Coucou, tout le monde !
Suite aux suppliques de Lereniel, j'ai réussi à écrire un nouveau chapitre plus tôt que prévu. Et il est bien long. J'espère que vous aimerez.
Merci à Marie1410, Naheiah, Lereniel et Luna dans les étoiles pour les reviews.
Et merci à Denshitoakuma et Shanshui d'avoir mis la fic en Alert et Favoris.
Bonne lecture !
DISCLAIMER : Le Hobbit ne m'appartient pas, tout est à Tolkien sauf les personnages de Niphredil, Clara et Naurendil, ils sont sortis tout droit de mon imagination.
Chapitre 4 :
Corps et âme
Assis sur son trône, Thorïn poussa un soupir de frustration. Il ne comprenait pas.
Pourquoi n'était-il pas heureux ? Pendant des années, il avait souffert de la perte de son royaume, de son chez-lui.
Et aujourd'hui, il était enfin de retour ! Il avait retrouvé son royaume. Il portait le manteau royal de ses aïeux. Il se tenait assis sur le trône de son grand-père.
Alors, pourquoi je ne me sens pas satisfait ? se demanda le nain en tapotant nerveusement les accoudoirs en pierre avec ses doigts.
Il poussa un nouveau soupir et tenta de se calmer en repensant à l'énorme quantité d'or qui était stockée dans le palais.
Presque malgré lui, son esprit vagabonda vers d'autres pensées qui n'avaient guère de lien avec tout cela.
Assis autour d'un feu en pleine campagne en Eregion, la Compagnie de Thorïn, Gandalf, Bilbon et Niphredil bivouaquaient pour la nuit.
Ils n'avaient quitté la Comté que deux jours auparavant et chevauché en silence la plupart du temps, mais l'ambiance était déjà agréable et bon enfant.
Surtout le soir, au moment du dîner. Gandalf avait pris l'habitude de demander à Niphredil de raconter des histoires sur le monde d'où elle venait.
Les nains avaient eu un choc en apprenant qu'il existait un autre monde peuplé d'humains. Mais les histoires de Niphredil sur le sujet étaient si drôles, distrayantes et neuves que tous l'écoutaient comme des enfants buvant les paroles d'un bon professeur.
"Et cette cité dont vous parlez, elle a vraiment existé ou pas, en fin de compte ?" demanda Bilbon.
"Non. Mais des humains l'ont cherché pendant très, très longtemps, tant ils espéraient trouver la légendaire Eldorado", dit Niphredil.
"Mais Erebor existe ! Ce n'est pas un mythe, notre peuple y a vraiment vécu. Et bientôt, il y vivra de nouveau", répliqua Thorïn avec fermeté.
"Je n'ai jamais dit le contraire, Thorïn. C'est juste que lorsque je vous écoute parler de votre royaume et de ces salles pleines d'or, ça me fait penser à cette légende de chez moi. J'ai parlé de cette légende dans un exposé que je devais faire à l'école, un jour. J'aimais bien parler des mythes, c'était l'un des rares moments où je ne m'ennuyais pas trop."
"Quelle drôle d'idée aussi que d'obliger tout le monde à étudier jusqu'à l'âge de seize ans dans des écoles ! Chez nous, les enfants commencent tôt à pratiquer un métier, pour gagner leur vie", dit Dori.
"Les gens de chez vous semblent bien fainéants", convint Bofur.
Niphredil haussa des épaules.
"Bof, certains arrêtent les études avant et réussissent à trouver un truc, mais en général on juge que c'est un coup de chance. En fait, plus on étudie, plus on a de choix quant au métier qu'on veut faire plus tard, chez moi."
"Quand vous dites on, vous voulez dire que les filles aussi doivent travailler ?" demanda Bilbon, les yeux plissés.
"Oui, les filles aussi."
"Hein ?! Mais pourquoi ? C'est ridicule, voyons ! Les hommes ne sont-ils pas censés pourvoir au besoin de leurs femmes et leurs enfants ?" dit Gloïn, indigné à l'idée qu'on oblige sa femme à travailler.
"Tout le monde n'a pas la chance de se trouver un mari et de fonder une famille, Gloïn. Personnellement, je ne me suis jamais imaginé me trouver quelqu'un", dit Niphredil.
Et c'était vrai. Même avant de recevoir son pouvoir de glace, qui aurait voulu se caser avec une fille qui pouvait parler aux fantômes ? Son père lui répétait toujours que si elle continuait de se la jouer barjo, elle terminerait sa vie à l'asile, sans rien ni personne.
"Et les femmes peuvent choisir n'importe quel métier, comme les hommes ?" demanda Fili, curieux.
"Oui… Mais il y en a certains que presque toutes refusent, comme éboueur ou boucher… Je n'en ai jamais vu dans cette profession-là."
"Et soldat non plus, j'imagine ?" dit Bilbon.
"Faux ! Il y a des femmes soldats. En tenue militaire, avec le crâne rasé et…"
"QUOI ?!" s'écrièrent les nains et le Hobbit.
Même s'il avait gardé le silence, Gandalf avait des yeux ronds et la bouche ouverte, tant l'idée le clouait sur place.
"Quelle horreur !" dit Gloïn en secouant la tête.
"C'est ignoble !" dit Bofur.
"De jolies dames avec le crâne chauve… Quel cauchemar ! Je ne peux pas imaginer ça…" dit Balïn.
"Moi si. Enfin presque…" dit Bofur en lorgnant le crâne chauve de Dwalïn.
Ce dernier avait l'air sous le choc face aux paroles de Niphredil. Cette dernière sourit.
"Si vous croyez que c'est la seule folie qu'on se permet côté cheveux, chez moi ! Il y en a qui se les teignent de toutes sortes de couleurs. Vert, bleu, rose bonbon… J'ai fait le coup à une de mes ennemies à l'école. Avec de la peinture. Il a fallu deux mois pour qu'elle réussisse à s'en débarrasser !"
À ces mots, tout le monde éclata de rire.
Thorïn sourit. Ces souvenirs heureux rallumèrent une étincelle dans ses yeux. Puis le temps présent le rattrapa, et la cruelle vérité revint le frapper de plein fouet.
Elle a du sang de dragon dans les veines, du sang de Smaug… Elle n'a fait que mentir et jouer la comédie… pensa le roi en serrant les poings avec colère.
Pourtant, il n'arrivait pas à y croire. La jeune fille, avec son sourire si triste et doux, son caractère susceptible et pourtant incroyablement généreux… Une partie de lui ne cessait de hurler, de refuser l'idée qu'elle soit une ennemie.
Furieux, ne supportant plus de rester assis, il se leva et se mit en route à travers les couloirs sans objectif précis. Il fallait qu'il marche, qu'il trouve quelqu'un à qui parler, qu'il fasse quelque chose ou bien il allait devenir fou !
XxXxXxXxXxXxXxX
Niphredil marchait à travers l'obscurité, dans un immense désert de roche noire.
La jeune fille avait chaud et soif. Petit à petit, l'univers changea.
De la neige se mit à tomber du ciel, recouvrant le sol d'un doux tapis blanc. Souriante, la jeune fille leva la tête vers le ciel et ferma les yeux, sentant avec délice les flocons se poser sur ses joues et fondre.
Elle aperçut bientôt un dragon devant elle. Moins grand que Smaug, il était blanc. Ses écailles luisaient d'une lueur argentée qui évoquait l'éclat de la lune.
Il ouvrit les paupières. Ses yeux étaient bleu saphir. La jeune fille se sentit happée par son regard. Mais elle n'avait pas peur. Au contraire, elle se sentait rassurée.
Ce dragon, elle le connaissait. Il avait longtemps fait partie d'elle, avant que Smaug n'éteigne la magie qui coulait dans ses veines. C'était comme si elle venait de retrouver un vieil ami qu'elle avait cru mort.
Lentement, sans la lâcher des yeux, le dragon blanc se leva. Il fit un pas vers elle quand soudain, une forme noire fondit sur lui.
Il s'agissait d'un cerf. Un grand cerf noir, qui venait de planter ses andouilles dans les yeux du dragon.
Niphredil plaqua les mains sur sa bouche avec horreur. Il l'avait tué ! Son cher dragon blanc était mort. Ses belles écailles couleur ivoire étaient souillées par le sang qui giclait de ses blessures.
Lentement, le cerf recula puis se tourna vers Niphredil. Elle reconnut avec horreur les yeux bleus glacés du cerf. Ils étaient comme ceux de Thranduil.
"Tu m'appartiens. Corps et âme", dit l'animal, avec la voix du roi.
"NON !" cria la jeune fille.
Elle se redressa d'un bond et vit qu'elle n'était plus dans le désert, mais dans la maison en ruines de Dale.
Naurendil avait disparu. Inquiète, la jeune fille l'appela.
L'elfe apparut dans l'entrée.
"Je suis là !"
"Oh, ne me refais jamais ça ! J'ai eu peur", gémit la jeune fille en se frottant les bras.
"Désolé. Mais j'ai entendu du bruit, je suis sorti vérifier. Il faut qu'on sorte et qu'on aille se cacher."
"Pourquoi ?"
"Les gens de Lacville arrivent. Ils vont s'installer ici. Il faut qu'on se fonde dans la foule sans qu'on nous remarque", dit l'elfe en la prenant par la main.
Compréhensive, Niphredil rabattit la capuche de son manteau sur sa tête. Naurendil fit de même avec sa cape.
Tous deux sortirent se cacher dans un recoin isolé de la cité, en attendant l'arrivée des nouveaux venus.
XxXxXxXxXxXxXxX
Debout contre le battant gauche (ou ce qu'il en restait) de l'entrée d'Erebor, Dwalïn regardait le ciel avec l'air mécontent.
Assis sur une pierre à droite et fumant de l'herbe à pipe, Kili lui jeta un regard en coin.
Depuis que Niphredil était partie, Dwalïn avait l'air en colère. Kili ne l'avait plus vu ainsi depuis longtemps. En fait, il avait cessé de l'être quand il avait fini par accepter l'idée que Niphredil intègre la Compagnie, quand elle les avait rejoints sur les falaises des géants et sauvé Bilbon d'une chute mortelle.
Kili s'était même moqué de Dwalïn à ce sujet quand ils étaient en route chez Beorn. Il avait demandé au nain guerrier s'il n'était pas tombé amoureux de la jeune fille. Mais ce dernier avait paru choqué puis avait répondu calmement que non. En fait, le mélange de force et de fragilité, de courage, de loyauté et d'innocence de la jeune fille avait touché le nain et poussé ce dernier à s'attacher à elle comme une petite sœur qu'il se devait de protéger.
Mais depuis que Dwalïn avait appris qu'elle avait du sang de dragon dans les veines… Il semblait plus froid et distant qu'avant.
Et c'est encore pire pour oncle Thorïn. Il n'est plus le même. Heureusement que Tauriel n'est pas venu avec moi, en fin de compte. Je n'aurais pas aimé la présenter à mon oncle. Pas dans l'état où il est actuellement, pensa le jeune nain.
Puis, il pensa avec un soupir que si Niphredil avait été là, elle aurait sûrement réussi à sortir Thorïn de sa folie. La connaissant, elle aurait hurlé sur le nain, l'aurait poussé à bout et même frappé si ça avait pu le sortir de son obsession pour l'or.
Kili se fichait qu'elle ait du sang de dragon. Il savait qui elle était. Si elle avait vraiment été mauvaise, elle aurait utilisé son pouvoir dès le début pour les arrêter dans leur quête.
Non, Niphredil était juste Niphredil. C'était Thorïn qui n'était plus lui-même. Et Kili comptait bien trouver un moyen pour que leur jeune amie réintègre la Compagnie.
Soudain, Dwalïn se redressa et pointa l'horizon.
"Regarde !" dit-il.
Plissant les yeux, le jeune nain archer vit du mouvement dans les ruines de Dale. Les habitants de Lacville ! Ils arrivaient.
Dwalïn se dépêcha de prévenir Thorïn tandis que Kili courait prévenir les autres nains toujours occupés à fouiller l'or dans la salle du trésor.
XxXxXxXxXxXxXxX
Se fondre dans la foule qui arrivait à Dale ne fut pas difficile. Les gens étaient si faibles et tristes de revenir dans le lieu où ils avaient tout perdu pour la première fois que nul ne vit deux mystérieux inconnus cachés sous des capes sombres se joindre à eux.
Ce soir-là, Niphredil et Naurendil apprirent en écoutant des conversations de gens autour des feux que le Maître était mort. Mais pas Alfrid. Cette misérable fouine humaine avait survécu et servait désormais Bard, le nouveau chef.
Niphredil était soulagée de voir que lui et ses enfants avaient survécu. C'était pratiquement les seules personnes de Dale qu'elle connaissait et qu'elle appréciait. Elle aurait aimé discuter avec les enfants et leur père.
Mais lorsqu'elle était passée près d'eux en leur proposant un peu d'eau et de pain, ils avaient poliment accepté puis s'étaient replongés dans la contemplation du feu en mangeant.
Évidemment, ils n'avaient pas reconnu la jeune fille puisqu'elle avait changé physiquement.
Le lendemain matin, Niphredil s'éveilla et vit qu'elle était seule, une fois de plus. Où était passé Naurendil ?
Inquiète, elle se mit à arpenter les rues en cherchant l'elfe. Les gens étaient occupés à trier le peu de nourriture qu'il leur restait, à chercher de l'eau ou à panser des blessures. Mais ils n'avaient quasiment plus rien ! Et Bard avait beau passer de groupe en groupe pour les rassurer et leur dire de tenir bon, Niphredil voyait bien qu'il ne savait pas quoi faire.
"Ces enfants ont faim !" dit un homme.
"Il nous faut des vivres", dit un second.
"On ne tiendra pas trois jours", dit un autre.
"Bard, nous n'avons pas assez", dit Percy.
"Fais au mieux, Percy", dit Bard, en déposant une jarre à la femme herboriste de Lacville.
Puis il se mit en route vers le bâtiment où les blessés avaient été entreposés.
"Il nous faut de l'eau", dit une femme en le voyant arriver.
"Enfants, blessés et femmes en premier", dit Bard aux volontaires-guérisseurs, avant de se diriger vers la sortie du bâtiment.
Il s'arrêta près de l'entrée où Alfrid s'était installé pour monter la garde.
"Bonjour, Alfrid. Alors, cette nuit de garde ?"
Bâillant et s'étirant, Alfrid répondit :
"Très calme, Messire. Rien à signaler. Rien ne m'échappe."
Bard s'arrêta devant la sortie.
"Hormis une armée d'Elfes, apparemment", dit-il.
Niphredil et d'autres habitants de Lacville sortirent d'autres ouvertures et virent la même chose que lui : toute une armée d'elfes.
La jeune fille reconnut les armures dorées et les capes rouges ornées de motifs de feuilles de Mirkwood. La jeune fille sentit son sang se glacer dans ses veines.
Elle regarda Bard traverser les rangs des soldats pour atteindre la place de la ville. Les soldats étaient disposés de manière très ordonnée et bougeaient dans un ordre synchronisé qui forçait l'admiration.
Mais Niphredil sentit la panique l'envahir en voyant le roi Thranduil arriver, escorté de plusieurs cavaliers elfes.
Le roi montait un grand élan et portait une grande armure noire, avec une cape argentée brodée de motifs sombres. Une fine couronne d'argent ornait son front. Malgré tout, il restait tel que dans les souvenirs de Niphredil : froid, sombre et mystérieux.
La jeune fille tira sur sa capuche pour mieux masquer son visage.
"Seigneur Thranduil ! Nous ne nous attendions pas à vous voir ici", le salua Bard.
"J'ai appris votre détresse", dit Thranduil, avant de se tourner sur sa gauche.
Des chariots menés par d'autres elfes arrivèrent à sa suite. Ils transportaient de grandes quantités de vivres.
Enthousiastes, ravis, soulagés, les habitants de Lacville se dépêchèrent d'approcher pour recevoir le contenu. Ils ne pouvaient s'empêcher de s'émerveiller devant la quantité de biens que les elfes leur distribuaient : légumes, sacs de grains, bouteilles de vin et eau… Ils étaient sauvés !
"Vous nous sauvez ! Comment vous remercier ?" dit Bard, ému et soulagé.
"Votre gratitude est déplacée", répliqua Thranduil. "Je ne suis pas venu pour vous. Je viens reprendre ce qui m'appartient de droit. La Montagne renferme des gemmes que je désire."
Niphredil sentit son sang se glacer dans ses veines.
Oh non ! Pas encore ces maudites gemmes… Décidément, il a de la suite dans les idées, se dit-elle.
Bard regarda le roi s'éloigner avec stupeur.
"Attendez ! Vous iriez en guerre pour une poignée de gemmes ?" dit le batelier.
"L'héritage de mon peuple ne regarde que moi."
"Nous avons un but commun ! Mon peuple aussi revendique les richesses de cette montagne. Laissez-moi parler à Thorïn", dit Bard.
"Vous tenteriez de raisonner le Nain ?" dit le roi, surpris.
"Pour éviter la guerre ? Oui", dit Bard.
Thranduil secoua la tête.
"Très bien. Faites comme bon vous semble."
Puis, se tournant vers les siens, il leur donna en elfique de le suivre. Ils retournaient à leur campement, basé plus à l'est des ruines de Dale.
Tandis que l'armée passait en silence devant les habitants de Lacville, Niphredil vit soudain deux soldats qui entraînaient un elfe récalcitrant avec eux.
Naurendil !
La jeune fille ouvrit des yeux ronds. Il avait dû se faire surprendre au petit matin, alors qu'il sortait de la maison où les jeunes gens avaient dormi.
Sentant son regard, Naurendil tourna la tête dans sa direction un bref instant. Le regard qu'il lui lança figea la jeune fille dans son élan. Il lui disait clairement "Non ! N'interviens pas ! Reste cachée, quoi qu'il arrive !"
Niphredil se força à trouver autre chose d'intéressant : regarder Bard se diriger vers la Montagne pour tenter de raisonner Thorïn.
Il revint plus d'une heure après, annonçant au roi de Mirkwood que Thorïn ne leur donnerait rien.
Avec un sourire victorieux, Thranduil prit le chemin de sa tente. Bard le suivit après avoir aidé les siens à vider l'armurerie abandonnée de Lacville.
Tous deux installés dans la tente du roi, ils se mirent à discuter stratégie.
"Les nains ne sont guère nombreux, ce devrait donc être fort aisé de les vaincre", dit Thranduil.
"Sauf que l'entrée a été détruite. Vous avez vu comme moi le pont se briser."
"Dans ce cas, nous les aurons à l'usure. Sans contact avec le monde extérieur, ils ne tiendront guère longtemps. Leurs réserves s'amenuiseront."
"Et leur amie, Niphredil ? Thorïn m'a menacé de la laisser déchaîner sa magie sur moi, pourtant…"
Voyant le pêcheur hésiter, Thranduil l'encouragea.
"Oui ?" dit-il.
Bard secoua la tête.
"Je n'ai vu que Thorïn par l'ouverture de la porte, mais… Je ne sais pas, j'ai le sentiment que Niphredil aurait réagi après avoir entendu le roi parler. Et je ne peux croire qu'elle se soit rangée du côté de Thorïn."
"Vous n'avez pas tort", dit une voix dans leur dos.
Le roi elfe et le batelier se retournèrent. Devant l'entrée de la tente se tenait une silhouette humaine vêtue d'un manteau elfique bleu sombre. Lentement, la silhouette ôta sa capuche, révélant le visage d'une jeune fille brune aux yeux noisette.
"Qui êtes-vous ?" dit Thranduil.
"C'est moi… Niphredil."
Les deux hommes froncèrent des sourcils. En effet, la voix leur était familière. Ainsi que les vêtements, et le pendentif en cristal qui ornait le cou de la jeune fille.
"Mais enfin, c'est impossible ! Je veux dire… Niphredil a les cheveux blancs et…" dit Bard.
"Les yeux bleus, oui, oui, je sais ! Smaug m'a privé de mes pouvoirs. C'est moi, je vous assure."
"Voilà qui est surprenant…" dit le roi en la regardant des pieds à la tête.
Niphredil soutint son regard, essayant d'avoir l'air aussi inébranlable que possible.
"Pourquoi êtes-vous là ? Thorïn se serait-il lassé de sa magicienne de l'hiver, maintenant qu'elle ne lui sert plus à rien ?" dit Thranduil.
Niphredil lui répondit par un sourire crispé. Elle voyait clair dans son jeu : il la provoquait.
Détends-toi ! Concentre-toi sur ton objectif, et tout ira bien, se dit la jeune fille en inspirant à fond pour se calmer.
Bard regarda tour à tour les deux interlocuteurs. Il était clair que Thranduil avait un contentieux avec la jeune fille. Lequel, il l'ignorait. Mais il craignait que la situation dégénère, surtout pour la jeune fille.
"Je suis seulement venue vous transmettre cette information parce que je veux aussi que Thorïn abandonne son projet de vous faire la guerre. Vous n'avez rien à craindre de moi. Avec ou sans pouvoirs, je veux que tout le monde récupère ses richesses", dit la jeune fille.
Thranduil se dirigea vers son bureau et remplit trois verres de vin.
"Et qu'espérez-vous, en échange ?" dit-il en servant deux des verres à Bard et à la jeune fille.
"Naurendil. Je sais que vos guerriers le retiennent. Libérez-le, s'il vous plaît", dit la jeune fille.
Bard regarda le roi avec étonnement. Il avait emprisonné l'elfe qui avait aidé le batelier à sortir de prison, combattre le dragon et sauver son fils de la noyade ?!
Niphredil but un peu de vin. Le liquide avait un goût de raisin amer, avec une pointe d'arôme fruité. Elle ne put retenir un toussotement qui amusa légèrement Bard.
"Si vous n'avez plus de pouvoirs, que faites-vous encore là ? Pourquoi continuez-vous de prendre part à cette histoire alors que vous n'êtes plus d'aucune utilité ?" demanda le roi, comme s'il n'avait pas entendu la requête de la jeune fille.
"Et vous, pourquoi avez-vous quitté Mirkwood ?" demanda Niphredil, énervée. "Je croyais que le sort des autres contrées ne vous intéressait pas. Que vous ne souciiez que de votre peuple…"
"Mon royaume a entretenu pendant longtemps des liens commerciaux avec Lacville. Et je suis revenu pour prendre quelque chose qui m'appartient de droit."
"Donc… vous êtes venu récupérer vos gemmes et défendre vos intérêts commerciaux ? Quelle générosité !" ironisa la jeune fille.
Elle regretta aussitôt ses paroles. Le sarcasme avait allumé une étincelle de colère dans les yeux du roi.
Fais gaffe, ma vieille ! Faudrait pas qu'il crie « Qu'on lui coupe la tête » !
Bard lança également un regard d'avertissement à la jeune fille. Il n'était guère de taille face au roi, mais il ne voulait pas que la jeune fille ait des ennuis.
"Puisque vous semblez tant tenir à ce que nous jouions carte sur table, je n'irai pas par quatre chemins, Niphredil", dit-il en appuyant sur ce nom, lui laissant clairement comprendre que ce nom elfique ne lui allait plus, maintenant qu'elle n'avait plus de pouvoirs ni de cheveux blancs.
Le roi prit le temps de se servir un autre verre avant de poursuivre.
"Je ne crois pas que vous avez perdu vos pouvoirs."
Niphredil ouvrit des yeux ronds. Bard fronça des sourcils.
"Vous… vous plaisantez ?" dit la jeune fille.
"Non. Je sais que vous êtes sincère quand vous dites que vous ne contrôlez plus le froid. Votre apparence et votre aura parlent pour vous. Pourtant, le pouvoir de l'hiver est toujours présent dans votre corps, il coule encore dans vos veines. Je pense que votre magie est juste… endormie."
"Endormie ? Je ne vois pas où vous voulez en venir, monseigneur. Je pensais que cela vous réjouirait de savoir que je ne représente plus une menace pour personne. Vous me l'aviez dit lors de notre premier… entretien."
"Notre ancien grief n'était qu'un léger quiproquo", dit le roi en balayant l'air d'un geste de la main.
Niphredil se retint de sourire, tant la sournoiserie était perceptible dans la voix veloutée du roi. Même Bard n'était pas dupe. Il avait trop fréquenté le Maître de Lacville et Alfrid pour ne pas reconnaître un menteur quand il en voyait un.
"Je ne pensais pas que l'amitié d'une pauvre fille humaine dépourvue de sang noble et de magie vous importait à ce point", dit la jeune fille avec ironie.
Le roi eut un sourire carnassier. Cette fille maniait bien la discussion, elle parait chacune de ses attaques avec adresse, mais il n'en avait pas fini avec elle. Leur joute verbale était certes agréable, mais le roi préférait celles où il finissait par gagner.
"Comme je vous l'ai dit, je me suis mal expliqué à Mirkwood. Mes mots ont dépassé ma pensée. Aussi, cette fois, je serais clair dans mes intentions : je veux vous aider à retrouver vos pouvoirs."
Niphredil le regarda avec méfiance et incompréhension. Il avait l'air sincère.
"Mais pourquoi ?"
"Votre pouvoir est dangereux, mais il est aussi capable de faire le bien. Je n'ai pas oublié le rapport du capitaine Tauriel lors de votre combat dans ma forêt. Vous êtes une arme redoutable face aux Ténèbres, Niphredil. Bard semble également avoir une haute opinion de vous. Et nous sommes tous des ennemis de l'Ombre qui s'étend inexorablement sur ce monde. Cette Ombre qui a envahi Mirkwood et nous oblige, moi et mes sujets, à nous isoler dans nos cavernes."
"Je vous crois, monseigneur. Et je compatis sincèrement à votre malheur. Mais on ne peut rien y changer. J'ai essayé plusieurs fois d'invoquer mes pouvoirs, ils ne sont plus actifs. Et, sans vouloir vous offenser, je ne vois pas ce que vous pourriez faire. Vous n'êtes pas un magicien", dit la jeune fille d'une voix plus douce.
"Je ne suis pas un Istari, c'est vrai. Mais je dispose de certains pouvoirs. Ne voudriez-vous pas redevenir celle que vous étiez avant ? Vos pouvoirs ne vous manquent-ils pas ? Seriez-vous vraiment prête à embrasser une vie mortelle, sachant la douleur que votre trépas causerait à Naurendil ?"
Niphredil se crispa.
"J'en ai déjà parlé avec lui. La perte de ma magie ne change rien aux sentiments que nous éprouvons l'un pour l'autre."
Thranduil poussa un soupir.
"Vous refusez donc mon aide pour retrouver vos pouvoirs ?"
"Je refuse de vous faire perdre votre temps, monseigneur", dit Niphredil, avant de finir le fond de son verre.
Lorsqu'elle l'eut terminé, Thranduil eut un sourire malicieux.
"Je crois que tu n'as plus ton mot à dire, jeune mortelle."
"Pardon ?"
"Connais-tu la Rose Noire de Mirkwood ? C'est une variété de champignon vénéneux qui ne pousse que dans mon royaume, depuis que l'Ombre y a étendu son fléau. À haute dose et bu sans être mélangé à quoi que ce soit, c'est un poison violent et mortel. Mais si le champignon est brûlé, réduit en poudre et mélangé à une autre substance, il peut causer des dommages corporels plus bénins, comme celui de rendre sa victime stérile. C'est un produit au goût très prononcé, mais que le vin cache très bien."
Niphredil mit un moment à ingérer ce flot d'informations et ce que cela impliquait. Elle lâcha son verre qui tomba au sol en mille morceaux.
Bard regarda l'objet se briser en morceaux puis leva des yeux horrifiés vers le roi.
"Vous l'avez empoisonnée ?!" dit-il, tandis que la jeune fille posait les mains sur son ventre.
"Non. Je vous l'ai déjà dit : il n'y avait que peu de poudre dans le verre de vin que j'ai donné à cette jeune fille. Tu ne peux désormais plus avoir d'enfant, Niphredil."
"Je… vous… mais… Pourquoi ?!" cria la jeune fille, tremblante de peur et de colère.
"Pour que tu n'aies plus le choix ! Je veux tes pouvoirs, Niphredil. Je veux que tu les récupères et que tu deviennes mon bras armé face à l'Ombre", dit le roi en haussant le ton.
"Et en quoi le fait de me rendre stérile m'aidera à récupérer mes pouvoirs ? Si vous croyez que ça va me faire changer d'avis et faire de moi votre esclave, vous vous trompez ?!" cria la jeune fille.
Cette fois, Thranduil laissa exploser sa colère. Il saisit la jeune fille aux poignets. Celle-ci tenta de se dégager, mais le roi était plus fort qu'elle. Il lui tordit les bras dans le dos et la plaqua contre la colonne au centre de la tente.
"Monseigneur, non !" cria Bard.
Niphredil gémit de douleur et tenta de se dégager. Mais le roi se mit juste devant elle, ses mains l'agrippant toujours aux épaules, l'empêchant de bouger.
"Maintenant, tu vas m'écouter, petite insolente", dit le roi en se penchant vers elle. "Si tu veux revoir ton cher et tendre Naurendil un jour, tu vas faire tout ce que je te dis. Tu te tiendras à l'écart de la bataille qui se prépare, afin de rester en vie quand tout ça sera fini. Puis tu te débrouilleras pour retrouver tes pouvoirs avec l'aide de mes guérisseurs. Si tu fais bien ton travail en tant que guerrière magicienne, alors un jour, je te remettrai l'antidote et je vous laisserai vivre dans mon royaume, toi et ton amant, si tant est qu'il veuille encore de toi quand tu seras officiellement devenue l'une de mes servantes de ton plein gré. Ce qui implique que si je te dis de servir mon royaume, tu le serviras. Si je te dis de t'incliner devant moi, tu courberas l'échine comme un bon chien. Ai-je été clair ?"
Terrifiée, Niphredil ne répondit rien. Elle était trop sous le choc pour répondre. Elle ne parvenait pas à croire ce qui était en train de se passer. Elle savait que le roi était d'un naturel manipulateur, mais jamais elle n'aurait imaginé qu'il soit capable de lui faire ça. Le vin qu'elle avait bu… Un simple verre ! Et l'ultimatum que le roi était en train de lui imposer…
"Ai-je été clair ?" répéta Thranduil en serrant plus fort ses doigts autour des bras de la jeune fille.
Niphredil serra les dents pour retenir un gémissement de douleur.
"Vous êtes un monstre !" dit-elle.
Peu satisfait de cette réponse, le roi lui tordit plus fort les bras jusqu'à ce qu'elle ne puisse retenir un cri de douleur.
"Qu'as-tu dit ?" demanda Thranduil.
"… R… Rien ! D'accord… monseigneur !"
"Bien", dit le roi, avant de la relâcher et reculer.
Niphredil tomba de tout son long par terre. Effrayée, elle se recroquevilla à même le sol et serra fort ses bras contre elle sans lâcher le roi des yeux. Bard s'approcha d'elle avec inquiétude.
Thranduil prit le temps de se servir un autre verre avant de se tourner vers les deux humains. Son regard s'attarda sur la jeune fille. Tremblante, elle le regardait comme s'il allait la tuer. Même si cette victoire le satisfaisait, une part de lui, plus profonde, encore pleine de Lumière, ne put s'empêcher de regretter son geste. Lentement, avec des gestes mesurés comme pour amadouer un animal sauvage, Thranduil s'approcha d'elle. Effrayée, Niphredil le regarda s'avancer.
Il s'agenouilla et, avec l'air désolé, lui dit :
"Je sais que cela te semble cruel pour l'instant, mais il n'en est rien. Tu finiras par comprendre que j'ai fait cela dans l'intérêt de tous, y compris le tien."
Malgré la peur et le désespoir, Niphredil ne put s'empêcher d'éprouver de la haine. Cet homme n'était qu'un serpent, un ignoble monstre sournois, pire que Thorïn aveuglé par son or. Aussi, dans un sursaut de colère, elle repoussa la main apaisante que le roi tendait vers elle et se redressa.
"Vous pouvez me balancer toutes les excuses les plus sincères ou les plus beaux mensonges que vous trouverez, à mes yeux vous serez toujours un monstre. Même quand votre forêt sera nettoyée, avec ou sans mon aide, les Ténèbres seront toujours en vous et j'espère qu'elles vous mèneront à votre perte, monseigneur !"
Reprenant une expression furieuse, Thranduil la saisit par la gorge.
"On a encore sa fierté, petite peste ? Dans ce cas, je me ferai un plaisir de la briser."
Il baissa les yeux vers son pendentif. D'un coup sec, il le lui arracha.
"Car désormais, tu m'appartiens corps et âme, Niphredil. Corps et âme", dit-il avec un sourire victorieux.
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Impuissant, Bard suivit les deux gardes de Mirkwood qui traînèrent Niphredil hors de la tente. Ils la laissèrent tomber au milieu du chemin entre deux maisons en ruines, dans la neige boueuse.
Une fois les deux elfes éloignés, Bard se précipita auprès de son amie. Cette dernière, à genoux et recroquevillée sur elle-même, serrait ses bras contre elle en un geste si désespéré que cela lui brisa le cœur.
"Niphredil !" dit le Bard en courant près d'elle.
Lorsque la jeune fille leva la tête, il vit qu'elle pleurait. Comprenant qu'aucun mot ne pourrait la rassurer, Bard la serra dans ses bras. Elle pleura un moment contre lui, son corps secoué de sanglots douloureux.
Bard n'en revenait pas de ce qui s'était passé. S'il avait su, il se serait arrangé pour que Niphredil ne puisse boire son verre, même s'il avait fallu pour cela qu'il perde la sympathie du roi.
"Qu'est-ce que… je dois… faire ?" gémit Niphredil.
"Chut ! Ça va aller. On va trouver une solution, je vous le promets", dit Bard.
Niphredil voulut dire que non, il n'y avait aucune solution, excepté celle d'obéir au roi. Mais pour l'instant, tout ce qu'elle voulait, c'était pleurer.
Lorsqu'enfin, ses sanglots se furent calmés, elle se dégagea de l'étreinte de Bard. Ce dernier lui prit doucement le bras pour l'aider à se relever, quand ses sourcils se froncèrent.
"Niphredil…"
"Quoi ?" dit la jeune fille en reniflant.
"Votre bras…"
Niphredil baissa les yeux et vit que son bras était… bizarre. Il était semi-transparent et sa surface se troublait sous le contact des doigts de Bard, comme de l'eau. En fait, non, son bras était devenu de l'eau, et elle dégoulinait par terre !
Sous le choc, le batelier recula. Niphredil eut un sursaut elle aussi. Son bras redevint aussitôt normal : recouvert de peau rose et solide.
Bard leva la tête et regarda les cheveux de la jeune fille. Ils étaient blancs ! Mais le temps qu'il ouvre la bouche pour le lui dire, ils reprirent une teinte châtain foncé.
Finalement, il la prit par l'épaule et l'entraîna vers le bâtiment des guérisseurs. Là, il ordonna à l'herboriste de lui donner une couverture et de lui servir une tisane d'herbes apaisantes.
"Je vais dire à mes enfants de rester avec vous. Je reviendrai plus tard. Je dois y retourner", dit Bard.
Niphredil acquiesça machinalement. Elle fixait toujours le vide. Les paroles du roi résonnaient en boucle dans sa tête.
Tu m'appartiens corps et âme, Niphredil. Corps et âme…
