Hello! Juste pour préciser que je ne suis pas sûre de sortir un chapitre le we prochain et qu'on va peut-être retourner à une publication plus irrégulière pendant quelques temps ;) A savoir, je publierais quand je les finis/quand ils sont prêts.
Enjoy & Review!
« Survival had its price: guilt. »
Salt To The Sea – Ruta Sepetys
« Survivre avait son prix: la culpabilité. »
Salt To The Sea – Ruta Sepetys
Chapitre 69 : Survival Had Its Price
Être le second d'Albus Dumbledore était loin d'être de tout repos.
En milieu de matinée, Severus n'avait encore rien fait de ce qu'il avait prévu de faire – à savoir s'occuper de son fils – mais avait dû gérer tout un tas de choses dont il se serait passé. Cela avait commencé à quatre heures du matin quand le Patronus de Kingsley les avait tirés du lit pour informer Nymphadora qu'une attaque d'envergure était en cours à Dartmouth et qu'ils avaient besoin d'elle. Le lynx avait été suivi très exactement dix minutes plus tard par un phœnix argenté lui demandant, à lui, de bien vouloir se rendre dans le bureau directorial.
Dartmouth était touristique, le Britannia Royal Naval College n'était pas loin ce qui était problématique à plus d'un titre… Le temps que leurs Aurors arrivent sur place, les forces navales Moldues s'étaient déjà déployées et étaient en train de se faire écraser par les Mangemorts, leurs loups-garous et leurs Inféris bien qu'ils aient chèrement défendu leur peau et celles des civils. Quoi qu'il en soit, ils s'étaient retrouvés entre leurs forces et celles de l'ennemi, à tirer dans le tas. Pire, outre les touristes, de nombreux officiers étrangers étudiaient dans cette académie prestigieuse, ce qui n'allait pas jouer en leur faveur avec les gouvernements magiques étrangers qui n'aimaient pas voir leurs propres Moldus massacrés.
La bataille s'étirait depuis mais les ramifications étaient préoccupantes.
Le bureau d'Albus était assailli d'hiboux et si sa cheminée avait été reliée au réseau international, il n'y avait aucun doute que les chefs d'états étrangers s'y seraient bousculés.
« Que dit mon confrère espagnol ? » soupira Albus, en parcourant deux parchemins à la fois. Leur contenu était identique, sans doute, à celui que Severus était en train de déchiffrer.
« Mon castillan est rouillé mais sensiblement la même chose que les autres. » soupira-t-il. « Et nous n'avons toujours pas un décompte des pertes Moldues internationales. »
Ils n'avaient aucun décompte des pertes du tout.
Et il ne fallait pas croire qu'une partie de lui, cadenassée dans un coin de sa tête sous d'épais boucliers, n'était pas entièrement conscient qu'il n'avait pas eu de nouvelles de Nymphadora depuis près d'une heure, vingt-cinq minutes et plusieurs secondes. Son dernier Patronus disait qu'ils allaient tenter une percée dans la partie de la ville occupée par les Mangemorts et lui avait enjoint, à lui, de garder Albus à Poudlard même s'il devait l'assommer pour ce faire.
« C'est mauvais, Severus. » décréta le Directeur, d'un ton sérieux. « Très mauvais. »
« Ce n'est certes pas idéal. » répondit-il, en posant le parchemin pour faire quelques pas dans le bureau, en s'appuyant lourdement sur sa canne.
Bouger l'aidait à penser et cela faisait déjà plusieurs heures qu'il était assis dans ce fauteuil à attendre des nouvelles et à gérer les réactions inquiètes de la sphère internationale et les questions pressantes des réfugiés. Sans parler du fait qu'ils avaient dû déployer la quasi-totalité de leurs Aurors et que les troupes que Lupin et Sirius avaient commencées à entraîner étaient toujours trop inexpérimentées pour être efficace. Severus avait envoyé l'Ordre en protection de Poudlard et de Pré-au-Lard mais…
Il lui fallait d'ailleurs trouver quelqu'un pour servir d'intermédiaire avec les civils, avait-il décidé. C'était une chose qu'il avait négligé lorsqu'il avait grossièrement organisé une ébauche de gouvernement, ils avaient besoin d'un porte-parole qui avait plus de patience que lui et pourrait empêcher les gens de paniquer. Il avait dépêché Minerva, pour l'instant.
Une nouvelle chouette s'engouffra par la fenêtre ouverte et jeta une lettre cachetée sur le bureau. Le directeur la décacheta et la parcourut avec une irritation manifeste.
« Vous comprenez son jeu, bien sûr ? » lança-t-il.
Albus leva les yeux du parchemin, le dévisageant par-dessus ses lunettes en demi-lune. « Je ne suis pas encore entièrement sénile. »
« Il détruit votre réputation. » insista-t-il, pourtant.
Le nom d'Albus Dumbledore ouvrait toutes les portes, en temps normal, mais même un nom comme le sien avait ses limites. Les autres chefs d'état exigeaient de lui qu'il redresse le pays comme si cela avait été facile et que son inaction témoignait d'une mauvaise volonté de sa part – ou pire, d'incompétence. Plus il donnait l'impression de ne rien contrôler, plus sa réputation en souffrait, plus les gens seraient enclins à céder à la terreur et à déconstruire le mythe qui s'était créé autour de lui.
Le Seigneur des Ténèbres était en train de détruire son image petit à petit.
Et Merlin savait que le Directeur n'avait pas besoin d'aide dans ce domaine, en ce moment.
« Si ce n'était que cela… » ironisa Albus. « Je crains qu'il ne voit plus grand. » Il lui tendit le parchemin que la dernière chouette venait de déposer. « Lisez. »
Severus parcourut la lettre frappée du sigle officiel de la Confédération Internationale des Sorciers dont le langage était pour le moins… ferme.
« C'est la troisième de cet acabit. » lui apprit le vieux sorcier. « Mes appels pour une aide internationale restent sans réponse mais ce genre de mises en garde… »
« Ils n'ont pas tort, cela dit. » commenta-t-il. « Le Code du Secret Magique est plus qu'en péril, à ce stade. C'est un miracle qu'il ne soit pas encore éventé. Les Moldus sont crédules mais ils finiront bien par comprendre. »
« À votre avis… » répondit Albus. « Combien de temps leur faudra-t-il pour décider que négocier avec Lord Voldemort en reconnaissant son gouvernement plutôt que le mien serait plus profitable pour la perpétuation du Secret ? »
Severus resta interdit. « Vous ne pensez pas… »
« Oh, si, je le pense… » soupira le vieux sorcier. « Si Tom parvient à obtenir l'aval de la Confédération… »
« C'est un mage noir. » contra-t-il. « Un mage noir qui a détruit le Ministère en place et… C'est un coup d'état. »
« Ce ne serait pas le premier dirigeant issu d'un coup d'état qu'ils reconnaîtraient par souci de facilité. » remarqua Albus. « De plus, nous sommes une île. Un embargo serait facilement mis en place, le temps qu'ils négocient avec Tom des conditions qui satisferaient tout le monde… Il n'est pas si fou que cela de l'imaginer légitimité. La priorité de la Confédération Internationale n'est pas notre survie mais la continuité du Secret. »
« Jusqu'à preuve du contraire, c'est Lui qui met le Secret en danger. » insista-t-il.
« Et c'est moi qui échoue à l'en empêcher. » remarqua le Directeur. « C'est ce que chacune de ces lettres me reprochent. Non, Severus, croyez-moi… La perspective est effrayant mais il me semble que Tom s'essaye à la politique. »
Un singe argenté apparut dans la pièce avant qu'il ait pu lui répondre.
« Les Mangemorts sont en fuite. Dartmouth est sous notre contrôle. » déclara Nymphadora d'une voix monocorde qui trahissait sa fatigue. La bataille avait duré des heures. « Nous avons dû neutraliser les Moldus par sécurité. À partir de maintenant, je veux quelqu'un capable de pratiquer les Oubliettes de masse dans chaque unité. S'il faut former des gens, fais les former, Severus, c'est une nécessité et une urgence. Actuellement, j'ai un Langue-de-Plomb pour une ville entière. »
Albus fit apparaître un phœnix argenté d'un coup de baguette, avec un regard entendu pour lui. « Faites le maximum pour protéger le Secret, Auror Tonks. Jetez des Oubliettes sur toute la ville s'il le faut. »
Ce fut un lynx qui apparut quelques minutes plus tard avec la réponse. « Nous avons planté l'idée d'un tremblement de terre mais avec un siège militaire moldu aussi proche, il est impossible de savoir ce qui a été transmis à leur gouvernement avant que nous coupions leurs communications. Nous avons perdu quatre Aurors et avons au moins six blessés graves stabilisés sur place. Je les renvoie à Poudlard, notifiez l'infirmerie. »
Quatre morts étaient quatre combattants aguerris qu'ils ne pouvaient pas se permettre de perdre et les six blessés allaient également leur faire défaut.
« Il faut revoir la composition des unités de réponse. » suggéra Severus, une fois qu'Albus eut prévenu Poppy. « Un membre formé aux Oubliettes, un membre formé aux soins dans chaque bataillon. J'aurais dû y penser plus tôt. »
« Nous n'avons pas le temps d'attendre que les volontaires soient devenus excellents. » déclara Albus, avec regret. « Qu'ils soient capable de se battre devra faire l'affaire. Dites à Sirius et Remus d'accélérer le processus. »
« S'ils ralentissent ou gênent nos Aurors, ils ne seront pas davantage un atout. » nuança-t-il.
Albus tapa du poing sur la table, perdant son calme. « Nous sommes attaqués sur tous les fronts, nous gardons à peine la tête hors de l'eau… » Il se reprit immédiatement. « Excusez-moi. »
Severus nota le léger tremblement de ses mains, la manière dont son regard brillait… « Combien de philtres de force prenez-vous par jour ? »
« Juste ce qu'il faut, je vous remercie. » rétorqua le Directeur, d'un ton d'avertissement qu'il ignora.
« Albus, à votre âge, cela peut être dangereux. » gronda-t-il.
« J'ai besoin de la potion Révèle-Loup. » répliqua Albus, comme s'il n'avait pas ouvert la bouche. « Remus et Laura sont des atouts qui… »
« Flemmings ne souhaite pas se battre. » contra-t-il, un peu alarmé. « Quant à Lupin… »
« Dans ce cas, ils nous faut davantage de loups. » le coupa pensivement le vieux sorcier.
Davantage de loups-garous était la dernière chose dont ils avaient besoin. « Lupin est instable. Et je ne suis toujours pas convaincu que nous devrions continuer les recherches sur cette potion. »
« Avez-vous une autre arme secrète dont nous pourrions faire usage ? » le défia son mentor. Il resta muet. « C'est bien ce que je pensais. Vous vouliez envoyer Remus espionner la meute de Greyback, je crois ? Faites-le. Et qu'il voit s'il n'y aurait pas d'autres dissidents comme Laura, plus courageux qu'elle de préférence. »
Il n'avait pas de sympathie particulière pour Flemmings mais cela lui semblait un jugement un peu sévère, d'autant que ce n'était pas comme si elle n'avait pas fait sa part depuis la bataille, de ce qu'on lui avait rapporté. Son nom était sur la liste de ceux que Poppy souhaitait garder à l'infirmerie pour aider les Médicomages. « Elle a fait preuve de beaucoup de courage en nous approchant et en volant un échantillon de la potion, en premier lieu. Tout le monde n'est pas fait pour se battre en première ligne, Albus, ce n'est pas une mauvaise chose de connaître ses limites. Ou bien êtes-vous si désespéré de trouver de la chair à canon ? »
Le Directeur lui jeta un regard courroucé qui ne dura que l'espace de quelques secondes. Ses épaules perdirent soudain en tension et il ôta ses lunettes pour se frotter le visage, faisant son âge. « Vous avez raison. »
« J'ai également raison lorsque j'affirme que vous abusez des philtres de force. » grommela-t-il. « Une nuit de sommeil complète, Albus. Quitte à prendre une potion pour dormir. »
Le vieux sorcier ne répondit pas mais Severus ne manqua pas la manière dont il jouait distraitement avec la bague à son annulaire gauche. Le bijou était simple mais nouveau et sa position était significative.
Toutefois il ne savait pas s'il souhaitait compatir à la fin de Gellert Grindelwald ou même comment le faire. Il n'était pas doué pour ce genre de démonstrations de tact.
« Je vais répondre à la Confédération. » déclara Albus. « Chargez-vous des pays qui nous ont écrit. La même lettre pour tout le monde fera l'affaire. Écrivez en votre nom propre, vous êtes mon second, ils peuvent tout aussi bien s'habituer à communiquer avec vous. »
« Un ancien Mangemort avéré, voilà qui ne va pas forcément leur plaire. » le mit-il en garde.
« Ils refusent de nous aider. » rétorqua Albus. « Je n'ai guère le soucis de leur plaire. De plus, jouons davantage sur l'aspect Maître des Potions émérite et reconnu, voulez-vous. »
Ils passèrent l'heure qui suivit à répondre aux missives les plus pressées, à pallier à l'absence de Shacklebolt et Nymphadora et à gérer les aléas quotidiens d'un semi-siège. Lorsque le Chef des Aurors et sa partenaire débarquèrent finalement dans le bureau, il était près de midi et Severus aurait tué pour une pause, une tasse de thé et, surtout, quelques minutes loin d'Albus.
Parce qu'il était professionnel, il ne se précipita pas sur Nymphadora pour vérifier qu'elle ne cachait pas de blessures graves sous ses sur-robes bleues. Le coquard à son œil gauche, les quelques coupures qu'il apercevait sur son cou et la manière subtile dont elle favorisait sa cheville droite lui paraissaient superficiels.
Parce qu'il avait ses limites, il lui céda sa place sous couvert de galanterie et en profita pour jeter un sortilège de diagnostic informulé d'un geste de la main. Le résultat n'était pas aussi précis qu'il l'aurait été avec sa baguette et elle dut le sentir parce qu'elle lui jeta un coup d'œil mi-amusé, mi agacé.
« Il faut prendre les devants et aller voir John Major. » déclara-t-elle, à peine assise. « Vu ce qu'il a dit la dernière fois… L'attaque d'une base navale… Il va avoir du mal à le digérer or les armes à feu ont fait des dégâts chez les Mangemorts comme chez nous avant qu'on ne les maîtrise, j'aimerais éviter que ça se reproduise. »
« Allez-y. » approuva Albus.
Nymphadora grimaça et Severus devinait pourquoi.
« Il vaudrait mieux y mettre les formes. » commenta-t-il. « L'appui du gouvernement Moldu n'est pas négligeable. »
Il soutint le regard d'Albus, abaissant juste assez ses boucliers pour que le Directeur suive son raisonnement. Il n'était pas convaincu que la Confédération serait assez folle pour soutenir le Seigneur des Ténèbres contre Albus, quoi qu'il en soit, mais avoir les Moldus comme alliés jouerait en leur faveur si l'idée leur en prenait. La dernière chose que souhaiterait la Confédération Magique était une bataille ouverte entre le gouvernement Moldu et le gouvernement magique en place or la politique du Seigneur des Ténèbres serait difficile à ignorer pour eux. De plus, ils ne pouvaient pas se permettre une guerre sur plusieurs fronts. Si les militaires Moldus devenaient une troisième force… Certes, ils se feraient massacrer… Mais sans doute pas sans leur causer des pertes qu'ils ne pouvaient se permettre.
« Soit. » capitula le Directeur. « J'irais avec vous, Nymphadora. » Les yeux bleus voyagèrent de l'un à l'autre des Aurors. « Kingsley, votre rapport. »
Le rapport était choquant.
Ce n'était pas Cardiff mais faire avaler cette couleuvre au Premier Ministre Moldu allait être difficile et Severus était heureux que la responsabilité ne lui en incombe pas.
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Le château était en ébullition et Remus n'aimait pas ça.
La nouvelle de l'attaque de Dartmouth s'était répandue comme une trainée de poudre et les groupes qu'il avait entrainées ce matin là avait été particulièrement nerveuses. Les esprits s'étaient un peu détendus après la nouvelle de leur victoire – du moins, c'était comme ça que l'annonce avait été vendue, Remus se doutait que les choses devaient être plus mitigées en réalité – mais l'effet inverse s'était propagé et, à présent, les gens célébraient comme si la bataille avait été significative.
Lui, tendait à penser qu'elle avait été mal gérée.
Severus, au lieu de déployer les membres de l'Ordre compétents en soutien, les avait gardés dans le château et alentour, laissant aux Aurors le devoir de subir le brut de la bataille. Remus était d'accord pour admettre que c'étaient les plus compétents pour gérer ce genre de situation mais un soutien n'aurait sans doute pas été en trop – et une caution morale pour s'assurer qu'on ne sacrifiait pas les Moldus au profit des sorciers, puisqu'ils en étaient là.
Il avait tenté de parler de ses inquiétudes à Albus mais…
« Lupin ! »
L'aboiement sec lui fit grincer des dents mais il se figea sur le chemin de la Grande Salle où il espérait remplir son estomac qui criait famine, et se tourna pour regarder approcher l'homme à qui il devait désormais rendre des comptes. Le temps que Severus ne le rejoigne, s'appuyant lourdement sur sa canne, Remus s'était convaincu qu'il pouvait rester calme et professionnel.
Lorsqu'il voyait l'autre homme ainsi, il était difficile d'oublier que l'ancien Mangemort avait déjà payé un lourd tribut dans cette guerre. Severus n'était pas de ceux qui trahissaient facilement des faiblesses. Ses mains tremblantes, il ne pouvait pas les cacher facilement, mais pour boiter aussi ouvertement, il devait véritablement souffrir ce jour-là.
« Suis-moi dans mon bureau. » exigea Severus, lorsqu'il fut suffisamment près. « J'ai des nouvelles à propos de la potion. »
Il ne commit pas l'erreur de demander de quelle potion il s'agissait. « Tu as un prototype ? »
Il y avait une note d'envie non déguisée dans sa voix qui aurait pu l'embarrasser si… La possibilité de se fondre en Lunard dès qu'il le souhaitait était tout ce qu'il désirait. Ce serait une libération. Ce serait naturel. Ce serait.. Un loup-garou n'aurait pas dû être prisonnier de l'une ou de l'autre facette de sa nature.
« Suis-moi. » réitéra Severus, en levant les yeux au ciel, en jetant un regard lourd de sens alentour.
Il ne voulait pas que l'on surprenne la conversation, bien entendu.
Remus lui emboita le pas sans plus y penser, calant son allure sur la sienne qui était laborieuse. Pire, Severus en paraissait conscient et irrité qu'il doive ralentir pour lui. En lui, le loup s'amusait de le voir si rabaissé mais l'humain trouvait ça regrettable parce que, malgré tous ses défauts, le Maître des Potions avait une maîtrise remarquable de sa magie et était un combattant aguerri. Le perdre en première ligne était un coup dur. Il pouvait être magnanime et le reconnaître.
La porte du Bureau du Directeur de Maison de Serpentard s'ouvrit avant même que Severus ne la touche et l'homme s'effaça en lui faisant signe d'entrer, ce que Remus jugea courtois et Lunard normal : après tout, il était le loup le plus dominant, c'était à lui de passer devant pour mieux s'assurer qu'un endroit était sans danger.
Il n'avait pas fait trois pas dans la pièce qu'il entendit la porte claquer un peu trop violemment dans son dos. Il n'eut pas le temps de se retourner ou de sortir sa baguette. Avant qu'il ait compris, Snape l'avait attrapé par le col et l'avait tiré en arrière. Il heurta le mur, voulu sortir sa baguette mais la douleur dans son pied fut si brutale et inattendue qu'il hurla. Ça ne dura pas longtemps, cependant, parce qu'un bras vint s'appuyer en travers de sa gorge, lui coupant sérieusement la respiration.
Sa baguette lui fut arrachée et jetée à l'autre bout de la pièce.
« Cesse un peu de geindre. » siffla Severus. « Ce n'est qu'une toute petite plaie. Un sort et il n'y paraîtra plus. Ou peut-être bien que si, s'il s'avère que j'ai brisé l'os. Note, tu es tellement jaloux de moi, peut-être serais-tu heureux de t'en tirer avec un boitement. »
Remus chercha à se dégager mais bouger ne serait-ce que d'un centimètre était une agonie. Quelque chose avait transpercé son pied, il n'était pas certain de ce dont il s'agissait mais la main gauche de Snape tenait toujours sa canne alors il supposait que… Y avait-il une lame au bout de la canne ? Et le bras en travers de sa gorge lui coupait toujours la respiration… Il l'avait attrapé à pleines mains, cherchait à le déloger, mais l'ancien espion se servait du poids de son corps pour littéralement le clouer sur place.
« On aurait pu croire que tu aurais appris à te méfier des serpents et des comédies qu'ils peuvent te jouer. » remarqua calmement l'homme. « J'espère que tu as apprécié de me voir si diminué. J'espère que cela t'a fait plaisir car c'est le seul plaisir que tu connaitras d'ici longtemps. »
Remus parvint à tirer suffisamment sur son bras pour prendre une inspiration tremblante mais le répit fut de très courte durée, Snape s'appuya davantage à la fois sur sa canne et sur lui, pour mieux venir murmurer à son oreille. « Sais-tu que perdre la Marque a eu un effet surprenant sur ma magie ? Mes sorts sont presque trop puissants pour que je les contrôle. Gênant au quotidien, bien entendu, mais je me demande ce qu'il se passerait si je m'aventurais à jeter un Doloris… Qu'en-dis tu, Lupin, devrions-nous tester la chose ? »
Remus serra les dents et parvint à le repousser un peu, suffisamment pour pouvoir respirer. Malheureusement, cela fit également bouger la lame plantée dans son pied et il cria, espérant un peu que quelqu'un l'entendrait et…
« Hurle autant que tu veux. » déclara plaisamment Severus, en arrachant la canne d'un coup sec et en reculant de quelques pas. « Il y a suffisamment de sortilèges anti-intrusions sur cette pièce pour que personne ne t'entende même si je décidais de te torturer des jours durant. Il ne faut pas croire que l'idée ne m'a pas traversé l'esprit, d'ailleurs. »
Avachi au sol, à présent que plus rien ne le tenait debout, Remus ramena son pied contre lui pour observer les dégâts. La lame avait traversé la chaussure et la plaie saignait abondamment. Avait-il entamé l'os ? Il n'était pas certain. La douleur était aveuglante.
Il releva la tête avec un grognement rageur qui était plus animal qu'humain et se serait probablement jeté sur lui si la lame couverte de sang ne s'était pas arrêtée à quelques millimètres de son œil.
Remus se figea.
La canne tremblait légèrement mais pas assez pour qu'il espère en profiter.
Severus la tenait de sa main gauche. Sa main droite était fermée sur sa baguette mais était loin d'être aussi stable.
« Qu'est-ce qui te prend ? » cracha-t-il, son attention sur le poinçon qui sortait de la canne.
Un faux mouvement et cette lame pouvait lui crever un œil ou pire.
« Comment cela ? » feignit de s'étonner Severus. « Tu n'apprécies pas mes attentions, Lupin ? Je ne comprends pas, j'ai pourtant essayé d'y mettre la même délicatesse que toi avec les tiennes. »
Il eut, soudain, une révélation. Ses épaules s'affaissèrent légèrement. « Dora t'a dit ce qui s'était passé entre nous. »
« Il ne s'est rien passé entre vous. » corrigea Severus, dans un grondement colérique. « Tu l'as agressée. »
En lui, Lunard gronda en retour.
Remus, pour sa part, grimaça. « Ce n'est pas exactement… »
« As-tu essayé de la forcer à t'embrasser ? » interrogea l'ancien espion.
« J'ai mal interprété… » se défendit-il.
« N'as-tu pas encore compris qu'elle ne voulait plus rien à voir à faire avec toi ? » insista l'homme.
« Je me suis excusé. » contra-t-il.
Severus continua comme s'il n'avait rien dit. « Voilà donc la définition exacte d'une agression. »
« Ce n'était pas une agression. » nia-t-il. « C'était… »
« Merlin m'en soit témoin, Lupin, si tu dis que c'était un malentendu je te transforme en paillasson. » l'avertit-il, dans un sifflement.
Il était sérieux.
Remus ferma la bouche, même s'il trouvait ça un peu injuste. Certes, il s'était mal comporté mais… Il s'était excusé. Il savait que…
« Tu vas aller pister la meute de Greyback. » décréta Severus. « Tu vas partir sans faire d'histoires et sans souffler un mot de la raison. »
« Albus… » contra-t-il immédiatement.
« Albus a déjà approuvé ta mission. » le coupa-t-il. « Libre à toi d'aller te plaindre de la manière dont j'ai délivré son ordre, je ne peux pas prétendre que cela m'inquiète beaucoup. De nous deux, c'est de moi dont il ne peut se passer. » Ses yeux noirs se durcirent. « Toutefois, Nymphadora ne souhaite pas que cette affaire s'ébruite. Pas parce qu'elle a quoi que ce soit à se reprocher, soyons clair, mais parce qu'elle s'inquiète des conséquences que cela pourrait avoir pour le reste de ta meute. Il serait regrettable que Laura et les enfants soient chassés du château par une foule enragée avec fourches et torches… »
La menace le fit rugir d'indignation. « Si tu les touches… »
« Oh, j'y penserais à deux fois avant de me menacer, si j'étais toi. » l'interrompit-il, à nouveau, d'un ton faussement caressant. « La pleine lune est dans quatre jours et il me semble qu'ils ont besoin de potion Révèle-Loup… »
« Slughorn… » tenta Remus.
« Slughorn est à mes ordres. » susurra Severus. « Ou bien as-tu oublié qui commande ? Laisse-moi te le rappeler… Moi. Tu sais qui d'autre est plus haut que toi dans la hiérarchie, Lupin ? Nymphadora. Alors je te conseillerais fortement de convaincre ton animal intérieur qu'il n'est pas l'Alpha de cette armée. »
Lentement, Severus abaissa sa canne.
Remus ne l'attaqua pas pour autant, conscient que sa baguette était toujours pointée sur lui.
« Je pense qu'il est inutile que je précise que j'ai été très mesuré dans ma réaction. » continua l'ancien Mangemort, presque aimablement. « Touche-la encore une fois, pose seulement les yeux sur elle, et tu es un loup mort, Lupin. J'ai assassiné plus coriace et plus intelligent que toi. »
« La pleine lune est dans quatre jours. » grinça-t-il. « Je ne peux pas m'en aller. Ma meute… »
« Ta meute aura sa potion pourvu que tu partes rapidement et sans scandale. » rétorqua-t-il.
« Les louveteaux auront besoin de moi. C'est leur première transformation et je suis leur Alpha. » insista-t-il.
« Tu aurais dû y penser avant de forcer tes attentions là où elles n'étaient pas les bienvenues. » décréta-t-il. « Ah, et tant que nous en sommes à faire une petite mise au point, je ne sais toujours pas quelle est la nature de ton malentendu avec Harry mais s'il est du même acabit, je te suggère fort de m'éviter autant que possible. »
« Je coordonne l'Ordre. » lui rappela-t-il. « Albus t'a peut-être mis à sa tête mais c'est moi qui… »
« Tu coordonnais l'Ordre. » cracha Severus. « Et, crois-le ou non, j'aurais travaillé avec toi si tu avais su te tenir. Cette tâche incombe désormais à Bill, j'ai besoin d'un second en qui je peux avoir confiance. Toi, tu n'es plus qu'un soldat qui fait ce qu'on lui dit. Et, maintenant, sors d'ici avant que je ne perde véritablement mon calme. Tâche de ne pas mettre de sang partout, non plus. Les elfes ont suffisamment de travail. »
D'un geste négligeant, l'ancien Mangemort lui renvoya sa baguette, avant d'aller s'installer derrière son bureau et de se pencher sur un tas de parchemins comme s'il était simplement congédié.
Remus résista à l'envie de l'attaquer, de le tuer, malgré tout ce que lui hurlait Lunard, parce qu'il était trop conscient que sa meute dépendait de son bon vouloir. Certes, s'il tuait Snape, il resterait Slughorn mais… Slughorn ne serait jamais capable de percer le secret de la potion qu'avait Voldemort en sa possession, pas comme lui. Et puis… Que ferait-il du corps ? Il ne doutait pas que l'ancien espion avait tout un tas de plans visant à faire disparaître un cadavre gênant de son bureau mais Remus, lui, était une personne décente et n'en avait aucun.
Sans compter que Nymphadora chercherait à le tuer s'il achevait son précieux Severus.
Et il ne voulait pas avoir à faire du mal à Nymphadora.
« Tu n'es pas tout puissant. » gronda-t-il, pourtant, après avoir stoppé l'hémorragie de son pied. L'os n'était pas brisé. La blessure était calculée pour être douloureuse mais Snape n'avait pas menti, c'était sans gravité et facilement traitable d'un sort.
« Vas te plaindre plus haut, si le cœur t'en dit. » l'invita négligemment l'homme, sans lever la tête, visiblement trop confiant du fait que Remus n'allait pas s'en prendre à lui.
« J'aimerais pouvoir t'arracher la gorge. » cracha-t-il. Ce n'était que justice d'en avouer autant, après tout, étant donné ce que le sorcier venait de lui faire.
« Comme c'est drôle. » se moqua Snape, en lui jetant un coup d'œil haineux. « J'aimerais pouvoir t'arracher autre chose et te regarder t'étouffer avec. »
Remus grinça des dents et se remit debout, testant son pied blessé sans parvenir à réprimer une grimace.
« Crois-le ou non, je ne veux plus d'elle. » déclara-t-il. « Tu l'as encouragée sur un chemin dangereux. Elle était tout ce qu'il y avait de pur et de bon et elle s'est transformée en une femme froide et calculatrice qui se croit surpuissante. »
« Oh, et en quoi t'es-tu transformé, toi, Lupin ? » riposta le sorcier. « Tu étais le plus décent des quatre. Regarde où ton loup t'a mené. Elle a changé ? La belle affaire. Elle est toujours du bon côté de la barrière, je ne suis pas certain que tu puisses encore en dire autant. »
« Je suppose que ça dépend d'où tu places la barrière. » railla-t-il. « De ton point de vue, bien sûr, les choses doivent être plus floues. Ce n'est pas comme si tu avais jamais été du bon côté de cette dite barrière… »
« Sors d'ici. » ordonna l'ancien Mangemort. Ou peut-être était-ce un avertissement. « Sors d'ici avant que je ne change d'avis sur le fait de te laisser en vie. »
Remus sortit, en effet, mais pas parce qu'il ressentait le moindre besoin de lui obéir ou parce qu'il le craignait.
La seule chose dont il avait peur, c'était de ne pas parvenir à se contrôler beaucoup plus longtemps.
Snape l'avait pris par surprise, en traître.
À la loyale, Lunard l'aurait tué avant même qu'il ait eu le temps d'ouvrir la bouche.
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Le transplannage d'escorte la laissa légèrement désorientée, pendant quelques secondes. Nymphadora s'accrocha au bras du vieux sorcier, attendant que le décors veuille bien cesser de tourner. Ils étaient apparus près de la gare de Pré-au-Lard qui était devenue le point de transplannage pseudo officiel pour aller et venir du village et du château. Une fois qu'Aidan et Bill auraient terminé de sceller les protections runiques, transplanner dans la zone serait impossible, du moins à quelques rares exceptions près. Dumbledore, Kingsley, Severus et quelques personnes clefs le pourraient encore, mais c'était tout et mieux valait ne pas en faire étalage.
Ce n'était pas l'idéal pour faire sortir et entrer Dumbledore du château. La gare était relativement loin de Poudlard pour le déplacement d'un Ministre et le Directeur se sentait un peu trop en sécurité à son goût.
« Cela aurait pu plus mal se passer. » déclara-t-il, en saluant d'un geste les sentinelles postées aux extrémités de la zone. Pas des Aurors mais des villageois organisés par Rosmerta.
Nymphadora attendit qu'ils se soient engagés sur le petit chemin de terre qui menait vers le village même, avant de répondre. « Je suppose qu'il aurait pu nous jeter dehors ou appeler la sécurité. »
Son ton sarcastique arracha un léger sourire à Dumbledore mais l'amusement n'y était pas. L'entrevue avec le Premier Ministre Moldu avait été plus que tendue. Fatigué de leurs excuses et de leurs fausses promesses, John Major avait suggéré que, peut-être, Dumbledore devrait se rendre à Buckingham rendre des comptes à sa place simplement pour voir si la Reine trouvait ça drôle. Ils étaient, leur avait-il rappelé, sorciers ou non, toujours des sujets britanniques de sa Majesté.
Nymphadora ne savait pas si c'était vrai parce que, mis à part les Gobelins, Binns ne couvrait pas grand-chose dans ses cours. Dumbledore s'était empressé de décréter que personne ne laisserait un sorcier à proximité de la famille royale pour des raisons évidentes de sécurité, ce qui faisait dire à la jeune femme qu'il y avait sans doute eu des antécédents.
« Il est… relativement raisonnable. » hésita Dumbledore.
« Il est impopulaire et l'opposition est féroce. » contra-t-elle. « Je ne me fierais à rien de ce qu'il nous a dit. Politiquement, toutes ces attaques et ces accidents ne lui font aucun bien. Et il a remis l'idée d'un groupe paramilitaire moldu sur le tapis. »
Le Directeur resta silencieux quelques secondes, suffisamment longtemps pour qu'ils atteignent le village. Ils le traversèrent parce que Dumbledore voulait qu'on le voit, calme et aux commandes. La nouvelle de leur 'victoire' à Dartmouth s'était répandue comme une trainée de poudre et ils furent pris d'assaut par des gens qui voulaient les féliciter tous les deux, ce qui n'était pas bon du tout pour son niveau de stress. Déjà, parce qu'elle avait à peine eu le temps de se changer et de faire soigner ses blessures mais pas celui de prendre quelques minutes pour redescendre après la bataille, ensuite parce que chaque main qui se tendait pour serrer celle du Ministre était une tentative de meurtre potentielle.
Il lui fallut plusieurs minutes pour l'extirper poliment de la foule et le pousser sur le chemin qui menait à Poudlard.
Elle détestait être seule avec lui au milieu de rien.
Certes, le périmètre était quadrillé et verrouillé, aucun Mangemort n'aurait dû pouvoir entrer, mais rien n'était jamais garanti et ça aurait été l'endroit rêvé pour une embuscade.
« Serait-ce une si mauvaise idée ? » lança-t-il, à propos de rien. Devant son expression confuse, il clarifia. « Avoir un groupe militaire Moldu à notre disposition ? »
Nymphadora tapota distraitement sa baguette contre sa cuisse, tout en marchant. « Il ne serait pas tant à notre disposition qu'aux ordre du Ministre Moldu. Et leurs armes à feu… Il n'est pas impossible de stopper une rafale de balles par magie, bien sûr, mais cela demande de la concentration et Dartmouth… Cela a rajouté du chaos à une situation déjà problématique. Sans compter que, même parmi notre propre troupes, certains ont trouvé leurs méthodes barbaresques. Tuer avec des sorts oui, mais avec des armes ? » Elle émit un bruit amusé. « C'est absolument hypocrite, bien sûr, mais nos troupes remettraient la chose en question et cela risque de prêter foi à Voldemort qui prétend que les Moldus sont des monstres. Et puis, au-delà de ça… Je ne suis pas certaine que je leur ferais confiance pour ne pas nous tirer dessus, à nous aussi, une fois qu'ils auront compris qu'un sniper peut nous abattre les uns après les autres. Ce n'est plus le Moyen-âge. Les sorciers trouvaient peut-être ça très drôle de faire semblant de mourir sur un bûcher mais, désormais, ils ont les moyens de nous tuer plus vite que nous ne pouvons nous protéger. »
Dumbledore lui jeta un regard indéchiffrable. « Vous avez beaucoup réfléchi à la question. »
« Je dirige une armée faite de bouts de ficelles. » s'agaça-t-elle. « Évidemment que j'ai réfléchi à accepter son offre. Je pense que les risques dépassent les avantages potentiels. »
« Certes. » acquiesça-t-il, en croisant les mains dans le dos comme s'ils étaient simplement en balade. « De plus, si la Confédération apprenait que nous utilisons des troupes Moldues… Cela ne jouerait pas en notre faveur. »
Nymphadora soupira de soulagement en voyant les grilles de l'école se dessiner à l'horizon. Une fois qu'ils les eurent passées, elle s'autorisa finalement à se détendre. Elle n'était pas d'accord avec la décision de Severus de retirer son escorte au Ministre sous prétexte qu'il pouvait très bien se défendre seul dans l'enceinte du domaine mais elle devait admettre qu'elle craignait moins une attaque surprise ici qu'à l'extérieur.
« Vous êtes debout depuis cette nuit et vous avez passé des heures sur un champ de bataille, prenez le reste de la journée. » ordonna Dumbledore.
Elle secoua immédiatement la tête. « Je peux… »
« Severus aura géré les urgences en notre absence. » l'interrompit-il. « Et j'ai donné le même ordre à Kingsley avant que nous partions, il devrait donc être à présent reposé et prêt à prendre le relais. C'est votre tour » Il lui jeta un regard lourd de sens alors qu'ils traversaient le parc, s'attirant l'attention des quelques mères et pères de famille qui tentaient d'occuper leurs enfants à l'extérieur. « Croyez-moi, j'ai entièrement conscience de mon hypocrisie mais le fait est que j'ai besoin de vous au meilleur de votre forme, là-dehors. »
L'après-midi était déjà bien entamée, de toute manière, songea-t-elle, et si Kingsley avait pris un peu de repos… Elle n'aurait pas refusé une douche, de quoi manger et, si elle avait cinq minutes, elle voulait s'arrêter voir Charlie… Rien de tout ça ne l'empêcherait de repasser au bureau ensuite…
« D'accord. » soupira-t-elle, alors qu'ils prenaient le chemin le plus direct vers le château.
Au bout d'un moment, elle se racla la gorge. Le moment était idéal pour tenir la promesse qu'elle avait faite à Severus mais elle y rechignait toujours.
« Souhaitiez-vous me parler d'autre chose ? » s'enquit Dumbledore, avec sa perspicacité habituelle.
Nymphadora grimaça légèrement. « Oui, mais… C'est personnel. Et un peu gênant. »
Le Directeur émit un bruit amusé et bifurqua sur un petit sentier moins emprunté qui redescendait vers le lac. Plus le chemin direct vers le château donc. Elle sentit également tomber sur eux la chape d'un sort de protection qui empêcherait les oreilles indiscrètes de les écouter. Elle rajouta un Assurdiato pour faire bonne mesure et prétendit ne pas apercevoir le sourire amusé du vieux sorcier.
« Ma chère, en termes de secrets gênants, je crains que vous ayez toujours l'avantage. » remarqua-t-il.
Il lui fallut plusieurs secondes pour comprendre à quoi il faisait référence : Grindelwald et les souvenirs pour le moins intimes qu'il avait laissé dans sa tête, comme si elle n'était qu'une vulgaire pensine. Avec tout ça, elle l'avait presque oublié.
En termes d'histoires d'amour passées mal avisée, il était vrai que Dumbledore était mal placé pour la juger, ce qui la poussa à se détendre légèrement même si elle n'était toujours pas convaincue que le mettre au courant soit nécessaire.
Non…
C'était faux.
Elle savait que le mettre au courant était nécessaire. Si la personne concernée avait été n'importe qui d'autre qu'elle, elle aurait insisté pour que l'information remonte longtemps auparavant. Mais c'était elle qui était concernée et c'était gênant.
« Je préfèrerais… que ça reste entre vous, moi et la personne concernée. » hésita-t-elle.
Dumbledore cessa de marcher pour se tourner vers elle, un air alarmé sur le visage. « Severus aurait-il omis de nous dire quelque chose pour ne pas nous inquiéter ? Ce garçon est borné lorsqu'il est question de sa santé. Si… »
« Non, non ! » s'empressa-t-elle de le rassurer. « Severus va bien. »
S'il leur cachait quelque chose, il le cachait bien parce qu'elle le trouvait extrêmement en forme pour quelqu'un qui sortait du coma quelques jours auparavant. C'était comme s'il s'était réveillé libéré d'un poids. Était-ce la Marque ? Était-ce autre chose ? Toujours était-il qu'il était… Elle n'avait pas à se plaindre de sa forme.
Enfermant ces pensées et souvenirs intrusifs au fond de sa tête avant qu'elle puisse en rougir, elle se racla à nouveau la gorge. « Non, je… Il y a un problème avec Remus. »
Voilà, c'était dit.
Et Dumbledore, bien que compréhensif, lui jetait l'exact regard embarrassé qu'elle avait craint. « Je comprends que la situation soit gênante pour vous trois. Toutefois, vous êtes tous adultes et… »
« Ce n'est pas ça. » le coupa-t-elle, en croisant les bras devant elle dans un geste défensif qui en trahissait trop. Elle se força à les laisser pendre à nouveau. « Écoutez… Je suis désolée de vous embêter avec ça. Je sais bien que ce n'est pas important, au vu du contexte. Et ce n'est pas comme si je ne pouvais pas gérer la situation toute seule. Mais j'ai promis à Severus d'au moins vous en parler. Et… Et, je suppose, qu'il vaudrait mieux que vous le sachiez au cas où ça se reproduise avec quelqu'un d'autre ou… »
Dumbledore lui effleura simplement le bras mais ce fut suffisant pour l'interrompre. La manière dont il l'étudiait était soucieuse à présent. « Dites-moi ce que vous voulez me dire, Nymphadora, sans vous préoccuper de m'embêter. »
« Son comportement est… extrêmement limite. » avoua-t-elle. « Il m'a mise mal à l'aise plus d'une fois. Je veux dire… »
Elle s'arrêta, soupira, puis lui décrivit l'incident au Square Grimmaurd lorsqu'elle avait été blessée et celui, plus récent, dans le parc. Elle ne lui cacha pas qu'elle craignait un peu qu'il ne s'en tienne pas là. Lorsqu'elle eut terminé, une étincelle de colère rentrée brillait dans les yeux bleus du Directeur.
« Vous auriez dû m'en parler avant. » la gronda-t-il, sans pourtant y mettre d'hostilité. « J'aurais une conversation avec lui. » Il leva les sourcils. « À supposer que Severus le laisse en un seul morceau. Je m'étonne que… »
« Je lui ai dit de ne rien faire d'inconsidéré. » le coupa-t-elle, sur la défensive. « Et il sait très bien que je suis capable de me défendre toute seule. »
Sans se mettre d'accord, ils se remirent à marcher en direction du château, Nymphadora un peu plus légère d'un semi-secret qui lui avait pesé plus qu'elle ne l'avait cru. En mettant Dumbledore au courant, c'était comme si elle lui avait transmis la responsabilité du loup-garou et de ses comportements étranges. Et c'était libérateur.
« Il vous respecte beaucoup. » commenta Dumbledore.
Parce que son esprit était focalisé sur Remus, elle fronça les sourcils. « Vous plaisantez ? »
Comprenant la méprise, le Directeur clarifia. « Severus. Il vous respecte beaucoup. Il vous apprécie beaucoup également. Je ne l'ai jamais vu aussi… ouvert avec quelqu'un. »
Elle garda le silence, peu certaine de ce qu'il souhaitait l'entendre répondre. Elle n'avait pas vraiment caché, ces dernières semaines, le sérieux de leur relation. Et, depuis son réveil, il n'avait pas non plus tenté de dissimuler ce qu'il ressentait pour elle.
« Faites attention à lui, voulez-vous ? » reprit gentiment le vieux sorcier, après quelques instants. « Il est plus fragile qu'il ne le laisse paraître, surtout en matière de cœur. » Il lui sourit. « Non pas que son cœur ne soit pas entre les meilleurs mains possibles. »
Si elle avait cru que la conversation ne puisse pas devenir plus gênante…
Elle fut soulagée d'y échapper dès qu'ils franchirent les Grandes Portes.
°O°O°O°O°
Severus était presque de bonne humeur.
Un elfe de maison venait de lui porter un mot d'Albus qui disait qu'ils étaient rentrés sans encombres et que si la situation avec les Moldus n'était pas idéale, au moins était-elle sous contrôle. C'était une épine de moins dans leur pied.
L'entretien avec Lupin avait été… Se contrôler avait été dur, il devait l'admettre. S'il n'était plus aussi porté sur le meurtre qu'autrefois, il ne pouvait nier qu'il avait été tenté juste pour le faire taire. Toutefois, il avait promis de le laisser en vie et rien que le fait de lui avoir fait mal avait considérablement contribué à alléger son humeur massacrante. Ça en disait sans doute long sur lui mais il était comme il était et il détestait que qui que ce soit menace ceux qu'il aimait.
Lupin cesserait-il pour autant de leur causer des ennuis ? Il en doutait. Son affirmation comme quoi il ne voulait plus de Nymphadora… Il n'y croyait pas. Et lorsqu'il se hasardait à penser à ce qu'il avait dit sur elle… Cela le rendait furieux. Il préférait se concentrer sur l'expression choquée qui était passée sur son visage deux secondes avant qu'elle ne soit remplacée par de la douleur sourde.
Il frappa joyeusement le sol de sa canne.
C'était peut-être le meilleur cadeau qu'on lui ait jamais fait. Il devait remercier Sirius.
Il restait trois tâches sur sa liste de choses urgentes, ce jour là.
Il avait été tiraillé dans toutes les directions toute la journée, surtout en l'absence d'Albus.
Parler à Harry était toujours en tête de liste mais devrait attendre qu'il rentre chez lui.
Interroger les Mangemorts capturés pendant la bataille et qui pourrissaient dans leurs geôles serait sa prochaine destination, juste après…
Il s'arrêta devant la porte en bois vernis que lui avait indiquée Minerva. Rien ne la différenciait à priori de toutes les autres portes derrière lesquelles se cachaient des réfugiés si ce n'était pour les sorts de protections particuliers qui y avaient été apposés.
Il ne s'embarrassa pas de frapper.
Après tout, il était le Directeur de Serpentard et, en conséquence, pouvait aller et venir où et comme bon lui semblait dans le château.
Les deux Moldus vautrés sur un canapé à l'intérieur sursautèrent à son entrée fracassante. La femme poussa un cri alarmé, le garçon attrapa la table basse comme une arme…
Severus agita la main et la table basse se transforma en coussin que l'adolescent, surpris, lâcha avec un couinement, avant de reculer, forçant sa mère à en faire de même.
C'était la mère qui l'intéressait.
« Bonjour, Tuney. »
Pétunia Evans – ou Dursley, supposait-il – avait vieilli mais pas tellement changé. Même cou de cheval, même cheveux blonds fillasses dont la couleur ne devait plus être si naturelle, même expression dégoûtée comme si elle avait senti quelque chose de particulièrement malodorant à son approche.
« Snape. » cracha-t-elle.
Le garçon, en surpoids et à l'expression vide qui lui rappelait ses élèves les plus idiots, regarda entre eux plusieurs fois. « Tu le connais ? »
Et Harry prétendait que le gamin était stupide, songea-t-il, non sans ironie.
« Va dans ta chambre, Diddy. » ordonna-t-elle.
Les yeux de Dudley Dursley passèrent d'elle à la porte qui devait mener à la dite chambre avant de revenir se poser sur lui.
« Où est Harry ? » demanda-t-il, avec plus de courage que Severus ne lui en aurait prêté.
« Je suggère que vous fassiez ce que votre mère exige, Mr Dursley. » siffla-t-il. « Avant que je ne me souvienne de toutes les fois où vous avez tenté de faire du mal à Harry, justement. »
« C'était juste un jeu. » se défendit Dudley. « Je… »
« Dudley. Dans ta chambre. » répéta Pétunia. « Je ne veux pas que tu traînes autour de celui-ci. »
Il avait oublié à quel point parler avec Pétunia pouvait lui donner la migraine.
L'adolescent, après avoir hésité encore, finit par obéir à sa mère et se retirer dans la chambre. Severus ne s'embarrassa pas d'un sortilège anti-intrusion. Il y avait trop de portraits au mur et, très certainement, dissimulés dans les recoins de l'appartement. Albus saurait ce qui s'était dit et c'était regrettable mais étant donné qu'il avait dû obtenir sa permission, de toute manière…
« Que veux-tu, toi ? » attaqua-t-elle, une fois que la porte se fut refermée sur son fils. « Cela fait près d'une semaine qu'on est prisonniers ici. »
Il leva un sourcil. « La porte n'est pas verrouillée me semble-t-il. Vous pouvez aller et venir à votre guise. Crois-moi, en terme de prisons, il y a bien pire. »
« Oh, c'est vrai que pour le fils d'un repris de justice… » grinça-t-elle.
« Arrête-toi là, Tuney. » lui conseilla-t-il, d'un ton sec.
Mais Pétunia n'avait jamais su s'arrêter, surtout pas avec lui.
« On nous a parqués ici comme du bétail ! » insista-t-elle. « Ce pauvre Dudley s'ennuie terriblement. Vous n'avez aucune compassion pour le fait qu'il vient de perdre son père ou… »
« Peut-être aurions-nous dû l'enfermer dans un placard avec quelques crayons de couleur pour le tenir occupé ? » suggéra-t-il, d'un ton douloureux. « Peut-être aurions-nous dû poser une dizaine de verrous sur la porte, une chatière et oublier de le nourrir pendant quelques jours ? »
Ce coup-ci, Pétunia se figea bel et bien. Elle porta la main à son collier de perles et le tritura nerveusement, détournant le regard. « Je ne sais pas ce qu'il… »
« Ne t'avise pas de le traiter de menteur. » la coupa-t-il. « Son fils, Pétunia. Son fils. Comment as-tu pu ? »
Mais il savait pourquoi. Et il n'en était pas vraiment étonné.
Lui-même n'avait pas été irréprochable et Harry avait payé le prix de leurs rancunes, ce qui était inacceptable.
« Je ne vais pas me justifier auprès de toi. » riposta-t-elle. « Si tu t'étais tellement préoccupé de son fils, à l'époque, tu n'avais qu'à venir le chercher. Je te l'aurais volontiers laissé. Il ne m'a rien apporté de bon. D'abord Diddy et maintenant Vernon… » Elle secoua la tête, les larmes aux yeux. « Et nous voilà prisonniers de ce château de fou ! »
« Vous n'êtes pas prisonniers. » contra-t-il à nouveau. « Les prisonniers sont dans les cachots, pas dans une suite confortable. Mais cela peut s'arranger, si tu y tiens réellement. »
« Oh, ne me menace pas, Severus Snape ! » s'énerva-t-elle, en pointant un doigt accusateur vers lui. « Tu n'es pas exactement un modèle de vertu que je sache ! »
« Non. » lui accorda-t-il, en tirant sa baguette, pour le simple effet que cela aurait sur elle. Et, de fait, elle fit plusieurs pas hâtifs en arrière jusqu'à avoir le dos collé à la fenêtre. « Non, on ne peut pas dire que je sois un modèle de vertu ou même seulement quelqu'un de bien. Raison pour laquelle, je dois me faire violence pour ne pas te torturer jusqu'à ce que tu en meures. »
Dit comme ça, sur le ton de la conversation, cela paraissait presque aimable. Severus le pensait, toutefois. Ce qu'il avait fait à Lupin était dérisoire en comparaison de ce qu'il aurait voulu faire à Pétunia.
« Harry ne le souhaiterait pas. » poursuivit-il. « Et c'est la seule chose qui retient mon bras, sache-le. »
« Harry a tué mon mari. » cracha-t-elle.
« C'est faux. »
La voix était timide.
Severus avait entendu la porte de la chambre s'entrouvrir mais, visiblement, Pétunia n'était pas aussi attentive que lui parce qu'elle sursauta, alarmée. « Diddy, retourne… »
« Harry n'a rien fait. » insista l'adolescent. « C'est comme les Détrafleurs. Il nous a sauvés. Il… Le tigre… Le tigre c'était lui, hein ? »
La question avait été dirigée vers lui et s'il ne goûtait guère au manque de respect dans les manières du garçon, il inclina pourtant la tête, sans relever les Détrafleurs. « Oui, c'était Harry. »
Dudley hocha lentement la tête. « Oui, c'était Harry. Il aurait pu partir mais il est resté pour nous défendre. » Il se tourna vers sa mère. « C'était pas la faute d'Harry. Tu sais que c'était pas la faute d'Harry. » L'adolescent étudia Severus quelques secondes, le front plissé comme si la réflexion était difficile. « Vous êtes… Il a dit qu'un des amis de sa mère voulait l'adopter… »
« Oui. » confirma-t-il sobrement, avec un regard de défi pour Pétunia.
Mais il était clair que Pétunia ne se souciait guère de qui adoptait son neveu.
« Pourquoi il est pas venu ? » demanda Dudley, d'un ton presque geignard. « Ça fait des jours… J'ai demandé à la dame avec les lunettes quand elle vient nous voir… Le Professeur McGuigal… »
« McGonagall. » corrigea-t-il.
Le garçon haussa les épaules comme si c'était un détail. « Elle a dit qu'il pouvait pas. Il est où ? Il va bien, hein ? »
« J'ai du mal à croire que cela vous préoccupe réellement. » railla-t-il. Pourtant, il lui suffit de croiser le regard de l'adolescent pour y lire une inquiétude sincère. Les esprits Moldus étaient comme du beurre. Dudley n'aurait pas pu lui mentir s'il l'avait voulu. « Harry est très perturbé par ce qui s'est passé. »
« Harry est très perturbé, tout court. » cingla Pétunia, en rejoignant son fils à grandes enjambées pour mieux l'attirer contre elle – et loin de lui. « Il nous déteste. Il me l'a dit, ce jour là. Je ne serais pas étonnée que… »
« Peux-tu le blâmer de vous détester ? » siffla-t-il.
Dudley, au moins, paraissait entièrement conscient du mal qu'ils avaient fait à son fils parce qu'il baissa les yeux. Peut-être tout espoir n'était-il pas perdu pour le gamin.
Pétunia, en revanche…
« Je n'ai jamais demandé à en hériter. » rétorqua-t-elle. « Qu'est-ce que tu veux, Severus ? Parce qu'on sait tous les deux que tu n'es pas venu me tuer. On est là depuis trop longtemps. S'ils avaient voulu se débarrasser de nous… » Elle leva fièrement le menton. « Qu'est-ce que tu veux ? »
« Le Professeur McGonagall nous a rapporté que tu clamais à corps et à cris que tu souhaitais partir. » déclara-t-il. « Or le Professeur Dumbledore refuse car le pays est à feu et à sang et que si les Mangemorts mettaient la main sur vous deux… » Il agita la main. « Le Seigneur des Ténèbres se soucierait peu de savoir si tu aimes ou pas ton neveu. Torturer et tuer la famille d'Harry Potter pour l'atteindre l'occuperait bien un jour ou deux. »
Pétunia ne tressaillit pas mais l'adolescent si. Elle le serra plus fort contre elle.
« Et ? » le défia-t-elle.
« Et… » reprit-il. « J'ai les moyens de vous faire disparaître. Un aller simple pour l'Australie, suffisamment d'argent pour vous installer confortablement une fois là-bas, de nouvelles identités… Un nouveau départ, en somme. Personne ne viendra jamais vous y chercher. »
Elle l'observa avec attention, lèvres pincées. « En échange de quoi ? Rien n'est jamais gratuit avec toi. Je te préviens, si tu veux que j'emmène Harry et… »
« Que tu l'emmène ? Je ne confierais pas un animal, encore moins mon fils. » siffla-t-il. « Ce que je veux en échange n'est-il pas évident ? »
« Harry. » lâcha-t-elle.
« Oui, Harry. » confirma-t-il. « Je veux une procuration de ta responsabilité parentale dès maintenant. Et je veux un testament en bonne et due forme qui me nomme tuteur de ton neveu en cas de décès ou de disparition de ta part. »
Pétunia ricana. « Tu me fais disparaître pour mieux récupérer le garçon… Qu'est-ce qu'il y a, Severus ? Personne ne veut te laisser adopter légalement un enfant ? Je me demande bien pourquoi. »
Il n'avait pas exactement parlé de cette partie là à Albus. Cela ne changerait pas grand-chose, au fond, pas avec Albus Dumbledore à la tête du Ministère. Le papier n'aurait de valeur que chez les Moldus et autant d'importance que le testament des Potter au regard de Sirius : c'est-à-dire que tout était soumis au bon vouloir du Ministre. Néanmoins, cela pouvait éventuellement lui faciliter la vie plus tard. C'était une assurance. Au cas où il doive s'éclipser avec un mineur et disparaître dans le monde Moldu quelques temps.
Severus avait une dizaine de plans de ce type en cas de désastre.
Et, plus prosaïquement, parce que c'étaient des papiers qu'il aurait autrement pu facilement falsifier, il voulait la preuve, de la main de Pétunia, qu'il avait désormais l'autorité parentale. Pas pour Albus qui n'y accorderait aucun intérêt mais pour le tigre qui refusait de redevenir un adolescent.
« Veux-tu un billet d'avion ou préfères-tu rester ici à attendre que le Seigneur des Ténèbres n'attaque ? » s'enquit-il.
Avec une irritation manifeste, elle se dirigea vers le petit bureau dans le coin, attrapa un parchemin vierge mais retint son geste avant de prendre la plume. Anticipant le problème, Severus lui tendit le stylo qu'il gardait dans sa poche.
Elle le prit d'un geste brusque et avec un regard noir.
« C'est pathétique, tu sais. » commenta-t-elle. « Que tu sois encore obsédée par elle, tant d'années après, au point de transférer ça sur son fils… »
C'était le genre de remarques qui l'aurait fait sortir de ses gonds quelques mois auparavant.
« Lily est mon passé. » lâcha-t-il. « Contrairement à toi, j'ai tourné la page. Ce qui n'empêche qu'Harry reste mon fils. Pas parce qu'il est aussi le sien mais parce que je l'ai choisi. Parce qu'il m'a choisi. Et je n'ai pas à me justifier devant toi, Pétunia, tu as perdu le droit de poser des questions sur lui le jour où tu l'as enfermé dans un placard. »
Elle griffonna à la hâte quelques lignes lui donnant procuration sur Harry en son absence, parapha puis lui tendit le papier qu'il plia soigneusement et rangea dans sa poche intérieure.
« Le testament. » l'encouragea-t-il.
« Tu auras le testament lorsque nous serons dans l'avion. » rétorqua-t-elle.
Il émit un bruit amusé. « Tu essayes de marchander ? Je devrais te tuer pour ce que tu lui as fait et tu essayes de marchander ? »
« Mais tu ne me tueras pas parce que tu as dit toi-même qu'Harry désapprouverait. » riposta-t-elle, avec acidité. « Tu auras le reste lorsque Dudley et moi serons en sécurité et pas avant. »
Il ne se préoccupait pas tant d'obtenir ce papier que de se débarrasser des Dursley au cas où Albus ait la brillante idée de tenter de raviver l'enchantement de la protection de Lily en forçant Harry à vivre à nouveau avec eux. « Très bien. »
« Mais… Mais Harry ! » protesta soudain l'adolescent. « On peut pas le laisser… »
Severus ravala la remarque cruelle qui lui montait aux lèvres parce que le garçon était, encore une fois, sincère. Ce n'était pas la situation que lui avait décrit Harry mais une simple poussée avec la Legilimencie lui apprit que les deux cousins s'étaient, si ce n'était réconciliés, au moins expliqués. Et que les remords de Dudley, bien que confus, étaient profonds.
« Harry sera en sécurité avec moi. » promit-il, bien que cela lui coûte de rassurer un gamin qui avait été responsable du malheur de son fils.
Cela ne sembla pas apaiser l'adolescent. « Mais… On peut lui dire au revoir ? »
« Dudley… » intervint Pétunia.
Severus la devança. « S'il le souhaite. » Et, connaissant Harry, il était quasiment certain qu'il insisterait pour revoir sa tante et son cousin. « Néanmoins… » Il fusilla Pétunia du regard. « Soyons clair, si Harry souhaite vous voir, la seule chose que tu lui diras, Tuney, c'est merci de m'avoir sauvé la vie. Aucune accusation. Aucun de ces mensonges dont tu as le secret. Sommes-nous d'accord ? »
Pétunia grinça des dents mais leva les mains. « Je ferais tout ce qui nous sortira plus vite de cet asile de fous. »
Il la dévisagea de haut en bas avec mépris. « Tu me dégoûtes. »
« J'en ai autant à ton service. » rétorqua-t-elle.
Ils étaient les deux seules personnes qui restaient ayant connu Lily enfant, ceux qui l'avaient connue le plus longtemps. Cela aurait dû les rapprocher, au lieu de cela, Severus se sentait retomber en enfance, lorsqu'il avait volontiers glissé des insectes là où il était certain qu'elle les trouverait pour le simple plaisir de la faire hurler.
Il préféra partir dans un claquement de cape avant d'oublier qu'il était un homme meilleur, aujourd'hui, qu'il ne l'avait été il y a dix ans.
L'homme d'il y a dix ans l'aurait assassinée sans sourciller.
Les visites conjugales n'étaient pas permises en prison, lui rappela la voix amusée de Nymphadora dans un coin de sa tête.
Dommage.
Heureusement, il lui restait les Mangemorts à interroger. Eux, personne ne se soucierait de l'état dans lequel il les laisserait.
°O°O°O°O°
Nymphadora soupira de soulagement en franchissant le seuil des appartements de Severus, avec l'impression tenace qu'elle rentrait chez elle – ce qui n'était pas exactement vrai mais pas exactement faux, non plus. Si elle avait été fatiguée en revenant de Donwning Street, elle était désormais épuisée et sentait tout le poids du réveil à quatre heures du matin et de tout ce qui lui était tombé dessus durant le reste de la journée.
Elle traina les pieds jusqu'au salon avec dans l'idée qu'elle allait se poser quelques minutes sur le canapé, réclamer quelque chose à manger à Kreattur et attendre que Severus revienne pour échanger les nouvelles importantes, avant de repartir.
Cependant, elle trouva le salon sans-dessus dessous. La table basse avait été renversée, plusieurs piles de livres s'étaient écroulées, de grosses griffures zébraient le canapé et, sur le tapis, blottis les uns contre les autres, il y avait un tigre, un chien et un chat à l'air perpétuellement mal luné.
Le tigre fut le seul qui lui jeta un regard désolé. Patmol ne semblait pas outrageusement inquiet du désordre qui régnait dans la pièce.
« Je suppose que c'était un accident et qu'on n'a pas été attaqués ? » ironisa-t-elle.
Penaud, le fauve reposa sa grosse tête sur ses pattes avant, Masque roulé en boule entre ses omoplates ne bougea pas une oreille. Patmol, pour sa part, était étalé à côté de lui, et aboya joyeusement.
Elle effaça d'un coup de baguette les déchirures sur le canapé – c'était probablement la seule chose qui ennuierait véritablement Severus – remis les livres en pile, encore que dans un ordre aléatoire, et redressa la table basse sans pourtant la remettre en place. Le tigre prenait beaucoup plus de place que le salon ne le permettait.
Négligeant le canapé, elle vint s'asseoir par terre et se cala contre le fauve, laissant l'énorme chien noir venir poser sa tête sur sa jambe. Si elle aussi elle avait pu devenir un animal et se cacher quelques heures sous une autre forme, elle l'aurait fait sans hésiter.
Journée de merde, songea-t-elle, en caressant la tête de Patmol qui la dévisageait avec un peu trop d'inquiétude.
Parce qu'elle ne voulait pas répondre à ses questions, elle ferma les yeux.
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« C'est de l'excellent travail. » décréta Albus, avec un sourire, en observant tour à tour Abbot et Bill qui, avachis dans les fauteuils qui faisaient face à son bureau, avaient l'air épuisé mais heureux du travail accompli.
Il avait senti des protections supplémentaires se refermer autour de Poudlard une demi-heure auparavant et, pour autant qu'il puisse en juger, la barrière runique était solide et, en cas d'attaque, pourrait bien être décisive.
Abbot, qui avait répondu en catastrophe à l'appel de Kingsley ce matin-là, semblait particulièrement fatigué. Pas étonnant s'il avait passé le reste de la journée à creuser.
« Bill, Severus a besoin que vous l'épauliez. Je vous place donc sous ses ordres directs. » enchaîna-t-il, parce qu'il était évident que les deux hommes n'aspiraient à rien d'autre qu'un bain, un repas chaud et un lit. « Aidan, vous vous rapprocherez de Kingsley ou de Tonks, je crois qu'ils comptent vous confier une de leurs équipes. »
La gargouille, en bas, venait de s'effacer pour laisser passer Remus.
Albus força un sourire. « Allez vous reposer, mes garçons, vous l'avez amplement mérité. »
Bill et Abbot n'avaient pas terminé de se lever et de ramasser leurs affaires que plusieurs coups secs retentissaient à la porte. Il autorisa le visiteur à entrer, se servant une nouvelle tasse de thé sans lever la tête. Lorsqu'il fut certain que les deux hommes étaient sortis, il leva les yeux et feignit la surprise.
« Remus ! Je ne vous attendais pas. » Un petit mensonge, il s'était attendu à cette visite depuis que Severus lui avait confirmé par elfe de maison lui avoir confié sa mission – et depuis la conversation qu'il avait eue avec Tonks. « Du thé ? »
Remus refusa le thé, tout comme il refusa le siège que lui désignait le Directeur, préférant visiblement faire les cent pas dans le bureau.
« Snape m'a ordonné d'aller espionner la meute de Greyback. » cracha le loup-garou.
Albus rajouta deux bouts de sucre dans la tasse, décidant que le sucre aidait à tout et qu'il lui faudrait toute l'aide possible pour avoir cette conversation. « Certes. C'est une excellente idée. »
« Une excellente idée ? » s'étouffa à moitié Remus.
Il rajouta un léger nuage de lait dans la tasse et remua le breuvage après avoir résisté à la tentation d'y ajouter un soupçon de philtre de force. Severus avait raison. Il frôlait la limite, en ce moment, et il serait sans doute plus sage de tenter une nuit de sommeil complète. Surtout que son second étant désormais en état de prendre le commandement si besoin, il était plus que temps qu'il se penche sur cette caverne. Un ou deux jours supplémentaires pour se reposer et être au maximum de sa puissance et il quitterait Poudlard en catimini.
« La pleine lune est dans quatre jours ! » cracha-t-il. « Ce sera la première transformation des petits. »
« Miss Flemmings sera là pour les encadrer, n'est-ce pas ? » demanda-t-il. « Tout se passera pour le mieux. »
« Pour le mieux ? » répéta le loup, avec indignation. « Ils ont besoin de leur Alpha, Albus. Ils ont besoin… »
« Et nous avons besoin d'informations. » le coupa-t-il. « Préférablement rapidement. Et si vous parveniez à libérer un ou deux des nouveaux loups récemment transformés, prisonniers de Greyback, je ne dirais pas non. »
Remus le dévisagea comme s'il était fou. « Vous voulez que… »
« Vous ne cessez de répéter que vous êtes un alpha. » l'interrompit-il. « Un alpha n'est-il pas censé pouvoir soumettre des loups ennemis et les convertir à sa seule autorité ? Nous ne pourrons les autoriser à vivre à Poudlard même, bien entendu, le risque qu'ils nous trahissent serait trop grand. Vous devrez rester avec eux, cela va de soit, mais nous vous trouverons un lieu sûr, pas très loin et… »
« Vous m'exilez ? » comprit finalement le loup-garou.
Albus prit une longue gorgée de thé. « Le mot est un peu fort. »
Remus cessa de faire des allers et retours pour venir se planter derrière le fauteuil qui lui faisait face, posant les deux mains sur le haut du dossier. « Avec quoi vous tient-il pour que vous preniez perpétuellement son parti ? »
Il ne goûtait pas particulièrement à ce genre d'accusations et il le fit savoir à son ancien élève d'un sourcil levé. « Severus n'a rien à voir là-dedans. Il me semble simplement que c'est une excellente solution. Je n'attends pas de vous que vous preniez des risques inconsidérés, entendez-moi. Simplement, si l'occasion se présente, n'hésitez pas à gonfler nos membres. Si c'est trop dangereux, contentez-vous d'observer à distance. »
« Pourvu que je reste loin de Poudlard. » ricana amèrement Remus.
« Pourvu que vous restiez loin de Nymphadora Tonks. » rétorqua sèchement Albus, en reposant sa tasse de thé avec trop de force.
Des gouttes de liquides atterrirent sur le coin d'une des lettre de la Chancellerie Magique Allemande qui lui signalait qu'ils avaient déjà fait leur part pour aider en leur envoyant Gellert Grindelwald et que ce n'était pas leur faute si Albus l'avait déjà sacrifié à la cause.
Sacrifié à la cause.
Il soutint le regard ambré de Remus qui était plus sauvage qu'humain à cette seconde, comme s'il souhaitait le voir baisser les yeux le premier. Albus aurait pu jouer à ce genre de petit jeux de pouvoir toute la journée et se contenta d'attendre patiemment que l'Alpha ne se lasse le premier. Cela prit un certain temps mais il n'était pas à la tête de la Grande-Bretagne magique pour rien.
« Quoi qu'ils vous aient dit… » grimaça le loup-garou.
« Ce qu'elle m'a dit suffirait à préoccuper n'importe qui. » asséna-t-il. « Associé à ce qu'il s'est passé avec Harry, il y a quelques temps, vous m'excuserez de prendre ses accusations au sérieux, Remus. » Il lui jeta un regard sévère. « J'ai pour vous énormément d'affection et je n'ai jamais souhaité que le meilleur pour vous. D'ailleurs, je vous ai toujours ouvert toutes les portes que je pouvais et me suis assuré dans la mesure du possible que vous ayez accès aux mêmes opportunités que tous les autres. Je vous connais brillant, je vous connais plein de compassion, je vous connais bon… Harceler une jeune femme qui a clairement exprimé que son cœur était ailleurs ? S'en prendre à un adolescent parce qu'il a eu le malheur de défendre celui qu'il considère comme un père ? Je ne vous reconnais plus, Remus. »
La mâchoire du sorcier face à lui était contractée à l'extrême. « Harceler est une exagération. »
« Vous êtes entré dans son domicile sans sa permission. Vous avez – et l'aurais-je su plus tôt, nous aurions eue cette conversation, il y a des mois – profité de son état de faiblesse pour l'enfermer dans votre chambre. Vous avez tenté de la garder prisonnière lorsqu'elle souhaitait, de manière compréhensible, partir avec l'homme qui partage désormais sa vie. Nous passerons sur les multiples fois où vous l'avez publiquement remise en question, rabaissée ou insultée de manière détournée, que j'ai, à tort, attribuées à un cœur blessé. » énuméra-t-il calmement. « Et pour couronner le tout, vous avez tenté de l'embrasser contre son gré. Remus, je ne tolèrere pas ce genre de comportements. »
Remus ouvrit la bouche, la referma puis poussa un profond soupir. « C'était une erreur qui ne se reproduira pas. Je… »
« Non, cela ne se reproduira pas, en effet. » confirma-t-il, en croisant les doigts. « Car vous partez en mission. »
Un tic nerveux agita le visage du loup-garou. « Je vous ai toujours été fidèle. »
« Et c'est la raison pour laquelle je ne vous renvoie pas purement et simplement. » riposta-t-il. « Vous avez passé les bornes, Remus. »
« Oh, est-ce là la raison pour laquelle vous ne me renvoyez pas purement et simplement, Albus ? » siffla Remus. « Ou bien est-ce parce que, sans moi, vous n'avez plus de loups ? »
« Quels loups ? » s'agaça-t-il. « En l'état, vous n'êtes qu'un sorcier parmi d'autres. Je n'ai aucune utilité pour les loups-garous tant que nous n'aurons pas accès à la potion. Ne m'accusez pas de… »
« Mais je vous accuse. » le coupa son ancien élève. « Je vous accuse d'être comme tous les politiciens avant vous et de vouloir nous garder sous votre botte. Vous voulez de la chair à canon, vous voulez que je recrute d'autres loups pour votre armée, vous voulez vous servir de ma meute. » Il secoua la tête. « Je vais vous trouver des loups, Albus. Je vais agrandir ma meute. Et lorsque je reviendrai, après la pleine lune, parce que je reviendrai, ce ne sera pas pour que vous me dictiez ma conduite mais pour que vous écoutiez mes conditions. Considérez qu'à partir de cette seconde je ne suis plus sous vos ordres. Ma meute sera traitée comme votre alliée ou vous vous en passerez. Il y aura bientôt un nouvel ordre national, qu'on le veuille ou non, et les loups-garous ne seront plus des pestiférés ! »
Il se détourna et sortit sans attendre de réponse, cherchant à claquer la porte dans son dos. Le sortilège la retint et étouffa le son, ce qui dut le frustrer considérablement parce qu'il donna un coup de pied à la gargouille.
Albus se pinça l'arrête du nez.
Quelque chose avait vraiment changé chez Remus et il aurait dû le voir plus tôt.
Il s'était laissé aveuglé par son affection et ses besoins.
Était-ce la potion Révèle-Loup comme le soupçonnait Severus ? Peu probable puisque Flemmings n'avait pas changé de comportement.
Était-ce l'alpha qui sommeillait en Remus qui influait désormais sur sa nature humaine ?
Toujours était-il que cela ne présageait rien de bon.
°O°O°O°O°
Fouiller dans la tête de plusieurs personnes de manière consécutive et agressive avait comme désagréable conséquence de vous donner la migraine. Severus ne faisait pas exception et il était soulagé de pouvoir enfin rentrer chez lui.
Du moins, jusqu'à ce qu'il entre dans son salon pour trouver un tas d'animaux et une jeune femme vautrés par terre, l'air tous plus déprimés les uns que les autres.
Il leva un sourcil, adressant sa question à Nymphadora parce que c'était la seule sous forme humaine. « Est-ce contagieux ? »
Elle soupira mais ne bougea pas pour autant. « Tigrou est confortable. Peut-être qu'on peut le transformer en coussin s'il ne veut pas redevenir humain. »
« Peut-être devrais-tu investir dans une peluche. » contra-t-il, avant de froncer les sourcils. « Tigrou ? »
« Winnie l'ourson. Tu sais. » répondit-elle. Lorsqu'il fut évident qu'il ne savait pas, elle soupira à nouveau et se frotta le visage. « Laisse-tomber. »
Elle avait l'air abattu. Trop abattu, étant donné qu'il n'y avait pas eu d'autre attaque et que celle de Dartmouth s'était soldée par une semi-victoire.
« Tout va bien ? » insista-t-il.
Avec ce qui semblait être un effort surhumain, elle s'arracha au tas d'animaux et se remit debout, prenant à peine le temps d'épousseter son jean avant de chercher son regard. « Je peux te parler dans la chambre, deux minutes ? »
Le tigre et le chien poussèrent tous les deux des bruits mi-dégoutés, mi-désapprobateurs. Severus n'eut pas le temps de leur dire de se taire, elle levait déjà les yeux au ciel.
« Oh, oui, c'est sûr… » lâcha-t-elle, d'une voix dégoulinante d'ironie. « Avec vous deux couchés là, toutes oreilles dehors, je veux l'entraîner dans la chambre pour une sieste crapuleuse. Bande de pervers. » Le mot fut craché avec un léger amusement mais si Sirius aboya avec approbation, Harry lui se cacha le museau sous une grosse patte. Elle secoua la tête et se tourna à nouveau vers lui, clairement agacée. « Est-ce que je peux te parler dans la cuisine, deux minutes ? Ça va comme ça ? Ça vous parait plus innocent ? »
S'ils savaient, songea-t-il. Mais parce qu'il avait un adolescent impressionnable dans la pièce, il garda sa réflexion pour lui.
Les deux Animagus n'ayant rien à redire à cet arrangement, Severus lui fit signe de passer devant, non sans un coup d'œil lourd de sens pour Harry. Il avait eu un sursis toute la journée mais il était désormais prêt à lui donner sa pleine attention. Le tigre se cacha un peu plus sous sa patte.
À la seconde où la porte de la cuisine se referma derrière lui, il sortit sa baguette et jeta un Assurdiato. Le sortilège était loin d'être aussi discret qu'il aurait dû, le bourdonnement était audible pour eux aussi, mais au moins n'avait-il pas assourdi son tigre ou le chien, cette fois-ci. C'était mieux que rien.
« Que puis-je pour toi ? » demanda-t-il.
« Câlin. » marmonna-t-elle.
Et avant qu'il ait pu véritablement comprendre ce qu'elle venait de dire, elle avait passé les bras autour de lui et avait enfoui le visage dans son épaule. Avec un temps de retard, il lui rendit son étreinte, fronçant un peu les sourcils parce que si elle n'hésitait jamais à exprimer physiquement son affection, bien plus facilement que lui, cela ne lui ressemblait pas de le faire de cette manière.
« Ils n'avaient donc pas tort de se méfier de tes intentions. » se moqua-t-il gentiment, passant la main dans ses cheveux bruns un peu emmêlés.
Il savait que ce n'était pas ce genre de câlins qu'elle désirait, toutefois. Ce n'était vraiment pas l'humeur qu'elle dégageait.
« Ils ont laissé Charlie seul cinq minutes. » murmura-t-elle, ses mots un peu étouffés par l'épais tissu de ses robes. « Il a essayé de se faire du mal. »
Il resserra son étreinte. « Comment va-t-il ? »
Elle haussa les épaules mais ne chercha pas à lever la tête. « Il n'a pas eu le temps de… Maman a renforcé les sorts de surveillance mais… Il refuse de parler, de dire pourquoi… »
Sa voix se cassa un peu.
Il déposa un baiser sur sa tempe. « Nous savons pourquoi, Nymphadora. »
« Oui. » admit-elle, dans un souffle, avant de s'écarter juste assez pour pouvoir le regarder. Ses yeux gris étaient trop brillants et quelques larmes lui avaient échappé. « Je ne sais pas quoi faire pour l'aider. »
« Mis à part être là pour lui… J'ignore ce que tu pourrais faire de plus. » offrit-il bien que ce soit une platitude qu'elle savait déjà. Il lui caressa la joue, effaçant les traces de larmes. « Je regrette. »
Une autre platitude mais une qu'il pensait sincèrement.
Elle hocha la tête, fit un effort visible pour se reprendre… « Tu as pu interroger les prisonniers ? »
« J'ai l'emplacement de plusieurs caches de potions et de points de replis qu'ils ont mis en place après mon… départ. » lui dit-il. « Cependant, il est probable qu'ils les aient déplacés… Nous enverrons un éclaireur vérifier. Même une petite victoire serait la bienvenue et prendre l'offensive ferait du bien aux troupes. »
Elle acquiesça. « C'est une bonne idée. »
« Qu'en est-il des Moldus ? » s'enquit-il.
« Problème potentiel mais pas immédiat. » soupira-t-elle, en se frottant le visage.
Il la ramena contre lui, pressant la joue contre sa tête.
« Je regrette de te demander ça, surtout si tu as besoin de moi… » hésita-t-il. « Mais j'ai besoin d'être seul avec Harry au moins une heure ou deux. »
« Oh, je ne reste pas, ce soir… » marmonna-t-elle. « Je me doutais que tu voudrais passer du temps avec lui et maman m'a fait promettre de venir manger en famille. Tu n'y couperas pas longtemps, d'ailleurs, je te préviens. »
Il fronça les sourcils. « À quoi ? »
« Au dîner de famille. » répondit-elle.
Ça ne fit qu'amplifier sa confusion. « N'est-ce pas, par définition, réservé à la famille ? »
Encore que Lucius et Narcissa l'avaient plusieurs fois invité pour un dîner familial qu'ils qualifiaient d'intime et simple – et qui comportait généralement une dizaine d'autres convives. Peut-être Andromeda avait-elle les mêmes habitudes que sa sœur…
Elle recula la tête juste assez pour le dévisager. Quoi qu'elle lut sur son visage, cela sembla l'amuser assez pour alléger un peu la tristesse qui y dominait. « Si naïf. »
Il ne détestait pas qu'elle le taquine mais qu'elle se moque le mit directement sur la défensive. Il pinça un peu les lèvres.
D'un baiser, elle effaça son irritation.
Comme par magie.
Peut-être l'avait-elle envoûté, songea-t-il distraitement.
« Tu fais partie de la famille, tu te souviens ? » clarifia-t-elle, avec un soupçon d'hésitation. « Black honoraire et tout ça ? »
Certes mais c'était une chose lorsque Sirius l'affirmait et tout à fait une autre d'accepter ce concept devant ses parents. Les implications étaient toutes autres et bien qu'il n'ait rien contre ces insinuations au demeurant et sur le long terme… Était-ce bien le moment pour en parler ?
« Je suppose qu'il est traditionnel de rencontrer les parents de la personne qu'on fréquente lors d'un dîner… » lui accorda-t-il pourtant. « Mais il est peut-être un peu tard pour que je fasse bonne impression. »
« Tu as déjà fait bonne impression. » contra-t-elle. « Mais je suis d'accord, quoi qu'on fasse, ce sera gênant et on a d'autres chats à fouetter. » Elle lâcha un soupir. « D'ailleurs, en parlant de chats… Je devrais te laisser t'occuper du tien. »
Il toucha une des mèches brunes qui encadraient son visage. « Reviens plus tard, si tu le souhaites. Nous pouvons parler de Charlie. »
Ça devait être la bonne chose à dire parce qu'elle l'embrassa avec suffisamment de fougue pour qu'il oublie momentanément de respirer.
« J'ai parlé à Dumbledore, au fait. » lui dit-elle, avec une grimace.
« Et j'ai envoyé Lupin dans la lande, là où il ne nous dérangera plus. » déclara-t-il. Il leva la main, anticipant sa question. « Vivant, comme promis. Bien que la tentation de le tuer était grande et j'estime avoir mérité une récompense pour m'être retenu. »
Les yeux pétillants, elle lutta contre un sourire. « Quel genre de récompense ? »
« Négociable. » décréta-t-il, faisant de son mieux pour empêcher ses lèvres de s'étirer.
« J'ai créé un monstre. » commenta-t-elle, avec amusement.
« Peut-être sommeillait-il déjà en moi. » remarqua-t-il.
Elle secoua la tête, mais tendit la main derrière lui pour ouvrir la porte, brisant le sort qui leur garantissait de ne pas être entendu. Son amusement, malheureusement, s'éteignit vite parce que tout, dans le salon, était un rappel de la situation dans laquelle ils se trouvaient.
« Sirius, on est convoqués à un repas de famille. » déclara-t-elle. « Maman n'aime pas attendre. »
Le chien soupira, se leva puis s'ébroua avant de lui emboîter le pas, non sans un petit aboiement d'au revoir pour lui et Harry. Severus le regarda partir puis se tourna vers le garçon.
« Sérieusement. Est-ce contagieux ? » railla-t-il. « Je ne comprends pas le plaisir que vous éprouvez à passer votre temps sous forme animale. »
Nox avait ses avantages – et ses inconvénients, à savoir : ses ailes – mais ce n'était pas pour ça qu'il désirait passer des heures à paresser dans une clairière ou à avaler les petits animaux morts qu'Hagrid passait son temps à jeter aux sombrals de l'école.
Harry, sans surprise, ne répondit pas, imitant à la perfection une peau de bête inanimée qui servirait de décoration douteuse.
Avec un soupir, Severus s'assit sur le canapé.
« Harry. »
À sa décharge, le tigre, après une légère hésitation, se leva et vint immédiatement se tenir devant lui, la tête baissée. Masque, qui venait d'être délogé par le mouvement brusque, partit en crachotant vers la chambre où, nul doute, il se vengerait en laissant tout un tas de poils noirs sur sa robe de chambre.
« J'ai tout un discours de prêt, cependant, cela me ferait plaisir si, pour une fois, nous faisions le choix de la facilité. » déclara-t-il. « Alors, allons à l'essentiel, tu veux ? » Il tira de sa poche le parchemin plié en quatre que Pétunia lui avait tendu, plus tôt, et le lui montra, déplié, pour qu'il puisse le lire. « En échange de ta garde, j'ai promis à ta tante de les mettre, elle et ton cousin, à l'abri à l'étranger. Cela n'a bien sûr qu'une valeur limitée tant qu'Albus n'a pas rendu ses droits à Sirius et que nous ne pouvons pas faire les choses dans les règles mais, pour l'instant, c'est ce qui se rapproche de plus près d'une adoption officielle. »
Le tigre ne semblait toujours pas prêt à croiser son regard.
« Tu es mon fils et rien ne changera jamais cela. » insista-t-il.
Il n'avait pas besoin d'un bout de papier pour se le prouver mais il savait qu'Harry si. Il savait que l'adolescent ne serait pas tranquille tant que ce ne serait pas gravé dans le marbre, avec un sceau officiel dessus pour faire bonne mesure. Pas parce qu'il ne faisait pas confiance à Severus mais parce qu'il avait besoin d'être certain.
« Tu as tué quelqu'un, c'est une réalité que rien ne pourra changer non plus. Que tu l'ais fait pour protéger quelqu'un d'autre compte peu à tes yeux, je le sais. » continua-t-il, ne ressentant aucun plaisir à voir le fauve tressaillir comme s'il l'avait frappé. Il rempocha le papier, la gorge nouée. « Je t'aime et tu es pardonné. »
C'étaient des mots qu'il aurait voulu entendre à chaque fois qu'il avait commis des atrocités au nom du plus grand bien d'Albus.
Personne ne les lui avait jamais offerts.
Il plaça les mains de chaque côté de la tête du tigre qui ne se décidait toujours pas à le regarder et répéta, plus fermement. « Je t'aime. Et tu es pardonné. »
Lentement, les yeux verts croisèrent les siens.
« Je t'aime. » insista-t-il, sans laisser sa voix trembler, sans se laisser hésiter bien qu'exprimer des émotions soit toujours difficile. « Et tu es pardonné. »
Il sentit la décharge de magie une microseconde avant que la structure osseuse ne change sous ses doigts. Ce n'était plus une tête de tigre qu'il tenait entre ses mains mais une tête humaine. Les yeux étaient pratiquement les mêmes, cependant. Tristes et perdus.
« Je t'aime. » offrit-il une quatrième fois. « Et tu es pardonné. »
Il eut à peine le temps de rattraper l'adolescent avant qu'il ne s'écroule en sanglots.
Comparé à la place qu'occupait le tigre, le garçon lui sembla soudain si petit, si fragile… Il le serra dans ses bras, le laissa s'accrocher à lui, passant et repassant la main dans son dos comme si cela avait réellement pu apaiser un chagrin aussi vaste…
Il fallut longtemps avant que les sanglots ne laissent la place à un hoquet disgracieux. D'un accio informulé et sans baguette, Severus fit venir un verre de la cuisine puis le remplit d'eau, le lui forçant entre les mains. Lorsqu'Harry se contenta de regarder le verre sans sembler le voir, en hoquetant, il le reprit et le porta lui-même à ses lèvres. Après quelques gorgées, le garçon sembla un peu plus lucide et prit le relais.
Il le força à avaler un deuxième verre, plus lentement pour ne pas qu'il se rende malade.
Le temps que celui-ci soit vide, Harry paraissait avoir contrôlé ses larmes. Il tremblait toujours pourtant, des pieds à la tête, et Severus ne savait pas si c'était le choc ou la conséquence d'être resté aussi longtemps sous sa forme Animagus…
Comme il avait fait venir le verre, il utilisa un sortilège d'attraction pour appeler à lui une serviette qu'il humidifia et qu'il passa sur le visage du garçon, autant pour essuyer ses larmes que pour chercher à l'apaiser un peu.
Harry se laissa faire comme une poupée de chiffon.
« C'est trop gros. » lâcha le garçon, d'une voix enrouée.
Ses émotions, déduisit Severus. Ce qu'il devait gérer. « Oui. »
« Je ne peux pas occluder. » insista son fils. « Le… C'est trop gros. »
Ravalant un soupir, il posa la main sur son épaule. « Je sais. »
« Qu'est-ce que je fais, alors ? » demanda l'adolescent, perdu, en croisant finalement son regard.
Il hésita.
Les mots qu'il s'apprêtait à prononcer étaient importants et devaient être les bons. De tout ce qu'il avait jamais dit à ce garçon, ceux-ci étaient peut-être les plus capitaux. Parce que s'il voulait avoir une chance de se reconstruire…
« Parfois… La seule manière de se sortir de quelque chose est de le traverser. » offrit-il. « Il y a des choses qu'on ne peut fuir. Des choses qu'il faut affronter. »
« Mais ça fait mal. » protesta Harry, sa voix se brisant. « Ça… »
Il ne termina pas sa phrase.
« Je sais. » répéta-t-il. Et c'était la vérité. Il savait.
« Je ne voulais pas… » le supplia de comprendre le garçon. « Je… Il allait la tuer et… et… Le tigre en porcelaine… Je n'arrêtais pas de penser au tigre en porcelaine… Je ne sais pas ce qu'il s'est passé après… J'étais là et puis j'étais… là et j'avais du sang plein la bouche et… »
Severus s'assura que son visage ne reflétait rien de l'horreur et de la colère qui l'animaient. C'était une chose d'avoir le résumé de Sirius, une autre d'écouter cette version détaillée. Qu'Harry se soit retrouvé dans cette position là…
« J'ai avalé des bouts. » geignit Harry, en se couvrant le visage de ses mains. « Je… Je l'ai mangé… »
Il attrapa fermement ses poignets et tira, attentif à ne pas lui faire mal. « Tu as tout régurgité. Tu ne l'as pas mangé. L'instinct du tigre l'a simplement emporté sur toi et tu n'as pas mesuré ta force. »
Le regard vert, toujours perdu, toujours plein de souffrance, trouva le sien. « Je lui ai arraché la gorge avec mes dents… Je… C'étaient mes dents. »
Il avait changé d'avis.
Il allait tuer Dumbledore.
Et peut-être Sirius.
« Il était sur le point d'assassiner ta tante. » lui rappela-t-il.
Harry le dévisagea un moment puis se mit à rire. Un rire brisé, presque hystérique… « Mais ça aussi c'était ma faute ! »
« Non, ce n'était… » commença-t-il, uniquement pour être coupé par l'adolescent qui lui attrapa les avant-bras.
« C'était moi. » insista son fils. « Je l'ai senti. En moi. Je l'ai senti. »
« L'horcruxe ? » s'alarma-t-il.
Harry secoua la tête. « Tellement de haine… J'ai dit à Tante Pétunia… C'est moi qui ait cassé les protections. Dumbledore l'a dit à Sirius et Dora. Et c'est vrai. Je le sentais en moi. Je… »
« Les protections ont dû commencer à se fissurer, il y a bien longtemps. » décréta-t-il. « Albus n'aurait jamais dû t'y renvoyer. » Et il aurait pu être moins prompt à se laisser manipuler mais ce n'était pas le moment pour cette conversation là. « Ce n'était pas ta faute. »
« C'est toujours ma faute. » contra Harry. « Les gens meurent et c'est ma faute. Oncle Vernon… »
Oncle Vernon n'avait eu que ce qu'il méritait.
Ça aussi, Severus choisit de le passer sous silence.
« Ce n'était pas ta faute. » répéta-t-il.
« J'ai tué MacNair. » gronda le garçon, lui hurlant presque dessus. « Ça aussi ce n'est pas ma faute ? »
Les doigts du gamin s'enfonçaient assez fort dans ses avant-bras pour lui faire mal mais Severus ne laissa rien paraître. Il se contenta de soutenir son regard calmement. « Non, Harry, ce n'était pas ta faute. »
« Menteur. » accusa Harry.
Il leva un sourcil. « Ai-je l'habitude de te mentir ? »
« Tout le temps pour me protéger. » contra le garçon, avec clairvoyance, en tirant un peu sur ses bras. « Je voulais… Je voulais juste rentrer à la maison. Je… Ce n'était pas chez moi là-bas. Ce n'était pas… » Les yeux verts étaient trop brillants. « Tu… Tu… »
« Tu es mon fils. » offrit-il, devinant ce qu'il avait besoin d'entendre. « Je t'aime. Tu es pardonné. »
Harry se jeta sur lui.
Il l'étreignit à nouveau, aussi fort que nécessaire, jusqu'à ce que les tremblements du garçon s'apaisent.
« Tu dois manger quelque chose. » murmura-t-il, le menton appuyé sur le sommet de sa tête. Il sentait qu'il n'en faudrait pas beaucoup pour que l'adolescent s'endorme, épuisé comme il l'était.
« Je veux… Est-ce que je peux voir Dudley et Tante Pétunia ? » hésita son fils, plus éveillé que ce à quoi il s'était attendu. « J'aurais dû… J'aurais dû le faire avant… »
« Si tu veux. » accepta-t-il, non sans avoir ravalé un soupir résigné. « Mais après avoir avalé quelque chose de consistant. Et peut-être après avoir pris une douche. Tu sens un peu le fauve qui ne se serait pas lavé de quelques temps. »
Il avait espéré lui arracher un rire mais il n'obtint à peine qu'un sourire.
Les ombres ne quittèrent pas le regard d'Harry, pas même après qu'il lui ait promis, une nouvelle fois, qu'il était là pour lui.
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Harry avait l'impression d'avoir la tête sous l'eau.
C'était étrange d'être à nouveau humain. Les émotions le heurtaient de plein fouet, plus vives, plus brutales… L'horcruxe s'agitait en lui et il avait beau occluder…
« Est-ce que tu crois que ça nous rapproche ? » demanda-t-il, avant même d'entrer tout à fait dans la cuisine. « Vol… Tu-sais-qui et moi. Est-ce que tu crois que le fait que j'ai tué quelqu'un veut dire que le lien entre nous est plus fort ? Parce que maintenant on se ressemble ? Et si on est plus proches, est-ce que l'horcruxe… »
« Harry. » le coupa Severus, plus qu'alarmé par cette diarrhée verbale d'angoisse.
Il ne pouvait pas s'empêcher d'y penser.
Tout le temps qu'il avait passé sous la douche, il avait pensé à ça : à la possibilité que Voldemort pouvait désormais l'attaquer comme son double passé l'avait fait à Halloween ou à celle que l'horcruxe avait été alimenté par le meurtre et qu'il allait le posséder comme…
« Harry. » répéta le Professeur, en attrapant ses épaules.
Le garçon sursauta, ne s'étant pas rendu compte qu'il avait bougé. Severus avait eu le temps de traverser la pièce. Le cœur battant trop fort, il plongea dans les yeux noirs, sans seulement songer à dresser des boucliers, toutes ses craintes offertes au premier venu. L'expression de l'homme passa d'inquiète à neutre, en une seconde.
« Il ne peut pas te posséder. » insista son père calmement. « Si celui de soixante-quinze a essayé, c'est uniquement grâce au rituel de Samhain qui a gonflé ses pouvoirs. »
« Il a une baguette surpuissante. » contra-t-il. « Il a enlevé ta Marque alors que c'est impossible. Il… »
« Ce sont deux sortes de magie différentes, Harry. » le coupa le Professeur. « La baguette est peut-être surpuissante mais pour te posséder, il devrait se reposer davantage sur son pouvoir brut. Cela lui prendrait du temps et de l'énergie et il ne serait pas capable de maintenir la connexion indéfiniment. Il a peu d'intérêt à s'y risquer. »
C'était très rationnel et très raisonnable mais… « D'accord mais si ce n'est pas lui qui me possède ? Si c'est l'horcruxe ? Je l'ai senti. »
« Tu vis avec l'horcruxe depuis des années. Il ne t'a jamais possédé, auparavant. Il n'y aucune raison qu'il te possède aujourd'hui. Les émotions négatives t'y rendent simplement plus sensible. » contra Severus, en lui serrant un peu plus les épaules. « Tu as accès à tes boucliers, n'est-ce pas ? »
Il hésita mais hocha la tête. Ses boucliers étaient là, solides, c'était juste… Ses émotions le dépassaient. Mais ses boucliers fonctionnaient.
« L'horcruxe… Le sens-tu à cet instant ? » demanda ensuite le Maître des Potions.
Harry avait peur de vérifier mais, ancré au regard calme de son père, il se hasarda à tâtonner à l'intérieur de lui-même et ne trouva rien d'alarmant. Il secoua la tête, sa respiration s'apaisant légèrement.
« Tu n'es pas plus proche du Seigneur des Ténèbres que tu ne l'étais avant cet incident. » le rassura Severus. « Vous êtes aussi différents que l'eau et le feu. »
« J'ai tué… » protesta-t-il.
« Pour défendre. » l'interrompit le sorcier. « Pour sauver. Pas par choix. Pas par haine ou plaisir. Et pas avec de la magie noire. C'est différent, Harry. Cela n'est peut-être pas évident pour toi, à l'instant, mais je te jure sur ma magie que c'est différent. »
Il n'était pas certain de le croire mais il laissa son père le guider vers la table et s'assit sur la chaise qu'il tira pour lui, notant bien les coups d'œil inquiets que Severus lui jetait mais incapable de se contrôler mieux que ça pour le moment. Il y avait trop de pensées dans sa tête, trop d'émotions dans sa poitrine, trop de…
La boule de lumière apparut de nulle part, juste devant son visage, et se mit à changer lentement de couleur dans des tons de bleus. Il l'observa un moment, se fondant machinalement dans les exercices d'Occlumencie visant à focaliser son esprit…
Severus était retourné aux fourneaux. Pas de repas préparé par Kreattur, ce soir là, probablement parce que le Professeur utilisait la pratique pour tenter de rééduquer ses mains.
Des assiettes, verres et couverts s'envolèrent des placards pour venir se poser à table…
« Tu t'améliores. » remarqua-t-il, un peu apaisé par ses tentatives d'Occlumencie.
Le Professeur lui jeta un regard par-dessus son épaule et émit un bruit dubitatif. « En magie sans baguette ? Très certainement. Pour le reste… »
Il sortit sa baguette et jeta un sort de lévitation simple sur la corbeille à pain vide qui fit la moitié du chemin jusqu'à la table tranquillement avant de partir comme un boulet de canon vers le mur.
« Sirius m'a proposé de m'entraîner au combat avec lui… » lui dit le Professeur, légèrement pince-sans-rire. « Je ne suis pas certain qu'il mesure le danger de la chose. »
Harry avait épuisé sa maigre capacité à soutenir une conversation. Il observa son père poser au centre de la table une poêle où riz et légumes se mélangeaient en sauce… C'était un plat simple que Severus préparait souvent s'il devait cuisiner et n'avait pas le temps ou l'envie pour quelque chose de plus compliqué. Harry pouvait d'ordinaire en avaler trois assiettes sans se forcer. Il aimait ça.
Rien que la vue de la nourriture lui contracta l'estomac.
« Il n'y a pas de viande. » lui rappela Severus, trop perspicace. « Et tu n'as pas assez mangé, ces dernières semaines. »
Il hocha la tête. Que pouvait-il faire d'autre ?
Il accepta l'assiette trop fournie que lui passa le Professeur et picora dedans avec application. Il avait faim, c'était ça le pire. Mais il devait lutter pour avaler chaque bouchée.
Cela faisait des jours qu'il se nourrissait de poissons bouillis et rien que l'odeur l'écœurait désormais. Et y penser…
« Dudley et Tante Pétunia… Ils vont bien ? » demanda-t-il.
« Ils sont en parfaite santé. Le Professeur McGonagall a pris soin d'eux. » répondit Severus, ses yeux sur sa propre assiette mais son attention sur la sienne. « Tu sais que tu n'es pas obligé de les revoir. Tu ne leur dois rien. »
« Oncle Vernon… » protesta-t-il faiblement. « Il… » Il secoua la tête, força une autre fourchetée dans sa bouche, s'échina à avaler malgré la boule qui lui obstruait la gorge. « Elle s'est mise devant moi. Tante Pétunia. »
Severus reposa sa fourchette, sourcils froncés. « Comment cela ? »
« MacNair… » Il déglutit péniblement, accepta le verre d'eau que lui remplit le Professeur. « MacNair me menaçait. Elle m'a poussé derrière elle. Elle m'a dit de prendre Dudley et de partir. Elle… Elle s'est interposée. Elle savait qu'il allait la tuer. Elle… Elle savait. »
Le Maître des Potions ne paraissait pas enchanté par cette explication. « Un sursaut de conscience n'efface pas quatorze ans de mauvais traitements. »
« Elle a dit qu'elle ne me détestait pas, qu'elle m'aimait même un peu mais que la plupart du temps je lui suis indifférent. » lâcha-t-il.
Severus marmonna quelque chose qu'il était presque sûr être 'J'aurais dû la tuer'.
« Elle s'est mise devant moi. » répéta-t-il. « Comme maman. »
« Non. » contra le Professeur, un peu sévèrement. « Pas comme ta mère. »
« Exactement comme ma mère. » insista-t-il. « Elle a pratiquement dit la même chose. Prends Dudley et va-t-en. C'est ce que Lily a dit à James. Prends Harry et va-t-en. Je m'en souviens. Les Détraqueurs… Je m'en souviens. »
« Harry. » Severus posa la main sur son bras mais il le remarqua à peine.
« Je ne voulais pas qu'elle meure. » murmura-t-il. « Je croyais… Je croyais qu'une part de moi le voulait un peu mais… Il y a un tigre en porcelaine sur la cheminée. Je te l'avais déjà dit ? » Avait, plutôt. Que restait-il de Privet Drive ? Y avait-il toujours une maison ? La table était-elle toujours mise ? Le repas de Tante Pétunia oublié dans le four de la cuisine ? Le tigre en porcelaine avait-il survécu ? « Elle a dit que ce n'était qu'une coïncidence mais parfois un tigre est bien un tigre. Tu ne crois pas ? »
Son père l'observait avec des yeux gardés, derrière un masque neutre qui cachait mal son inquiétude. « Peut-être. »
Il acquiesça lentement parce qu'il était d'accord avec lui-même.
Le tigre en porcelaine n'était pas là par hasard. Ressassant cette idée, il termina son assiette mais refusa que Severus le resserve.
« Il est encore tôt. » remarqua prudemment son père, après avoir consulté la pendule. « Veux-tu… »
« Je veux les voir. » insista-t-il.
Soudain, après des jours et des jours passés à vouloir les fuir de honte, il lui semblait vital de s'assurer de ses propres yeux qu'ils allaient bien, que…
« Tu as dit que tu allais les mettre à l'abri à l'étranger… » lâcha-t-il. « Pour toujours ? »
« Idéalement. » ironisa Severus.
Harry ne savait pas ce qu'il éprouvait à cette idée. Cela signifiait qu'ils seraient en sécurité mais qu'il ne les reverrait plus jamais.
Excepté qu'il ne voulait plus les revoir. N'était-ce pas ce qu'il s'était dit tout le temps qu'il avait passé chez eux ?
Mais la perspective d'un adieu définitif…
Il allait mourir, de toute manière. Tous les adieux seraient définitifs à un moment ou à un autre.
« Harry. »
Trop tard, il se rendit compte que le Professeur soutenait son regard et que ses boucliers n'avaient pas protégé son esprit comme ils l'auraient dû. La panique dans les yeux de Severus fut rapidement masquée mais trop tard pour qu'il ne l'aperçoive pas.
« On y va ? » demanda-t-il, en détournant la tête, préférant éviter une conversation où il serait obligé de mentir et promettre garder espoir d'un miracle qui ne viendrait pas.
L'espace d'une seconde, il crut que son père allait insister mais Severus l'invita d'un geste à passer le premier.
Le château était plein à craquer et ils croisèrent des gens dans pratiquement tous les couloirs. Des gens qui le dévisageaient comme un monstre de foire. La main protectrice que Severus posa sur son épaule n'était qu'un maigre réconfort.
« Je peux redevenir un tigre ? » demanda-t-il. « Juste pour le trajet. »
Severus hésita puis soupira. « Je ne préférerais pas. »
Ses épaules s'affaissèrent mais il n'essaya pas de défier cette instruction. Severus était déjà inquiet pour lui, il ne voulait pas en rajouter. Il garda les yeux rivés au sol, évita le regard des gens, et hâta le pas autant que la canne de son père le leur permettait.
Pour un trajet qui lui parut interminable, c'était presque trop tôt lorsqu'il s'arrêtèrent devant une porte en particulier. Il sentit la main du Professeur se contracter légèrement sur son épaule alors qu'il frappait légèrement du bout de la canne, pour la forme, avant d'ouvrir comme s'il était chez lui. Severus ne le lâcha pas, pas même lorsqu'ils entrèrent dans une suite confortable.
Pétunia et Dudley étaient assis sur le canapé, deux assiettes vides empilées sur la table basse, l'air las et triste. Il capta immédiatement le regard de sa tante et ils se dévisagèrent longtemps. Aussi longtemps que le permit Dudley qui s'était levé du canapé avec difficulté mais précipitation pour venir le rejoindre, avec à peine un regard effrayé pour le sorcier qui se tenait dans son dos.
« Harry ! » s'exclama son cousin avec soulagement. « Où tu étais ? »
« Je… » Il fit un effort pour arracher son regard à celui de Pétunia qui paraissait le juger. « Mon père était dans le coma. »
La main de Severus se contracta à nouveau sur son épaule. Probablement parce que les yeux de Pétunia étaient désormais vrillés sur lui. Peut-être qu'il n'était pas censé le leur dire. Peut-être…
« Oh. » répondit Dudley, en jetant un coup d'œil au Maître des Potions. « Il va nous faire passer en Australie. »
« Il m'a dit. » lâcha-t-il.
C'était bizarre de parler comme ça, entre eux, avec les adultes qui les observaient comme s'ils étaient prêts à les traîner du bon côté d'une ligne de démarcation. Comme si la guerre était dans cette pièce et pas à l'extérieur. Comme si…
« C'est comme un film de James Bond. » commenta son cousin. « Le Professeur MacMachin… »
« McGonagall. » grommela Severus dans son dos.
« Elle a dit qu'on allait devoir se déguiser avec de la ma… magie. » continua Dudley, sans avoir l'air de savoir s'il était terrifié ou excité.
« Ce que tu n'as jamais précisé. » siffla Pétunia. Pour Severus.
Severus, qui se contenta d'un rictus méprisant. « Parce que c'était l'évidence même, Tuney. »
« Ne joue pas à ça avec moi, Sev. » rétorqua-t-elle, en se levant, les poings serrés. « Je n'ai pas peur de toi. »
Le Professeur ricana. « Vraiment ? »
« Arrête. » ordonna Harry sèchement, en tournant la tête.
Severus tiqua. Au ton. À l'ordre direct. À l'impertinence franche. Néanmoins, il capitula avec un geste de la main.
« Fais tes adieux, Harry. » exigea l'homme, plus gentiment que ce à quoi il se serait attendu après une telle insolence.
Ce qui conforta le garçon dans son idée que Severus était inquiet pour lui. Peut-être que le sorcier avait raison. Peut-être qu'il était fou. Peut-être que c'était finalement la goutte de trop et…
« C'était cool. » déclara Dudley, brisant le silence et la tension dans la pièce. « Le tigre. »
Ron aussi avait dit ça… Qu'il avait l'air cool.
Cool.
Le tigre avait tué quelqu'un.
Il avait tué quelqu'un.
Le tigre n'était pas cool.
Le tigre était une arme.
Le tigre était…
Il aimait le tigre.
Mais le tigre était dangereux.
« Le tigre est le fauve le plus dangereux sur Terre. » murmura-t-il, croisant sans vraiment le vouloir le regard de Pétunia.
Le tigre était l'animal préféré de Lily.
Et un tigre avait sauvé Pétunia.
Et…
« Tu n'étais pas obligée. » s'entendit-il dire. « De te mettre devant moi. Tu n'étais pas obligée. »
« Je voulais gagner du temps pour que tu sauves Dudley. » répondit-elle, froidement.
Mais ce n'était pas tout à fait vrai.
Ce n'était pas toute la vérité.
Parce qu'il y avait un tigre en porcelaine sur la cheminée et…
La canne de Severus heurtait le sol dans une succession de petit tapements nerveux, comme s'il brûlait d'intervenir – ou, plus probablement, de s'en servir contre elle.
« Je suis désolé. » offrit-il. « Pour Oncle Vernon. » Pétunia se referma immédiatement, les yeux brillants mais leva le menton comme pour mieux dissimuler son chagrin. Il se tourna vers Dudley qui, lui, avait baissé la tête. « Je suis vraiment désolé. C'était ma faute et… »
« C'est pas toi qui l'a tué. » le coupa Dudley. « C'étaient les méchants en noir. Tu aurais pu partir avec le gremlin grincheux. » Il lui fallut une seconde pour comprendre qu'il parlait de Kreattur. « Tu es resté avec nous. »
Il haussa les épaules. « Je ne pouvais pas vous abandonner. »
Dudley lui tendit une main qu'Harry serra après une légère hésitation. Son cousin en profita pour lui asséner plusieurs claques amicales sur l'épaule qui l'auraient probablement envoyé voler sans la poigne de Severus pour le maintenir sur place. Mais Dudley ne mesurait pas sa force, tout entier à son émotion.
« On pourra s'écrire ? » demanda son cousin, bravant le regard du Professeur pour poser sa question.
« Pas dans l'immédiat. » décréta Severus. « Après la guerre, peut-être. Si Harry le souhaite. »
« Oui. » répondit spontanément Harry, parce que c'était un petit mensonge qui rassurerait Dudley. Il avait un peu peur qu'avec sa toute nouvelle découverte de la décence, son cousin ne décide de rester avec lui s'il apprenait qu'Harry allait très certainement mourir. « Oui, après la guerre. »
Il ne chercha pas à s'approcher de sa tante parce qu'il savait qu'elle ne le voudrait pas. Et qu'aurait-il fait de toute manière ? Ce n'était pas comme s'ils s'étaient jamais étreints. De toute sa vie, elle ne l'avait jamais pris dans ses bras.
« Au revoir, Tante Pétunia. » offrit-il. « Merci de m'avoir sauvé la vie. »
Severus manqua s'étouffer d'indignation derrière lui mais Harry couvrit la main posée sur son épaule de la sienne, l'empêchant de faire un commentaire.
Sa tante parut sur le point de dire quelque chose puis se reprit et hocha sèchement la tête. Harry acquiesça lentement en retour, sachant qu'il n'obtiendrait rien d'autre, et se tourna vers Severus. « On rentre à la maison ? »
Le Professeur parut soulagé de pouvoir l'y encourager d'une poussée ferme vers la porte.
« Severus. »
Harry était déjà dans le couloir et le Professeur s'apprêtait à passer le seuil lorsque la voix de Tante Pétunia le rappela. Le sorcier ne se retourna qu'à demi.
« Sauve-le. » exigea sa tante.
Severus ne répondit pas mais il inclina la tête.
Puis la porte se referma et tout un pan de la vie d'Harry avec.
Aussi facilement que ça.
« C'est bizarre, n'est-ce pas ? » demanda-t-il, alors qu'ils entamaient le chemin inverse qui les avait menés jusque là. « Comme on peut aimer et détester quelqu'un en même temps… »
« Harry… » La voix de Severus était doucereuse, caressante presque. Tellement familière qu'elle en était rassurante. « Je ne suis pas suffisamment naïf pour te demander si tu vas bien, mais… »
« Je ne sais pas comment je me sens, si c'est la question. » déclara-t-il, avant de rire sans aucun amusement. Ça amena des larmes à ses yeux. Il les laissa couler sur ses joues.
Les couloirs étaient un peu plus vides que précédemment même si le château semblait déborder. Il laissa trainer la paume de sa main sur les pierres un peu humides du mur comme un jeu d'enfant… Était-ce son imagination ou bien Poudlard semblait-elle plus vivante encore que d'ordinaire ?
« Je peux avoir ma baguette ? » demanda-t-il, alors qu'ils atteignaient le deuxième étage.
Severus hésita de manière visible puis la tira de sa poche intérieure pour la lui rendre.
Il dut réfléchir pendant quelques secondes avant de localiser un souvenir suffisamment heureux pour que le sort marche. Il ne confia pas de message au sombral argenté un peu tremblotant qui quitta le bout de sa baguette. Le Patronus en lui-même en était un.
« Puis-je savoir… » commença son père.
« Je dois voir Sirius. » le coupa-t-il.
Severus trouvait clairement à redire à ses manières mais ne releva pas. « Cela aurait pu attendre demain. »
Il secoua la tête en signe de dénégation.
Sirius les attendait dans leur salon, en faisant les cent pas. Il se dirigea droit sur Harry avec un sourire soulagé, l'attrapa par les épaules pour l'étudier…
« Je ne suis toujours pas désolé d'être allé sauver Severus. » lâcha le garçon, avant qu'il ait pu dire quoi que ce soit. « Mais je suis désolé de t'avoir fait de la peine. Et je suis désolé de ne pas t'avoir dit pour l'Animagus. Et… »
Son parrain l'attira contre lui avant qu'il ait pu terminer. Si Harry se tendit légèrement, il lui rendit son étreinte presque immédiatement.
Les dernières semaines lui avaient prouvé une chose : son parrain était là pour lui quoi qu'il arrive et il avait été un peu injuste avec lui depuis leur retour de soixante-quinze.
« Tes excuses sont appréciées mais pas nécessaires. » décréta Sirius, fermement et sérieusement. « Tu es pardonné. Tu seras toujours pardonné. »
Il se demanda vaguement si Severus et lui avaient répété leurs discours respectifs ensemble. Il savait pertinemment qu'ils étaient en train d'échanger un regard lourd de sens par-dessus sa tête. Harry finit par se détacher de l'ancien fugitif et se frotter le visage. Ses yeux le brûlaient.
Il n'était pas sûr de ce qui était arrivé aux lentilles pendant sa transformation en tigre mais il était évident qu'il les avait portées trop longtemps et qu'il devenait urgent qu'il les enlève.
« Maintenant quoi ? » demanda-t-il pourtant, d'une voix creuse. « Qu'est-ce qu'il se passe ? »
« Rien de différent d'hier ou d'avant-hier. » répondit calmement Severus. « Excepté que tu affrontes la vie en humain et pas en tigre. »
« On fait comme si je n'avais pas tué quelqu'un ? » se moqua-t-il. « On fait comme si… »
« Harry. » le coupa Sirius, après avoir échangé un coup d'œil avec son père. « Nous aussi on a tué des gens. Pas toujours en le faisant exprès. »
« Parle pour toi. » marmonna Severus.
« Et pas toujours des gens qui le méritaient. » continua son parrain. « Je ne dis pas qu'on doit faire comme si rien ne s'était passé ou comme si ça ne te changeait pas. Je dis juste… Un jour à la fois. Un pied devant l'autre. »
Le Maître des Potions leva les yeux au ciel. « Très inspirant, Black. Rappelle-moi de ne pas te confier les discours pour galvaniser les troupes. »
« J'essaye d'être un peu optimiste. » rétorqua l'ancien fugitif. « Merlin sait qu'il en faut pour contrer ton pessimisme maladif. »
« J'appelle ça du réalisme. » contra Severus. « Toutefois, je ne m'attends pas à ce que tu fasses la différence… Il te faudrait davantage que tes deux neurones pour cela. »
« Tu… » riposta Sirius.
« Je vous aime. » les coupa Harry, peu dupe de ce qu'ils étaient en train de faire.
Échanger des piques comme ça… Ils essayaient juste de ramener un peu de normalité et c'était gentil mais… Il rougit un peu lorsque les deux hommes le dévisagèrent mais haussa les épaules, refusant de s'excuser pour avoir exprimé des choses qu'il était important de dire.
S'il avait appris une seule chose lors de son dernier séjour chez les Dursley, c'était ça.
« Nous aussi on t'aime. » répondit Sirius, sans l'ombre d'une hésitation, en lui ébouriffant les cheveux. Puis, il claqua dans les mains avant de les frotter l'une contre l'autre. « Bon, toutes ces émotions, ça me donne faim. Un petit dessert ? »
Harry secoua la tête. « Je suis fatigué. Je vais me coucher. »
Il s'accorda le luxe d'une autre douche qui ne fit pas grand-chose pour lui ôter l'impression qu'il était couvert de sang.
Le tigre ne rêvait pas ou peu.
Harry resta planté sur le seuil de la salle de bain de longues minutes à fixer son lit du regard, appréhendant ce qui, il le savait, serait une nuit difficile. Il y avait une raison pour laquelle il avait tellement insisté pour se rouler en boule contre Severus ou Sirius ou Dora à chaque fois qu'il voulait vraiment dormir. Il était terrifié à l'idée de ce qui l'attendait dans son subconscient.
Au final, il retourna au salon où les murmures préoccupés des deux sorciers s'éteignirent dès qu'il fit son apparition. Les yeux noirs se rivèrent immédiatement sur ses pieds nus avec désapprobation.
« Tu peux t'asseoir avec moi jusqu'à ce que je m'endorme ? » demanda-t-il, sans vraiment oser regarder Severus en face.
« On en parlera demain. » déclara Sirius, avec une fausse bonne humeur, en assénant une claque amicale sur l'épaule du Maître des Potions. Son regard démentait pourtant la légèreté dans sa voix. « Tu m'appelles, si besoin. Kreattur traîne toujours dans le coin. »
Si c'était un code, Harry était trop fatigué pour tenter de le déchiffrer.
Severus lui répondit d'un hochement de tête et le laissa emprunter la cheminée, avant de raccompagner Harry jusqu'à sa chambre.
« Je suis désolé d'être un bébé. » lâcha-t-il honteusement, en se glissant dans son lit. Il savait bien que ce n'était pas normal pour quelqu'un de son âge d'avoir besoin qu'on lui tienne la main – ou de sauter dans le lit de son père, même sous forme de tigre, juste parce qu'il avait peur de ce qui traînait dans sa tête.
« Tu n'es pas un bébé. » le gronda Severus, en vérifiant machinalement qu'il était bien couvert. Harry sentit une boule se former dans sa gorge, comme toujours lorsqu'il faisait ce genre de choses. Parce qu'il était le seul adulte à s'en être jamais préoccupé. « Tu es juste un peu perturbé. »
Le mot le frappa au plexus. « C'est ce que disait tout le temps Oncle Vernon aux gens. »
Le Maître des Potions fit la grimace. « Le mot n'a pas toujours une connotation péjorative. Tu es bouleversé, si tu préfères. Et on le serait à moins. Tu as vécu beaucoup de choses importantes en très peu de temps sans avoir le temps de les digérer. Je suis perturbé et j'ai davantage d'expérience que toi. »
Il émit un bruit dubitatif mais s'installa plus confortablement dans le lit, laissant Severus s'asseoir sur le bord du matelas.
« Ce serait normal, dans ta situation, d'avoir des idées… noires. » continua Severus, un peu incertain. « Mais si cela devenait… Si cela devenait trop sombre ou trop écrasant ou que tu songeais à… »
« Je ne suis pas suicidaire. » le coupa-t-il.
Ce n'était pas être suicidaire que d'être réaliste, n'en déplaise à Sirius et à tous les autres qui qualifiaient sa mission de secours de mission suicide. Non, il n'avait pas prévu d'en réchapper mais cela ne signifiait pas que…
Le Professeur l'étudiait, l'expression un peu trop neutre. « Ce n'est pas honteux d'avoir des idées noires. Nous t'aiderions. Je préférerais que tu m'en parles plutôt que… »
« Je ne suis pas suicidaire. » répéta-t-il, avec agacement. « Je ne vais pas me tailler les veines ou quelque chose comme ça. » Même si ça solutionnerait sans doute la question de l'horcruxe. « De toute manière la prophétie est claire. »
« Oublie cette foutue prophétie. » cracha Severus. « Le Seigneur des Ténèbres ne te tuera pas et tu ne seras pas obligé de le tuer non plus. » Le sorcier plissa les lèvres avec inquiétude. « Tu es persuadé que tu vas mourir. »
Il soupira. « On est obligé de parler de ça maintenant ? »
« Harry… » insista son père. « Je vais trouver comment te débarrasser de l'horcruxe. Je te l'ai promis. Tu ne me crois pas ? »
« Je crois que tu vas faire tout ce que tu peux pour trouver comment m'en débarrasser. » répondit-il, s'attirant un bruit amèrement amusé.
« Une réponse très Serpentard. » commenta Severus. « Je ne te laisserai pas mourir. »
Ce qui était exactement ce qu'il craignait, songea-t-il, en attrapant l'étui à lentilles qui prenait la poussière sur la table de nuit depuis des jours. S'ils devaient avoir cette conversation, le garçon était content de voir flou.
Draco, au moins, avait compris ce que les autres ne voulaient pas entendre.
« Je sais. » offrit-il finalement. « Mais… Mais, je n'ai pas peur de mourir. »
« Que tu n'ais pas peur me fait peur à moi. » admit le Professeur. « Les risques que tu as pris, ces dernières semaines… »
« Pas plus que d'habitude. » contra-t-il.
« Mais plus désespérés. » remarqua Severus. « Plus… Harry, ce n'est pas ton heure. Ton heure viendra dans des dizaines et dizaines d'années, préférablement quand tu seras vieux et entouré de toute une panoplie d'arrière petits-enfants et que je serais, moi, déjà mort depuis des décennies. »
Il soupira. « Penser que tu seras mort des dizaines d'années avant moi n'est pas réconfortant. »
« Je ne cherche pas à te réconforter. » commenta le sorcier. « Je cherche simplement à te faire comprendre… »
« Je sais. » le coupa-t-il.
« Non, tu ne sais pas. » riposta le Maître des Potions, en perdant légèrement son calme. « Tu ne sais pas ou nous n'aurions même pas besoin d'avoir cette conversation. Je ne laisserai pas le Seigneur des Ténèbres gagner. Je ne te laisserai pas mourir. Cesse de penser que c'est ce qui t'attend parce que cet horcruxe ne l'emportera pas sur moi. »
« Est-ce que c'est si terrible d'être en paix avec l'idée de mourir ? » rétorqua-t-il. « Grâce à toi, j'ai… Tu m'as donné beaucoup. Cette année à être ton fils… C'était… C'était peut-être la meilleure année de ma vie. Même avec tout le reste. »
« Harry, c'était une toute petite année et tu n'as encore rien vécu. » murmura Severus, en lui passant une main hésitante dans les cheveux, comme s'il était beaucoup plus jeune. « Le monde est vaste, la vie… La vie peut te surprendre même à un âge avancé et après avoir gaspillé un temps précieux à la maudire. Tu as des années devant toi. Tu as la vie devant toi. »
Il aurait dû avoir la vie devant lui.
« J'ai fait un testament. » lâcha-t-il. « Au cas où. »
« Harry. » grinça Severus, avec une inquiétude grandissante.
« Juste au cas où. » insista-t-il.
Il passa sous silence le fait qu'il lui laissait le titre de Lord Potter. Il y avait des limites à ce que Severus pouvait entendre.
« Promets-moi que tu ne te feras jamais du mal. » exigea son père. « Promets-moi que la prochaine fois que tu auras une idée brillante et suicidaire, tu viendras me trouver d'abord ou, à défaut, ton parrain. Ou Nymphadora ou Minerva ou Bill ou n'importe quel adulte qui pourra t'épauler. Donne-moi ta parole. »
« Pas un Serment Inviolable ? » railla-t-il légèrement.
Le visage de Severus était flou mais ce n'était pas difficile d'imaginer son expression irritée. « Le but est de te garder en vie et je te connais un peu trop bien pour ne pas savoir qu'il y aura de nombreuses autres idées brillantes et potentiellement dangereuses que tu ne jugeras pas bon de partager avec moi avant de les exécuter. »
Harry promit, tout de même. Pour le rassurer davantage que par conviction.
Et pour couper court à la conversation aussi.
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C'était des jours comme ça où Severus aurait aimé garder une bouteille de scotch dans ses appartements. C'était aussi des jours comme ça où il mesurait à quel point il lui aurait été facile d'y sombrer de façon régulière.
Affalé dans un coin du canapé, il avait étendu sa jambe un peu trop raide sur les coussins, et se pinçait l'arrête du nez pour mieux espérer faire disparaître la migraine qui ne l'avait pas quitté depuis qu'il avait interrogé les prisonniers. Tout ce qui s'était passé avec Harry l'avait aggravée.
Le garçon n'allait pas bien, pas bien du tout.
C'était à prévoir, bien sûr, mais Severus avait un peu espéré que la crise de larmes aurait été cathartique… Au lieu de ça… C'était comme s'il avançait dans le brouillard. Même son insistance à voir sa tante et son cousin, le Maître des Potions l'avait regardé bouger, parler, avec l'impression que le gamin était sous Imperium. Et son besoin de voir Sirius pour s'excuser… Comme si c'était un élément à cocher sur une liste…
Sirius n'avait rien laissé paraître devant son filleul mais il était aussi inquiet que lui.
D'une certaine manière, tant qu'Harry avait été un tigre, la situation était contenue. À présent…
L'adolescent avait beau affirmer qu'il ne se ferait pas sciemment du mal…
J'ai fait un testament. Au cas où.
Harry n'avait techniquement pas encore seize ans, les temporalités relatives dues à leur changement de lignes temporelles alternatives mis à part. Seize ans, c'était beaucoup trop jeune pour avoir un testament. Seize ans, c'était beaucoup trop jeune pour seulement y songer.
Seize ans était également beaucoup trop jeune pour tuer quelqu'un.
C'était l'âge qu'il avait eu, lui, lorsque… Mais il n'était pas parvenu à tuer Tobias comme il l'avait prévu. Son premier meurtre restait une expérience écœurante dont il ne gardait pour souvenir que les pleurs du Moldu et les encouragements paresseux de Lucius. Cela en disait sans doute beaucoup sur lui qu'il ait oublié le reste. Ou peut-être l'avait-il refoulé.
Et en récompense de cet acte monstrueux…
Par réflexe, il remonta la manche gauche et effleura la peau trop blême que plus rien n'entachait.
Il n'était pas malheureux ou mécontent d'avoir perdu la Marque, que sa connexion avec le Seigneur des Ténèbres soit rompue était une bénédiction, mais l'absence du tatouage magique sur son bras… Peut-être que Nymphadora n'avait pas tort. Peut-être devrait-il le remplacer par autre chose, quelque chose de plus positif…
Le feu se raviva dans la cheminée et la tête de la jeune femme y flotta une seconde, le temps de vérifier que le pare-feu n'était pas en place, sans doute, avant qu'elle ne traverse.
Severus ne chercha pas à s'asseoir plus convenablement et elle ne fit aucun commentaire. Ils échangèrent un long regard puis elle vint s'installer directement contre lui, attentive à ne pas trop écraser sa jambe douloureuse alors même qu'elle s'allongeait en calant son dos contre son torse. Il referma les bras sur elle, s'autorisant à fermer les yeux et à se détendre.
« Harry ? » demanda-t-elle avec une fatigue évidente.
« Humain. » répondit-il, laconique. « Ton dîner ? »
« Ça se serait mieux passé si mes parents n'avaient pas cherché à me psychanalyser. » soupira-t-elle.
« Ils s'inquiètent. » offrit-il, avec une pointe de compassion pour eux. « C'est tout ce que fait un parent, tu sais. S'inquiéter à longueur de journée et de nuit. »
« Je sais. » admit-elle. « C'est juste qu'on a aussi beaucoup parlé de Charlie et… » Elle poussa un nouveau soupir. « Tout est si merdique, Severus… »
Il ne trouva pas la force de se faire la voix du réconfort. Au lieu de ça, il lâcha lui aussi un soupir. « Comme tu dis. »
Elle tourna un peu la tête, calant son front sous sa mâchoire. « Comment il va ? »
Inutile de préciser de qui elle parlait.
« Mal. » répondit-il honnêtement.
« Ça va s'arranger. » promit-elle, sans y croire vraiment. Elle plia le bras pour mieux atteindre sa joue, glissa les doigts sur son cou plusieurs fois en une caresse tendre bien qu'un peu maladroite de par la position inconfortable.
Il tourna la tête et embrassa l'intérieur de son poignet, songeant qu'elle ne mesurait pas l'ampleur du problème.
Non…
Comme il l'avait dit à Sirius, plus tôt, ils devaient à tout prix localiser le prochain horcruxe. Albus ne lui avait pas reparlé de la caverne mais il ne tarderait sans doute pas à vouloir s'y pencher et alors… C'était une course contre la montre et ils devaient à tout prix la gagner.
« Est-ce qu'on peut aller se coucher et oublier cette journée pourrie ? » suggéra-t-elle. « Avec un peu de chance, on ne sera pas tirés du lit à l'aube par une autre attaque… »
Il allait approuver cette idée lorsque le hurlement résonna dans les appartements.
Comment il parvint à s'extirper de sous elle et à atteindre la chambre de son fils avant même d'avoir compris ce qu'il se passait, il l'ignorait. Toujours était-il que le temps qu'elle parvienne jusqu'au seuil, baguette à la main et prête à en découdre avec un ennemi imaginaire, il s'était assis sur le bord du lit et avait attrapé les bras d'Harry qui se débattait dans son sommeil.
« Va te coucher. » exigea-t-il de Nymphadora plus qu'il ne le demanda. « Harry ? Harry… »
Elle s'était déjà éclipsée lorsque le garçon se réveilla d'un coup, presque brutalement, le souffle court et les yeux vagues.
« Harry, tout va bien. » déclara-t-il avec autorité, parce que c'était toujours ce qui aidait le plus le garçon lorsqu'il avait fait un cauchemar.
« Papa ? »
L'adolescent n'était pas tout à fait éveillé ou, du moins, pas tout à fait lucide.
C'était également la première fois qu'il l'appelait comme ça depuis sa transformation en humain et Severus devait admettre que cela lui avait manqué.
Il parvint à le convaincre de se rallonger et de se rendormir mais Harry plongea dans le sommeil bien trop vite. D'expérience, il savait que ça voulait dire que le garçon aurait un autre cauchemar rapidement, probablement dans l'heure.
Il s'attarda un peu, juste au cas où, puis regagna sa chambre où il dut résister à la tentation de purement et simplement transformer sa tenue en pyjama et de se coucher tel quel. C'était l'inconvénient lorsqu'on partageait son lit avec quelqu'un, supposait-il, ce genre de raccourcis n'étaient pas préconisés.
« Dis-moi une chose positive qui t'est arrivée aujourd'hui. » demanda Nymphadora, alors qu'il ôtait ses vêtements pour les troquer contre un pyjama.
Il dut chercher longtemps car, bien qu'il soit heureux de retrouver Harry sous une forme non féline, le reste n'était pas exactement positif.
« J'ai pu tester le cadeau de Sirius. » répondit-il, avec un rictus.
Il n'eut pas besoin de clarifier. Elle l'observa avec désapprobation mais finit par secouer la tête. « J'espère que tu n'as rien embroché ou brûlé d'important. »
« Malheureusement rien d'irréparable. » promit-il. Elle leva les yeux au ciel mais ses lèvres luttaient clairement contre un sourire. « Et toi ? Qu'as-tu vécu de positif, aujourd'hui ? »
Elle hésita puis haussa les épaules. « Passer du temps en famille, je suppose. » Elle souleva les draps pour lui lorsqu'il boita vers le lit. « On essayera de passer une meilleure journée demain. »
« Si le Seigneur des Ténèbres veut bien coopérer. » railla-t-il, en s'allongeant avec un soupir de soulagement. La journée avait été longue pour sa jambe. Il ouvrit tout de même le bras et l'invita à se blottir contre lui, enfouissant son sourire dans ses cheveux bruns.
Un autre point positif dans sa journée : se réveiller et s'endormir avec elle. Pudiquement, il n'osa pas le lui dire.
S'endormir était, de toute manière, un vœux pieux. Si elle parut sombrer dans la minute, Severus, lui, ne pouvait s'empêcher de cogiter, particulièrement à la coupe de Poufsouffle et à où elle pourrait bien être cachée. Il somnolait à peine lorsqu'un nouveau hurlement perça le silence.
Avec un soupir, et une fois qu'il eut rassuré Nymphadora qui aurait sauté du lit baguette à la main par pur réflexe, il se glissa hors de la chambre et jusqu'à celle de son fils.
Le repos était, de toute manière, surfait.
