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« People like Ilia… they'll call themselves heroes and convince you they're gods. They'll make everything look so painfully simple, so black and white. But the gods are dead or ignoring us, and there are no heroes coming to save us. There's just regular, messy people. A good leader knows that. But people like Ilia? They don't want anything new at all, just the power they'll get from pretending they delivered you to it. »
The Ones We Burn – Rebecca Mix
« Les gens comme Ilia… Ils se prétendent des héros et vous convainquent qu'ils sont des dieux. Ils rendent tout tellement douloureusement simple en apparence, tellement blanc et noir. Mais les dieux sont morts ou nous ignorent, et il n'y a pas de héros pour venir nous sauver. Il n'y a que des gens normaux, complexes. Un bon chef le sait. Mais les gens comme Ilia ? Ils ne veulent rien de nouveau du tout, simplement le pouvoir qu'ils obtiennent en prétendant nous l'avoir apporté. »
The Ones We Burn – Rebecca Mix
Chapitre 71 : Regular, Messy People
Severus Snape avait une voix parfaite pour la radio, songea Nymphadora, assise sur le bord du bout du lit d'hôpital de Sirius. Les radios s'étant allumées magiquement par décret du Ministère, le communiqué spécial résonnait dans tout le château et dans tout le pays. Lorsqu'il avait annoncé le tabou, un silence de plomb était tombé sur le château mais il avait rapidement enchaîné avec ce qu'ils avaient découvert sur la Marque…
« Tu es sûr que ça va ? » s'inquiéta Harry qui n'écoutait pas vraiment le dialogue entre la présentatrice sorcière extrêmement célèbre, Severus et Bill Weasley qui, lui, intervenait peu.
Mais en même temps, le Briseur de Sorts avait du mal à en placer une entre la journaliste qui gloussait de temps en temps à un commentaire sarcastique de Severus et ce dernier qui paraissait maîtriser son sujet. La Marque et ses effets sur les Mangemorts devaient tenir en haleine tout le pays.
« Je suis en pleine forme. » promit Sirius. Une exagération, peut-être, mais il ne semblait pas aussi mal en point que Nymphadora ne l'avait craint. « Andy a promis que je pourrai sortir avant midi. Je serai libre avant madame Grognon. »
La femme couchée dans le lit d'à côté lui jeta un regard noir.
Narcissa Malfoy ne portait, bien sûr, pas les pyjama de l'infirmerie mais une chemise de nuit noire en soie de bonne facture.
« Pour ta gouverne, Andromeda a promis de me laisser partir si je consens à me reposer. » rétorqua la Sang-Pure. « Je suis couverte de sortilèges d'alarmes, de toute manière. Et je me sens bien. »
« Si Tante Andromeda pense que c'est mieux de rester ici un peu plus longtemps, ce serait peut-être plus prudent, Mère. » intervint Draco qui sommeillait pourtant dans son fauteuil.
« C'est bien tenté, mon cher, mais je n'annulerai pas mon thé. » décréta Narcissa, sans plus s'expliquer.
« Harry. » insista Sirius, plus fermement, ignorant leurs chamailleries, en tendant la main vers son filleul qui n'avait pas l'air bien rassuré. « Je vais bien, je te promets. Ça aurait été une autre histoire si Severus et Andy n'avaient pas réagi aussi vite mais Merlin soit loué ils sont tous les deux des sorciers extrêmement talentueux – ne va pas répéter à ton père que j'ai dit ça – et je vais bien. »
L'adolescent ne se détendit que très légèrement.
Nymphadora gardait un œil discret sur lui. Il avait fallu batailler, la veille au soir, pour le convaincre de quitter l'infirmerie, surtout lorsque Draco avait refusé de laisser sa mère et avait été autorisé à rester. Ils avaient tous très peu dormi, les cauchemars de l'adolescent les ayant régulièrement réveillés, et elle commençait à ressentir le contrecoup de toutes ces nuits de sommeil morcelé.
Certes, elle aurait pu retourner chez ses parents pour la nuit mais… De toutes les suggestions qu'avaient faites Severus – de sa proposition d'aller dormir dans le salon et de jeter un sort de silence sur la chambre aux bouchons d'oreilles – celle-ci n'en avait jamais fait partie, comme si cela ne lui était même pas venu à l'esprit.
Ils allaient devoir en parler, à un moment.
Depuis qu'il avait quitté l'infirmerie, elle avait passé toutes ses nuits chez lui. Elle y avait la moitié de ses vêtements, une bonne partie de ses affaires de toilette et quelques bijoux… Il n'avait fait aucun commentaire et elle n'était pas certaine de savoir sur quel pied danser.
Au-dessus de leur tête, Severus émit un bruit amusé à une remarque de la sorcière et, distraite du cours de ses pensées, Nymphadora plissa les lèvres. Ses cheveux tiraient un peu sur le rouge.
« On aurait dû choisir une journaliste un peu plus professionnelle. » grinça-t-elle. « Dans cinq minutes, elle va lui proposer un dîner aux chandelles. »
Les questions se faisaient personnelles et si Severus esquivait la plupart du temps, Dumbledore avait clairement établi lors de leur réunion très matinale qu'il était important de crédibiliser son personnage politique et, donc, de se dévoiler un peu. Elle était un peu étonnée qu'il n'ait pas plus protester que ça – et qu'il déploie autant de charme face à son interlocutrice qu'elle savait jolie, ce qui n'aidait pas – mais l'ancien espion semblait ne pas vouloir contrarier le Directeur outre mesure. Cela avait-il un rapport avec son échappée belle de la veille au soir? Severus refusait de lui confier pourquoi Dumbledore avait eu l'air si énervé et pourquoi, lui, semblait soudain si inquiet.
« Ne t'inquiète pas, va… » plaisanta Sirius. « Si elle doit en séduire un, ce sera Bill. »
Nymphadora se ferait un plaisir, pour une fois, d'aider Fleur à arracher les yeux à cette journaliste de pacotille.
« Bill Weasley n'a pas l'influence de Severus. » remarqua Narcissa, en s'appuyant plus confortablement sur ses oreillers – des oreillers qui, comme les draps monogrammés, n'appartenaient pas à l'infirmerie de Poudlard mais venaient droit de leur manoir. « Si elle est intelligente, c'est bien sur lui qu'elle jettera son dévolu. N'est-il pas présentement le numéro deux du monde magique ? »
« Vous n'aidez pas, Mère. » commenta Draco, sans ouvrir les yeux.
« Je crois que si, au contraire. » protesta sa tante, avec un sourcil levé. « Il y a un moyen très efficace d'éviter ce genre de situations, Nymphadora. »
Elle leva sa main gauche et tapota son annulaire. Sirius s'esclaffa immédiatement comme un idiot. Harry fronçait les sourcils mais ne paraissait pas plus perturbé que ça par le sous-entendu, au moins.
Nymphadora, pour sa part, avait du mal à déterminer si la Sang-Pure la faisait tourner en bourrique ou si elle était sérieuse.
« Vous ne croyez pas qu'il y a des choses plus urgentes à régler ? » ironisa-t-elle.
« À toi de voir, ma chère. » riposta Narcissa. « Une alliance empêche généralement les sorcières aux dents longues de s'approcher d'un homme influent. Et, si cela ne suffit pas, au moins serais-tu dans ton droit si ladite sorcière avait, disons, un accident malheureux. »
L'Auror la dévisagea quelques secondes puis secoua la tête. « Je ne veux pas savoir. »
« Probablement mieux pour tout le monde. » commenta Sirius.
« Vous êtes tous cinglés. » ajouta-t-elle, pour faire bonne mesure.
« Nous sommes des Black, que veux-tu… » se moqua son cousin.
« Parlez pour vous. » répondirent Draco et Harry, d'une même voix, avant de se jeter un regard contrarié par ce synchronisme.
L'interview se concluait, elle sauta du bout du lit pour aller coincer Severus dans un couloir – et lui rappeler subtilement qu'il n'était pas censé rentrer dans le jeu d'autres sorcières, que Dumbledore insiste ou non. Elle n'avait pas fait deux pas que Narcissa posait une main sur le côté de son ventre avec une grimace.
« Ça va ? » s'inquiéta-t-elle, sa baguette déjà sortie pour envoyer un Patronus à sa mère.
Sirius et les garçons l'observaient aussi, tout amusement disparu.
« Ce n'est qu'un coup. » soupira la Sang-Pure, en se frottant le ventre. « Si cet enfant ne finit pas joueur de Quidditch… » Elle hésita puis tendit la main vers Nymphadora. « Viens. »
La jeune femme approcha et laissa sa tante guider sa paume jusqu'à ce qu'elle sente le bébé qui donnait effectivement des coups de pieds, sans savoir si elle était horrifiée ou fascinée par la chose. Elle n'avait toujours aucune tendresse particulière pour Narcissa mais c'était son bébé cousin qui grandissait dans son ventre.
« Est-ce que vous savez déjà comment vous voulez l'appeler ? » demanda Harry curieusement.
« Cela ne se révèle qu'à la naissance, Potter. » rétorqua Draco. « Généralement au parrain et à la marraine en premier. C'est un grand honneur. »
« Oh. » lâcha le Gryffondor.
« Mais, oui, Lord Potter, je sais quel nom il va porter. » répondit Narcissa, avec un sourire un peu plus doux.
« Tu ne veux pas l'appeler Harry ? » râla Sirius. « On est en famille et ça devient ridicule tous les Lord un truc et Lady machin... »
La Sang-Pure leva les yeux au ciel. « Très bien. Harry, donc. Et, je suppose, que tu peux m'appeler Narcissa, dans ce cas. »
Nymphadora les laissa débattre de ces considérations pratiques et s'éclipsa, écoutant les au revoir de la journaliste, de Severus et de Bill, en remontant les couloirs. Elle n'eut pas de mal à intercepter le trajet du Maître des Potions quelques minutes plus tard alors qu'il quittait la pièce où s'était déroulé l'entretien.
Il sourit en l'apercevant, comme un réflexe, mais son regard demeura préoccupé.
« Je ne ferai jamais de carrière politique. » décréta-t-il. « Je hais ce genre d'exercices. »
« Il y en a une qui n'avait pas l'air de le haïr, elle. » grommela-t-elle, en l'attirant dans une pièce vide, juste pour qu'ils puissent parler tranquillement. Elle jeta les protections tandis qu'il fronçait les sourcils, une question qu'il n'eut pas le temps de poser aux lèvres.
Elle l'attira brusquement vers elle, par le col de ses robes. Le baiser était brûlant, agressif, et juste assez sexy pour lui arracher un grognement. Elle y mit un terme avec satisfaction, essuya la commissure de ses lèvres et lui jeta un regard agacé. « Tu flirtais avec elle. »
L'accusation le prit de cours. « Absolument pas. »
« Tu riais à ses plaisanteries. » insista-t-elle.
« Nymphadora, elle ne me témoignait aucun intérêt de cette nature. » contra-t-il. « Ce n'était que de la comédie. »
« C'était très réussi, alors. » rétorqua-t-elle.
Il leva les yeux au ciel et agita la main devant son visage. « Regarde-moi. »
« Et ? » le défia-t-elle.
« Tu penses vraiment qu'une femme comme elle s'intéresserait à moi ? » insista-t-il. « Je n'ai rien des Adonis qu'elle fréquente sans doute habituellement. »
« Je te trouve séduisant moi. » gronda-t-elle, en se collant un peu plus à lui.
« Tu es aveuglée par l'amour. » riposta-t-il, en posant une main sur sa joue. « Ce qui me convient très bien, soit dit en passant. »
« Je ne crois pas, non. » marmonna-t-elle, alors qu'il se penchait pour l'embrasser. « Et elle flirtait bien avec toi. Et tu étais tout charmeur… »
Elle le laissa l'embrasser parce que si elle était irritée, elle n'était pas tout à fait fâchée. Il n'était pas le genre d'homme qui aurait tout jeté aux orties pour les beaux yeux d'une sorcière un peu connue.
« J'étais charmeur parce qu'on attrape plus de mouches avec du vinaigre. » murmura-t-il contre ses lèvres. « Et elle n'est pas si attirante que ça. »
« Menteur. » accusa-t-elle.
Il l'embrassa à nouveau, une série de petits baisers légers qui lui tournèrent un peu la tête.
« Aussi flatteuses que soient ces crises de jalousie… » se moqua-t-il, sans hostilité aucune. « Au risque de me répéter, tu es la seule que je vois. »
Elle émit un bruit dubitatif mais se laissa embrasser une dernière fois avant de faire un pas en arrière.
« Ça s'est bien passé. » décréta-t-elle. « C'était clair et suffisamment bien expliqué pour que plus d'un Mangemort prenne la mouche, je pense. »
Il approuva d'un hochement de tête, redevenant professionnel. « Augmente la sécurité autour du domaine et de Pré-au-Lard et garde les équipes de réponse prêtes à agir. Il serait optimiste de ne pas s'attendre à une riposte, surtout avec la pleine lune, ce soir. »
Elle acquiesça. « Kingsley et moi avons plusieurs unités prêtes à être déployées, au cas où. »
« Lupin est censé nous avertir si Greyback déplace la meute avant la nuit. » soupira-t-il. « D'ailleurs… Il faudrait vérifier que le bout de lande où nous prévoyons d'envoyer Flemmings et les enfants soit toujours sûr. Sirius était censé les accompagner mais je ne suis pas certain que ce soit toujours d'actualité. »
« Je m'en occupe. » promit-elle. « Tu vas voir Dumbledore ? »
« Slughorn, d'abord. » grommela-t-il. « Toutefois, si je devais mystérieusement disparaître sans laisser de traces, ton suspect principal devra être Albus. »
Elle fronça les sourcils et posa une main sur son torse, avec inquiétude. « Severus, qu'est-ce qui se passe ? »
Il poussa un nouveau soupir, effleura ses cheveux bruns, puis l'embrassa à nouveau. « Rien qu'un numéro d'équilibriste un peu dangereux. »
« En rapport avec la chose que je ne peux pas savoir ? » insista-t-elle.
Et une des raisons pour laquelle elle ne pouvait pas savoir était le fait que Dumbledore aurait pu chercher l'information dans son esprit. Ce n'était pas que Voldemort que Severus craignait sur ce sujet.
« Espérons que non. » railla-t-il. « Tu es de garde ce soir, je présume ? » Elle acquiesça. « Rentre à la maison avant de prendre ton service… Nous mangerons tôt. »
Rentre à la maison.
Était-il conscient d'à quel point son cœur battait fort lorsqu'il prononçait ces mots sans même paraître s'en rendre compte ?
« Je vais essayer. » promit-elle, en faisant disparaître les protections anti-intrusions. Elle tendait la main vers la porte lorsqu'il toucha son bras.
« J'oubliais. » dit-il, l'air un peu gêné. Il tira un carnet noir de la poche intérieure de ses robes et le lui tendit. « J'ai mal contrôlé l'enchantement, la sensation de chaleur est un peu plus forte que l'ancien. »
Elle empocha le carnet vierge avec un grand sourire, ravie de retrouver cette méthode de communication quasi-instantanée qui lui avait manquée, et le remercia d'un baiser rapide.
« Pas d'information sensible, évidemment. » la mit-il en garde.
« Si je t'écris que j'ai très envie de toi, ça compte comme une information sensible ? » demanda-t-elle innocemment, avant de se glisser hors de la pièce avec un clin d'œil en guise d'au revoir, le laissant estomaqué.
Elle ne s'était pas éloignée de beaucoup lorsqu'elle sentit la sensation de brûlure dans sa poche. C'était effectivement beaucoup plus fort que l'ancien carnet. Très difficile à ignorer.
À peu près autant que le mot gribouillé d'une main tremblante.
Succube.
Elle éclata de rire, s'attirant les regards surpris et curieux de quelques Aurors qui discutaient dans les couloirs.
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« Le troisième test est consistant. » décréta Horace, d'un ton excité, en inspectant le troisième petit chaudron de potion. « La lueur décline après deux minutes mais c'est sans doute une question de dosage… Je dirais que… Mais que faites-vous enfin, Severus ? »
Severus s'était contenté d'observer le premier chaudron test et lui avait laissé le soin de terminer l'expérience. Derrière un autre plan de travail, il s'appliquait à ôter les pattes à une araignée de sa main gauche.
« La lueur est moins forte que l'échantillon rapporté par Flemmings. » remarqua-t-il, sans répondre à la question d'Horace.
« Certes. » acquiesça l'autre Maître des Potions, remuant dans le sens des aiguilles d'une montre l'un des chaudrons, sans doute pour tester l'effet sur la consistance de la potion. « Mais la base n'est pas la même non plus… Je ne pense pas que cela soit très significatif. Amplifier le spathiphyllum avec de la belladone était une idée de génie. »
« À condition de ne pas empoisonner le patient. » soupira-t-il. « Je crains que couplé aux quantités d'aconit… »
« C'est, certes, un problème à résoudre mais j'ose dire que nous tenons la structure principale de la potion. » s'entêta Slughorn. « Le reste n'est qu'ajustements mineurs. Nous allons pouvoir bientôt passer aux essais cliniques. »
« Pas un mot à qui que ce soit, pour l'instant. » le mit-il en garde, en écartant le plat où il avait empilé les pattes d'araignée pour passer à la dissection laborieuse d'yeux de chauve-souris. « La potion pour ce soir est-elle prête ? »
« Naturellement. » répondit Slughorn. « J'ai mis un chaudron à l'écart, ce matin. »
Un hibou lui avait fait savoir, avant l'interview, que les adolescents préféraient s'en remettre à la potion Révèle-Loup qu'à la Tue-Loup. Il devinait la patte de Lupin dans cette histoire, même de loin, mais ne pouvait pas vraiment leur imposer le contraire juste pour le plaisir de le contrarier. De plus, dans les faits, théoriquement, il pensait la potion Révèle-Loup plus saine, surtout pour une première transformation. Restait à voir si elle avait vraiment des effets différents sur les loups dominants…
« Que faites-vous donc, dans votre coin ? » insista son ancien Directeur de Maison, en se rapprochant pour étudier les ingrédients étalés devant lui. « Une potion calmante ? Je vous en aurais préparé un chaudron si vous en aviez besoin. »
Ou, si les échos qu'il en avait étaient fiables, il aurait demandé à ses meilleurs élèves de le faire.
Le fait est qu'il avait besoin de potion calmante parce qu'il était à court et qu'Harry était sujet aux crises de panique mais ce n'était pas la raison pour laquelle il s'essayait à l'exercice.
Sans se déconcentrer, il retira la fine membrane qui entourait les yeux de chauve-souris de la main gauche. Il en gâchait un sur deux, ce qui n'était pas une mauvaise moyenne.
Sa main droite tremblait toujours de manière intermittente, lui interdisant son utilisation pour toute opération de précision. Mais la gauche…
Il sentit l'intérêt de Slughorn redoubler lorsqu'il comprit. « Votre main gauche est stable. »
« Relativement. » nuança-t-il. « Je n'ai ni la même force, ni la même dextérité qu'avant. »
« Mais votre main gauche n'a jamais été votre main dominante. » contra immédiatement Horace. Son expression s'éclaira. « Oh, évidemment. C'est ce que vous cherchez à faire. »
Faire de sa main gauche sa main dominante ? Ce n'était pas aussi facilement fait que dit mais il voyait effectivement le bénéfice d'au moins tenter de devenir ambidextre. Par réflexe, il lui arrivait déjà de plus en plus de se reposer sur sa main gauche qui était souvent moins récalcitrante que la droite.
« Je ne récupérerai jamais ma pleine motricité. » admit-il. « Mais je constate une nette amélioration depuis le retrait de la Marque. »
« Évidemment. » marmonna Horace, l'air pensif. « La douleur devait aggraver les choses. Continuez-vous à prendre la potion contre les effets du Doloris ? » Son ancien Professeur lui jeta un regard fier. « Elle a sauvé bien des gens durant la bataille, sachez-le. »
Il balaya l'air de sa main tremblante, laissant son regard tomber sur sa main gauche qui tenait le fin couteau. Le tremblement était extrêmement léger, presque invisible mais cela l'empêchait tout de même de préparer des potions avec la même virtuosité qu'autrefois. Pourtant, quelques semaines auparavant encore, il était résigné à ne plus jamais pouvoir se tenir derrière un chaudron… C'était un progrès qu'il puisse en faire autant. Une potion calmante était basique, accessible aux premières années, et il en avait préparé des milliers sans même y penser. Là, cela lui prenait beaucoup trop de concentration et d'énergie. Mais c'était un progrès. Un petit espoir que s'il parvenait à muscler ses doigts gauches, s'il parvenait à acquérir les réflexes nécessaires…
« La potion ne peut plus rien pour moi. » répondit-il. « Elle prévient la dégénération des nerfs or Andromeda et Poppy sont d'accord sur le fait que mes blessures ont cicatrisé. »
Slughorn émit un bruit dubitatif et tendit ses deux mains, paumes vers le haut. « Puis-je ? »
Il lui fallut quelques secondes pour comprendre ce que voulait l'autre sorcier et son premier réflexe fut de refuser tout net. Toutefois, il n'y avait pas vraiment de secret à l'état de ses mains et Horace ne gagnerait rien à découvrir dans quelle mesure, très exactement, il était handicapé.
Comme il l'avait fait de nombreuses fois avec Andromeda et Poppy, il plaça le bout des doigts sur la paume de son ancien Directeur de Maison et le laissa juger des tremblements qui les agitaient. Il le laissa tourner ses mains dans un sens puis dans l'autre, le laissa jeter plusieurs sorts de diagnostic…
« Les nerfs de la main gauche sont beaucoup moins atteints que ceux de la droite, en effet. » conclut Horace, au bout de plusieurs minutes.
Cela, Severus aurait pu le lui dire. « Étant donné d'où nous sommes partis, je suppose que je devrais m'estimer heureux d'avoir récupéré autant de mobilité dans la main droite. »
Elle était utilisable la plupart du temps, même s'il devait parfois compenser la prise délicate sur sa baguette ou ajuster les gestes nécessaires à certains sortilèges. Lorsqu'il s'était réveillé cloué à ce lit d'hôpital, la première fois, les tremblements dans ses mains lui avaient paru insurmontables.
« Avez-vous songé à un moyen de régénérer les nerfs ? » suggéra Slughorn. « Les dégâts sont trop importants pour la main droite mais la gauche… Les potions classiques ne feront pas grand effet si longtemps après mais votre potion contre le Doloris, en la modifiant un peu… »
Il fronça les sourcils. « La potion est efficace mais ce n'est pas miraculeux. Les dégâts… »
« Je n'ai jamais été bien doué pour inventer des potions de toutes pièces mais améliorer des potions déjà existantes est ma spécialité et ceci me trotte dans la tête depuis un moment. » le coupa Horace, en faisant venir à lui un des carnets que Severus gardait dans un coin pour les cas où il avait besoin de poser des calculs ou de coucher ses réflexions sur le papier pour y voir plus clair. « Regardez. »
Slughorn décomposa sa potion contre le doloris sur la page, avant d'en réarranger l'ordre et d'en modifier les proportions… Severus saisit où il voulait en venir à mi-chemin.
« Oh. » lâcha-t-il, en sortant le stylo de sa poche, repoussant les ingrédients pour avoir plus de place. Il gribouilla par-dessus les calculs de son ancien Professeur, corrigeant une quantité, substituant un ingrédient par un autre.
Au bout de quelques minutes d'un échange plutôt silencieux si ce n'était pour les ratures sur le papier, ils avaient une ébauche d'une version modifiée de sa potion.
« Cela pourrait fonctionner… » commenta Severus, en cadenassant derrière d'épais boucliers l'espoir qui venait de naître. Son cas était avancé. L'idée de potion pourrait éventuellement profiter à des gens moins touchés que lui mais, pour lui, il n'y aurait aucune garantie. « Cela pourrait certainement soulager ma jambe… »
« Ce serait un traitement à long terme. » répondit Horace, sourcils froncés alors qu'il étudiait la page couverte de leurs écritures respectives. « Je ne vous promets pas un rétablissement immédiat… Il faudrait probablement des années et une rééducation intensive mais à terme vous pourriez récupérer le plein contrôle de votre main gauche. La droite… Je suis moins optimiste mais cela vaut le coup d'essayer, mon garçon. Qu'avez-vous à perdre ? »
Rien.
« Si nous parvenions à faire fonctionner ce prototype, notre avenir serait assuré. » remarqua-t-il, en tapotant la page.
Le brevet de la potion contre les séquelles du Doloris – à laquelle il devait vraiment trouver un meilleur nom – lui rapporterait déjà une somme rondelette mais celle-ci pourrait potentiellement avoir d'autres usages et aider davantage de gens. Les sommes qu'elle leur rapporterait seraient conséquentes.
Associée à la potion Révèle-Loup…
« Survivons à cette guerre et nous serons riches. » décréta joyeusement Slughorn, en lui jetant un regard en coin. « Nous travaillons bien ensemble, Severus. Je serais ouvert à une collaboration plus permanente, si nous devions gagner la guerre… »
Severus travaillait mieux seul.
Il préférait travailler seul.
Toutefois, il devait admettre que sans Slughorn, il n'aurait jamais pu avancer sur les modifications de la potion Révèle-Loup et ne serait jamais parvenu à la transformer. Et cette nouvelle idée n'était pas mauvaise.
Severus semblait toujours faire le gros du travail mais l'autre Maître des Potions, il fallait le lui reconnaître, apportait des finitions impeccables et améliorait ses créations.
Cela expliquait cependant pourquoi Horace ne lui avait réclamé ni dette, ni rien pour avoir sauvé Nymphadora ou pourquoi il était si aimable dernièrement. Il s'était visiblement rendu compte d'où se trouvait son intérêt monétaire et pour sa réputation. En travaillant avec lui, il aurait quelques succès garantis qui lui permettraient peut-être de passer à la postérité alors que sa carrière avait été, jusque-là, tout à fait classique. De plus, il savait pertinemment que Severus avait besoin de quelqu'un pour la partie pratique des expériences et même un apprenti extrêmement doué ne vaudrait jamais un Maître des Potions…
« Reparlons-en plus tard. » botta-t-il en touche.
« Naturellement. » acquiesça plaisamment l'ancien Directeur de Serpentard. « Rien ne presse. »
Mais un coup d'œil à l'horloge lui apprit que ce n'était pas tout à fait vrai.
Quelque chose pressait.
Quant à faire des plans d'avenir…
Encore fallait-il qu'il en ait un.
°O°O°O°O°
Albus regardait s'égrener les secondes sur la pendule et tapotait la surface de son bureau avec un agacement grandissant.
Severus était en retard.
S'il n'avait pas su, grâce aux protections de Poudlard, que le jeune homme était toujours dans le château, il l'aurait soupçonné de s'être enfui.
Finalement, après dix minutes d'attente, il sentit la gargouille s'écarter du chemin. Quelques secondes plus tard, des coups secs furent frappés à la porte qui s'ouvrit sur son ordre. Severus pénétra dans la pièce, s'appuyant lourdement sur sa canne – par nécessité ou pour l'attendrir, les deux étaient possibles de sa part.
« Veuillez m'excuser, j'ai fait un crochet par l'infirmerie. » offrit son Maître des Potions, d'un ton un peu plus guindé que d'habitude, comme s'il savait pertinemment qu'il avait été convoqué pour se faire sérieusement réprimander – comme s'il s'agissait d'un problème au sein de l'école et pas d'une question de sécurité nationale.
« Sirius se remet-il ? » demanda-t-il, d'un ton neutre, en lui indiquant un des sièges devant son bureau d'un geste.
Severus prit son temps pour y arriver, visiblement peu sûr de vouloir s'asseoir. S'asseoir serait un désavantage si Albus décidait soudain de l'attaquer.
« Andromeda le laissera sortir d'ici peu et il m'affirme être toujours capable d'encadrer les loups-garous, ce soir. » rapporta son second. « J'étais davantage inquiet pour Harry, si je dois être franc. Il n'avait pas besoin d'être témoin de la scène d'hier soir, en ce moment, et il campe à son chevet… Sirius semble avoir la situation en main, toutefois. »
« Bien. C'est bien. » approuva-t-il, avec un hochement de tête. « Du thé ? »
Severus accepta poliment et ils échangèrent les banalités d'usage le temps que Jimlin ne leur apporte un plateau pauvre en encas, restrictions obligent. Mais le thé était son préféré et son parfum emplit l'air une fois les tasses servies. Dès que le vieil elfe de maison fut parti, Albus serra un peu la mâchoire.
Il se contenait mieux que la veille parce qu'il savait pertinemment que le prendre de front ne servirait à rien d'autre que de le braquer. Severus pouvait être plus fuyant qu'une anguille.
Il se contenait mais il était toujours furieux et à juste titre.
« Je suppose que vous savez ce dont je souhaite vous parler. » lâcha-t-il, tout de go, quoi qu'en faisant un effort pour moduler l'accusation dans son ton.
L'ancien espion prit une gorgée de son thé, l'air tout à fait calme et posé de l'innocent. « S'il s'agit de la potion pour les loups-garous, nous aurons bientôt un prototype. C'est une question de jours, la structure principale est prête et Horace et moi pensons qu'elle fonctionnera. Il suffira par la suite de la tester et d'ajuster les dosages. » Les yeux noirs croisèrent les siens, son esprit ouvert en surface mais ce n'était qu'apparences, le genre de comédie qu'il jouait habituellement à Voldemort. Sous la couche superficielle de préoccupations diverses et variées, Albus devinait des boucliers massifs et solides. Oh, il s'était préparé à cette rencontre… « Je ne recommande pas d'ébruiter la chose, en revanche. Cela pourrait être un as dans notre manche, si Lupin décidait de faire des difficultés. »
« Vous m'en voyez ravi mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. » répondit-il, calmement.
« L'interview de ce matin, dans ce cas ? » demanda innocemment Severus. « De l'avis général, cela ne s'est pas mal passé même si j'avoue n'avoir aucun goût pour l'exercice. Vous aviez raison, sans doute, me voici une figure populaire… »
Albus sourit presque à ce subtil rappel que sa disparition subite et inexpliquée nuirait au moral des troupes, à présent qu'il était effectivement devenu un héros populaire. Ce genre de conversations tout en sous-entendus était le fort des Serpentards et Severus y excellait. C'était, d'ordinaire, un exercice intellectuel que le Directeur appréciait. Pas à l'instant.
« Vous avez fait du bon travail. » concéda-t-il, en se levant sous le prétexte d'aller se poster à la fenêtre, les mains jointes dans le dos. « Le sujet est toutefois plus sérieux que cela. Voyez-vous, hier soir, je me suis rendu sur la côte, dans une caverne, plus précisément, que je soupçonnais abriter un horcruxe. »
Severus était trop bon espion pour se tendre ou marquer le moindre signe d'appréhension. Il se contenta de décaler son fauteuil pour pouvoir l'observer, buvant son thé sans même ciller.
« Seul ? » remarqua le Professeur de Défense. « C'était bien imprudent de votre part. »
« Peut-être. » admit Albus. « D'autant qu'il semble que les protections de cet horcruxe en particulier exigent la présence de deux personnes . »
« Vraiment ? » demanda Severus, presque distraitement.
« Oui, l'horcruxe est conservé dans un chaudron d'une potion tout à fait singulière. » expliqua Albus, en observant le reflet de son second dans la vitre. « Je présume que le seul moyen de vider le chaudron pour accéder à l'artéfact est de boire la potion, je présume aussi qu'il vaut mieux avoir une victime à qui faire boire ladite potion pour sa propre survie… Vous n'auriez pas une idée de quelle potion il s'agit là ? »
« Sans la voir, c'est difficile à dire. » répondit le Maître des Potions. « Cependant, je ne vous ai jamais caché avoir créé des poisons pour Lui. Il est probable que ce soit l'un des miens. »
« C'est bien ce qu'il me semblait. » acquiesça-t-il pensivement. « Vous ne me demandez pas si j'ai trouvé l'horcruxe, Severus ? »
Feignant l'irritation – ou réellement agacé par ce petit jeu – l'homme poussa un long soupir. « Loin de moi l'idée de ruiner vos effets de manche, Albus. Je suppose que vous me le direz en temps et en heure. Cependant, s'il faut réellement être deux pour vider ce chaudron, je vois mal comment vous auriez réussi seul. »
Albus se tourna et l'observa un long moment. « L'horcruxe avait disparu. »
L'ancien espion soutint son regard sans flancher. « Peut-être êtes-vous simplement passé à côté ? »
« Peut-être voudriez-vous plaider votre cause avant que je ne prononce des mots qui seront difficilement pardonnables. » rétorqua-t-il.
Severus écarquilla légèrement les yeux dans un étonnement indigné. « Ma cause ? »
Il croisa les bras et garda son regard planté dans le sien, exerçant une légère pression sur son esprit. L'écran de fumée qu'étaient les pensées au premier plan s'effaça pour révéler les boucliers qui entouraient son esprit.
« La situation est simple, mon garçon. » lâcha-t-il. « Soit Vol… »
« Albus. » siffla le Maître des Potions, sans feindre son appréhension.
Albus se mordit la langue mais se reprit. « Soit Tom s'est rendu compte que nous avons découvert son secret et a récupéré ses horcruxes, et, dans ce cas là, la situation vient de prendre un tour bien désespéré et nous avons un gros problème, ou il y a une autre explication à la disparition de cet artefact. »
L'expression de son ancien espion était neutre. « Peut-être quelqu'un d'autre est-il passé le premier. »
« Pensez-vous. » ironisa-il, sans chercher à contrôler la fureur dans sa voix. « Vous vous rendez compte que c'est de la trahison, Severus ? Que je serais en droit de réclamer votre tête ? »
Severus ne cilla même pas. « Je n'ai jamais dit que c'était moi. »
« Voulez-vous que je vous parle des traces de sabots de sombral au sol ou bien que je vous décrive à quel point votre empreinte magique est distincte pour moi ? » riposta-t-il. Cette fois-ci, un muscle tiqua sur la joue du Professeur de Défense et Albus explosa. « Comment avez-vous pu ? »
« Comment ai-je pu ? » répliqua Severus, sur le même ton, en perdant lui aussi son calme. Il se leva dans un mouvement pas aussi souple qu'autrefois et un claquement de cape. « N'ayez pas le culot de me demander des comptes quand vous planifiez de sacrifier mon fils depuis le début ! »
Ils se fusillèrent du regard quelques secondes.
« Depuis quand savez-vous ce qu'est Harry ? » demanda-t-il sèchement.
« Des mois. » avoua Severus. « Je sais aussi comment vous comptez résoudre le problème. J'ai déjà dû le sauver de votre baguette. »
« Pas ma baguette. » corrigea-t-il, avec fatigue. « Celle de mon double. »
« Y a-t-il réellement une différence ? » le défia le jeune homme. « Allez-vous m'affirmer que vous travaillez à le débarrasser de l'horcruxe ? Bien sûr que non ou vous m'en auriez parlé. Alors ne m'accusez pas de trahison lorsque vous m'avez trahi le premier ! »
« Il n'y a pas de moyen de séparer l'horcruxe de l'âme d'Harry. » répondit-t-il. « Contrairement à ce que vous semblez penser, je n'ai pas simplement décidé de jeter l'éponge parce que la tâche était difficile. J'ai cherché. »
« Mon fils ne mourra pas pour votre guerre. » siffla Severus. « Vous n'en ferez pas un martyr. »
Mourir était probablement la seule chance qu'avait Harry mais cela Severus n'était pas prêt à l'entendre, même si Albus le lui expliquait calmement et en détail. Son plan était théorique et il n'y avait aucune garantie qu'Harry en réchappe. Ce n'était qu'une vague idée, un espoir ténu.
« Vous m'avez trahi. » insista-t-il.
Et cela faisait mal.
Il savait depuis un moment que Severus ne lui faisait plus autant confiance, ne se reposait plus sur lui comme autrefois, mais… C'était un coup de poignard dans le dos. Un coup de poignard dont il peinait à se relever.
Peut-être entendit-il la douleur dans sa voix parce que, ce coup-ci, le Maître des Potions resta cois.
« N'ai-je pas été bon avec vous, Severus ? » pressa Albus. « Je vous ai donné un toit, un emploi, je vous ai protégé lorsque… »
« Parce que vous aviez besoin de moi. » cracha Severus, avant de lâcher un ricanement amer. « Ne réécrivez pas l'histoire, Albus. Si vous m'avez épargné Azkaban, si vous m'avez engagé, c'était pour mieux me surveiller, pour mieux me rappeler que vous teniez la laisse. Vous n'aviez aucune confiance en moi. »
« Bien sûr que non. » admit-il, sans grosse culpabilité. Severus n'avait pas été digne de confiance lorsqu'il l'avait recruté, serment inviolable ou pas, mais sous sa tutelle, au fil des années… « Mais par la suite… »
« Par la suite, vous m'avez gardé enfermé ici comme un hibou en cage, en affirmant que vous me faisiez confiance et aviez pour moi la plus grande affection et estime, tout en sachant pertinemment que je détestais enseigner les Potions et que cela contribuait à me rendre malheureux. » l'interrompit à nouveau le jeune homme. « Vous avez fait de Poudlard une prison taillée sur mesure pour mieux me garder sous votre coupe. Je n'avais aucun autre endroit où aller, aucune autre personne vers qui me tourner, aucune raison de me reconstruire en sachant que mon arrêt de mort serait signé dès que le Seigneur des Ténèbres reviendrait, et vous le saviez pertinemment. Pire, cela vous allait très bien comme ça. Je n'ai jamais été que votre pion, Albus. »
Sa colère et sa douleur fondirent dans une lassitude qu'il ne savait pas comment exprimer correctement. Il ôta ses lunettes et se frotta les yeux. « Vous êtes bien plus que cela. Cela fait longtemps que vous êtes bien plus que cela. »
Severus secoua la tête, fuyant son regard. « Je ne parviens jamais à déterminer si vous êtes en train de me manipuler ou si vous êtes sincère et, très honnêtement, je ne sais pas quelle option serait la pire. » Le Maître des Potions se rassit dans son fauteuil, se resservit une tasse de thé qu'il réchauffa d'un geste distrait. « Je ne vais pas m'excuser d'avoir fait passer ma loyauté envers mon fils avant ma loyauté envers vous. Je ferais beaucoup sur votre ordre, Albus. J'ai déjà fait beaucoup par le passé, dont des choses qui m'empêchent encore de dormir, si je dois être honnête, mais la loyauté que j'ai pour vous n'a pas préséance sur celle que j'ai pour Harry. »
Le Directeur pressa les lèvres, peu satisfait avec le tour que prenait la conversation. Il retraça toutefois le chemin jusqu'à son propre siège, s'assit et réchauffa sa propre tasse de thé avec la même nonchalance qui avait mis Severus – et davantage de pouvoir, assez pour que le jeune homme en ressente l'effet, assez pour lui rappeler qui était aux commandes.
« Quel horcruxe était-ce et qu'en avez-vous fait ? » exigea-t-il de savoir.
Severus hésita un moment puis soupira dans sa tasse de thé. « À vrai dire, ce n'était pas un horcruxe. Le médaillon de Serpentard avait été dérobé il y a des années par Regulus Black qui avait découvert le secret du Seigneur des Ténèbres et souhaitait le détruire. Le véritable médaillon était en possession de Kreattur. »
Sous leur nez, tout ce temps… Les ramifications étaient vertigineuses.
Cela expliquait pourtant pas mal de choses : la détresse nouvelle de Sirius à propos de son frère, le changement radical de comportement de l'elfe des Black, peut-être même la détresse psychologique de Sirius lorsqu'il était resté enfermé des mois au Square Grimmaurd soumis par inadvertance à l'influence du médaillon…
« Et ? » insista-t-il. « Qu'en avez-vous fait ? » Severus resta silencieux et Albus vit à nouveau rouge. Il posa sa tasse de thé dans la soucoupe dans un geste trop brusque qui renversa du liquide sur les parchemins qui parsemaient son bureau. « Si vous avez été suffisamment stupide pour aller faire du chantage à… »
« Oh, oui, bien évidemment. » railla son Maître des Potions. « Entre deux sessions de torture avec un autre sorcier surpuissant qui, lui aussi, soit dit en passant, à une époque, prétendait avoir pour moi l'affection d'un père, j'ai suggéré un petit échange de bons procédés. » Les yeux noirs étaient agacés, vexés peut-être. « Accordez moi un minimum d'intelligence, Albus. S'Il savait ce qu'est Harry, le garçon serait jeté dans une cellule et gardé sous clef le reste de sa vie. Je ne me tournerai certainement pas vers Lui. »
C'était un soulagement de l'entendre.
Il se détendit légèrement. « Qu'en avez-vous fait dans ce cas ? Il nous faut le détruire, Severus. Je consens à ce que vous l'étudiez mais… »
« Il est déjà détruit. » soupira le Maître des Potions. « Mais vous avez tort. L'horcruxe peut être séparé de l'âme d'Harry. Si nous parvenons à le déplacer dans un autre vaisseau… »
Il secoua la tête, laissant le reste de sa colère se transformer en pitié. « Severus, c'est impossible. »
« Nous y sommes presque. » contra son second, les yeux durs. « Je peux vous montrer nos recherches, nous y sommes presque, Albus. Il y a de l'espoir. Harry n'est pas condamné. »
S'il y avait réellement eu de l'espoir, la voix de Severus n'aurait pas eu cette touche de découragement.
Albus avait étudié la question sous tous ces angles.
Il n'y avait pas de manière de séparer l'horcruxe de l'âme d'Harry, les deux étaient trop profondément liés, comme du tissu cicatriciel qui aurait recouvert un objet logé trop profondément dans la chair. Si la chose avait été fraîche, s'il s'en était rendu compte quinze ans plus tôt… Mais en l'état…
« Expliquez-moi. » l'invita-t-il.
Visiblement, Severus n'attendait que ça parce qu'il déroula leur raisonnement et le détail du rituel qu'ils avaient mis au point avec empressement. C'était brillant, il devait l'admettre. De la magie trop noire à son goût, certainement, mais brillant.
Et cela ne fonctionnerait pas.
Parce que l'horcruxe présent dans les objets inanimés pouvait éventuellement être déplacé mais celui qu'abritait Harry était enraciné. En admettant qu'ils parviennent à le lui arracher – ce qui était déjà impossible, à son sens – l'âme du garçon en resterait mutilée.
Cela, toutefois, il le garda pour lui, se contentant d'écouter.
Et de réfléchir.
La cause était perdue d'avance mais que faire ? S'il interdisait à Severus de poursuivre ses recherches, le jeune homme continuerait quand même. Pire, il se lancerait à la course aux horcruxes dans son dos pour mieux tester ses théories. Ce ne serait ni productif, ni bon pour la guerre.
Tant que son second n'avait aucun intérêt à monnayer les horcruxes contre la protection de Voldemort, la situation restait sous contrôle.
« Poursuivez vos expériences. » décida Albus, lorsque le Maître des Potions eut terminé. « Mais ne gardez pas un horcruxe plus de quelques jours, prenez toutes les précautions nécessaires et détruisez les à chaque fois dans un endroit sûr. En avez-vous localisé un autre ? »
« Pas encore. » admit Severus, apparemment soulagé de se voir donner la permission de continuer. « Je cherche la coupe. »
Albus hésita quelques secondes puis se leva pour sortir une épaisse liasse de parchemins de sa cache derrière une rangée de livres. Il en fit une copie et l'envoya flotter vers le Maître des Potions. Il fit de même avec certaines fioles de souvenirs rangées derrière sa pensine.
« Voilà le contenu de mes recherches à date. » offrit-il. « Voyez si cela vous aide. Cependant, Severus… Ne faites plus rien dans mon dos. Si vous pensez avoir trouvé un horcruxe, je veux être au courant. Si vous partez le chercher, vous m'avertirez. Si vous avez besoin de mon aide, demandez-la moi. Et j'aimerais assez être présent lors de votre prochaine tentative pour en déplacer un. Il va de soi que si je découvre une piste, je ferai de même. »
L'ancien espion leva le nez du tas de parchemins qu'il venait de feuilleter avec hésitation. « Je ne m'attendais pas à ce que vous me donniez votre aval. »
« Peut-être devriez-vous cesser d'attendre le pire de moi, dans ce cas. » commenta-t-il. « Et peut-être devriez-vous cesser de douter de mon affection pour vous et pour Harry. » Il soupira. « Vous m'avez accusé plusieurs fois de me plaire à jouer les figures paternelles… Vous est-il venu à l'idée que votre… passif colorait quelque peu votre interprétation des faits ? Vous ai-je déjà sciemment fait du mal, mon garçon ? »
Severus garda le silence un long moment puis détourna la tête. « Tout est dans le sciemment. »
Albus l'étudia longtemps. « Vous avez tort lorsque vous dites que je vous ai enfermé ici pour vous garder sous ma coupe. Je n'ai jamais souhaité rien d'autre pour vous que ce bonheur que vous semblez avoir enfin trouvé. Seriez-vous venu me trouver après quelques années et m'auriez vous demandé congé pour vous consacrer pleinement à vos recherches, je vous l'aurais accordé. Vous n'avez jamais abordé le sujet. » Il eut un geste de la main. « Quant à vous empêcher de vous reconstruire… »
« C'était de mon fait et cette accusation-ci était injuste. » admit le jeune homme, sans pourtant le regarder en face.
« Ne doutez pas de ma joie ou de ma fierté à vous voir si épanoui avec Harry et Nymphadora. » pressa Albus. « Vous me feriez une défaveur. »
« Je regrette. » lâcha son enseignant.
Ce n'était pas tout à fait les excuses qu'il espérait mais il s'en contenterait.
« Un dernier point. » déclara-t-il. « Le nom de vos complices. J'ai senti au moins deux autres signatures magiques dans cette caverne. »
« Complices. » releva Severus. « Suis-je donc coupable ? »
Albus leva un sourcil. « Disons que, seriez-vous toujours un élève, vous vous retrouveriez en retenue avec Argus jusqu'à la fin de l'année prochaine. En l'état, vous êtes un peu trop âgé pour que je vous prive de sorties et, comme vous l'avez si subtilement mentionné plus tôt, votre position est trop établie pour que je vous sanctionne publiquement sans fragiliser la mienne. Nous sommes un bloc, tâchez de vous en souvenir à l'avenir. »
Le Maître des Potions leva les yeux au ciel mais il était beaucoup plus détendu que précédemment. Pas tout à fait à l'aise, cependant. « Est-ce réellement important pour vous de savoir qui… »
« Qui est au courant du plus gros secret d'état que nous ayons ? » termina-t-il pour lui. « Un secret que même mon Chef des Aurors ne connaît pas ? Oui, c'est important. » Il agita la main. « Je peux deviner que Sirius est impliqué d'une manière ou d'une autre, il n'est pas aussi bon acteur que vous. Je soupçonne qu'il est au courant depuis un moment. L'identité de votre autre acolyte n'est pas bien difficile à identifier. »
« Ce n'est pas Nymphadora. » soupira Severus, résigné. « Encore que j'aimerais assez la mettre au courant. Si quelqu'un peut m'aider à les localiser, c'est elle. »
Étonné, Albus fronça les sourcils. Il aurait parié sur Nymphadora. « Qui, alors ? »
Le Maître des Potions grimaça. « Étant donné que j'ai votre permission désormais, je présume que les concernés n'auront pas d'ennuis ? » Albus se contenta de le dévisager en silence jusqu'à ce qu'il capitule. « Bill. Bill Weasley. »
Ce qui expliquait pourquoi Bill avait soudain été promu son second à la place de Remus.
« Sont-ils en mesure de protéger le secret quoi qu'il arrive ? » demanda-t-il, parce que c'était le plus important.
« Sirius a une maîtrise correcte de l'Occlumencie, Bill y excelle. » répondit son ancien espion. « Quant à Nymphadora, je l'ai formée moi-même et je peux attester de… »
« Je suis satisfait de ses capacités en Occlumencie, j'ai eu raison de les tester moi-même récemment. » le coupa-t-il, avant de lever brusquement les mains en signe de paix lorsque l'expression de Severus s'assombrit. « Avec son aval. Gellert m'avait laissé un message par son biais. C'est une longue histoire. » Il reposa les mains sur son bureau. « Néanmoins, une personne de plus dans le secret… »
« C'est grâce à elle si j'ai pu remonter jusqu'au médaillon. » insista Severus. « Elle a monté un dossier sur le passé du Seigneur des Ténèbres à ma demande. Son enquête et ses analyses m'ont été précieuses. »
Et, au-delà de ce que Nymphadora pouvait apporter, Albus devinait surtout qu'il n'aimait pas lui mentir.
Il pianota sur son bureau quelques secondes, pesant le pour et le contre. « Soit. Mais, en échange, je veux votre serment que vous ne ferez plus rien au sujet des horcruxes dans mon dos. »
« Je vous donne ma parole. » jura Severus, en se relevant, très visiblement pressé de quitter son bureau.
Albus le rattrapa à la porte et l'arrêta d'une main hésitante sur le bras.
« Je fais peut-être souvent passer l'intérêt général avant ceux des gens que j'aime… » déclara-t-il. « … mais cela ne signifie pas que mes sentiments sont pauvres. J'essaye simplement de faire ce qui est juste. »
Severus ne répondit pas mais inclina la tête en guise de compréhension.
Ou peut-être, osait-il l'espérer, d'acceptation.
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Narcissa remuait sa tasse de thé pensivement, observant la jeune fille qui lui faisait face à table sans s'en cacher, étudiant et jugeant chacun de ses gestes – chacun de ses faux pas. Un thé était une chorégraphie gracieuse, pas un simple repas et, visiblement, personne n'avait jamais pris le temps de l'enseigner à Hermione Granger.
Au moins se tenait-elle droite.
Un bon maintien était important et était difficile à apprendre.
« Êtes-vous sûre que vous vous sentez bien, Mrs… Lady Malfoy ? » demanda la jeune fille, avec hésitation.
Narcissa garda pour elle son irritation et la cacha derrière un sourire aimable que n'importe quelle jeune fille issue de la bonne société aurait su interpréter comme un avertissement. Cela passa haut au-dessus de la tête de la Gryffondor. « Parfaitement bien. »
Andromeda ne l'avait libérée que parce qu'elle avait supplié et promis de se reposer – ce qu'elle comptait faire dès qu'elle aurait survécu à ce thé trop important pour être repoussé. Il était plus que temps qu'elle évalue Granger. Les fiançailles étaient pratiquement officielles et elle voulait être certaine que la jeune fille conviendrait réellement.
Draco avait parfaitement compris son véritable but lorsqu'elle avait invité Granger et elle avait dû batailler pour le mettre à la porte.
N'était-il pas naturel pour une mère de faire la liste des épouses respectables potentielles pour son fils ? Certes, il était un peu tôt et la liste ne comportait qu'un seul nom, mais si c'était ce que voulait son fils, c'était ce qu'il aurait.
Il clamait à corps et à cris qu'il comptait l'épouser ? Très bien. Dans ce cas, il devrait accepter qu'elle en subisse les conséquences.
Avait-il expliqué à Granger que ceci était une sorte de test ? C'était dur à dire. La jeune fille était clairement nerveuse mais elles n'avaient jamais été seules auparavant, mis à part pour Sashi qui allait et venait discrètement pour apporter davantage de pâtisseries qu'elles ne touchaient pas – au moins Granger n'était-elle pas du style à s'empiffrer devant des invités. Les appartements de Sirius n'avaient jamais été aussi silencieux semblait-il.
La lionne portait régulièrement la tasse de thé à ses lèvres comme si elle espérait pouvoir fuir une fois qu'elle serait vide.
« Quels sont vos projets après Poudlard ? » demanda-t-elle, afin de relancer une conversation qui s'étiolait.
Granger n'était pas très douée pour remplir les blancs ou empêcher le silence de devenir gênant. Toutefois, cela s'apprenait. Comme l'art de porter gracieusement une tasse de thé à sa bouche au lieu de la tenir entre ses deux mains serrées comme s'il s'agissait d'un talisman.
« Oh, euh… Je suppose que j'aimerais travailler au Ministère ? » hésita la jeune fille. « Il y a tant de possibilités qui m'intéresseraient… La branche médicale magique, les potions… Mais je suppose que le Ministère est l'option logique. J'aimerais faire une différence. Aider à moderniser ces lois archaïques. »
Elle s'était un peu enflammée durant son discours et ne sembla se rendre compte qu'au dernier moment que Narcissa pouvait s'offenser de voir leurs coutumes traitées d'archaïques. La Sang-Pure préféra ne pas relever, ayant déjà accepté que Draco comptait mener la famille vers une nouvelle ère de modernité.
« De la politique, donc. » traduisit-elle, de manière neutre, sans rien laisser percer de son opinion.
« Peut-être que je m'orienterais vers la Justice Magique… » contra Granger. « Ce n'est pas vraiment de la politique, si ? »
« Tout est politique, Miss Granger. » répondit Narcissa. C'était la seconde fois qu'elle était obligée de le lui rappeler et elle n'aimait pas se répéter. « Même un simple échange convivial autour d'une tasse de thé. »
La jeune fille grimaça légèrement et sa posture se crispa mais, sans se laisser impressionner, elle leva le menton. « J'ai bien compris que vous vouliez me tester mais je ne comprends pas pourquoi. »
La Sang-Pur plissa le nez avec dédain. « Une approche beaucoup trop franche et brutale. Confronter un interlocuteur ainsi est contre-productif. Une touche de subtilité… »
« Je préfère la franchise. » la coupa Granger, en retrouvant visiblement du poil de la bête.
Bien sûr qu'elle préférait la franchise. Ces Gryffondors…
« Il est traditionnel pour la matriarche d'une famille Sang-Pure de s'assurer que les prétendantes de l'héritier sont à la hauteur de leurs ambitions. » expliqua-t-elle. « Et que leurs intentions, aussi vénales soient-elles, sont dans l'intérêt de la famille. »
Granger la dévisagea un long moment.
Elle était plutôt jolie, décréta Narcissa, mais ne prenait aucun soin de son apparence. Elle ne portait généralement pas de maquillage ou de bijoux, pas de vernis à ongles, sa masse de boucles un peu folles aurait pu être un atout si elle avait fait l'effort d'apprendre à les coiffer à son avantage… Elle aurait pu être belle si elle s'en était donnée la peine or la beauté était une arme comme une autre dans l'arsenal d'une femme, une qu'il n'était pas malin de négliger.
Il y aurait du travail pour lui apprendre à tenir son futur rang et Narcissa devinait qu'elle serait récalcitrante, raison pour laquelle elle s'efforcerait de ne pas la braquer et de distiller ses conseils petit à petit.
« Je ne m'intéresse pas à Draco pour son argent ou sa position ou… » hésita la jeune fille. « Ça ne m'a jamais intéressée, tout ça. Au contraire. »
La Sang-Pure posa délicatement sa tasse de thé. « Draco vient avec son argent ou sa position. Si vous vous engagez avec mon fils, vous deviendrez Lady Malfoy et ce n'est pas un titre que l'on peut simplement ignorer ou laisser tomber en désuétude. De lourdes responsabilités vont avec. La gestion du manoir, en premier lieu, encore que, tranquillisez-vous, un elfe de maison compétent peut vous épauler dans cette tâche et je ne compte pas mourir tout de suite, vous aurez le temps d'apprendre sur le tas. De nombreuses organisations de charité, ensuite. Les sorciers et sorcières qui dépendent du domaine et se tournent souvent vers nous pour servir d'arbitre, entre autres. Beaucoup de sorcières tueraient pour devenir Lady Malfoy, comprenez-le. » Narcissa agita la main. « Certains considèrent ces titres comme des reliquats du passé et préféreraient les voir enterrer mais ils ont bel et bien un certain pouvoir sur la société et il ne tient qu'à vous d'utiliser leur influence à bon escient. Raison pour laquelle, il est important pour les anciennes familles de bien choisir qui elles accueillent en leur sein. »
Sa tirade la laissa légèrement essoufflée et elle posa discrètement la main sur son ventre. Les contractions légères avaient fini par s'arrêter mais le bébé n'était pas tranquille pour autant.
« Mais… Est-ce que ce n'est pas mieux pour vous de savoir que j'aime Draco et pas le titre ? » insista Granger avec une naïveté qui aurait pu être charmante en d'autres circonstances.
« L'amour est une chose merveilleuse mais lorsque votre nom de famille est Malfoy, il ne suffit pas toujours. » la mit-elle en garde, l'étudiant de son regard acéré. « Que font vos parents ? »
« Ils sont dentistes. » répondit Granger, un peu sur la défensive.
Narcissa fronça légèrement les sourcils et répéta le mot lentement, peu certaine de ce qu'il signifiait. « Dentistes ? »
« C'est comme un Médicomage mais spécialisé dans les dents. » explicita la jeune fille.
« Quelle idée curieuse… » s'étonna-t-elle. « Mais je suppose que les Moldus doivent pallier le manque de magie… Est-ce une bonne position, dentiste ? »
« Ils ont une situation correcte, si c'est la question. » grinça la lionne, visiblement offensée. Et sur la défensive.
Elle jouait désormais avec sa tasse de thé d'une manière qui trahissait tout de ses sentiments.
Narcissa, elle, ne trahissait rien.
Mais elle ne put s'empêcher d'éprouver une pointe de sympathie. « Draco m'a dit que vous avez choisi d'effacer les souvenirs de vos parents et de les envoyer au loin pour mieux les protéger. »
Granger croisa brutalement son regard, prise de court.
La Sang-Pur perçut une tentative rapide et laborieuse pour mettre en place un bouclier mental alors qu'elle n'avait même pas effleuré son esprit.
« Je ne le regrette pas. » déclara fermement la jeune fille. « Ils sont hors de portée et ils ne savent rien. »
Il y avait une légère accusation là-dessous, comme si elle s'attendait à ce que Narcissa revende l'information plus tard à un Mangemort ou au Seigneur des Ténèbres en échange d'autre chose… Peut-être pouvait-elle apprendre, après tout.
« En tant que mère, je ne peux que me mettre à la place de la vôtre et désapprouver. » commenta-t-elle. Granger ouvrit la bouche mais Narcissa leva la main, la faisant taire de la simple autorité qui émanait du geste. C'était ceci que la jeune fille devait apprendre : à agir comme si elle était la personne la plus influente de la pièce. Parce que Lady Malfoy l'était souvent. « En tant que Lady Malfoy, en revanche, je ne peux qu'approuver. La famille doit passer avant tout. S'il faut faire des choix difficiles pour la protéger… Que vous en soyez capable est ce qui m'a décidée à approuver cette union. Le reste peut s'apprendre. »
Granger ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois, sans sembler savoir quoi dire, puis elle se redressa un peu. « Je suis qui je suis et je ne vais pas changer. »
Narcissa s'autorisa un sourire. « Ne voyez pas ça comme un changement. Voyez ça comme une évolution naturelle. » Son sourire se crispa légèrement. « Et vous devriez cesser de voir ça comme un fardeau… Hermione Granger ne grimpera pas très haut dans les échelons du Ministère avant de heurter un plafond de verre. Hermione Malfoy ? Elle pourrait tout à fait devenir Ministre. »
« C'est exactement le genre de choses que je veux changer. » contra la jeune fille. « Je ne sacrifierai jamais mon intégrité à mon ambition. »
Naïve, si naïve…
C'était presque rafraîchissant .
« Dans ce cas, changez-le de l'intérieur. » riposta-t-elle. « Il vous suffit d'ouvrir les yeux pour comprendre que, ce n'est peut-être pas juste, mais c'est ainsi que tourne le monde… Même dans le gouvernement d'Albus Dumbledore. Regardez qui est au pouvoir, Miss Granger. »
Dumbledore avait une lignée derrière lui.
Severus, par vertu de sa mère, aurait dû être un Prince.
Nymphadora, Sirius… Des Black.
Shacklebolt ? La famille ne remontait peut-être pas aux Moyen Âge mais ne comptait que des sorciers et sorcières depuis plusieurs années et avait des membres dans les familles Sang-Pures plus influentes.
McGonagall ? Situation similaire. La famille avait été diluée par des Sang-Mêlés et des Moldus mais elle remontait loin et avait des alliances à droite à gauche.
Bill Weasley ? L'héritier de deux lignées Sang-Pures.
Restait Lupin qui s'était vu remisé aux pâturages…
Elle observa Granger pendant que la jeune fille parvenait lentement à cette même réalisation. Pas un Né-Moldu.
Personne qui n'était pas lié de près ou de loin à une famille Sang-Pure.
Elle ne prit aucun plaisir particulier à voir la désillusion sur le visage de l'adolescente mais elle était de l'avis qu'il valait mieux affronter la réalité en face.
« En tant que Lady Malfoy, vous pourrez faire beaucoup de choses. » insista Narcissa. « Ce n'est peut-être pas le genre de choses que vous appréciez mais par vertu seule du titre, vous vous retrouverez à la tête de la bonne société magique. À vous de choisir comment vous utiliserez cette influence. »
La jeune fille inclina un peu la tête pour l'observer, son expression entièrement méfiante. « Et je suppose que vous préféreriez que je l'utilise comme vous le voulez, vous. »
« Je préfèrerais que la famille garde certaines de ses traditions. » admit-elle. « Néanmoins, Draco a été clair quant à ses plans pour notre futur. Il souhaite embrasser une politique plus moderne et il est de mon devoir de l'épauler. » Elle frotta son ventre, tentant d'apaiser le bébé qui s'agitait de nouveau. « Il n'y a qu'une seule règle lorsqu'on devient une Malfoy, Miss Granger : la survie de la famille passe avant tout le reste. Est-ce quelque chose que vous pouvez accepter ? Et avant de me répondre, considérez que la famille ne signifie pas simplement nos ancêtres ou même moi, imaginez vos futurs enfants. Imaginez un futur où vous serez responsable non seulement de votre avenir et de celui de votre époux mais également de l'héritage de vos enfants et petits-enfants. »
Granger croisa les bras devant elle, comme pour se protéger. « J'ai seize ans. »
« Mon âge lorsque je me suis fiancée à Lucius. » répondit-elle calmement. « Je ne suis pas en train de dire qu'il n'y a rien d'effrayant là-dedans. C'est terrifiant. Et j'avais l'avantage de venir d'une autre grande famille et d'avoir été élevée dans la perspective d'un tel mariage. »
« Draco m'a promis que nous avions le temps. » insista-t-elle.
« Vous avez le temps. » acquiesça Narcissa, en caressant son ventre. « Surtout étant donné que nous n'avons pas besoin d'un héritier dans l'immédiat. Néanmoins, il serait négligeant de ma part de ne pas m'assurer que vous vous engagiez les yeux parfaitement ouverts. » Elle s'adoucit. « Et, au-delà de cela, si vous êtes certaine de votre choix, je pense qu'il serait mieux pour tout le monde que nous apprenions à nous connaître. Et à nous apprécier. »
Ce serait certainement mieux pour Draco de ne pas avoir une mère en guerre avec son épouse.
Et ce serait mieux pour Narcissa d'avoir sa belle-fille dans la poche.
Une mère gagnait rarement contre une épouse sur la durée.
« Je suis certaine que j'aime Draco. » répondit fermement la jeune fille. « Et je suis certaine que je ne veux pas le perdre. »
« Dans ce cas, Hermione, la chose est entendue. » décréta-t-elle, en réfléchissant déjà à toute la subtilité qu'elle allait devoir déployer pour guider l'adolescente sans qu'elle ne proteste trop.
« Vous êtes certaine que vous vous sentez bien ? » insista Granger. « Vous êtes très pâle… »
« Je ferais sans doute mieux d'aller m'allonger. » lui accorda-t-elle, en se levant avec une grimace.
La lionne bondit sur ses pieds et fit le tour de la table pour la soutenir, ce qui était inutile et un peu trop empressé. Si elle avait été n'importe quelle autre jeune fille, Narcissa aurait conclu que c'était une manière de se faire apprécier, mais Granger était honnête, ce qui était parfois irritant. Elle la laissa pourtant l'aider à aller jusqu'à sa chambre.
« Vous voulez que j'appelle Mrs Tonks ? » hésita la jeune fille.
« Inutile. » soupira-t-elle. « S'il y avait un quelconque danger, elle aurait déjà pointé le bout de son nez. Elle me surveille en permanence. »
Après avoir hésité quelques secondes de plus, l'adolescente se retira.
Était-ce elle qui avait alerté Andromeda ou les sortilèges ? Quelques minutes plus tard, la Médicomage poussa la porte de sa chambre et lui jeta un regard sévère.
« Ne t'ai-je pas dit de te reposer ? » la gronda sa grande sœur.
« Nous allons très bien. » contra-t-elle, en caressant son ventre.
Andy secoua la tête et jeta plusieurs sorts de diagnostic. « Je devrais te ramener à l'infirmerie. »
« Il faudra me passer sur le corps d'abord. » grinça-t-elle.
Ce n'était pas ce que sa sœur voulait entendre. « Continue comme ça et tu n'iras pas à terme. Et ce s'il n'y a pas d'autres complications, d'abord. Je t'interdis de quitter le lit pour autre chose que d'utiliser la salle de bain. »
Narcissa ouvrit la bouche pour protester mais Andromeda leva la main avec la même autorité qu'elle avait mis dans le geste plus tôt. Narcissa se tut.
Black un jour, Black toujours.
« Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour le bébé. » lâcha Andy. « Et je te préviens, encore une alerte de ce genre et je t'emprisonne à l'infirmerie jusqu'à l'accouchement. »
Narcissa grommela mais laissa sa sœur l'aider à échanger sa robe pour une chemise de nuit.
« Je ne suis pas infirme. » protesta-t-elle.
« Non, tu es enceinte. » rétorqua Andromeda. « Et ça veut dire qu'il faut savoir lever le pied. Kreattur ! »
Le vieil elfe apparut dans un craquement et s'inclina. « Maîtresse Andy a besoin de Kreattur ? »
« Cissy n'a plus de le droit de quitter ce lit, mis à part pour la salle de bain. Je veux que tu gardes un œil sur elle et que tu viennes me chercher si elle me désobéit. » ordonna-t-elle. L'elfe tiqua, probablement parce qu'il préférait Narcissa. « C'est pour son bien et celui du bébé, Kreattur. »
« Oui, Maîtresse. » répondit finalement Kreattur, en inclinant la tête. « Kreattur peut apporter quelque chose à Maîtresse Cissy ? »
« Un livre, puisque me voilà prisonnière. » soupira-t-elle, avec théâtralité. « Et pas un mot à Draco. Je ne veux pas l'inquiéter. »
« C'est pour toi que tu ferais mieux de t'inquiéter. » marmonna Andromeda, en la bordant comme si elle était encore une enfant.
Malgré tout, elle se prit à sourire.
Sa sœur et son cousin l'agaçaient souvent mais… C'était bon de les avoir retrouvés.
°O°O°O°O°
« Tu sais, le concept c'est de t'exprimer de temps en temps. » commenta Draco, non sans sarcasme, alors qu'ils rangeaient le matériel après le groupe de parole – où le Serpentard avait traîné Harry sans trop lui laisser le choix, une fois que Sirius avait été libéré de l'infirmerie.
« Ted a dit que je n'étais pas obligé de parler. » marmonna-t-il, les joues un peu rougies. Cela avait été suffisamment pénible de faire face aux regards curieux des autres élèves. Heureusement, ils avaient tous poliment fait comme il n'avait pas été un tigre pendant un bon moment.
« Ted ne veut pas te faire fuir. » rétorqua le Sang-Pur, en refermant le placard où allaient cisailles et gants.
« Ted sait peut-être ce qu'il fait. » remarqua une voix derrière eux, les faisant sursauter. Ils se tournèrent tous les deux pour faire face au sorcier en question qui avait l'air plus amusé que contrarié qu'ils parlent de lui dans son dos. « Je vais finir. Allez donc profiter du beau temps. »
La serre était chaude et humide et Harry avait hâte d'en sortir, pas forcément pour flâner dehors où il y avait toujours trop de curieux à son goût mais la fraîcheur des cachots l'appelait. Draco non plus ne se fit pas prier pour se sauver. Il fallait dire qu'après la nuit qu'ils avaient eue…
Le Sang-Pur enfonça les mains dans les poches de son pantalon dès qu'ils eurent émergé à l'air libre et inclina un peu la tête en arrière pour profiter de la légère brise. Harry manqua se moquer de ses cheveux qui avaient un peu frisottés dans l'humidité puis y renonça. L'autre garçon avait été plus que correct avec lui depuis la veille.
« C'est le jour idéal pour une partie de Quidditch. » dit-il, juste pour faire la conversation.
Une lueur intéressée s'alluma dans le regard gris mais s'éteignit aussitôt. « Le stade est très loin du château, Mère n'est pas exactement favorable à cette idée. »
« Oui, Severus non plus. » soupira-t-il. Il étudia le profil de l'autre adolescent alors qu'ils se mettaient en route sans trop savoir vers où. Harry avait vaguement dans l'idée d'utiliser un des raccourcis par les escaliers extérieurs pour rejoindre le château sans avoir à passer devant une masse de curieux. « Ce n'est pas trop bizarre de te retrouver à la tête d'un domaine mais de toujours devoir obéir à ta mère ? »
Draco émit un bruit qui n'était pas tout à fait amusé. « Père m'a dit un jour qu'un homme devait obéir à sa mère jusqu'à la fin de sa vie. C'est leur privilège pour nous avoir mis au monde. » Une expression de chagrin profond passa sur son visage mais fut rapidement dissimulée derrière un air plus nonchalant. « Je crois surtout qu'il voulait vraiment que je cesse de terroriser mon tuteur et fasse un effort en arithmétique. »
Le chagrin de Draco prit Harry à la gorge parce que c'était un peu le sien. Pas par rapport à Lucius, encore qu'il se sentait toujours coupable de ce qu'il s'était passé, mais parce qu'il se reconnaissait dans la douleur du Serpentard. Il aurait aimé un monde où James l'aurait grondé pour avoir désobéi à Lily, où le plus gros souci de son enfance aurait été les maths…
« Peut-être qu'on pourrait organiser une partie plus près du château. » suggéra-t-il.
« Je doute que les Aurors soient ravis par l'idée. » contra Draco. « Bien que, je te l'accorde, avoir le second du Bureau comme cousine et belle-mère devrait sans doute aider un peu… »
Harry grimaça. « Ce n'est pas vraiment ma belle-mère. » Le Sang-Pur leva un sourcil lourd de sens et il leva les yeux au ciel. « D'accord, je suppose que techniquement… Mais il n'y a rien d'officiel. »
« Vraiment ? » demanda Draco, visiblement étonné. « Je m'attendais au moins à ce qu'il l'ait demandé en mariage, à ce stade. Ça devient scandaleux. Et la branche a beau être… noueuse, elle reste une Black. » Il plissa les lèvres. « Si c'était une Malfoy, j'en aurais déjà touché deux mots à Snape en tant que Chef de famille. Peut-être que Sirius… »
« Peut-être que ce serait mieux si personne ne s'en mêle. » le coupa-t-il.
Le Serpentard rongea son frein quelques secondes puis soupira. « Je suppose que la guerre peut servir de circonstances atténuantes. » Il l'étudia sans avoir l'air. « Tu ne sais pas s'il a des projets d'avenir ? »
Harry haussa les épaules. « Ce ne sont pas mes affaires ce qu'ils comptent faire. Ils sont heureux, c'est tout ce qui importe. »
Et… Il aimait bien le statu quo actuel.
S'il avait un peu craint ce qui se passerait lorsque Dora se grefferait plus étroitement à leur duo, il avait été rassuré dès les premiers jours de cohabitation. C'était naturel. Et il appréciait que la jeune femme soit présente et ait toujours au moins une attention ou une parole pour lui. Ils ne lui donnaient jamais l'impression d'être la troisième roue du carrosse, ils faisaient toujours un effort pour l'inclure.
Leur famille était peut-être atypique mais elle pouvait fonctionner, il le savait.
Draco lui donna soudain un coup de coude un peu brutal dans les côtes. « Parlant de projets d'avenir… »
Harry suivit son regard jusqu'à un arbre, un peu en contrebas du chemin, au pied duquel une chevelure rousse caractéristique accrochait le soleil. Ginny était assise avec Astoria. Elles leur tournaient le dos, il aurait été facile de continuer à marcher vite et sans se retourner.
« Tu lui as déjà parlé ? » insista pourtant Draco, l'air un peu plus sévère. « Parce que, sur injonction de Granger, je n'ai rien dit à Ron mais je me sens forcé d'intervenir, Potter. Si c'était ma sœur… »
« Mais ce n'est pas ta sœur. » grinça-t-il.
Le Sang-Pur n'eut pas l'air très impressionné. « Non, mais comment penses-tu que Ron va réagir lorsqu'il l'apprendra ? Ne vaudrait-il pas mieux faire les choses proprement ? »
Harry passa nerveusement son poids du corps d'un pied sur l'autre, croisant les bras devant lui. « Je ne sais pas quoi lui dire. »
Draco le regarda avec une grimace compatissante. « Eh bien, d'expérience, je ne pense pas que tu auras l'occasion de dire grand-chose. Elle va hurler, pleurer un peu, sans doute, et te dire que c'est terminé. À moins que tu ne veuilles tenter de la reconquérir… »
« Je l'aime beaucoup. » avoua-t-il, dans un murmure. « Je l'aime, tout court. »
Les moments volés avec elle… Ça avait été ses meilleurs moments des derniers mois. Il avait été si heureux, perdu dans ses baisers, qu'il aurait pu voler sans balai. Mais il avait toujours su que c'était égoïste, que c'était une parenthèse, que…
« Dans ce cas, je recommande fleurs et chocolats. » soupira le Serpentard. « Et beaucoup de diplomatie. »
Harry secoua la tête. « Je l'ai laissée tomber quand elle avait besoin de moi. Et… Je ne peux pas promettre de faire mieux à l'avenir. Je ne peux même pas lui promettre de survivre plus de quelques mois. Elle mérite mieux. »
Draco le dévisageait, indéchiffrable, mais Harry lui en fut reconnaissant lorsqu'il mit juste la bonne dose de moquerie dans sa voix pour alléger le moment. « Les Gryffondors… Il faut toujours que vous soyez stupidement nobles… » Il lui donna une petite bourrade vers la légère pente. « Et courageux. Va mettre les choses au clair. »
C'était la dernière chose qu'il avait envie de faire.
Rien que d'y penser, sa gorge se nouait, ses mains se mettaient à trembler et il avait la nausée.
« Tu ne diras rien à Ron, hein ? » demanda-t-il, avec angoisse.
« Non. » promit le Serpentard. « Bien que je n'aime pas lui mentir et cela a intérêt à ne pas me retomber dessus lorsqu'il le découvrira. Toutefois, si je peux me permettre, tu devrais le lui dire avant qu'il ne le découvre par lui-même. Et ce n'est probablement pas la seule chose que tu devrais lui dire. »
Harry secoua la tête. « Je ne peux pas le perdre. »
« Il en faudrait plus que cela pour te coûter sa loyauté. » rétorqua Draco, un peu irrité. « Et ce n'est pas très flatteur pour lui que tu ne t'en rendes pas compte. »
Il poursuivit le long du chemin sans autre forme de procès, laissant Harry libre de choisir s'il voulait descendre la légère pente ou se sauver.
Gryffondor, se remémora-t-il pendant de longues minutes, en tâchant de contrôler sa panique – et son envie de se fondre dans sa peau de tigre pour mieux s'enfuir.
Les deux quatrième année discutaient d'une Phoebe qu'Harry ne connaissait pas mais qu'il pensait être la sœur aînée de Daphné et Astoria… Il se racla la gorge, une fois qu'il fut plus près, ne voulant pas les alarmer.
Peine perdue.
Elles pivotèrent toutes les deux en passant sur leurs pieds, baguette au poing.
Harry leva les mains mais son regard accrocha celui de Ginny. Il détesta la surprise et la douleur qu'il y lisait.
Astoria fut la première à ranger sa baguette. La jeune fille hésita…
« Je devrais te jeter un maléfice. » lâcha Ginny.
« Ce serait plus que mérité. » approuva-t-il.
La rousse émit un bruit amèrement amusé mais rangea finalement sa baguette. « Qu'est-ce que tu veux ? »
Il grimaça, un peu gêné par la présence d'Astoria qui ne semblait pas vouloir partir. « Discuter ? »
« Maintenant il veut discuter. » se moqua-t-elle pour son amie, avec une colère rentrée qu'elle faisait visiblement un effort pour maîtriser. Elle secoua la tête, envoyant voler ses cheveux longs lâchés. « On se retrouve chez toi ? Je ne pense pas que ça prendra longtemps. »
Harry grimaça d'autant plus et enfonça les mains dans les poches pour mieux cacher leur tremblement. L'appréhension lui tordait le ventre. Il ne voulait pas de conflit. Il ne voulait pas de…
« On marche ? » suggéra Ginny, un peu sèchement, une fois qu'Astoria eut remonté la pente vers le chemin.
Lui et la cadette des Weasley s'enfoncèrent donc entre les arbres sans but précis, dans la vague direction de la Cabane d'Hagrid. Harry savait qu'il aurait dû jeter un Assurdiato mais il ne voulait pas exposer ses mains tremblantes.
Ils marchèrent en silence pendant un moment.
« Pour quelqu'un qui voulait discuter, tu n'es pas très bavard. » commenta-t-elle, toujours avec cette même colère rentrée.
Harry aurait presque préféré qu'elle hurle.
« Je suis désolé. » offrit-il, parce que, au final, c'était tout ce qu'il pouvait dire et c'était la vérité. « Je n'ai pas été là pour toi. »
« Tu n'as pas été là pour grand monde. » rétorqua-t-elle. « Moi, Ron, Hermione… » Elle fit visiblement un effort pour s'arrêter là. « Je sais que c'était un moment difficile pour toi après la bataille. Je sais que Snape était présumé mort. Mais mon frère était mort, lui, pas juste présumé. Et tu le connaissais. Ça ne t'aurait pas tué d'au moins dire un mot de réconfort à ma mère. » Elle attacha ses cheveux en queue de cheval à la va-vite, avec des gestes brusques. « Je sais que tu t'es trouvé une famille et je suis contente pour toi, vraiment, mais on t'a accueilli les premiers et que tu nous tournes le dos quand on a besoin de toi, c'est un peu ingrat. »
Il accusa le coup, saisissant l'excuse d'un tronc d'arbre pour s'éloigner un peu d'elle.
« Ce n'était pas ça… » se défendit-il.
« Non ? » se moqua-t-elle. « Alors c'est peut-être le fait que tu es parti en solo pour ce qui était carrément une mission suicide sans même une pensée pour nous ? Pour moi ? »
Il baissa les yeux, un peu fatigué de devoir se défendre sur ce point là. « C'est mon père, Gin, et ils allaient le laisser mourir. Dis moi que tu n'aurais pas fait la même chose pour ta mère ou n'importe lequel de tes frères et je ne te croirais pas. »
« Dis moi que tu ne serais pas venu avec moi si j'avais fait la même chose. » riposta-t-elle. « Ce n'est pas que tu sois parti le sauver qui m'énerve, c'est que tu l'aies fait seul. »
« C'était trop dangereux. » contra-t-il.
« Trop dangereux pour nous mais pas pour toi ? » siffla-t-elle.
La Cabane d'Hagrid se dessinait entre les arbres. Il y eut un aboiement, puis une masse noire fusa vers eux… Harry s'accroupit pour caresser Crockdur, heureux d'avoir une excuse pour ne pas la regarder en face.
« Je t'ai dit que mon espérance de vie n'était pas très élevée. » tenta-t-il de plaisanter.
« Et moi je t'ai dit que c'était stupide. » grinça-t-elle. « Et après que tu l'aies sauvé ? Tu n'as pas trouvé cinq minutes pour… » Elle s'interrompit, prit une profonde inspiration. « Écoute, je ne veux pas passer pour une fille hystérique qui se fâche après son petit-ami mais, Harry… Ce n'est pas comme ça que ça marche, une relation amoureuse. Je veux bien comprendre que je ne peux pas passer avant tout le reste mais là… »
Crockdur semblait sentir sa détresse et poussait de petits gémissements tout en lui tapant l'épaule de la tête, laissant des coulées de bave sur son tee-shirt. Harry continua de fixer le chien plutôt que de tourner la tête vers elle.
« Je sais. Je suis désolé. » offrit-il, une nouvelle fois.
Elle ne répondit pas pendant très longtemps, si longtemps qu'il aurait craint qu'elle ne soit partie s'il n'avait pas vu ses chaussures du coin de l'œil. Crockdur s'était lassé de lui et se dégagea de ses caresses pour trotter jusqu'à elle, quémandant son attention. Elle la lui accorda bien volontiers et ce fut son tour de ne pas pouvoir le regarder en face.
« Je crois que c'est mieux si on reste amis. » déclara-t-elle. « Tu sais que j'ai des sentiments pour toi mais je ne veux pas me retrouver le cœur brisé. Tu m'as fait mal. Peut-être que tu ne l'as pas fait exprès, mais tu m'as fait du mal. »
« Je suis désolé. » répéta-t-il.
Elle haussa les épaules. « Je m'en remettrai mais je ne suis pas prête à répéter l'expérience. Et on sait tous les deux que tant que Tu-sais-qui sera dans les parages, tu ne seras pas vraiment libre. » Elle donna une derrière caresse à Crockdur puis se redressa et avec un courage tout Gryffondor, planta son regard dans le sien. « Amis ? »
Elle ne souriait pas et ses yeux étaient durs mais c'était déjà plus qu'Harry aurait pu en demander, supposait-il.
« Amis. » acquiesça-t-il, un peu tristement.
Ils hochèrent la tête et le moment devint gênant.
Parce qu'ils n'étaient plus amis et que le redevenir allait impliquer un effort qui…
« J'ai des sentiments pour toi, moi aussi. » avoua-t-il, avant d'avoir pu y réfléchir de trop ou de le regretter. « Plus que je n'en ai jamais eu pour une autre fille. C'était… C'était vrai, tout ce que je t'ai dit, tout ce qui s'est passé entre nous… C'était sincère. Et je ne regrette pas. Je regrette juste d'avoir été stupide. »
Ginny se força à sourire mais ça ressemblait plus à une grimace. « Peut-être que ce n'était pas le bon moment. Peut-être un jour. »
Il n'y aurait pas de un jour pour lui mais que pouvait-il faire d'autre que d'approuver tristement ?
C'était suffisamment gênant et triste comme ça.
°O°O°O°O°
Draco ruminait la stupidité de Potter pour tromper ses propres craintes, peu certain qu'il n'y aurait pas eu d'effusions de sang entre sa mère et sa petite-amie, lorsque des éclats de rire vers le lac attirèrent son attention - parce qu'ils étaient plus moqueurs qu'autre chose et qu'ils n'appartenaient pas qu'à des adolescents. Il repéra le groupe, repéra aussi ce qui les amusait autant…
Et son sang ne fit qu'un tour.
Il bifurqua du chemin, descendant vers le lac à grandes enjambées et jetant des regards noirs aux curieux qui s'esclaffaient comme autant d'idiots…
Il était facilement identifiable et souvent identifié. Il ressemblait trop à Lucius pour que les gens s'y trompent et l'autorité de Lord Malfoy avait encore un certain poids. Les abrutis se dispersèrent rapidement devant sa colère qu'il tâcha de faire disparaître avant d'atteindre la jeune fille qui dansait sur la rive du lac, suivant une musique qu'elle seule pouvait entendre. Il ne savait pas ce qui les avait le plus amusés : ses gestes bizarres, la cape d'épines de pin qu'elle s'était fabriquée ou le chapeau de sorcière décoré d'un mélange d'algues, de champignons et de fleurs sauvages.
Il attendit à quelques pas d'elle qu'elle le remarque, attendit plus longtemps encore qu'elle ait terminé son drôle de manège…
Au bout de quelques minutes, Luna se tourna vers lui avec un sourire qui n'atteignit pas ses grands yeux bleus. « Bonjour, Draco. J'accueillais l'été. »
« J'ai vu. » offrit-il, jetant un coup d'œil par-dessus son épaule pour vérifier que personne ne s'était attardé pour l'embêter.
Elle dut suivre son raisonnement parce qu'elle haussa les épaules et dégrafa sa cape d'épines de pin pour la laisser tomber au sol. « Je leur ai proposé de participer mais ils préféraient regarder. Ce n'est pas très étonnant… Peu de personnes se souviennent encore des anciens rituels. Il faut être initié. »
Elle s'assit sur un coin de la cape et lui désigna l'autre bout avec juste assez d'hésitation pour que lui n'en montre aucune lorsqu'il s'installa. À chaque fois qu'il avait croisé Luna récemment, elle avait été seule.
« Néophytes. » commenta-t-il, juste pour ne pas la froisser.
Il l'observa ôter son chapeau et le poser au sol, observa la manière dont elle s'assit le dos légèrement courbé, les jambes repliées contre sa poitrine entourées par ses bras, dont son regard se perdit vers la surface du lac…
« Tu n'es pas avec Astoria et Ginny ? » demanda-t-il.
Elle haussa les épaules. « Elles ont besoin de parler de leur frère et de leur sœur. Elles m'ont proposé de les accompagner mais je vois bien qu'elles ont besoin d'être seules. »
Draco fronça les sourcils. « Ce n'est pas une raison pour rester toute seule, tu sais. »
« J'ai des nuages pleins la tête. » soupira-t-elle. « Je ne suis pas de très bonne compagnie. »
« Quel genre de nuages ? » insista-t-il.
Elle tourna la tête vers lui, l'étudia quelques secondes de son regard trop perçant puis se déplia juste assez pour tirer un magazine de l'intérieur de ses robes de sorcière et le lui tendre, avant de se recroqueviller à nouveau.
« Il sortira demain. » précisa-t-elle.
C'était un exemplaire du Chicaneur.
Et la Une clamait que l'article principal était la véritable histoire de Lord Voldemort – ou Tom Elvis Jedusor, plutôt. Même en temps normal, la chose aurait été suicidaire mais avec le tabou…
« Luna… » hésita-t-il, peu certain de comment lui dire que c'était probablement la pire idée que son père ait jamais eue.
« Je sais. » soupira-t-elle. « J'ai supplié Papa d'au moins se réfugier à Poudlard mais il refuse. Il dit que la presse libre doit subsister. »
C'était stupide.
« En as-tu parlé à McGonagall ? » s'enquit-il. « Il nous faut atteindre Dumbledore, le prévenir… Il lui fera entendre raison, c'est… »
« Et où crois-tu qu'il a mené l'enquête ? » le coupa-t-elle, avec beaucoup plus d'amertume que nécessaire. « Le Professeur Dumbledore a dit qu'il était le bienvenu avec sa presse mais il ne peut pas le forcer et Papa a besoin de solitude pour travailler. »
« Luna. » répéta-t-il, avec un très mauvais pressentiment. « Ils savent où vous habitez. Ce… »
« Papa a jeté un Fidelitas. » l'interrompit-elle, à nouveau, en appuyant le menton sur ses genoux. « Il pense que ça suffira. »
C'était soit extrêmement optimiste, soit carrément inconscient.
Draco plaça une main sur l'épaule de la jeune fille, détestant l'inquiétude qui la hantait visiblement – et à raison. « Veux-tu que j'essaye de lui parler ? Nous pourrions… Nous pourrions déplacer la presse sur le domaine Malfoy. Personne ne l'y chercherait et il y serait davantage en sécurité. »
Elle lui sourit mais c'était triste. « Papa est plus têtu qu'un Ronflak Cornu et il aime ses habitudes. Il ne bougera pas. » Elle s'efforça d'avoir l'air un peu moins accablé. « Mais tout se passera bien. Il a promis. J'aurais moins de nuages dans la tête si je dormais mieux… Je vais demander de la tisane aux elfes. Il y en a un très gentil aux cuisines qui collectionne les chaussettes… »
Comme toujours avec Luna, il fallait faire le tri des informations inutiles. « Tu ne dors pas bien ? » Puis il lui vint à l'esprit que tous les élèves étaient regroupés avec leurs familles ou des proches. « Attends, avec qui est-ce que tu vis ? » Pas les Greengrass qui étaient en deuil et pas les Weasley non plus. Luna n'avait pas tant d'autres amis proches qui auraient pu l'accueillir et pas d'autre famille non plus. « Londubat ? »
Elle secoua la tête. Les navets qu'elle portait en boucles d'oreilles tressautèrent un peu. « Non. Neville a demandé à sa grand-mère mais elle ne trouvait pas ça très approprié sauf si je voulais aller dans leur manoir. » Elle plissa un peu le nez. « J'aimerais bien visiter leur manoir, il doit y avoir tout un tas de plantes et d'animaux rares… Mais je ne veux pas y rester toute seule. »
Ce qui était bien compréhensible.
« Où est-ce que tu vis, alors ? » pressa-t-il.
« Dans les dortoirs des Serdaigles. » répondit-elle, comme si c'était l'évidence. « C'est très silencieux maintenant. Il ne reste plus que moi et deux des garçons de septième année. Ahmed travaille à l'infirmerie avec Madame Pomfresh alors je ne le vois pas beaucoup mais il essaye de passer cinq minutes avec moi, tous les jours. C'est gentil de sa part, tu ne trouves pas ? Darius est dans le groupe de volontaires. Je le croise davantage mais il ne m'adresse jamais la parole. »
Draco sentit une veine se mettre à battre sur sa tempe. « Tu vis seule avec deux garçons de dix-huit ans que tu ne connais même pas ? McGonagall est au courant de ça ? »
Luna cligna des yeux plusieurs fois, comme si elle ne s'était jamais posée la question. « Je suppose. Ce n'est pas bien différent que pendant les vacances, tu sais. Ils ne peuvent pas accéder aux dortoirs des filles. »
Mais ils avaient accès à la salle commune et il n'y avait plus Flitwick pour vérifier que tout se passait bien et qu'il n'y avait pas de débordements.
Et l'idée qu'il puisse arriver quoi que ce soit à Luna… Il aurait dû s'inquiéter d'elle avant. Il aurait dû y penser.
« Tu ne vas pas rester là-bas. » décréta-t-il. « Kreattur. »
L'elfe apparut au bout de quelques secondes de plus que d'habitude et s'inclina bas. « Maître Draco ? »
« Peut-on rajouter une chambre dans les appartements de Sirius ? » s'enquit-il. Ce n'était pas tant une question qu'un ordre, cependant, et l'elfe ne s'y trompa pas.
Il tira sur une de ses oreilles, embêté. « Kreattur n'est pas certain, Maître Draco. Le château est déjà très étiré… » Draco leva un sourcil et l'elfe soupira. « Kreattur va faire son possible mais la chambre ne sera peut-être pas très grande. »
« Merci, Kreattur. Lorsque ce sera fait, transportes-y les affaires de Miss Lovegood, s'il te plaît. » ordonna-t-il.
Luna était restée silencieuse mais, à ça, elle hésita. « Je peux rester dans le dortoir, tu sais… »
« Ne t'ai-je pas promis il y a longtemps que tu étais sous ma protection ? » rétorqua-t-il, en se relevant et en lui tendant la main. Elle la prit et le laissa la tirer sur ses pieds. « Je te l'aurais proposé avant, si j'avais su. »
Il s'attendait un peu à ce qu'elle se jette dans ses bras parce qu'elle avait l'affection facile et un peu naïve. Il la serra contre lui et se promit d'avoir un mot ou deux avec Londubat. Il n'aurait jamais dû la laisser vivre seule chez les Serdaigles.
« Je suis heureuse que tu sois mon ami, tu sais. » murmura-t-elle.
« Il y aura toujours une place pour toi sous mon toit. » jura-t-il.
Il avait une affection particulière pour elle, une qui ne s'expliquait pas. Sa fragilité, sa naïveté le touchaient. Surtout qu'elles s'accompagnaient d'une profondeur d'âme qui aurait émerveillé n'importe qui se donnant la peine de regarder.
Elle était atypique, oui.
Mais c'était ce qui la rendait unique.
Et elle ne méritait pas qu'on l'oublie au fin fond d'un dortoir.
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Severus était frustré par les rapports qu'un Auror lui avait apportés. Celui de Lupin était dans le tas, griffonné à la hâte, trop laconique et sans rien de bien intéressant. Au moins confirmait-il que la meute de Greyback était toujours au même endroit mais, de toute manière, ils ne s'attendaient pas à ce qu'elle se déplace avant la tombée de la nuit.
Nymphadora était coincée dans une série de briefings avec ses chefs d'équipes et Shacklebolt pour peaufiner leurs techniques de combats contre les loups-garous, les Aurors étaient dans la Salle sur Demande en train de tester des scénarios d'entraînement…
Sirius se chargera bien du babysitting, ce soir.
Les mots apparurent sur le carnet noir ouvert devant lui, bloqué dans cette position par un encrier pour plus de commodité. Malgré ses propres mises en garde à propos des informations sensibles qui ne devaient pas transiter par là, il lui avait lui-même fait passer des messages à propos de la guerre par ce biais, toute la journée, par allusions plus ou moins subtiles. C'était beaucoup plus rapide que d'envoyer un mémo ou de dépêcher un elfe de maison.
Une autre phrase apparut lentement.
Je ne veux pas qu'il y aille seul. Je lui transfère Nyssa.
La vampire était préposée à la sécurité du périmètre la nuit, ce qui créerait un conflit dans les compositions des patrouilles. Pourtant, Severus comprenait son raisonnement et n'était pas loin d'approuver. Sirius n'était pas en pleine forme et bien que le bout de lande où ils comptaient envoyer Flemmings et les gamins soit à côté du château et sous une tonne d'enchantements visant à empêcher quiconque de pénétrer ou de quitter la zone, la prudence semblait de mise.
Il attrapa son stylo et s'appliqua à former des lettres lisibles.
Je m'occupe de la remplacer.
Ils ne manquaient pas de membres de l'Ordre capables d'assurer la sécurité du domaine. Certes il faudrait au moins trois personnes pour compenser l'absence de Nyssandra mais cela n'était pas insurmontable. Il pouvait lui-même assurer une partie de la patrouille… Sirius et Bill seraient déployés mais il pouvait se reposer sur Minerva et Molly… Peut-être même sur Ted Tonks s'il y consentait…
Les coups à la porte de son bureau lui firent lever la tête et ravaler un soupir. Quoi encore ?
« Entrez ! » aboya-t-il.
La porte s'ouvrit sur un Harry à l'air dépité qui traîna les pieds jusqu'à la chaise en face de son bureau et s'y laissa tomber avec toute l'élégance d'un adolescent désespéré.
« Qu'y-a-t-il ? » s'alarma-t-il.
Harry poussa un long soupir et laissa tomber la tête en arrière pour contempler le plafond. « J'ai tout gâché avec Ginny. »
La déclaration était si incongrue, si banale qu'il fallut plusieurs secondes à Severus pour comprendre ce qu'il insinuait et en ressentir un soulagement si profond qu'il masqua son trouble en laissant courir son stylo sur le carnet.
Si seulement tes Aurors étaient capables d'empêcher un adolescent de s'infiltrer régulièrement dans ce qui nous sert de Ministère…
Sa réunion ne devait pas être bien passionnante ou bien Shacklebolt devait monopoliser la parole parce que la réponse fut pratiquement immédiate, chaque mot apparaissant plus rapidement que le dernier, les lettres un peu plus penchées comme si elle était agacée.
Si seulement je n'avais pas donné d'ordres pour qu'on laisse passer un certain adolescent sans lui poser de questions au cas où il aurait besoin de toi ou de moi…
Il relut la phrase plusieurs fois.
Ah.
Il n'avait pas pensé à cette éventualité qui, tout d'un coup, paraissait beaucoup plus sensée.
Il passa le pouce sur les trois derniers mots.
Ou de moi…
Harry se serait-il spontanément tourné vers elle si lui n'avait pas été libre ? Son deuxième choix n'aurait-il pas été Sirius ? Il ressentait une pointe d'irritation à l'idée qu'elle se substitue aussi facilement à lui mais d'un autre côté… Il aurait été logique que le garçon se réfère à elle s'il n'était pas disponible, elle passait tout son temps chez eux et c'était sans doute l'adulte qu'il voyait le plus en dehors de lui, son parrain compris, donc…
« Ce n'est sans doute pas aussi terrible que tu le penses. » répondit-il finalement, après s'être raclé la gorge. Ce genre de discussions n'était pas exactement son fort.
Harry se redressa suffisamment longtemps pour lui jeter un regard incrédule. « Je l'ai ignorée quand elle avait besoin de moi, je l'ai fuie comme la peste… Elle a rompu avec moi et je ne peux même pas lui donner tort mais tu trouves que ce n'est pas si terrible ? »
Le garçon laissa échapper un bruit à mi-chemin entre le grognement et le soupir et laissa retomber à nouveau la tête en arrière.
Severus le dévisagea, interdit. « Rompu avec toi ? Vous étiez donc… »
Harry se tendit tout d'un coup, comme souvent lorsqu'il se rendait compte qu'il avait laissé échapper une information potentiellement incriminante, et s'assit un peu plus correctement, en grimaçant. « Tu ne savais pas ? »
« Et comment l'aurais-je su ? Tu ne m'en as pas informé, que je sache. » répondit-il, plus amusé que vexé.
Du moins jusqu'à ce son fils lâche les mots suivant : « Je suppose que Dora peut vraiment garder un secret, alors. »
Instinctivement, Severus retrancha son esprit derrière une couche de boucliers, refusant de trahir le moindre agacement. Ce n'était pas la faute d'Harry.
« Nymphadora était au courant ? » demanda-t-il, d'un ton peut-être un peu trop neutre.
Ou bien, plus probablement, l'adolescent le connaissait trop bien.
Le garçon eut l'air embêté. « Ce n'est pas sa faute. Je lui ai fait promettre de ne rien dire, surtout à toi et Sirius. »
C'était sa faute, contra mentalement Severus, parce qu'elle était l'adulte et que, en conséquence, elle n'aurait pas dû faire ce genre de promesse. Ils avaient établi très tôt que les seuls secrets entre eux devaient être ceux qui ne pouvaient pas être évités hors celui-ci n'était pas essentiel. Pire, il concernait son fils. Elle n'avait aucun droit d'avoir des secrets pour lui si cela concernait Harry.
« Papa, ce n'est vraiment pas si grave que ça… » insista l'adolescent, probablement parce que, Occlumencie ou pas, son visage s'était fermé. « Elle a juste deviné… »
« Et pourquoi ne souhaitais-tu pas m'en parler ? » s'enquit-il, feignant d'être distrait, tout en rassemblant en un tas aléatoire les rapports inutiles qui jonchaient son bureau. Il en profita pour fermer le carnet d'un coup sec.
« Parce que je savais que ça allait être gênant. » soupira Harry. « C'était déjà gênant avec elle, tu sais. Elle m'a fait tout un discours sur le charme contraceptif et… »
L'adolescent s'interrompit brusquement parce que Severus venait de prendre une très mauvaise quinte de toux qui le laissa à bout de souffle, tout rouge, et un peu en panique.
« Elle a… Quoi ? » grinça-t-il, résistant de peu à l'envie de rouvrir le carnet pour lui demander – et en majuscules – ce qui lui était passé par la tête. Puis il se rendit compte qu'il y avait beaucoup plus grave et plus urgent. Il fit un effort pour se reprendre, pour se souvenir qu'il était un sorcier adulte et que ce n'était pas comme s'il n'avait jamais été forcé d'avoir ce genre de conversations gênantes avec des adolescents bourrés d'hormones auparavant. Certes, c'était différent lorsque c'était son adolescent mais… Il se racla la gorge. « Tu… Toi et Miss Weasley avez… »
« Non ! » protesta immédiatement Harry, le visage aussi rouge que le sien. « Non, non… Elle disait ça au cas où. » Le gamin regarda soudain sa montre. « Olala, tu as vu l'heure ? J'ai dit à Hermione que… »
« Reste assis. » ordonna-t-il, alors que le garçon sautait presque sur ses pieds.
Harry hésita, jeta un regard désespéré vers la porte qu'il avait fermée derrière lui, puis se rassit.
Severus compatissait. Voilà la dernière chose qu'il aurait voulu faire aujourd'hui.
« Ce charme, tu l'as appris ? » demanda-t-il, d'un ton aussi neutre que possible.
Le garçon se frotta le visage. « Est-ce qu'on est obligés de… »
« Si tu fréquentes des jeunes filles, oui, Harry nous sommes obligés. » le coupa-t-il.
« Ce n'étaient pas des filles, c'était Ginny. » gémit à moitié l'adolescent. « Ce n'est pas comme si… »
« Le charme, Harry. » répéta-t-il.
Son fils fit la grimace puis soupira. « Dora m'a dit de demander à un adulte de me montrer au lieu d'aller regarder à la bibliothèque pour être sûr à cent pour cent de savoir le jeter. Mais… Je ne voulais pas demander à Sirius et c'était bizarre de demander à Charlie… »
« Eh bien, au moins est-elle de bons conseils. » commenta-t-il, un peu acerbe.
Harry lui jeta un regard inquiet. « Tu n'es pas en colère après elle, hein ? Je lui ai fait jurer de ne rien te dire… »
« Je ne suis pas en colère. » répondit-il. Ce n'était pas tout à fait un mensonge. Il était plus agacé qu'en colère. « Bien. Puisque c'est visiblement le jour des conversations que je ne souhaite pas avoir… Sors ta baguette. »
Son fils s'exécuta avec le même entrain qu'il aurait mis à marcher vers l'échafaud – encore que, Harry étant Harry, il y aurait probablement mis plus d'énergie que ça. Il lui montra le mouvement de baguette et lui enseigna la formule, la lui faisant répéter au moins cinquante fois jusqu'à ce qu'il soit certain que le garçon ait parfaitement intégré le geste et la prononciation.
Ce fut le moment où l'explication devint gênante. « Tu ne dois pas hésiter à le jeter autant de fois que nécessaire. S'il y a… une deuxième fois après la première, par exemple… »
« Papa. » le supplia le gamin.
« Ce n'est pas plus agréable pour moi. » siffla-t-il, avant de se racler la gorge. « Ce n'est pas une mauvaise idée de lancer à nouveau le charme si la chose devait… durer en longueur. Ce n'est pas idiot non plus de le lancer également sur ta partenaire. Ou ton partenaire. Ou… » Il se pinça l'arrête du nez parce qu'il était en train de dire n'importe quoi. « Mieux vaut être certain, voilà ce que j'essaye de dire. » Il garda le regard baissé vers le tas de papiers pour asséner la partie suivante. « Et, bien entendu, il faut diriger le sort vers… les parties anatomiques concernées. Ce qui signifie… »
« J'ai compris. » le coupa Harry, dans ce qui ressemblait fort à un glapissement.
« Même sur une jeune fille ? » insista-t-il.
« Je peux deviner. » rétorqua le garçon, en regardant partout plutôt que vers lui.
« Le bas-ventre. » lâcha-t-il rapidement.
« Severus ! »
C'était définitivement un glapissement, cette fois-ci.
Il l'ignora et poursuivit, retombant sur un discours qu'il avait prononcé plus d'une fois devant des garçons de sa Maison un peu trop actifs. « Bien sûr, il est important de toujours s'assurer que ta partenaire est consentante. »
« Je sais. » gémit Harry. « On est vraiment obligé de… »
« Je me doute que tu le sais. » le coupa-t-il. « Mais il est important d'être certain que… »
« Qu'elle est sur la même longueur d'onde tout du long et qu'elle n'a pas changé d'avis. » l'interrompit l'adolescent, pince-sans-rire. « Dora m'a déjà fait la leçon. Et je croyais que c'était le moment le plus gênant de ma vie. J'avais tort. » Il se couvrit le visage de ses mains. « Je peux m'en aller ? »
Cela aurait été tellement plus simple de dire oui.
« Tu as le droit de changer d'avis aussi. » déclara-t-il, ignorant la question. « Il n'y aucun mal à poser des questions pendant l'acte non plus… »
« Oh mon dieu. » murmura Harry, en se pliant en deux et en se cachant la tête dans les bras. « Où est Tu-sais-qui quand on a besoin de lui… »
Severus poursuivit, imperturbable. « … pour s'assurer que c'est agréable pour tout le monde. » Il prit une profonde inspiration. « Il n'y a aucun mal à attendre, non plus. Je sais que les garçons ressentent une certaine pression de passer à l'acte mais il n'y a aucun mal à attendre d'être prêt. Ou de ne jamais passer à l'acte d'ailleurs. Jamais me semble une excellente option. Il y a moins de chances de mettre accidentellement enceinte qui que ce soit. Je t'en supplie, Harry, si tu ne retiens qu'une seule chose de cette conversation, retiens le charme contraceptif. Je suis trop jeune pour être grand-père. » Le garçon était toujours plié en deux, dans une démonstration théâtrale de détresse qui était loin de ses véritables moments de désespoir. « As-tu des questions ? »
« Est-ce que tu peux me jeter un Oubliette pour effacer cette conversation de ma mémoire ? » marmonna Harry, le son étouffé par ses mains.
Avant que Severus n'ait pu lui faire remarquer que ça n'aurait pas eu grand sens, étant donné qu'ils auraient dû l'avoir à nouveau, la porte de son bureau s'ouvrit, sans que personne n'ait frappé.
« Crois le ou non, apparemment, me voilà avec une autre ado à charge ! »
Sirius entra comme s'il était chez lui – encore que, techniquement, le bureau du Professeur de Défense leur était commun – et vint s'avachir dans l'autre fauteuil libre, avant de sembler se rendre compte de la tension dans la pièce.
« Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi est-ce que vous êtes tous les deux aussi rouges que si on vous avait jeté un maléfice cuisant ? » demanda l'Animagus. « Tout va bien, Harry ? »
« Severus essaye de me tuer de honte. » grommela l'adolescent. « À part ça… »
Sirius quêta son regard et, bien qu'il sache que ce soit un désastre potentiel, Severus soupira. « Nous avons eu une petite discussion sur les choses de la vie. »
« Oh. » lâcha son ancien rival, avant de tapoter le dos d'Harry avec un grand sourire. « Pas de raison d'avoir honte ! Ce genre de choses, ça ne devrait être que du plaisir… » L'adolescent grogna, refusant de lever la tête. Sirius ne sembla pas autrement ému. « Qu'est-ce que Servilus t'a raconté pour te mettre dans cet état ? Severus, qu'est-ce que tu lui as dit pour le traumatiser comme ça ? »
« Juste l'essentiel. » se défendit-il. « Mais si tu penses pouvoir faire mieux… »
« Pitié, non. » intervint Harry, en se redressant, mains devant lui comme pour mieux les garder à distance. « L'essentiel, c'était très bien. Vraiment. Je vais… »
« Je n'aurais pas de mal à faire mieux. » se targua Sirius, dans un rire gras qui alarma un peu Severus. Il n'avait pas tout à fait été sérieux. Et s'il n'appréciait pas d'avoir ce genre de conversations avec Harry, il ne souhaitait pas le décourager tout à fait de venir poser des questions s'il en avait besoin. Mais l'ancien fugitif était lancé. « Harry, l'amour c'est comme le Quidditch. »
La déclaration était si incongrue qu'Harry se redressa pour mieux le dévisager. « J'ai peur de demander mais… Quoi ? »
L'Animagus s'avachit un peu plus dans son fauteuil, la cheville calée sur le genou, jambes écartées comme un chat de gouttière en parade. « Si tu veux que le souaffle passe le but, tu dois d'abord t'occuper des cognards et, surtout, ne pas négliger le vif d'or. »
Harry et Severus l'observèrent pendant une bonne minute, interloqués, avant de se regarder. Il lut dans le regard de son fils toute l'incompréhension qu'il éprouvait.
La métaphore n'était pas tout à fait perdue pour lui mais…
« Es-tu sûr qu'il n'y a que du tabac dans tes cigarettes ? » rétorqua-t-il.
« C'est pourtant clair, non ? » Sirius leva les yeux au ciel mais fit un clin d'œil à Harry, levant les mains pour mieux mimer des courbes au niveau de son torse. « Les cognards. » Il haussa les épaules. « Quant au vif d'or… »
« Je ne veux pas savoir ce qu'est le vif d'or et si tu essayes de le mimer, je te jette un Impardonnable. » l'avertit Severus, avant qu'il ait pu faire autre chose de vulgaire.
« Si tu ne sais pas ce qu'est le vif d'or, je plains Tonks. » ricana Sirius.
Severus lui jeta un regard noir. « Pour ta gouverne, elle est toujours extrêmement satisfaite. »
Il regretta immédiatement cette répartie lorsque son fils grogna et se cacha à nouveau le visage.
« Vous vous souvenez lorsque j'ai dit que je n'étais pas suicidaire ? » lança le garçon. « J'ai changé d'avis. Je veux mourir. » Il y eut un long silence qui poussa l'adolescent à lever la tête. « Je plaisante. On peut passer à autre chose ? »
« Si tu es certain de ne pas avoir de questions… » hésita-t-il. « Je sais que c'est gênant mais… »
« Mais tu ferais mieux de me demander à moi. » le coupa Sirius, en ricanant. « J'ai plus d'expérience. »
« Être un coureur de jupons n'est pas exactement l'exemple que j'aimerais qu'Harry suive. » rétorqua-t-il.
« Ah mais un coureur de jupons sait s'y prendre. » riposta l'Animagus.
« Pour attraper tout un tas de maladies, sans doute. » grinça Severus. « Tes antécédents médicaux étaient très instructifs sur la question. D'ailleurs… » Il reporta son attention sur Harry. « Si tes partenaires sont Moldues, il vaut mieux utiliser des préservatifs. Les maladies sexuellement transmissibles sont rares dans la population magique et facilement traitées mais ce n'est pas le cas chez les Moldus. »
« Et c'est reparti. » grinça le garçon, en laissant tomber la tête en arrière.
« Il faut savoir les mettre, déjà. » hésita Sirius, en se raclant la gorge, soudain moins amusé.
« Je vous jure que je vais sauter par la fenêtre. » menaça Harry. « D'accord, voilà le marché, si jamais je tombe amoureux d'une Moldue, je promets d'en mettre un mais en échange nous ne parlons plus jamais, jamais de s.e.x.e. »
« Très mature. » commenta Severus, amusé qu'il épelle le mot plutôt que de le prononcer.
« On n'est pas obligé d'être amoureux pour coucher avec quelqu'un. » corrigea Sirius mais devant le regard lourd de sens du Maître des Potions, il se racla la gorge. « Mais c'est mieux. C'est beaucoup mieux. »
« Changement de sujet. » exigea Harry, les yeux rivés au plafond.
Severus avait malheureusement un changement de sujet tout trouvé.
Il soupira. « Dumbledore sait tout. »
Les regards des deux autres se posèrent sur lui, alarmé pour l'un, indéchiffrable pour l'autre.
°O°O°O°O°
La porte de Draco était entrouverte, Narcissa frappa deux coups secs puis entra sans attendre de réponse, un peu trop consciente de la présence de Kreattur dans son dos qui la fixait avec un regard lourd de reproches. Heureusement, l'elfe était trop serviable pour faire plus que de lui faire la remarque plus d'une fois.
Ce n'était pas comme si elle désobéissait à Andy, de toute manière. Elle était restée allongée toute la journée et sa sœur avait bien dit qu'elle avait le droit de se lever pour utiliser la salle de bain. Ce n'était qu'un tout petit détour en en revenant.
Son fils était assis en tailleur au milieu de son lit, un épais grimoire poussiéreux ouvert sur la couverture. La manière dont il déposa une liasse de notes, presque trop distraitement, sur les pages pour en dissimuler le contenu ne lui échappa pas.
« Je viens d'apercevoir notre nouvelle invitée. » déclara-t-elle. « Je dois admettre que malgré son sang, je préfère Granger. »
Et elle en était la première surprise mais Granger, au moins, avait la tête sur les épaules.
Une Lovegood…
Le visage de Draco se rembrunit immédiatement. « Je préfèrerais que vous ne fassiez pas ce genre de remarques, Mère. »
« Et je préfèrerais un peu moins d'insolence de ta part. » rétorqua-t-elle, en pénétrant dans la chambre pour venir s'asseoir au bout du lit. Cela éviterait peut-être à Kreattur de mettre ses menaces à exécution et d'aller prévenir Andromeda. « Tu es peut-être le Chef de famille mais je reste ta mère. »
Draco était trop poli pour lever les yeux au ciel mais il était évident que c'était ce qu'il aurait aimé faire en d'autres circonstances.
Elle pinça un peu les lèvres. « Je suis sérieuse, Draco. Je croyais que tu étais déterminé à épouser Hermione, qu'elle était ton grand amour… N'est-ce pas ainsi que tu m'as expliqué les choses ? »
« Ça n'a rien à voir. » se défendit-il, dans un soupir. « Luna… Elle était seule dans les dortoirs avec des garçons de septième année. C'est inacceptable. »
Narcissa ne laissa rien paraître mais tiqua intérieurement. C'était effectivement moins qu'idéal et elle prit note d'en toucher un mot à McGonagall ou Molly Weasley, celle qu'elle verrait en premier. Lovegood n'était peut-être pas la seule dans son cas.
« Son père est en danger. » soupira Draco. « Et elle a besoin… Elle est sous ma protection depuis des mois, Mère. »
« Tu t'es jeté devant un sort de mort pour elle. » remarqua-t-elle, en posant automatiquement une main protectrice sur son ventre. À chaque fois qu'elle y pensait, un gouffre s'ouvrait en elle. Elle avait failli le perdre. Si ce n'avait été pour cette vieille amulette dont ils n'avaient même pas été sûrs du fonctionnement…
« Un réflexe. Très idiot. » admit-il, dans un haussement d'épaules.
« Tu la sauves, tu la places sous ta protection et, à présent, tu l'invites à vivre avec nous… » commenta-t-elle. « Que crois-tu que ta fiancée… »
« Hermione n'est pas jalouse. » coupa-t-il. « Et ce n'est pas du tout comme ça, de toute manière. Écoutez… »
Il lui résuma avec hésitation le choix douteux de Xenophilius Lovegood et elle devait admettre que la seule chose intelligente qu'ait faite l'homme était de laisser sa fille à Poudlard au lieu de la prendre avec lui dans la coquille de noix qui leur servait de maison et qui, Fidelitas ou pas, ne résisterait sans doute pas longtemps aux Mangemorts.
Narcissa resserra distraitement les pans de sa robe de chambre en soie. « Draco, lorsque tu dis qu'elle est sous ta protection… »
« Sous la protection des Malfoy. » corrigea-t-il, doucement mais fermement. « J'ai ce pouvoir maintenant. »
« Certes. » approuva-t-elle. « Toutefois, tu n'es pas majeur. Mettons que nous la plaçons sous la protection des Malfoy, cela signifie qu'elle est sous ma responsabilité. Et s'il arrivait malheur à son père, ils n'ont plus de famille proche… » Narcissa avait depuis longtemps mémorisé tous les arbres généalogiques de toutes les familles Sang-Pures. La généalogie la fascinait – et pas simplement parce que cela se révélait parfois un fabuleux outil de chantage. « Il serait sans doute attendu que nous la recueillons de manière plus permanente. Elle deviendrait ma pupille. »
Or elle n'avait croisé la jeune fille que quelques minutes et cela lui avait suffi pour comprendre qu'elle ne correspondait pas exactement à ce qui serait attendu de la pupille des Malfoy.
« Je sais qu'elle est particulière. » plaida Draco. « Mais… Pourquoi serait-ce si mal d'être un peu spécial ? Elle voit le monde différemment, Mère, mais elle est très intelligente. Elle a une sagesse qui dépasse son âge et… » Il s'arrêta et souffla avec frustration. « Je ne saurais pas expliquer ce qui nous lie, je vous l'avoue, mais j'ai beaucoup d'affection pour elle. J'ai besoin de savoir qu'elle sera en sécurité et son avenir assuré s'il arrivait le pire à son père et puisque j'en ai le pouvoir, je ne vois pas pourquoi je m'en priverais. Et puis… » Il grimaça un peu. « Elle était très jeune quand sa mère est morte, vous savez. Et combien de fois vous ai-je entendu regretter de ne pas avoir eu de fille ? Peut-être… Peut-être pourriez-vous apprendre à vous apprécier ? »
Cette approche sournoise la fit sourire mais c'était un sourire un peu mélancolique.
Son fils fronça les sourcils. « Pourquoi me regardez-vous comme ça ? Je regrette de vous avoir mise au pied du mur… J'admets que je ne pensais pas plus loin que la guerre. Et je suis certain que si vous ne souhaitez pas vous engager, Sirius acceptera de… »
« Oh, tu m'as convaincue. » le détrompa-t-elle, en agitant la main. « Si je te regarde ainsi, c'est parce que je me dis que nous avons réussi quelque chose dans ton éducation et cela me rend fière. »
Et un peu triste.
Parce que c'était pratiquement un adulte qui était assis là et pas l'adolescent qu'il aurait dû avoir le droit d'être.
Elle déposa un baiser sur son front puis se retira, ignorant toujours Kreattur qui l'attendait devant la porte. Lorsqu'elle se dirigea vers la nouvelle pièce au lieu de vers sa chambre l'elfe croassa avec réprobation « Maîtresse… ».
« Que je sois assise sur un lit ou sur un autre ne fait pas grande différence, Kreattur. » lâcha-t-elle.
Luna avait laissé la porte ouverte et était visiblement en train de s'installer. Agenouillée devant sa malle, elle sortait des piles de vêtements pliés… Elle leva la tête en sentant sa présence sur le seuil et lui sourit comme on lui souriait rarement aussi spontanément.
Lady Narcissa Malfoy n'invitait pas exactement à ce genre de réaction.
« Avez-vous tout ce qu'il vous faut ? » s'enquit-elle, étudiant d'un œil critique les boucles d'oreilles taillées à même des navets ainsi que les épines de pin qui parsemaient ses cheveux emmêlés.
« Oui, merci. » répondit la petite. « Monsieur Kreattur est très serviable. »
Dans le couloir, hors de vue, il y eut un marmonnement gêné de la part de l'elfe de maison en question.
D'un coup, l'ampleur de la tâche qui l'attendait lui écrasa les épaules. Bientôt, elle aurait un bébé à élever seule et, en plus de cela, il allait lui falloir éduquer deux jeunes filles pour en faire des jeunes femmes respectables. Elle espérait fortement que Xenophilius Lovegood ne serait pas assez stupide pour se faire assassiner mais quand bien même, dans l'intervalle, Luna serait sous sa responsabilité et elle refusait d'être moins qu'adéquate dans ce rôle là.
Les jambes lourdes, elle alla se percher sur le bord du lit. La chambre était petite, plus petite encore que celle de Draco, mais Poudlard était étiré à l'extrême et même les magies les plus puissantes avaient leur limite…
« Ma chère, il est inutile d'appeler un elfe de maison monsieur. » déclara-t-elle.
Toujours assise par terre, Luna fronça les sourcils. « Pourquoi pas ? Il est gentil et plus vieux que moi, je ne veux pas être impolie. J'ai proposé de lui servir une tasse de thé pour le remercier tout à l'heure mais il n'aime pas le thé. Le saviez-vous ? Est-ce tous les elfes de maison, croyez-vous, ou lui spécifiquement ? Peut-être devrais-je lui demander… Cela ferait un article intéressant pour le Chicaneur… »
Un peu étourdie par la logorrhée verbale délivrée d'un ton joyeusement curieux, Narcissa observa ce bout de jeune femme à peine sortie de l'enfance et se dit qu'elle ne comprenait pas ce que Draco voyait en elle de si particulier. Certes, la petite était clairement excentrique mais des sorcières ou sorciers excentriques, ce n'était pas ce qui manquait dans leur communauté. Toutefois…
« Je peux vous préparer une tisane d'orties, si vous voulez. » proposa soudain Luna, divergeant au milieu de l'exposition de son idée d'article. Elle observait à présent Narcissa avec la tête légèrement inclinée sur le côté. « Ça apaise les contractions et c'est bon en fin de grossesse. »
Narcissa avait-elle trahi quoi que ce soit ?
Luna la regardait fixement de ses yeux bleus un peu trop grands et légèrement perturbants…
Avait-elle un don de prophétie ? Était-ce que Draco avait senti ?
La jeune fille cilla et fouilla dans sa malle pour tirer une autre pile de vêtements qu'elle posa sur le tas qui attendait par terre. « Je n'ai pas de trépied sacrificiel. »
La référence à la Pythie ne fit que renforcer ses suspicions mais elle n'insista pas.
Inutile parce que la jeune fille continuait à parler. « Je ne suis pas de la lignée de Cassandre. J'ai simplement les yeux grands ouverts. » Elle hésita, froissant une robe de sorcière entre ses mains. « Je peux retourner dans les dortoirs, vous savez. J'ai dit à Draco que… »
« Il n'en est pas question. » la coupa-t-elle, un peu plus sèchement qu'elle ne l'avait voulu. Mais l'honneur des Malfoy était engagé, à présent, et elle commençait à comprendre ce qui touchait autant son fils chez elle.
Par certains côtés, elle lui rappelait Bellatrix.
Mais là où sa sœur était ténèbres, cette petite n'était que lumière.
Il y avait des sorciers plus sensibles à la magie que les autres. C'était rare et la plupart des gens tendaient à les traiter comme des étrangetés parce qu'ils les mettaient mal à l'aise. Fut un temps où avoir un sorcier ou une sorcière aussi ouvert à la magie dans une famille était considéré comme une bénédiction mais cela s'était perdu, comme se perdait la plupart des traditions des vieilles familles. Cela était catalogué comme des obsessions de Sang-Purs et rejeté au nom de la modernité.
« Vous resterez avec nous jusqu'à ce que votre père puisse rejoindre Poudlard. » décréta-t-elle.
Luna l'observa un long moment et l'expérience était un peu dérangeante, comme si elle pouvait voir jusqu'à son âme. Narcissa, pourtant sur ses gardes, ne ressentit pas le moindre bruissement de Legilimencie et pourtant le visage de la jeune fille s'éclaira d'un grand sourire.
« Nous allons être de bonnes amies, toutes les deux. » déclara la gamine, comme si c'était un fait entériné. « J'aime me faire de nouveaux amis. Je n'en avais pas avant cette année, vous savez. »
Elle pouvait le deviner sans mal.
« Draco sera un bon grand frère. » enchaîna-t-elle, en se levant pour ramasser ses vêtements et les ranger dans la commode coincée dans un coin. Les robes de sorcières allaient se froisser mais il n'y avait pas d'armoire, la pièce était trop petite. « J'aurais aimé avoir un grand frère, je crois. Mais j'ai Draco et c'est presque pareil. Et Harry. Harry est gentil avec moi mais il est couvert de joncheruines et cela m'inquiète. Est-ce que je peux décorer la pièce ? »
Elle parlait trop et à tort et à travers, c'était un défaut dans la bonne société.
Narcissa blâmait les hormones parce qu'elle trouvait ça plus charmant que rédhibitoire.
« Pourquoi pas ? » l'y autorisa la Sang-Pure, un peu curieusement.
Il n'en fallut pas plus pour que Luna plonge à nouveau dans sa malle et n'en sorte tout un tas de choses. Une tête de lion en papier mâché, des guirlandes de bonhommes découpés qui se tenaient la main, ce qui ressemblait à un mobile fait de bouts de verre polis de toutes les couleurs qui accrochaient la lumière et la reflétaient en une dizaine d'arc en ciels…
Charmée malgré elle, Narcissa l'observa transformer peu à peu la pièce minuscule et se dit que de toutes les conversations difficiles de la journée, celle-ci n'avait pas été si terrible.
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Severus se crispa un peu dès qu'il sentit Nymphadora passer les protections mais il resta concentré sur les légumes qu'il était en train de couper en lamelles fines et régulières – aussi fines et régulières qu'il en était capable. Il écouta la jeune femme saluer Harry qui s'était réfugié dans sa chambre et ne paraissait pas pressé d'en sortir pour l'affronter à nouveau puis suivit le son léger de ses pas se diriger vers la cuisine.
Il s'efforça d'Occluder son irritation, s'efforça de gommer au mieux la tension dans ses membres…
« Je n'ai pas longtemps. » lança-t-elle, en guise de salut, en pénétrant dans la cuisine. Elle le rejoignit pour déposer un baiser sur sa joue, sembla surprise qu'il ne tourne pas la tête pour mieux voler un vrai baiser, fronça les sourcils… « Qu'est-ce qu'il y a ? »
Severus se morigéna.
Il avait joué un double jeu pendant seize ans. On aurait pu croire qu'il aurait pu lui cacher plus de deux secondes qu'il était un peu contrarié.
Excepté qu'il l'était peut-être plus qu'un peu.
« N'étions-nous pas d'accord sur le fait qu'il n'y aurait aucun secret entre nous ? » attaqua-t-il, plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu. « Du moins aucun qui ne touche pas à des secrets d'état ? »
Nymphadora fronça les sourcils un peu plus fort puis ferma la porte de la cuisine d'une torsion du poignet. Il jeta un Assurdiato pour faire bonne mesure, parvenant à contrôler suffisamment le sort pour qu'Harry ne soit pas assailli par un bourdonnement là où il était. Maigre victoire.
« Je ne sais pas de quoi tu parles. » se défendit-elle, en croisant les bras devant elle. « Mais je n'aime pas trop la manière dont tu me parles. »
Le premier réflexe de Severus fut de répliquer vivement et violemment mais il se contint. Il n'était plus le même homme qui repoussait tout et tout le monde. Il avait appris sa leçon avec Harry. Répliquer sans réfléchir pour blesser était le meilleur moyen de perdre les gens qu'il aimait.
Il posa le couteau et abandonna la préparation du repas pour lui faire face, se repliant légèrement derrière ses boucliers mentaux. Ça ne suffit pas à gommer tout à fait l'accusation dans sa voix.
« Je parle de Ginny Weasley. » lâcha-t-il. « Et du fait que tu as apparemment promis de ne pas m'en parler. »
« Oh, ça. » Elle se détendit tout d'un coup, presque comme si elle voulait en rire. « C'est rien ça, Severus. »
« Rien ? » siffla-t-il. « Tu as conseillé à mon fils d'apprendre le charme contraceptif. Tu dois bien te douter que ce n'est pas rien. Tu aurais dû m'en parler. »
« J'avais promis à Harry de ne pas le faire. » contra-t-elle, plus aussi détendue. « Et il comptait te le dire à un moment donné, de toute manière. Je ne vois pas où est le problème. »
« Tu n'as pas à me cacher des choses à propos de mon fils. » rétorqua-t-il.
Elle secoua la tête, beaucoup moins amusé tout d'un coup. « Je ne t'ai pas caché des choses, arrête un peu d'être aussi dramatique. »
« Dramatique ? » répéta-t-il.
Elle leva les yeux au ciel. « Dramatique, oui. Tu es en train de t'énerver pour pas grand-chose. »
« Je ne trouve pas que ce ne soit pas grand-chose. » rétorqua-t-il. « Je trouve que c'est important, au contraire. Tu aurais dû me le dire. »
« Il m'a demandé de ne pas le faire. » insista-t-elle.
« Il a seize ans et tu es ma… » riposta-t-il, avant de s'interrompre brusquement peu certain du terme approprié. Cela lui donna l'occasion de reprendre en main sa colère et de l'emprisonner derrière un mur mental. « Ce n'est pas parce qu'il te demande de me cacher des choses que tu dois le faire. C'est le genre de choses que tu dois me rapporter, quitte à lui mentir. Et si cela te dérange, ne fais pas de promesses que tu ne pourras pas tenir. »
Elle secoua la tête et s'appuya au comptoir, bras croisés. « Il a embrassé une fille. Je ne t'ai pas exactement caché le secret du siècle. Et… Non. »
Interloqué, Severus la dévisagea. « Comment ça, non ? »
« Non. » répéta-t-elle fermement, dans un haussement d'épaules. « Je ne vais pas trahir la confiance d'Harry comme ça. »
« C'est mon fils. » gronda-t-il.
« Oui, et je compte être dans sa vie pour un bon moment. » rétorqua-t-elle. « Ce qui implique que nous ayons une relation en dehors de toi. Ce qui implique que lorsqu'il me demande de ne pas te dire qu'il a embrassé une fille parce qu'il a peur que tu te moques de lui, je respecte son choix. »
Son irritation se disputa à l'inquiétude. Ce fut son tour de froncer les sourcils. « Pourquoi aurait-il craint que je me moque de lui ? »
« Parce qu'il te taquine lorsqu'on a l'air trop amoureux et qu'il avait peur que tu lui rendes la pareille ? » répondit-elle, dans un autre haussement d'épaules. « Qu'est-ce que j'en sais, moi ? Et puis, il te l'a dit, au bout du compte, non ? Où est le problème ? »
Il leva les yeux au ciel. « Le problème c'est qu'Harry est mon fils et… »
« Répète-le encore, je n'avais pas compris les trois premières fois. » le coupa-t-elle, ouvertement agacée, à présent. « C'est quoi le problème, Severus ? »
Il serra les dents pour ne pas cracher qu'elle essayait de lui voler son enfant.
Parce que c'était ridicule.
Et que ça en disait plus long sur lui que sur elle ou sur Harry.
Il resta silencieux trop longtemps, elle se passa une main sur le visage, l'air tellement fatigué qu'il s'en voulut d'en avoir rajouté.
« Écoute… » reprit-elle, plus calmement. « Je ne cherche pas à… Je ne veux pas me mettre entre vous. Bien sûr que non. Mais si je n'ai pas de place avec vous, alors je ne sais pas où on va, tous les deux. »
« Ce n'est pas ça. » se défendit-il.
« Tu es sûr ? » le défia-t-elle.
« Je n'aime simplement pas l'idée que tu me caches des choses. » botta-t-il en touche. « Particulièrement si cela concerne Harry. »
Ses yeux gris étaient vrillés dans les siens, un peu trop perçants.
La colère de Severus était retombée, toutefois, soufflée par le ridicule de la situation. Il savait qu'il faisait une montagne d'un rien, qu'elle avait raison et qu'il n'était pas des plus raisonnables, mais…
« S'il me confiait quelque chose de dangereux ou qui touche à sa sécurité, évidemment que je te le dirais. » déclara-t-elle. « Je ne suis pas idiote. »
« Je n'ai jamais dit ça. » grommela-t-il, en lui tendant la main avec une légère hésitation.
Elle la prit mais il était évident qu'elle était toujours énervée – principalement parce qu'elle ne vint pas se blottir contre lui.
« Cela dit. » lâcha-t-elle. « Il y a quelque chose que je ne t'ai pas dit et dont j'aurais probablement dû te parler… » Elle haussa les épaules. « Le lendemain de la bataille, j'ai trouvé un mot d'adieu sur ton oreiller. Harry ne comptait vraiment pas revenir de cette mission de secours… »
« Ce n'est pas exactement une nouvelle… » remarqua-t-il.
« Le mot disait on savait tous les deux que ça finirait comme ça, ce n'est pas ta faute et merci d'avoir été mon adulte. » soupira-t-elle.
Qu'Harry ne croyait pas que Severus puisse le sauver, il l'avait déjà compris et le garçon l'avait plus ou moins admis. Mais de l'entendre comme ça, mis en mots…
Il détourna la tête.
« Je l'ai détruit. » admit-elle. « Et je ne voulais t'en parler parce que… Tu m'as dit que c'était ta plus grande peur, de ne pas parvenir à le sauver. Je me suis dit que tu n'avais pas besoin de ça en prime mais ce n'était pas à moi de décider et je suis désolée. »
Elle serra sa main mais il la lui retira un peu par réflexe, un peu trop brutalement.
« Non, ce n'était pas à toi de décider, Nymphadora. » siffla-t-il. « Quant il s'agit d'Harry, tu n'as pas ton mot à dire. »
Les mots étaient trop violents.
Elle recula comme s'il l'avait giflée, visiblement blessée.
L'espace d'une seconde, il crut qu'elle allait acquiescer mais c'était mal la connaître. Elle leva le menton avec entêtement, l'expression dure.
« C'est ton fils. » cracha-t-elle. « Et c'est toi qui décides, d'accord. Mais ne me traite pas comme si j'étais une étrangère. C'est ton fils. Je m'y suis attachée à ce gamin. Je m'en suis occupée quand tu ne pouvais pas le faire. Je… »
« Et je t'en suis très reconnaissant. » l'interrompit-il. « Mais je ne veux pas le perturber et je ne suis pas certain qu'il soit prêt à… »
« Je crois pas que c'est lui qui soit perturbé par ma présence. » coupa-t-elle avec un rire amer. « Et je ne crois pas non plus que c'est lui qui n'est pas prêt, d'ailleurs. » Elle secoua la tête. « Tu sais quoi ? Je vais aller manger un sandwich avec Kingsley et les autres. On en reparlera demain. Je veux avoir la tête à ma mission, ce soir. »
Elle était presque à la porte lorsque Severus céda. « Tu ne sais pas dans quoi tu t'engages. »
Elle se figea, dos tourné, et prit une grande inspiration. « Comme je ne savais pas dans quoi je m'engageais avec toi ? »
« Non. » contra-t-il, dans un soupir. « Tu ne sais pas dans quoi tu t'engages parce qu'il y a quelque chose que tu ignores et je ne suis pas certain que tu voudrais t'impliquer autant si… »
Une tasse abandonnée sur la table depuis le petit-déjeuner éclata brusquement, le faisant taire. Elle se retourna lentement, les poings serrés, les cheveux d'un noir de jais, ses yeux pleins de fureur.
« Ne t'ai-je pas dit que je t'aiderais à commettre un meurtre pour Harry ? » cracha-t-elle. « Ne t'ai-je pas dit que j'étais sûre de moi ? Peux-tu, pour l'amour de Merlin, arrêter de douter de moi comme ça avant que je ne perde vraiment mon calme ? Parce que je prends sur moi, Severus, je prends vraiment sur moi, mais ça me rappelle Remus et ça me met en rage. »
La comparaison avec le loup le frappa au plexus.
Elle était injuste ou, du moins, le pensait-il.
« Je l'aime ton gamin. » rajouta-t-elle, la voix serrée, les yeux un peu trop brillants. « Et je sais que c'est difficile à comprendre pour toi parce que tu étais dans le coma mais ce qui s'est passé après la bataille… C'était intense, d'accord ? Alors, oui, c'est allé vite et, oui, les circonstances ont joué mais je suis impliquée maintenant et je compte le rester. Avec ou sans toi, d'ailleurs. Je pensais que tu me connaissais assez pour savoir que quand je dis que je suis sérieuse, c'est que je le suis. »
Avec ou sans toi.
« Assieds-toi. » exigea-t-il, en désignant une chaise d'un geste.
Elle le dévisagea comme s'il était stupide. « Je ne crois pas non. Je n'ai plus faim et j'ai besoin d'air. »
Elle esquissa un pas vers la porte.
« Assieds-toi, il faut que je te dise la vérité. » lâcha-t-il. « Il est grand temps que tu sois au courant. »
Voilà qui la retint. Elle lui jeta un regard gardé. « Je croyais que je ne pouvais pas savoir ? »
« La situation a changé. » expliqua-t-il. « Toutefois, sache-le, c'est un secret qu'il te faut garder sur ta vie. Il ne doit à aucun prix tomber dans les mains du Seigneur des Ténèbres. »
Elle hésita. « Je n'ai pas besoin de savoir. Contrairement à toi, je te fais confiance. »
« Ma confiance en toi est absolue, Nymphadora. » contra-t-il.
« Juste pas quand il s'agit de ton fils, apparemment. » rétorqua-t-elle.
Contrôlant de justesse sa colère, il détourna la tête et croisa les bras. « C'est faux. Dans une situation de vie ou de mort, je te le confierais sans hésiter. Ce n'est pas… Ce n'est pas le problème. »
Il y eut un long silence où il n'osa pas regarder dans sa direction.
« Le problème, c'est qu'on est allé trop vite. » lâcha-t-elle tristement. « Je passe trop de temps ici. Je… »
« Non. » la coupa-t-il, un peu paniqué à l'idée qu'elle prenne ses distances, qu'elle les abandonne. C'était exactement ce qu'il craignait et… « Je ne suis simplement pas certain de la forme que… Je ne sais pas ce que veut Harry. Avec tout ce qu'il s'est passé, je n'ai pas trouvé le bon moment pour lui parler de toi, du genre de relation que… » Il laissa sa phrase en suspens. « Tu ne peux pas être son amie. Si… Tu ne peux pas être son amie. Et si tu veux être son amie, tu ne peux pas être… plus. Tu comprends ? Je ne sais pas ce qu'il veut. Je ne sais pas comment tout ceci est censé fonctionner et… »
« Tu réfléchis trop, si tu veux mon avis. » l'interrompit-elle.
Ses cheveux étaient passés de noir à écarlate, ce qui était mieux. Cela signifiait qu'elle était toujours en colère mais plus furieuse.
« Peut-être. » admit-il. « Mais c'est ma responsabilité de le faire. »
C'était lui qui avait fait entrer la jeune femme aussi étroitement dans sa vie et c'était à lui de faire en sorte que ça se passe au mieux sans rien imposer à Harry.
« Je ne cherche pas à prendre ta place. » insista-t-elle, avec lassitude.
« Je sais. » soupira-t-il, en se pinçant l'arrête du nez. « Je sais. Assieds-toi et laisse-moi t'expliquer le reste, s'il te plaît. Je veux que tu aies toutes les informations avant de t'engager. »
Cela suffit à raviver une lueur colérique dans ses yeux mais elle obéit et prit place à table.
Severus s'installa face à elle et entrelaça ses doigts tremblants, se concentrant sur ses mains plutôt que sur elle. Il lui fallut plusieurs secondes avant de se mettre à parler parce qu'il y avait forcément un avant et un après à ce genre de conversation.
Il refusait d'admettre qu'Harry était condamné.
Mais c'était ce qu'elle entendrait.
C'était ce que tout le monde entendait.
Il lui résuma tout. L'attaque du Seigneur des Ténèbres passé à Halloween, sa découverte, son retour précipité pile au moment où le Dumbledore de soixante-quinze s'apprêtait à achever le garçon, sa promesse de trouver une solution, le fait qu'il y avait d'autres horcruxes et que tant qu'ils ne seraient pas détruits ils ne pourraient pas tuer le mage noir, les recherches que Bill, Sirius et lui avaient entreprises, leurs échecs, leurs espoirs… Il ne lui cacha rien.
Et lorsqu'il se tut, la voix rauque d'avoir trop parlé, et se décida enfin à lever les yeux, ce fut pour la trouver voûtée, la tête dans les mains. Ses cheveux étaient à nouveau noir.
« Je ne pouvais pas t'en parler avant. » lui rappela-t-il, un peu sur la défensive.
« Je sais. » cingla-t-elle, pourtant furieuse.
Après lui ? Après le Seigneur des Ténèbres ? Après le destin ? C'était dur à dire.
« Nymphadora… » souffla-t-il.
Elle leva la main pour l'interrompre, croisant son regard. « Et c'est pour ça que tu penses que je vais m'enfuir en courant ? Parce que Harry est… quoi… en sursis ? »
« Harry ne mourra pas même si je dois raser le pays pour le sauver. » siffla-t-il.
Elle l'ignora. « C'est ce que tu penses de moi, Severus ? Que je vais me sauver parce que les choses sont plus difficiles que prévues ? Que je vais l'abandonner parce qu'il risque de mourir ? »
La question le prit de court parce que énoncée à voix haute…
Elle ne lui avait jamais, jamais donné de raison de douter d'elle ou de son engagement. Jamais.
La seule fois où elle avait flanché, c'était le soir de la mort de Fol'Œil, le soir où il avait été capturé pour la première fois, et tout avait encore été si nouveau à ce moment-là… Elle n'avait jamais plus douté depuis. Elle l'avait épaulé, soutenu, parfois sur la base seule de la confiance qu'elle lui portait…
C'était mal le lui rendre que de douter d'elle comme ça et il le savait.
C'étaient ses propres angoisses qu'il rejetait sur elle, il en était conscient.
« Non. » murmura-t-il. « Bien sûr que non. Je… »
Un loup argenté apparut dans la cuisine. « La meute est en position près d'Aberdeen. Je recommande le déploiement d'Aurors avant que la lune ne se lève. Je compte en profiter pour infiltrer leurs rangs, essayez de ne pas me tuer par accident. »
Ils observèrent tous les deux le loup s'estomper progressivement puis elle posa les deux mains à plat sur la table et s'y appuya pour se lever. Elle resta comme ça quelques secondes, debout, penchée vers lui…
« Tu n'es pas le seul qui ferait n'importe quoi pour sauver Harry. » déclara-t-elle. « Je suis avec toi. J'ai toujours été avec toi. Je suis avec toi beaucoup plus que je ne suis avec Dumbledore. Essaye de t'en rendre compte, un peu. »
« Je m'en rends compte. » acquiesça-t-il. « Je… »
« Je dois y aller. » le coupa-t-elle. « Je te laisse le commandement de la sécurité du domaine. Si tu veux mon avis, double les patrouilles. »
Sa jambe le ralentit trop pour qu'il parvienne à l'empêcher de quitter la cuisine mais il la rattrapa à la porte d'entrée. Il attrapa son bras, trop conscient que la porte de la chambre d'Harry était ouverte et qu'il pourrait sans doute entendre chaque mot…
Nymphadora irradiait la colère.
« C'est la pleine lune. » lui rappela-t-il, à la limite du murmure. « Sois doublement prudente. Et… méfie-toi de Lupin. » Son regard était noir et il serra un peu plus son bras. « Je ne dis pas ça parce que je ne te pense pas capable, Nymphadora, je le dis parce que je ne vivrais pas avant de te savoir en sécurité. »
Elle leva les yeux au ciel mais s'adoucit un peu. « Je t'aime, espèce de crétin. »
« Reviens-moi. » exigea-t-il.
« Je ferai de mon mieux. » promit-elle, en ouvrant la porte.
Elle revint sur ses pas quelques secondes plus tard et l'embrassa avec une exaspération manifeste.
« Qu'est-ce que tu peux m'énerver parfois ! » s'exclama-t-elle.
« J'en ai autant à ton service. » grommela-t-il.
« On finira de se disputer plus tard. » décréta-t-elle. « Sois prudent, toi aussi. »
Elle planta un dernier baiser sur sa bouche puis s'en alla à grandes enjambées.
Il ferma la porte, peu surpris de trouver Harry sur le seuil de sa chambre qui l'observait avec inquiétude. Il s'efforça de se composer une expression sereine.
« Tout ira bien. » le rassura-t-il. « Néanmoins, je crains de devoir t'abandonner pour la soirée. Le dîner est pratiquement terminé. Cela va sans dire mais tu n'as pas le droit de mettre un orteil en dehors de nos appartements tant que la lune est dans le ciel. Si tu as besoin de moi, envoie-moi un Patronus ou Kreattur. »
Harry hocha la tête. « Sois prudent. »
« Je ne pars pas me battre. » promit-il, un peu amèrement. « Je serai bien à l'abri à attendre des nouvelles. »
Et ça le tuait à petit feu.
Il aurait dû être sur le terrain.
Il aurait pu faire une différence…
Du moins, avant.
Avant ses mains tremblantes, sa jambe folle et sa magie erratique…
En l'état, il ne pouvait que rester assis dans le bureau d'Albus et attendre les rapports sporadiques des chefs d'équipe que Nymphadora et Kingsley encadraient d'une main de fer.
Attaque en cours.
Large présence de loups-garous.
Grâce à l'avertissement de Lupin, ils étaient parvenus à évacuer la quasi-totalité des civils Moldus avant la tombée de la nuit… Severus ne savait pas ce qu'Albus avait dit au Premier Ministre Moldu mais la chose avait été accomplie rapidement et efficacement d'après le Patronus de Nymphadora.
Cela ne signifiait pas que la situation était sans danger.
La plus large meute du Royaume-Uni était en liberté.
Et elle avait soif de sang.
°O°O°O°O°
Lunard exultait.
Le champ de bataille était violent, impitoyable et le loup se sentait vivant jusqu'au bout des pattes.
Cela faisait des jours que Remus espionnait la meute de Greyback, des jours qu'il avait repéré ses proies, les étudiait…
Lunard savait exactement quoi faire, qui cibler.
Ses deux facettes étaient en phase sur la question : des loups dominants mais pas trop, ceux qui ne se distinguaient pas vraiment, pas assez, ceux qui savaient se battre mais n'étaient pas assez dominants pour contester une nouvelle Marque…
Ses alliés lui avaient offert un terrain de jeu idéal. Il y avait de la fumée, l'air empestait le sang et la rage, la mort aussi… Aucun des autres loups ne détectait son odeur dans ce chaos, aucun des autres loups ne s'apercevait de la présence d'un intrus parmi la meute…
Il se fondait dans l'ombre, il était la mort incarnée pour les loups qui s'aventuraient sur son passage… Il était impitoyable avec ceux qui tentaient de tuer les humains en bleu. Il fondait sur eux par derrière, refermait ses mâchoires sur leur nuque et leur brisait l'échine.
Ses cibles, en revanche…
Il repéra le loup au pelage brun fauve un peu à l'arrière de la meute, se faufila jusqu'à lui sans se faire voir et le plaqua au sol, gueule refermée sur sa gorge. Le loup se débattit violemment, lutta juste assez pour prouver à Lunard qu'il avait eu raison de le sélectionner, manqua le désarçonner une fois puis, lorsqu'il resserra ses mâchoire jusqu'à goûter son sang avec un grondement sourd, s'immobilisa, raide et vaincu, attendant son sort.
Lunard le secoua un peu pour la forme, tout en grognant davantage, mais le loup brun était soumis désormais. Il le lâcha, attendit une seconde pour être sûr qu'il ne l'attaquerait pas, puis lorsque l'autre animal resta au sol, le flanc se soulevant vite, il donna un petit coup de museau contre le sien. Le loup inconnu le lui rendit avec hésitation.
Meute.
Lunard hurla à la lune sans pouvoir s'en empêcher. Tant pis pour la discrétion.
Son appel fut repris automatiquement par plusieurs autres loups au quatre coins de la ville désertée qui servait de champ de bataille.
Lorsqu'il se glissa dans l'ombre d'une ruelle, le loup brun le suivit docilement. Lunard grogna ses ordres et l'animal obéit.
L'autre loup n'était pas comme Lunard.
L'autre loup n'était pas complet.
Il n'était pas homme et loup mais juste loup.
Il n'était pas libre comme Lunard l'était.
Comme, quelque part dans la lande, le reste de sa meute l'était.
Lunard enrageait de ne pas pouvoir être avec ses louveteaux mais ce qu'il faisait était aussi important. Il agrandissait la meute. Il la consolidait. Il en faisait une force qui les affranchirait de ceux qui voudraient les assujettir.
Lunard avait une vision.
Et il comptait bien la mener à bien.
Le loup brun resta en retrait pendant qu'il coinçait une louve au pelage gris clair contre une voiture qui garderait une indentation en souvenir. Lunard l'obligea à se soumettre. Et lorsque la louve finit par se relever, la tête et la queue basse, il se frotta contre son flanc en guise de bienvenue, laissa le loup brun en faire de même.
Meute.
À chaque nouveau loup qui les rejoignait, l'Alpha qui était en lui semblait devenir plus fort, plus puissant.
Ses deux nouvelles recrues ne paraissaient pas mécontentes du changement mais c'étaient des loups, ce serait sans doute leur partie humaine qui poserait problème.
Lunard n'était pas inquiet, toutefois.
Ils lui appartenaient désormais et il saurait les ranger derrière lui.
Le troisième loup qu'il avait choisi refusa de se laisser Marquer. Il se débattait, refusait d'entendre raison, tentait de l'attaquer… Lunard lui laissa une chance de trop avant de le tuer. Cela affaiblirait sa position devant ses nouveaux loups mais il ne pouvait se résoudre à juste… L'instinct fut trop fort pourtant et il n'avait aucun intérêt à garder en vie des loups qui refusaient de le rejoindre.
C'était dommage, cependant, et le loup en conçut une tristesse sans nom.
Sa quatrième cible fut largement plus docile.
Il l'avait à peine plaqué au sol que le loup couinait et suppliait.
La meute agrandie encore une fois, Lunard se remit en chasse, ses trois ombres sur les talons.
Il la repéra à l'odeur.
Au travers de la fumée artificielle qui sortait des bâtons des humains en bleu, au travers du sang, au travers de l'odeur de la mort qui flottait… Il était incapable d'y résister et il fila droit sur elle.
Elle virevoltait, tranchant dans la chair des loups qui l'attaquaient avec un sort qui empestait la mauvaise magie, mais elle était belle. Toujours si belle…
« Tenez la ligne ! » hurla-t-elle.
Compagne.
Il aurait été simple de la récupérer.
Il aurait été simple de la soumettre.
Il aurait été simple de la mordre.
Lunard considéra la chose quelques secondes, prodigieusement agacé par son comportement dernièrement. Puis il prit une inspiration plus profonde et…
Même son odeur était différente.
C'était subtil mais indéniable.
Elle avait l'autre dans la peau. Et au-delà de ça… Elle empestait la violence, la colère, là où avant elle n'avait été que joie et innocence.
Elle était différente.
En un sens, c'était presque comme si sa compagne était morte et que cette femelle-ci avait émergée de son cadavre.
Il n'aimait pas l'idée.
Il…
Il repéra le loup au moment où il s'apprêtait à bondir dans le dos de l'humaine et il réagit sans réfléchir, sprintant à découvert pour arriver suffisamment vite, esquivant les traits verts qui fusaient vers lui, grognant sur les loups qui auraient voulu l'arrêter…
Sa compagne – mais l'était-elle encore puisqu'elle était si différente ? – le vit arriver et se baissa pour l'éviter, couvrant sa tête comme pour mieux se protéger de l'impact… Lunard sauta haut au-dessus d'elle et percuta le loup qui l'aurait tuée ou pire.
Il ne fit preuve d'aucune pitié.
Il le mit en pièces et grogna sa suprématie à tous les autres alentours. Ils reculèrent tous, fuirent sans demander leur reste vers d'autres quartiers, d'autres proies plus faciles.
« Non ! » hurla soudain l'humaine, en levant le bras.
Lunard pivota en direction du danger, eut à peine le temps de sauter en arrière pour éviter la lumière verte qui puait la mort…
« Non, c'est Remus ! » insista-t-elle.
Elle sentait la peur et il pouvait entendre son cœur battre la chamade lorsqu'elle se rapprocha de lui dans l'accalmie qu'il avait créé de ce côté du champ de bataille. Son bâton était levé mais elle s'accroupit pourtant pour être à sa hauteur, la méfiance inscrite sur chaque trait de son visage. La méfiance n'était rien en comparaison de la terreur qu'il lui inspirait.
« Il faut que tu t'en ailles. » déclara-t-elle, plongeant son regard dans le sien. « Il n'y a pas assez de visibilité et tu ressembles trop aux autres. C'est trop dangereux, tu comprends ? » Lunard inclina la tête sur le côté et elle leva les yeux au ciel. « Je sais. Tu es un grand méchant loup-garou qui n'a peur de rien mais fais ce que je te dis pour une fois. On a déjà deux membres de l'Ordre qui ont été mordus et il y a au moins trois morts. Je n'ai pas envie d'en rajouter un autre. »
Deux membres de plus pour sa meute, décréta Lunard, deux combattants. Très bien.
« Va-t-en. » insista-t-elle, en se redressant. « Et… merci. »
Elle mena ses humains vers une autre section du périmètre, vers là où les bruits de combats faisaient rage, vers là où, d'après l'odeur, traînait Greyback.
L'instinct le poussait à aller le confronter directement, à lui jeter un défi qui lui coûterait sa meute…
Mais c'était le loup en lui, l'humain savait que ce n'était pas une bonne idée.
Cependant, il avait un dernier loup à recruter.
Sa meute était restée en retrait, hors de vue, il la mena en chasse, sentant leur excitation, leurs craintes… Il les galvanisa d'un hurlement à la lune qu'ils reprirent en cœur…
Ce ne fut pas difficile de repérer sa prochaine cible.
La louve se tenait en marge d'un groupe qui attaquait les humains en bleu sans vraiment faire un effort pour participer. D'après ses observations, elle n'était pas très dominante.
Mais elle ferait l'affaire.
Et si elle ne voulait pas se battre avec eux…
Laura aurait besoin d'aide avec les louveteaux. C'était important aussi. Ils étaient le futur de la meute. Ils étaient la priorité.
La louve le surprit en se débattant violemment et en vendant chèrement sa vie, ses griffes ouvrirent une large plaie dans son ventre qui le mit en colère et le poussa à être plus brutal qu'il ne l'aurait été autrement. Après plusieurs minutes d'une lutte acharnée, elle se laissa pourtant Marquer, devenant aussi molle qu'une poupée de chiffon.
Un des loups de Greyback les repéra, dut comprendre ce qu'il faisait parce qu'il partit en courant pour donner l'alerte…
Le loup brun, le premier que Lunard avait Marqué, le rattrapa sans mal et l'abattit sans hésiter.
Lunard le rabroua d'une petite morsure et d'un grondement parce qu'il n'avait pas donné ce genre d'ordre mais, en l'état, le loup brun était un simple animal qui suivait son instinct et il avait démontré de la loyauté, ce que l'Alpha pouvait apprécier.
Il mena sa petite troupe à l'extérieur de la ville et loin dans la lande, à l'opposé de là où Greyback avait son campement.
La lune ne resterait pas longtemps suspendue dans le ciel et il voulait en profiter au maximum. Il les entraîna donc dans une chasse au lapin, les testant pour voir ce qu'ils valaient…
Le loup brun s'attribua d'autorité la place de second.
C'était le rôle de Patmol mais Patmol n'était pas là et Patmol appartenait davantage à l'autre qu'à lui désormais…
Lunard en était triste.
Mais peut-être que le loup brun serait un meilleur second…
°O°O°O°O°
« Allez ! Allez ! L'aube n'est plus très loin ! » cria Kingsley de l'autre bout de la rue, pour galvaniser leurs troupes.
Nymphadora redoubla de force dans ses sortilèges mais l'épuisement se faisait sentir, chez elle comme chez les autres. Les loups, eux, ne faiblissaient pas.
Pourtant, leur plan avait, semblait-il, correctement fonctionné. Les formations qu'ils avaient mises en place spécialement pour affronter une meute, les sorts d'écrans de fumée à l'odeur particulièrement rance pour désorienter les animaux, les renforcements en métal de Madame Guipure au niveau de leurs bras et de leurs jambes pour bloquer les mâchoires qui voulaient les mordre pour les forcer à passer à l'ennemi…
Cela n'avait pas protégé deux des membres de l'Ordre qu'elle avait affectés à une des unités mais leurs robes avaient été confectionnées à la va-vite, d'un rouge écarlate pour trancher avec le bleu des Aurors et le noir des Mangemorts, grands absents de cette bataille…
Un loup gigantesque se dressa soudain sur son chemin.
Familier, également.
Elle était parvenue à éviter Greyback toute la nuit mais…
L'Alpha de Voldemort n'avait visiblement pas chômé. Sa fourrure était couverte de sang, le sien ou celui de ses Aurors ? Et de la bave coula de sa gueule lorsqu'il grogna sur elle.
Sans hésiter, elle lui jeta un sectumsempra en pleine tête.
Il l'esquiva, fonça droit sur elle…
Il ne la tuerait pas.
Ce serait trop simple et trop court et il était trop pervers pour ça.
Elle le savait.
Il la capturerait, la transformerait peut-être, la…
Un confringo venu de sur sa droite réduisit la patte arrière du loup en bouillie.
Greyback s'écroula au sol, arrêté dans son élan.
Elle ne se laissa pas hésiter.
« Avada Kedavra ! » hurla-t-elle, y mettant toute la haine et le dégoût qu'elle éprouvait pour lui.
Elle détestait jeter ce sort.
Il lui donnait une impression de saleté qui…
L'Alpha esquiva en roulant sur lui-même puis passa sur ses pattes, évitant le deuxième trait vert qui venait de la droite. Boitant bas, il hurla à la lune et partit en courant.
Tous les autres loups filèrent à sa suite, fuyant la ville comme une armée de rats aurait fui un incendie.
Aidan la rejoignit, un peu à bout de souffle. Ses sur-robes bleues étaient dégrafées – ou plus probablement déchirées, et la chemise blanche qu'il portait dessous était trempée de sueur et de sang.
« On poursuit ? » demanda-t-il, faisant signe à son équipe de rester sur ses gardes.
Nymphadora fit un rapide compte de têtes, constata avec soulagement que le groupe du Langue-de-Plomb était intact, Aurors et membres de l'Ordre compris. Sa propre équipe était au complet, bien que plus d'un Auror avait pris un mauvais coup de griffes.
« Kingsley ! » cria-t-elle, sans répondre à Aidan. « Quels sont les ordres ? »
À l'autre bout de la rue, son partenaire secoua la tête et elle en fut soulagée. Poursuivre les loup-garous leur aurait peut-être permis de les surprendre en pleine transformation, ce qui leur aurait donné l'avantage, mais ils s'étaient battus toute la nuit. Ils étaient épuisés.
« Faites le tour de la ville. » ordonna-t-elle au Langue-de-Plomb. « Cherchez des blessés, vérifiez qu'il ne reste aucun Moldu… » Elle posa brièvement la main sur son épaule. « Et merci pour ton aide. »
L'ancien Poufsouffle leva les yeux au ciel, un de ses sourires charmeurs aux lèvres. « Tu plaisantes, j'espère ? C'est toujours un plaisir de voler au secours d'une jolie femme. »
Malgré la fatigue, cela lui arracha un léger rire et elle mit son équipe en formation, sans répondre, explorant les rues à la recherche des leurs.
Aberdeen ne s'en sortait pas trop mal comparé à Cardiff ou Dartmouth. C'était une chance que Major ait consenti à les écouter et à faire ce qu'elle voulait aussi rapidement et sans discuter. L'évacuation avait fait grincer des dents à plus d'un Moldu mais en avisant les fusils des soldats et au vu des attaques et autres incidents qui secouaient le pays, ils n'avaient pas bronché longtemps. Elle savait, parce que ça avait été une de ses conditions, qu'une équipe paramilitaire était en stand-by pas très loin, prête à intervenir s'ils ne parvenaient pas à contenir la situation. Mais leurs troupes avaient accompli un miracle. Ils avaient tenu la ville, ils avaient tenu la nuit entière, il n'y aucune victime civile à déplorer…
C'était une victoire et, alors que le ciel rosissait, elle laissa le sentiment grisant l'envahir.
Du moins jusqu'à ce qu'elle retrouve Kingsley et les civières qui soutenaient des corps qui ne bougeraient plus jamais. Quatre morts. Tous des membres de l'Ordre ou des volontaires tout juste enrôlés. L'un d'eux avait l'air si jeune qu'il ne pouvait pas avoir quitté Poudlard il y a bien longtemps.
« On est prêt à rentrer. » annonça Bill Weasley, en les rejoignant. Une large griffure lui barrait le visage mais un sort d'urgence avait cautérisé la plaie qui semblait plus impressionnante que grave. « Il y a des blessés mais ils sont tous valides. J'ai prévenu le Q.G., ils nous attendent. »
Kingsley hocha la tête, serra brièvement l'épaule de Tonks puis ordonna le repli.
Il leur fallu transplanner à la gare de Pré-au-Lard puis faire le long trajet jusqu'aux grilles de Poudlard. Parader dans les rues du village sous les regards curieux voire craintifs des réfugiés n'était pas exactement un exercice plaisant mais Nymphadora fit de son mieux pour sourire et avoir l'air de quelqu'un qui venait de gagner une bataille. L'humeur, dans les rangs, était partagée entre l'euphorie de la fin d'une bataille éreintante et la sobriété due aux civières qui fermaient le convoi et aux deux membres de l'Ordre, trop pâles, qui pressait chacun la main contre leur morsure respective comme si cela avait pu contenir la malédiction qui courait déjà dans leurs veines…
Elle ne s'attendait pas à ce que Dumbledore et Severus les attendent aux grilles de Poudlard mais ils n'étaient pas les seuls, plusieurs proches se tenaient un peu plus loin et foncèrent vers certains Aurors ou membres de l'Ordre, soulagés de les retrouver…
Severus avait davantage de retenue que cela mais il fit tout de même un pas vers elle, ses yeux noirs parcourant furtivement son corps à la recherche de…
« Je vais bien. » promit-elle, en attrapant par réflexe la main qu'il tendit vers elle. Il s'appuyait lourdement sur sa canne et de larges cernes s'étiraient sous ses yeux. « Je n'ai rien que des égratignures. »
Et pas mal d'hématomes mais le pire était la fatigue qui alourdissait ses membres et faisait de chaque mouvement un calvaire.
L'inquiétude disparut progressivement du visage de Severus mais il ne lâcha pas sa main pour autant.
« Excellent travail, Kingsley, Nymphadora. » les félicita sobrement Dumbledore, avant de laisser son regard bleu dériver vers les civières. « Les pertes ? »
« Quatre morts, deux mordus. » répondit-elle, au moment où une femme se précipitait vers une des civières en hurlant.
« Allez vous reposer. » ordonna le Directeur-Ministre. « Votre rapport peut attendre quelques heures. » Il leur pressa le bras à chacun, avant de se diriger vers la sorcière qui était tombée à genoux et pleurait sur le corps inanimé. « De l'excellent travail, mes enfants. »
Kingsley le suivit sans un mot.
« Tu es épuisée. » constata Severus.
Elle émit un bruit amusé en réponse parce que c'était un euphémisme mais se força à lui sourire. « Tu n'as pas l'air beaucoup plus en forme. Vous avez fermé l'œil ? »
Il leva un sourcil tout à fait sarcastique. « Nous n'avons même pas essayé. Minerva va prendre le relais quelques heures. » Il hésita mais serra sa main. « Allons nous coucher. »
C'était très tentant mais elle secoua la tête. « Je dois parler aux familles avec Kingsley, d'abord. Leur annoncer… Je te rejoins à la maison, d'accord ? »
Les mots sortirent avant qu'elle n'ait pu les mesurer.
À la maison.
Étant donné la dispute qu'ils avaient eue plus tôt… Une part d'elle était toujours en colère mais cela semblait si distant, à présent, si stupide… Toutefois, elle se tendit un peu, attendant qu'il la corrige ou…
« Très bien. » acquiesça-t-il. « Je vais aller rassurer Harry. Il n'a pas dû dormir de la nuit, non plus. »
Elle le laissa partir pour rejoindre Kingsley et Dumbledore.
C'était la pire partie lorsque vous étiez aux commandes. Devoir annoncer à quelqu'un la perte d'un enfant, d'un conjoint, d'un parent… L'Occlumencie lui permit de se contrôler mais elle manqua tout lâcher sur le chemin des cachots. Elle tint bon pourtant, sachant qu'Harry l'attendrait sûrement et que la dernière chose dont il avait besoin était de la voir en larmes…
Elle les trouva dans le salon, Severus avachi plus qu'assis dans un fauteuil, sa mauvaise jambe étirée devant lui, ses sur-robes noires jetées par-dessus le dossier, le laissant en pantalon et chemise, et Harry en pyjama mais avec l'air de celui qui n'avait effectivement pas dormi.
Il se jeta sur elle dès qu'il la vit.
Elle n'avait pas été tout à fait prête au boulet de canon qui la heurta de plein fouet mais elle l'étreignit sans se faire prier.
« Je n'ai rien. » promit-elle. « Je n'ai rien du tout. »
Elle croisa le regard indéchiffrable de Severus qui les observait par-dessus l'épaule du garçon et s'agaça de se sentir coupable. De quoi ? Du fait qu'Harry se soit inquiété pour elle ? Du fait qu'ils aient tissé un lien indépendant de celui qui les liait à lui ? C'était ridicule.
Mais c'était aussi une question trop complexe pour son cerveau fatigué alors elle planta un baiser sur la tête d'Harry et se détacha avec une légère grimace.
« J'ai besoin d'une douche et d'une sieste. » plaisanta-t-elle. « Et tu devrais en profiter pour faire la grasse matinée. »
« Tu veux que je te prépare un petit-déjeuner ? » proposa l'adolescent. « Papa ? »
Elle mourrait de faim.
Elle n'avait rien eu le temps d'avaler avant la bataille. Mais elle avait davantage envie de se rouler en boule dans son lit.
« Plus tard, peut-être. Merci, mon chat. » refusa-t-elle, en s'éclipsant vers la chambre.
Elle entendit vaguement Severus refuser lui aussi et tenter de convaincre le garçon d'aller se coucher quelques heures. Elle abandonna bottes et vêtements en tas dans un coin de la chambre pour Kreattur et marcha comme un automate jusqu'à la douche qu'elle régla aussi chaude qu'elle pouvait le supporter.
Sous le jet d'eau brûlante, elle laissa la terreur et la fatigue la rattraper.
Ses larmes ruisselaient, emportées par le jet d'eau…
Elle ne fut ni particulièrement surprise, ni irritée lorsque la porte de la cabine s'ouvrit et qu'un corps la rejoignit. Elle s'appuya contre lui lorsqu'il l'enlaça, inclina la tête lorsqu'il déposa des baisers dans son cou…
Sa tendresse, après toute cette violence, était presque douloureuse et elle ferma les yeux.
« Remus m'a sauvé la vie. » murmura-t-elle.
Il se tendit mais émit un bruit moqueur. « Pour mieux te faire du chantage la prochaine qu'il devra te présenter ses excuses, sans aucun doute. »
C'était d'une telle mauvaise foi qu'un rire un peu brisé lui échappa. Il se transforma en sanglot qu'elle ne chercha pas à réprimer.
Pas avec lui.
Pas dans ses bras.
Elle y était en sécurité.
Il la laissa pleurer tout son saoul puis lorsqu'elle fut trop épuisée pour faire autre chose que de se tenir debout, il attrapa le flacon de savon et entreprit de l'aider à laver la sueur et la crasse qu'avait laissé la bataille. Ce n'était pas tout à fait innocent, cela lui permit d'explorer son corps à la recherche des blessures qu'elle lui aurait probablement dissimulée sinon. Il referma plus d'une trace de griffure sans sa baguette, simplement en passant la main dessus et en murmurant la formule. Cela lui demandait plus d'énergie que s'il avait utilisé sa baguette et elle ne voulait pas l'épuiser davantage mais elle ne voulait pas non plus se traîner jusqu'à l'infirmerie et…
« Merde. » lâcha-t-elle tout d'un coup. « Mes parents. J'avais promis de… »
« Je leur ai envoyé un message dès que Bill m'a confirmé que tu allais bien. » la coupa-t-il.
Elle se détendit, le laissa frictionner ses cheveux avec le shampoing…
« J'ai mal partout. » avoua-t-elle.
« Le contraire m'étonnerait. » marmonna-t-il. « Tu t'es battue toute la nuit. »
« Si Vol… » Elle se mordit la langue au dernier moment. « Tu-sais-qui était malin, il attaquerait ce matin. »
« J'ai trois équipes en réserve. » murmura-t-il.
Il guida sa tête en arrière pour mieux rincer ses cheveux.
« Sirius a fait du bon travail avec les membres de l'Ordre et les volontaires… » marmonna-t-elle. « Je vais lui envoyer mes recrues… Ce sont des causes perdues. »
« Je ne suis pas certain qu'il appréciera le cadeau. » se moqua-t-il, en l'enveloppant d'une serviette.
Ses paupières étaient lourdes et son corps criait grâce. Elle coopéra aveuglément pendant qu'il la séchait et l'aidait à enfiler un des tee-shirts qu'elle gardait dans le tiroir de la commode. Il sentait le propre et c'était tellement bienvenu après la puanteur des combats…
Elle soupira de soulagement lorsqu'elle se glissa entre les draps, tirant pourtant sur sa main pour qu'il s'allonge avec elle. Il ne protesta pas bien longtemps avant de s'exécuter, l'enlaçant sans qu'elle n'ait à le lui demander.
« J'ai tendance à me mettre en colère quand j'ai peur. » avoua-t-il.
« Sans déconner. » marmonna-t-elle.
« À deux, c'était simple. Avec lui. Avec toi. » soupira-t-il. « Je ne sais pas… Je ne sais pas comment être à trois. »
« Tu réfléchis trop. » commenta-t-elle. Ne le lui avait-elle pas déjà dit, plus tôt ? Elle n'était pas sûre. Elle était trop fatiguée et ses idées étaient embrouillées. « Je suis toujours en colère, d'ailleurs, ne crois pas que tu vas t'en tirer comme ça. Si tu trouves qu'on va trop vite, tu peux juste le dire au lieu de… »
« Je ne trouve pas qu'on aille trop vite. » murmura-t-il. « Trouves-tu que nous allions trop vite ? »
« Je n'en sais rien. » répondit-elle. « Ce n'est pas moi qui pense que je suis une girouette incapable de me tenir à une décision. »
« Je n'ai jamais dit ça. » grommela-t-il. « J'ai simplement dit que tu n'avais pas toutes les informations et… »
« La faute à qui ? » le coupa-t-elle, en se frottant le visage.
« Je ne pouvais pas t'en parler. » se défendit-il.
Ça aurait été très facile de s'accrocher à ce ressentiment injuste. Mais, contrairement à lui, elle n'aimait pas tenir rancune de choses injustes.
« Je sais. » admit-elle. « Mais le problème reste le même. Je ne comprends pas comment tu peux penser que ça me pousserait à l'abandonner. Et ça me fait vraiment de la peine, pour être franche. »
Il resserra son étreinte et déposa une série de baisers sur son épaule par-dessus son tee-shirt. Sa détresse était palpable.
« Je ne veux pas te blesser. Jamais. » contra-t-il. « Ce n'est pas… » Il poussa un profond soupir. « Tu as sans doute raison. Je réfléchis trop. » Ses lèvres trouvèrent les siennes pour un baiser léger. « Harry s'est beaucoup attaché à toi… »
« Ce n'est pas parce qu'il s'attache à moi qu'il ne va plus t'aimer. » rétorqua-t-elle, en cherchant son regard. « Severus, tu te rends compte que tu es la personne la plus importante dans sa vie, quand même ? »
Son expression était plus vulnérable qu'il ne se le permettait d'habitude. « Mais c'est à toi qu'il s'est confié sur sa petite-amie. »
Elle leva les yeux au ciel. « Parce que j'ai compris qu'il avait fricoté avec une fille, au premier coup d'œil. Il ne s'est pas empressé de venir me le raconter, enfin ! C'est différent. Et puis, il ne m'a jamais parlé de MacNair ou de ses cauchemars. Ce n'est pas vers moi qu'il se tourne quand il est en détresse. Tu es jaloux d'une bêtise, je te jure. »
« Je ne suis pas jaloux. » protesta-t-il, sans trop de conviction.
« Non, tu as peur qu'il t'abandonne. Ou que je vous abandonne. » soupira-t-elle.
C'était probablement son plus gros problème. Il faisait des efforts pour contrôler cette peur, elle le savait. Et elle essayait d'être compréhensive mais…
« Oui. Et non. » admit-il. « Je sais que c'est dans ma tête. Mais parfois… » Il souffla avec frustration mais caressa son visage. « Je regrette. »
Elle enroula sa main autour de son poignet, en caressa l'intérieur du pouce. « Il va te falloir plusieurs de ces attentions romantiques que tu affectionnes tant pour te rattraper, sache-le. »
La plaisanterie eut l'effet voulu et il lui sourit, son corps perdant en tension. « Je ne te mérite pas. »
« Arrête avec ça. » grommela-t-elle, beaucoup moins amusée. Elle étouffa un bâillement. « On peut finir de se disputer plus tard ? »
« Nous pourrions aussi ne plus nous disputer, tout court. » suggéra-t-il.
Elle eut un bruit amusé et se blottit un peu plus contre lui. « Tu crois vraiment qu'on peut finir notre vie ensemble sans une ou deux disputes, mon cœur ? »
Elle avait voulu le petit nom de manière ironique mais il resserra les bras sur elle tellement fort… Elle l'entendit retenir brièvement sa respiration…
Si personne n'avait jamais donné de surnom affectueux à Harry… Qu'en était-il de Severus ?
Il était toujours si prompt à s'attendre au pire, si émerveillé de gestes affectueux basiques…
« Je t'aime. » murmura-t-il, avec une vulnérabilité qu'il ne révélait qu'à elle.
« Moi aussi je t'aime. » promit-elle, en étouffant un autre bâillement contre son épaule. « Même quand tu m'énerves. »
Elle sentit ses lèvres contre son front.
Puis elle sombra dans le sommeil.
