle s'interrompit à nouveau mais, cette fois, ne termina pas sa phrase.
« Parce que je suis un Black honoraire ? » ironisa-t-il, sans trop savoir ce qu'il pensait de ce développement un peu… gênant.
Leur complicité oubliée, Nymphadora faisait de son mieux pour éviter son regard. « Oui, à cause d'Harry. »
Harry n'était pas la seule raison qui aurait poussé l'elfe des Black à le considérer comme faisant partie de la famille. Certes, Sirius lui avait ordonné de lui obéir comme à lui mais le lien qui le rattachait directement aux Black était évident…
Sentant le rouge lui monter aux joues, il occluda.
Il était beaucoup trop tôt pour parler de ce genre de choses.
Il était beaucoup trop tôt pour seulement envisager…
« Il fait le ménage et il cuisine. » remarqua-t-elle, après s'être raclé la gorge. « Et il déteste Dumbledore donc ce n'est pas comme s'il allait espionner pour lui… Il adore Harry, tu sais. Ça lui ferait de la peine si on lui interdisait de venir ici. »
Elle marchait sur des œufs mais il y avait une légère supplique dans sa voix.
Et…
« On ne va pas lui interdire de venir ici. » décréta-t-il, non sans sarcasme et un sourcil levé. « Toutefois, on va également lui ordonner de ne rien rapporter de ce qu'il voit ou entend à qui que ce soit. Particulièrement Tante Cissy. »
Nymphadora était écrevisse mais fit extrêmement bien semblant d'être absorbée par son bout de carotte. « Tu fais comme tu veux. C'est chez toi. »
Parce qu'il la devinait très mal à l'aise, il ravala la plaisanterie qui lui monta aux lèvres à propos de la colonisation de sa chambre et de sa salle de bain. « J'ai libéré le deuxième tiroir pour toi. Le premier semblait prêt à exploser. »
Elle se détendit légèrement mais pas tout à fait. « Désolée, j'ai un peu abusé, je sais, mais… »
Il allait lui dire que ce n'était pas grave lorsque la porte d'entrée s'ouvrit prudemment. Il leva les yeux au ciel, alors que ses protections l'informaient que Sirius et Harry venaient d'entrer.
« Bonsoir ! » hurla théâtralement l'Animagus du seuil. « Nous revoilà ! On entre ! On est dans le couloir ! On… »
Severus passa la tête hors de la cuisine. « As-tu fini ton petit numéro ? »
Sirius avait poussé le bouchon jusqu'à retenir Harry par la peau du cou. Le tigre s'ébroua avec agacement et trotta jusqu'à lui pour se frotter contre sa jambe valide avant de disparaître dans la cuisine où Nymphadora l'accueillit avec plaisir comme s'ils ne s'étaient pas tous quittés deux heures auparavant.
« Excuse-moi mais je voulais être certain que vous étiez habillés… » railla Sirius. « J'ai encore des cauchemars de la dernière fois. »
Sans y réfléchir, Severus sortit sa baguette et lui jeta un maléfice au visage. Son ancien rival esquiva en se baissant, ce qui était probablement plus sage parce qu'il n'avait pas contrôlé sa puissance et le sort laissa une trace de brûlé sur le mur derrière lui.
Sirius se redressa et observa la trace noirâtre sur le mur avec un sifflement. « Et dire que ça aurait pu être ma tête. »
« Quel dommage que je n'ai pas mieux visé. » railla-t-il, en faisant un effort conscient pour moduler le sort de nettoyage qu'il appliqua au mur. Une partie de la peinture partit avec mais c'était toujours mieux que rien.
« Tu t'améliores. » remarqua Sirius, plus sérieusement.
« Pas assez vite. » grommela-t-il, en se détournant.
L'ancien fugitif se racla la gorge, un peu incertain, et pointa un pouce par-dessus son épaule. « Bon, ben, je vais vous laisser en famille… »
« Cesse tes plaisanteries idiotes et viens te mettre à table. » cingla-t-il, ayant épuisé toutes ses réserves de diplomatie.
Bien heureusement, il n'en fallait pas beaucoup plus pour l'Animagus qui retrouva sa bonne humeur. Le plat qui apparut au centre de la table dès qu'ils furent installés était copieux et…
« N'ai-je pas mis en place un rationnement ? » demanda-t-il, alarmé.
« Oui, mais Kreattur n'utilise pas les réserves de Poudlard. » déclara Nymphadora, en se servant une généreuse portion.
« Non, il préfère vider mon compte en banque. » plaisanta Sirius, en lui prenant la cuillère des mains pour se servir.
Harry, quant à lui, eut droit à sa dose quotidienne de poisson bouilli. Il s'en détourna avec un déplaisir évident, humant le parfum alléchant qui venait de la cuisine de Kreattur.
« Il ne tient qu'à toi de changer de régime. » le tenta Severus.
Les tigres n'étaient pas censés pouvoir faire de grimaces. C'était une impossibilité physique.
Il ignora donc l'insolence de son fils et prit une bouchée, en se rendant compte, soudain, qu'il avait très faim. Et que c'était excellent.
« Tu vois pourquoi je veux le garder ? » glissa Nymphadora, avec amusement. Son pied heurta le sien dans ce qui n'était pas tout à fait un accident, avant de frotter l'arrière de sa cheville…
… et d'être délogé par une grosse patte.
Le fauve lui jeta un regard qui en disait long.
Elle leva les yeux au ciel mais ne put retenir son sourire. « Si tu n'étais pas par terre, tu ne verrais rien. »
« Je ne veux pas savoir. » décréta Sirius, en secouant la tête.
Rougissant, Severus se racla la gorge et détourna la conversation.
Pour une période d'incertitude et de guerre, ils passèrent une excellente soirée. Même Harry, sous sa forme de tigre parvenait à participer à la conversation et paraissait plus animé qu'il ne l'avait été jusque là. Sans doute que l'idée de son parrain avait été bonne. Sirius lui avait demandé l'autorisation avant d'impliquer Nyssandra et Severus avait donné son accord mais il avait été dubitatif. Visiblement, il avait eu tort. Ou peut-être qu'être revenu dans le domaine familier de leurs appartements lui était salutaire…
« Je vais me coucher. » déclara Nymphadora, en étouffant un bâillement, un peu après que Sirius soit parti. Elle déposa un baiser entre les oreilles d'Harry qui grommela pour la forme mais lui donna une bourrade de la tête dans la jambe, laissa trainer la main sur son épaule à lui et s'esquiva vers la chambre.
Restés seuls au salon, Severus et le tigre s'observèrent en silence.
Harry savait pertinemment qu'ils devaient avoir une conversation sérieuse.
Mais peut-être pas ce soir-là…
« Demain. » décréta-t-il. « Demain, tout ceci prend fin. » Le tigre râla mais Severus refusa de se laisser attendrir. « Tu sais très bien que cela ne peut pas durer éternellement. Demain, Harry. »
Ses appartements étaient spacieux. C'était l'avantage des cachots, il y avait plus de place que dans les tours, par exemple. Minerva occupait une tourelle au dessus de son bureau, ses appartements montaient sur deux étages de petites pièces en enfilade qui comportaient trop d'escaliers et ne faisaient aucun bien à ses genoux. Severus n'avait jamais trouvé matière à se plaindre de l'espace qui lui avait été alloué.
Mais avec un tigre couché sur le tapis en plein milieu du salon, la pièce semblait soudain bien plus étroite. Et c'était sans mentionner la légère odeur de fauve qui emplissait déjà l'endroit.
« C'est pour ton bien. » insista-t-il, parce qu'il était évident que l'adolescent boudait. « Et tu le sais. »
Le tigre gronda mais s'arracha au tapis pour venir poser sa grosse tête sur ses genoux, sa détresse évidente. Severus le caressa avec un soupir las. Il détestait le voir comme ça.
« Tu t'es mis dans la tête que tout serait différent lorsque tu seras redevenu humain. » devina-t-il. « Mais tu n'as aucune raison d'avoir peur. Personne ne va te traiter différemment. Rien ne va changer. » Il posa la main sur sa nuque. « La seule différence sera que tu seras capable de communiquer correctement. »
Le bruit qu'émit le tigre était contrarié.
« Très bien. » admit-il. « Tu es parfaitement capable de communiquer sous cette forme. Mais nos conversations me manquent. Tes bêtises me manquent. Tu me manques. »
Le fauve leva la tête pour l'étudier avec une légère incertitude.
« Demain. » répéta Severus. « Il est impossible de fuir ce genre de choses éternellement. Et tu verras que tu seras soulagé lorsque tu y auras finalement fait face, aussi difficile que cela soit. »
Masque se glissa dans le salon sur cette affirmation, miaulant son déplaisir à trouver son fauteuil favori occupé.
« Ah, te voilà, toi… » commenta-t-il.
Le chat se figea en apercevant l'énorme tigre qui commandait l'espace et huma l'air avec une méfiance manifeste. Harry s'aplatit au sol, se faisant le moins menaçant possible…
Une peluche avait dit Nymphadora.
Une peluche avec des crocs aussi long que sa main et des griffes acérées mais il devait admettre qu'il voyait la ressemblance. Harry se comportait davantage comme un chaton que comme un prédateur.
Masque approcha lentement, toujours méfiant, puis d'un coup de patte leste frappa le museau du tigre avant de reculer prestement hors de portée. Cette présentation faite et Harry ne bougeant pas, le chat approcha à nouveau, renifla la grosse patte couleur rouille, approcha davantage pour lui renifler le flanc…
Le tigre frotta gentiment sa tête contre la fourrure du chat.
« Doucement, Harry. » le mit-il en garde. « Il pourrait te crever un œil. »
Merlin savait que Masque n'était pas exactement la délicatesse incarnée.
Mais le chat paraissait avoir finalement fait le lien entre le tigre et Harry parce qu'il se mit à ronronner comme une turbine. Avant que Severus ait comprit, le félin avait escalé le dos de son fils et s'était calé entre ses omoplates, le pétrissant de ses griffes dans son geste d'affection favori. Le fauve ne semblait pas en souffrir, cependant. Il se roula en boule, laissant Masque trouver une position confortable et paraissait heureux de rester ainsi.
Le Maître des Potions secoua la tête, réprimant un sourire et regrettant légèrement de ne pas avoir un appareil photo sous la main. Harry avait émis le souhait d'en avoir un et son anniversaire n'était plus très loin… Quant à savoir où il allait trouver ça en pleine guerre…
C'était un problème pour un autre jour – ou possiblement pour Sirius qui devait bien avoir ça au Square Grimmaurd.
« Je vais me coucher. » annonça-t-il, avec une dernière caresse pour lui et pour le chat qui ne lui avait même pas jeté un regard. « Je vais renforcer ton lit. Tâche de te souvenir que tu n'es pas obligé de dormir par terre… »
Il lui fallut plusieurs minutes pour parvenir à moduler suffisamment ses pouvoirs pour pouvoir renforcer la structure du lit sans le transformer en un bloc de pierre inconfortable. Il en grommelait encore lorsqu'il se glissa dans sa propre chambre. Il s'attendait à trouver Nymphadora endormie mais elle parcourait une pile de parchemins à la lumière d'une bougie…
Il leva un sourcil interrogateur et elle soupira. « Les derniers rapports sur l'entraînement des civils. Je n'ai pas eu le temps de les regarder plus tôt. »
« Et ? » s'enquit-il, en appuyant sa canne au mur, là où il pourrait facilement l'attraper en cas d'urgence.
« Rien de probant. » lui apprit-elle, en les rassemblant pour les enfourner dans le tiroir de sa table de nuit. Visiblement, elle s'était approprié celui-là aussi.
Il disparut dans la salle de bain sans faire de commentaire sur le sujet et, lorsqu'il en ressortit, elle était en train d'étaler sur ses mains cette fameuse crème au packaging moldu qu'il avait remarqué plus tôt. Il vola le tube dès qu'il fut dans le lit pour en inspecter la liste des ingrédients avant d'émettre un petit bruit de mépris.
« Je pourrais t'en inventer une de bien plus efficace. » décréta-t-il.
Elle leva les yeux au ciel avec un sourire, récupéra sa crème et la reposa sur la table basse. « Eh bien, ça te fera une idée pour tes petites intentions romantiques… »
Il lui jeta un regard triomphant. « Tu admets donc qu'elles te feraient plaisir. »
Riant un peu, elle s'installa plus confortablement sous les draps. « Je n'admets rien du tout. »
« Les femmes… » marmonna-t-il, en levant à son tour les yeux au ciel.
Mais il devait lutter pour ne pas sourire et lorsqu'elle attrapa le haut de son pyjama pour l'attirer vers elle afin de lui voler un baiser, il se laissa faire.
Son amusement se transforma lentement en affection et il lui caressa la joue, laissant son regard courir de ses cheveux roses au demi-sourire satisfait sur ses lèvres. Il le retraça du pouce, plongeant dans ses yeux gris qui l'observaient avec une tendresse presque douloureuse.
« Au risque de te faire peur… » hésita-t-il, sa voix prenant pourtant des accents caressants. « Je compte passer le reste de ma vie avec toi. »
Son demi-sourire se transforma en un véritable sourire. « Et on dit que tu n'es pas raisonnable… »
« Pure calomnie. » rétorqua-t-il, en se penchant pour l'embrasser encore.
Un baiser qui fut interrompu par le bruit caractéristique d'un grattement à la porte. Seulement, vu la force du bruit, il doutait fort qu'il s'agisse de Masque. Pestant et marmonnant, il s'extirpa du lit pour aller ouvrir la porte, notant le tigre un peu penaud, la patte encore levée, avant de repérer les profondes entailles que ses griffes avaient laissées dans le bois.
Sans s'embarrasser de sa baguette, il jeta un reparo.
« Essaye de ne pas te faire les griffes sur le canapé. » se moqua-t-il, pince-sans-rire.
Harry posa dignement sa patte au sol et se faufila entre le chambranle et ses jambes pour mieux sauter par-dessus Nymphadora. Il atterrit au milieu du lit dans un craquement de mauvais augure qui arracha un cri à la jeune femme. Le cri se transforma rapidement en rire, cependant, et, d'un coup de sa baguette, elle s'assura qu'ils ne risquaient pas de finir par terre.
Severus croisa les bras et jeta au fauve qui faisait de son mieux pour l'ignorer un regard sévère. « Hors de question. »
Harry s'étala sur le flanc, en plein milieu, dos tourné à lui.
« Harry. » grinça-t-il.
Le tigre leva la patte et y donna un bon coup de langue avant de se la passer derrière l'oreille, feignant la surdité. Nymphadora semblait peiner à dissimuler son amusement, elle se mordait la lèvre pour ne pas rire.
Severus soupira. « Harry, je veux bien m'asseoir avec toi le temps que tu t'endormes mais cela va trop loin. Il est temps que tu retrouves ton propre lit. »
Le tigre frémit de manière visible.
« Laisse-le, il a besoin de sommeil. » intervint Nymphadora, le prenant visiblement en pitié avant de se raviser devant son regard lourd de sens. « Mais c'est la toute dernière fois, Harry. »
Le fauve leva vers lui des yeux pleins d'espoir.
Que pouvait-il faire face à leurs suppliques conjuguées ?
Il se pinça l'arrête du nez.
Harry avait seize ans, pas six et il avait beau être un tigre, il était trop vieux pour…
Mais ce n'était pas comme si il avait jamais eu l'opportunité d'agir comme un enfant de son âge et de grimper dans le lit de Pétunia lorsqu'il avait peur, quand il était petit, raisonna-t-il plus rationnellement. Certes, ce n'était pas un comportement normal mais Harry avait subi un gros traumatisme et… Cela ne pouvait pas perdurer, bien entendu, mais était-ce vraiment inapproprié de l'autoriser à rester une dernière fois puisqu'il était toujours sous sa forme de chat gigantesque ?
Le lendemain, Harry redeviendrait humain et ils aviseraient alors de comment l'aider au mieux. Severus se doutait que cela signifierait de nombreuses nuits où il devrait se relever plusieurs fois pour le tirer d'un cauchemar ou d'un autre…
« Très bien. » capitula-t-il. « Mais c'est la dernière fois. »
Harry émit un bruit qui aurait pu tenir de l'approbation s'il n'avait pas été aussi empressé. Le tigre ne protesta pas lorsque Nymphadora passa un bras autour de lui comme s'il n'était qu'une peluche géante. Et, lorsque Severus se fut rallongé et eu soufflé la bougie, il sentit une énorme patte atterrir sur son torse comme si Harry avait besoin de le toucher, de s'assurer qu'il était bien là.
Dans le noir, il ravala son soupir.
Dans quel état psychologique était son fils ?
°O°O°O°O°
Nymphadora se réveilla le souffle bloqué dans la gorge et le corps tendu à l'extrême.
Le cauchemar était flou dans sa tête. Un mélange de crocs de loup se refermant sur son cou, d'une bataille perdue d'avance et d'une impression d'urgence…
La lumière tremblotante d'une bougie jetait des ombres changeantes dans la chambre. Harry avait bougé dans son sommeil et était maintenant à moitié vautré sur Severus – ce qui devait être douloureux vu le poids – qui s'en servait comme support pour un livre qu'il ne lisait pas. Il avait posé le bras gauche entre les pages ouvertes, la manche retroussée, et touchait pensivement son avant-bras.
« Cauchemar ? » demanda-t-il, très bas, certainement pour ne pas réveiller le tigre.
Il aurait été trop optimiste d'espérer qu'il ne remarque rien, supposait-elle.
« Tu ne dors pas ? » botta-t-elle en touche.
« Non. » soupira-t-il. « J'espérais que lire un peu m'endormirait. »
Elle tendit la main juste assez pour soulever le livre et apercevoir la couverture.
« Et ce sont les propriétés des écailles de tortues de feu dans les poisons qui te tiennent en haleine ? » se moqua-t-elle.
Peut-être qu'elle devrait lui emprunter un livre de Potions, songea-t-elle. Ça l'endormirait avec certitude au bout d'une page. Mieux, peut-être devrait-elle lui demander de lire à voix haute. Encore que, non, c'était une mauvaise idée. Elle se laisserait distraire par sa voix et…
« J'ai l'impression que mon bras ne m'appartient pas. » admit-il, en touchant à nouveau l'endroit désormais blême où la Marque s'était lovée. C'était presque étrange de ne pas voir la bande de gaze autour de son poignet. « C'est… irréel. »
« C'est une bonne chose. » hésita-t-elle. « Non ? »
« Bien sûr. » répondit-il, presque machinalement mais sans sembler tout à fait convaincu. Elle fronça les sourcils et couvrit sa main de la sienne. Il expira lentement et reprit, plus fermement. « C'est indubitablement une bonne chose. Mais cela fait vingt ans qu'il y a cette Marque sur mon bras. C'est très étrange de ne plus l'y voir. »
Ça elle pouvait le comprendre.
« Tu peux toujours te faire tatouer autre chose. » le taquina-t-elle à moitié.
Il leva un sourcil, lui jetant un regard amusé. « Devrais-je faire tatouer ton nom sur ma peau, Nymphadora ? »
Elle n'aimait pas tout à fait la connotation, même si elle savait qu'il plaisantait. Elle n'avait aucune intention de lui servir de Maîtresse comme Voldemort ou Dumbledore l'avaient fait.
« Ça enverrait un message clair à la Chef des Finances, au moins. » grommela-t-elle, toujours très peu ravie de savoir Aurora Sinistra membre de leur gouvernement provisoire. Elle persistait à dire que ce n'était pas le meilleur choix.
Il évita sagement de rentrer dans un débat qu'il ne gagnerait jamais. Il pouvait lui promettre ce qu'il voulait – et elle le croyait, ce n'était pas le problème – mais elle garderait toujours un œil suspicieux sur Sinistra.
« Mais, sérieusement, si ça te perturbe autant… Tu peux toujours te faire tatouer autre chose. » insista-t-elle.
« Je crains d'être un peu échaudé par le concept. » railla-t-il.
Elle haussa les épaules. « Le mien est très moche mais je suis contente de l'avoir. C'est un souvenir. »
Un souvenir d'une nuit épique et un peu arrosée avec Charlie qui restait l'un des meilleurs moments qu'ils avaient passé ensemble.
« Je ne suis pas certain que tu puisses comparer les deux situations. » grinça-t-il.
« Non, évidemment… » soupira-t-elle. « Je dis juste… Ce n'est pas très sain de traiter ton bras comme un miracle que tu ne pourrais plus jamais toucher. Tu as pris la Marque par haine… Peut-être qu'un jour tu trouveras quelque chose de suffisamment spécial pour vouloir en prendre une autre par amour. »
Il leva les yeux au ciel mais ses lèvres tressautèrent avec un amusement manifeste. « Poufsouffle. »
« Tu dis ça sur le ton de l'accusation mais il y a pire que d'être Poufsouffle. » rétorqua-t-elle, avec une moue boudeuse.
Harry grommela dans son sommeil, sa patte arrière s'agitant dangereusement au-dessus des couvertures. Nymphadora recula un peu, mettant davantage d'espace entre elle et le fauve inconscient qui aurait pu accidentellement lui arracher un bout de chair avec ses griffes.
« Tu sais que j'hésitais à m'en faire faire un autre ? » reprit-elle, après un moment. « Ici. » Elle retraça la ligne de sa clavicule. « J'hésitais entre une citation des Bizarr' Sisters et un dragon. Anthony disait… » Elle s'interrompit, ressentant une pointe de chagrin si vive qu'il lui serra la gorge. Par certains côtés, c'était comme si Anthony était mort. Excepté que c'était encore pire. Et quand elle pensait à Charlie… Elle prit une profonde inspiration. « Enfin, c'était l'été dernier. Avant tout ça. Ça me semble stupide comme préoccupation maintenant. »
« Ce n'est pas stupide. » jugea Severus, en refermant le livre pour le placer sur sa table de nuit. Il ne pouvait pas bouger beaucoup avec le tigre qui devait l'étouffer à moitié mais il attrapa tout de même sa main et caressa le dos de ses doigts du pouce. « C'était simplement une autre normalité. »
Elle fit de son mieux pour ravaler la boule dans sa gorge. « Ce n'est pas stupide non plus de trouver ça bizarre d'être soudain libéré de la Marque. »
Il grimaça brièvement. « Mes sentiments sont ambivalents sur le sujet. »
« Tu veux en parler ? » proposa-t-elle, un peu prudemment.
Il était plus ouvert avec elle, depuis son réveil, qu'il ne l'avait jamais été, mais elle ne doutait pas que cette franchise nouvelle ait ses limites.
Il ouvrit la bouche et la referma plusieurs fois avant de s'enfoncer un peu plus dans son oreiller.
« C'est un miracle et j'en mesure la portée… » admit-il. « L'absence de douleur, seule… Je ne crois pas que je réalisais l'énergie que je dépensais réellement pour occluder la douleur en permanence. Toutefois… N'est-ce pas un peu… facile ? »
« Facile ? » répéta-t-elle, en fronçant les sourcils.
Il serra un peu sa main, sans sembler s'en apercevoir. « N'est-ce pas comme effacer mes crimes ? Je haïssais la Marque mais elle était un rappel perpétuel de mes erreurs, de mes faiblesses… »
« Des crimes pour lesquels tu as été pardonné. Officiellement et officieusement. » contra-t-elle.
« Mais je ne me suis jamais pardonné, moi. » lâcha-t-il. « Et je refuse de le faire. La Marque… »
Elle secoua la tête, poursuivant le raisonnement pour lui lorsqu'il s'enferma dans un silence pensif. « La Marque était ta punition. »
« Ma pénitence. » corrigea-t-il, avec hésitation.
« À force de pénitence, on atteint la rédemption. » répliqua-t-elle.
« C'est ce que dit Harry… » commenta-t-il, en passant sa main libre sur l'échine du tigre qui dormait toujours profondément. « Pourtant, j'ai du mal à le croire. »
« Ou à penser que tu mérites d'être libéré de ce monstre ? » le défia-t-elle.
« Peut-être. » admit-il, en tournant la tête pour l'observer attentivement à la lumière tremblotante. « Sais-tu à quel point il m'est difficile de seulement accepter être heureux ? De cesser de craindre que ce bonheur me soit arraché d'une manière ou d'une autre ? De m'empêcher de me demander en permanence quand est-ce que je vais tout gâcher ? »
« Oui. » répondit-elle franchement parce qu'elle le connaissait suffisamment bien pour ça. « Mais j'espère un peu qu'avec le temps je parviendrais à te convaincre que je ne vais pas t'abandonner. Et Harry… Je pense qu'Harry l'a prouvé plus d'une fois, ces dernières semaines. »
Son expression s'adoucit. « S'il y a deux personnes sur cette terre à qui je fais confiance pour ne jamais m'abandonner, il s'agit bien de vous deux. Vous êtes beaucoup trop têtus pour votre propre bien. »
Elle émit un bruit amusé. « Oh, je ne sais pas… Il y a Sirius aussi… Tu sais, c'est un chien fidèle et il a décidé que tu étais son meilleur ami au monde. »
« Ton cousin est insupportable. » décréta-t-il, avec un agacement majoritairement feint.
Elle étouffa son rire pour ne pas déranger Harry mais entrelaça leurs doigts, l'observant avec un sourire qui ne tarda pas à s'éteindre légèrement. « Les moments comme ça… C'est la seule chose qui me fait tenir, tu sais ? »
« Oui. » répondit-il, avec la même honnêteté dont elle avait fait preuve plus tôt. « Je le sais. Et cela m'inquiète. »
« Tu ne devrais pas t'inquiéter. Je suis difficile à achever. » plaisanta-t-elle. Mais ce n'était pas très drôle et ça tomba à plat. « Je ne suis pas irresponsable. »
« Je n'ai jamais dit ça. » se défendit-il. « Cependant, tu es fatiguée, Shacklebolt et toi portez cette armée sur vos épaules, et tu es frustrée du nombre de pertes civiles… Ce n'est pas une bonne combinaison. N'importe qui serait susceptible de perdre son sang-froid à ta place. »
Elle secoua la tête, joutant distraitement avec ses doigts tremblants. « L'Occlumencie est un atout sur un champ de bataille. Là-dehors… J'ai l'esprit clair. Je tranche vite. Je prends les décisions qui sauveront le plus grand nombre de gens, quitte à en sacrifier d'autres. Je n'hésite pas. C'est après que… » À nouveau, elle dut lutter contre la boule dans sa gorge. « C'est juste… dur. Il y a des jours où j'ai l'impression d'être dans un cauchemar dont je ne peux pas me réveiller. »
« Parlant de cauchemars… » murmura-t-il, après avoir jeté un coup d'œil au tigre pour s'assurer qu'il dormait toujours. « Ne crois pas que je n'ai pas remarqué à quel point tu dormais peu, ces derniers jours. »
« Je ne veux pas prendre de potion. » anticipa-t-elle. « Je dois être disponible, en cas d'urgence. »
« J'aurais tendance à dire que tu serais plus efficace reposée, en cas d'urgence. » contra-t-il. « Il faut te ménager et dormir lorsque tu le peux. »
Elle leva les sourcils. « Tu veux dire comme toi, là tout de suite ? »
Il ouvrit la bouche pour répliquer, la referma puis émit un bruit amusé. « Serpentard. »
« Il faudrait savoir. » se moqua-t-elle. « Je croyais que j'étais trop Poufsouffle ? »
« Jamais trop. » corrigea-t-il, avec une affection manifeste. Il redevint sérieux assez vite, pourtant. « Je suis là si tu as besoin de moi, tu le sais. »
Ce n'était ni une question, ni une affirmation mais davantage un rappel.
Si Harry n'avait pas fait barrage, elle se serait probablement blottie contre lui.
Elle hésita.
Il y avait autre chose qui pesait sur sa conscience mais elle n'était pas certaine de comment aborder le sujet. Pourtant, elle devait le faire. L'incident avec Remus… Elle devait le lui dire parce qu'elle était bien certaine que le loup-garou finirait par le lui cracher au visage. Il déformerait la situation, consciemment ou non, transformerait l'anecdote en arme pour mieux le blesser, mentirait peut-être… Et il valait mieux que cela vienne d'elle.
Elle savait tout ça.
Et malgré tout…
« J'ai quelque chose à te dire… » avoua-t-elle. « Mais promets-moi que tu vas rester calme. »
Ses yeux noirs s'étaient durcis. « Que t'a-t-il fait ? »
Droit au but, donc.
Elle n'était pas surprise.
Cela faisait des jours qu'il posait des questions sur Remus sans en avoir l'air.
Serpentard.
« Est-ce que tu es sûr qu'Harry dort ? » demanda-t-elle, s'efforçant de garder un ton égal.
« Oui. » répondit-il, en posant sa main libre sur le dos du tigre comme pour mieux le protéger. « Cependant, si cela est si terrible qu'il ne puisse pas l'entendre, je ne promets pas de garder mon calme. »
« Si tu n'es pas capable de garder ton calme, je ne te dis rien du tout. » le menaça-t-elle.
Il leva un sourcil. « Et qu'est-ce qui m'empêche d'aller tirer Lupin du lit et de lire l'explication directement dans son esprit ? »
« Le fait que ce serait trahir ma confiance. » rétorqua-t-elle.
Il pinça les lèvres, plissa un peu les yeux d'irritation mais eut un geste de capitulation agacée. « Soit. »
« Promets-moi aussi que tu ne vas pas essayer de l'assassiner. » grimaça-t-elle.
« Nymphadora. » lâcha-t-il, d'un ton trop doucereux. « Je sais déjà où je vais étaler son pelage… Mon bureau a besoin d'un nouveau tapis. »
Elle soupira avec agacement et lâcha sa main pour se recroqueviller un peu sur elle-même. « Écoute, c'est suffisamment difficile comme ça… Si tu… »
« Très bien, très bien. » la coupa-t-il, un peu alarmé. « Dis-moi et je tenterai au mieux de contrôler mes pulsions meurtrières. »
« Ce n'est pas grave. » le rassura-t-elle, mais sa voix tremblait et la manière dont elle avait croisé les bras comme pour s'étreindre, les genoux repliés, tendait à laisser entendre le contraire, elle en était consciente. Elle poussa un autre soupir. « Et puis j'ai géré le problème, de toute manière. Je n'ai pas besoin que tu ailles laver mon honneur ou quelque chose dans ce goût là. Je suis une grande fille qui peut se défendre toute seule. »
« Laver ton honneur. » répéta-t-il. Son visage resta impassible, nul doute grâce à un recours drastique à l'Occlumencie, mais la veine qui battait à son front trahissait sa colère naissante. « Et qu'a-t-il fait, exactement, pour que ton honneur ait besoin d'être lavé ? »
Elle se frotta le visage. « Rien. Presque rien. Mauvais choix d'expression. »
« Presque rien. » releva-t-il à nouveau, impassible.
« Le jour où je suis venue te chercher dans ton coffre… » expliqua-t-elle, presque à contrecœur. « J'étais vraiment… Je n'allais pas bien. »
Severus ne dit rien mais tendit la main vers elle, paume vers le haut. Après quelques secondes, elle glissa à nouveau sa main dans la sienne et le laissa entrelacer leurs doigts. C'était un peu stupide, mais elle se sentit mieux.
« J'ai croisé Remus dans le parc alors que je revenais d'une énième mission foireuse… » admit-elle. « Il était… Il était agressif. Dans ses mots. Dans ses gestes, aussi. »
Elle s'interrompit suffisamment longtemps pour que Severus puisse raisonnablement penser qu'elle en avait terminé. S'il paraissait toujours peiner à contrôler sa colère, il était également évident qu'il faisait un effort.
« Il s'en est pris à toi ? » demanda-t-il.
Elle gigota, mal à l'aise. « Je ne sais pas. Peut-être que j'exagère, je… »
« Tu es rarement sujette à l'exagération. » l'interrompit-il. « Lorsque tu dis qu'il était agressif… S'en est-il pris à toi ? »
« Verbalement, oui. » admit-elle, en détournant le regard. « Et lorsque j'ai voulu partir il m'a attrapé le bras. » Elle contracta un peu la mâchoire puis capitula. « Il m'a fait mal. Je le lui ai dit mais il ne m'a pas lâché tout de suite. »
C'était un peu humiliant d'en avouer autant. Elle était une Auror confirmée, après tout, à la tête de leur armée, et…
« Ce n'est pas à toi d'avoir honte de quoi que ce soit. » déclara Severus, comme s'il lisait dans ses pensées.
Elle vérifia rapidement que ses boucliers étaient en place mais c'était impossible qu'il ait plongé dans son esprit parce qu'elle ne parvenait pas à le regarder en face.
Il faisait de son mieux mais sa fureur, pourtant rentrée et sous clef derrière ses propres boucliers, irradiait de lui par vagues.
Il avait beau lui avoir promis de ne rien faire, elle doutait fortement qu'il ne coince pas Remus quelque part dès qu'il le pourrait.
« S'il te plait, je ne veux pas que ça prenne des proportions ingérables. » marmonna-t-elle. « Remus… C'est un abruti et je ne veux pas apporter d'eau à son moulin, je ne veux pas qu'il ait des raisons d'aller se plaindre de toi ou de publiquement me remettre en question ou… »
« Je ne vais pas lui demander des comptes en plein milieu de la Grande Salle. » contra-t-il.
Mais il ne niait pas qu'il allait lui demander des comptes.
Elle en avait trop dit pour s'interrompre maintenant.
« Il a essayé de m'embrasser. »
Elle le dit aussi rapidement et de manière aussi neutre que possible, en espérant que ça atténuerait un peu le…
« Pardon ? » siffla-t-il.
Elle ferma les yeux. « Il n'a pas réussi. Je lui ai donné un coup de genou dans les… Tu vois. » Le silence était total et un peu angoissant. Elle rouvrit les paupières pour voir ce qu'il en était et fut reconnaissante qu'Harry soit toujours endormi à moitié sur lui parce qu'il le bloquait plus efficacement qu'elle n'aurait pu le faire. « Severus ? »
Il était complètement immobile, les yeux clos.
« Une seconde. » exigea-t-il, d'un voix si froide que…
Il lui tenait toujours la main.
S'il avait été fâché après elle, il la lui aurait lâchée, sans doute ?
« Je ne l'ai pas encouragé ou… » se défendit-elle. « Il… Je n'avais rien demandé. »
Il rouvrit immédiatement les yeux et tourna la tête pour la regarder, effaré. « Bien évidemment que tu ne l'as pas encouragé. Cela ne m'a même pas effleuré l'esprit. » Il l'étudia plus attentivement et soupira. « Je ne suis pas en colère après toi, Nymphadora. »
« Oh. » souffla-t-elle, avec un soulagement qui la surprit elle-même.
Il esquissa un mouvement vers elle mais Harry l'empêchait de bouger et il dut se contenter de lui serrer la main. « Tu m'as demandé de ne pas l'assassiner. Je m'emploie à essayer. »
« Je préfèrerais qu'on n'en parle plus. » murmura-t-elle.
Severus hésita. « Je comprends mais, à ce niveau d'agressivité, faire l'autruche n'est plus une solution. Nous devons en parler à Albus. »
Elle leva les yeux au ciel. « Ça a tellement bien marché quand Remus s'en est pris à Harry… »
« Est-ce Lupin qui dirige l'Ordre du Phoenix à sa place ? » riposta-t-il. « A-t-il pris fait et cause pour lui ou lui a-t-il interdit Poudlard ? Albus a des défauts mais il n'est pas prêt à accepter tous les comportements simplement parce que quelqu'un est un bon élément et il n'y a guère que son autorité que reconnait le loup. De plus, tu es plus utile et précieuse que lui, il y a donc très peu de chances qu'Albus ne prenne pas ton parti. »
« C'est un peu ridicule de l'impliquer dans ce genre de choses. » soupira-t-elle. « On n'est plus à l'école. Je ne vais pas aller me plaindre au Directeur parce que… »
« Où est la limite, Nymphadora ? » l'interrompit-il. Il baissa les yeux vers le tigre, vérifia d'un sort informulé et sans baguette qu'il dormait toujours, puis reprit d'un ton bas presque inaudible. « Entends-moi, s'il te plait, écoute ce que je suis en train de dire… J'ai peur. J'ai peur de jusqu'où il est prêt à aller. Il sait pertinemment que tu n'as aucune envie de l'embrasser, cela ne l'a pas empêché d'essayer. Il n'aurait eu aucun problème à te mettre sous clef dans sa chambre, lorsque tu étais incapable de te défendre et à t'y garder, peu importe tes souhaits. Que va-t-il tenter ensuite ? T'enlever ? Te forcer ? Te tuer ? Où est la limite ? »
Elle se frotta le visage mais resta silencieuse.
« Mets-toi en dehors de la situation quelques secondes, que dirais-tu à une de tes amies ou à une collègue à qui il serait arrivé tout ce qu'il t'a fait subir ? » insista-t-il.
Parfois, elle le détestait d'être aussi rationnel.
« J'irai le signaler à Dumbledore. » soupira-t-elle. « Mais c'est tout, d'accord ? On n'en parle pas à Harry, on n'en parle pas à Kingsley ou Sirius… Surtout pas à mes parents. »
« Ce n'est pas à toi d'avoir honte. » réitéra-t-il. « Ce n'est pas toi qui… »
« Oui, je sais. » s'agaça-t-elle. « Mais va expliquer à mes troupes que je n'arrive pas à gérer mon ex, sans me décrédibiliser. La dernière chose dont on a besoin, c'est de ce genre de rumeurs. J'ai besoin de donner l'image de quelqu'un de fort et je refuse de laisser Remus détruire ce que j'ai aidé à construire. Et puis… C'est un loup-garou… Si on attaque publiquement un loup-garou, ça envoie un mauvais message. »
« Le fait qu'il soit un loup-garou est précisément le problème. » remarqua-t-il.
« Oui, d'accord, mais je n'ai aucune envie de devoir gérer une montée de racisme envers eux. » rétorqua-t-elle. « Laura et les gosses n'ont rien fait. Tu peux me jurer qu'ils ne subiront pas les retombées ? »
De mauvaise grâce, il soupira. « Les conséquences d'un désaveu public de leur représentant le plus connu ne servirait pas les loups-garous en général, c'est vrai. Surtout avec la potion du Seigneur des Ténèbres dans l'équation. Lorsque nous aurons perfectionné la nôtre… »
Les gens allaient paniquer.
« C'est plus simple de gérer ça en interne. » Elle secoua la tête. « Et tu ne connais pas ma mère, de toute façon. Si elle l'apprend, elle lui arracherait la tête. Et comme elle n'est jamais très loin de Narcissa, en ce moment, et que ma chère tantine a probablement une collection de poisons bien cachée dans son Manoir… »
Les lèvres du Maître des Potions tressautèrent légèrement. « Puis-je être présent si jamais tu l'appelles tantine en face ? » Son amusement disparut très vite. « Je confirme que les Malfoy ne manquent pas de poisons, j'en ai préparé plusieurs pour la collection de Lucius. J'ai ma propre collection, par ailleurs, si nous en sommes à discuter arme du crime… »
« Tu ne vas pas empoisonner Remus. » soupira-t-elle.
« Pourquoi pas ? Donne-moi une seule bonne raison de ne pas le faire. » contra-t-il. « Ce serait une manière très efficace de régler le problème discrètement. »
« On manque de combattants. » rétorqua-t-elle. « Et on ne tue pas les gens gratuitement, même si ce sont des salauds. J'ai une geôle pleine de Mangemorts qui le prouve. »
Elle voulait bien hypothétiquement faire une exception pour sauver Harry si c'était vraiment nécessaire et qu'il n'y avait pas d'autres solution mais elle n'était pas non plus le genre de personne qui cautionnait les meurtres. Et elle avait un peu peur qu'il soit sérieux sous le ton de la plaisanterie.
Il fit la moue.
« Pas de visites conjugales en prison. » lui rappela-t-elle, avec un brin d'humour.
« Encore faut-il prouver le meurtre. » marmonna-t-il. Elle lui jeta un regard qui lui fit lever les yeux au ciel. « Très bien. Je le laisserai en vie. » Elle leva un sourcil. « Et je m'assurerai d'être très discret lorsque j'irai lui expliquer pourquoi il ne le restera pas longtemps s'il t'approche à nouveau ou s'autorise des libertés que tu ne lui as pas permises. »
« Je n'ai pas besoin… » soupira-t-elle.
« Tu n'as pas besoin que je vole à ton secours, j'ai saisi. » déclara-t-il. « Cependant, j'ai besoin d'aller le menacer pour ma propre tranquillité d'esprit. Tout ceci a suffisamment duré. »
Elle ne répondit pas, pas même lorsqu'il serra brièvement sa main.
« Tu m'as dit ce qu'il a fait, tu m'as dit pourquoi tu ne voulais pas que cela s'ébruite… » remarqua-t-il, après un moment. « Tu ne m'as pas dit ce que tu ressentais. Il semble injuste que tu doives minimiser l'impact que cela a sur toi pour le bien commun. »
« Ce n'est pas juste, non… » acquiesça-t-elle. « Mais… Il y a des choses plus urgentes et plus graves que ce que je ressens. Ça me met juste tellement en colère… » souffla-t-elle. « Et, franchement ? Je suis contente de lui avoir donné un coup de genou dans les parties fines. J'aurais dû frapper plus fort. »
« Tu aurais dû les lui arracher. » grinça-t-il. « Je suis assez tenté de les lui faire avaler de force… »
« Je lui ai dit que, la prochaine fois, ce serait un diffindo, tu sais ? Je peux le gérer toute seule. » contra-t-elle, un peu alarmée à l'idée qu'il soit sérieux.
« Je sais que tu le peux. » offrit-il. « Cela ne veut pas dire que tu doives le faire. Ne sommes-nous pas… » Il s'interrompit brièvement, un peu gêné, peut-être. « Tes problèmes sont mes problèmes. »
« Et inversement ? » se moqua-t-elle, parce qu'il avait une fâcheuse tendance à ne pas partager ce qui le tracassait.
« J'essaye. » offrit-il sobrement – et honnêtement. Pas de fausse promesse, pas de détournement, juste ce constat franc. S'appuyer sur quelqu'un ne lui était pas naturel mais il essayait de faire une exception pour elle.
« Tu ne feras rien d'inconsidéré ? » insista-t-elle.
« Je ferai de mon mieux pour retenir mon bras vengeur. » ironisa-t-il, sans aucun amusement.
« Et tu ne le diras à personne ? » hésita-t-elle.
Son regard s'adoucit. « Tes secrets sont en sécurité avec moi. »
« Je sais. » admit-elle. « Les tiens aussi. »
« Laisse-moi t'en révéler un autre, dans ce cas… » déclara-t-il, très sérieusement. « Harry est ce que j'ai de plus précieux au monde mais ton chat est en train de broyer ma côte flottante. »
Il lui fallut plusieurs secondes pour comprendre qu'il ne plaisantait qu'à moitié. Étouffant un rire, elle entreprit d'essayer de tirer légèrement Harry pour qu'il ne se serve plus de lui comme oreiller mais c'était difficile de ne pas alarmer le tigre, avec ses griffes et ses crocs, qui dormait d'un sommeil de plomb.
« Il est vraiment très lourd… » murmura-t-elle.
« À qui le dis-tu ? » grimaça-t-il, en se tortillant pour s'extirper un peu de sous l'animal.
Après plusieurs minutes, ils parvinrent à le libérer mais Harry était désormais au milieu du lit et prenait toute la place, leur laissant à peine quelques centimètres de chaque côté.
« Rappelle-moi ce que tu disais à propos de dormir dans un véritable lit ? » se moqua Severus, en soufflant la bougie. « N'avais-tu pas mentionné le confort ? »
Nymphadora parvint à trouver une position pas tout à fait inconfortable, renonçant à tirer la couverture bloquée sous le corps du tigre.
« Comment est-ce que tu vas le convaincre de redevenir humain ? » s'enquit-elle, à voix basse.
Elle entendit son soupir las.
« J'ai une idée. » répondit-il vaguement. Il n'en dit pas plus.
« Ça ne va pas tout solutionner, même s'il abandonne le tigre… » remarqua-t-elle.
Elle repensa au mot qu'elle avait détruit le lendemain de la bataille, éprouva un sursaut de culpabilité… Devait-elle le lui avouer ou…
« Non. » approuva-t-il. « Mais sous forme humaine, nous pourrons l'aider davantage. Quoi que cela coûte. »
« Il y a des moments où il a l'air d'avoir cent ans et d'autres huit. » hésita-t-elle. « Lorsque je l'ai retrouvé, après qu'il t'ait sauvé… J'avais l'impression d'avoir un enfant devant moi. »
Il tendit la main pour caresser le tigre. « On lui en a trop demandé, trop jeune. Il a trop subi. » Il resta silencieux quelques secondes puis ajouta : « S'il t'a laissée le voir ainsi, c'est qu'il te fait confiance. Il n'est pas tellement enclin à faire confiance aux adultes. Pour lui… Cela signifie beaucoup. »
Elle le mesurait.
Et elle était prête à assumer ce que cela impliquait.
Elle laissa trainer sa main dans la fourrure du tigre, rencontrant parfois celle de Severus…
La dernière pensée qu'elle eut avant de s'endormir fut que, prophétie ou non, ils allaient protéger Harry, quel qu'en soit le prix.
