Cela faisait plusieurs minutes que Lily contemplait son reflet et le choc du départ avait laissé place à un profond sentiment d'euphorie. La transformation avait marché. La potion qu'elle avait prise, la "Mutare Sexum", était un dérivé du polynectar. Particulièrement complexe à réaliser, elle permettait de se transformer en sa version du sexe opposé. Bien sûr, comme toutes les potions permettant de changer son apparence, elle était interdite au grand public et strictement contrôlée chez les Aurors. Maintenant Lily comprenait pourquoi, le résultat était tout bonnement sidérant.

"T'as complètement perdu les pédales ma pauvre fille…"

Elle avait murmuré cette phrase tout en reculant lentement pour s'observer dans le miroir. Ses yeux détaillèrent de nouveau son visage anguleux, son torse fin et ses abdos bien dessinés avant de s'écarquiller à la vue de la chose qui pendait entre ses cuisses.

Mon Dieu. Elle avait un pénis.

Les joues de Lily prirent feu. Certes, c'était une femme mariée et le sexe masculin ne lui était pas inconnu. Mais, entre voir un pénis et en avoir un, il y avait tout un monde !

Dans un geste de pudeur qu'elle jugea elle-même stupide, elle se saisit de sa serviette pour la nouer autour de ses hanches. Il ne lui fallait pas trop de distractions à la fois ! Ce qu'elle était en train de vivre était déjà assez perturbant comme ça !

Encore troublée, elle quitta la salle de bain pour retourner dans sa chambre. Il fallait qu'elle se calme. Oui, d'abord, elle devait se remettre de ses émotions et ensuite… Ensuite quoi ? Qu'était-elle censée faire exactement ? Pourquoi est-ce qu'elle faisait ça ? Se présenter devant Sirius en garçon pour que ce denier lui mette le râteau de sa vie et qu'elle comprenne enfin que, même si elle avait été un homme, leur histoire n'aurait jamais été possible ? C'était bien ça le plan foireux qui avait germé dans son esprit lors du banquet, décidément beaucoup trop alcoolisé, des Aurores ? Se faire briser le cœur une bonne fois pour toutes pour qu'elle puisse enfin reprendre le contrôle de sa vie ? Quel plan stupide… Même si elle avait franchi la première étape en se procurant cette potion, elle savait qu'elle n'oserait jamais le poursuivre. Comment oserait-elle se présenter devant Sirius déguisée de la sorte ? Et James, son pauvre James, comment pourrait-elle lui faire une chose pareille ? Même si elle faisait ça avant tout pour sauver son mariage… Décidément, la situation dans laquelle elle se trouvait commençait à lui faire perdre la tête. Elle devenait démente.

Toute la joie qu'elle avait ressentie devant le miroir retomba comme un soufflet et Lily s'effondra dans son lit, fixant le plafond d'un air abruti pendant ce qui lui sembla être une éternité. Combien de temps allait-elle devoir attendre avant de retrouver son corps ? Archie lui avait bien expliqué que, comme avec le polynectar, la transformation causée par le mutare sexum n'était que temporaire. Le mieux était d'éviter les efforts physiques et de rester à jeun pour prolonger la durée des effets.

Mieux valait faire l'inverse. Bouger dans tous les sens, aller se goinfrer dans la cuisine. Retrouver sa vraie apparence le plus vite possible puis jeter cette maudite potion dans une poubelle et ne plus jamais y penser de sa vie.

Elle pensa se rendre à la cuisine, mais se souvint que Sirius n'avait toujours pas fait les courses. Comme d'habitude, quand c'était son tour, il faisait trainer les choses jusqu'au dernier moment et attendait que les placards se vident. À part un vieux paquet de biscuit à l'orange dont le carton avaient commencé à moisir à cause de l'humidité, elle n'avait rien trouvé pour son petit déjeuner. De toute façon, ce n'était pas non plus comme si elle avait envie de passer du temps dans le sous-sol. Entre l'obscurité et les murs en pierre brut qui rendaient de l'eau en continu, elle avait l'impression de pénétrer dans un donjon chaque fois qu'elle s'y rendait.

Tant pis. Elle n'aurait qu'à manger dehors. Ça ne lui prendrait pas longtemps. Il y avait un snack-bar au coin de la rue. Du moins, elle espérait qu'il y était toujours. À part pour aller faire les courses, elle n'avait plus mis le pied dehors depuis des lustres…

Ceci dit, elle ne pouvait pas aller dehors en peignoir. C'était un coup à se faire coffrer pour exhibition en public…

Pas le choix, il lui fallait s'habiller.

Décidée, elle ouvrit le placard de son mari en quête d'une nouvelle tenue. Sa recherche fut malheureusement vaine. Elle devait faire au moins une bonne tête de plus que James, sans parler de sa carrure, et tous ses habits se révélèrent trop courts : les manches de ses chemises ne lui arrivaient qu'au trois-quart des bras et ses pantalons faisaient plutôt office de pantacourts. À part les chaussettes et le caleçon, rien n'allait. Sirius aussi était plus petit qu'elle maintenant... Le seul qui faisait sa taille dans la maison était…

Mince…

"Remus…"

Est-ce qu'il lui en voudrait si elle lui empruntait une chemise et un pantalon avant de quitter la maison ? Oui. Bien sûr qu'il lui en voudrait. Elle était si désespérément amoureuse de son amant qu'elle avait été prête à se changer en homme dans l'espoir de se faire jeter. Même si ça partait d'un bon sentiment, cela restait ignoble et Remus chercherait probablement à l'étrangler s'il l'apprenait.

Mais bon, il ne le saurait jamais, de toute façon. Non ?

Après avoir rangé les vêtements de son mari, Lily monta le vieil escalier de bois en direction du troisième étage. Arrivée devant la chambre de Sirius et Remus, elle hésita brièvement avant d'abaisser la poignée. Ce n'était pas la première fois qu'elle entrait dans cette pièce, mais le fait de pénétrer dans l'intimité de Sirius la rendait toujours un peu nerveuse. Lentement, elle poussa la porte avant de se faufiler par l'embrasure.

Éclairée à la fois par une large fenêtre et un immense lustre en argent massif, la chambre de Sirius était l'une des pièces les plus lumineuses de la maison. Un lit en bois sculpté de motifs floraux occupait le mur droit. Deux armoires et un bureau, celui de gauche. Le papier peint glauque qui couvrait les murs avait été camouflé à l'aide de posters et de photos. La plupart étaient des vestiges de l'adolescence de Sirius et représentaient des motos moldues ou les années lycées des Maraudeurs. Les plus récentes montraient Sirius avec Remus ou James. Lily ne figurait que sur une seule d'entre elles.

C'était la photo de son mariage, bien évidemment. Sirius posait entre James et elle, les enlaçant tous les deux par la taille alors qu'il souriait de toutes ses dents à l'objectif. James lui tapotait gaiement l'épaule et Lily les regardait d'un air amusé avant de subitement détourner le regard pour fixer ses pieds.

Si seulement Sirius savait à quel point elle avait voulu pleurer à cet instant…

Le cœur lourd, Lily préféra se concentrer sur l'armoire de Remus. Le choix était relativement restreint par rapport à James. Remus n'avait jamais été du genre coquet, au grand dam de Sirius qui lui répétait souvent qu'il s'habillait comme un sac à patates. Sa garde-robe n'était constituée que vieux costumes en tweed, usés par le temps. Lily s'empara d'une chemise blanche et un pantalon noir qu'elle se dépêcha d'enfiler. Le résultat fut beaucoup plus concluant. La chemise bâillait un peu, mais une fois rentrée dans son pantalon, elle mettait sa taille fine en valeur et lui couvrait les bras jusqu'aux poignets. Le pantalon lui descendait jusqu'aux chevilles et soulignait la finesse de ses jambes. Habillée comme ça, elle ressemblait à un jeune dandy. Ça la changeait un peu de son style habituel. À part des robes qui flottaient tant elles lui allaient large et des vieux vêtements datant d'avant la Guerre, elle ne possédait, elle aussi, pas grand-chose dans son placard. En fait, c'était la première fois depuis des années qu'elle s'observait après avoir mis une nouvelle tenue. Le reste du temps, elle fuyait son propre reflet.

Aujourd'hui, cependant, n'était pas un jour comme les autres. Même si cette potion était une connerie monumentale, elle appréciait ce qu'elle voyait. Curieusement, ça lui donnait même encore plus envie de quitter cette maison.

Ignorant les cris de Walburga, Lily vola une paire de chaussures et un manteau dans le hall, appartenant eux aussi à Remus, puis sortit enfin dans la rue. Le soleil de septembre éclairait les pavés d'une lumière froide. Le vent s'était levé et faisait s'agiter les branches, arrachant par poignées les feuilles jaunies pour les déposer sur les trottoirs. C'était bientôt l'automne, la saison préférée de Lily.

La jeune femme prit plaisir à marcher dans la rue et toiser les passants. C'était marrant d'être aussi grande. Le monde semblait beaucoup plus petit. Le trottoir à des années lumières de son menton. Elle pouvait voir le haut du crâne des jeunes filles et, quand elle marchait d'un pas décidé, les gens s'écartaient pour la laisser passer alors que d'ordinaire, elle se faisait bousculer de tous les côtés. Hormis la perte de 40 précieux gallions, elle pouvait retenir de ce coup de folie qu'elle aimait bien être perchée sur des échasses. Elle ne pouvait s'empêcher de rire en regardant ses jambes de héron s'agiter à chacun de ses pas.

Un groupe de lycéennes attendit avec elle au passage clouté et lui jetèrent quelques regards en coin. Quand Lily y répondit par un sourire, elles gloussèrent, les joues rosies, avant de s'éloigner. Lily se sentit profondément flattée. Visiblement, elle n'était pas la seule à apprécier son nouveau corps. C'était peut-être complètement futile, mais ça la rendait heureuse. À tel point qu'une fois son sandwich à la main, elle ne put s'empêcher de continuer de déambuler dans les rues, observant les devantures des boutiques en mâchonnant distraitement son déjeuner.

L'une d'entre elles, située à l'angle d'une grande avenue, attira finalement son attention. La vitrine présentait toute une série d'élégants costumes, ainsi que des tenues masculines plus casuelles et Lily ne put s'empêcher de les comparer avec ce qu'elle portait. Il n'y avait pas à dire, les vêtements de Remus lui donnaient vraiment l'impression de vivre au siècle dernier !

"Bien le bonjour. Si vous cherchez un costume, j'ai exactement ce qu'il vous faut."

La voix soudaine, beaucoup trop proche de l'oreille de Lily, la fit sursauter violemment, et elle manqua de peu de laisser tomber son sandwich. Fourrant la main dans sa poche pour se saisir de sa baguette, elle se retourna vers l'inconnu, prête à en découdre.

En face d'elle se tenait un jeune homme élégamment vêtu, semblant tout droit sorti d'un magazine de mode. Si elle ressemblait à un dandy, lui paraissait être un véritable Don Juan avec ses grands yeux verts et ses longs cheveux bruns noués en catogan.

"Eh bien ?" demanda le jeune homme d'une voix suave en reluquant Lily de haut en bas, "Je vous ai fait peur ? Sympa votre style. Très "vintage". Très "Mister Darcy", mais, je pense que ce serait pas mal de tout remettre au goût du jour, qu'est-ce que vous en dites ? Venez faire un tour dans ma boutique. Je suis sûr que j'ai la tenue parfaite pour vous."

Déboussolée, Lily ne sut pas vraiment quoi répondre.

"C'est-à-dire que je ne comptais pas vraiment acheter quelque chose aujourd'hui… Je ne suis pas très à l'aise financièrement en ce moment…"

"Vous n'êtes pas obligé d'acheter !", se dépêcha de répliquer le jeune vendeur, "Vous pouvez juste essayer ! Ça ne fait jamais de mal d'essayer des nouvelles choses de temps en temps ! Allez, venez. Entrez donc, venez !"

Il s'empressa de lui prendre le bras et Lily eut l'impression de se faire kidnapper. Un son de cloche, une porte qui claque, et voilà qu'ils étaient tous les deux rentrés dans la boutique. Bon, elle devait bien avouer que l'intérieur était des plus plaisants. Petit, mais cossu, avec un superbe collection de vêtements.

"Plutôt carreaux ou uni ?", lui demanda le vendeur qui s'était déjà rué sur ses smokings.

"Heu… Je ne suis pas intéressée par des costumes", lui répondit distraitement Lily, trop occupée à observer un beau pull en cachemire sur l'une des étagères.

Pour toute réponse, la jeune homme sortit la tête du rayon où il s'était engouffré en fronçant les sourcils.

"Ah. Je pensais qu'au vu de votre style, c'était ce qui vous conviendrait le mieux. Mais soit, nous pouvons toujours vous faire essayer des vêtements de tous les jours. Ça vous ira très bien aussi… Bon. Fixons-nous un but. Pour quoi nous habillons-nous ? Le travail ? Une sortie, un restaurant ? Un rencard peut-être ?", ajouta-t-il avec un petit sourire, "Vous avez quelqu'un dans votre vie ? Vous m'avez l'air d'un romantique. Il y a-t-il une femme qui vous intéresse ? Ou, peut-être, un homme ?"

Lily put sentir tout l'espoir qu'il avait mis dans cette dernière question et ses joues empourprées répondirent pour elle. L'autre homme en parut ravi.

"Ah ! Nous jouons donc dans la même équipe ! Heureux de l'apprendre ! Et, c'est une relation sérieuse ou…?"

Il avait dit ça en observant Lily du coin de l'œil, accoudé contre l'un des présentoirs.

La jeune femme sentit un besoin urgent de lui faire comprendre qu'elle était déjà prise. "Oui. Depuis longtemps. C'est une relation sérieuse."

Elle était dans une relation sérieuse, oui. Une relation sérieuse qui la noyait chaque jour dans un tourment sans fin, mais une relation sérieuse quand même.

Le pauvre vendeur eut du mal à cacher sa mine dépitée à l'entente de la nouvelle. "Quel dommage. Enfin, tant mieux pour vous… Dans ce cas, laissez-moi vous habiller pour lui plaire. Je vous promets que je vais vous composer une tenue à lui faire tourner la tête ! Foi de Léonardo Adoni !", il fit un clin d'œil à Lily avant de reprendre, "C'est mon nom. Mais vous pouvez m'appeler tout simplement Léo. Et vous ? Comment vous appelez-vous ?"

La question laissa Lily interdite. Mince, elle n'avait même pas réfléchi à un nom. Que pouvait-elle bien dire ?

Ne voulant pas laisser de blanc, elle se dépêcha d'ouvrir la bouche et balança le premier nom masculin qui lui vint à l'esprit : "Ethan ! Smith. Ethan Smith !"

Pour toute réponse, Leonardo lui offrit une poignée de main virile qui ravie la rouquine.

"Enchanté, Ethan. Allez maintenant, laissez-moi faire, j'ai une idée. Vous serez superbe !"

Léonardo n'avait pas menti. Il avait soigneusement fait tout le tour du magasin pour concocter à Lily une tenue à tomber par terre. Il avait opté pour un élégant perfecto noir, et une chemise en coton blanche que venait compléter un pantalon fuseau en laine sombre et des bottines en cuir. Un châle vert venait apporter une touche de couleur à l'ensemble et mettre en valeur ses yeux et ses cheveux roux. Tournant autour d'elle, Leonardo sifflait, admiratif.

"Et bien. Si avec ça il ne veut pas vous sauter dessus !"

La remarque tira à Lily un sourire pincé. Aussi beaux qu'étaient les vêtements, c'étaient surtout à Sirius qu'ils auraient plu. Pas à James. Son mari avait toujours été un romantique, amoureux des robes d'été de Lily. Les bottes en cuir et les blousons, c'était la came de son meilleur ami. Combien de fois est-ce qu'il avait tenté de convaincre Remus de changer un peu de style, le poursuivant dans la maison en brandissant de nouvelles fringues qu'il avait achetées juste pour lui. Le loup-garou avait toujours refusé, arguant qu'il se sentait mieux dans ses vieilles fringues. Si Sirius avait vu Remus habillé ainsi, il lui aurait probablement sauté dessus…

Cette simple idée lui donna envie de pleurer et elle s'efforça de se redresser, ravalant sa douleur.

"C'est en effet magnifique, merci."

"Si je vous faisais 10% de remise, ça ne vous reviendrait qu'à 370 livres. Pas mal pour une tenue complète."

Cette fois-ci, Lily se mit à rire. Décidément, le vendeur ne démordait pas de son idée de départ.

"Encore une fois, je n'ai pas les moyens. Peut-être un autre jour…"

Léonardo posa ses mains sur ses hanches avant de lentement secouer la tête, presque endeuillé à l'idée que Lily ne remette son vieux costume trop grand pour elle.

"Ah la la… Quel dommage… Bon, au moins, on aura passé un bon moment…"

"Oui", affirma Lily, "Je me suis bien amusée grâce à vous. Merci beaucoup."

Elle était retournée dans la cabine d'essayage et s'était assise sur le tabouret pour ôter l'une des bottines quand la tête du vendeur traversa le rideau.

"Et si je vous fais 15% ? 20%, même. En échange, vous me faites de la pub ! Je suis désolé, mais ce serait criminel de vous laisser partir avec vos anciens habits alors que… "

Il s'arrêta en plein milieu de sa phrase pour dévisager Lily d'un regard incrédule avant de carrément entrer dans la cabine pour se pencher vers elle.

"Heu, quelque chose ne va pas ?", demanda Lily, soudainement mal à l'aise.

Leonardo cligna des yeux, toujours aussi ébahi, avant de répondre d'une voix incertaine : "Hé bien… Je… Vous allez me prendre pour un fou… Mais j'ai l'impression qu'entre votre arrivée dans mon magasin et maintenant vos cheveux ont poussé… D'ailleurs, je jurerai que maintenant, je peux les voir pousser à vue d'œil… "

Sa déclaration eut l'effet d'une bombe. Lily précipita ses mains dans sa tignasse et constata avec terreur que sa chevelure lui tombait maintenant sur le haut des joues. Merde. Comme la transformation avait été douloureuse, elle s'était imaginée que son retour à la normale le serait aussi. Visiblement, les effets prenaient fin d'une manière beaucoup plus vicieuse.

Elle tâta désespérément ses poches à la recherche de la potion et dû bientôt se rendre à l'évidence : elle n'avait jamais pris la fiole avec elle. Le flacon était resté sur le lavabo de la salle de bain.

Oh putain, quelle conne…

Il y eut un craquement sinistre et Lily fut cette fois envahie par une violente douleur. Son nez avait d'un seul coup rapetissé. Par réflexe, elle plaqua une main sur son visage avant d'enfiler dans la précipitation le mocassin de Remus sur son pied encore déchaussé.

"Mon Dieu, vous allez bien ?", s'écria Léonardo, cette fois-ci blanc comme un linge, "Qu'est-ce qui est arrivé à votre nez ?"

"Rien, rien !", s'empressa de répondre Lily, complètement paniquée elle aussi. Mince, elle devait partir d'ici en vitesse avant que la situation ne dégénère !

Elle se leva d'un bond, fourrant la bottine et le deuxième mocassin dans la boite à chaussure avant d'arracher à la chaise son grand manteau. Tant pis pour le reste ! Ses doigts commençaient déjà à rapetisser et sa poitrine lui brûlait.

Courant comme une dératée jusqu'à la caisse, elle ouvrit précipitamment son portefeuille pour déposer sur le comptoir tout l'argent moldu qu'elle possédait. Ses économies personnelles. Elle avait bien fait de ne pas les convertir.

"J'espère que ça suffira ! S'il y a plus, gardez la monnaie ! Désolée !"

Leonardo lui proposa d'appeler une ambulance, mais Lily ne répondit pas et se précipita vers la sortie.

Le trajet du retour fut un cauchemar. La douleur de la transformation faisait pousser à Lily des plaintes stridentes et elle dut mettre son manteau sur sa tête pour cacher son visage. Serrant ses sacs contre sa poitrine, elle courut en bousculant tout le monde sur son passage. Chaque pas lui faisait perdre des centimètres. Elle sentait son corps fondre sous les habits et le manteau flottait maintenant sur ses épaules, ne cessant de s'empêtrer dans ses jambes. Au détour d'une rue, son pied, devenu trop fin, remonta dans le vieux mocassin pour le catapulter en plein milieu de la route. Lily pesta et tenta de traverser la chaussée, mais le flux de voitures la força à rester sur le trottoir.

"Merde, merde, merde !" s'écria Lily.

"Vous allez bien ?"

Un homme âgé avait posé sa main sur son épaule et Lily put voir à travers les plis du manteau qu'un petit groupe de passants s'était amassé autour d'elle. Ah, elle devait avoir l'air fine comme ça, avec son manteau sur la tête et ses fringues devenues bien trop grandes pour elle. Lily voulut répondre, mais une soudaine douleur au ventre la condamna au silence. A la place, elle ôta sa bottine avec rage avant de continuer sa fuite, fracassant ses sacs contre la foule.

Ce fut en chaussettes et en sueur qu'elle arriva au 12, Square Grimmaurd. La porte à peine claquée, elle s'effondra dans le hall, sa tête atterrissant dans une rangée de chaussures. De violents spasmes agitèrent son corps et elle grogna de douleur. Combien de temps s'était-il écoulé depuis la prise de la potion ? Un peu plus de trois heures ? Pour une seule gorgée ? Archie s'était bien foutu d'elle. Une semaine pour 30 cl, tu parles, cette potion était de la camelote.

"Qui est là ?", cria Walburga derrière son rideau, "Qui ose s'aventurer dans la demeure des Black ? C'est vous, sale sang-de-bourbe ? Je vous ai entendu sortir tout à l'heure ! Qu'étiez-vous allée faire dehors ? Encore des âneries, je suppose !"

La tête appuyée contre une des bottes crottées de Sirius, Lily grimaça de dépit avant de fermer les yeux.

Plus jamais elle n'utiliserait cette maudite potion.

On ne l'y reprendrait plus.